Par Frédéric de Kemmeter – Signalisation ferroviaire et rédacteur freelance – Inscrivez-vous au blog
04/10/2021 – (English version)
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On parle depuis longtemps de l’ETCS et de son implémentation. Jusqu’ici, l’installation au sol et à bord des trains a consisté à se limiter à l’ETCS niveau 2. Mais pour des lignes régionales, l’ETCS de niveau 3 pourrait être une solution.
On rappelle que l’ETCS de niveau 2 suppose que le conducteur suit les ordres de mouvement par le biais d’un écran à bord du train, et non plus par la signalisation latérale. Les plages de vitesse, les ralentissements et les freinages à opérer apparaissent autour du cadran de vitesse, et une « vitesse but » disposé comme on le voit ci-dessous à droite. Il permet au conducteur de visualiser à quel point il devra atteindre la vitesse ou l’arrêt demandés.

L’ETCS de niveau 2 demande cependant toujours une exploitation par section de 1500 ou 2000m ou davantage, dans laquelle ne peut se trouver qu’un seul train. L’ETCS de niveau 2 suppose dès lors le maintien des circuits de voie et des compteurs d’essieux, indispensables pour la détection des trains, ainsi qu’un important kilométrage de câbles en bordure des voies.
La question des coûts
Un problème qui revient souvent dans l’implémentation de l’ETCS est la nécessité de maintenir une période transitoire où cohabitent les systèmes de signalisation nationaux et l’ETCS. Or les lignes à faible trafic sont encore toujours équipées d’enclenchements et de systèmes nationaux de gestion du trafic obsolètes, dont la maintenance est généralement coûteuse. Les chemins de fer veulent améliorer les performances et la sécurité des lignes régionales en utilisant des solutions technologiques capables de réduire les coûts du cycle de vie.
En Suède, près de sept ans furent nécessaires pour développer, installer, tester et valider un ERTMS régional, réalisé par Bombardier en se basant sur un équipement de type Interflo 550. Il fut présenté en 2012 sur les 132 km séparant le nœud ferroviaire de Borlänge à la petite ville de Malung, sur la Västerdalsbanan. On en retira d’importantes leçons, notamment le passage parfois brutal entre le système national suédois et l’ETCS 3, qu’il a fallu régler.
Ce qui a surtout été révélateur avec l’expérience suédoise, c’est l’accent mis sur les trains intelligents plutôt que sur l’infrastructure intelligente qui commande les trains. C’est révélateur d’une évolution future du concept de base de la signalisation. Le système embarqué a été équipé du système ERTMS normal et a été exploité sans aucune modification du système existant. Par rapport à l’enclenchement normal et à l’ETCS niveau 1 et niveau 2, l’un des principaux avantages de la solution régionale est que les fonctions d’enclenchement et le RBC (Radio Block Center) sont intégrés.
Cela a conduit à l’élaboration de nouvelles spécifications qui, à l’époque, ont été conçues selon les normes Cenelec et répondent aux exigences SIL 4 de Cenelec avec une classification de sécurité SIL 3.
L’expérience italienne
Il y a quelques années, RFI a lancé en Italie une analyse de risque pour rédiger la spécification ERTMS pour les lignes régionales. Pour parvenir à un programme de déploiement ERTMS moins coûteux sans chevauchement avec les systèmes existants, le programme CCSp Regional (Pure Control Command and Signalling) serait la meilleure réponse. Le contexte « régional » fait référence aux lignes secondaires à trafic moyen ou faible, souvent à voie unique et électrifiées ou non avec des règles d’exploitation « multi-stations » et une supervision automatique de la marche des trains. « Pur » signifie que le système ne se superpose pas au système national de contrôle des trains et aux systèmes d’enclenchement traditionnels et qu’il est basé sur des blocs virtuels fixes et des circuits de voie virtuels, avec la possibilité de déployer des blocs mobiles pour augmenter la capacité.
Concrètement le système CCSp Regional est basé à la fois sur le niveau 2 de l’ETCS combiné à des enclenchements électroniques multi-stations, avec des systèmes traditionnels de détection des trains au sol (circuits de voie dans les stations et compteur d’essieux sur la ligne), et des applications basées sur les niveaux 2 et 3 de l’ETCS avec la fonction d’intégrité du train fournie par l’ETCS à bord. Cette combinaison entre les niveaux 2 et 3 permet de conserver les circuits de voie dans les petites gares et de les supprimer entre les gares, parfois sur de longues distances. On a ainsi un minimum d’équipements à maintenir.
Contrairement à l’ETCS niveau 3 sur grandes lignes, l’ERTMS régional n’est pas censé fonctionner avec des blocs mobiles. Au lieu de cela, il utilise un enclenchement radio pour réduire le nombre de dispositifs de signalisation de libération de voie.
Au niveau 3, les trains signalent leur position au centre de contrôle toutes les 6 secondes, en utilisant l’odométrie embarquée qui est réinitialisée par des balises à intervalles, et reçoivent en retour des autorisations de mouvement.
Bien que l’ERTMS soit conçu pour le déplacement de blocs, la version « Régionale » a spécifié une application de « bloc virtuel fixe » pour simplifier les modifications apportées aux règles de fonctionnement. Des paires de balises et de panneaux de signalisation sont prévues à chaque gare, avec des balises intermédiaires tous les 5 km le long de la ligne, permettant aux trains de se suivre sur un même tronçon de ligne.
L’objectif des essais italiens avec le système CCSp Regional basé sur le niveau 3 de l’ETCS, sans système traditionnel de détection des trains, était d’avoir confiance dans la faisabilité opérationnelle et technique du système, qui introduit des innovations importantes dans la gestion du trafic ferroviaire. Il s’agissait également de tester les procédures de basculement entre l’enclenchement électromécanique et les compteurs d’essieux existants et le nouveau système CCSp Regional. Les essais ont été effectués sur la ligne Avezzano – Roccasecca de 80 km de RFI, une ligne à voie unique non électrifiée à faible trafic encore équipée d’un enclenchement électromécanique et de compteurs d’essieux.
Le programme RFI « Régional » prévoit également l’introduction de la technologie satellitaire qui permettra, grâce au concept de « balise virtuelle », de minimiser le nombre d’eurobalises physiques, contribuant ainsi à une réduction supplémentaire des coûts d’exploitation et d’investissement du système de signalisation régional. Les mesures acquises en Sardaigne dans le cadre du projet ERSAT, développé en collaboration avec Ansaldo et l’Agence spatiale européenne, ont montré la maturité de l’approche de localisation des trains par satellite. La ligne Pinerolo-Sangone a déjà été identifiée comme site pilote où l’ERTMS par satellite devrait être mis en service pour la première fois.
Enfin, l’adoption de la radiocommunication numérique dans l’environnement de la signalisation ferroviaire, associée à l’élimination de la majeure partie des dispositifs de terrain CCS, implique de recourir à la 5G et à la technologie FRMCS en cours de développement. Bien que la vision du FRMCS soit d’être fonctionnel sans stipuler une technologie particulière, il est évident que la 5G sera sa technologie de communication de base. Les technologies précédentes telles que le GSM-R seront migrées vers FRMCS.
En définitive, le système ERTMS L3 Regional représente une avancée qui va bien au-delà de la numérisation de la signalisation ferroviaire : il aborde une nouvelle façon de penser les opérations ferroviaires, tout en maintenant les normes de sécurité garanties par le système de protection des trains le plus avancé disponible sur le marché, et en réduisant les coûts et la complexité.

04/10/2021 – Par Frédéric de Kemmeter – Signalisation ferroviaire et rédacteur freelance
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Pour approfondir :
La composante ETCS à trois niveaux
Cette page présente la composante ETCS. Trois niveaux ont été élaborés à la base. Les deux premiers sont déjà en service sur quelques lignes d’Europe, le niveau 3 est lui encore au stade conceptuel. A ces niveaux de prise en charge, on en rajoute de facto deux autres :
– le niveau 0 : aucune prise en charge par aucun système;
– le niveau STM (Specific Transmission Module) : prise en charge par les systèmes nationaux.
La composante GSM-R
Les eurobalises ont pour inconvénients de ne transmettre de l’information que ponctuellement, de sorte que le train s’en tient aux dernières informations transmises avant de pouvoir obtenir de nouvelles informations aux balises suivantes. De manière schématique, le GSM-R évite ces inconvénients. Il transmet les informations de manière permanente…
Actualités :
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FRMCS, une clé pour l’ERTMS et la numérisation du rail
29/03/2021 – Devenu obsolète, le GSM-R n’est plus l’avenir de la transmission des données ferroviaires. Le FRMCS devra le remplacer en tenant compte des dernières normes mondiales des transmissions de données.
La 5G, une technologie clé pour l’avenir de nos chemins de fer
21/09/2020 – La 5G est une technologie sans fil qui pourrait grandement aider nos chemins de fer à se moderniser. Maintenance prédictive, surveillance de la voie, occupation des trains en temps réel et même concept de signalisation, de nombreux domaines pourraient être impactés.
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