25/10/2021 – Par Frédéric de Kemmeter – Signalisation ferroviaire et rédacteur freelance
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Une Italie plus efficace, compétitive et attractive. Cela est du domaine du possible, mais seulement en tirant le meilleur parti des opportunités offertes par le Plan National de Relance (PNR), en se concentrant sur un patrimoine d’infrastructures modernes et durables, grâce à une collaboration synergique entre le public et le privé. Le message est répandu à longueur d’événements ou de colloque. L’Italie souffre de retards sur les infrastructures, dont « il faut prendre note qu’au cours des 20 dernières années, il y a eu un retard considérable dans les investissements. De 2009 à 2018 les investissements publics ont été réduits de 34% de 58 à 38 milliards d’investissements. Et tout cela a des répercussions sur la croissance du pays », déclarait Gaetano Miccichè, Président d’Intesa Sanpaolo lors d’un colloque organisé par sa banque.
Une autre manière de gérer les travaux publics
Rénover les procédures est la pierre angulaire du système italien des travaux publics. La volonté du gouvernement de réaliser plus rapidement les travaux ferroviaires et les travaux d’infrastructure connexes est antérieure à la pandémie. En juillet 2019, les députés avaient soutenu une législation connue sous le nom de Sblocca Cantieri (« débloquer la construction »), et qui a débouché sur l’élaboration d’un plan stratégique national classant les différents projets en fonction du degré de préparation de la conception, du coût prévu et des avantages socio-économiques escomptés pour l’ensemble du pays. Le Sblocca Cantieri est clairement destiné à fournir des gages de qualité pour les chantiers à venir et surtout à tourner le dos à l’Italie du passé. Pari gagné ?
Depuis le Palazzo Chigi à Rome, il y a dit-on le style Mario Draghi, avec la gestion de la nouvelle équipe gouvernementale installée depuis février dernier. Le fameux PNR, d’un montant de 191,5 milliards d’euros d’ici à 2026, prévoit 151 investissements et 63 réformes : pour chacun d’entre eux, des délais stricts ont déjà été fixés, ce qui conditionnent le décaissement des ressources. Les délais et les procédures : la grande plaie des travaux publics italiens. Il fut nécessaire de redéfinir le travail de chaque ministère et d’identifier chaque zone critique et les points de blocage. Une « salle de contrôle » est prévue au sommet de l’État et présidée par Mario Draghi en personne, pour dénouer les nœuds importants.
En décembre 2020, le gouvernement signait un accord avec différentes organisations syndicales et sociales visant à faciliter le travail 24h/24 sur les grands chantiers ; en contrepartie, le gouvernement prévoyait que les seuls projets ferroviaires et routiers généreraient en moyenne 68.000 emplois à temps plein sur 10 ans, avec un pic de 120 000 personnes supplémentaires nécessaires en 2025.
L’autorité du gouvernement Draghi semble aussi payante car l’Europe paye en partie le plan de relance : « Le respect des engagements pris avec l’UE est crucial pour l’allocation des fonds européens, » rappelle le premier ministre. Des mesures importantes ont depuis déjà été prises en matière de réduction drastique de la bureaucratie et d’accélération des procédures. « Avant l’ère Draghi, une telle répartition des ressources aurait pris 2 ans, au lieu de quatre mois aujourd’hui » explique-t-on au Figaro. Une politique apparemment payante : grâce à cette accélération, 25 milliards d’euros avaient déjà été débloqués au mois d’août, soit 13% du montant total prévu au PNR.
Des pouvoirs extraordinaires pour accélérer les grands chantiers
Il n’a fallu que quelques mois au ministre des Infrastructures, Enrico Giovannini, pour nommer près de 49 commissaires qui devront prendre en charge les 102 chantiers suspendus ou en retard. Ces commissaires ne sont pas des étages supplémentaires dédiés à la bureaucratie, mais ont au contraire été nommés pour accélérer le processus bureaucratique pour le (re)démarrage des chantiers. « Ces derniers mois, nous avons travaillé intensément à la révision des réglementations en matière de passation des marchés, un aspect fondamental pour gérer et attirer les investissements et les collaborations avec le secteur privé, » expliquait le ministre au même colloque d’Intesa.
Ces commissaires-ingénieurs ont donc des pouvoirs leur permettant d’obtenir des autorisations plus rapidement, avec même la possibilité de choix d’entreprises sans appel d’offre, explique-t-on au Figaro. Ils agiront sous l’autorité directe du ministère de l’Infrastructure et seront tenus de fournir au ministère des mises à jour régulières sur l’avancement des travaux. Une mise à jour publique sera publiée chaque trimestre, dans le but d’assurer la transparence et de tenir le public informé de l’avancement des projets affectant leurs communautés. Mais ce système ne serait pas prévu à perdurer à l’avenir, tente-t-on de rassurer. Le tout est de mettre en place une législation durable pour les travaux publics, incluant ceux relatifs au ferroviaire.

Le rail en force
Dans le concret, 7 des 49 commissaires sont affectés à des projets ferroviaires. Sur les 102 projets du PNR, 16 sont des projets ferroviaires grandes lignes et un concerne des investissements dans le métro. La dotation ferroviaire de 60,8 milliards d’euros est divisée en trois parties selon la géographie, reflétant notamment la nécessité de dépenser davantage dans le sud du pays, où les infrastructures sont généralement moins bien développées que dans les régions plus prospères du nord. Le plan prévoit que 40 milliards d’euros seront consacrés à des améliorations dans le sud du pays, soit 42 % du total. 27,2 milliards d’euros supplémentaires (28 %) iront à la région centrale, et 27,7 milliards d’euros (30 %) seront investis dans le nord.
Le réseau ferré italien RFI a donc mis en route les procédures de simplification d’autorisation de chantier ainsi que de mise en concurrence, qui serait un test pour le gestionnaire en vue d’une réforme des marchés publics qui doit être adoptée en 2023, dernière année de l’ère Draghi.
Lors d’une conférence organisée par Federtrasporto, Vera Fiorani, directrice générale de RFI (Rete Ferroviaria Italiana), le gestionnaire d’infrastructure ferrée, rappelait justement la nécessité « de mobiliser toutes les composantes du système économique, (…) notamment celles des autorisations. Il faudra accélérer les processus, les évaluations environnementales et culturelles et les délais (…) Nous sommes en contact permanent avec le monde des affaires, l’Ance [ndlr : association des constructeurs] et les syndicats ».
Parmi les bénéficiaires les plus importants figurent les projets de ligne à grande vitesse et de réalignement des routes entre Brescia, Vérone et Padoue et Naples – Bari. On y trouve aussi des projets de modernisation couvrant les lignes Orte – Falconara et Roma – Pescara ainsi que l’achèvement de la ligne périphérique de banlieue à Rome. Une ligne reliant Tarente à Metaponto, Potenza et Battipaglia doit également être reconstruite aux normes de la grande vitesse avec la caténaire 25kV à courant alternatif.
Dans la liste on trouve encore le nœud ferroviaire de Vérone, la modernisation de Gènes-Vintimille ainsi que 4 paquets de projets concernant la ligne Vérone-Fortezza-(Autriche), comprenant un ensemble de lignes de raccordement au futur tunnel du Brenner vers l’Autriche, en cours de construction. La Sicile n’est pas oubliée avec le projet de 9,2 milliards d’euros concernant une ligne Palerme-Catane-Messine.
Dans l’immédiat d’ici janvier 2022, RFI achèvera ses nouveaux projets, financés par le Plan national de relance et de résilience, pour 12 milliards d’euros. Ensuite, une fois les procédures d’autorisation achevées, RFI lancera au second semestre 2022 les appels d’offres pour d’autres projets d’une valeur de 12 milliards d’euros, de tailles variables.
Pas de bons services trains sans infrastructures top niveau, l’Italie veut montrer l’exemple et effectuer, au passage, un grand rattrapage plus que bienvenu…

25/10/2021 – Par Frédéric de Kemmeter – Signalisation ferroviaire et rédacteur freelance
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