Petite chute du trafic ferroviaire dans les Alpes suisses

Le trafic ferroviaire de marchandises à travers les Alpes suisses en 2019 n’a pas connu de croissance, malgré le maintien de ses 70,5% de parts de marché. C’est ce qui ressort des chiffres fournis par l’Office fédéral des transports à Berne. 26,6 millions de tonnes de marchandises auraient transiter par rail contre 27,9 millions de tonnes en 2018, soit une perte de 1,3 million de tonnes (-4,6%), et c’est encore moins bien que l’année record 2016, avec 28,7 millions de tonnes.

La principale raison de cette diminution est l’affaiblissement de la conjoncture, en particulier en Italie, mais aussi aux nombreux chantiers de construction et d’autres événements comme la grève en France en décembre qui ont entravé le développement du fret ferroviaire.

L’économie, dont certaines idéologies souhaiterait la mise au tapis « pour sauver la planète », est primordiale dans le trafic ferroviaire. L’Allemagne et l’Italie, qui sont les deux principaux pays source et cible du trafic de marchandises transalpin suisse, ont enregistré des reculs au niveau de la production industrielle dans les domaines des biens intermédiaires et d’investissement. Moins d’échanges commerciaux signifient fatalement moins de trains. Cette conjoncture italo-germanique explique en partie – mais pas uniquement -, le tassement constaté en Suisse.

Le nombre de camions franchissant les Alpes a quant à lui diminué en 2019, pour s’établir à 898.000 véhicules. Mais on est encore loin de l’objectif de réduction à 650.000 camions fixé dans la loi et qui aurait dû être déjà atteint en 2018. Cela démontre que la Loi seule ne suffit certainement pas à mener une politique de transfert, sauf à instaurer un régime politique autoritaire, par exemple en légiférant sur les flux entre entreprises…

Le puissant OFT, qui publie ce type de rapport tous les deux ans, espère beaucoup de l’ouverture du tunnel du Ceneri, le dernier du programme NLFA, qui fait suite à celui du Gothard, et à la réalisation intégrale de la voie ferroviaire permettant d’emporter les camions de 4m de haut. Toutefois, note l’OFT, l’analyse de l’effet escompté sur le transfert de la mise en service de la NLFA confirme que, même avec la pleine disponibilité de la NLFA, l’objectif légal de 650.000 trajets routiers transalpins par an ne pourra toujours pas être atteint.

Intéressante aussi est l’analyse des segments au sein même du secteur ferroviaire. Le wagon complet, qui utilise des petits embranchements et passe par des triages, continue sa lente érosion (-30% depuis 1984), au profit du transport combiné non accompagné dans lequel on a bien fait d’investir. Cela confirme que l’utilisation de plusieurs transports (train + camions) constitue bien l’avenir du transports de fret, plutôt qu’un transport 100% fer incapable du porte-à-porte. Le graphique ci-dessous montre les évolutions de la route (en gris), et celles du rail, le combiné en rouge, le wagon isolé en bleu :

Extrait du Rapport sur le transfert juillet 2017 – juin 2019 (OFT)

Côté ponctualité, plus d’un quart des trains du transport combiné sont arrivés à destination avec un retard de plus de trois heures au 1er semestre 2019.

Le rapport souligne que l’évolution modérée du fret ferroviaire transalpin s’explique aussi et surtout par la détérioration de la fiabilité des chemins de fer. La qualité insuffisante, facteur endogène du fret ferroviaire transalpin, empêche que celui-ci tire profit de ses potentiels de marché. Parmi les griefs : le manque de conducteurs, qui devient un problème structurel, même au sein des compagnies étatiques comme les CFF. En outre, le transport de marchandises n’est pas prioritaire dans l’exploitation opérationnelle, ce qui implique qu’il se retrouve souvent en attente derrière le transport des voyageurs lorsque le régime normal est rétabli. Un train qui arrive en retard au terminal engendre souvent des retards consécutifs, puisque cela signifie que les rames ne sont disponibles que tardivement pour un nouveau chargement.

Du côté des capacités, jusqu’à la mise en service du nouveau tunnel de base du Saint-Gothard fin 2016, la capacité de transport de marchandises s’élevait au total à 290 trains par jour et par direction. Depuis le 11 décembre 2016, environ 1.065 sillons sont généralement disponibles chaque semaine au Saint-Gothard et 633 au Loetschberg/Simplon, l’autre traversée des Alpes gérée par le BLS, soit tout de même un potentiel de 1.700 sillons par semaine.

Enfin, la Suisse démontre le rôle de l’État dans la politique ferroviaire. Outre les instruments fiscaux pour alimenter un fond d’infrastructure ferroviaire (et non de subsidiation des CFF, la nuance est de taille), la Loi sur Transport Marchandises (LTM) du 25 septembre 2015 met en œuvre divers instruments garantissant la capacité pour le fret ferroviaire à l’avenir, au travers d’un horaire cadencé encore à construire. Le trafic marchandises est ainsi assuré de disposer des sillons systémiques ou cadencés depuis la planification à long terme jusqu’à l’attribution des sillons. À l’avenir, il faudra décider à quel type de transport ferroviaire donner la priorité dans l’attribution des capacités.

Le rapport est à lire à ce lien.

L’Italie reliée au nord de l’Europe. Route roulante suisse du BLS, un classique entre Novara et Fribourg (DE)

cc-byncnd

Publié par

Frédéric de Kemmeter

Cliquez sur la photo pour LinkedIn Analyste ferroviaire & Mobilité - Rédacteur freelance - Observateur ferroviaire depuis plus de 30 ans. Comment le chemin de fer évolue-t-il ? Ouvrons les yeux sur des réalités plus complexes que des slogans faciles http://mediarail.be/index.htm

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