Télécharger la mise à jour de l’ETCS ou l’interface nationale comme une application ?

Par Frédéric de Kemmeter – Signalisation ferroviaire et rédacteur freelance – Inscrivez-vous au blog
30/08/2021 –
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C’est ce qu’envisage sérieusement The Signalling Company, une joint-venture créée en 2019 entre deux sociétés belges – ERTMS Solutions et l’opérateur fret Lineas. Elle met au point une nouvelle application mobile qui déclinera le système belge de classe B (TBL1+) à télécharger selon les besoins d’un opérateur ferroviaire. Mais aussi des mises à jour de l’ETCS…

En 2020, la DG Move avait mis en évidence plusieurs raisons de la lenteur de la modernisation de l’ERTMS en Europe. L’une d’elles est la faible disponibilité des modules de transmission spécifiques (appelés STM – Specific Transmission Module) et/ou des systèmes de classe B. La plupart des pays d’Europe (à de rares exceptions comme la Suisse et le Luxembourg) exigent que les anciens systèmes de classe B demeurent installés sur les véhicules, en plus de l’ETCS, afin d’être autorisés à circuler sur le réseau ferré national. La raison principale tient aussi au fait que les lignes non-équipées de l’ETCS sont encore très nombreuses en Europe, ce qui impose le maintien des STM à bord des trains.

Coûteux et peu concurrentiel
Le fait que les STM des différents pays soient encore incontournables posent de problèmes aux opérateurs internationaux, qu’ils soient de fret ou pour le service voyageurs.

Cela rend le fret ferroviaire non compétitif alors que des centaines de milliers de camions traversent la frontière sans avoir ce genre de problème technique. Un opérateur comme Thalys doit équiper une partie de ses trains de sept STM pour opérer en France et dans le Benelux : KVB, TVM430, TBL1+, TBL2, ETCS N2, ATB et LZB/PZB. Tout cela engendre des coûts de production à la hausse.

Mais le grand challenge, ce sont les locomotives. Beaucoup sont louées, signifiant aussi qu’en fin de contrat elles sont restituées au propriétaire. Les loueurs (Rosco – Rolling Stock Company) qui se retrouvent par exemple avec des locomotives aptes à l’Allemagne et le Benelux vont avoir beaucoup de peine à en louer au Danemark ou en Tchéquie. Motif : il faut rajouter les STM de ces pays, et peut-être enlever ceux du Benelux. Cette barrière à l’entrée pourrait trouver une solution si les STM étaient déclinés comme une application à télécharger.

Ouvrir un marché très fermé
Mais il y a encore une autre barrière : la fourniture de certains STM de classe B – parfois anciens -, est un marché très fermé. Les nouveaux fabricants qui tentent de vendre des solutions de classe B de manière indépendante sont confrontés eux-mêmes à des barrières à l’entrée élevées car les spécifications du système et les codes sources ne sont pas publics, il n’y a donc pas de marché pour les produits de classe B sur le marché secondaire.

The Signalling Company explique que quel que soit le nombre de locomotives nécessaires, il est actuellement impossible d’obtenir un échéancier clair d’un constructeur pour obtenir la mise à niveau nécessaire du matériel roulant et des systèmes de classe B. « D’un point de vue budgétaire, il n’y a pas d’autre option pour le nouvel entrant que d’accepter l’offre qu’elle recevra puisque les plateformes technologiques des fournisseurs actuels sont entièrement propriétaires », explique-t-elle. L’enjeu consiste donc à pouvoir installer et désinstaller rapidement des systèmes de classe B sur n’importe quelle locomotive dans toute l’Europe. Et par la même occasion, de décloisonné le marché et ses codes sources.

Suivre l’évolution de l’ETCS
Une autre préoccupation est que le logiciel ERTMS est appelé constamment à évoluer et être mis à jour au fil du temps, ce qui agace de nombreux opérateurs. Un matériel roulant à reconfigurer est un actif qui ne roule pas car il est en atelier. Tout cela est une source de coûts supplémentaires et un gros gaspillage de ressources.

Le secteur ferroviaire a convenu, suite à la publication de la version 2 de Baseline 3 en 2016, de « geler » les spécifications jusqu’en 2022 au moins. Cependant, cela a déjà retardé l’introduction des améliorations qui ont changé la donne, comme l’ATO. Stanilas Pinte, PDG de The Signalling Company, affirme que la politique de gel des spécifications « ne peut tout simplement pas fonctionner » à long terme. La réponse se trouverait dans une tendance plus large vers le « logiciel en tant que service », ce qui signifie que les mises à jour de la ligne de base ERTMS doivent être fournies sans qu’il soit nécessaire de revoir la conception du produit ou de procéder à des investissements importants. « Elles doivent être aussi simples que la mise à jour de votre smartphone, et presque invisibles pour l’utilisateur final« , explique Stanislas Pinte.

« Comme un smartphone », tel est en effet le concept de The Signalling Company, en guise de clin d’oeil, bien-sûr. L’enjeu consiste à pouvoir installer et désinstaller rapidement des systèmes de classe B sur n’importe quelle locomotive dans toute l’Europe et de mettre à niveau une nouvelle version ETCS rapidement, un peu à la manière d’une AppStore du rail. L’entreprise envisage à terme de proposer une grande série d’application fonctionnelles de différents pays et critiques pour la sécurité, et qui peuvent être téléchargées sur n’importe quelle locomotive pendant une simple nuit. La plate-forme abriterait d’autres applications fournissant des fonctionnalités comme l’ATO, le DAC (attelage automatique) ou d’autres technologies, contribuant au déploiement de l’ERTMS en Europe. Evidemment, télécharger un STM comme une app n’implique pas la fin des antennes multiples sous la locomotive comme on l’a expliqué plus haut. D’où l’urgence de s’en tenir à l’ETCS pour unifier les appareillages physiques.

Permettre aux trains de circuler à travers l’Europe aussi facilement que les camions ou les bus le font actuellement est essentiel pour stimuler la compétitivité du rail et réduire l’impact environnemental des transports dans le cadre de la lutte contre le changement climatique. Cela suppose donc d’éliminer ce type de barrière. Une de plus…

ETCS
Des appareillages multiples sous la locomotive…

30/08/2021 – Par Frédéric de Kemmeter – Railway signalling et rédacteur freelance
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Sources :

2019 – Lineas – A better ETCS onboard, no more no less

2020 – TheSignallingCompany – TheSignallingCompany to build new mobile app to function as the Belgian Class B system (TBL1+) on its ETCS Solution

2020 – Railway Gazette International – Chris Jackson – Freight: Lineas targets cost-effective ETCS

2020 – Railway Gazette International – Bringing ‘Silicon Valley best practice’ to ETCS development

2021 – Railtech.BE – Frédéric de Kemmeter – Une application TBL1+ à télécharger sur une locomotive

2021 – Railway Gazette International – Lineas orders TBL1+ interface as an app

2021 – International Railway Journal – New Belgian signalling app promises to simplify fleet updates

Pour approfondir :

FRMCS-GSM-RFRMCS, une clé pour l’ERTMS et la numérisation du rail
29/03/2021 – Devenu obsolète, le GSM-R n’est plus l’avenir de la transmission des données ferroviaires. Le FRMCS devra le remplacer en tenant compte des dernières normes mondiales des transmissions de données.


La 5G, une technologie clé pour l’avenir de nos chemins de fer
21/09/2020 – La 5G est une technologie sans fil qui pourrait grandement aider nos chemins de fer à se moderniser. Maintenance prédictive, surveillance de la voie, occupation des trains en temps réel et même concept de signalisation, de nombreux domaines pourraient être impactés.


SWEG_ATO_zugAllemagne : rail numérique, ERTMS et ATO pour les trains régionaux
02/09/2020 – En Allemagne, des Lander et Hambourg investissent eux-mêmes dans la technologie ATO pour leurs trains régionaux. La rail numérique prend corps pour le trafic local.


Passer du produit au client : le rail peut-il s’inspirer des Gafam ?
21/06/2021 – Passer de la politique « produit » à la politique « client » est un vrai défi pour le rail. Le poids des actifs (trains-infrastructure) et les habitudes culturelles façonnent encore largement la politique ferroviaire, mais il y a pourtant quelques raisons d’espérer.

FRMCS, une clé pour l’ERTMS et la numérisation du rail

29/03/2021 – Par Frédéric de Kemmeter – Signalisation ferroviaire et rédacteur freelance
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Devenu obsolète, le GSM-R n’est plus l’avenir de la transmission des données ferroviaires. Le FRMCS devra le remplacer en tenant compte des dernières normes mondiales des transmissions de données.

Comme on le sait, le GSM-R, l’élément de télécommunications de l’ERTMS, a connu un grand succès avec son déploiement sur plus de 150.000 km de voies en Europe et 230000 km dans le monde. Le GSM-R fournit une connectivité 2G+ transparente entre le sol et le bord, mais cette technologie basée sur le GSM arrive en fin de vie tandis que les sous-systèmes du GSM-R sont confrontés à l’obsolescence. Le GSM-R n’a pas la capacité de transmettre les énormes quantités de données nécessaires aujourd’hui et à l’avenir. Bien que les fournisseurs aient garanti un soutien continu à la technologie GSM-R jusqu’en 2030, il est temps de passer à une nouvelle technologie de transmission de données.

C’est la raison pour laquelle l’Union internationale des chemins de fer (UIC) a lancé les premières études pour un successeur au GSM-R dès 2012.  Ces dernières années, l’UIC a réuni les principales associations et compagnies ferroviaires européennes ainsi que les organismes de normalisation des télécommunications ETSI Technical Committee for Rail Telecommunications (ETSI TC-RT) et les groupes de spécifications techniques du 3GPP. Le 3GPP est un consortium créé en décembre 1998 avec sept organismes de normalisation des télécommunications tels que l’UIT (Union internationale des télécommunications), ETSI (Europe), ARIB/TTC (Japon), CCSA (Chine), ATIS (Amérique du Nord) et TTA (Corée du Sud). Ce consortium produit et publie les spécifications techniques des réseaux mobiles de 3e (3G), 4e (4G) et 5e (5G) générations.

Ne pas oublier le rail
Les normes 3GPP sont structurées sous forme de versions. Les discussions sur le 3GPP font donc fréquemment référence à la fonctionnalité d’une version ou d’une autre. Chaque version comprend des centaines de documents individuels de spécifications techniques et de rapports techniques, dont chacun peut avoir fait l’objet de nombreuses révisions. Les normes 3GPP actuelles intègrent la dernière révision des normes GSM. Nous en sommes aujourd’hui à la 16e version, appelée R16. Une version R17 est en cours de développement et est prévue pour 2022.

(photo Global Rail review)

Lors de l’élaboration de normes à un niveau mondial aussi élevé, il est crucial de prendre en compte les exigences des chemins de fer, car les télécommunications touchent des secteurs très vastes, comme l’aviation, la marine marchande et l’industrie, avec le risque d’oublier le chemin de fer. Il a donc fallu beaucoup de lobbying pour que les spécifications normatives du 3GPP intègrent les exigences ferroviaires spécifiques. En fait, l’ETSI joue un rôle clé pour intégrer les technologies spécifiques au rail dans les normes de communication mobile mondiales dominantes. Les exigences ferroviaires ont donc été soumises aux groupes de travail du 3GPP, où une analyse avec les exigences existantes du 3GPP est effectuée, pour ensuite éliminer les écarts constatés par des exigences normatives supplémentaires ou nouvelles, qui seront incluses dans la R17.

(photo Global Rail Review)

Incontournable 5G
Ces évolutions ont conduit à développer pour le chemin de fer le Future Railway Mobile Communication System (FRMCS) comme norme mondiale pour les télécommunications ferroviaires. Mais cela signifiait aussi que les opérateurs ferroviaires devaient commencer rapidement à planifier la manière dont ils prépareront et feront migrer leurs réseaux.

De par son faible débit (et ce malgré l’avancée majeure portée par l’arrivée du GPRS), le GSM-R 2G est souvent considéré comme le point limitant du système ERTMS. La question s’est alors posée de remplacer les protocoles GSM-R par un autre type de connectivité plus performant. Les dernières réflexions de l’UIC et de l’Agence ferroviaire européenne (ERA) ont montré une nette préférence pour la 5G, un choix soutenu – ce n’est pas une surprise -, par de nombreux fournisseurs de télécommunications et de grands opérateurs ferroviaires européens. En fait, la technologie 5G est la base de la nouvelle norme FRMCS, mais la 5G est nécessaire à la numérisation des chemins de fer. Cependant, les entreprises ferroviaires devront conserver leurs propres réseaux mobiles à part, car les opérateurs mobiles ont exclu l’utilisation de leurs réseaux commerciaux pour des raisons juridiques. L’usage de la 5G permet une augmentation du débit, une diminution de la latence, une standardisation des protocoles qui seront adaptés aux autres marchés et aussi une diversification de la concurrence. C’est surtout la promesse d’un réseau plus fiable avec un haut niveau d’engagement.

L’urgence de développer une norme basée sur les spécifications 3GPP telles que décrites plus haut (Release 16, ou supérieure), compatible avec la bande harmonisée mise à disposition du GSM-R (900 MHz), est requise par la révision du règlement européen (UE) 2016/919 de la Commission, prévue pour 2022 et qui doit inclure cette nouvelle norme ainsi que le FRMCS et d’autres fonctionnalités innovantes, pour actualiser et améliorer les performances de l’ERTMS et faciliter son déploiement.

(photo Unife)

L’introduction de la technologie 5G (version R16 ou R17) offre une série d’opportunités spécifiques (1) :

  • Efficacité spectrale améliorée – Le GPRS représente déjà une étape significative par rapport à la logique de commutation de circuits, multipliant jusqu’à quatre fois l’efficacité spectrale. D’autres améliorations significatives sont attendues avec la 5G;
  • Surmonter le double système voix-données actuellement utilisé, qui complique toute l’architecture et augmente considérablement les coûts embarqués. Cependant, la définition d’une architecture ERTMS et de radio embarquée pour la modernisation et pour les nouveaux véhicules sera cruciale pour saisir cette opportunité;
  • Nouvelles fonctionnalités avec l’introduction des « game-changers » pour les systèmes de commande, de signalisation et de contrôle des chemins de fer (notamment, mais pas exclusivement, pour l’ATO), y compris la communication vidéo pour les conditions dégradées;
  • Cyber-résilience élevée et obtention d’une technologie fiable pour la grande et la très grande vitesse (jusqu’à 500 km/h).

L’architecture FRMCS
Compte tenu de l’augmentation – encore inconnue – des demandes de communication mobile dans les chemins de fer, il est nécessaire que le concept FRMCS soit très flexible, en termes d’indépendance de technologie porteuse, de manière à être à l’abri de l’évolution spectaculaire du secteur des télécommunications, et qu’il soit aussi évolutif, extensible et enfin plus durable du point de vue économique. Pour ce faire, il fallait une architecture de pointe qui non seulement intègre les dernières technologies, mais permet également l’introduction de technologies futures. Alors que le GSM-R est un système peu flexible car il est traité comme un seul bloc, le FRMCS découplera les applications, les services et le transport pour permettre une plus grande indépendance et une plus grande flexibilité du support de transport. Cela signifie que l’on passera d’une approche centrée sur la voix à une approche centrée sur les données. C’est là que nous voyons l’importance de la 5G. Le découplage permet d’offrir davantage de services – il existe actuellement certaines restrictions à l’utilisation des réseaux publics – et la norme FRMCS offrira également une plus grande souplesse en matière d’interopérabilité. La définition et l’introduction des FRMCS permettront de faire face à ces tendances, en offrant une flexibilité suffisante en termes de fonctionnalité, de capacité et de performance, et en permettant une réduction des coûts grâce à l’utilisation de technologies, de produits et/ou de services de télécommunications commerciaux courants, tout en maintenant l’interopérabilité, qui est la clé d’un espace ferroviaire européen intégré.

Cette modularité permet de distinguer et de séparer les fonctions critiques (liées à la gestion du trafic et à l’intégrité des trains), des fonctions « non-critiques » annexes, comme les services à bord aux voyageurs.

Sécurité
Le FRMCS devra disposer d’un spectre dédié pour les applications critiques. Les besoins des chemins de fer en matière de performance des trains et d’infrastructure intelligente doivent également être couverts et s’avéreront bien plus importants en quantité que les besoins actuels. Les applications critiques FRMCS, ainsi que leurs options technologiques, sont principalement liées aux fonctions de communication (voix et données) strictement liées aux opérations ferroviaires avec des implications en matière de sécurité.

FRMCS est donc une architecture flexible et modulaire qui peut fonctionner avec une variété de technologies, notamment l’Ethernet (câble), le Wi-Fi, le réseau sans fil de point à point, ainsi que les radios cellulaires LTE/5G. La 5G utilisée pour FRMCS est une architecture dite « cloud-native », c’est à dire virtualisée et modulaire, et qui permet une meilleure évolution et peut fournir une gamme de services plus large. Le réseau 5G est piloté par logiciel et est programmable, ce qui le rend beaucoup plus automatisable et ce qui facilite l’introduction de nouvelles applications. Cela signifie que le rail peut tirer parti des investissements existants en matière de connectivité et qu’il sera en mesure d’évoluer avec l’arrivée de nouvelles évolutions technologiques. Les avantages pour les chemins de fer sont que le FRMCS fournit non seulement les mêmes fonctionnalités que le GSM-R – applications vocales radio pour les trains et données ETCS -, mais peut également changer la donne pour l’ERTMS, par exemple pour la numérisation des chemins de fer.

C’est un élément crucial pour faire du chemin de fer un transport d’avenir et durable.

(1) Tiré de cette page du Global Rail Review

29/03/2021 – Par Frédéric de Kemmeter – Signalisation ferroviaire et rédacteur freelance
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La 5G, une technologie clé pour l’avenir de nos chemins de fer

Par Frédéric de Kemmeter – Signalisation ferroviaire et rédacteur freelance – Inscrivez-vous au blog
21/09/2020 –

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Il faut bien-sûr toujours s’interroger sur la finalité d’une nouvelle technologie. Or ce n’est pas le cas en ce moment, où beaucoup de personnes semblent vouloir remettre en cause notre monde moderne sous prétexte qu’on est arrivé « au bout des choses ». Le dossier 5G a migré dans le champ de l’irrationalité, grâce notamment aux réseaux sociaux où apparaissent soudainement des experts auto-proclamés. Pourtant, la 5G n’est pas un gadget « pour regarder des films dans l’ascenseur », mais notamment pour accélérer la modernisation, la fiabilité et la sécurité des trains. Remettons les choses à leur place…

La poussée technologique, qui accélère le développement numérique actuel, est motivée par le développement rapide de micro-puces toujours plus petites et plus puissantes. Celles-ci ouvrent constamment de nouvelles possibilités en matière de développement et d’optimisation des produits. Les principaux produits issus du développement technique sont les smartphones, les tablettes ainsi que les montres intelligentes, les lunettes de données et autres gadgets. L’objectif principal de la 5G est globalement le contrôle et la régulation sécurisés de la communication dans l’Internet des objets, en temps réel. Alors que la 2G, la 3G et la 4G étaient des systèmes de communication purement cellulaires dans lesquels les terminaux ne communiquent toujours qu’avec la station de base, la 5G sera fortement caractérisée par des architectures maillées dans lesquelles chaque nœud de réseau est relié à plusieurs (à tous) autres nœuds de réseau. Ces architectures maillées seront complétées par des concepts cellulaires.

La 5G est beaucoup plus rapide que les générations précédentes de technologie sans fil. Mais ce n’est pas seulement une question de vitesse. La 5G offre également une plus grande capacité, permettant de connecter en même temps des milliers d’appareils dans une petite zone, ce qui n’est pas possible actuellement avec la technologie 4G. La densité d’appareils connectés pourrait être ainsi dix fois supérieure : la 5G permettrait ainsi de gérer jusqu’à 2,5 millions d’appareils au km2, contre 250.000 pour la 4G. De quoi assurer l’essor de l’Internet des objets. La réduction de la latence (le temps entre le moment où l’on ordonne à un dispositif sans fil d’effectuer une action et celui où cette action est terminée) signifie que la 5G est également plus réactive, ce qui peut être intéressant pour les systèmes de sécurité, ce qui peut intéresser les systèmes de sécurité, qui demandent une réaction rapide à la milliseconde. Mais la plus grande différence est que la connectivité et la capacité offertes par la 5G ouvrent le potentiel de nouveaux services innovants. Et cela intéresse hautement l’industrie : la 5G, c’est en réalité un nouvel espace de vente, où on peut lancer des produits qui n’existent pas encore de nos jours. C’est aussi un nouvel espace de travail, avec des possibilités de surveillance et d’exploitation des objets et des actifs, comme les trains ou le comportement de la végétation le long des voies ferrées.

Au-delà de ces aspects industriels, il y a aussi l’aspect marketing. La 5G est considérée comme un formidable argument pour faire du train « un espace de vie comme à la maison ». Le défi : le streaming en continu à tout moment et en tout lieu pour les voyageurs. Faire des activités dans les transports publics qui ne peuvent pas être faites en conduisant une voiture. Offrir du « temps utile » en voyageant est quelque chose d’une grande importance, parce que cet argument permet de contrer le transport individuel, y compris d’ailleurs le vélo. Certains estiment alors que « ce temps utile » serait surtout « du temps inutilement gaspillé et contraire à la décroissance », car on risque « de passer du temps chez Amazon et d’accélérer la consommation ». Pour ces personnes, le trajet doit être « un temps de repos et de sobriété, pas un temps de consommation supplémentaire ». On s’immisce ici dans la vie privée des voyageurs et la 5G « grand public » est considérée comme un gadget de luxe. On entre alors dans le champs politique et social, où les détracteurs dénoncent des dépenses inconsidérées juste pour regarder un morceau de film durant les 20 minutes que vous passez dans le métro. Chacun jugera…

En s’opposant à la 5G « grand public », on s’oppose en réalité à la 5G industrielle, donc à l’avenir du rail, entre autres. Car il n’y a pas deux réseaux séparés. La 5G est pour tout le monde… ou pour personne. Mais il ne faut pas sous-estimer l’impact sur les entreprises. Paul Cuatrecasas, un banquier d’investissement qui conseille les entreprises technologiques, a écrit un livre dans lequel il dit « pour les opérateurs traditionnels, la technologie est soit un virus, soit une vitamine. Le digital est une épée à double tranchant – vous pouvez l’utiliser pour tuer vos concurrents, ou il peut être utilisé pour vous tuer. » C’est ce qui pourrait arriver aux chemins de fer…

À quoi sert la 5G ?
La 5G dans le secteur ferroviaire recouvre beaucoup de domaines. Cela va de l’occupation des trains en temps réel à la surveillance des talus le long de la voie, en passant par la maintenance prédictive, la sécurité des trains et les conduites semi-automatisées de type ATO. Nous avons déjà montrer de nombreuses applications de la 5G sur ce site. Il faut évidemment faire la part des choses entre ce qui sera rapidement possible à faire et des concepts qui ne deviendront réalité qu’à moyen terme.

>>> Voir notre section consacrée au rail digital

Il ne faut cependant pas sous-estimer les coûts de la 5G le long du réseau ferroviaire. La réalité montre qu’une expansion de 3,5 GHz le long des lignes ferroviaires, où la 5G est actuellement principalement utilisée, nécessiterait de nombreux nouveaux sites d’émission qui n’existent pas encore ou dont l’expansion serait très coûteuse. Le coût extrêmement élevé des licences est un argument massue qui a sensiblement freiné l' »appétit » des opérateurs de réseau. Selon le cabinet de conseil MM1 de Stuttgart, personne ne sait actuellement quand les débits de pointe de 10 GBit/s visés en champ libre seront effectivement atteints et comment cette largeur de bande pourra être introduite dans les trains. Grâce à de nouveaux types de vitres qui présentent moins d’atténuation ? Par de nouveaux répéteurs intérieurs à haute performance ? Par le WLAN embarqué, qui est déjà bien surchargé aujourd’hui ? Ces conclusions ne font pas l’unanimité et la bataille des experts fait rage. Il est aussi probable que les opérateurs ferroviaires préféreront d’abord se concentrer sur des domaines prioritaires, liés aux aspects industriels du chemin de fer.

Il y a pourtant des domaines où la 5G demeure essentielle dans le secteur ferroviaire. C’est le cas de l’exploitation des trains. Le risque d’obsolescence des systèmes 2G et 3G est réel, bien que l’industrie du GSM-R garantisse un cycle de vie allant jusqu’à environ 2030. Après cela, le manque de composants et de savoir-faire rendra la poursuite des opérations de plus en plus difficile et plus coûteuse. Ce problème concerne actuellement principalement le système ferroviaire ETCS, qui fonctionne toujours avec la 2G parce que ce format était suffisant pour la transmission voie-machine. La recherche d’un système à l’épreuve du temps implique le choix de la 5G, puisque les spécifications de la 4G sont désormais gelées et qu’elle est déjà dans la seconde moitié de son cycle de vie dans le secteur des réseaux mobiles publics. Cela pose un problème de spectre, mais ce n’est pas l’objet du présent document. Retenons simplement que la 5G est ici essentielle pour l’avenir de l’exploitation des trains, notamment en ce qui concerne l’ATO.

>>> À lire : Allemagne – Rail numérique, ERTMS et ATO pour les trains régionaux

Un autre facteur de progrès est la maintenance prédictive. Sébastien Kaiser, directeur Connectivité & Réseaux au sein de SNCF, nous explique que la SNCF a identifié 28 cas d’usages. « À Lyon, nous testons avec Bouygues Telecom, Ericsson et Samsung, la capacité à remonter les informations techniques des trains dès leur arrivée en gare. Transmettre rapidement ces données aux centres de maintenance afin de gagner en réactivité sur l’identification des pannes et la préparation des actes de maintenance est un enjeu de productivité et in fine de qualité de service.»

La DB vient d’inaugurer un nouvel atelier à Cottbus, à l’Est du pays, près de la frontière polonaise. Sabina Jeschke, membre du conseil d’administration de la DB pour la numérisation et la technologie : « nous saisissons l’opportunité de construire l’atelier de maintenance des trains le plus moderne d’Europe. Cet atelier sera plus automatisé et contrôlé numériquement que tout autre et constitue également une vitrine pour l’ingénierie allemande. Les robots, le ‘learning machine’ [ndlr : l’auto-apprentissage] et l’intelligence artificielle réduiront radicalement le temps que les trains ICE passent dans l’atelier. Les véhicules pourront retourner sur le réseau beaucoup plus rapidement – ce qui renforce la ponctualité. Avec ce nouvel atelier et deux fois plus d’emplois, nous augmentons considérablement nos capacités. Cela est indispensable car la flotte ICE passera à plus de 420 véhicules d’ici 2026. » Siemens, de son côté, a également construit sa vitrine technologique à Dortmund, pour en apprendre au maximum sur la disponibilité des trains régionaux du Nord-Westphalie.

L’exploitation des trains à distance et via le cloud est encore un autre défi qui nécessite la 5G. C’est ce Siemens a testé en Suisse en 2017, mais sur une petite ligne fermée. Le système Iltis de Siemens (utilisé par les CFF depuis plus de 20 ans), et les applications au sol et l’infrastructure informatique sont dorénavant exploitées à distance dans le cloud, depuis le centre Siemens de Wallisellen, à 170 km de la cabine de signalisation de Zermatt. Un des grands avantages du cloud computing est de pouvoir exploiter toutes les fonctions du système de télégestion ferroviaire par acquisition d’une licence, sans devoir se procurer les très lourds systèmes matériels et logiciels nécessaires. Cela évite bien évidemment des options coûteuses. Les ÖBB ont fait un test identique cet été, sur une distance de 55km.

>>> À lire : Dortmund – Siemens construit son propre atelier d’entretien à l’ère des datas

Un dernier exemple est la disponibilité des infrastructures. C’est crucial à la fois pour la circulation des trains, mais aussi parce que désormais, les opérateurs roulent sur le réseau sur une base contractuelle, ce qui suppose la résolution des litiges. Combien de fois n’avons-nous pas eu une ligne fermée plusieurs jours suite à accident, comme en ce moment entre Edimbourg et Aberdeen ? Mesurer le comportement de la voie, des ponts et des talus passe par les données, beaucoup de données. « Les données satellitaires pourraient nous être d’une aide énorme, même en cas de panne. Cette année (2020), nous prévoyons de tester si la technologie peut nous donner un aperçu plus rapide de la situation sur les lignes en cas de perturbation que ce qui est possible actuellement. L’objectif est de maintenir la phase d’incertitude pour les clients aussi courte que possible et de publier une prévision le plus tôt possible, » explique Sabina Jeschke. Les satellites permettent en effet de surveiller l’évolution de la végétation, par comparaison d’images, et retirer des arbres malades ou de consolider un sol qui aurait tendance à bouger. Autrement dit, avec des tonnes de données croisées.

>>> À lire : Comment les satellites et l’intelligence artificielle surveillent la végétation

Tout cela démontre que la 5G est une technologie importante pour l’avenir du chemin de fer et qu’il faut la prendre sur son côté « progrès ». La même remarque peut d’ailleurs être faite pour de nombreux autres secteurs, comme la surveillance des forêts, des glaciers ou encore dans le domaine de la santé, qui sont des éléments cruciaux pour notre propre avenir. Si, en plus, on peut regarder des films en streaming, c’est bien, mais ce n’est pas la priorité des chemins de fer…

Sources:

2016 – Eurailpress.de – 5G ermöglicht Bahn 4.0

2019 – Sabina Jeschke, Vorstand Digitalisierung und Technik Deutsche Bahn – 5G für die Schiene

2019 – Bahn und Fahrgast Kommunikation – Von 2G/GSM-R zu 5G/FRMCS aus SBB-Perspektive

2020 – L’Usine Nouvelle – 5G, mythes et réalités

2020 – Ofcom – What is 5G?

2020 – Christophe Leroy – Le Vif/L’Express – La 5G est-elle dangereuse pour la santé?

21/09/2020 – Par Frédéric de Kemmeter – Signalisation ferroviaire et rédacteur freelance
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Pour approfondir :

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30/08/2021 – C’est ce qu’envisage sérieusement The Signalling Company, une joint-venture créée en 2019 entre deux sociétés belges – ERTMS Solutions et l’opérateur fret Lineas. Elle met au point une nouvelle application mobile qui déclinera le système belge de classe B (TBL1+) à télécharger selon les besoins d’un opérateur ferroviaire. Mais aussi des mises à jour de l’ETCS…


Numérique : l’indispensable adaptation du rail avec l’humain comme objectif
05/07/2021 – Prenons le temps de la pause et réfléchissons. Le vieux chemin de fer est entré dans un XXIème siècle technologique et de plus en plus digital. Personne n’y croyait dans les années 70 et 80, persuadé qu’une technique du XIXème siècle était vouée au déclin irréversible. Il y a pourtant toutes les raisons de croire que ce secteur peut parfaitement accaparer les bouleversements en cours. Mais sans oublier d’y inclure la dimension humaine.


FRMCS-GSM-RFRMCS, une clé pour l’ERTMS et la numérisation du rail
29/03/2021 – Devenu obsolète, le GSM-R n’est plus l’avenir de la transmission des données ferroviaires. Le FRMCS devra le remplacer en tenant compte des dernières normes mondiales des transmissions de données.


Digital : un potentiel énorme pour le rail

Par Frédéric de Kemmeter – Signalisation ferroviaire et rédacteur freelance – Inscrivez-vous au blog
21/04/2020 –
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Les technologies numériques sont en train de changer la vie des citoyens. Les stratégies de l’UE en matière de digital et de données visent à encourager les entreprises à travailler avec ces nouvelles technologies et à les développer, tout en veillant à ce qu’elles gagnent la confiance des citoyens. Que peut faire le chemin de fer avec ce thème très important ?

Paul Cuatrecasas, un banquier d’investissement qui conseille les entreprises technologiques, a écrit un livre dans lequel il dit « pour les opérateurs traditionnels, la technologie est soit un virus, soit une vitamine. Le digital est une épée à double tranchant – vous pouvez l’utiliser pour tuer vos concurrents, ou il peut être utilisé pour vous tuer. » C’est ce qui pourrait arriver aux chemins de fer.

Les activités internationales des différents opérateurs posent encore des problèmes au niveau des échanges de données, que les associations professionnelles tentent de résoudre de leur propre initiative.

Par exemple l’UIP, l’union internationale des détenteurs de wagons, participe activement au développement et à la mise en œuvre des applications télématiques pour le fret (TAF) et à la promotion des besoins d’un meilleur échange d’informations par le biais d’outils intelligents. L’un de ces outils intelligents est la base de données de référence du matériel roulant (RSRD2) – une base de données centrale régulièrement mise à jour par les détenteurs de wagons et qui stocke les données des wagons accessibles aux entreprises ferroviaires selon les spécifications des STI TAF. Depuis l’introduction de l’outil RSRD, plus de 70 détenteurs de wagons de fret ont rejoint l’initiative pour fournir des données sur 186 000 wagons en Europe.

En ce qui concerne les opérations logistiques, de nombreux opérateurs ferroviaires impliqués dans la planification, l’exécution et le suivi des flux de marchandises considèrent que la voie vers une efficacité opérationnelle accrue et la satisfaction des clients passe par la numérisation des flux logistiques.

Le suivi des commandes est depuis longtemps une réalité chez les grands distributeurs (photo DHL)

Pendant des années, les expéditeurs ont dû recourir à des méthodes de suivi manuelles et à une correspondance ardue avec les opérateurs ferroviaires pour localiser leurs conteneurs ou leurs wagons. Or le suivi des commandes est crucial pour la viabilité des entreprises ferroviaires. Amazon et les grands distributeurs de colis ont démontré à quel point la technologie numérique permettait de conquérir des millions de clients. Le fret ferroviaire a raté cette marche.

L’Internet des objets pourrait avoir un impact économique direct sur la logistique et la chaîne d’approvisionnement dans les cinq prochaines années. Fonctionnant sur trois niveaux – c’est-à-dire le matériel connecté, l’infrastructure qui facilite l’échange et le traitement des données et le niveau logiciel – l’IoT brouille la ligne entre le numérique et le physique, car pratiquement tout objet tel qu’un véhicule de livraison, un chariot de ramassage ou des articles en stock peut potentiellement devenir traçable.

Grâce aux solutions IoT, les entreprises de transport peuvent suivre en temps réel l’emplacement des marchandises et s’assurer qu’elles arrivent au bon moment, au bon endroit et dans un état approprié. Il faut cependant voir si les opérateurs ferroviaires veulent devenir de véritables logisticiens ou ne rester que de simples transporteurs en sous-traitance.

Le QR Code plutôt que l’annotation manuelle des wagons. Une évidence (photo VTG)

VTG, un des leaders du marché européen de la location de wagons, cherche à renforcer sa position sur le marché en intensifiant la numérisation de l’ensemble de sa flotte. Son service « VTG Connect » relie le client, le wagon et le chargement pour fournir une série de fonctions qui optimisent les processus logistiques. Une boîte télématique – le VTG Connector – permet aux utilisateurs d’accéder en temps réel aux informations transmises par les wagons. En suivant la position actuelle de leurs wagons à tout moment, ils peuvent surveiller et prévoir les heures d’arrivée et les retards éventuels avec une grande précision. Les données peuvent être fournies à des intervalles de temps spécifiés tout au long du trajet.

Depuis juillet 2018, la nouvelle gare de triage entièrement automatisée de Halle (Saale) en Allemagne est en service. L’ensemble des opérations de manœuvre et de triage sur les 36 voies est contrôlé et surveillé entièrement électroniquement et permet de réorganiser 120 wagons en une heure et de les envoyer vers Berlin, Munich ou l’Europe du Sud-Est. Ce qui est intéressant dans le cas de Halle est que c’est la digitalisation qui a permis de remettre en selle un segment qui était à l’abandon par de nombreux opérateurs ferroviaires, celui des wagons isolés.

Le triage de Halle (Saale, Allemagne) : le digital a sauvé le segment des wagons isolés.

Un autre exemple concerne le GSM-R, alors que la technologie 5G arrive sur le marché. La 5G permettra de connecter tout ce qui ne l’est pas actuellement, en premier lieu les objets… et donc les trains.

La première mise en œuvre opérationnelle du GSM-R a été lancée en 1999. Cette technologie s’est révélée être une solution efficace pour la communication vocale et de données aux trains.  En 2016, 60 pays sur les cinq continents utilisaient le GSM-R, avec plus de 100 000 km de lignes couvertes en Europe, et les réseaux nouveaux et anciens devraient continuer à le déployer au cours des prochaines années.

Toutefois, des technologies plus récentes, comme la LTE et la 5G NR, peuvent également fournir les mêmes services et même davantage, et des économies d’échelle évidentes peuvent être réalisées grâce à l’utilisation de ces nouvelles normes de communication. Le GSM-R est aujourd’hui obsolète car il s’agit d’un système de télécommunications de deuxième génération, ce qui signifie qu’il est loin derrière la technologie 4G actuelle, sans parler de la 5G. L’obsolescence est donc un problème majeur. Si les fournisseurs se sont engagés à maintenir le GSM-R jusqu’en 2030, au-delà, il sera de plus en plus difficile, et coûteux, pour les gestionnaires d’infrastructure de conserver la même qualité de service.

Une bulle entre chaque train ? Pour cela, il faut de la 5G

Guidés par le mandat de la Commission européenne, l’ECC (Comité des communications électroniques) et la CEPT (Conférence européenne des administrations des postes et des télécommunications) travaillent à fournir deux fois 5,6 MHz dans la bande de 900 MHz et 10 MHz dans la bande de 1900 MHz. La disponibilité de ces bandes permettra la migration du GSM-R vers la nouvelle technologie FRMCS (Futur Railway Mobile Communication System). Le FRMCS est conçu pour la 5G et est considéré comme un changement de cap dans la numérisation des chemins de fer. L’UIC a pour mandat de fournir des normes pour le système FRMCS qui permettent une certaine flexibilité tout en garantissant un système à l’épreuve du temps, rentable, adapté aux besoins et interopérable entre les réseaux.

>>> À lire : Qu’apporte la 5G aux chemin de fer ?

Il faut espérer que ce sera le cas quand on voit les grandes difficultés d’implantation de l’ETCS sur les réseaux européens. La technologie FRMCS permettra l’exploitation de l’ETCS niveau 3 et de l’ATO (Automatic Train Operation), qui est nécessaire pour créer une « bulle de sécurité » entre les trains, de même que de fournir de la maintenance intelligente, de la surveillance des composants en bord de voie, et ses connexions entre trains et systèmes de gestion du trafic.

Ce ne sont ici que quelques exemples. Nous les détaillerons plus en profondeur dans de prochains articles. Mais il apparait indispensable que le secteur ferroviaire suive les évolutions technologiques sous peine de perdre complètement la partie. Que ferait le personnel ferroviaire si les clients et les voyageurs sont mieux équipés et plus vite informés que lui ?

>>> À lire : Comment l’intelligence artificielle va révolutionner la mobilité

 

21/04/2020 – Par Frédéric de Kemmeter – Signalisation ferroviaire et rédacteur freelance
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Quand le rail s’associe au développement de l’intelligence artificielle aux Pays-Bas

NS et KLM vont s’associer à trois autres groupes néerlandais, à savoir ING, Ahold Delhaize et Philips, pour soutenir l’écosystème d’intelligence artificielle aux Pays-Bas en promouvant le développement de l’IA à travers le pays.

Un plan d’action gouvernemental, des entreprises qui investissent des millions dans des postes de professeurs : cette semaine, les Pays-Bas semblent tout mettre en oeuvre pour se joindre à la course à l’intelligence artificielle. Une lubie ? Tant les Chinois que les américains voient un potentiel technologique énorme. Aux États-Unis, l’intelligence artificielle est considérée comme cruciale pour l’économie. Le président russe Vladimir Poutine a même prédit que le pays doté de la meilleure intelligence artificielle dominera le monde. C’est déjà le cas avec les GAFA.

Baptisé ‘Kickstart AI‘, ce programme a pour objectif de combler l’écart entre les Pays-Bas et d’autres pays, tels que le Royaume Uni, les Etats-Unis et la Chine, qui ont réalisé des progrès notables dans ce domaine. Ce programme est destiné à promouvoir, stimuler et accélérer le développement de la technologie de l’IA dans le pays. Les Pays-Bas veulent non seulement accroître leur capacité éducative, mais aussi promouvoir la communauté de l’IA et mettre l’accent sur la position des Pays-Bas comme pilier mondial compétitif et pertinent dans ce domaine d’avenir.

Rendez-vous académiques
Les cinq entreprises prônent donc l’expansion des connaissances et des talents locaux afin de mettre en œuvre une intelligence artificielle non seulement axée sur ce qui est techniquement possible, mais qui réponde aussi aux questions éthiques et sociales que la société néerlandaise peut se poser. Grâce à leur collaboration, le gouvernement, l’industrie et les fournisseurs de technologie pourront mieux appréhender les défis sociétaux  et l’introduction de l’intelligence artificielle aux Pays-Bas sera accélérée. Ce programme soutenu au plus haut niveau gouvernemental s’adresse aussi aux consommateurs, lesquels pourront bénéficier d’un service plus personnalisé, de plus de confort et d’un plus grand choix dans divers domaines comme l’alimentation, les voyages, la santé et les finances.

Lors du congrès SpoorData, l’entreprise ferroviaire publique Nederlandse Spoorwegen (NS) déclarait que « nous appelons les entreprises à coopérer pour résoudre un problème social, celui de la mobilité. » Le quotidien de millions de personnes qui fréquentent Ahold Delhaize, ING, KLM, Philips et NS a en commun l’alimentation, les voyages, la santé et les finances. En tant qu’organisations de la société néerlandaise, ces sociétés, incluant les chemin de fer néerlandais, ont bien compris le potentiel que l’intelligence artificielle pouvait offrir afin d’améliorer la vie quotidienne aux Pays-Bas. C’est pourquoi ils ont uni leurs forces pour appeler les autres acteurs de l’industrie et du secteur à prendre des mesures afin de stimuler la coopération et de créer un écosystème florissant pour l’IA aux Pays-Bas, au bénéfice des citoyens. Reste à voir évidemment le concret de des belles idées.

Une mine d’or
Les entreprises et les organisations publiques ou autres ont accès à une montagne de données sans cesse croissante : c’est le big data. Des données que l’on peut utiliser, par exemple, pour rationaliser des processus d’entreprise, introduire de nouveaux services ou augmenter le chiffre d’affaires.

Mais les hollandais font ce constat : il n’y avait pas assez de formateurs pour enseigner les métiers de l’IA aux étudiants. Du coup, un certain nombre d’entreprises s’investissent au sein des universités par le biais de divers partenariats. Les chemins de fer néerlandais sont de la partie, où l’intelligence artificielle n’est plus une lubie mais une perspective d’avenir. « L’intelligence artificielle est vraiment essentielle à la survie du chemin de fer », explique le porte-parole des NS, Hessel Koster. Et ce n’est pas une blague de geek. Qu’on s’en rappelle : en 2018, l’opérateur ferroviaire ProRail s’alarmait du nombre de voyageurs à venir, prévoyant une augmentation de 45% d’ici 2030 sur le réseau ferré. L’entreprise avertissait les autorités et les opérateurs ferroviaires que cette augmentation rendait de plus en plus difficile l’attribution de capacités d’infrastructure supplémentaire. Il n’y aurait par ailleurs plus de terrains disponibles pour quadrupler, voire sextupler les voies. Message entendu ?

>>> À lire : Pays-Bas – le réseau atteint ses limites. Vers un horaire à la six secondes ?

Le gestionnaire d’infra et l’entreprise publique NS font donc pression sur le gouvernement pour qu’il investisse des fonds supplémentaires dans ce qui reste possible en matière d’infrastructures, mais aussi en s’orientant vers d’autres solutions à l’étude, dont notamment le train autonome. La boucle est bouclée.

Déjà de l’IA aux chemins de fer ?
Les chemins de fer néerlandais NS se targuent d’utiliser déjà de l’IA. « Nous appliquons déjà pas mal d’IA et ne nous y trompons pas, de nombreux informaticiens travaillent maintenant aux NS. Nous sommes davantage que des conducteurs et des chefs de gare. Avec vos conseils de voyage, vous pouvez maintenant voir l’occupation du train. Tout cela est déterminé par l’IA. Nous avons utilisé cette technologie pour laisser un ordinateur déterminer à quel moment un train transporte de nombreuses personnes et où se trouvent ces personnes dans le train », explique Koster. Ainsi, en tant que voyageur, vous pouvez voir où vous pouvez vous installer pour avoir la plus grande chance de vous asseoir.

Un exemple d’occupation des trains…

Mais les NS regardent encore plus loin. « Pour utiliser des trains autonomes, par exemple, vous avez également besoin de l’intelligence artificielle. De la même manière que cela est nécessaire pour les voitures autonomes. »  Un essai de train autonome aura lieu sur la ligne Lelystad – Zwolle, au nord-est d’Amsterdam. Les voyageurs ne pourront pas encore utiliser ce train et, dans un premier temps, un conducteur sera présent dans la cabine pour parer à toute éventualité.

Le premier train à conduite autonome NS sera une automotrice de type Sprinter New Generation (SNG). Une unité informatique a été installée dans la cabine de conduite, laquelle fera rouler et fonctionner le train. L’ordinateur contient toutes les données du train et de l’infrastructure, et est capable de contrôler le convois. Ce n’est pas la première fois que des trains autonomes sont testés aux Pays-Bas.

Dans le nord du pays, L’opérateur privé Arriva et le gestionnaire d’infrastructure ProRail y travaillent également depuis le début de cette année. Le transporteur privé Arriva a mis à disposition une ses rames voyageurs pour un test conduit entre Groningue et Buitenpost avec la technologie ATO (Automatic Train Operation), qui permet aux trains de circuler de manière indépendante sur la voie. La technologie ATO comprend quatre niveaux différents d’exploitation automatique des trains. Les tests actuels avec des trains à conduite autonome concernent les tests avec le système ATO niveau 2. Cela signifie que le conducteur reste responsable mais que seules certaines tâches sont reprises. Ce test entre Groningue et Buitenpost mesurait l’effet de la conduite sous ATO sur le respect de l’horaire, la précision des arrêts en gare et la consommation d’énergie. Cette coopération  de recherche rassemble Arriva, la province de Groningue, ProRail et Stadler. Une région qui participe au futur technologique du rail, cela mérite d’être souligné.

Le rail néerlandais est donc résolument tourné vers son futur… et quelque part son avenir, et c’est une différence majeure par rapport à ce qui se passe au sud d’Anvers…

La culture nordique d’accompagnement
L’annonce par NS, KLM, Philips, ING et Ahold de collaborer à l’intelligence artificielle Kickstart coïncide avec le lancement du plan d’action stratégique AI (SAPAI) et de la coalition néerlandaise AI. Et c’est ici que l’on peut mesurer la différence : dans l’Europe du nord, l’Intelligence artificielle est une opportunité économique majeure et ne souffre pas de débats émotionnels ni d’une culture du refus que l’on voit ailleurs. Résultats : c’est tous ensemble que élus, secteur public et entreprises privées se mettent à la tâche. Une forme d’intelligence collective qui rend ces pays si attractif. D’ailleurs, on parle bien aux Pays-Bas de maintenir conjointement la croissance et la compétitivité de l’économie néerlandaise.

Un exemple concret de cette mentalité nordique si pragmatique : un cours national d’intelligence artificielle sera organisé dans le but de promouvoir l’acceptation de l’IA aux Pays-Bas et d’accroître les connaissances à son sujet. Le pays prépare un concours visant « à rehausser le profil mondial des Pays-Bas (sic),» en mobilisant les talents de l’intelligence artificielle dans le monde entier pour relever les défis sociétaux, comme dans le domaine de la santé et de la mobilité.

Un deuxième exemple concerne des investissements réalisés à travers un partenariat public-privé en nominant des membres du personnel académique universitaire afin de permettre à la prochaine génération de talents en IA d’accéder à l’éducation, à la formation et à des universités de renom. Le premier engagement est de créer cinq partenariats au sein d’institutions néerlandaises, créant ainsi 25 postes. « Les efforts communs des universités et des entreprises sous le drapeau de Kickstart AI, soulignent l’urgence d’accélérer l’éducation et la conservation des talents en intelligence artificielle, et montrent à quel point nous sommes engagés dans la collaboration et les investissements afin d’accélérer l’innovation aux Pays-Bas », explique Maarten de Rijke, professeur à l’Université d’Amsterdam et directeur du Centre d’innovation pour l’intelligence artificielle. L’objectif est que d’ici la fin 2020, près de 170.000 personnes soient inscrites au cours, qui sera également disponible en anglais.

Une petit pays d’à peine 18 millions d’habitants qui s’engage sur une telle voie, ça force le respect…

Comment l’intelligence artificielle va révolutionner la mobilité

18/08/2019 – Par Frédéric de Kemmeter – Signalisation ferroviaire et rédacteur freelance
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L’intelligence artificielle (IA) peut apporter une contribution importante à la révolution de la mobilité. Dans le cadre d’une mobilité en réseau intelligent, les personnes se déplaceront d’un lieu à l’autre et les marchandises seront transportées de manière économe en ressources. Des experts en plateformes de systèmes d’apprentissage (learning systems) décrivent dans un rapport récent ce qui serait le moyen le plus sûr, le plus souple et le plus économique de se déplacer sur la route, sur les rails, sur l’eau ou dans les airs.

Les learning systems offriraient un grand potentiel pour relever les défis de la mobilité actuels, selon ces experts. « Moins de congestion, d’accidents et d’émissions polluantes – l’IA peut nous aider à atteindre ces objectifs pour la mobilité du futur. Pour se rapprocher de cette étape, les moyens de transport et les infrastructures de transport doivent être intelligemment mis en réseau », explique Christoph Peylo , responsable du centre Bosch pour l’intelligence artificielle et co-responsable du groupe de travail ‘Mobilité et systèmes de transport intelligents’ de la ‘Plattform Lernende Systeme’. L’idée : des capteurs, des caméras et des infrastructures ainsi que des plates-formes intelligentes qui collectent les données, les gèrent et les partagent en données de trafic. Des techniques d’apprentissage automatique (ML) de plus en plus puissantes sont utilisées pour traiter l’énorme masse de données collectées.

Au sein du groupe de travail « Mobilité et systèmes de transport intelligents » de la ‘Plattform Lernende Systeme’, des représentants de la science et de l’industrie ont examiné les possibilités et les défis que posent les learning system pour chaque mode de transport. Pour son premier rapport, le groupe de travail a identifié cinq domaines d’action qui devraient être abordés par la science, l’industrie, la politique et la société afin de promouvoir la mobilité basée sur l’intelligence artificielle et des systèmes de transport intelligents, durables et axés sur la demande : mise en réseau et interaction des systèmes, disponibilité des flottes de matériel roulant, état des infrastructures, interaction homme-machine (MMI) dans l’espace de mobilité, sécurité dans les systèmes de transport intelligents et aspects sociaux.

Pour les membres du groupe de travail, les learning systems doivent être développés pour tous les modes de transport, y compris les chemins de fer. Leurs applications vont des drones de livraison sans pilote aux systèmes ferroviaires en réseau avec locomotives autonomes, ou encore des formes intelligentes de mobilité dans les transports publics et le covoiturage, ainsi que les véhicules autonomes. Ces développements parfois concurrents sont utilisés en parallèle dans un même environnement – par exemple dans le réseau routier et ferroviaire existant – et peuvent avoir des effets considérables sur notre société. Que dit ce rapport en ce qui concerne le domaine ferroviaire ? C’est ce que nous allons voir mais il faut au préalable quelques bases en intelligence artificielle.

C’est quoi le ‘learning system’ ?
Malgré la confusion qui entoure sa définition et sa valeur commerciale, l’intelligence artificielle continue de progresser. L’apprentissage automatique est une méthode d’analyse de données qui automatise la création de modèles analytiques. Ces modèles basés sur des algorithmes sont principalement construits à partir de techniques statistiques et d’informatique théorique et exploitent de vastes ensembles de données pour apprendre et s’améliorer en permanence.

Dans un sens, les systèmes d’apprentissage et l’intelligence artificielle (IA) sont arrivés depuis longtemps dans la vie privée et professionnelle : nous restons en contact les uns avec les autres à tout moment via un smartphone, nous avons accès à un large éventail d’informations en temps réel via des systèmes d’assistance intelligents, qui nous aident notament au travail, à la maison ou à nous guider (Google Maps). Mais la question essentielle est de savoir comment traiter ce que nous laissons derrière nous, c’est à dire les données.

De nos jours, la plupart des chercheurs en intelligence artificielle s’intéressent aux quantités énormes de données avec des algorithmes très avancés qui utilisent des learning system pour créer des modèles. « On arrive à faire des prévisions de très bonne qualité en utilisant d’énormes bases de données, » note Emma Frejinger, professeure agrégée au Département d’informatique et de recherche opérationnelle à l’Université de Montréal. « C’est quelque chose qui n’était pas possible avant

On trouve généralement trois types de learning system :

  • En 2019, la majorité des programmes d’apprentissage étaient encore de type supervisés, c’est-à-dire qu’ils ont besoin d’être nourri par des données annotées par des développeurs. L’apprentissage supervisé apporte une base de données pré-construite au système. Les développeurs spécifient la valeur des informations, par exemple, si elles appartiennent à la catégorie A ou B. C’est un travail fastidieux et exigeant, qui comporte un risque important d’erreurs.
  • L’apprentissage par renforcement est un processus automatique par lequel l’IA s’améliore sans intervention humaine. L’IA a accès aux données et améliore constamment ses réponses par l’apprentissage.
  • L’apprentissage non supervisé aide à trouver des modèles dans un ensemble de données sans étiquettes préexistantes. Deux des principales méthodes utilisées dans l’apprentissage non supervisé sont l’analyse en composantes principales et en clusters (grappes).

L’apprentissage profond (ou deep learning) est l’évolution la plus poussée de l’IA à ce jour. Il fait partie d’une famille plus large de méthodes d’apprentissage automatique basées sur des réseaux de neurones artificiels. Le deep learning peut être supervisé, semi-supervisé ou non supervisé. Il exige une importante capacité de traitement informatique ainsi qu’une grande quantité de données étiquetées pour appréhender la tâche dont il est question. Il peut ainsi atteindre le plus haut degré de précision possible en matière de données.

Au niveau technique, ces apprentissages peuvent être grandement accélérés par le déploiement de la 5G, qui fait débat dans plusieurs pays, ainsi que des serveurs à grande capacité.

Quel potentiel pour la mobilité ?
L’intelligence artificielle existe déjà sous différentes formes dans le domaine de la mobilité : d’une part avec les systèmes d’assistance et d’automatisation qui sont déjà implémenté dans chaque système de transport. Et d’autre part par l’utilisation de l’IA pour les opérations, la planification et la gestion des actifs. Mais il faut aller beaucoup plus loin.

L’objectif est de rendre la mobilité multimodale efficace et conviviale, en exploitant l’énorme potentiel d’optimisation entre chaque opérateur. Cela nécessite un couplage beaucoup plus fort des systèmes de chacun, avec tout ce que cela implique au niveau technique et réglementaire, par exemple au niveau de la protection des données.

De grandes quantités de données
La mobilité est certainement un secteur qui produit le plus de données. Les volumes sont croissants d’année en année. Quand vous mettez en marche la touche « position » sur votre smartphone, celui-ci enregistre la totalité de vos déplacements, et même de vos mouvements avec une application sportive, par exemple. Toutes ces données partent vers des serveurs et sont analysées. Dans de nombreuses villes, nous trouvons par exemple le métro, l’autobus, les différents services de taxi, le vélo et l’automobile en partage. Mais ils sont tous liés les uns aux autres puisqu’ils utilisent tous les mêmes routes. Votre smartphone enregistre tous les transports que vous empruntez, le temps que vous y passez et la fréquence chaque semaine ou chaque mois. D’où la nécessité de regarder la situation de manière globale. Ce sont ces services dans leur ensemble que l’on veut mieux comprendre et mieux planifier. Tous les modes de transport sont liés. Le système est cependant très complexe. En conséquence, les méthodes d’intelligence artificielle peuvent être présentées comme une solution intéressante pour des systèmes aussi complexes qui ne peuvent pas être gérés à l’aide de méthodes traditionnelles. De nombreux chercheurs ont démontré les avantages de l’IA dans les transports.

L’un des grands défis est d’éviter de devoir utiliser trop de données annotées (l’apprentissage supervisé). Les systèmes pourront améliorer leur performance par un apprentissage en continu non-supervisé, à partir de données capturées automatiquement sans besoin d’annotation. Ce mode d’apprentissage plus autonome nécessitera un contrôle quasi-permanent des connaissances de la machine. Et cela coûte très cher. À l’avenir, avec la complexité des données dans les STI (systèmes de transport intelligents), des techniques de deep learning seront essentielles pour trouver des modèles permettant de créer des systèmes de transport encore plus connectés.

Potentiel ferroviaire
Le learning systems permet d’implémenter techniquement une automatisation élevée de nouvelles fonctions ferroviaires et de rendre les fonctions existantes plus sûres et plus efficaces. Les fonctions existantes peuvent ainsi être améliorées, comme la perception anticipée de l’environnement, la coordination du trafic ou encore la surveillance automatique des composants des véhicules, qui a trait à la maintenance prédictive. Les learning systems peuvent prédire plus finement la maintenance des actifs ferroviaires au fur et à mesure que la masse des données s’accumule. On mesure ici le défis d’avoir des données utilisables ainsi que leur quantité qu’il est nécessaire de traiter.

Sécurité du réseau
Des systèmes basés sur l’apprentissage non supervisé sont mis en œuvre dans la sécurité du réseau : un système d’apprentissage automatique détecte les comportements anormaux. Par exemple, une section occupée par un autre train. Des algorithmes intelligents, sous la forme de réseaux neuronaux artificiels, peuvent analyser le trafic et développer des systèmes de gestion du trafic plus efficaces, tout en garantissant la sécurité des trains. Cela intéresse fortement le secteur ferroviaire, qui doit justement fournir un très haut degré de sécurité tout en améliorant ses performances.

Connaissances des flux
Le développement rapide des systèmes de transport intelligents a accru la nécessité de proposer des méthodes avancées pour prédire les informations de trafic. Ces méthodes jouent un rôle important dans le succès des sous-systèmes STI tels que les systèmes d’information des voyageurs, les systèmes de gestion du trafic et les systèmes de transport en commun. Les systèmes prédictifs intelligents sont développés à l’aide de données historiques extraites de l’occupation des sections de voies et des trains. Ensuite, ces données deviennent une entrée pour les algorithmes d’apprentissage automatique et d’intelligence artificielle permettant une prédiction en temps réel.

Les études de simulation de trafic, qui sont importantes quand il faut décider si on doit ajouter une voie ou modifier une entrée de gare, peuvent être enrichies par les techniques de learning systems. Il s’agit là d’un potentiel considérable pour contrôler le flux de trafic avec davantage de précisions et de pouvoir gérer le trafic plus efficacement. Cependant, la mise en relation de données individuelles et collectives pose de grands défis, à la fois sur le plan technique et réglementaire. Un compromis intelligent entre données individuelles et collectives est indispensable pour que les systèmes ne soit pas livré à lui-même. Le learning systems peut jouer un rôle clé à cet égard. La condition préalable est le choix des algorithmes d’édition de données prenant en charge leur gestion et la prise de décision. Ils permettent ainsi de maîtriser la complexité des indicateurs de performance clés (KPI).

Conduite automatisée
Une autre application importante des learning systems dans le domaine des transports ferroviaires est la conduite automatisée sans conducteur. Les trams, métros et trains automatisés sans conducteur offriraient non seulement une plus grande capacité sur le réseau ferroviaire, mais ils permettraient d’adapter le système de transport aux besoins des usagers en optimisant les horaires de transport public ainsi que la capacité de transport. La conduite hautement automatisée ou sans conducteur dans des conditions de circulation ferroviaires mixtes ou sur des itinéraires dotés d’infrastructures de sécurité moins strictes nécessite avant toute chose des informations sur les véhicules. Le train automatisé doit pouvoir détecter son environnement comme le fait un conducteur humain aujourd’hui. Cela revient à instaurer des capacités d’analyses proche de la voiture autonome, bien que le train soit guidé sur des rails. Actuellement, les trains ne communiquent pas entre eux et sont dépendants d’un centre de contrôle du trafic. Ce n’est pas de l’autonomie à 100%.

Un cas particulier d’automatisation ferroviaire est le ‘Driver Advisory Systems’. Ces systèmes d’assistance intelligents, basés sur de nouveaux algorithmes, permettent de conduire plus efficacement, d’obtenir davantage d’efficacité énergétique, ce qui améliore la capacité en ligne, la stabilité opérationnelle et la fiabilité du système. L’automatisation intelligente rendrait les opérations plus flexibles – à l’instar du trafic routier -, et le transport ferroviaire pourrait être desservi de manière orientée vers la demande en réactivant des itinéraires fermés avec des véhicules ferroviaires plus petits et automatisés. De plus, les méthodes d’IA modernes pourraient fournir des informations plus fiables sur la disponibilité de la flotte de transport ou l’état de l’infrastructure.

>>> À lire : Le train autonome, en est-on réellement ?

L’automatisation du transport ferroviaire doit prendre en compte l’interaction des véhicules avec l’infrastructure et les systèmes de contrôle du trafic et de la sécurité. Les réglementations en vigueur, qui régissent la sécurité dans le trafic ferroviaire, par exemple, exigent toujours l’utilisation de technologies éprouvées. Les changements technologiques devraient dès lors nécessiter des ajustements de la réglementation pour les opérations ferroviaires. C’est un véritable défi quand on connait avec quel degré la sécurité des transports est aujourd’hui soumise par les organismes gouvernementaux. En particulier, la mise en réseau avec une gestion globalisée du trafic peut présenter un risque potentiel pour la sécurité : ainsi, si plusieurs trains attendent mutuellement parce qu’ils sont tributaires de l’un ou l’autre, l’attente peut déclencher des nœuds engorgés ou des surcharges temporaires.

Les méthodes d’IA modernes peuvent jouer un rôle clé en tant que composants élémentaires de l’ensemble de la chaîne de traitement d’une conduite automatisée. Elles peuvent être utilisées, par exemple, dans l’interprétation des perceptions de l’environnement, dans la localisation, dans les prévisions, dans la planification et dans la mise en œuvre de stratégie de conduite optimale, ainsi que dans d’autres domaines liés aux infrastructures tels que : la construction et la gestion d’une grande base de données ou la cartographie exacte de l’environnement du réseau ferré.

La maintenance prédictive
Les composants mécaniques, tant de l’infrastructure que du matériel roulant, souffrent d’usure et les techniques actuelles les mettent temporairement hors service à la moindre panne. La surveillance intelligente de l’exploitation, la maintenance prédictive et le dépannage intelligent et adaptatif sont capables d’augmenter la disponibilité des actifs, de mettre moins de trains dans les ateliers, ce qui est crucial pour l’orientation client.

Pour ce faire, les learning systems ont continuellement besoin de données provenant de différentes sources, à tout instant, et à partir desquelles ils peuvent prévoir des scénarios de défaillance typiques mais aussi intervenir de manière proactive dans la maintenance. Dans le secteur ferroviaire, les possibilités de surveillance intelligente sont innombrables. En particulier, une surveillance et une évaluation continues des données par capteurs et télémétrie enregistrées doivent être effectuées, par exemple en ce qui concerne les températures des rails ou d’autres composants électriques, des mesures de temps, des enregistrements d’images, etc. L’infrastructure peut être constamment surveillée par des drones, moyennant une meilleure souplesse de la réglementation très stricte de ces engins. L’objectif est d’assurer une disponibilité de près de 98% des trains et 100% de l’infrastructure.

>>> À lire : La digitalisation du rail, c’est déjà du concret chez Infrabel

L’interface homme / Machine
« Un point crucial de la mobilité intelligente en réseau est constitué par des interfaces bien conçues pour l’interaction entre l’homme et la machine (IHM). Où que ce soit dans un espace de mobilité, les personnes et les systèmes intelligents vont se rencontrer : que ce soit lors de la réservation de tickets, de covoiturage ou de vélos, en tant que conducteur de véhicules automatisés ou simplement lors de la traversée de la rue », explique Tobias Hesse, Chef du Département Développement Véhicule et Système au Centre aérospatial allemand et co-responsable du groupe de travail. L’interaction doit être conviviale, intuitive et sécurisée. « Par exemple, un véhicule hautement automatisé doit pouvoir communiquer de manière intelligible avec ses occupants ainsi qu’avec les autres conducteurs, les cyclistes ou les piétons, et cela à tout moment. Les learning systems apportent à la fois de nouveaux défis et des solutions innovantes », explique-t-il.

Les auteurs du rapport proposent une plate-forme de mobilité globale qui regroupe, orchestre et met à la disposition de groupes d’utilisateurs hétérogènes les offres de divers fournisseurs de services de mobilité, ainsi que des informations sur le trafic et l’infrastructure. « Dans la prochaine étape, le groupe de travail Plattform Lernende Systeme souhaite concevoir une plate-forme de mobilité complète. Ce devrait être le lieu de convergence des informations provenant des fournisseurs de mobilité, des participants et des infrastructures. Les différentes parties prenantes pourront utiliser les données en réseau pour élaborer des offres et des produits de mobilité durables », a annoncé Christoph Peylo. Nous attendrons cela avec impatience…

Le rapport « Vers un espace de mobilité intelligent » est disponible à ce lien, uniquement en allemand

18/08/2019 – Par Frédéric de Kemmeter – Signalisation ferroviaire et rédacteur freelance
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