InnoTrans 2022 : le rail était à la fête à Berlin


26/09/2022 – Par Frédéric de Kemmeter – Signalisation ferroviaire et rédacteur freelance
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Innotrans 2022 : on attend encore les résultats concrets de cette édition tant attendue. Outre une exposition extérieure, cet événement majeur est aussi le rendez-vous mondial du business ferroviaire où on signe des dizaines de contrats, où on noue des relations d’affaire, où on présente le rail de demain. L’occasion de sortir de son monde et de voir d’autres choses, d’autres idées. Et c’est hautement nécessaire si on veut garder la tête haute dans le monde de la mobilité.

Mais c’est quoi au fond InnoTrans ? C’est un événement commercial international et économique de l’industrie ferroviaire qui a lieu tous les deux ans à Berlin et qui combine une exposition en plein air, une foire commerciale et un programme de conférences. 

InnoTrans est l’occasion de montrer des premières mondiales et des centaines d’innovations, qui est la raison même de cette foire.

C’est aussi une formidable concentration de managers liés au ferroviaire : une enquête de 2018 indiquait que plus de 50% des visiteuses et visiteurs d’InnoTrans étaient des cadres d’entreprise.

Pourquoi un salon ?

Au milieu des années 1990, l’industrie ferroviaire avait identifié le besoin d’un salon international au cœur de l’Europe. Berlin a été élue, et les raisons sont claires – le lieu de rencontre de l’Europe de l’Est et de l’Ouest. De plus, Berlin est considérée comme le centre allemand de l’industrie ferroviaire avec plus de 220 entreprises manufacturières, c’est donc un lieu idéal pour une exposition de ce format.

Lors de son premier lancement en 1996, l’exposition comptait 172 entreprises présentes au salon tandis que du matériel roulant a été exposé à la gare de marchandises de Wilmersdorf, située à environ huit kilomètres. Plus de 6.000 visiteurs professionnels fréquentèrent ce premier InnoTrans.

L’organisateur de l’exposition Messe Berlin se décida dès 1997 à investir dans son propre faisceau ferroviaire, avec d’abord 800 mètres de voies situées directement sur le parc des expositions et prêt pour la deuxième édition de 1998. Ce fut dit-on une étape importante pour le développement d’InnoTrans. Par la suite, deux voies furent prolongées jusqu’au cœur du site, entre deux groupes de halls.

Le nombre de secteurs représentés augmenta : construction ferroviaire, technique de signalisation et de sécurité, maintenance des véhicules vinrent garnir de plus en plus de halls. La 8ème édition, en 2010, dépassa les 100.000 visiteurs et en 2018, près de 163.000 visiteurs furent comptabilisés.

Les 2 années de pandémie eurent raison de l’édition 2020 qui fut reportée puis annulée. C’était donc avec une impatience certaine que l’industrie ferroviaire attendait cette édition 2022. À l’origine, les journées professionnelles étaient suivies d’un week-end public à petit prix, mais l’édition 2022 ne l’a pas retenu.

2022 : “The Future Of Mobility”

Il est impossible de parcourir l’InnoTrans en une journée sauf à pointer ses préférences. On comprend mieux pourquoi il y a un pass disponible pour plusieurs jours, lequel inclus d’ailleurs les transports publics berlinois. Un détail qui séduit :  il n’y a jamais eu autant de cravatés dans le S-Bahn que durant cette semaine-là à Berlin. Impressionnant !

Les thèmes de cette édition : la mobilité durable par rail à l’heure du changement climatique, de la numérisation et de l’automatisation. Que pouvait-on y voir ? Les stands de 2.834 exposants de 56 pays, étalés sur 200.000m², ainsi que, dit-on, près de 250 premières. Cela va de l’automotrice trimode jusqu’au fournisseur de boutons poussoirs ou d’engrenages. Tout le secteur est représenté, même les écrans DMI à bord des locomotives ou des logiciels de gestion du trafic.

Le clou pour tout amateur ferroviaire éclairé est bien évidemment l’exposition extérieure, le « outdoor », avec une bonne centaine d’engins présentés côte à côte comme vous n’en verrez plus jamais de votre vie. Impossible d’en faire la liste exhaustive, mais dégageons quelques éléments phares.

Les trains à batteries et hydrogène menaient la barque, tout comme les Vectrons Last Miles de Siemens. Ce sont les grandes tendances du moment. S’il y en a un qui a mis le paquet, c’est le « petit suisse » Stadler, devenu un géant parmi les historiques Siemens et Alstom. Stadler exposait 7 engins : EURO9000, FLIRT à batteries, FLIRT trimode (pour Transport for Wales), FLIRT H2 (pour la San Bernardino County Transportation Authority – SBCTA), une rame de métro (IPEMU pour le Merseyrail de Liverpool) et deux trams : Tina et CityLink. On notera que du matériel destiné au marché britannique et américain, réuni sur un même plateau, c’est plutôt rarissime…

Et puis il y a Hitachi Rail, une entreprise globale bien implantée en Europe avec un gros stand au hall 4.2. Ce constructeur présentait son « Blues Train », une rame «tri-mode» permettant de switcher entre le traditionnel pantographe sur lignes électrifiées avec des batteries ou un classique moteur diesel sur ligne non-électrifiées. Le « Blues Train » est équipé de l’ETCS ce qui rend ce matériel apte à concurrencer précisément les automotrices Stadler, Alstom ou Siemens qui occupent le même créneau.

Et du côté d’Alstom ? Une des 10 locomotives Traxx MS pour les Luxembourgeois de CFL Cargo, avec option « dernier kilomètre » et équipée de l’ETCS, et dont le moteur diesel serait à terme remplacé par des batteries. Alstom et Luxembourg encore, avec cette rame Coradia pour les CFL.

Les pays de l’Est ne vous inspirent pas ? Vous avez tort ! À commencer par les Polonais qui présentaient leurs deux constructeurs nationaux : PESA et Newag. Ce dernier était présent en force avec notamment cette rame Impuls 2 Hybrid, destinée à la ligne Szczecin – Kołobrzeg, combinant classiquement l’énergie par caténaire et un moteur diesel. Cette rame peut aussi concurrencer les automotrices Stadler, Alstom ou Siemens. Cela fait beaucoup de monde sur le segment régional.

Newag présentait aussi sa locomotive multi système DRAGON 2 livrée à PKP Cargo sous le type ET43-010, dont on trouvera une meilleure photo à ce lien. Les Polonais de PKP Intercity présentaient aussi une chose simple qu’on a oublié dans nos contrées tout TGV : la bonne voiture classique climatisée. Ici en version à compartiments, avec lampes LED, prises de courant et… prises USB. Les Slovaques présentaient une voiture analogue, mais en version couloir central. Au bout, une plateforme pour le transport des vélos. Tellement simple…

Siemens présentait sa Vectron MS apte à 230km/h et achetée par l’opérateur historique tchèque České dráhy, lequel serait le premier client à avoir commander cette version (en mars dernier). Siemens et DB Cargo présentaient aussi une Vectron Dual Mode BR 249 électrique/diesel avec comme fonctions supplémentaires un système innovant de manœuvres avec éclairage et télécommande numérique. On remarque un renforcement des rambardes et marchepieds destinés à la manœuvre.

Côté fret, divers wagons pour le transport intermodal. Car mettre les marchandises – et les camions -, sur le train, c’est aussi parier sur un futur décarboné. Tatravagónka Poprad présentait ainsi plusieurs wagons, dont un XL pouvant accueillir 2 conteneurs 40 pieds et un T4000 Sdggmrss, plus classique mais «multi » : il peut indistinctement accueillir une semi-remorque Megaliner ou des conteneurs, en rabattant des coins d’attache (en jaune sur la photo de droite).

Commentaire sur place d’un industriel français rencontré par hasard : « les gens de l’Est font des choses plus rustiques mais ils peuvent concurrencer nos wagons Lohr ».

Messe Berlin, l’organisateur d’Innotrans, ajoutait que 95% des halls étaient occupés par d’innombrables fournisseurs, associations ou entreprises diverses qu’il est impossible de présenter ici. Notons ces regroupements d’industries nationales, chaque pays ayant largement investi dans une surface importante, comme Swissrail et les Sud-coréens, mais aussi les Français et les Belges, tous bien présents à Innotrans. L’Unife, représentante attitrée des industriels ferroviaires, ne pouvait pas ne pas être là et tenait divers talk durant sa présence sur un stand coloré.

Mais aussi un déluge de fournisseurs en tout genre, de l’écran DMI au pantographe, en passant par les moteurs d’aiguillages ou encore les caténaires rigides.

Comme pour ne rien gâcher, les plus grands organisaient tour à tour des « cocktails », et votre serviteur peut vous dire que certaines fêtes allaient bien au-delà de la fermeture…

Que dire de plus ? Que le monde avance et que l’Europe doit continuer à être le leader du ferroviaire. L’Asie était en force à ce salon, avec des solutions innovantes, dont certaines axées sur le digital, la 5G et/ou la reconnaissance faciale, des thèmes de recherches traditionnels là-bas mais qui provoquent encore chez nous des interrogations. Attention à ne pas se faire dépasser.

Rendez-vous dans deux ans, le prochain Innotrans étant parait-il prévu du 24 au 27 septembre 2024. 🟧

InnoTtrans
(Toutes les photos Mediarail.be)

26/09/2022 – Par Frédéric de Kemmeter – Signalisation ferroviaire et rédacteur freelance
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Publié par

Frédéric de Kemmeter

Cliquez sur la photo pour LinkedIn Analyste ferroviaire & Mobilité - Rédacteur freelance - Observateur ferroviaire depuis plus de 30 ans. Comment le chemin de fer évolue-t-il ? Ouvrons les yeux sur des réalités plus complexes que des slogans faciles http://mediarail.be/index.htm

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