Ce 2 juillet 2017, la France augmente encore un peu plus son kilométrage de ligne parcourable à grande vitesse. Deux lignes aboutissant à la façade atlantique sont inaugurées, remettant l’Ouest de l’Hexagone sur le même pied que d’autres régions de France.
Revenons rapidement à l’histoire : en septembre 1981, à l’inauguration partielle de la LGV Paris-Lyon, le président François Mitterrand, dans son allocution, « demande à la SNCF de préparer le TGV Atlantique ». Un an plus tard, débutait le dossier de ce qui s’appelle la LN2, la LGV Atlantique. Elle est effectivement construite puis inaugurée le 30 septembre 1990. Avec un détail important : cette LGV contourne Tours puis s’arrête. Une autre branche atteint Le Mans, et on n’ira pas plus loin. Pendant 27 ans, bretons, vendéens et aquitains devront se contenter d’une petite heure à pleine vitesse, le restant du trajet se faisant par lignes classiques.
Durant tout ce temps, les priorités de la SNCF semblent ailleurs : on trace au nord, puis sur la Méditerranée, puis à l’Est, avec même un barreau Alsace-Bourgogne. L’Ouest se contente d’un TGV davantage à petite vitesse, même si des profils en ligne favorables permirent la pratique partielle des 220km/h sur certains tronçons de lignes classiques. Maigre consolation où l’espoir ressurgit au milieu des années 90 avec la relance des débats préalables de la poursuite de la LGV bretonne, dont la DUP sera approuvée par le gouvernement en 2007. Un scénario identique se dessine pour Tours-Bordeaux, avec des premières consultations dès l’automne 1998 et une DUP délivrée en juin 2009. Cette fois, la façade atlantique pouvait réellement espérer.

Deux lignes concédées
La grande différence avec toutes les LGV précédentes est que les deux lignes sont ici « concédées » à un opérateur qui devra en assurer la maintenance. Le gagnant ? En réalité il y en a deux :
- Eiffage Rail Express (ERE), assure la conception, la construction, le financement et la maintenance de la LGV Bretagne/Pays de la Loire, ainsi que la Virgule de Sablé-sur-Sarthe, pour une durée de 25 ans à compter du 3 août 2011.
- Lisea, obtient la concession de la Ligne à Grande Vitesse Sud Europe Atlantique entre Tours et Bordeaux (LGV SEA) de 2011 jusqu’en 2061. LISEA a financé en fonds privés plus de 50 % de cette nouvelle infrastructure. Elle est en conséquence garante de la maîtrise des coûts de construction de ces 340 km de ligne nouvelle. Ses actionnaires comprennent Vinci (33,4 %), l’inévitable Caisse des Dépôts (25,4 %) ainsi que les fonds d’investissement Meridiam (22 %) et Ardian (19,2 %).
Ces montages avaient été décidé vers 2007 pour ne pas gonfler davantage la dette colossale de RFF, Réseau Ferré de France disparu et rebaptisé SNCF Réseau au sein du groupe public. C’est un pari très risqué qui peut fonctionner quand les trafics sont suffisants. Mais ces deux nouvelles LGV arrivent hélas dans une séquence agitée de l’histoire. D’une part une crise financière qui s’éternise depuis 2008, et d’autre part, une remise en cause du « business TGV » par une stagnation des recettes et du nombre de voyageurs. Le tout sur fond de changement des paramètres sociétaux et de nouvelles modes de déplacement (bus, covoiturage, affaiblissement chez certains de l’impératif de la vitesse). Quoiqu’il en soit, les essais entamés dès 2016 ont néanmoins permis une inauguration dans les délais impartis : 2 juillet 2017.
Le retour du match train / avion
Sur la Bretagne, l’aviation est déjà en retrait vu la proximité avec Paris (moins de 500 km pour les grandes villes). C’est plutôt du côté de la nouvelle Aquitaine que le match pourrait être serré. Avec un temps de trajet ramené de 3 h 14 à 2 h 04 sur Paris-Bordeaux, le TGV revient au seuil des 2 heures en dessous duquel l’avion n’a plus d’utilité. Si les vols sont courts, les temps d’embarquement s’allongent du fait des mesures de sécurité renforcées suite aux attentats. Tout cela fait qu’un Orly-Bordeaux tout compris peut atteindre les deux heures de temps de trajet, mais cela dépend évidemment d’où on vient en Île de France. Selon Les Echos, les dirigeants de la SNCF espèrent conquérir 2,4 millions de passagers supplémentaires sur un trafic Paris-Bordeaux qui tourne actuellement autour des 16 millions de voyageurs annuels, soit plus de huit fois le trafic d’Air France et Hop réunis.
On rebaptise le TGV !
Pour relancer une machine que l’on dit enrhumée, la SNCF a décidé de dédier un nouveau branding au parc TGV : L’Océane, tant sur Bordeaux que sur la Bretagne. Il s’agit des Euroduplex de la série 800. Depuis fin décembre 2016, sur la ligne Paris-Bordeaux-Toulouse, quatre rames furent mises en circulation suivies de 17 autres au lancement de la ligne à grande vitesse Sud Europe Atlantique, l’objectif étant d’atteindre 40 rames à fin 2019. Ce nouveau TGV transporte 10 % de voyageurs en plus par rapport au matériel précédent, soit en total de 556 places. La SNCF fait grand cas d’une nouvelle ergonomie des sièges de première, adaptée aux évolutions de tailles des voyageurs et aux activités les plus courantes à bord. Le repos est facilité grâce à une inclinaison plus importante par rapport à l’ancien modèle (+ 10°).
Le siège a également été repensé pour les voyageurs qui souhaitent profiter de leur temps de voyage pour travailler : grande tablette escamotable pour poser un ordinateur et le recharger grâce aux prises électriques et USB individuelles, mini tablette pour connecter son smartphone, des liseuses individuelles à l’éclairage indirect avec intensité réglable. En voiture 2e classe, le voyageur bénéficie de quelques fonctionnalités, comme des prises USB individuelles et des prises électriques pour deux voyageurs. Ce nouvel environnement facilite notamment l’utilisation des smartphones ou autre support média.

Bordeaux St Jean reliftée
C’est bien connu : l’arrivée du TGV en France s’accompagne d’une soudaine modernisation de la gare d’accueil, pour marquer le coup. La gare de Bordeaux Saint Jean a donc connu 14 chantiers programmés entre 2014 et 2017. Ce programme consistait à faire de la gare un lieu de vie et de services à l’échelle d’un quartier en transformation dans le cadre du projet d’aménagement urbain appelé Bordeaux-Euratlantique. Depuis juin, on peut découvrir la nouvelle marquise de la gare, entièrement restaurée. Des travaux de plus de 2 ans qui ont consisté en une couverture de 11 000m2 de zinc, 33 000m2 de charpente métallique repeinte avec 25 000 litres de peinture et près de 200 tonnes de bois posés.
La nouvelle desserte
Le bouleversement concernant la Bretagne mettra Rennes, actuellement à 2h04 de Paris, à 1h25 avec les trains les plus rapides, soit un gain compris entre 32 et 39 minutes. Brest gagne carrément une heure et sera elle, à 3h25 de Paris avec les trains les plus rapides, tandis que Quimper gagne un bon trois quarts d’heure et passera de 4h16 à 3h31. Au total, le nombre d’allers-retours Paris Montparnasse-Rennes sera de 29,5 par jour, dont 12,5 directs pour Rennes, 6,5 avec un arrêt (au Mans) et 10,5 avec deux arrêts.
Côté aquitain, on passe à un Paris-Bordeaux en 2h04, contre 3h14 actuellement, et Paris-Toulouse en 4h09 au lieu des 5h25 actuelles, tout cela entraînant la modification de 2 500 horaires quotidiens. Un premier train le matin permettra aux Bordelais d’arriver à Paris peu après 8h et aux Parisiens d’arriver à Bordeaux avant 9h. Un dernier train le soir permettra de partir vers 21h pour rentrer sur Bordeaux ou sur Paris. Il est prévu une desserte sans arrêt entre Bordeaux et Paris, cadencée à l’heure et à la demi-heure en pointe vers Paris le matin et vers Bordeaux le soir avec 18,5 Allers-Retours sans arrêt par jour en semaine hors été. Cette desserte est complétée par des dessertes rapides à 1 ou 2 arrêts et des dessertes assurant aussi la desserte des villes intermédiaires, telles que Saint Pierre des Corps, Poitiers, Angoulême ou Libourne. Bordeaux bénéficiera donc de 33,5 Allers-Retours par jour (dont 18,5 sans arrêt) avec Paris.
On remarque de curieux déséquilibres selon le sens de trafic. Ainsi Poitiers aura 14 TGV depuis Paris mais seulement 12 vers la capitale. C’est encore plus marquant à Angoulême avec 7 TGV en provenance de Paris mais… 10 de retour vers la capitale. Les temps de parcours s’améliorent évidemment pour l’ensemble de la Nouvelle Aquitaine et jusqu’à Toulouse, dont les TGV poursuivent le trajet sur la ligne classique via Agen.
Au final
L’objectif de la SNCF d’augmenter d’au moins 1,5 million le nombre de voyageurs sur le versant breton, qui compte actuellement 20 millions de voyages annuels. Côté Nouvelle Aquitaine, l’objectif est de capter 2,4 millions de passagers supplémentaires sur un trafic Paris-Bordeaux qui tourne actuellement autour des 16 millions de voyageurs annuels. Soit un gain de 4 millions de voyageurs annuels espérés au départ de Paris-Montparnasse. Bon vent à l’Océane !