ERTMS / ETCS

Par Frédéric de Kemmeter – Signalisation ferroviaire et rédacteur freelance – Inscrivez-vous au blog
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Objet : Organisation du trafic ferroviaire
Branche : Infrastructure ferroviaire
Segment : Traffic Management & Signalisation

Le système européen de gestion du trafic ferroviaire (ERTMS) est un système européen unique de signalisation et de contrôle de la vitesse. Il doit remplacer à terme l’ancien système de signalisation propre à chaque pays.

Le système de signalisation actuel
Quelque soit son modèle et son pays, la signalisation ferroviaire classique repose sur trois paramètres essentiels :

  • la détection des trains à l’aide de circuits de voie ;
  • l’observation et l’obéissance à la signalisation latérale, par signaux lumineux et par panneaux indicatifs (de vitesse par ex.);
  • l’occupation d’une section de voie (1500m ou plus) par un seul train

Ces éléments conditionnent très largement le débit en ligne : plus un train traîne, moins vite il sort de sa section, au plus les trains derrière lui doivent attendre. Chaque section :

  • est protégée à l’entrée par un signal lumineux;
  • est signalée occupée ou libre par le système de détection par circuit de voie.
Bloc-automatique

Les défauts de la signalisation actuelle
Le premier défaut est qu’on n’a jamais la certitude que le conducteur a bien vu l’aspect du signal, ou le signal lui-même ! Il y a encore chaque année des dépassements de signaux au rouge, pour la plupart sans conséquence car à petite vitesse dans des faisceaux de manoeuvres.

Le second défaut est la découpe en sections de la totalité des lignes ferroviaires, mêmes locales. Tant qu’un train y demeure, aucun autre ne peut y entrer. On ne peut donc pas « rapprocher » des trains qui auraient la même vitesse, comme deux autos qui se suivent par exemple.

On a donc recherché :

  • à décliner les ordres de mouvements dans la cabine du conducteur;
  • à rapprocher les trains tout en conservant une distance minimale entre eux.

La première amélioration a été la plus « facile » à mettre en oeuvre. Elle est apparue dans les années 80 avec le TGV, où des vitesses de 250 à 320km/h ne permettent plus d’observer des signaux latéraux. Le conducteur reçoit donc l’ordre à bord de freiner ou d’être autoriser à atteindre la vitesse maximale indiquée sur un écran : 200, 250, 300 km/h.

ETCS-DMI

La seconde amélioration est nettement plus tendue sur le plan de la sécurité. Rapprocher les trains suppose de savoir à tout instant où ils se trouvent les uns des autres. Or, avec le système de section, on sait que le train occupe par exemple 2 kilomètres d’une section X mais on ne sait pas où exactement il se trouve au sein de ces 2 kilomètres. On a donc songé à raccourcir les sections pour les libérer plus rapidement, ce qui a posé le problème des distances minimales requises de freinage, surtout à grande vitesse. L’autre problème est d’obtenir en temps réel plusieurs données cruciales du train, comme sa vitesse à l’instant T. Pour cela il fallu remettre à plat tout le système de transmission, et l’harmoniser au niveau européen.

C’est ainsi qu’est né l’ERTMSEuropean Railway Traffic Management System – lequel comporte deux composantes essentielles : 

  • l’ETCS – European Train Control System –  qui est un système de protection automatique des trains (ATP) fonctionnant avec des balises dans la voie qui envoient des messages vers un ordinateur à bord de chaque train, lequel en déduit une traduction sur un écran, par exemple un chiffre de vitesse ou un ordre de freinage à respecter par le conducteur. L’ETCS est destiné à remplacer à terme les systèmes nationaux existants; 
  • le GSM-R, qui est un système de transmission de données entre le train et le centre de contrôle, mais cette fois non plus par balises mais par transmission GSM propre aux chemins de fer, en 2G. L’obsolescence technologique des 2, 3 et 4G et l’arrivée de la 5G va complètement redéfinir cette transmission GSM-R sous la forme d’une nouvelle spécificité ferroviaire appelée FRMCS, et dont nous parlerons à une autre page.

Trois niveaux d’ETCS
Afin de répondre à un maximum de cas de figure, et souvent aussi d’atténuer les coûts d’implantation, le système ETCS dispose de manière très basique de trois niveaux principaux :

  • ETCS N1 : option minimale avec malgré tout des données transmises ponctuellement à bord du train par balises dans la voie. Le conducteur regarde la signalisation latérale. On reste avec le concept de découpe en sections. La transmissions des données n’est que ponctuelle, via les balises dans la voie;
  • ETCS N2 : option élargie où les données sont transmises en continu à bord du train par GSM-R. Le conducteur regarde l’écran à bord. On reste avec le concept de découpe en sections. La transmissions des données est permanente, via les antennes GSM-R disséminées le long de la voie;
  • ETCS N3 : option maximale où les données sont transmises en continu à bord du train par GSM-R. Le conducteur regarde l’écran à bord. Il n’y a plus de découpe en sections car les données en continu permettent d’assurer le positionnement permanent du train. La transmissions des données est permanente, via les antennes GSM-R disséminées le long de la voie.

Des raisons opérationnelles et de coûts ont milité pour intercaler une couche supplémentaire au niveau de l’ETCS N1, qui peut être décliné sous forme d’une « Limited supervision » (ETCS N1 LS) et d’une « Full supervision » (ETCS N1 FS).

Le schéma ci-dessous, très synthétisé, montre les deux cheminements des données : soit par balises au sol (circuit en noir), soit via les mâts GSM-R (circuit en rouge).

ETCS

Dans le cas de l’implantation de l’ETCS niveau 1 et 2, ce sont les circuits de voie traditionnels qui informent le centre de contrôle de la présence ou non d’un train, ce qui ne diffère pas fondamentalement de la signalisation par « section » présentée plus haut. En cas d’ETCS niveau 3, sections et circuits de voie disparaissent et la détection des trains n’est effectuée que par positionnement GPS combiné avec les données vitesse du train en temps réel transmises par GSM-R. On appelle cela le « bloc mobile », mais son aspect révolutionnaire ne dispose à ce jour d’aucune application concrète en Europe, au contraire de l’ETCS niveau 1 et 2.

Le coût de l’ETCS N3 a milité pour la recherche d’une formule hybride pour des petites lignes régionales, associant des sections en campagne sans circuits de voie et des zones en gare avec circuit de voiec ou compteurs d’essieux de manière limitée. Des essais sont encore en cours actuellement pour évaluer la meilleure option.

Sécurité maximale
Franchir une balise induit que le train enregistre un ordre de mouvement donné. Si cet ordre est « ralentissement », alors le conducteur doit enclencher endéans quelques secondes une action de freinage. S’il ne le fait pas, le freingage d’urgence est enclenché et le train est mis à l’arrêt. Par ailleurs, avec un écran donnant des indications chiffrées à bord, le conducteur peut suivre les ordres de vitesse de manière bien plus sécurisante qu’en observation de panneaux extérieurs. En cela, l’ETCS est un système nettement plus sécuritaire que les signalisations latérales actuelles.

Une technologie harmonisée au niveau européen
Ce qui a été harmonisé au niveau européen, c’est le contenu des paquets de messages envoyés par les balises vers le train, l’architecture de l’ordinateur de bord, la technologie des antennes sous le train, l’amplitude des normes GSM-R au niveau des fréquences Hertz et le design de l’écran de bord auquel obeit le conducteur. Le but était qu’il n’y ait plus de choix nationaux incompatibles entre eux, ce qui simplifiait aussi le travail des constructeurs qui peuvent ainsi vendre leur matériel roulant dans n’importe quel pays européen.

ETCS-Balises
Les balises au sol, un outil qui envoie des messages aux trains, mais ponctuellement. Une des deux balises sert pour l’odométrie.

Qui assure la supervision européenne, et sur quelle base ?
L’European Railway Agency (ERA), sise à Valenciennes, est l’agence unique qui joue le rôle d’autorité de conception du système pour l’ERTMS. Elle se base sur la Spécification Technique d’Interopérabilité (STI) relative aux sous-systèmes de contrôle-commande et de signalisation embarqués et au sol. Cette STI s’applique aux sous-systèmes de contrôle-commande et de signalisation embarqués des véhicules qui sont (ou sont destinés à être) exploités et aux sous-systèmes de contrôle-commande et de signalisation au sol du réseau ferroviaire de l’Union européenne.

Actuellement, ce sont les versions ETCS baseline 3 version 2 (R2) et GSM-R baseline 1 qui sont d’application à l’ensemble du territoire de l’Union européenne.

Du côté de la transmission de données, la Commission européenne a défini les conditions d’utilisation des bandes de fréquences FRMCS : les chemins de fer auront désormais accès à une nouvelle bande de fréquences à 1900 MHz. Un grand pas vers l’introduction de FRMCS sur la base de la norme 5G mobile. Pour le rail, cela signifie que les applications du système ferroviaire numérisé utiliseront à l’avenir une plate-forme de communication performante avec une faible latence et des débits de données élevés. 

Qui fournit des solutions ERTMS / ETCS ?
Ce sont des entreprises spécialisées, tant pour le matériel « sol » que le matériel « à bord ». Quelques exemples :

Ces entreprises proposent des solutions très larges, y compris dans les cabines de signalisation ou sur les éléments en campagne, quand d’autres challengers se concentrent sur certains aspects de l’ETCS. 

Toute l’Europe en ETCS ?
L’implantation de l’ETCS nécessite non seulement de revoir les équipements de la voie, mais aussi du matériel roulant qui doit disposer à bord de l’ordinateur EVC, dans antennes pour « lire » les balises et le GSM-R, et des écrans pour le conducteur. L’addition est souvent salée malgré un saut évident dans la sécurité. Chaque pays a donc organisé un plan de déploiement, certains sur leur réseau complet, d’autres sur des lignes principales ou a fort trafic. L’implantation de l’ETCS est d’autre part cofinancé par l’Europe quand on l’installe sur un des 9 corridors RTE-T, ce qui devrait être un incitant pour le déploiement.

Conclusion provisoire
Il est prévu à terme – mais qui peut garantir une date ? -, qu’une grande majorité des lignes d’Europe soit dotée de l’ETCS. De quel niveau ? Cela est variable d’une ligne à l’autre et des décisions nationales. Retenons que les balises dans la voie et le GSM-R (bientôt FRMCS), sont les éléments clés de la sécurisation des trains puisque c’est dorénavant ces voies de communication qui transmettent les ordres de mouvement à bord.

14/10/2021 – Par Frédéric de Kemmeter – Signalisation ferroviaire et rédacteur freelance
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Petit lexique des éléments de l’ETCS

Balises ETCS
Également appelées Eurobalises, il s’agit d’un groupe de 2 éléments rectangulaires placés dans la voie et servant à transmettre des informations aux trains quand ils passent par-dessus. La lecture de ces balises impose que les trains soient munis d’une antenne. Les specifications des eurobalises ont été déterminées dans le cadre de l’élaboration de l’ETCS. Les constructeurs de balises – Alstom, Siemens, Hitachi Rail,… -, ne fournissent que des Eurobalises standardisées. Ces Eurobalises sont placées au pied d’un signal (ou d’un repère sur ligne TGV), et en amont de ce signal (à 300m par ex. sur le réseau Infrabel). Il existe deux principaux types d’Eurobalise:

  • les Eurobalises fixes : elles ne sont pas raccordées par câble. Elles sont auto-allumante au passage d’un train et envoie seulement des coordonées de positionnement de la voie. Les balises fixes sont utilisées pour l’ETCS de niveau 1 et 2 pour l’odométrie;
  • les Eurobalises commandées : elles sont raccordées par câble à un LEU (Lineside Electronic Unit). Ce LEU dicte à l’eurobalise l’information qu’elle doit transmettre. Ce message est capté au passage du train par son antenne (photo ci-dessous), et message diffère en fonction des autorisations de mouvements. Les balises commandées ne sont utilisées que pour l’ETCS de niveau 1, car pour le niveau 2, c’est le GSM-R qui transmet les informations, et non les eurobalises.

Si un train passe une balise indiquant l’arrêt absolu (feu rouge), alors l’ordinateur de bord déclenche un freinage d’urgence et la baisse du pantographe pour arrêter le train. Il y a des limites dans la quantité de balises qu’on peut installer dans la voie. Un train recevra par exemple une restriction de vitesse qu’il doit appliquer, jusqu’à ce qu’il passe sur une autre balise 1500 ou 2000m plus loin lui indiquant un nouveau message. Un train en ETCS de niveau 1 ne reçoit donc des informations que ponctuellement. La photo ci-contre nous montre un exemple d’antenne lisant les messages des eurobalises.

[dico]

DMI
Le Driving Machine Interface est l’écran de bord par lequel le conducteur peut suivre les instructions de mouvements. Il s’agit d’une fonction « signalisation de cabine » qui permet de transmettre les Movements Authorisation (MA) au train. Ces MA sont affichées au DMI et le conducteur doit observer les informations affichées et réagir conformément aux règles opérationnelles.



[dico]

GSM-R
Il s’agit d’un système de transmission de données entre le train et le centre de contrôle, mais par transmission GSM propre aux chemins de fer, en 2G, et non plus par balises. Le GSM-R est utilisé pour beaucoup de fonctions entre le sol et le train, mais il est un élément essentiel de l’ETCS de niveau 2 et 3. Concrète-ment, il s’agit de mâts placés le long de la voie et reliés à des radio bloc center (RBC) et au centre de contrôle de la ligne. L’implantation de ces mâts ne se fait pas au hasard et doit tenir compte de la géographie des lieux – comme les tranchées ou les courbes -, pour fournir une couverture optimale sans « coupures ».
Il possède deux avantages incontestables :

  • Sa couverture permet d’envoyer des informations en continu, de façon permanente, alors qu’avec des balises ce n’est que ponctuellement;
  • le système radio permet d’envoyer de grandes quantité de données par rapport aux balises.

Raison pour laquelle le GSM-R est utilisé en ETCS de niveau 2, car à ce niveau, le système surveille la vitesse du train seconde par seconde. Cette surveillance impose de grandes quantités d’échange de données entre le bord et le sol. Le GSM-R montre encore néanmoins certaines limites pour transmettre les énormes quantités de données nécessaires à l’avenir, par exemple pour la maintenance prédictive des trains. De plus, les éléments des 2, 3 et 4G ont une obsolescence programmée pour 2030, période où la maintenance sera arrêtée. Ces évolutions ont conduit à développer pour le chemin de fer le Future Railway Mobile Communication System (FRMCS) comme norme mondiale pour les télécommunications ferroviaires, tout en utilisant la 5G. Les fréquences destinées au GSM-R et plus tard au FRMCS sont décidées au niveau mondial par le biais du consortium 3GPP créé en décembre 1998 avec sept organismes de normalisation des télécommunications dont l’UIT (Union internationale des télécommunications). Ce consortium produit et publie les spécifications techniques des réseaux mobiles de 3e (3G), 4e (4G) et 5e (5G) générations.


Pour approfondir :

ETCSLa composante ETCS à trois niveaux
Cette page présente la composante ETCS. Trois niveaux ont été élaborés à la base. Les deux premiers sont déjà en service sur quelques lignes d’Europe, le niveau 3 est lui encore au stade conceptuel. A ces niveaux de prise en charge, on en rajoute de facto deux autres : – le niveau 0 : aucune prise en charge par aucun système; – le niveau STM (Specific Transmission Module) : prise en charge par les systèmes nationaux.


Lorh-IndustryLa composante GSM-R
Les eurobalises ont pour inconvénients de ne transmettre de l’information que ponctuellement, de sorte que le train s’en tient aux dernières informations transmises avant de pouvoir obtenir de nouvelles informations aux balises suivantes. De manière schématique, le GSM-R évite ces inconvénients. Il transmet les informations de manière permanente…


Actualités :

ETCS Niveau 3 régional : expériences en Italie
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Télécharger la mise à jour de l’ETCS ou l’interface nationale comme une application ?
30/08/2021 – C’est ce qu’envisage sérieusement The Signalling Company, une joint-venture créée en 2019 entre deux sociétés belges – ERTMS Solutions et l’opérateur fret Lineas. Elle met au point une nouvelle application mobile qui déclinera le système belge de classe B (TBL1+) à télécharger selon les besoins d’un opérateur ferroviaire. Mais aussi des mises à jour de l’ETCS…


FRMCS-GSM-RFRMCS, une clé pour l’ERTMS et la numérisation du rail
29/03/2021 – Devenu obsolète, le GSM-R n’est plus l’avenir de la transmission des données ferroviaires. Le FRMCS devra le remplacer en tenant compte des dernières normes mondiales des transmissions de données.


Cloud_computingNumérisation : ÖBB veut entrer dans le cloud
10/09/2020 – La numérisation du rail n’est plus de la science-fiction. Ce qui est plus novateur, en revanche, c’est d’utiliser des solutions cloud. Les ÖBB ont fait un test de décentralisation d’une cabine de signalisation


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Frédéric de Kemmeter

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