Un Grand Paris pour 2030 ?

Le projet du Grand Paris, dont les travaux ont débuté en 2015, devraient permettre de connecter les banlieues franciliennes en 2030. Le gouvernement d’Edouard Philippe vient d’en donner un nouveau calendrier.

Rappelons que le Grand Paris Express est un projet de réseau de transport public composé de quatre lignes de métro automatique autour de Paris, et de l’extension de deux lignes existantes. Il s’agit dans le détail de 200 km de lignes automatiques, soit autant que le métro actuel, et de 68 gares et sept centres techniques, ce qui en fait le plus grand projet urbain en Europe ! C’est la Société du Grand Paris (SGP), un EPIC régi par le décret 2010-756 du 7 juillet 2010, qui est chargée de concevoir et réaliser le Réseau de transport public du Grand Paris et de conduire les opérations d’aménagement ou de construction liées au projet, ainsi que de porter son financement et d’organiser les relations entre la SGP et les autres acteurs transports (Île-de-France Mobilités, RATP, SNCF, élus, etc.).

Historique !

A tout point de vue. La dernière grande aventure des transports publics, en mode maxi, c’était 1965 avec le lancement du Réseau Express Régional, le RER A, puis plus tard, le RER B puis C, D, E, soit cinq lignes qui traversent de part en part le sous-sol parisien. La gestion est partagée entre RATP et SNCF. Plus « récemment », la dernière ligne de métro remonte à 1989, avec la ligne 14, tronçon intra-muros d’un projet plus ambitieux, METEOR. Malgré cet important dispositif, rejoindre la banlieue… à la banlieue reste un vœux pieu. Ce ne sont pas les braves trams du réseau Transilien qui pouvaient tenir à eux seuls ce rôle. Avec dix lignes distinctes, chacune leur l’histoire particulière et des matériels différents, quelques-unes furent construites sur des lignes ferroviaires anciennement sous-exploitées. Elles ont un caractère plutôt local, même si le T1 cumule près de 23 kilomètres. Il fallait donc faire mieux dans une banlieue devenue gigantesque.

Il existait des SDRIF (schéma directeur de la région d’Île-de-France) depuis 1965, lesquels étaient révisés régulièrement pour adaptations aux évolutions des besoins… et de la politique française ! Mais ce qui mine Paris depuis toujours, c’est la dispute permanente entre les deux sœurs ennemies RATP et SNCF, chacune voulant revendiquer le leadership du transport public francilien. Depuis la réforme de 1995, la gestion du SDRIF a été transféré à la Région d’Île-de-France qui en prend la responsabilité. Cela va créer des relations assez tendues entre la Région et l’État.

Le Grand Paris en quelques dates

Le nouvel exécutif sous Nicolas Sarkozy voulut d’ailleurs en finir avec les SDRIF, et montra une volonté d’orchestrer le développement économique de la « région capitale », projet type que connaissent beaucoup de pays. Ainsi nacquît le projet du Grand Paris, piloté par le gouvernement de l’époque en lui dotant, dès 2008, d’un secrétariat d’Etat confié à Christian Blanc. En parallèle au Grand Paris, différents projets furent également lancés, comme la création d’un pôle d’innovation technologique sur le plateau de Saclay, la création de structures publiques pour accompagner le développement de la région ou encore un grand projet d’urbanisme.

Le projet « Transports » est initié dès 2010 et prévoyait que la maîtrise d’ouvrage du nouveau réseau de transport francilien soit assurée par un seul opérateur dédié. En 2011, l’État et la région Ile-de-France approuvèrent un plan « Arc Express » sur les transports. Ce projet était le fruit de la fusion de deux projets concurrents, Métro Grand Paris et Arc Express, fusion entamée dès 2007 par Christian Blanc et Jean-Paul Huchon. Élément majeur du projet, ce plan consiste en la réalisation de quatre lignes de métro automatique en rocade autour de Paris et entend relier les banlieues entre elles sans passer par la capitale, tout en bénéficiant de 32,4 milliards d’euros jusqu’en 2025. Ce projet devînt petit à petit celui qui s’appellera Grand Paris Express. Il marque surtout un semblant de réconciliation entre l’État et la Région Île de France mais un contentieux persiste sur l’éventuelle intégration de la desserte du Plateau de Saclay et son pôle scientifique et technologique. Le 26 mai 2011, la Société du Grand Paris présente le « schéma d’ensemble » du futur réseau de transport automatique. Le projet prévoit 57 gares, sur 160 kilomètres et transportera deux millions de voyageurs par jour; il coûtera au moins 20,5 milliards d’euros et sa mise en service s’effectuera par phases entre 2017 et 2025.

Mais déjà s’esquissent des difficultés quant au partage de la maîtrise d’ouvrage des projets entre la Société du Grand Paris (SGP, chargée par l’Etat de réaliser des métros automatiques) et le Stif (le Syndicat des transports d’Ile-de-France dirigé par le PS Jean-Paul Huchon).

En mars 2013, le premier ministre Jean-Marc Ayrault (PS) présente son arbitrage sur ce projet de lignes de métro multiples autour de la capitale : tout le monde semble servi. Il est décidé de « ne faire aucune distinction » entre le plan de mobilisation de la région – destiné à remettre à niveau le réseau des RER et à créer et prolonger des lignes de tramway -, et le Grand Paris Express lancé par l’Etat du temps de Nicolas Sarkozy. Les deux ensembles forment désormais « un plan unique et cohérent de modernisation et de développement du réseau ». Prévues en 2008 à 20 milliards d’euros, puis à 30 milliards fin 2012 dans le rapport Auzannet, les quatre lignes du Grand Paris Express reviennent désormais à 26,5 milliards d’euros, le tout pour la Société du Grand Paris (SGP) qui endosse un rôle de maître d’ouvrage. Les enquêtes publiques qui précèdent les travaux sont lancées.

En 2015, toujours sous Hollande, les premiers travaux démarrent et les esquisses des futures gares se dessinent. En 2017, l’optimisme s’estompe quelque peu, sans arrêter les travaux : le Grand Paris Express pourrait, au rythme actuel des dépenses, coûter 35 milliards d’euros.

La France change de président et entre dans l’ère Macron. En janvier 2018, la Cour des comptes, encore elle, dénonce dans un rapport sévère, une « trajectoire financière non maîtrisée », des frais financiers quadruplés par rapport aux estimations initiales et le risque de voir la SGP entrer « dans un système de dette perpétuelle ». Voilà qui rappelle l’actuel autre dossier chaud qu’est la SNCF…

Le tunnelier Steffie à Champigny

Ce 22 février 2018, le gouvernement d’Edouard Philippe tranchait et rendait public, avec Elisabeth Borne, le choix pour le calendrier du Grand Paris Express. Les quatre lignes restent confirmées mais avec de sérieux décalages dans le temps pour certaines lignes. Mais ce sont surtout, dit-on du côté de Matignon, des contraintes techniques qui sont en jeu. La réalisation du Grand Paris Express multiplierait par quatre le volume des travaux en Ile-de-France, ce qui mobilise une grande partie des ressources disponibles sur le marché du travail. De plus, ces chantiers mobilisent 21 tunneliers qui ne peuvent creuser que 12 mètres par jour dans un sous-sol incertain, parfois à 40m sous terre. Ce qui donne finalement le calendrier ci-dessous :

Pour 2024 et les JO, il y aurait bien la ligne 14 sud, l’achèvement de la 14 au nord et du tronc commun ligne 16 / ligne 17. La ligne 16 ira bien à cette date jusqu’à Clichy-Montfermeil, bourgade de Seine-Saint-Denis, tandis que la ligne 17 est espérée à la gare du Bourget-Aéroport, stratégique pour les JO. Le fameux plateau de Saclay, où l’État compte édifier « sa » Silicon Valley, sera réalisée au plus tard en 2027, la deuxième section, jusqu’à Versailles, étant quant à elle reportée à 2030. Les délais seront-ils respectés ? Cela reste…. un grand pari !

Nous reviendrons plus en détails sur ces projets et ceux qui leurs sont associés.

Publié par

Frédéric de Kemmeter

Cliquez sur la photo pour LinkedIn Analyste ferroviaire & Mobilité - Rédacteur freelance - Observateur ferroviaire depuis plus de 30 ans. Comment le chemin de fer évolue-t-il ? Ouvrons les yeux sur des réalités plus complexes que des slogans faciles http://mediarail.be/index.htm

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