La grande vitesse espagnole officiellement libéralisée

ADIF, le gestionnaire du réseau ferré espagnol, a publié son document de réseau décennal pour le «réseau d’intérêt général» (RFIG), qui propose de créer trois paquets de services à grande vitesse pour la libéralisation prévue en 2020.

Le gestionnaire public propose d’allouer une capacité de 3.300 kilomètres de son réseau ainsi que ses gares sur des contrats d’une durée de 10 ans en fonction de trois degrés de trafic. C’est plutôt nouveau dans le paysage diversifié de la libéralisation ferroviaire. Rappelons qu’ADIF gère également toutes les gares en Espagne, contrairement à la plupart des réseaux de chemin de fer en Europe où c’est encore l’opérateur historique qui gère les gares, avec un risque d’obstruction lorsqu’un concurrent sollicite un bureau ou un espace de vente. Les italiens se souviennent fort bien de la première année de NTV-Italo, relégué dans des gares secondaires et dont les espaces de ventes étaient circonscrits autour de quais grillagés…

ADIF a présenté devant la Commission nationale des marchés et de la concurrence (CNMC) et les opérateurs un plan de libéralisation sans entraves dans les gares ni sur le réseau. Le directeur dépendant du ministère du Développement propose aux opérateurs de signer des accords-cadres d’une durée de 10 ans dans lesquels il garantit l’allocation d’un certain nombre de sillons quotidiens « pour que la libéralisation commence manière ordonnée. »

La nouveauté est que la libéralisation sera encadrée par trois packages :

  • Le premier paquet (type A), le plus important, est destiné à être utilisé pour les gros flux, avec trois trains par heure et par direction.
  • Le second paquet (type B) propose une fréquence d’un train par direction et par heure.
  • Le troisième paquet (type C), est clairement destiné aux entreprises à faible coût, avec un train par direction toutes les trois heures, soit quelques trains par jour.

De plus, l’ouverture à la concurrence ne se fera que sur seulement trois lignes à grande vitesse :

  • 1: Madrid – Barcelone – Frontière française et Valence – Barcelone
  • 2: Madrid – Valence / Alicante et
  • 3: Madrid – Tolède / Séville / Malaga.

La quantité de trafic admise diffère d’un axe à l’autre selon les packages. Par exemple le package A autorise :

  • 48 services quotidiens sur les axes 1 et 3 (soit 3 trains par heure)
  • et seulement 38 sur l’axe 2 (soit 2 trains par heure).

Le package C, destinés aux éventuels entreprises lowcost, permet un trafic de :

  • 5 trains par jour sur l’axe 1
  • 4 trains par jour sur les deux autres.

Ces packages combinés, qui entreront en vigueur le 14 décembre 2020, couvriront 70% de la capacité du réseau, les 30% restants étant alloués sur une base annuelle.

Ce système très encadré pourrait faire penser aux franchises britanniques. En réalité, le concurrent achète en bloc des paquets de sillons pour 10 ans, et se voit accorder toutes les facilités en gare. Contrairement à la Grande-Bretagne, il n’y a pas de subsides de démarrage si ni de chiffre d’affaire à reverser au gouvernement. Ce n’est pas non plus du pur open access comme en Italie, en Autriche ou en Tchéquie. L’Espagne entreprend ici une voie originale.

Les groupes intéressés peuvent demander les trois blocs et ont jusqu’au 31 juillet pour soumettre leur candidature. L’attribution des lots aura lieu avant le 31 octobre prochain.

>>> Voir : NTV-Italo, sept ans et désormais le succès

Selon le quotidien économique Expansion, bien que Adif ait enregistré une vingtaine d’opérateurs autorisés à fournir des services de transport de voyageurs, seuls quelques-uns ont une réelle capacité de s’emparer de parts de marché à la Renfe, car l’entrée sur le marché ferroviaire à grande vitesse nécessite un investissement initial important dans l’achat de personnel et de location d’espaces commerciaux dans les gares. Le coût d’entrée est élevé.

Il faut aussi rappeler que la société de location Renfe Alquiler a été liquidée, ce qui rend impossible le leasing de matériel roulant non utilisé par la Renfe. Acciona et Air Nostrum, à travers Ilsa, semblent les plus déterminés à devenir le premier opérateur ferroviaire privé, avec des options pour un accord-cadre de type A ou B. La société a demandé aux fabricants un prix allant de 17 à 20 rames à grande vitesse vitesse afin d’exploiter les corridors les plus fréquentés. Peut-être une option chinoise de CRRC, comme Westbahn ? Rien n’est impossible, mais on songe plutôt à Talgo ou CAF.

La compagnie ferroviaire française SNCF, qui tente d’entrer sur le marché espagnol, soupçonne que cette politique de packages soit une stratégie pour freiner l’arrivée de nouveaux opérateurs. On peut analyser plus finement que l’Espagne craint comme la peste la mainmise de la SNCF sur son réseau, comme avec Thalys, Eurostar ou Lyria en Suisse.

Rendez-vous en automne pour voir qui seront les gagnants de la libéralisation.

Références :

2019 – Expansión / C. Morán – Adif prevé dos competidores para Renfe en el AVE a partir de 2020

2019 – International Railway Journal – Adif reveals plan to liberalise Spanish HS market

Publié par

Frédéric de Kemmeter

Cliquez sur la photo pour LinkedIn Analyste ferroviaire & Mobilité - Rédacteur freelance - Observateur ferroviaire depuis plus de 30 ans. Comment le chemin de fer évolue-t-il ? Ouvrons les yeux sur des réalités plus complexes que des slogans faciles http://mediarail.be/index.htm

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