L’Allemagne modifie sa loi pour mieux transférer de la route au rail

Par Frédéric de Kemmeter – Signalisation ferroviaire et rédacteur freelance – Inscrivez-vous au blog
18/02/2021
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En mars 2020, une loi avec effet rétroactif fut promulguée sur base des résolutions du pays dans le programme de lutte contre le réchauffement climatique. Elle permet d’augmenter les fonds gouvernementaux destinés à aider des études liées à la mobilité dans les communes d’Allemagne. Pour faire court, il y avait des aides diverses dans ces études sur base d’une clé de répartition entre l’État fédéral, les Länder et les communes elles-mêmes. L’aide n’était possible que pour des études dépassant 50 millions d’euros. Ces ratios ont été élargis et des assouplissements ont été inscrits dans la nouvelle loi de 2020.

Désormais, l’aide viendra aussi pour des études de 30 millions d’euros, voire moins, et le ratio fédéral passe de 60 à 75%, sous réserve d’une rentabilité prévue des projets. L’idée est que les fonds soient utilement utilisés pour des projets de plus petit volume qui touchent davantage de citoyens et d’entreprises. Les aides, qui sont doublées, vont des transports publics à des études de réouvertures de lignes locales et de raccordements ferroviaires privés vers les entreprises. C’est de ce dernier point dont il est question ici.

Afin de fournir un soutien financier aux raccordements privés ou communaux, le ministère fédéral des transports BMVI a mis au point un nouveau programme de financement fédéral qui entre en vigueur au 1er mars 2021. L’ensemble des montants sont certes modestes mais une aide fédérale est disponible dès mars 2021 à hauteur de 34 millions d’euro, soit plus du double par rapport à l’année précédente. À partir de 2024, les fonds seront encore rehaussés à 49 millions d’euros et le volume total du programme atteindrait les 200 millions d’euros sur cinq ans.

Pour ramener plus de fret vers le rail au niveau local, il y a plusieurs enjeux en parallèle : les procédures pour lignes nouvelles, les nouveaux raccordements et la répartition des coûts d’entretien de ceux-ci.

Les petites lignes locales sont essentielles si on veut investir davantage dans les gares de fret de petite et moyenne taille. Le ministère veut donc aussi que lors de la construction d’une zone industrielle ou commerciale, un raccordement au réseau ferroviaire doit de facto envisagé et planifié dans le projet. Au niveau finances, le programme fédéral est élargi à partir de mars 2021 pour permettre de financer jusqu’à 80% des coûts d’investissement dans ces points raccordements.

On connait moins cette facette, mais l’Allemagne est terriblement procédurière s’agissant des lignes ferroviaires, « bien plus que pour les routes nationales », fustigent certaines associations. On parle ici des petites lignes locales vers des zones industrielles. Dirk Flege, de l’association NEE, explique qu’il y a encore trop de problèmes et cite un exemple procédurier qui nuit au rail : « pour développer un nouveau parc industriel avec de nouvelles voies, les entreprises qui y sont implantées doivent en supporter une partie elles-mêmes. En outre, selon la directive sur le financement de la voie de raccordement, elles doivent s’engager à transférer une certaine quantité de marchandises de la route vers le rail pendant dix ans. Si cela ne fonctionne pas, par exemple si les affaires vont mal, elles devront rembourser la subvention au prorata. Pas étonnant que de nombreuses entreprises préfèrent se fier à la route et au camion. » Il cite d’autre cas où les procédures en faveur des riverains exigeaient un mur anti-bruit en cas d’électrification. Vu les coûts engendrés, ni l’un ni l’autre n’eurent lieu et « des diesel polluants continuent sur cette ligne avec tout autant de bruit et de pollution. »

Le BMVI s’est donc attaqué à certaines lourdeurs et a publié des modifications juridiques dans la Loi générale sur les chemins de fer. Elles permettraient ainsi d’alléger le processus de planification quand on veut créer une petite ligne locale de fret. Ainsi il ne serait plus nécessaire d’effectuer une lourde procédure d’approbation pour des voie de raccordement vers des industries si on ne dépasse pas 2000m ou même jusqu’à 3000m des pour les liaisons vers des zones industrielles et commerciales existantes. Cet allègement devrait encourager la réactivation et/ou reconstruction.

Il y a encore l’enjeu de la répartition des coûts de raccordements existants au réseau ferroviaire. Actuellement, le gestionnaire d’infra DB Netz et certains réseaux « non-DB », facturent une grande partie des coûts de remplacement ou d’entretien des aiguillages aux entreprises privées raccordées, quel qu’en soit l’utilisation hebdomadaire. D’où les réticences de beaucoup d’entreprises de se raccorder au rail, liées aux volumes cités plus haut. Dorénavant, jusqu’à 50% des coûts d’extension, de réactivation et de maintenance des raccordements existants seront couverts.

Cela va-t-il être suffisant ? Probablement pas, mais c’est déjà un encouragement. Car une fois arrivés sur les voies de DB Netz, les trains doivent encore se faufiler dans la jungle du trafic voyageur et des nombreux travaux qui jalonnent le réseau. Il faut en outre que le marketing des opérateurs soit attractif pour ramener plus de fret vers le rail. Il faut enfin une politique fiscale de circulation des poids-lourds qui soit à la hauteur des externalités que produit ce mode de transport. On n’y est pas encore…

18/02/2021 – Par Frédéric de Kemmeter – Signalisation ferroviaire et rédacteur freelance
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Frédéric de Kemmeter

Cliquez sur la photo pour LinkedIn Analyste ferroviaire & Mobilité - Rédacteur freelance - Observateur ferroviaire depuis plus de 30 ans. Comment le chemin de fer évolue-t-il ? Ouvrons les yeux sur des réalités plus complexes que des slogans faciles http://mediarail.be/index.htm