La Suisse toujours à la pointe de la technologie. Après le projet utopique de Swiss Metro dans les années 90, le pays remet le couvert avec un autre projet sous terre : Cargo Sous Terrain. Et cette fois avec du concret, du moins au niveau juridique.
Cargo sous terrain est un système logistique complet, automatisé, flexible et durable qui permet le transport de palettes et de caisses pour paquets, articles individuels, produits en vrac ainsi que le stockage intermédiaire. Des tunnels relient des sites de production et des sites logistiques aux agglomérations. En ville, Cargo sous terrain distribue les marchandises en collaboration avec des partenaires, dans des véhicules écologiques. Il contribue également à l’évacuation des déchets.
Concrètement, il s’agirait de creuser un réseau de tunnels de six mètres de diamètre à 50 mètres sous la surface. Ils seraient équipés de trois voies. Les marchandises seraient placées dans des conteneurs ou sur des palettes transportés sur des véhicules automoteurs et sans conducteur circulant à 30 km/h.
Cette nouvelle infrastructure à marchandises, sous-terraine, complèterait et délesterait d’ici 10 ans le réseau de route et de rail suisse. Un premier tronçon pourrait relier dès 2030 la région d’Härkingen/Niederbipp à Zürich en Suisse centrale. Un réseau complet reliant les lacs de Constance et de Genève avec des liaisons allant vers Bâle et Lucerne serait prévu par la suite.
Ce projet fou, d’origine privée, regroupe des grands noms du commerce de détails suisse comme Migros, Coop, Manor et Denner, ainsi que CFF Cargo, Rhenus Logistics, Swisscom ou La Poste. Restait à trouver les financements nécessaires. Comme la collectivité est susceptible de retirer un avantage léger de cette entreprise sous terre, le Conseil Fédéral était disposé dès 2016 à préparer une loi spéciale qui permettrait d’avoir une base juridique uniforme pour la construction de l’ensemble du projet. Condition : alors que de 2013 à mars 2017, Cargo Sous Terrain était organisé en association de promotion, Berne exigeait que l’association soit transformée en une véritable société anonyme, ce qui fût fait en mars 2017.
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Le processus législatif devait aussi inclure le soutien des cantons participants et la preuve du financement de la phase de permis de construire pour un montant de 100 millions de CHF. La composition large de l’association d’actionnaires témoigne du soutien du secteur, qui cofinance et fait progresser le contenu du projet. Comme auparavant, le CST est en contact étroit avec les cantons au cours de la première étape pour clarifier les questions relatives au projet suffisamment à l’avance avant la mise en œuvre prévue du système logistique global. Celles-ci concernent, par exemple, la connexion des hubs au réseau de transport existant et la coordination avec l’aménagement du territoire cantonal. Cet échange a lieu dans le cadre d’un groupe de travail réunissant la Conférence des directeurs de la construction, de la planification et de l’environnement (BPUK) et les bureaux de spécialistes compétents d’Argovie, de Berne, de Soleure et de Zurich.
Le Département fédéral des transports (l’OFT) a été très officiellement chargé d’élaborer une loi d’ici la fin de 2018. Plutôt optimiste, Cargo Sous Terrain (CST) prévoit une résolution parlementaire pour 2020, ce qui permettrait une phase d’approbation de la construction du premier tronçon entre Härkingen-Niederbipp et Zurich, qui ouvrirait en principe en 2030. Le coût total de cette première étape, comprenant toute l’infrastructure souterraine, les logiciels, les hubs et les véhicules souterrains et de surface (pour la logistique urbaine) est estimé à 3 milliards de CHF.
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Les projets d’investissement de CST prévoient l’association de 55% des investisseurs suisses au consortium à la suite de la libération de tous les engagements en capital pour la phase de permis de construire. Aux actionnaires suisses se sont joints des investisseurs internationaux tels que le développeur Meridiam et le conglomérat Dagong en Chine, décidés à apporter leur savoir-faire dans le futur projet. La participation minoritaire de Dagong est une stratégie destinée à exporter la technologie suisse en Chine, ce qui peut paraître comme un pari risqué.
Avec l’ouverture progressive – et espérée -, à partir de 2030, le système logistique complet CST desservira environ 10 millions de personnes en Suisse à l’aide d’un réseau de 500 km de tunnels, 80 points d’accès pour les marchandises (hubs) et de la logistique urbaine à l’horizon 2045. « Nous sommes extrêmement heureux que le gouvernement fédéral ait décidé d’ouvrir la consultation pour une loi CST. Nous sommes d’autant plus motivés à poursuivre notre plan visant à doter la Suisse et ses centres urbains d’un système logistique global efficace et respectueux de l’environnement à l’ère numérique », a déclaré Peter Sutterlüti, président du conseil d’administration de CST.
La suite sera passionnante à suivre. Tout en restant les pieds sur terre. L’ancien Swiss Metro, également devenu une société anonyme en 1992, a été dissoute en 2009. Peut-on formuler davantage de succès à ce délirant projet de Cargo Sous Terrain ? Super blague ou réelle tentative d’innovation, l’avenir nous dira quoi…