Vienne : un atelier pour plusieurs opérateurs

(photo ÖBB – Roman Bönsch)

ÖBB-Technische Services GmbH (ÖBB TS), LTE Logistics & Transport Europe (LTE) et ELL European Locomotive Leasing (ELL) ont mis en place un atelier commun pour les locomotives dans la région de Vienne. Pour 10 millions d’euros, un hall de 1 000 m² d’espace pour la maintenance des locomotives est en cours de construction à Gramatneusiedl. Entièrement conçu pour le matériel Siemens…

Les trois sociétés concernées ont formé la coentreprise ETL Lokservice GmbH, pour exploiter ce nouvel atelier de maintenance. Il est stratégiquement située à l’intersection des corridors internationaux de fret ferroviaire. Des locomotives modernes y seront entretenues à partir de l’automne 2021. Les trois partenaires apportent des compétences différentes : LTE et ELL arrivent avec leurs flottes de locomotives, et ÖBB-Technische Services apporte son savoir-faire en tant qu’engineering pour la maintenance des véhicules ferroviaires. Le projet bénéficie du fait que toutes les entreprises impliquées se concentrent sur l’exploitation des locomotives Siemens Vectron.

Privés et public main dans la main
LTE Transport GmbH est un opérateur privé autrichien de fret ferroviaire dont le siège est à Graz. Sa flotte comprend près de 80 locomotives, notamment des engins ES 64 U2 / U4 / F4 / X4 Siemens et 6 machines diesel Siemens ER20. Elle est complétée par des locomotives TRAXX Bombardier. Le groupe est loin d’être un nain en Europe puisqu’il gère son réseau avec neuf filiales et deux sociétés sœurs en Europe centrale et orientale. Le chiffre d’affaires en 2019 était d’environ 150 millions d’euros, employant près de 500 personnes.

European Locomotive Leasing (ELL), est une société de leasing pour les véhicules ferroviaires, basée à Vienne. EEL a signé un accord-cadre avec Siemens Rail Systems pour la livraison de 150 locomotives de type Vectron, dont une partie peut rouler chez les voisins de l’Autriche, ce qui explique l’importance du projet de Vienne. ELL loue en Hongrie et en Tchéquie, notamment chez la privé Regiojet.

Ces deux sociétés n’ont donc à priori aucuns liens avec le géant public ÖBB. L’opérateur public autrichien, avec sa filiale ÖBB-Technische Services GmbH, exploite 22 sites d’entretien et emploie 3.600 techniciens. ÖBB-Technische Services GmbH fournit de l’entretien pour environ 230 clients de quinze pays européens. La maintenance est devenue un nouveau business…

« En établissant l’atelier sur le site de Gramatneusiedl, nous garantissons un emplacement stratégique dans la grande région de Vienne et créons également de nouveaux emplois », explique Sandra Gott-Karlbauer, directrice générale d’ÖBB TS. « Dans un hall d’une superficie d’environ 1 .000 m² et avec quatre voies d’entretien, nous pourrons soutenir toutes les entreprises intéressées avec des équipements de pointe à partir de l’automne 2021 », explique Christoph Katzensteiner, PDG d’ELL.

Un nouvel écosystème
Cette coopération est intéressante à plus d’un titre. D’une part, elle permet aux ÖBB de conforter leur leadership dans une région qui bouge beaucoup au niveau ferroviaire. La maintenance est un business juteux, et de plus en plus les constructeurs prennent la maintenance en charge, ce qui impose d’avoir des installations d’entretien. Dans la grande tradition économique, les ÖBB transforment ici un domaine de coûts en un « centre de profits ».

Ensuite cette coopération répond à la grande question de l’accès – pour les opérateurs privés -, aux facilités essentielles, qui fait partie du ticket d’entrée quand un opérateur se lance, et qui est extrêmement onéreux. Il faut en effet avoir les reins solides pour construire son propre atelier, ou à défaut conclure avec un partenaire. Les opérateurs publics n’ouvrent pas facilement « leurs » facilités à leurs propres concurrents, comme on le voit en Espagne et ailleurs…

Enfin, Siemens, sans faire partie du projet, conforte sa position dans le domaine de la traction ferroviaire. La grande firme allemande est un fournisseur historique du rail autrichien depuis… octobre 1879 ! En Autriche, le groupe Siemens complet (avec toutes les autres activités), emploie 10.400 personnes et son chiffre d’affaires en 2016 avoisinait les 3,3 milliards d’euros.

Côté rail, les ÖBB disposaient déjà de 557 locomotives Eurosprinter de seconde génération, appelées « Taurus », ce qui implantait durablement la firme dans le paysage ferroviaire. Plus récemment, les ÖBB ont passé commande de 61 locomotives Vectron, gamme la plus récente de Siemens, soit plus de 600 locomotives du géant allemand.

L’atelier permettra donc d’entretenir toutes les machines Siemens de la région au sens large, donc d’Italie, de Hongrie voire de Pologne.

On retiendra surtout qu’une fois de plus, les lignes bougent en Europe centrale, que les barrières finissent par tomber, et ce pour le meilleur des mondes ferroviaires…

cc-byncnd

Publié par

Frédéric de Kemmeter

Cliquez sur la photo pour LinkedIn Analyste ferroviaire & Mobilité - Rédacteur freelance - Observateur ferroviaire depuis plus de 30 ans. Comment le chemin de fer évolue-t-il ? Ouvrons les yeux sur des réalités plus complexes que des slogans faciles http://mediarail.be/index.htm

4 réflexions au sujet de “Vienne : un atelier pour plusieurs opérateurs”

  1. Réduire la concurrence en embrassent les concurrents est la meilleure méthode 🙂

    La halle, voie inclus, (dans la propriété des ÖBB) existe déjà, elle serra adaptée. Je ne suis pas sure, mais ça doit être la halle au nord de la ligne directement à coté de la sous-passage du Bahnhofsstrasse.
    https://www.google.at/maps/place/Gramatneusiedl+Bahnhof/@48.0349336,16.4898524,576m/data=!3m2!1e3!4b1!4m5!3m4!1s0x476c52ee04e3ae9b:0xd7c8d7030bbff074!8m2!3d48.0349336!4d16.4913238

    Pour la « géographie du maintenance » : les Vectron des ÖBB pour la Belgique et Pays Bas livrés fin 2020 (espérons quelques uns seront adaptés pour 200km pour les nj) risquent d’être maintenues dans ces nouveaux locaux aussi.

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    1. Il y a de fortes chances que tant LTE que EEL ont pesé le pour et le contre ! ÖBB pourrait avoir besoin de quelques Vectron EEL en supplément à l’avenir, qui sait. Le business propre de LTE, c’est de faire rouler des trains et d’élargir sa clientèle.

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  2. Les ÖBB ont un contrat cadre pour la livraison de 200 unités de Vectron avec Siemens, ils n’ont certainement pas le besoin de louer régulièrement. Mais certainement, l’échange des locos est tout à fait normale pour les ÖBB, dans ce niveau ils coopèrent avec tout le monde.

    Egalement l’échange au niveau de la maintenance, ÖBB maintient les Kiss du DB (et avant ces du WESTbahn), les voitures voyageurs de la ZSSK…

    La raison pour le faire est simple, il faut trouver des synergies pour devenir moins cher.

    Et c’est certainement la seule raison pour LTE de participer : c’est la manière moins cher de maintenir les locos. Quand on n’a pas plus qu’un vingtaine des locos, la maintenance économique reste un problème.

    Ne pas à oublier non plus : LTE est toujours à 50% filiale de la GKB et la GKB est à 100% dans la propriété de la République d’Autriche, donc il y’a une liaison via le propriétaire.

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    1. Selon le magazine ferroviaire « Eisenbahn Österreich » l’atelier serra pour traiter la maintenance pour les Siemens Eurosprinter (182), Vectron (193) et les Bombardier Traxx (185,186).

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