19/11/2020 – Par Frédéric de Kemmeter – Signalisation ferroviaire
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L’éparpillement : une certaine réalité belge
Relier chaque village belge par des chaînes de transport public est un rêve qui peut prendre corps mais cela dépend de nombreux paramètres de la société. Et la Belgique n’est pas la France, raison pour cesser les comparaisons hasardeuses.
Integrato est le nom d’un projet d’horaire cadencé déjà évoqué jadis par un groupe de travail composé de plusieurs citoyens-experts originaires de Flandre, de Bruxelles et de Wallonie, passionnés par les transports publics et la mobilité. Le concept, soutenu par diverses associations, dont Inter-Environnement.
On part de plusieurs constats :
- un réseau ferré belge dense mais dont le trafic est fortement centré sur Bruxelles;
- une répartition très volatile de la population qui, pour près des 2/3, ne vit pas en ville mais dans des bourgades très urbanisées;
- des entités entières qui n’ont plus – ou jamais eu -, de chemin de fer depuis longtemps et qui doivent se reposer sur les bus;
- des objectifs climatiques à atteindre mais qui demandent des changements de comportements en mobilité.
L’objectif de Integrato est « d’aller de partout à partout » sans devoir nécessairement passer par Bruxelles. Il veut réconcilier les citoyens avec les transports publics. En Belgique, à côté de la marche et du vélo, le train et le bus prennent en charge ensemble environ 15% des distances parcourues. La voiture prend en charge 80%. On peut calculer – hors Coronavirus -, que sur les 25 à 30 millions de trajets motorisés tous types effectués chaque jour par environ 9 à 10 millions d’actifs et étudiants, en tenant compte des activités du soir, seuls 4 millions mobilisent les moyens des transports publics, dont 850.000 en train. Pourquoi si peu ?
Ce n’est pas faute d’offre. La STIB à elle seule dépasse le million de voyageurs et transporte une fois Bruxelles quasi chaque jour, ce qui est considérable. De Lijn approche les 2 millions de voyages par jour. Mais nous avons déjà développé dans ces colonnes des éléments prépondérants qui encouragent l’usage de la voiture, et aussi du vélo, le concurrent masqué des transports publics. Parmi une liste non-exhaustive, le point principal est la grande dispersion des lieux de vie (domicile/école-commerces) qui fait que chacun ne va jamais à la même destination que le voisin. Il en est de même pour les lieux de travail et, surtout, pour les rythmes de vie : certains font du 7h00-15h00 quand d’autres c’est plutôt 8h30-17h00. On ne compte pas non plus les mi-temps, le personnel des magasins, les profs qui font plusieurs établissements scolaires sur la semaine ou les coach sportifs qui font chaque soir une salle différente. Dans ces conditions hors-Covid, il apparaît clair qu’aucun transport public n’arrivera à satisfaire tout le monde. L’offre actuelle est donc centrée sur les flux principaux, ce qui en dehors des villes signifie souvent des flux scolaires, qui ne sont denses qu’aux heures d’écoles.
On ne peut pas non plus faire le procès – particulièrement inutile et souvent irrationnel -, de l’histoire ferroviaire et vicinale en pleurant les années 50 où on trouvait encore des rails dans la moindre entité, mais avec des autorails fort polluants. Le monde a changé, les charbonnages n’existent plus et les « vicinaux » sont partis au musée. On y ajoute la superficie parfois importante de certaines entités, comme Couvin et ses 206km², pour appréhender la problématique de l’offre de transport public. Il faut donc prendre le réseau tel qu’il est, et des entités comme Chimay, Lasnes ou Jodoigne n’ont effectivement plus aucun train traversant leur bucolique paysage. Rien ne vaut quelques clichés d’antan pour se rappeler de quoi il s’agissait…

Incourt, 1954. Plus vraiment un rêve…

Bouillon en juillet 1952… (Michel Reps via wikipedia)