C’est plutôt inédit ! Dans une Allemagne d’ordinaire plutôt calme, les entreprises privées de fret ferroviaire ont organisé un chahut en convoi en plein cœur de Berlin, sous un soleil radieux.
L’action qui peut paraître ludique, était en réalité la toute première action de protestations – particulièrement puissante et audible -, pour obtenir des conditions de concurrence équitables et un soutien de TOUS les chemins de fer de fret, pas seulement de la seule Deutsche Bahn. Un train de protestation de locomotive de fret de près de 400 mètres de long a démarré à 11h20 à la périphérie de la capitale pour le voyage spécial « Hör das Signal, Berlin! » (« Écoute ce signal, Berlin! »). Le convois comportait les machines de 19 des 73 membres de l’association Netzwerk Europäischer Eisenbahnen (NEE), et portait le slogan de la campagne « 100% d’engagement, 50% de part de marché, 0% d’aide Corona ». Elles ont faire un tour de Berlin toutes sirènes hurlantes, y compris en traversant le grand axe ouest-est, et s’arrêtant notamment à la Hauptbahnhof, qui est à proximité des Ministères et du Bundestag. Parmi les « protestataires », Captrain (SNCF) et Lineas, l’opérateur belge.

Mais qu’est-ce qui fâche tant ces entrepreneurs privés en Allemagne ? Ludolf Kerkeling, président du conseil d’administration de l’association NEE explique qu’ « il ne devrait y avoir aucun traitement préférentiel pour les chemins de fer de fret DB (…) Nos membres sont depuis longtemps le seul moteur de croissance du transport ferroviaire de marchandises. Ils souhaitent tous contribuer encore plus au transfert modal grâce à des offres modernes et orientées client. Ils veulent laisser la crise Corona derrière eux le plus rapidement possible et ne pas se laisser rétrécir par la politique fédérale fixée sur DB. »
Ce qui n’est pas digéré en Allemagne, c’est que seule DB Cargo bénéficierait de subsides dits « Corona », mais pas les autres opérateurs, qui ont pourtant roulé durant la première vague de la pandémie. De nombreux commentateurs voient dans les subsides accordés au seul groupe Deutsche Bahn une manière d’éponger des pertes antérieures, sans rapport avec la pandémie. « L’injection de capitaux provenant de l’argent des contribuables, qui n’est prévue que pour DB, n’est pas autorisée en vertu du droit de la concurrence de l’UE, car elle permet à DB-Cargo, entre autres, de mettre ses concurrents hors du marché, » explique Ludolf Kerkeling.

Depuis l’ouverture du marché du fret ferroviaire en 1994 en Allemagne, les opérateurs privés se sont considérablement développés et sont désormais responsables de plus de la moitié du transport ferroviaire de marchandises, avec une tendance toujours à la hausse. L’incompréhension est donc de mise plus de 25 ans après, quand un gouvernement semble « oublier » l’existence même de ces sociétés, qui ont construit des flux, créé des emplois et participé à la croissance et aux exportations allemandes, avec une autre manière de faire du train. « Nous exigeons que le gouvernement fédéral n’accorde aucun traitement préférentiel à DB Cargo, propriété fédérale. L’aide d’État pour pallier aux pertes de la pandémie devrait suivre les mêmes principes pour tous les opérateurs de fret, » martèle Ludolf Kerkeling. Dans le cadre de la procédure d’examen concernant les aides DB, l’association NEE a pu précisé le risque de menace de distorsion de concurrence que cela représentait. Une bataille de lobbying est en cours à Berlin et à Bruxelles. « Afin d’obtenir plus de marchandises sur les rails, des conditions de concurrence équitables doivent s’appliquer au sein de notre industrie, mais aussi entre le rail et la route, » a déclaré Henrik Würdemann, directeur général de Captrain Allemagne, qui a participé à la manifestation.
Le train de protestation, qui pesait environ 1700 tonnes et se compose de 19 locomotives de fret colorées d’une puissance électrique totale installée d’environ 100.000 kilowatts, partait de Wustermark et était tiré par une seule locomotive TRAXX électrique d’un côté, puis par une TRAXX DE dans un autre sens. Passage de ce train à l’Est de Berlin, du côté de Ostkreuz :
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