05/01/2021 – Par Frédéric de Kemmeter – Signalisation ferroviaire Abonnez-vous au blog (ci-contre)
Puisque c’est l’Année du rail, on peut déjà montrer à quoi sert l’Europe. Exemple avec ici deux pays qui ont bien besoin d’une revitalisation de leur réseau classique respectif. Deux projets en cours de réhabilitation de lignes ferroviaires pour connecter les ports et plateformes logistiques de la Méditerranée de l’Ouest et de l’Atlantique, avec le reste de l’Europe.
L’Espagne modernise et reconstruit des sections de deux corridors de fret ferroviaire vitaux pour le pays. Le premier reliera le Portugal à Hendaye/Irun et fait partie du RTE-T Atlantique qui part de Mannheim, en Allemagne, et aboutit au réseau portugais via Burgos en Espagne. L’autre axe modernisé part du Levante (Valencia), et remonte sur Saragosse par une ligne à voie unique assez pentue. Ces ensembles sont représentés en rouge sur la carte ci-dessous :
L’acheminement des conteneurs et du fret en général a toujours posé un grand problème depuis l’Espagne, pour au moins deux raisons :
Ni l’Espagne ni le Portugal ne sont de grandes nations industrielles, à l’inverse de l’Italie;
Les deux pays doivent composer avec un réseau ferroviaire classique doté d’un écartement de 1668mm, incompatible avec le réseau français et européen de 1435mm.
Il en résulte une interminable attente aux frontières tant à Port-Bou qu’à Irun, où les wagons se voient changer leurs essieux. En dépit de cela, un corridor européen est prévu, traversant le nord plus industriel de l’Espagne. Divers chantiers et améliorations permettent déjà aujourd’hui d’enregistrer des progrès sur les trafics de et vers Irun.
Le corridor Atlantique Il aboutit aux trois ports portugais de Setúbal et Sines, au sud de Lisbonne, et de Leixões à proximité de Porto. Deux routes sont possibles pour rejoindre l’Espagne :
L’une au sud via Entroncamento – Abrantes puis Elvas et Badajoz, permettant de rejoindre Madrid via Ciudad Real;
L’autre plus au nord, via Coimbra, rejoint la section Fuentes de Oñoro – Salamanca puis permet d’atteindre Medina del Campo.
Medina del Campo est le point commun qui ramène ces deux routes vers Irun/Hendaye. Le tronçon sud provenant de Sines ne peut rejoindre Badajoz que via un grand détour. On construit donc 80 kilomètres de voies entre Evora et Elvas, proche de la frontière pour raccourcir grandement cette boucle (carte). Les travaux de cette portion ont débuté en septembre 2019, pour une ligne qui dans un premier temps ne verra aucun train de voyageurs.
Cette ligne nouvelle portugaise n’aura dans un premier temps qu’une seule voie électrifiée sur une plate-forme prévue pour une double voie à l’avenir si nécessaire. La voie conserve l’écartement ibérique de 1668mm, mais pourrait être facilement adapté au standard européen de 1435mm grâce aux traverses polyvalentes. La ligne a été conçue pour la circulation des trains de marchandises de 750 mètres de long et ne comprend aucun passage à niveau. L’objectif est que les trois lots mis en chantier soient opérationnels d’ici 2022.
Comme le montre la carte ci-dessus, les travaux de cette ligne permettront de relier trois plateformes logistiques. La partie nord-est de ce grand « S » faisait partie d’un projet de ligne à grande vitesse Madrid-Lisbonne, mais dont les ambitions ont été revues à la baisse. Ce projet intéresse hautement un acteur ferroviaire comme Medway, du groupe maritime MSC, qui est présent à Sines mais aussi dans tout le Portugal et qui développe des trafics.
Le 98204 sort de Badajoz et se dirige vers Elvas, direction Entroncamento. Locomotive diesel portugaise série 1900, analogue aux 72000 de la SNCF (photo Álvaro Martín via license flickr)
Espagne La partie espagnole est encore moins avancée qu’au Portugal. Elle part de Badajoz pour aller vers Ciudad Real et Madrid et est techniquement très en retard. L’Estramadure ne dispose que de voies uniques non-électrifiées.
Ce à quoi ressemble cette ligne, avec un train de charbon de passage à Almorchón (photo Trenero592 via licence flickr)
À l’automne 2017, le gouvernement espagnol a annoncé que le tronçon Mérida – Puertollano avait été choisi pour faire partie du corridor Atlantique à travers l’ouest de l’Espagne. Ce tronçon bénéficie du coup d’une attention toute particulière et depuis 2019, un contrat d’étude d’une valeur de 1,18 millions d’euros a été notifié, comprenant le support technique nécessaire à la rédaction de la documentation requise pour l’étude d’impact environnemental (DIA) et la rédaction des projets de construction pour l’électrification et toutes les procédures nécessaires jusqu’à leur approbation finale. L’amélioration de la ligne Puertollano-Mérida, d’un coût prévu de 382 millions d’euros, est cofinancée par le Fonds européen de développement régional (FEDER) par le biais du PO multirégional Espagne 2014-2020.
Troisième chantier : Cantábrico – Mediterraneo
Ce chantier nous mène en Méditerranée, à côté de Valencia, grand port de conteneurs et disposant d’une usine du constructeur automobile Ford GM España ainsi que le constructeur ferroviaire Stadler, auteur des fameuses locomotives Eurodual et Euro 4000 qui percent bien en Europe.
La ligne de 315 kilomètres reliant Sagunt, au nord de Valencia, à Saragosse est pentue, à voie unique et non électrifiée.
Au-delà de Saragosse, elle s’attache à un autre projet franco-espagnol : l’axe du Somport, le fameux Pau-Canfranc en France, qui fait l’objet de tant de dossiers depuis plus de vingt ans, et dont nous ne parlerons pas ici. Si ce n’est pour indiquer que c’est la route la plus directe vers la France.
Cette ligne, qui était sur le point de fermer en 2000, faisait partie d’une proposition de développement d’un couloir ferroviaire reliant les ports de Santander, Bilbao et Pasaia dans la région de Cantábrico avec ceux de la côte méditerranéenne. En 2015, Ford GM España testa la ligne en y envoyant quelques un de ces trains, de 550m de long.
Un train destiné à la centrale thermique d’Andorra/Teruel (photo Luis Zamora/Eldelinux via license flickr)
Lors de la neuvième conférence annuelle des Journées RTE-T, qui s’est tenue à Ljubljana les 25 et 27 avril 2018, l’ancien ministre du Développement Íñigo de la Serna a présenté des propositions de lignes supplémentaires dans les corridors atlantique et méditerranéen à inclure comme projets RTE-T au cours de la Période de financement de l’UE 2021-2027. Ses plans incluaient la ligne Sagunt à Saragosse, qui a été acceptée par la DG Move de la Commission européenne dans le cadre du corridor Cantábrico – Mediterráneo le 21 novembre 2018. Cela a permis à d’autres travaux d’infrastructure de se qualifier pour un cofinancement de l’UE jusqu’à 50%. Les actions développées comprennent, entre autres, l’adaptation de la voie et de l’infrastructure dans la section Teruel-Sagunto et la réalisation d’ouvrages d’art entre Teruel et Saragosse pour promouvoir le trafic de fret ferroviaire, ainsi que la réparation de cinq remblais et l’adaptation de tronçons de 750 mètres. Le schéma directeur de cette infrastructure a un horizon d’exécution jusqu’à 2022-2023 et un investissement global initial prévu de 386,6 millions d’euros.
Entamées depuis cinq ans, des améliorations pour plusieurs dizaines de millions d’euros ont déjà permis de voir le trafic être multiplié par… 12, passant de 3 à 36 trains par semaine. La filiale SNCF Captrain España l’utilise notamment pour un trafic généré par Opel Saragosse et par un trafic d’ArcelorMittal destiné à Sagunto. La ligne, encore non électrifiée, fait justement le bonheur des locomotives Stadler Euro 4000.
Cet exemple intéressant montre comment sont utilisés les subsides de l’Europe et ce que peut apporter l’Union, malgré les critiques. Car on peut parier sans se tromper que sans plan européen, les lignes de Badajoz, de Teruel et d’Evora n’auraient jamais été modernisées. Elles auraient pu même disparaître. C’est la preuve qu’une bonne infrastructure crée de la demande et qu’il faut y mettre de l’argent pour parvenir à des résultats encourageants.
L’année prochaine, 2021, sera une belle opportunité pour le transport ferroviaire européen puisqu’elle sera appelée Année européenne du rail. Elle portera sur la création d’une infrastructure ferroviaire durable, attrayante et facilement accessible pour les habitants du continent européen. Une minorité ne semble pas de cet avis…
En 2017, 27 % des émissions totales de gaz à effet de serre de l’UE-28 provenaient du secteur des transports (22 % si l’on exclut les émissions de l’aviation et du transport maritime internationaux). Les émissions de CO2 dues aux transports ont augmenté de 2,2 % par rapport à 2016. Avec la vague verte actuelle, le train a été opportunément remis au centre de l’échiquier comme un transport à faible émission de carbone. Une bien bonne idée mais attention, les gens n’utilisent l’alternative ferroviaire que lorsqu’elle existe à un prix abordable et avec un niveau de service élevé. Nous en avons la preuve avec l’ouverture du TGV en 1981 en France ainsi qu’avec toutes les autres lignes à grande vitesse en Europe. Sans ces hauts niveaux de service, nous aurions toujours des gens qui feraient 600 kilomètres en avion, ce qui n’est pas durable. À une échelle plus locale, de nombreuses reconstructions de lignes ferroviaires ont ramené la population vers les trains. Dans certains cas, il a fallu couler beaucoup de béton et revoir le tracé des voies (voir la nouvelle gare principale de Vienne ou le S-Bahn de Zurich). Tout cela coûte beaucoup d’argent, mais il n’y a pas de bons chemins de fer sans de bonnes infrastructures.
Bien sûr, toute nouvelle infrastructure ferroviaire, en particulier un projet d’infrastructure à grande échelle comme HS2 ou Stuttgart 21 en Allemagne, a un impact sur la faune et sur les proches riverains. L’utilisation des sols est certainement le principal facteur de perte de biodiversité au niveau global. Toutefois, par rapport à d’autres systèmes de transport, comme les routes, on en sait moins sur l’impact du chemin de fer sur la faune et la flore sauvages, ainsi que sur ses spécificités. Alors qu’il existe un grand nombre de recherches sur l’écologie routière, il en existe beaucoup moins sur l’écologie ferroviaire.
Malheureusement, cela semble avoir été l’occasion pour certains groupes radicaux de décréter toute forme d’infrastructure ferroviaire comme une destruction de la planète ! Ces gens imaginent avec beaucoup de folklore qu’un simple train suffit pour le transfert modal. La vraie question est de savoir pourquoi les lignes actuelles, sans travaux de modernisation, seraient plus durables et écologiquement plus vertueuses ? La réponse est que leur version du rail est un peu artisanale – le petit train qui prend son temps -, et c’est un argument qui vise plutôt la décroissance. En outre, le petit train est aussi une arme commode à mettre au crédit d’un autre combat. Le béton, la construction, l’industrie, les bureaux d’études, l’acier, le cuivre extrait si loin sur d’autres continents pauvres (pour les câbles électriques), mais aussi la frénésie des voyages longues distances, tout cela représente, chez eux, le capitalisme destructeur de la planète.
C’est avec cette idée que le train de nuit semble avoir été élevé au rang de magie pour éviter au maximum les lignes de TGV et les grands travaux d’infrastructure. Les écologistes et d’autres considèrent les trains de nuit comme un deal parfait de mobilité à faible émission de carbone n’ayant pas besoin d’infrastructures supplémentaires coûteuses. Cependant, ces deux transports ferroviaires ont leur propre clientèle et n’obéissent pas aux mêmes segments de marché. Le TGV est destiné aux trajets rapides entre 200 et 800 kilomètres, en concurrence frontale avec l’aviation, tandis que le train de nuit est conçu pour des distances plus longues. Le TGV est un transport de volume, transportant beaucoup de passagers, alors que le train de nuit est plutôt un marché de niche, pour une clientèle familiale/loisirs, et éventuellement d’affaires. Faire circuler des trains de nuit ne signifie certainement pas arrêter la poursuite du programme à grande vitesse ni d’éviter des chantiers géants comme Stuttgart ou Paris-Nord. Mettre ces deux transports en opposition idéologique ne rend pas service aux chemins de fer. Les deux types de trains doivent croître en parallèle, ne fusse que pour la viabilité des entreprises de chemins de fer.
On sait depuis longtemps que le manque d’infrastructures a un impact en cascade sur l’économie nationale, affectant négativement les entreprises, l’emploi, les revenus personnels et le niveau de vie des citoyens. Il suffit de regarder le continent africain : est-cela ce que nous voulons ?
Certains groupes proposent de développer une nouvelle esthétique de la suffisance, où nous réutiliserions et remodèlerions le stock de lignes de chemin de fer existantes, et où nous explorerions des modes de déplacement moins impactant. Ils critiquent qu’on se focalise trop sur les grands projets coûteux plutôt que les besoins réels au niveau local. Cela est peut-être vrai dans les pays qui n’ont pas suffisamment déléguer vers le niveau local. Mais pour ceux qui ont très largement recours à la décentralisation, on constate que les autorités régionales jouent un rôle grandissant en élaborant des stratégies et des plans de transport aux niveaux régional et local, et en décidant des investissements et du rôle du rail. D’autre part, jouer le localisme contre le national et l’international convient aussi aux théories de la décroissance mais comporte le risque d’appauvrissement du pays, et de son chemin de fer. C’est le serpent qui se mord la queue…
La lutte contre les nouvelles infrastructures ferroviaires est une aberration et va à l’encontre d’un système de transport durable. On sait que les chemins de fer nécessitent moins d’occupation du sol que les autres moyens de transport. Bien sûr, lorsqu’il est possible de reconstruire une ligne existante, il faut en profiter. Mais on oublie souvent que les lignes de chemin de fer ont été construites au XIXe siècle et qu’elles ne répondent plus aux normes des chemins de fer modernes (courbes, pentes, implantation au milieu d’un environnement bâti). La reconstruction est parfois beaucoup plus difficile, très coûteuse et ne permet sûrement pas d’éviter le « capitalisme du BTP ». La circulation doit être suspendue, les chantiers causent beaucoup de nuisances aux habitants et cela prend beaucoup de temps. Pourtant, certains travaux sont indispensables si on ne veut pas voir un pont s’écrouler ou une voie s’affaisser à cause des infiltrations d’eau.
Koralmbahn, Autriche, est aussi destiné à booster une région
«Le Green Deal sans infrastructure de base ne fonctionnera tout simplement pas», explique Monika Heiming, directrice exécutive du groupe de lobbyistes European Rail Infrastructure Managers, basé à Bruxelles. L’objectif de l’UE est de transférer 30% du transport routier sur des distances de plus de 300 kilomètres vers les trains et les barges d’ici 2030, et d’atteindre 50% d’ici 2050. «Le rail est saturé, un transfert modal ne peut venir qu’avec de la capacité, mais nous n’avons plus de capacité». On estime que quelques 500 milliards d’euros seront nécessaires d’ici 2030 pour achever les travaux sur les lignes du réseau européen TEN-T, qui gèrent l’essentiel du trafic transfrontalier. Ce réseau TEN-T a justement été conçu pour ne pas disperser l’argent n’importe où et pour créer des couloirs ferroviaires entre les États-membres, ce qui n’aurait jamais eu lieu sans ce coup de pouce de l’Europe.
Si on désire le modal shift, il faut prendre le chemin de fer dans son ensemble. Dans de nombreux endroits, le béton devra encore couler, par exemple pour protéger certains riverains par des murs anti-bruit. Les petites gares devront bénéficier de travaux pour mettre les quais au niveau du train ou par exemple remplacer les systèmes d’information. De nouvelles installations techniques seront indispensables dans de nombreux endroits. De nouveaux trains doivent encore être construits avec des nouvelles normes et les nouvelles technologies doivent être mises en oeuvre là où cela apporte une plus-value à l’exploitation et à la sécurité ferroviaire. Grâce aux nouvelles technologies et à la collecte de données, les efforts de maintenance peuvent être ciblés, à un coût moindre, et l’efficacité, la sécurité et la fiabilité sont accrues. Dans certains cas, il faut construire une nouvelle ligne ou un nouveau tunnel pour obtenir plus de capacités et distinguer ce qui relève des trains grande ligne de ceux qui sont nécessaire à la population locale.
Les chemins de fer et le transport public sans nouvelles infrastructures sont une utopie. Il ne faut jamais oublier que pendant qu’on tergiverse sur une ligne nouvelle ou un métro, les autres modes de transport poursuivent leur progression et une politique agressive de lobbying en leur faveur. On en fera pas de transfert modal sans une croissance de la modernité. Après tout, ceux qui adhèrent à la décroissance ont toutes leurs chances de mettre facilement en pratique leurs convictions : ne plus voyager du tout…
16/11/2020 – Par Frédéric de Kemmeter – Signalisation ferroviaire et rédacteur freelance Inscrivez-vous au blog
Où en est le projet de Stuttgart 21 ?
29/10/2020 – Le projet Stuttgart 21. Un chantier énorme pour une ville de 630.000 hab et qui avance. Ou comment mettre la 6ème ville allemande au top ferroviaire, avec en prime une ligne nouvelle vers Ulm
Et si l’immobilier finançait le rail ? 28/09/2020 – Le chemin de fer est un secteur qui apporte très peu de rendements. D’autres domaines adjacents pourraient lui rapporter des revenus supplémentaires, mais pas en vendant à tour de bras. Explications.
Pas de bons trains sans bonnes infrastructures… 04/03/2019 – Pas de bons services trains sans bonnes infrastructures. Cette évidence doit encore être rappelée, alors que l’infrastructure ferroviaire suscite une interrogation quant à ses coûts et son entretien dans toute l’Europe.
Tunnels ferroviaires : qui va gagner la bataille des Alpes ? 05/11/2018 – Le dossier du Lyon-Turin, qui traîne depuis plus de 20 ans, est l’occasion de mesurer les enjeux du passage des trains à travers les Alpes, tandis que la Suisse et l’Autriche nous préparent une capacité cumulée de près de 800 trains par jour.
Les gares, plus qu’un lieu de passage 17-09-2017 – Pour la majorité des personnes, la gare reste encore un lieu de passage, celui que nous quittons le plus rapidement possible pour aller en ville, au travail ou pour retourner à la maison. Pas question de s’attarder au milieu d’un tel environnement industriel. Mais les temps ont changé, et la mission des gares aussi. Analyse.
On l’a un peu oublié, ce projet. Stuttgart 21 est un projet ferroviaire et urbain visant à réagencer totalement le nœud ferroviaire de Stuttgart, et qui se poursuit par la ligne nouvelle Wendlingen–Ulm.
Stuttgart, 630.000 habitants, est la sixième ville d’Allemagne de même que la capitale du Bade-Wurtemberg, le deuxième Land le plus riche du pays. En 2007, l’ancien bourgmestre avait présenté Stuttgart aux investisseurs étrangers comme « la puissance créatrice de l’Allemagne ». La ville a dévoilé un nouveau logo et un slogan se décrivant comme ‘Das neue Herz Europas‘ («Le nouveau cœur de l’Europe»). Actuellement, la mairie est aux mains d’une alliance « verte » Bündnis 90 / Die Grünen.
Au niveau ferroviaire, la ville est située sur un axe majeur reliant Mannheim à Munich, mais se trouve en revanche à l’écart du grand flux rhénan Cologne-Bâle. Malgré une ligne la reliant à Zürich via Singen, on peut dire que Stuttgart n’est pas traversée par de grands flux internationaux comme l’est sa voisine Karlsruhe. La gare principale est en cul-de-sac, ce qui est toujours handicapant pour l’exploitation.
Le projet Stuttgart 21, lancé en 1995, est un chantier colossal visant à transformer la gare de Stuttgart en une gare souterraine traversante, ce qui permettrait de dégager une centaine d’hectares en centre-ville pour y construire des logements et de faire transiter beaucoup plus de trains qu’actuellement. Le projet vise à reconstruire une gare souterraine de 8 voies où convergent 3 lignes en tunnel reliant trois points extérieurs de la ville dont l’aéroport et le centre d’exposition voisin. Le coût très élevé du projet est devenu petit à petit le « Notre-Dame-des-Landes » allemand avec les désaccords entre politiciens et l’opposition du public qui s’enflamma quand il fallu abattre par exemple, des arbres centenaires du parc Schlossgarten. Le projet devint la nouvelle tête de turc des partis écologistes et anti-capitalistes mais en décembre 2011, Stuttgart 21 obtenait néanmoins le feu vert au travers d’un référendum recueillant 58,8% de votes favorables, mais la facture gonflait peu à peu pour arriver en 2013 à 7 milliards d’euros. Les élus verts du Bade-Wurtemberg, opposés au projet, ont dû «à contre cœur se résoudre au verdict des urnes, » ce qui engageait le Land dans le financement des travaux.
Actuellement, le projet financé par la DB, le gouvernement fédéral allemand, l’Union européenne, le Land de Bade-Wurtemberg, la ville de Stuttgart, l’aéroport de Stuttgart et le VVS, est estimé à 8,2 milliards d’euros. Prévu initialement pour 2020, l’ensemble ne devrait être délivré que pour 2024, voire même 2025 selon certaines sources.
Deux projets doivent être distingués à Stuttgart, tous deux gérés par la DB Project Stuttgart-Ulm :
D’une part le projet Stuttgart 21 susmentionné, qui concerne la ville et sa région englobant l’aéroport;
D’autre part sa prolongation sous forme d’une ligne nouvelle de entre l’aéroport et Ulm, budgétée à 3,7 milliards d’euros.
Le projet Stuttgart 21 est représenté sur la carte ci-dessous.
Les pointillés représentent bien des sections en tunnel, ce qui explique les coûts importants de ces projets. Au total, avec les deux projets, la DB construit 120 kilomètres, 81 ouvrages d’art et cinq gares. La ligne nouvelle sera apte à 250km/h.
Le cœur du projet Stuttgart 21 est bien évidemment sa nouvelle gare à 8 voies, qui est bâtie perpendiculairement à la gare actuelle, grosso-modo sur un axe Est-Ouest, en rouge sur la carte ci-dessous.
Le bâtiment historique de l’actuelle gare et ses annexes bénéficient d’un programme d’investissement de 250 millions d’euros. La nouvelle gare sera en souterrain sous le magnifique parc Schlossgarten et sera recouverte d’une dalle verte, selon la grande tradition actuelle. Le chantier est d’une très grande complexité car il faut veiller aux bâtiments environnants.
(Toutes les photos de DB Bahnprojekt Stuttgart–Ulm)
Les installations de la nouvelle gare permettraient de passer de 35 à 42 trains par heures, hors S-Bahn, puisque celui-ci reste dans l’actuelle gare souterraine qui lui est dédiée. Une fois la nouvelle gare terminée, la gare terminus existante fermera et l’ensemble du quartier pourra alors passé au stade d’un nouvel aménagement urbain. Selon les projets, 20 hectares sur la centaine seraient consacrés aux espaces verts.
(photo DB Bahnprojekt Stuttgart–Ulm)
Sur tous les fronts Huit chantiers sont actuellement en cours dans le cadre de ce projet. Au nord, des tunnels sont en cours de construction pour offrir de meilleures connexions à Feuerbach et Bad Cannstatt. Il faut savoir que la ville de Stuttgart est très encaissée dans la vallée du Neckar, avec de nombreuses collines qui l’entourent.
Au sud, le tunnel Filder offrira une ligne directe vers l’aéroport de Stuttgart ainsi qu’une meilleure connexion avec la ligne Gäubahn jusqu’à Boblingen. Le site de l’aéroport jouxte, comme à Birmingham, le parc des Expositions, ce qui double l’intérêt du projet.
(photo DB Bahnprojekt Stuttgart–Ulm)
En mai dernier, le tunnel qui relie la future gare principale souterraine de Stuttgart à la plaine de Filder, était percé. Particularité, ce tunnel avale un dénivelé de près de 150 mètres pour atteindre la plaine de Filder, où est situé l’aéroport. Mesurant 9,5 kilomètres, ce tunnel bi- tubes constitue le plus long tunnel entre Stuttgart et Ulm. Pour le réaliser, la firme Herrenknecht a fourni un tunnelier de 2000 tonnes, 120 m de long et 10,82m de diamètre, appelé « Suse ». Le creusement avait démarré en automne 2014. Dans la partie la plus haute du tunnel, « Suse » a travaillé en mode EPB (à pression de terre) avec un transporteur à vis tandis que dans la section basse il a travaillé avec le principe du tunnelier à bouclier simple (mode ouvert) et un convoyeur à bande.
Côté ferroviaire, le trajet en train de la gare principale de Stuttgart à l’aéroport ne prendrait dès lors que 8 minutes au lieu des 27 minutes actuellement. 10 millions de voyageurs seraient attendus, mais il faudra probablement réviser ce chiffre si la pandémie perdure…
Vers Ulm à 250km/h Depuis l’aéroport, une nouvelle ligne est en cours de construction parallèlement à l’autoroute existante vers Wendlingen am Neckar dans le cadre de la nouvelle ligne à grande vitesse Stuttgart – Ulm. Une ligne mais deux projets, en fait. Ce mois d’octobre, la Deutsche Bahn attribuait les contrats pour la construction de la partie de ligne nouvelle entre Stuttgart-Feuerbach et Wendlingen, qui fait encore partie du « package » Stuttgart 21 (en vert ci-dessous). Au-delà, c’est le projet « purement » NBS de la Deutsche Bahn qui prend le relais, pour filer vers Ulm (en rouge ci-dessous).
Cette ligne nouvelle de 60 km entre Wendlingen et Ulm est conçue pour une vitesse maximale de 250 km/h et est construite en sept lots. La moitié de l’itinéraire est parallèle à l’autoroute A8 quand l’autre moitié se compose de 9 tunnels. L’intérêt de ce lien direct est que la nouvelle ligne emprunte un itinéraire plus direct que la ligne principale Stuttgart – Ulm existante, laquelle traverse les belles collines du Jura souabe mais au prix de nombreuses courbes et d’une ligne qui, à forte intensité de trafic, commence à vieillir.
Le point culminant de la nouvelle ligne est à 750m, ce qui signifie une montée de près de 500m sur la partie montante de 16km de Wendlingen vers Ulm. C’est trop raide pour les trains de marchandises lourds, de sorte que la nouvelle ligne sera limitée aux trains d’un poids maximum de 1 500 tonnes.
La ligne comporte une quarantaine d’ouvrages d’art ferroviaires et routiers. L’un des plus spectaculaires est celui du Filstal, long de 458 m, dont la structure culmine à 85m au dessus de la vallée, ce qui en fait le troisième plus haut pont ferroviaire d’Allemagne. Un pont qui a une double particularité :
d’abord il relie deux tunnels : le Boßler de huit kilomètres et celui de Steinbühl, de cinq kilomètres de long;
ensuite c’est un « bi-pont », puisqu’il prolonge les deux tunnels qui sont eux-mêmes… bi-tubes, comme on le remarque sur la photo ci-dessous.
« Cette configuration tunnel-pont-tunnel est très spéciale, » explique l’ingénieur civil Igor Zaidmann. Les constructeurs de ponts et de tunnels travaillent côte à côte dans un petit espace et doivent coordonner leurs étapes de travail. Malheureusement, si on peut dire, les voyageurs ne bénéficieront guère de la vue imprenable sur la vallée du Filstal : « un ICE mettra de sept à huit secondes pour effectuer la traversée, » explique Zaidmann.
Février 2019. Ne pas avoir le vertige… (photo Pjt56 via wikipedia)
Avec la mise en service de la nouvelle ligne à grande vitesse, les voyageurs longue distance gagneront environ 15 minutes sur l’actuel trajet Stuttgart-Ulm, qui prend aujourd’hui 56 minutes. 2 à 3 trains longue distance par heure circuleront sur la nouvelle ligne, ainsi que certains trains régionaux.
La voie sur dalle à l’allemande, juillet 2020 (photo Zugnomade via wikipedia)
Comme souvent, la Deutsche Bahn a opté pour une voie sur dalle de béton, et au 15 octobre, près de 30 kilomètres de ligne (60km de voies), étaient déjà posées. Les deux tubes de 4.847 mètres du tunnel de Steinbühl, qui commence non loin de Hohenstadt, sont déjà pourvus de rails. De plus, plus de 800 mâts de caténaires ont déjà été érigés sur le plateau de l’Alb. Les premiers essais sont prévus pour 2022.
On peut donc conclure que Stuttgart entre dans la modernité avec un transport ferré qui mérite de nouvelles infrastructures. Car l’exploitation complète de cet ensemble de ligne se fera sous ETCS, ce qui ferait de Stuttgart la première ville d’Allemagne à être autant digitalisée au niveau ferroviaire. Mais on n’a pas encore les détails de la mise en oeuvre, qui s’annonce forcément complexe quand il faut relier les nouveaux tronçons avec les voies existantes.
Si on additionne avec la « vieille » ligne nouvelle Stuttgart-Mannheim, inaugurée en 1991 pour 280km/h et 24 millions de voyageurs par an, Stuttgart est au centre de trois éléments essentiels à la mobilité du futur, pandémie ou pas. Cette avalanche de béton et d’argent peut faire débat, mais on n’oublie pas que le Bade-Wurtemberg présente, au-delà de ces projets, une politique ferroviaire locale et régionale qui fait envie dans l’Europe entière. Il n’y a aucune raison d’être pessimiste, tout en gardant bien en tête qu’il n’y a pas de bons services de trains sans bonnes infrastructures…
29/10/2020 – Par Frédéric de Kemmeter – Signalisation ferroviaire et rédacteur freelance Inscrivez-vous au blog
La gare de Chamartín, un élément essentiel pour l’avenir de Madrid 14/02/2020 – La gare actuelle de Chamartín va être appelée à devenir l’une des plus modernes d’Europe et la pierre angulaire du Madrid du futur, sous l’impulsion du projet de développement urbain ‘Madrid Nuevo Norte’.
En 2030, vous n’irez plus à Amsterdam-Central ! 27/01/2020 – En 2030, la gare centrale d’Amsterdam ne sera plus la gare du trafic ferroviaire international en provenance et à destination de la capitale. Ce sera Amsterdam-Zuid.
L’horaire, qui fait partie de l’essence même du chemin de fer, est devenu un enjeu crucial de marketing pour les opérateurs. Or, n’est-ce pas plutôt la tâche des gestionnaire d’infrastructure ?
Depuis les années 90, avec la réglementation européenne, la gestion des voies et les compagnies d’exploitation des trains (les « opérateurs »), doivent être des prérogatives séparées. C’était un point essentiel pour permettre à la concurrence d’entrer sur le marché. Pourquoi ? Parce que la définition des horaires était jusque-là une prérogative logique des opérateurs historiques, étant donné qu’ils géraient leur propre réseau. Cette situation ne pouvait plus être comme telle dès l’instant où de nouveaux opérateurs alternatifs entraient sur le réseau. En effet, l’horaire vous donne de précieuses indications concernant vos clients et comment vous opérez à moindre coûts.
La construction de l’horaire dépend de deux paramètres fondamentaux :
Les trafics réguliers;
Les trafics irréguliers.
Les trafics réguliers sont ceux utilisés par les services de voyageurs et certains services de marchandises, généralement sur une base annuelle. L’importance pour un opérateur comme le suisse CFF ou la belge SNCB de détenir le pouvoir de fabriquer ses horaires tient au fait que tous les services de train sont fortement imbriqués les uns aux autres, pour les correspondances dans les gares. La Deutsche Bahn a créé le même système en 1979 pour l’ensemble de son trafic grande ligne. Cela permet de fournir un même service tout au long de la journée et l’horaire devient clairement un outil de marketing. Les néerlandais ont lancé en 2018 un service d’Intercity toutes les dix minutes entre Amsterdam et Eindhoven. Le train devient presqu’un métro. Pour ces réseaux, l’horaire cadencé est l’argument essentiel pour faciliter autant que possible le voyage de chaque personne. C’est aussi un moyen de systématiser le travail des cheminots, dès l’instant où chaque heure se ressemble.
Le problème qui est rapidement apparu est la priorité des trains. Dès l’instant où un gouvernement fixe des objectifs d’améliorations à l’opérateur national, cela indiquait implicitement que cet opérateur ait la priorité sur l’établissement de l’horaire, pour atteindre ses objectifs. Vu sous cet angle, on peut alors se demander quelle place il reste pour les autres opérateurs. Parce que là aussi, les gouvernements risquent la contradiction : en favorisant l’opérateur étatique, ils empêchent l’arrivée d’autres opérateurs alternatifs qui leur permettraient d’atteindre les objectifs climatiques nationaux. Comment promouvoir le transfert modal des camions vers le train si les trains de marchandises, qui ne votent pas, sont systématiquement relégués en voie d’évitement ou mis en attente dans les gares ? C’est la meilleure façon de faire Duisbourg-Milan en deux jours alors que 25-30 heures suffiraient ! On comprend mieux pourquoi les chargeurs ne font plus confiance aux chemins de fer avec de tels temps de parcours. Cela prouve que l’horaire est clairement un outil de marketing pour les opérateurs. Mais comment équilibrer les priorités ?
Une solution serait que le gouvernement, qui est le seul détenteur – et donc le seul responsable -, de l’infrastructure ferroviaire, assigne à son gestionnaire d’infrastructure la tâche de proposer lui-même un horaire cadencé intégral qui intègre aussi des sillons spécialisés pour les trains de marchandises. C’est ce que réclamait Geert Pauwels, patron de Linéas, lors d’un récent webinar : «Si les gestionnaires d’infrastructure pouvaient réfléchir aux flux de fret et au type de trains exploités au niveau international, nous pourrions mieux utiliser la capacité. Nous avons besoin d’un système de gestion des flux à l’échelle européenne – cela pourrait économiser des milliards d’investissements dans les infrastructures. »
Cette option se heurte souvent à l’opérateur national en monopole, car lui seul est en mesure de dire que sur telle ligne il faut 4 trains par heure, tandis que sur d’autres lignes 1 ou 2 trains par heure suffisent. Cet argument peut être contourner de manière tactique : le gestionnaire peut proposer une « sur-offre » des sillons sur tout le réseau national, sachant que l’opérateur principal n’en utilisera qu’une partie selon les lignes. Dans tous les cas de figure, il y a correspondance toutes les demi-heures, même le week-end. A charge de l’opérateur étatique d’utiliser – ou non -, les sillons proposés, qui seront payant en cas d’utilisation. Quels avantages procure ce système :
Le gestionnaire dispose d’un stock de sillons. Ceux qui ne sont pas utilisés peuvent servir à d’autres, ou restent inutilisés;
Le service public est garanti au niveau de l’infrastructure, et non plus selon le bon vouloir d’un opérateur en monopole, qui trouve toutes les excuses pour contourner, quand cela l’arrange, les demandes du gouvernement;
Un horaire cadencé peut être opéré par plusieurs opérateurs, le service étant de facto mis en correspondance dans toutes les gares, que les sillons soient utilisés, ou non;
On peut aussi prévoir de facto 12 sillons par heure sur ligne TGV. Ne seront utilisés que ceux strictement nécessaires à ou aux opérateur(s) concerné(s);
Les opérateurs de fret disposent d’office de leur horaire de trains de marchandises, insérés entre les sillons voyageurs, toute l’année, en vitesse G80, 90, P100 ou P120 selon les possibilités. Ces sillons sont construits en évitant les mise en voie de garage et les attentes inutiles, par exemple en mettant les trains P100 et P120 devant un omnibus, et non derrière comme c’est trop souvent le cas.
Le service public est garanti car pour offrir un bon service, le gestionnaire d’infrastructure doit forcément allouer les moyens nécessaires au bon entretien du réseau. Moins il y a de trains, moins il aura de recettes. Avoir la maîtrise des horaires permet d’avoir la maîtrise des revenus, ce qui est fondamental. Avec cette maîtrise, le gestionnaire d’infrastructure peut rechercher à maximiser ses recettes en accueillant d’autres opérateurs. C’est ce qu’a fait le gestionnaire espagnol Adif : pour se faire rembourser son réseau à grande vitesse, le gouvernement a autorisé l’arrivée d’autres opérateurs sous conditions, en formatant la quantité de dessertes selon les lignes. L’enjeu était de ne pas tuer l’opérateur national Renfe tout en augmentant les trafics sur trois lignes espagnoles.
Cette politique oblige aussi le gestionnaire d’infrastructure à promouvoir une politique de travaux et d’établir un calendrier annuel. Certaine nuits, les trains ne pourront pas rouler et cela doit être planifié bien à l’avance. Un opérateur de trains de nuit peut ainsi indiquer sur son site web quelles sont les dates où le train en circulera pas. Des voyageurs bien informés sont des clients compréhensifs, donc durables !
Cette politique évite qu’un seul acteur ne vienne dicter sa loi et empêche d’évoluer à l’avenir, et de saturer un réseau sans utiliser les sillons. Il est évident que le gestionnaire doit être soumis à une tutelle forte, ce qui met le gouvernement devant ses responsabilités. S’il donne moins de subsides au gestionnaire d’infrastructure, il y aura moins de travaux d’améliorations, moins de trains et donc des objectifs climatiques qui ne seront pas atteints. D’autre part, le gestionnaire devra créer son horaire avec les autorités organisatrices, quand celles-ci décident du volume qu’elles souhaitent sur telle ou telle ligne, où quand une autorité décide de rouvrir une ligne. Cela ne dépendra plus d’une politique nationale centralisée, néfastes pour le citoyen local.
Enfin, comme la maîtrise des horaires est du niveau ministériel, il serait plus facile de construire des horaires internationaux, tout particulièrement pour les trains de marchandises qui, malgré l’ouverture des frontières, doivent encore attendre dans certaines gares de part et d’autre. Les ministres des Transports se rencontrent régulièrement lors des sommets européens et dans des forums sectoriels. Ils auront plus facile de parler trafic s’ils savent qu’ils ont la maîtrise complète de leur gestionnaire d’infrastructure. Après tout, c’est bien comme cela que fonctionne le trafic aérien : un gestionnaire centralisé, des opérateurs multiples…
L’ouverture du tunnel du Ceneri ce vendredi 4 septembre marque la fin des grands chantiers des traversées alpines en Suisse. Mission accomplie pour ce pays qui n’est pas membre de l’Union européenne, tandis que les deux autres pays voisins sont toujours occupés avec de gros travaux.
Le tunnel du Ceneri est le dernier grand ouvrage d’art du grand programme d’infrastructure NLFA que la Suisse a mis en route dès 1998. La nouvelle liaison ferroviaire à travers les Alpes (NLFA) est un projet de construction suisse visant à accélérer les liaisons ferroviaires nord-sud à travers les Alpes suisses. Il comprend 3 tunnels de base :
le tunnel de base du Lötschberg, d’une longueur de 35 kilomètres, ouvert le 7 décembre 2007, qui a été la première partie de la NLFA à être livrée, mais qui n’est que partiellement achevée ;
le tunnel de base du Saint-Gothard de 57 kilomètres, ouvert le 31 mai 2016 et …
… le tunnel du Ceneri de 15,4 kilomètres, qui est ouvert ce vendredi 4 septembre 2020.
(document wikipedia)
On notera toutefois trois éléments : nous parlons ici des traversées alpines sur les flux internationaux du grand axe Europe du Nord – Italie. Ensuite, les travaux d’achèvement de la deuxième voie du tunnel de base du Lötschberg devraient commencer en 2021/2022 pour une ouverture vers la fin de 2028. Enfin, un quatrième tunnel est en cours de construction au sud de Zurich, le tunnel du Zimmerberg, mais en 2010, il était décidé que la poursuite des travaux sur ce projet était mis en attente pour une durée indéterminée. Bien qu’il soit inclus dans le programme NLFA, il ne fait pas vraiment partie des flux internationaux Nord-Sud puisqu’il est principalement destiné à faciliter l’accès à Zurich. On peut donc dire que la Suisse, en inaugurant le Ceneri, achève un important programme d’infrastructures et que sa mission a été accomplie.
(photo Alp Transit)
La traversée des Alpes représente un dossier important pour les suisses. Le pays est en effet le passage favoris et le plus court entre Cologne et Milan, mais au prix d’une importante pollution des montagnes et d’encombrements endémiques des infrastructures. C’est la raison pour laquelle la Suisse proposa de rehausser drastiquement le prix du transport routier en transit et de reverser un maximum de camions sur le rail.
Au-delà des tunnels, le grand défis des accès… AlpTransit est une création de 1992, lorsqu’un référendum a ouvert la voie au financement des tunnels de base du Lötschberg et du Saint-Gothard et des travaux connexes. L’objectif principal était de réduire le nombre de poids lourds qui traversent l’environnement alpin sensible, et donc de réduire les émissions de gaz d’échappement nocifs. L’objectif de ne pas faire transiter plus de 650 000 camions par an en Suisse d’ici 2018 a été dûment inscrit dans la loi, mais au fil du temps, il est devenu évident que cette limite ne serait jamais atteinte. Les derniers chiffres de 2019 montrent qu’il y avait encore 898.000 véhicules en transit, malgré une part de marché de 70% détenue par le rail.
Mais l’enjeu principal de l’ensemble du corridor Benelux-Italie est d’avoir une route qui accepte les 4m de hauteur d’angle des camions. Or, si les trois tunnels suisses terminés disposent bien entendu de cette cote, tel n’est pas le cas de nombreuses sections de lignes en Allemagne et surtout, en Italie. En Suisse, l’impression domine que « les autres ne font pas le job »… L’incapacité des gouvernements allemand et italien à faire progresser la modernisation des voies d’accès aux dimensions du corridor suisse est fréquemment démentie dans les deux pays voisins, à coup d’annonces médiatiques. En septembre 2014, la Suisse avait conclu avec RFI une convention basée sur l’accord bilatéral avec l’Italie et qui contenait des exigences techniques de construction pour un couloir acceptant les camions de 4m entre la Suisse et Novara/Busto Arsizio (I). La Suisse s’engageait à financer les mesures à raison de 120 millions d’euros. RFI, en Italie, assurait le financement du tronçon Chiasso-Milan pour environ 40 millions d’euros.
(photo David Gubler via wikipedia)
Le rêve d’une infrastructure technique aux normes identiques sur 1.500km dépasse évidemment très largement l’objet des trois tunnels suisses. Il fait référence à la politique de l’Union européenne qui a voulu créer un chemin de fer moderne et attractif en se concentrant sur des corridors « adaptés » à la cohésion du Continent. Cette modernité passe par l’addition de plusieurs critères techniques, comme l’acceptation d’une hauteur de 4m pour les camions et l’exploitation par l’ETCS, ainsi que d’un nouveau type de management par le biais d’un guichet unique qui conçoit les sillons horaires. Une belle idée qui a pris beaucoup de retard, qui mêle beaucoup d’acteurs qui ont tous leurs contradictions et qui, surtout, est du ressort des nations, seules responsables de leurs infrastructures.
Un bel exemple de contradiction est l’ETCS : il a les faveurs des gestionnaires d’infrastructure, car c’est l’occasion de moderniser drastiquement la signalisation et la sécurité. Mais il fait l’objet de fortes critiques des opérateurs, pour qui ce sont des coûts énormes de retrofit du matériel roulant, et qui jusqu’ici ne voient pas d’améliorations significatives dans l’exploitation du trafic.
Et que font les voisins ? L’autre grande question concerne les voisins de la Suisse. En France et en Italie, le tunnel Lyon-Turin n’en finit pas d’être malmené par la politique, au gré des élections où chacun donne son avis et proclame ses invectives. Ce contexte très latin étonne toujours dans une Suisse où règne un calme et souvent un consensus national. On se souvient qu’en 2019, la guerre éclatait entre le M5S populiste et la Ligue du Nord tout aussi populiste : deux avis divergents au sein du même gouvernement Conte. Le M5S s’est finalement pris une raclée lors du vote sur la poursuite des travaux du tunnel. Comme l’explique Andrea Giuricin, en 2020, le rapport de la Cour des comptes européenne ne disait pas – comme beaucoup l’ont affirmé à la hâte – que le tunnel est inutile, mais que les coûts supplémentaires sont dus aux retards causés par l’incapacité politique à réaliser les grands travaux. Une différence majeure avec la culture en Suisse.
Au-delà de ces querelles, il y a les faits : la part de marché du rail sur Lyon-Turin est de 14% dans le fret ferroviaire. Des infrastructures supplémentaires ne sont jamais inutiles. Depuis 2016 en Suisse, environ 1.065 sillons sont généralement disponibles chaque semaine au Saint-Gothard et 633 au Lötschberg/Simplon, soit un potentiel de 1.700 sillons par semaine. Un chiffre forcément inatteignable sur l’axe franco-italien.
De l’autre côté, l’Autriche se trouve en meilleure position concernant son tunnel du Brenner dont les travaux progressent, certes plus lentement que prévu. Mais le Tyrol, en revanche, subit de plein fouet la politique routière de la Suisse : de nombreux routiers rejoignent l’Italie par l’autoroute du Brenner plutôt que par celle du Gothard, trop chère. On a donc déplacé la pollution et le problème. Pourquoi ? Parce que si on additionne les trafics poids-lourds suisses et autrichiens, on se rend compte que le train n’a finalement pas capté autant de marchandises que prévu. Pire, le trafic poids-lourds est toujours en augmentation. Conséquence : le Tyrol a mis en place des restrictions de circulation, interdisant aux camions dont la longueur dépasse les 12 mètres de quitter l’autoroute pendant des périodes déterminées.
Un projet de nouveaux tronçons ferroviaires suscite des inquiétudes au sud de Munich. Il s’agit de désengorger Rosenheim pour faciliter l’accès, en Autriche, au tunnel de Brenner en construction. Il s’agit ici d’un accès essentiel dont nous parlions plus haut, et qui fait partie du Corridor européen TEN-T Scandinavie-Méditerranée, engagé par l’Union européenne. Mais c’est l’Allemagne qui gère les travaux… et encaisse la fronde des riverains.
De son côté, l’Italie s’engage aussi à créer une infrastructure d’accès moderne. Le gestionnaire du réseau ferroviaire italien (RFI) a publié l’appel d’offres pour la conception et la construction d’une ligne nouvelle Fortezza-Ponte Gardena, qui est le prolongement naturel du côté italien du tunnel de base du Brenner, afin de renforcer l’axe Vérone-Munich du corridor RTE-T Scandinavie-Méditerranée. Les 22,5 kilomètres coûteraient environ 1,52 milliard d’euros, financé par l’accord de planification entre RFI et le ministère italien des Infrastructures. Il est prévu d’achever les travaux en 2027, pour une mise en service 2028. En parallèle, la section existante Ponte Gardena-Vérone bénéficierait d’un quadruplement de certains tronçons de la ligne. Commentaire d’un conseiller régional : « cela permettra l’élimination des goulots d’étranglement causés par le trafic sur l’axe du Brenner (…) La spécialisation des lignes (ndlr voyageurs/fret) permettra une augmentation du trafic en provenance du Nord entrant dans le hub de Vérone, avec un impact significatif pour le terminal de fret Quadrante Europa à Vérone, qui est aujourd’hui l’un des principaux ports de fret sur le scénario européen. » Voilà qui tranche radicalement avec la mentalité du côté du tunnel Lyon-Turin.
On voit ainsi que les projets de France et d’Autriche suscitent encore beaucoup de débats et d’incompréhensions. Dirk Flege, directeur général de l’association allemande « Allianz pro Schiene », explique que « l’idée des réseaux transeuropéens RTE-T rattrape, pour ainsi dire, ce que nous n’avons pas réussi à réaliser au cours des dernières décennies au niveau national.» C’est la raison d’être de ces grands travaux. Pour la Suisse, c’est un soulagement : « nous avons fait le job… »
(photo consortium CPC)
31/08/2020 – Par Frédéric de Kemmeter – Signalisation ferroviaire et rédacteur freelance Inscrivez-vous au blog
Le gouvernement espagnol a mis en place un groupe de travail pour étudier la meilleure option de relier l’aéroport de Madrid Barajas à la gare de Chamartín par train à grande vitesse AVE.
Avec 83,4 millions de touristes ayant visité l’Espagne en 2019, la ministre de l’Industrie et du Tourisme, Reyes Maroto, a exigé un changement du modèle touristique espagnol et que l’on cesse de mesurer son succès uniquement sur des chiffres à la hausse. « Nous devons moderniser le modèle. Nous devons travailler pour le rendre plus rentable, durable et innovant, et ne pas mesurer son succès [uniquement] par l’augmentation du nombre de touristes, » déclarait-elle le 20 janvier dernier, à l’occasion de l’inauguration de la VI édition du Forum Hotusa Explora. Un événement dont le maire de Madrid, José Luis Martínez-Almeida, a profité pour exiger de l’exécutif de Pedro Sánchez l’arrivée de l’AVE à Barajas et, au passage, la réouverture du ‘Palacio de Congresos’ de Madrid, fermé depuis dix ans.
L’aéroport Adolfo Suárez Madrid-Barajas est classé 6ème en Europe et accueille 58 millions de passagers chaque année. Une ligne ferroviaire gérée par l’entreprise publique Renfe relie uniquement le terminal T4 aux gares de Chamartín (11 minutes), Nuevos Ministerios (18 minutes), Atocha (25 minutes) et enfin Príncipe Pío en 38 minutes. Des bus partant du terminal T4 permettent de rejoindre les autres terminaux. Un classique. Mais aujourd’hui, c’est du train à grande vitesse dont il est question.
Un train à grande vitesse sous les pistes
Le ministère des transports a mis en place un groupe de travail auquel participent Aena (gestionnaire de l’aéroport) et l’Adif pour choisir la meilleure solution pour relier l’aéroport de Madrid-Adolfo Suárez et la gare de Chamartín par AVE, gare qui vient de commencer ses travaux d’expansion. En février 2019, une réunion préparatoire était organisée entre les techniciens d’Aena, Adif et Renfe à la recherche de solutions pour relier l’aéroport de Barajas au réseau AVE.
En août, Aena attribuait aux sociétés Wsp Spain et Tema Ingeniería un concours pour une étude sur l’accessibilité intégrale et l’intermodalité dans les aéroports du réseau Aena, y compris à Barajas avec sa connexion à l’AVE. Avec ce concours, le gestionnaire souhaite analyser la situation de l’accès « dans son état actuel et futur à court et moyen terme, afin que les éventuels points de conflit soient détectés en amont ».
Chez Adif, le gestionnaire de l’infrastructure ferroviaire, on envisage depuis longtemps cet investissement, qui nécessite une coordination du gouvernement et la collaboration d’Aena, l’un des plus grands exploitants mondial d’aéroports, qui gère 46 aéroports et 2 héliports sur toute la planète. L’arrivée de l’AVE se ferait précisément au sein du terminal 4. La demande d’une connexion vers l’aéroport n’est cependant pas un nouveauté. En 2012 déjà, le Plan Infrastructures, Transports et Logement (PITVI) pour la période 2012-2024 prévoyait la « connexion entre l’aéroport de Madrid-Barajas et le réseau ferroviaire à grande vitesse dans le but d’améliorer son «efficacité opérationnelle ». Mais rien n’a été entrepris. Pourtant, contrairement au dossier du TGV texan, il ne s’agissait pas ici d’un lobbying des compagnies aériennes, que du contraire.
En 2017, l’Aceta, l’Association des compagnies espagnoles de transport aérien, estimait que cette intermodalité entre les deux modes de transport fournirait à la Renfe un volume supplémentaire de passagers, renforcerait également la compétitivité de l’aéroport et son statut de «hub», tout en offrant de nombreux avantages aux utilisateurs, qui pourraient accéder aux deux modes de transport à l’aide d’un seul billet. Un position qu’on aimerait entendre plus souvent, mais il est vrai que les vols courts, gourmands en créneaux horaires, embarrassent un peu plus chaque année les compagnies aériennes qui voudraient les réserver à des vols plus longs et plus lucratifs…
Vers un démarrage du projet ?
À Madrid, le projet d’AVE à l’aéroport est intimement lié avec la planification de la dalle projetée au dessus des voies de Chamartín, prévue dans le cadre du projet de développement urbain Madrid Nuevo Norte. Il faut en effet figer l’assiette des voies avant la couverture définitive de celles-ci.
Le ministre de l’Equipement (Fomento) de l’actuel gouvernement Sanchez, José Luis Ábalos, dispose depuis plusieurs mois d’une étude d’information qui permet de déterminer la meilleure solution d’amener l’AVE au terminal T4. Deux solutions sont sur la table.
La moins chère, d’un peu plus de 100 millions d’euros, emprunterait la ligne actuelle des ‘Cercanías‘ (trains de navetteurs) inaugurée en 2011. Il s’agirait de poser un troisième rail pour obtenir l’écartement UIC de 1.435mm. La Renfe a proposé à plusieurs reprises cette solution en raison de son faible coût et parce qu’elle dispose déjà, entre autres éléments, de suffisamment de quais pour faire face à l’arrivée éventuelle de l’AVE. La pose d’un troisième rail est déjà en vigueur en Catalogne, entre Figueras-Vilafant et Barcelone.
La seconde solution est plus coûteuse et consiste à construire une nouvelle ligne qui relierait les sept kilomètres qui séparent l’aéroport de la gare de Chamartín. Ces travaux, liés à la réforme urbaine qui est projetée dans le nord de la capitale, auraient un coût d’environ 400 millions d’euros. Si c’était l’option choisie, l’Espagne inaugurerait la première section AVE privée du pays, explique El País.
Mais la question des coûts reste primordiale. Le Fomento a envisage sérieusement de s’associer avec secteur privé pour faire face à un tel investissement. « Il n’est pas du tout entendu que ce sera le gouvernement qui, via les budgets généraux de l’Etat, paiera l’arrivée de l’AVE à l’aéroport de Barajas. On a des entrevues avec tous ceux qui sont impliqués, pour définir le modèle de le financement : les synergies que le projet produira doivent être prises en compte, de même que de savoir combien cela affectera l’Adif, Aena et les compagnies aériennes elles-mêmes,» indiquent des milieux proches du gouvernement. La position initiale de l’Adif et du Fomento lui-même consiste à faire le moins de dépenses publiques possible, ce qui tendrait vers l’option 1 à trois files de rail.
L’option 2 de ligne nouvelle serait présentée aux compagnies aériennes, aux entreprises de construction et qu’aux entreprises impliquées dans le secteur des infrastructures. Aena, qui gère l’aéroport, a déjà par le passé investi ses propres deniers dans des installations annexes aux terminaux, comme certains parking. Il n’est donc pas inenvisageable de la voir participer à ce projet ferroviaire.
Un aéroport qui intéresse les futurs concurrents
Avec la libéralisation du rail en cours en Espagne, la pression pour une arrivée de l’AVE au terminal 4 a encore augmenté. Les nouveaux opérateurs ont inclus cette possibilité dans leurs plans d’affaires, car l’intermodalité entre le train et l’avion peut générer une nouvelle demande provenant des trafics intercontinentaux desservis par les compagnies aériennes opérant à Barajas. La grande vitesse dope les trafics. Ainsi, l’arrivée de l’AVE à Valence a généré un business avec des offres de voyages à grande vitesse à tous les croisiéristes qui arrivent au port levantin pour visiter Madrid et ses environs.
L’arrivée en Espagne de l’AVE low cost est également perçu par les compagnies aériennes comme une possibilité de réduire les routes domestiques qui libéreraient de l’espace pour les lignes long-courriers, ce qui contribuerait à consolider Madrid en tant que plaque tournante intercontinentale et à étendre son aire de chalandise au-delà des frontières, jusqu’à atteindre les sites du sud de France, comme Perpignan, Toulouse, Marseille voire Lyon.
Iberia, qui a son principal hub entre ses liaisons espagnoles et européennes avec ses vols long-courriers vers l’Amérique et l’Asie précisément dans le terminal 4 de Barajas, a paradoxalement été le principal moteur du projet et « la voix la plus insistante » pour espérer que ce projet devienne réalité. En pleine libéralisation du marché du transport ferroviaire de passagers, le président de la compagnie aérienne, Luis Gallego, a reconnu que cela n’avait aucun sens de garder les routes ouvertes dominées par l’AVE s’il arrive à l’aéroport et permet d’alimenter les vols long-courriers. « À l’avenir, il serait nécessaire de reconsidérer si la meilleure option est [encore] d’avoir des routes [domestiques] opérationnelles, si l’AVE arrive à Barajas, » a déclaré Gallego lors d’une réunion organisée par Servimedia. Et c’est tout particulièrement vrai en ces temps de ‘flygskam‘ et autre vague verte.
Iberia estime que le projet attirerait 300.000 visiteurs à Madrid, une augmentation similaire à celle de villes comme Paris ou Francfort. Sur Madrid-Valence, l’AVE détient 95% des parts de marché et l’avion à destination de Barajas n’est nécessaire que pour prendre une correspondance vers l’international. Sur Madrid-Barcelone, l’AVE ne détient qu’un peu plus de la moitié des parts de marché, mais va bientôt être challengé par la concurrence d’ici un an.
Ce dossier est donc intéressant à plus d’un titre : Madrid veut relier son aéroport en direct avec son plus grand centre tertiaire du nord de la ville. Et ce sont des compagnies aériennes qui sont demandeuses pour faire venir le train à grande vitesse sous les pistes. Affaires à suivre…
Rail Baltica est un des grands projets d’infrastructure ferroviaire en Europe destiné à relier la Finlande, l’Estonie, la Lettonie, la Lituanie à la Pologne en voie à écartement standard UIC. L’occasion de découvrir un projet ferroviaire dont on parle si peu.
Relier la Pologne à la Finlande peut paraître simple, mais c’est en réalité un vrai défi. Il faut en effet surmonter deux obstacles majeurs :
Les trois pays baltes ont un réseau à écartement russe 1.520mm;
Il faut creuser un énorme tunnel entre Tallinn, en Estonie, et Helsinki, en Finlande.
En outre, ce projet est construit dans une région excentrée de l’Europe qui ne possède pas les mêmes indices socio-économiques que ceux du Benelux et de la Grande-Bretagne, qui ont justifié jadis la construction du tunnel sous la Manche.
Des États tournés vers l’Europe Les États baltes d’Estonie, de Lettonie et de Lituanie sont les seuls pays de l’ex-Union soviétique à s’être intégrés à l’Union européenne. Leur succès tient à ce que leur appartenance à l’Europe n’est pas seulement un choix géopolitique, mais fondamentalement conforme à leurs valeurs et à leur identité. Membre de l’UE depuis 2004, l’Estonie, la Lettonie et la Lituanie sont en fait à la jonction de deux puissances, à savoir l’UE et la Russie. On ne peut s’empêcher de remarquer la méfiance croissante de ces pays envers l’influence du voisin russe, si proche. En termes d’infrastructures, les pays baltes sont toujours des «nations captives»: les chemins de fer partent vers l’est jusqu’à Moscou et Saint-Pétersbourg; les réseaux électriques sont synchronisés avec ceux de la Russie; et ils dépendent largement de la Russie pour le gaz.
Le projet ferroviaire Rail Baltica existe en réalité depuis 1994 mais a mûrit très lentement. À cette époque, les États baltes n’étaient pas encore membres de l’Union. Mais il se heurte aussi à la rivalité entre les trois États, qui ont beaucoup de mal à s’accorder sur beaucoup de sujets (gaz, électricité, transport,…). Du coup, les finlandais et les polonais ont refusé de participer au projet, tout en élaborant leurs propres travaux sur leur territoire respectif.
En passant de l’écartement russe de 1.520mm à celui de l’Europe continentale de 1.435 mm (UIC), la nouvelle ligne Rail Baltica offrirait un sentiment de sécurité à la population qui craint beaucoup la géopolitique russe. Mais ce n’est pas l’avis de tous les acteurs. Comme l’analyse The Economist, le problème sous-jacent est que certains des opérateurs ferroviaires monopolistiques de la région sont intimement liés à ceux de la Russie et tirent leurs bénéfices du transit de marchandises entre les ports baltes et la Russie, l’Asie centrale et la Chine. Certains soutiennent que le projet Baltica nord-sud est coûteux et incertain.
Construisons-le pour attirer de nouveaux trafics Ce sont souvent les arguments entendus dans les milieux économiques. En avril 2017, lors du Rail Baltica Forum, l’analyse coûts-avantages a confirmé la fiabilité financière et économique du projet. Selon une étude réalisée par Ernst & Young, les bénéfices socio-économiques mesurables sont estimés à 16,2 milliards d’euros. L’effet multiplicateur du PIB que le projet Rail Baltica créerait serait de l’ordre de 2 milliards d’euros supplémentaires. Tout cela fait cependant encore l’objet de critiques et d’amendements.
Dans les faits, le Rail Baltica est budgété par l’UE à hauteur de 5,8 milliards d’euros, mais ce budget ne tient pas compte de la construction du tunnel Tallinn-Helsinki, qui est géré comme un projet séparé. C’est l’un des projets prioritaires de l’Union européenne qui relève du Réseau transeuropéen de transport (RTE-T). Il s’agit du plus grand projet d’infrastructure dans la région de la Baltique depuis un siècle. Financé par l’Union, l’Estonie, la Lettonie et la Lituanie, il couvre une distance de 870 kilomètres et relierait l’infrastructure ferroviaire des États baltes à l’Europe du Nord et de l’Ouest, mettant la Pologne dans une confortable position de carrefour au nord-est de l’Europe, comme l’est devenue l’Autriche en Europe Centrale. La carte ci-dessous permet de mieux visualiser le contexte du projet :
Le projet Rail Baltica comprend 235km de lignes en Lettonie, 229km en Estonie et 264km en Lituanie. Cela semble équilibré mais il faut néanmoins concilier trois intérêts nationaux, même s’il s’agit d’un projet européen.
En Lituanie, le projet a le coût le plus élevé, 2,47 milliards d’euros, dont la contribution budgétaire de l’État s’élève à 493 millions d’euros. Les investissements de la Lituanie sont suivis de ceux de la Lettonie, où le projet nécessite 1,97 milliard d’euros, avec une contribution nationale de 393 millions d’euros. En Estonie, le projet a besoin d’un financement de 1,35 milliard d’euros, dont la contribution au budget de l’État est estimée à 268 millions d’euros.
Une joint-venture appelée RB Rail AS (RB AS) a été créée par les États baltes en 2014 pour assurer la mise en œuvre du projet. Située à Riga, cette JV est responsable de la conception, de la construction et de la commercialisation de la nouvelle ligne à écartement de 1.435 mm. Les trains de voyageurs devraient rouler à une vitesse maximale de 240 km/h, avec une vitesse moyenne de 170 km/h. La vitesse maximale des trains de marchandises devrait être de 120 km/h. Il ne s’agit donc pas vraiment d’un projet de ligne à grande vitesse.
Cette entreprise semble avoir souffert de problèmes de gouvernance. Un exemple est que la Lituanie est représentée dans RB AS par les Chemins de fer lituaniens, qui est également le promoteur du projet. Ainsi, les planificateurs de projets sont à la fois juge et partie. Lorsqu’on demande au ministre des Transports letton Tils Linkaits comment résoudre le conflit d’intérêts, il répond succinctement : « Demandez aux Lituaniens.»
La future gare de Riga (impression d’artiste Rail Baltica)
Malgré cela, la Joint Venture de Rail Baltica a signé le 5 juin 2019 en Lettonie deux contrats pour commencer les travaux de conception sur une section centrale de 123 kilomètres entre Upeslejas, Riga et Misa et Vangaži, Salaspils et Misa. Les travaux de conception sont réalisés pour le compte du ministère des transports de Lettonie. Selon le gouvernement letton, tous les éléments clés de Rail Baltica – les deux sections principales de Riga et la connexion à l’aéroport international de Riga – ont atteint la phase de conception.
L’Estonie voulait aussi montrer sa bonne disposition. Le 28 novembre 2019, le Premier ministre estonien Jüri Ratas, et Henrik Hololei, directeur général de la direction générale des transports de la Commission européenne, ont officiellement lancé la construction du projet Rail Baltica.
En Estonie, le projet comprend la construction d’une nouvelle gare voyageurs et d’une autre de marchandises, non seulement dans la capitale Tallinn, mais également dans la station balnéaire de Parnu, dans le sud-ouest. Le projet se déroulera en deux étapes, la première comprenant la reconstruction des rails de 1.520 mm de large en Lettonie. Les travaux seront effectués par la société d’État Latvijas Dzelzceļš afin de relever respectivement la vitesse des trains de voyageurs et de marchandises jusqu’à 120 km/h et 80 km/h. Cette première étape devrait être achevée en 2025.
La deuxième étape consiste à construire une nouvelle ligne ferroviaire de 1.435mm qui répondra aux normes européennes.
Järvakandi, au milieu de l’Estonie (impression d’artiste Rail Baltica)
C’est différent du côté de la Lituanie, voisin de la Pologne, qui a en retard sur la plupart de ses activités de 540 jours en moyenne par rapport à l’échéance initiale. « Il y a des raisons objectives à cela. Il y a trois pays et chacun est soucieux de ses propres intérêts. Il est normal qu’un projet de cette ampleur se fige de temps en temps. Il y a tout simplement trop de participants », a déclaré Rokas Masiulis, le ministre des Transports jusqu’à l’automne dernier.
Côté positif, la section entre Šeštokai et Mockava en Lituanie est le premier tronçon de Rail Baltica à être achevé, reliant les deux villes avec une voie à double écartement. Šeštokai, ville d’à peine 700 habitants, revêt une grande importance en tant que point de passage frontalier avec la Pologne car c’est la seule liaison ferroviaire entre les deux pays sur l’axe Vilnius – Kaunas –Šeštokai– Varsovie.
Une voie, deux écartements… (photo wikipedia)
Le tunnel Tallinn-Helsinki, cet autre projet Le projet de tunnel sous la mer Baltique pour relier Helsinki et Tallinn en Estonie est un autre gros morceau. Ce projet a obtenu un financement de 15 milliards d’euros. Le tunnel, qui est soutenu par les gouvernements des deux pays, réduirait une traversée en ferry de deux à trois heures à seulement 20 minutes en train. Une étude de faisabilité du projet réalisée en 2018 a estimé le coût du projet à 13-20 milliards d’euros. Ce projet n’est pas géré par Rail Baltica, mais par FinEst Bay Area Development.
En mai 2016, cette société de développement dirigée par l’entrepreneur finlandais Peter Vesterbacka, a commencé à travailler sur le projet de tunnel ferroviaire entre la capitale estonienne Tallinn et la capitale finlandaise Helsinki. L’objectif du tunnel est de relier les deux villes avec les dernières technologies ferroviaires et de stimuler la croissance économique et le développement de la région.
Helsinki, une ville européenne très excentrée, n’a que le voisin russe comme liaison ferroviaire à 1.520mm, via Saint-Pétersbourg. Le projet de tunnel lui donnerait un accès direct à Rail Baltica, à la Pologne et au reste de l’Europe. Une liaison Varsovie-Helsinki prendrait dix heures lorsque Rail Baltica sera en phase finale.
Keilaniemi, à l’ouest d’Helsinki, là où aboutirait le tunnel côté finlandais (tiré de la vidéo ci-dessous)
La ministre finlandaise des transports et des communications, Anne Berner, a déclaré que « le tunnel, avec le projet ferroviaire Rail Baltica et la ligne de chemin de fer arctique, relierait la région arctique au cœur de l’Europe via la Finlande. Le tunnel pourrait ainsi être un projet important pour toute la Finlande et l’Europe, pas seulement pour Helsinki et Tallinn. »
Selon les conclusions du groupe de travail sur le tunnel Helsinki-Tallinn, environ neuf millions de passagers ont voyagé entre les villes en ferry en 2017. Ce total pourrait passer à 23 millions d’ici 2050 si le tunnel est construit, avec 12,5 millions de passagers annuels voyageant par le tunnel et 10,5 millions par ferry.
Cependant, le projet fait l’objet de quelques critiques, notamment en raison de sa proximité jugée excessive avec les intérêts chinois dans le cadre de l’initiative de la Route de la Soie. Dans les faits, le nouveau financement provient de l’investissement chinois Touchstone Capital Partners, un tiers étant fourni sous forme de capital-investissement et deux tiers sous forme de financement par emprunt. En 2018, le projet a également obtenu un investissement de 100 millions d’euros de la société ARJ Holding basée à Dubaï. Kustaa Valtonen de FinEst Bay Area Development recadre : « Nous sommes très satisfaits des négociations et de l’accord conclu. Touchstone possède une forte expérience dans le financement de grands projets d’infrastructure privée similaires.»
Les planificateurs envisagent des liaisons vers l’aéroport d’Helsinki-Vantaa dans la banlieue nord de la capitale finlandaise, une gare à Pasila, la deuxième plus grande gare de la ville, et un arrêt au centre d’Helsinki. À Tallinn, le train s’arrêterait à Ulemiste, près de l’aéroport de la ville, où il serait relié à Rail Baltica.
Rail Baltica, le tunnel Helsinki-Tallinn et les développements ferroviaires côté polonais, on peut espérer que la géopolitique ne viendra pas brouiller des projets difficiles dans une région d’Europe qui mérite son désenclavement.
Avec 62 milliards d’euros du gouvernement fédéral et 24 milliards d’euros de fonds propres de la Deutsche Bahn, un total de 86 milliards d’euros sur 10 ans est désormais disponible, pour un réseau de 33.000 kilomètres. Cela signifie qu’une moyenne de 8,6 milliards d’euros par an est disponible pour l’infrastructure ferroviaire, confirmant la haute importance de l’un des quatre secteurs du rail. C’est 54% de plus que lors de la période de planification précédente. Ce programme d’investissement doit promouvoir « une mobilité moderne et respectueuse de l’environnement grâce au rail » justifie le ministre fédéral des Finances Olaf Scholz.
Une partie de ce montant est investie dans la rénovation et la modernisation de 2.000 ponts ferroviaires. « Un montant record et un signal important pour le transfert modal tant nécessaire en Allemagne », a déclaré Ronald Pofalla, directeur des infrastructures chez DB. Grands, petits, jeunes, vieux, en béton ou en acier, de quelques mètres ou de quelques kilomètres: DB Netz AG entretient plus de 25.000 ponts ferroviaires de différents types en Allemagne. Certains demandent manifestement un remplacement…
La Deutsche Bahn avait déjà démarré en 2015 avec un programme de modernisation de trois milliards d’euros dans le cadre de la loi de financement (LuFV II). Fin 2019, près de 900 de ces ouvrages avaient déjà été rénovés ou remplacés sur ce programme. Le 900e était un pont situé près de la gare de Zepernick dans le Pankedal au nord-est de Berlin, rénové pour 30 millions d’euros.
Chaque jour ouvrable, près de 40.000 trains de voyageurs et de marchandises sont en circulation, usant la voie d’année en année. Vu leur coût et les coupures de ligne nécessaires pour leur rénovation, les ponts ferroviaires sont souvent laissés aux limites d’usure pour éviter trop de chantiers. Or ces ouvrages d’art son le garant de la fluidité du réseau et évitent les passages à niveau très accidentogènes avec le réseau routier. Le revers de la médaille est le coût de ces infrastructures, bien qu’un pont ferroviaire à deux voies soit moins cher que son homologue autoroutier à quatre bandes de circulation.
La convention de service et de financement III (LuFV III)
Le financement du rail en Allemagne se fait via la Leistungs- und Finanzierungsvereinbarung, (abréviation LuFV ) est un contrat entre l’État et la Deutsche Bahn pour la maintenance de l’infrastructure ferroviaire. Cette loi réglemente notamment les investissements de remplacement dans le réseau ferroviaire existant, détermine les indicateurs de qualité et sanctionne les non-conformités. La durée du LuFV III est de dix ans, le double de la précédente LuFV II.
Outre les ponts évoqués ci-dessus, les investissements se traduisent aussi par le renouvellement d’environ 2.000 kilomètres de voies et 2.000 aiguillages chaque année. Environ sept milliards d’euros sont consacrés à la seule technologie des enclenchements, qui subit une forte informatisation. Les investissements bénéficieront aussi aux gares moyennes et petites, par exemple par une meilleure accessibilité et une protection supplémentaire contre les intempéries à quais. Il y a aussi plus d’argent disponible pour que les chantiers de construction/rénovation aient le moins d’impact possible sur le trafic ferroviaire et les voyageurs. Côté courant de traction, de nouvelles sous-stations de conversion devront à l’avenir garantir que l’électricité produite se fera à partir d’énergies renouvelables.
La loi de financement LuFV III fait suite au deux précédentes et on peut dire en effet que les montants sont à la hausse, sauf que les LuFV I et II ne présentaient pas la même durée. Une réalité cependant : le gouvernement fédéral a annoncé que l’augmentation significative de la LUFV III permettra de compenser la hausse des prix de la construction. De plus, la DB devra apporter 41% de fonds propres par rapport à précédemment, ce qui signifie que le geste du gouvernement fédéral est à nuancer si l’on tient compte de tous les paramètres financiers annexes. Il n’empêche que comparé à l’année, la LuFV III offre bien 54% de fonds supplémentaires par rapport à la période 2015-2019.
La durée de dix ans de cette LuFV III crée une plus grande sécurité pour la planification des travaux chez DB Netze. Comme chacun sait, le chemin de fer demande du long terme, là où l’horizon politique ne dépasse souvent pas les quatre ans d’une législature. Cela permet aussi de mieux planifier les capacités des entreprises de construction dans la durée, sur des accords à long terme qui donnent aussi plus d’amplitude aux fournisseurs. Le gouvernement y voit aussi une incitation à accroître l’innovation dans l’industrie de la construction ferroviaire, notamment pour améliorer le planning des travaux.
L’accord de service et de financement est basé à la fois sur une transparence mais aussi un contrôle de ce que fait DB Netze avec l’argent public, car il s’agit d’argent du contribuable. L’Autorité fédérale des chemins de fer (EBA) contrôlera la mise en œuvre de l’accord. Le LuFV III a introduit 17 nouveaux indicateurs de qualité. Si DB ne remplit pas les conditions contractuelles, des amendes pourraient être dues. Les indicateurs de qualité documentent l’état du réseau, le nombre de ponts renouvelés, le montant des fonds consacrés à la maintenance et bien d’autres choses. Des modifications du LuFV III sont possibles à tout moment, a précisé le secrétaire d’État parlementaire au ministère fédéral des Transports et de l’Infrastructure numérique, Enak Ferlemann (CDU), permettant des ajustements si nécessaires, ce qui fait peur à certains membres de la coalition actuelle, qui craignent des retournements de situation.
Des critiques ont aussi émané du Bundesrechnungshof, le bureau d’audit fédéral, qui aurait préféré des tranches à durée plus courte. Ce à quoi la DB répondit que « un doublement du nombre de passagers souhaité par la politique ne peut être mis en œuvre qu’avec des programmes planifiés à long terme et financièrement sûrs.Si vous voulez rendre les budgets d’infrastructure ferroviaire disponibles sur des fenêtres de deux ans, vous ne faites qu’une chose : nuire au secteur ferroviaire » aurait sèchement répondu Deutsche Bahn par communiqué. Le Bundestag n’a donc pas suivi le bureau d’audit. On notera avec intérêt que les Verts allemands se sont abstenus lors du vote de la LuFV III.
Restons positif, au-delà de ces querelles banales de la politique intérieure. Le réseau ferroviaire a clairement besoin de renouvellement et, là où c’est nécessaire, de reconstruction. Un pont, c’est normalement cinquante ans. Cela donne une autre perspective des choses…
La convention de performance et de financement (en abrégé LuFV) est un contrat entre la République fédérale d’Allemagne et Deutsche Bahn pour la maintenance de l’infrastructure ferroviaire. La troisième édition de cette LuFV vient d’être présentée fin juillet. Elle concerne un plan de financement de DB Netz pour 10 ans, au lieu de 5 précédemment.
Depuis 2015, le précédent contrat de performance et de financement obligeait la Deutsche Bahn à dépenser au moins 1,50 milliard d’euros par an et au moins 8,00 milliards d’euros en maintenance. Avec le troisième LuFV, on passe à une autre dimension. Dorénavant, les montants grimpent à 86,2 milliards d’euros sur 10 ans, soit une moyenne de 8,6 milliards par an, rien que pour l’infrastructure. Cela représente une augmentation de 59% par rapport au précédent LuFV II qui arrive à échéance fin 2019. L’effort est considérable, mais on a envie de dire : enfin !
Le ministre fédéral des Transports, Andreas Scheuer (CSU), s’est félicité de la signature de ce contrat LufV 3 : « Nous avons convenu avec Deutsche Bahn le programme de modernisation du rail le plus vaste jamais réalisé en Allemagne. Un réseau ferroviaire performant et de haute qualité est la base pour une protection active du climat. » L’État allemand ne fera cependant pas tout le travail : il ne donnera que 62 milliards, tandis que les 24,2 milliards seront à fournir par l’entreprise elle-même, soit 41% de plus qu’actuellement. Un détail qui agite déjà le milieu, quant à savoir comment la Deutsche Bahn va pouvoir financer sa propre part.
Alexander Kirchner, un ténor du syndicalisme cheminot, a d’ailleurs critiqué les montants : « Les 86 milliards d’euros mentionnés paraissent gigantesques, mais ils tentent de dissimuler la véritable situation». « C’est une bonne nouvelle pour les voyageurs en train en Allemagne que le réseau ferroviaire gagne maintenant plus d’argent »,a déclaré Dirk Flege, membre du conseil d’administration de l’Allianz Pro-Schiene dans une interview accordée à la télé ZDF. « Selon toute vraisemblance, toutefois, ce ne sera pas suffisant d’obtenir une amélioration significative de la qualité car nous progressons avec un arriéré d’investissement gigantesque », confirmant ainsi les propos de Kirchner. « La Suisse investit cinq fois plus que nous en Allemagne par habitant pour l’ensemble du réseau ferroviaire. Le Danemark, l’Autriche, la Suède, les Pays-Bas et la Grande-Bretagne investiraient également davantage dans le réseau ferroviaire», rappelle-t-il.
Dans le projet de budget fédéral en préparation pour 2020, un total de 51,4 milliards d’euros a été réservé pour le nouvel accord financier, tandis que les 10 autres milliards du fédéral « proviendraient d’autres pots », sans plus de précisions. Ce qui peut sous-entendre de solides négociations au sein de gouvernement Merkel pour piocher… dans les bons pots !
L’importance de l’infra
Répondant aux préoccupations croissantes de la détérioration des 33.000 km du réseau, la LuFV III est destiné à financer l’entretien et la rénovation. Beaucoup de voies, de points sensibles et près de 2.000 ponts sont délabrés. 875 de ces ponts sont déjà en cours de rénovation, ce qui fait autant de chantiers qui ralentissent le trafic, souvent dense, de nos amis allemands. La Deutsche Bahn – ou plutôt l’État allemand, restons honnête -, doit en réalité résorber un immense arriéré de travaux de restauration pour maintenir le réseau ferroviaire allemand. Chose importante, l’accord n’inclut pas les travaux d’extension de la capacité qui seront financés séparément. Il ne s’agit donc ici que d’un budget de maintien du réseau, ce qui indique l’ampleur de la tâche.
Les montants iraient crescendo. Selon les informations fournies par l’Agence allemande de la presse, une moyenne de 7,9 milliards d’euros d’investissements par an est prévue pour la période 2020 – 2024, puis une moyenne de 9,2 milliards d’euros pour la période 2025 – 2028. Pour l’année 2029, le montant serait le plus élevé, soit 9,6 milliards, est fourni. Mais il faut évidemment tenir compte de l’inflation, ce qui atténue la hausse de période en période.
Précision utile, cet accord doit maintenant encore passer le cap du Bundestag, le parlement allemand.
Le rail est coûteux à ce point ? Il était temps que nos élus s’en rendent compte. L’exécutif est en effet le seul habilité à délier les cordons de la bourse. Oui, le coût de l’infra au kilomètre peut faire peur, mais il faut tout de suite se mettre en tête qu’une bonne infra, avec une bonne signalisation, sont les ingrédients incontournables pour plus de trains sur les voies et davantage de personnes en moins sur les routes. Alors cela vaut la peine de mettre le paquet. Le passage de la LuFV de 5 à 10 ans témoigne aussi – et enfin – de la nécessaire obligation d’avoir une vue à moyen terme qui dépasse plusieurs législatures gouvernementales.
Pas de bons services trains sans bonnes infrastructures, cette évidence devra être continuellement martelée…
Pologne : CPK , le projet de nouvel aéroport et lignes à grande vitesse 03/04/2023 – Vu de l’Ouest, on a de la Pologne une image d’éternel « pays de l’Est » un peu lointain, périphérique. Or le pays veut justement saisir l’opportunité de sa géographie pour devenir un grand carrefour des transports du nord-est européen. C’est l’objet du projet CPK, le plus grand d’Europe.
Un chantier ferroviaire pas comme les autres : le Y-Basque en Espagne 12/02/2023 – La nouvelle ligne à grande vitesse Vitoria – Bilbao – Saint-Sébastien – frontière française, en réalité appelé Y-Basque, fait partie de la branche atlantique du projet prioritaire n° 3 de l’Union européenne, et concerne en territoire espagnol la ligne Madrid – Valladolid – Vitoria – frontière française. L’occasion de faire le point sur ce long chantier.
InterCity Oslo : tunnels, ponts et grande vitesse pour gagner jusqu’à une heure de trajet
09/01/2023 – La Norvège, où beaucoup de lignes sont à voie unique, compte dédoubler 3 axes majeurs au départ d’Oslo. Dans un environnement serré et tourmenté, on va rectifier des tracés avec plusieurs ponts et tunnels et rouler à 250km/h là où c’est possible. Des travaux à milliards pour parfois gagner…
Le réseau ferré européen ? Un vrai patchwork de technologies… 12/09/2022 – Si vous pensez que le chemin de fer, c’est juste de la politique et des finances, alors vous allez souffrir. Car l’infrastructure ferroviaire, c’est avant tout de la technique nationale, laquelle est un frein à la standardiasation et au rêve européen de trains sans frontière. On vous explique tout cela très succinctement.
L’Europe et ses voies à l’écartement russe 20/06/2022 – L’histoire troublée durant près de 150 ans du flanc Est de l’Europe, incluant la Finlande, les pays baltes et la Pologne, est la raison pour laquelle on trouve dans cette vaste zone des voies à l’écartement russe 1.520mm. Faisons rapidement un tour d’horizon de la voie large russe présente sur les terres européennes.
Des différences d’écartement de voies en Europe ? Pas autant qu’on ne le croit… 02/05/2022 – La différence d’écartement des voies ferrées européennes est l’une des raisons pour lesquelles on croit souvent, à tort, qu’il existe de grandes différences entre tous les pays européens. Ce n’est évidemment pas le cas et c’est l’occasion de remettre les choses en perspective.
Quelques bénéfices des grandes infrastructures souterraines 31/01/2022 – Les infrastructures souterraines en ville pour le rail font souvent débat. Certains prônent la rupture de charge, d’autres la continuité. Tout dépend de beaucoup de facteurs qu’on explique ici en examinant les arguments des uns et des autres.
Grande-Bretagne : le projet HS2 amputé de sa branche Est 22/11/2021 – Le projet britannique de réseau à grande vitesse HS2 subit une cure d’amaigrissement importante dans la partie vers les Midlands. Les autorités entendent édifier la politique ferroviaire vers le transport local et régional de cette région. Mais avec quel argent ?
Le train intelligent n’existe pas sans infrastructures 08/11/2021 – On croit parfois que le train intelligent suffirait à résoudre certains des problèmes de l’exploitation ferroviaire. Cependant, ce train n’aura aucun impact s’il n’y a pas d’infrastructures top niveau, ce qui suppose que demain il y aura encore du béton…
Italie : des procédures accélérées pour les chantiers ferroviaires 25/10/2021 – Un plan de relance ferroviaire et une autre façon de gérer les travaux publics par procédures accélérées. C’est le défi de l’Italie avec 16 projets ferroviaires grandes lignes, un projet métro et une dotation de 60,8 Mds d’euros
ETCS Niveau 3 régional : expériences en Italie 04/10/2021 – On parle depuis longtemps de l’ETCS et de son implémentation. Jusqu’ici, le sol et le bord ont bénéficié de l’ETCS niveau 2. Mais pour des lignes régionales, une formule allégée de l’ETCS de niveau 3 pourrait être une solution.
Corridors de fret ferroviaire : quels résultats jusqu’ici ? 25/05/2021 – Cela fait près de 30 ans que la Commission européenne a lancé diverses initiatives pour booster le transport de fret ferroviaire, qui reste éternellement à la traîne. Parmi les actions, l’instauration de corridors européens où l’on concentre les investissements et la digitalisation. Quelles leçons peut-on en tirer jusqu’ici ?
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D-Takt : le grand défi de l’horaire cadencé intégral 1/2 03/05/2021 – Un train toutes les demi-heures de ville à ville et de village à village. Des correspondances pratiques pas trop longues, même en province. Prendre le train partout dans le pays devrait être aussi facile que de prendre le S-Bahn en zone urbaine. C’est le principe du Deutschlandtakt.
Intermodal : l’importance croissante du gabarit P400 26/04/2021 – Les trains intermodaux ont représenté la moitié du trafic de fret ferroviaire 2019. Cela signifie qu’une attention particulière doit être accordée à ce mode de transport et au gabarit P400. Et cela concerne grandement les infrastructures. Explications.
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Le train écolo, c’est aussi des travaux ! 16/11/2020 – 2021 sera l’Année du Rail en Europe. Cela implique pas seulement des trains modernes mais aussi de bonnes infrastructures ferroviaires. Certains estiment que ce n’est pas toujours nécessaire. En 2017, 27 % des émissions totales de gaz à effet de serre de l’UE-28 provenaient du secteur des transports (22 % si l’on exclut les émissions de l’aviation et du transport maritime internationaux).
Où en est le projet de Stuttgart 21 ? 29/10/2020 – Le projet Stuttgart 21. Un chantier énorme pour une ville de 630.000 hab et qui avance. Ou comment mettre la 6ème ville allemande au top ferroviaire, avec en prime une ligne nouvelle vers Ulm
Et si l’immobilier finançait le rail ? 28/09/2020 – Le chemin de fer est un secteur qui apporte très peu de rendements. D’autres domaines adjacents pourraient lui rapporter des revenus supplémentaires, mais pas en vendant à tour de bras. Explications.
Numérisation : ÖBB veut entrer dans le cloud 10/09/2020 – La numérisation du rail n’est plus de la science-fiction. Ce qui est plus novateur, en revanche, c’est d’utiliser des solutions cloud. Les ÖBB ont fait un test de décentralisation d’une cabine de signalisation
Traversée des Alpes : pour la Suisse, mission accomplie ! 31/08/2020 – L’ouverture du tunnel du Ceneri ce vendredi 4 septembre marque la fin des grands chantiers des traversées alpines en Suisse. Mission accomplie pour ce pays qui n’est pas membre de l’Union européenne
L’importance des gares, petites ou grandes 07/06/2020 – Comment on peut transformer nos petites gares en lieux conviviaux et axés sur la durabilité. Il y a partout de bonnes idées de revitalisation.
La gare de Chamartín, un élément essentiel pour l’avenir de Madrid 14/02/2020 – La gare actuelle de Chamartín va être appelée à devenir l’une des plus modernes d’Europe et la pierre angulaire du Madrid du futur, sous l’impulsion du projet de développement urbain ‘Madrid Nuevo Norte’.
Boris Johnson donne son feu vert pour la ligne à grande vitesse britannique 12/02/2020 – Pour un coût de près de 118 milliards d’euros, la ligne à grande vitesse HS2 sera bien construite pour améliorer la desserte entre Londres et le centre de l’Angleterre. HS2 devrait être la seconde ligne à grande vitesse du Royaume-Uni, faisant suite à la mise en service de la HS1 en 2007
Rail Baltica : géopolitique et complexité d’un grand projet ferroviaire de l’UE 10/02/2020 – Rail Baltica est un des grands projets d’infrastructure ferroviaire en Europe destiné à relier la Finlande, l’Estonie, la Lettonie, la Lituanie à la Pologne en voie à écartement standard UIC. L’occasion de découvrir un projet ferroviaire dont on parle si peu.
L’Allemagne investira 86 milliards € dans le rail d’ici 2030 15/01/2020 – L’Allemagne investira un total de 86 milliards € sur 10 ans sur son réseau de 33.000 km. Cela signifie une moyenne de 8,6 milliards €/an. Toute l’importance de l’infrastructure.
Bruxelles : comment gérer à l’avenir la Jonction Nord-Midi ? 30/06/2019 – La Jonction Nord-Midi SNCB de Bruxelles fait l’objet de questionnements récurrents. Quel peut être l’avenir de cette infrastructure avec la croissance prévue du trafic ? Petites réflexions
ERTMS : qui va payer pour les opérateurs de fret ? 21/06/2019 – Les opérateurs de fret semblent très inquiets du coût de la technologie ERTMS qui ne leur rapporte aucune plus-value, disent-ils. Il faut cependant bien regarder l’ensemble de l’écosystème…
Eurotunnel : 25 ans déjà, et l’ombre du brexit 02/06/2019 – Eurotunnel fêtait ses 25 ans ce 6 mai. L’occasion d’un bilan sur l’une des infrastructures les plus audacieuses du monde, alors qu’arrive le Brexit…
Pas de bons trains sans bonnes infrastructures… 04/03/2019 – Pas de bons services trains sans bonnes infrastructures. Cette évidence doit encore être rappelée, alors que l’infrastructure ferroviaire suscite une interrogation quant à ses coûts et son entretien dans toute l’Europe.
Grande-Bretagne : Network Rail change radicalement de structure 18/02/2019 – Network Rail, le manager d’infrastructure britannique, change radicalement son organisation et opte pour la décentralisation, gage d’une meilleure flexibilité et d’une approche davantage orientée vers ses clients, les opérateurs ferroviaires.
Tunnels ferroviaires : qui va gagner la bataille des Alpes ? 05/11/2018 – Le dossier du Lyon-Turin, qui traîne depuis plus de 20 ans, est l’occasion de mesurer les enjeux du passage des trains à travers les Alpes, tandis que la Suisse et l’Autriche nous préparent une capacité cumulée de près de 800 trains par jour.
Pays-Bas : le réseau atteint ses limites. Vers un horaire à la six secondes ?(eng) 03/09/2018 – Les néerlandais ont-ils la capacité – et l’argent nécessaire -, pour encore augmenter le nombre de voies ferroviaires et tout le génie civil qui l’accompagne (les murs anti-bruit, les ponts, les passages sous voies) ? N’y-a-t-il pas un moment où il faut dire stop au béton ? C’est la grande question que pose le gestionnaire d’infrastructure ProRail en cette fin d’été. Lequel propose des solutions.
Investissements massifs pour le réseau ferré norvégien 03/08/2018 – Bane NOR, l’agence gouvernementale chargée de la maintenance et du développement du réseau ferroviaire en Norvège, a dévoilé un plan d’investissement massif qui doit répondre à la croissance démographique attendue dans le centre et sud du pays.
Le réseau européen à grande vitesse trop fragmenté et onéreux 26/06/2018 – D’après un nouveau rapport de la Cour des comptes européenne, le plan à long terme actuel de l’UE concernant le réseau ferroviaire à grande vitesse a peu de chances d’être réalisé, et il n’existe pas d’approche stratégique solide dans ce domaine à l’échelle de l’Union.
Un Grand Paris pour 2030 24/02/2018 – Le projet du Grand Paris, dont les travaux ont débuté en 2015, devraient permettre de connecter les banlieues franciliennes en 2030. Le gouvernement d’Edouard Philippe vient d’en donner un nouveau calendrier.
5,4 milliards d’euros pour le rail belge 20/12/2017 – L’infrastructure ferroviaire belge peut être assurée d’obtenir 5,4 milliards d’euros. Une partie de cette somme est à voir plutôt sur le long terme.
L’ETCS : une implantation difficile selon la Cour des Comptes européenne 11-10-2017 – L’ERTMS/ETCS, le système européen censé remplacer les signalisations ferroviaires nationales, ne semble pas être à la fête. Les raisons du retard d’implantation sont multiples et la Cour des Comptes européenne vient d’en faire un instructif inventaire. Analyse du problème.
Les gares, plus qu’un lieu de passage 17-09-2017 – Pour la majorité des personnes, la gare reste encore un lieu de passage, celui que nous quittons le plus rapidement possible pour aller en ville, au travail ou pour retourner à la maison. Pas question de s’attarder au milieu d’un tel environnement industriel. Mais les temps ont changé, et la mission des gares aussi. Analyse.
L’Atlantique se rapproche un peu plus de Paris 29/06/2017 – 36 ans après Lyon, la capitale du bordelais dispose enfin d’une LGV intégrale de bout en bout avec Paris. Un rattrapage très tardif et qui profite aussi à la Bretagne.
Pays-Bas : reprise en main par l’Etat du gestionnaire d’infrastructure 12/04/2016 – Le gouvernement néerlandais voudrait reprendre en charge la gestion de ProRail, le gestionnaire de l’infrastructure ferroviaire aux Pays-Bas. Un document de travail de la Secrétaire d’Etat Sharon Dijksma montre l’intention du gouvernement de replacer l’entreprise dans un cadre public par rapport à la situation actuelle.
Comparaison n’est pas raison. Mais le dernier baromètre des investissements sur réseau ferroviaire par habitant présenté par le site Allianz pro Schiene montre d’importantes disparités. Selon le cabinet spécialisé SCI Verkehr, certains pays européens tablent sur un investissement public à trois chiffres par habitant pour leur infrastructure ferroviaire. La Suisse occupe sans surprise la première place avec 365 euros par citoyen, suivie de l’Autriche, qui investit 218 euros par habitant. Pendant des années, les deux pays alpins ont consacré des montants plus élevés sur leurs réseaux ferroviaires que sur leurs infrastructures routières. Il faut peut-être y voir aussi l’étendue de ces deux réseaux dans une topographie plutôt difficile. Le groupe qui se rapproche fortement de l’Autriche sont, là aussi sans grandes surprises, les trois pays scandinaves et… la Grande-Bretagne, que certains académiques francophones s’évertuent à vilipender à longueur d’études. La Suède investit 172 euros par citoyen, les dépenses de réseau au Royaume-Uni s’élèvent à 116 euros et les Pays-Bas à 135 euros par habitant.
Sous la barre des 100 euros, les investissements sont aussi en plein essor dans d’autres pays européens : l’Italie dépense 93 euros sur son réseau, alors que l’Allemagne ne dépense que 77 euros par citoyen, ce qui signifie qu’elle ne s’apprête pas encore à réduire le vaste déficit de financement qui la sépare de celle de ces voisins, la France excepté (40€/habitant…). Étonnamment, la Belgique que l’on nous dit « au cœur » de l’Europe, n’y figure pas. Problèmes statistiques ?
Le tableau ci-dessus nous enseigne aussi que l’investissement par habitant dégringole de plus de la moitié pour tous les grands réseaux sauf… en Grande-Bretagne. Effet d’échelle ? La France (30.000km), l’Allemagne (33.300km) et l’Italie (16.700km) ne peuvent évidemment pas être comparé avec l’Autriche (4.850km) et la Suisse (5.500km au total, dont 3.230 pour les seuls CFF). Les Pays-Bas se situent en entre-deux.
Une donnée intéressante à cette étude concerne aussi la priorité donnée au rail : on voit dans le tableau ci-dessous que l’Autriche dépense plus pour son chemin de fer (en bleu) que pour la route (en rouge). La Suisse est pratiquement à parité. Une inversion que l’on peut traduire par une volonté politique, mais il faut peut-être aussi tenir compte des coûteux tunnels ferroviaires que les deux pays finalisent encore en ce moment, ce qui fausserait alors un peu les comparaisons, vu la topographie des pays alpins. Songeons au Ceneri en Suisse, au Brenner en Autriche.
En résumé, un exercice salutaire mais un peu trop simpliste, qu’il faut prendre comme une photographie simplifiée. A-t-on ainsi tenu compte de l’indice de niveau de vie : si le coût de la vie est à 122,67 en Suisse, il n’est que de 74,62 en France et 66,57 en Allemagne. Le maillage du réseau par habitant joue aussi : 649m de ligne par habitant en Suisse, 563m en Autriche, 452m en France, 409m en Allemagne et 243m par habitant en Grande-Bretagne, auxquels il faut rajouter l’intensité d’utilisation des voies, leur usure, la fréquence des interventions d’entretien, etc…
Par ailleurs, l’Allemagne et la France étant de grands pays de construction automobile, on ne doute pas un seul instant du poids des lobbies sur les gouvernements respectifs. On doit encore y rajouter le coût du modèle social, et nous savons tous là que les modèles latins, appliqués aux chemins de fer, sont très gourmands en deniers publics, ce qui est autant de subsides en moins pour les investissements dans la voie. On peut aussi raisonnablement estimer que la taille des gestionnaires d’infrastructure ferroviaire joue aussi : rien de commun entre les CFF, ÖBB Infrastruktur et SNCF Réseau, l’ADIF espagnol ou le Network Rail anglais. Il n’empêche que malgré tout, les deux pays alpins mènent des politiques ferroviaires de haut niveau, ce qui les placent en tête du classement.
La Jonction Nord-Midi qui traverse Bruxelles constitue l’épine dorsale du réseau ferré belge. Un séminaire lui est consacré ce vendredi. L’occasion de faire un bilan et d’entrevoir des perspectives diverses.
À l’origine
Bruxelles avait à l’origine ses grandes gares, celle du Midi et celle du Nord, mais celle aussi du Quartier Léopold, en cul de sac comme dans beau nombre de villes d’Europe (et du monde). L’idée de faire la jonction entre celles du Nord et du Sud, date d’avril 1903, avec la ratification d’une convention entre l’État et la Ville de Bruxelles. Les premières expropriations débutèrent en 1910, puis les Première et Seconde guerre mondiale mirent le chantier en veilleuse durant 33 années, traumatisant toute une ville.
Traumatisme durant 33 ans : Bruxelles éventrée… Au fond, la cathédrale Saints-Michel-et-Gudule
Le chantier ne reprit qu’en 1947 et la Jonction fut inaugurée par le tout jeune Roi Baudoin que partiellement le 4 octobre 1952, d’abord avec seulement deux voies, puis les six voies définitives en 1954. Dans l’intervalle, la gare du Nord quitte son emplacement de la place Rogier et recule de 350m vers le nord, tandis que la nouvelle gare du Midi avance vers le Sud en quittant ce qui est aujourd’hui l’avenue de Stalingrad. En parallèle, avec les nouveaux tunnels routiers de la Petite Ceinture, Bruxelles, modernisée, était ainsi fin prête pour la grande expo Universelle de 1958. Tout cela va laisser des traces dans l‘imaginaire bruxellois, encore de nos jours, lorsqu’il s’agit de parler de grands travaux d’infrastructure…
Fabuleuse vue d’époque : Bruxelles, la gare Centrale, et… l’ère automobile de l’expo 1958. Aujourd’hui, le site est occupé par un hôtel, mais la gare demeure telle quel.
Concrètement
La Jonction Nord-Midi fut établie sur viaduc métallique, tant à la gare du Nord qu’à la gare du Midi, mais pas sur la partie souterraine de 2km, qui comporte trois pertuis de deux voies avec signalisation en bloc automatique. La partie souterraine dispose de deux arrêts : Bruxelles-Congrès entre les gares du Nord et Central, située boulevard Pachéco, et Bruxelles-Chapelle entre Central et Midi, en face de l’église du même nom.
Schéma TUC RAIL – 2017
Il n’y a aucun aiguillage entre l’entrée nord (sous le Jardin Botanique), et la sortie sud (à côté de l’église de La Chapelle) de la section souterraine, de sorte qu’un train en panne provoque immédiatement un arrêt des circulations sur l’une des six voies.
Pas bonne, la visibilité d’un train long à la gare Centrale…
La gare Centrale a la particularité d’avoir ces trois quais en courbe, ce qui impacte sur le départ des trains et la mauvaise visibilité d’ensemble d’une rame de 8 à 12 voitures. Il faut donc impérativement maintenir un service de 3 sous-chefs de quais, qui valident la sécurité aux accompagnateurs, avant que ceux-ci n’actionnent l’IOT (indicateur d’opération terminée).
L’importance des flux
Dès 1976, le métro est apparu dans un axe Est-Ouest, passant notamment par la gare Centrale. La Jonction et le métro vont alors façonner irrémédiablement les flux et les habitudes de milliers de navetteurs belges. Car au-delà de l’aspect ferroviaire, ce sont essentiellement les quartiers Est qui vont s’accaparer le tertiaire bruxellois, par édification de milliers de m² de bureaux jusqu’au quartier Schuman, desservi par la même ligne de métro depuis la gare Centrale. Pour le belge de province, c’est le rêve : on embarque en train direct à Mons, Gand, Anvers ou Liège, et à la gare Centrale, on prend le métro qui mène aux bureaux du quadrilatère Loi/Belliard. L’Ouest de la capitale, notamment Anderlecht et Molenbeek, échappe en revanche au tertiaire et leurs communes deviennent au fil des décennies une terre de migration. Les proportions parlent d’elles-mêmes et évoluent peu d’année en année, comme on peut le voir ci-dessous :
Extrait du Vif, en 2014. Ca n’a pas beaucoup évolué depuis…
Le transit chaque matin et soir de milliers de navetteurs à la gare Centrale devient alors le principe cardinal de l’architecture du trafic ferroviaire de la SNCB. Une majorité des trains Intercity du réseau belge transite toute la journée par la Jonction Nord-Midi, connectant pratiquement tout le pays à la gare Centrale et à son métro. Depuis décembre 2015, tous les omnibus de Bruxelles ont pris la dénomination « S », préfigurant du concept RER dont les travaux d’infrastructure hors de la ville ne sont pas encore terminés. Cette trame régulière, d’un à deux trains par heure, sur chaque ligne, toute la journée, est complétée en pointe de semaine par une quarantaine de trains « d’appoint », dénommés « P ». Sur base du plan transport du 28 juin 2019, gracieusement compilé par votre serviteur, nous trouvons 205 trains entre 6h20 et 9h12, décomposés comme suit :
106 trains Intercity, soit 51,7% du trafic ;
58 trains « S » (le RER), soit 28,3% du trafic ;
41 trains « P » (de pointe), soit 20% du trafic en complément.
À cela il faut ajouter quelques TGV et ICE de passage, sans arrêt à Bruxelles-Central, mais il s’agit là d’un trafic marginal. Le trafic quotidien total d’un jour de semaine tourne autour des 1.300 trains.
Bruxelles reste ainsi le point centrifuge du trafic Intercity de la SNCB, ce qui nous diffère des trois autres pays auxquels la Belgique peut valablement se comparer : la Suisse, les Pays-Bas et le Danemark. À l’exception de l’usage de la langue parlée, où nous restons uniques au monde…
Le rail bruxellois… est fort peu bruxellois !
Cette critique se fait entendre depuis les années 90. En cause : la concentration du trafic national sur la seule Jonction Nord-Midi et sur l’ensemble Schuman/Gare du Luxembourg. Traduction : on favorise la classe moyenne belge de province, ces diplômés qui font vivre la ville huit heures par jour « mais qui n’y habitent pas, ni ne payent leurs impôts » (sic). Contrairement aux villes étrangères, la politique bruxelloise, régionalisée depuis les années 80, a favorisé la progression d’une dualité flagrante en matière d’indice socio-économique : Bruxelles est plus pauvre que sa banlieue, ce qui la positionne différemment des autres capitales européennes. La classe moyenne et aisée habite en effet la banlieue verte s’étendant de 10 à 60 km de la capitale, phénomène qui a façonné la politique de la SNCB durant des décennies, sur deux points :
Trafic abondant de et vers la province, de préférence direct (Ottignies, Namur, Charleroi, Enghien, Mons, Gand, Hasselt…) ;
Mise en sommeil des deux lignes encadrantes bruxelloises : L26 (à l’Est) et L28 (à l’Ouest).
Le statut de capitale – régionale, nationale et… européenne -, renforce encore davantage les flux concentriques, principalement sur la Jonction Nord-Midi et le quartier Schuman.
La concentration du réseau belge sur Bruxelles, capitale d’État et d’Europe. Certains contestent cette vision…
Absorber la croissance
Le futur de la Jonction Nord-Midi tient en une seule question : jusqu’à combien de trains à l’avenir ? Car à l’inverse des Pays-Bas ou de la Suisse, ni Charleroi, Liège, Gand ou Anvers ne disposent d’un tertiaire aussi abondant comme on en trouve à Genève, Bâle, Zurich, Rotterdam ou Utrecht, toutes des villes « non capitales ». Bruxelles est pour ainsi dire condamnée à absorber l’éventuelle croissance des emplois tertiaires en faisant venir les employés de province, ce qui impacte sur la Jonction (et bien entendu aussi sur l’intense trafic automobile). Des idées volontaristes de transfert modal ont pris le devant de la scène dans le débat publique, et la question de maintenir l’architecture Intercity de la SNCB, à travers la Jonction, revient régulièrement sur le tapis. Elle fera d’ailleurs l’objet d’un séminaire le vendredi 5 juillet, sur initiative du monde associatif. La saturation fréquemment annoncée de la Jonction – supposée ou réelle, à vous de voir -, suscite plusieurs interrogations :
Le maintien de la ponctualité. Le graphique horaire de décembre 2018 a rallongé le transit nord-sud, le faisant passer de 8 à 9 minutes, sur base de l’expérience des descentes/montées à Bruxelles-Central, avec beaucoup de trains double-étage, donc davantage de monde que par le passé, des flux plus imposants à faire circuler. Mais cela impacte sur la capacité de la Jonction ;
L’intérêt du maintient du lien direct de la gare Centrale avec pratiquement toutes les villes du royaume, du moins dans un rayon jusqu’à 100km (Liège, Jemelle, Bruges, Courtrai,…) ;
La possibilité d’éparpiller certains flux sur les deux autres lignes encadrantes, les L26 et L28.
Ces réflexions, qui paraissent aller de soi, recèlent toutes une réalité politique. Voyons cela de plus près.
Le premier point, celui de la ponctualité, semble évident. La ponctualité n’est pas nécessairement une affaire budgétaire, mais de processus de travail en interne, un sujet brûlant où on marche sur des braises… Le second point est plus politique : à force de faire venir des quantités de provinciaux, il faut des trains à deux niveaux, c’est onéreux, on perd du temps à Bruxelles-Central, on limite la capacité du RER dont pourrait mieux profiter… les bruxellois ! Traduction : la Jonction devrait avant tout servir les intérêts des habitants de la ville, et non seulement ceux des seuls provinciaux. À ce titre, trois contre-arguments :
Cette sortie des édiles bruxellois pour être interprétée comme du régionalisme, sans se soucier du bien commun fédéral. Quand on est une capitale, « on » est la ville de tout le monde, pas seulement de ses habitants. L’impact d’une métropole est loin d’être négligeable : l’horeca bruxellois doit beaucoup aux navetteurs… Et les navetteurs ont besoin de Bruxelles car il manque du tertiaire en province ;
Amsterdam, Rotterdam, Zurich, Milan, Vienne, toutes ces villes disposent de trains régionaux directs qui vont bien loin, au-delà des 100km. Le lien Province/Métropole n’est pas à sous-estimer et plus il y a des correspondances, moins le train devient attractif. Le suisse ou hollandais qui change trois fois de train est un leurre souvent distillé pour promouvoir les nœuds de correspondance. En Suisse et aux Pays-Bas, on voyage debout dans les Intercity à l’heure de pointe. Motif : pas de trains de pointe à la belge pour soulager la clientèle… C’est un choix politique ;
« Il faut amener les gens là où ils vont, pas là où le rêvent les politiciens locaux», dixit un éminent géographe de St Louis. En clair, quand on travaille au Rond Point Schuman ou Boulevard Pachéco, ce n’est pas la peine d’inventer des trains à l’Est ou à l’Ouest…
Le transfert modal, c’est amener les gens là où ils doivent aller, pas là où le rêvent les politiciens…
Le train direct est clairement celui qui fâche certains bruxellois : avec une telle facilité, la classe aisée arrive le matin et quitte la capitale le soir, laissant celle-ci le reste du temps avec ses problèmes et son manque de recettes. Croire que c’est facile de passer d’un mode à l’autre fait aussi partie des utopies savamment distillée dans la presse. Des études ont déjà expliqué que le travailleur ne supporte pas plus de deux ruptures de charges, incluant l’auto au parking de la gare de départ. Auto + train + métro, c’est supportable mais beaucoup n’iront pas plus loin. Et la confiance ne règne pas quand on doit passer d’un transport public à un autre : on voit de plus en plus de vélos pliables dans les « trains directs ». Rassurons la STIB : le phénomène reste encore bien marginal, mais il progresse. Tout vélo, c’est un client en moins…
Devant les déficiences du transport public, le navetteur belge adopte d’autres solutions…
Le troisième point, celui de l’éparpillement sur d’autres axes bruxellois, répond à un souhait encore plus politique : massifier les flux sur deux lignes endormies, l’une à l’Est (Uccle, Watermael, Josaphat, Bordet, Haren,…), l’autre à l’Ouest (Molenbeek, Simonis, Laeken, Jette…). Pour le bien des navetteurs ? Pas vraiment. Il s’agit surtout d’offrir aux bruxellois un transport rapide auquel ils ont droit, mais payé par le fédéral. On notera trois choses :
La ligne Est L26 peut pallier au manque de métro dans cette partie de Bruxelles. Les trains « S », déjà en service sur cette ligne, peuvent en effet entreprendre cette mission urbaine, mais on est évidemment loin de la cadence d’un métro ;
La ligne Ouest L28 a récemment vu son blafard arrêt Pannenhuis devenir « Tour & Taxis ». Pour deux raisons : ce quartier devient un nouveau pôle événementiel d’importance (Foire du Livre,…) et surtout, l’administration flamande y implante ses principaux bureaux (on peut parier que c’est surtout cela qui a joué…) ;
Toujours est-il que c’est une occasion rêvée pour les élus locaux de rehausser deux lignes jadis endormies, singulièrement la partie « du canal » qui subit encore toujours « une publicité très négative ». Tout est dans tout ! La L28 est concurrencée sur toute sa longueur par le métro STIB, et on attend de voir si le navetteur provincial qui travaille place Madou, avenue Louise ou au quartier Nord pourrait être intéressé… La zone du canal n’est pour le moment pas réputée pour son côté tertiaire…
Le retour des culs-de-sac ?
De ces interrogations sont nées quelques idées, comme le REB (réseau express bruxellois), qui faisait « simplement » demi-tour à Moensberg, Boisfort ou Berchem-Ste-Agathe, aux limites de Bruxelles. Pas de chance : la réglementation Infrabel interdit les demi-tours en pleine voie. Il faut une gare et une voie annexe pour cela… Le patron de la STIB, de son côté, a même imaginé des tram-trains sur les voies d’Infrabel, entre Etterbeek, Bockstael, Simonis et Bruxelles-Ouest, si on a bien suivi. Veto immédiat du fédéral : on casse le monopole de la SNCB, qui est le noyau dur de toute la politique ferroviaire nationale. Exit donc tram-trains et REB…
L’amélioration de la cadence a fait éclore une autre idée : limiter une partie des IC aux gares du Midi et du Nord et envoyer davantage de « S » dans la Jonction, qui feraient la navette. On devine par avance l’opposition que cela susciterait, de la part de nombreux bourgmestres déjà fâché du plan transport actuel (Tubize…), ainsi que les récriminations au niveau de la rupture de charge. Certes, Bruxelles-Midi a renforcé son pôle multimodal grâce à un métro qui fait la boucle complète de la petite ceinture. Celui-ci, fortement utilisé, peut-il emmagasiner les voyageurs forcés de descendre au Midi ? En revanche, aucun métro à la gare du Nord, hormis le tram souterrain, lequel ne mène pas directement vers les grands pôles tertiaires Loi/Belliard/Schuman. C’est toute la Flandre qui gronderait…
Faire faire demi-tour aux IC demande une sérieuse étude de l’occupation des voies des gares du Midi et du Nord.
Cette idée de navette RER dans la Jonction prend souvent pour exemple Copenhague avec son S-Tog toutes les 2minutes 30. Oui mais, la capitale danoise a spécialisé seulement deux voies rien que pour son RER, et reçoit par ailleurs des IC de tout le pays, comme en Belgique.
Le demi-tour des trains prend souvent comme exemple Zurich, épicentre ferroviaire de la Suisse : sous la marquise centrale, 16 voies en cul-de-sac, près de 800 IC et internationaux qui doivent y rebrousser. Au prix de près de 2.000 manœuvres quotidiennes et d’une armada de conducteurs pour évacuer ceux qui arrivent. Ce qu’on ne dit pas, c’est que la gare centrale de Zurich dispose aussi… de trois gares en souterrain totalisant 10 voies, ce qui change tout. Zurich dû batailler ferme pour obtenir trois jonctions qu’elle est bien contente d’avoir obtenu ! Si Bruxelles ne veut plus de grosses infrastructures, Zurich en redemande…
Zurich « souterrain » : trois gares, 10 voies et… trois tunnels. Le train sans infrastructure, c’est juste une utopie…
Bruxelles-Midi diffère néanmoins de Zurich, par l’absence d’une gare souterraine, mais aussi parce que le trafic international (69 départs TGV dont 9 avec opérations de sécurisation douanière), lequel dépasse largement celui de la grande gare suisse. Quant à la gare de Bruxelles-Nord, avec ses 12 voies à quai, soit la moitié du Midi, les demi-tours sont évidemment possibles mais encore plus limités. Difficile de promotionner la fin du train direct…
Quel futur pour la Jonction ?
La spécialisation de deux des six voies, celles qui comportent les gares de Chapelle et Congrès, au bénéfice du seul RER fut une option envisagée jadis. Elle pourrait être pérennisée. Moyennant une forte discipline et une révision complète des procédures de départ en gare Centrale (automatisation de l’IOT…), les 140 trains IC et P des pointes du matin et du soir pourraient « se contenter » des quatre voies restantes, soit 12 trains par heure et par voie. L’absorption de la croissance ne pourrait venir que la mise à deux niveaux de tous les trains et leur allongement généralisé à 10, voire 12 voitures.
Le pôle tertiaire Schuman/Luxembourg, pourrait faire office de seconde jonction, en mode mineur, via la ligne L161. Des lignes IC venant du Hainaut, d’Anvers, du Limbourg et de Liège pourraient transiter directement par la ligne L26, ne fusse que déjà en pointe, et rejoindre ainsi la gare Schuman. Car prendre le métro à Schuman ou à gare Centrale, c’est grosso modo la même chose et cela pourrait intéresser pas mal de monde. On aurait alors une belle desserte des pôles tertiaires, là où les gens veulent aller. Des capacités sont en outre disponibles pour renforcer les trains « S », notamment via le tunnel récent Schuman-Meiser-Josaphat, à la faveur de la politique très bruxelloise de certains. Tout le monde serait content…
En conclusion, Bruxelles restera un très gros pôle tertiaire, quoique l’on fasse. La comparaison avec Amsterdam, Zurich ou Copenhague montre que le train direct jusqu’à 200km est la règle et reste la matrice de ces réseaux Intercity. Pour un transfert modal réussit, il importe d’amener les gens là où ils doivent aller et d’éviter le trop grand nombre de rupture charge, source de mécontentement en cas de perturbations. Les autres mesures sortent du cadre ferroviaire, comme le télétravail.
Une certitude, en dehors de rapprocher les trains via une signalisation révolutionnaire, qui n’est jusqu’ici pas à l’ordre du jour, il ne serait pas idiot de rapprocher les bureaux d’autres gares bruxelloises (Tour & Taxis, Josaphat, Bordet…) pour ventiler les navetteurs. Cela aussi, ça demande du courage politique, compte tenu « d’équilibres » qui échappent au citoyen lambda. Le transfert modal urbain, c’est faciliter la vie des navetteurs, pas de les punir ni de les culpabiliser. Un programme de bon sens, en somme…
D’autres en parlent :
2018 – Brussels Studies – Tout le monde à bord ? Un instrument d’aide à la décision pour le futur de la Jonction ferroviaire Nord-Midi à Bruxelles – Dans le cadre de la planification de grands projets à Bruxelles, la complexité administrative représente un grand défi. En l’absence d’une autorité centrale, plusieurs acteurs aux fonctions et compétences différentes doivent prendre et exécuter une décision. La méthode COMCA permet de déterminer la portée de projets impliquant plusieurs acteurs et plusieurs niveaux et de soutenir ainsi les décideurs dans leur prise de position. >>> Lire la suite
Les villages belges tous reliés chaque demi-heure ? 19/11/2020 – Un projet appelé Integrato voudrait relier chaque village de Belgique par transport public. Pour cela il faudrait de sérieux moyens et revoir notre façon de faire du train ?
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L’importance des gares, petites ou grandes 07/06/2020 – Comment on peut transformer nos petites gares en lieux conviviaux et axés sur la durabilité. Il y a partout de bonnes idées de revitalisation.
La gare de Chamartín, un élément essentiel pour l’avenir de Madrid 14/02/2020 – La gare actuelle de Chamartín va être appelée à devenir l’une des plus modernes d’Europe et la pierre angulaire du Madrid du futur, sous l’impulsion du projet de développement urbain ‘Madrid Nuevo Norte’.
Où en est le projet de Stuttgart 21 ? 29/10/2020 – Le projet Stuttgart 21. Un chantier énorme pour une ville de 630.000 hab et qui avance. Ou comment mettre la 6ème ville allemande au top ferroviaire, avec en prime une ligne nouvelle vers Ulm
Pas de bons services trains sans bonnes infrastructures. Cette évidence doit encore être rappelée, alors que l’infrastructure ferroviaire suscite une interrogation quant à ses coûts et son entretien dans toute l’Europe. En Allemagne, en Suisse, en Suède, au Royaume-Uni, partout, la hausse du nombre de chantiers est une réalité. On peut s’en réjouir comme s’en inquiéter : le réseau ferré européen est-il dégradé à ce point ? Pourquoi l’infrastructure est-elle le parent pauvre de la politique ferroviaire ? Il y a des précédents. Tentons d’y voir plus clair.
Jadis, la voie marginalisée
« Elles » s’en plaignaient déjà dès leur construction : les sociétés ferroviaires du XIXème siècle qui construisirent le réseau ferré étaient gangrènées par les coûts faramineux de la voie. Il fallait faire quelque chose. Lorsque dans les années 1910 à 1947, tous les chemins de fer d’Europe se trouvèrent tour à tour nationalisés, les « nouvelles » compagnies publiques ainsi créées recevaient aussi le réseau. Logique dirions-nous ! Sauf qu’une première erreur a lieu dès 1945/46 : reconstruire au plus vite le chemin de fer détruit par la seconde guerre mondiale, avec les critères techniques… des années 30. C’est ainsi que les voies conservèrent leurs pentes, leurs courbes et la technique de la voie conçues pour les trains à vapeur. Quand arriva l’électrification, les trains bien plus lourds, la signalisation lumineuse et la commande centralisée du trafic dans les années 60 à 70, rien ne changea fondamentalement sur le profil de la voie, ou à peine. Bien évidemment, rails et ballast étaient renouvelés, la voie renforcée. On supprima bien quelques passages à niveaux cà et là, il y eut bien quelques rectifications de dévers et on créa des alignements mieux adaptés à la traction électrique, pour davantage de vitesse, mais de manière générale l’enveloppe de la voie resta celle construite au XIXème siècle. Les tunnels du Gothard, du Simplon, du Fréjus et tant d’autres datent tous des années 1900, époque où les conteneurs High Cube n’existaient pas…
Un malheur ne venant jamais seul, la voie restait un énorme fardeau financier pour les sociétés ferroviaires, handicapant leur développement. Outre le fait d’être un objet considéré parfois comme secondaire, l’infrastructure ferroviaire était aussi tributaire de la gourmandise des autres divisions des entreprises ferroviaires, où l’on préféra donner la priorité aux belles locomotives et aux trains rutilants, tout en se disant que « ca passera sur n’importe quelle voie ». Dans les années 90, face à la perte des voyageurs, on centra fortement la politique ferroviaire sur le client : pour l’appâter, on l’a choyé, parfois par des extensions de capacité, par de belles gares, par de nouveaux services digitaux coûteux à mettre en place, pour lui offrir plus de trains et plus de services qu’hier. La politique des années 2000 fait la part belle aux extensions de capacités, nécessaires mais qui engloutissent des fleuves de deniers publics. Dans l’intervalle, le réseau est alors utilisé à son maximum, et l’usure des éléments s’envole. L’argent vient à manquer pour le simple entretien. On se dit toujours « que ca passera », mais la sécurité impose des baisses de vitesse là où les limites techniques sont atteintes. On reconnaît l’erreur même en Suisse, royaume incontesté du rail : « [Trop] longtemps, l’extension du réseau a eu la priorité sur son entretien. », rappelait un cadre des CFF. La politique de marginalisation de la voie, on la paye très cher de nos jours…
(photo media center Network Rail)
Une affaire d’État ou d’entreprise ?
Les infrastructures constituent des actifs dont la durée de vie se compte en décennies, voire pour certains d’entre eux (ports, réservoirs, autoroutes…) en siècles, et dont la valeur est généralement indexée sur l’inflation. Or le rôle de l’État est justement d’offrir à son peuple et à ses entrepreneurs l’infrastructure adéquate pour faire fructifier les déplacements et, par delà, toute l’économie du pays. Les pays qui sont dépourvus d’infrastructures figurent parmi les plus pauvres, à commencer par l’Afrique et l’Asie centrale. Sans infrastructures, pas d’économie. Le prix à payer est souvent énorme, recouvrable à très long terme et constitue une dette d’état. Aucune société privée n’a les reins solides pour en être propriétaire d’une infrastructure, excepté Eurotunnel/Getlink…
Exploiter des mobiles (trains, camions, avions) est très différent que d’exploiter et entretenir un réseau : ce ne sont pas les mêmes métiers, ni les mêmes conditions financières, ni les mêmes paramètres. A-t-on fait une erreur en « donnant » le réseau ferroviaire à un seul opérateur, lequel est étouffé par les dettes d’entretien et d’exploitation ? L’État ne devait-il pas prendre ce réseau à sa charge, comme il le fait pour les autres transports ? En réalité, le but des nationalisations, pour les politiques, était de se débarrasser d’un réseau très lourd et difficile à gérer. Ce fut « bon débarras » à nos chemins de fer, seules sociétés à posséder leur réseau.
Il n’est pas bon d’être le propriétaire d’une infrastructure, sauf conditions financières très particulières et très encadrées (LGV Lisea, Eurotunnel, certains ponts et tunnels à péage…). Le citoyen n’est pas propriétaire des routes et autoroutes. Pour rouler, il paye une taxe annuelle et un péage à l’utilisation. C’est insuffisant et l’État renfloue le manque à gagner. Idem pour les aéroports et les ports maritimes : les transporteurs ne sont jamais propriétaire de tout un port ou d’un hall d’aéroport. Ils payent à l’usage. Air France n’est pas propriétaire de Roissy ni d’Orly, mais un « très bon locataire ». CMA-CGM n’est pas non plus propriétaire de Fos…
Les coûts du transport ferroviaire vont crescendo. « L’infrastructure ferroviaire est de plus en plus sollicitée. Les trains circulent plus fréquemment, plus rapidement, avec plus de voyageurs » rappelle-t-on en Suisse. Sur nos routes et dans le ciel, les acteurs sont multiples et en concurrence, ce qui les mène à rechercher une bonne productivité pour « faire du transport moins cher », souvent au prix, il est vrai, de quelques entorses sociales. Le chemin de fer, a contrario, est très intensif en capital et dispose d’une main d’œuvre très encadrée où dominent les lourdeurs de la filière métier, de l’ancienneté et du reclassement. Ca pèse sur les comptes et sur la réactivité, et le chemin de fer devient alors davantage un objet social plutôt qu’une entreprise de transport. Multiplier les opérateurs sur le réseau ferré est une option pour obtenir des recettes supplémentaires et obliger les entreprises en monopole à revoir leurs processus de travail. Non sans douleurs idéologiques…
L’infra coûte toujours chère
Les infrastructures ferroviaires, vieillissantes, ont fortement alourdis les dettes contractées par les entreprises publiques de chemin de fer. Elles pèsent aussi sur l’exploitation : moins de lignes, moins de trains, moins de recettes, c’est l’emballement. Les entreprises intégrées n’ont dès lors plus de réserves financières pour développer des nouveaux trafics, eux-mêmes limités par le manque de capacités du réseau. On tourne en rond….
Lorsque l’Europe décida que d’autres opérateurs pouvaient faire valoir leurs droits à rouler sur une infrastructure ferroviaire nationale, l’occasion fut donnée de dissocier les comptes, de séparer l’infrastructure des exploitants qui roulent dessus. Certains pays adoptèrent la séparation pure et simple, avec la création d’un nouveau gestionnaire dédié, alors que d’autres maintinrent l’infra ferroviaire au sein d’une holding avec un bilan comptable séparé. Dans tous les cas de figure, il est apparu que les gouvernements se penchaient un peu plus qu’auparavant sur les infrastructures ferroviaires – et pas seulement aux beaux trains -, pour réellement opérer un transfert modal de la route vers le rail comme promis (un peu vite) dans de nombreux discours politiques. Quand les bilans chiffrés de l’infra furent transmis aux gouvernements européens, certains ministres eurent mal au ventre… Une étude de 2016 montre une moyenne de 50.000 euros de dépenses annuelles par kilomètre de lignes conventionnelles. Cela varie d’un kilomètre à l’autre, mais l’infrastructure ferroviaire, c’est avant tout une usine électrique et électronique sous surveillance permanente. Cela coûte donc cher et cela diffère fondamentalement de la route ou de l’aérien où le secteur électrique est très peu présent…
(photo matz1957 via licence flickr)
Les élus face au mur budgétaire
On remarque depuis quelques temps que les tutelles étatiques, dans toute l’Europe, reprennent la main avec différentes solutions. Maintenance et constructions nouvelles font l’objet de budgets séparés, et le pouvoir politique veut dorénavant surveiller ce que l’on fait avec l’argent public.
Aux Pays-Bas, ProRail, le gestionnaire indépendant du réseau ferré, dépense près de 250 millions d’euros par an uniquement en maintenance pour 4.500 kilomètres de ligne. « De plus en plus de trains sont en circulation (…) les choses vont commencer à se compliquer, (…) Mais après [2030], nous devons commencer à élaborer d’autres solutions » explique Wouter van Dijk, responsable des transports et des horaires chez ProRail. Selon le gestionnaire d’infrastructure, des voies supplémentaires ont peu de sens et il est également difficile d’en construire de nouvelles, car il reste peu de foncier disponible. Le gouvernement songe à modifier les statuts de ProRail pour en faire une administration plus proche de l’État.
En Allemagne, on compte chaque jour près de 850 chantiers, uniquement de rénovation, faisant d’ailleurs l’objet d’un budget spécifique, disctinct des « nouvelles capacités ». La DB se trouve face à un monstre de dettes et des chantiers multiples qu’elle a difficile à boucler. Les infrastructures, ce sont parfois des travaux lourds qui posent – hélas – des problèmes politiques. Avec près de 5 milliards d’euros par an reçus de Berlin, pour 33.500 kilomètres de lignes, on estime chez DB Netz « qu’il est difficile de renouveler à la fois l’infrastructure délabrée et de financer la modernisation » rapportait Der Spiegel en 2018 ! Devant les difficultés, les Verts et les socialistes veulent sortir DB Netz de la Holding DB, et assurer le financement séparément, pour mieux le contrôler…
En France, on se bat pour maintenir les petites lignes, dans un pays où les campagnes continuent de lentement se vider. La Cour des Comptes relevait que le poids du renouvellement des lignes les moins fréquentées (UIC 7 à 9) sur la période 2008-2012 fut trop déséquilibré au détriment du réseau « structurant. » La tendance s’inversa brutalement dès 2013 vers le réseau grandes lignes, où l’on constata par ailleurs que le poids des investissements de renouvellement dépassa les 50 % sur l’ensemble des dépenses de maintenance. L’actuel contrat de performance 2017–2026 prévoit de porter les investissements annuels de renouvellement à 3 Md€ en 2020. La SNCF envisage de déléguer l’entretien de certaines petites lignes à des prestataires privés. Sur ces petites lignes, les agents seraient plus polyvalents, là où les règles de la SNCF sont plus pesantes. « En réalité, un des sujets sur ces petites lignes, c’est là où la polyvalence joue beaucoup. C’est là où le fait aujourd’hui que l’on soit peu polyvalent handicape » détaillait Patrick Jeantet à La Tribune.
Scénario identique outre-Manche, au Royaume-Uni. Le secrétaire d’État Chris Grayling a confirmé qu’un nouveau processus de financement sera mis en place pour les mises à niveau et les améliorations majeures dans le but de fournir « plus de rigueur dans les décisions d’investissement », rapporte IRJ. Network Rail se transforme en entreprises décentralisées pour mieux répondre à ses clients et aux communautés locales. Cette orientation locale, combinée à l’ouverture du financement et de la réalisation de projets d’investissement à des tiers, « contribuera à accroître l’efficacité et la valeur pour le contribuable. » Rappelons que la requalification de Network Rail en tant qu’organisme du secteur public limite son accès au financement bancaire commercial. Sa restructuration en « itinéraires » et responsabilités régionales permettra à Network Rail d’obtenir des services et des fournitures localement plutôt que de manière centralisée, lorsque cela offre un meilleur rapport qualité-prix.
Network Rail disposera d’un budget de 47,9 milliards de livres (55,77 milliards d’euros) pour l’exploitation, la maintenance et les renouvellements du réseau au cours de la « sixième période de contrôle » (CP6), portant sur la période d’avril 2019 à mars 2024.
En définitive…
Les gestionnaires d’infra peuvent compter sur de nouvelles manières de gérer et d’entretenir la voie ferroviaire, par de nouvelles techniques de diagnostic, de nouveaux engins de travaux plus performants mais surtout par de nouveaux processus de travail.
On peut construire tous les beaux trains que l’on veut, mais il ne faut pas croire qu’ils rouleront sans problèmes sur une voie à l’entretien minimaliste. En Suisse, en Allemagne, ailleurs en Europe, le rattrapage pour une infra mieux que « juste ce qu’il faut » va prendre plusieurs années et engloutir beaucoup de subsides, parfaitement justifiés et nécessaires. Il ne s’agit plus de faire la sourde oreille : il faut prouver à nos élus que le rail est bel et bien un outil pour les déplacements de demain. Car en face, d’autres acteurs s’activent aussi à démontrer que la route et l’aérien peuvent aussi faire du transport écologique et pour tous. La transition écologique ne signifie pas transports chers et économie étouffée. Il faudra donc arbitrer…
Le 12 février dernier, Network Rail annonçait des changements radicaux dans son organisation à la suite des 100 premiers jours de mandat de son nouveau directeur général, Andrew Haines. Il s’agit d’une restructuration visant à « donner la priorité aux passagers et aux utilisateurs de fret » et à résoudre les problèmes de mauvaises performances d’exploitation sur un réseau de plus en plus occupé. Il s’agit ici de ne pas confondre avec le système de franchises, qui lui aussi fait l’objet d’une reconfiguration.
Pour rappel, en 2011, Network Rail avait entamé un processus de réorganisation de sa structure opérationnelle en neuf entités régionales semi-autonomes, chacune dotée de son propre directeur général. Les deux premières unités créées furent l’Ecosse et le Wessex. Mais cette organisation faisait déjà l’objet de critiques. Network Rail est financé en partie par des subsides gouvernementaux (3,8 milliards £ en 2015/16) et en partie par des péages acquittés par les opérateurs ferroviaires. Une révision du fonctionnement de l’entreprise était en cours, sans créer les traditionnels mouvements sociaux chers au Continent….
La reclassification de Network Rail en tant qu’organisme du secteur public a limité son accès au crédit commercial, avec en parallèle une restructuration en huit «routes» géographiques aux responsabilités dévolues. En octobre dernier, l’ORR, le régulateur national indépendant, avait approuvé un plan de dépenses de 34,7 milliards £ à Network Rail, dans le cadre du CP6, pour le prochain cycle de financement quinquennal.
Grâce au CP6, Network Rail deviendrait beaucoup plus local, chaque itinéraire disposant de son propre budget, de ses plans de livraison et de son suivi des performances. En outre, l’ORR a renforcé la capacité des itinéraires d’acheter des biens et des services localement plutôt que centralement, lorsque cela offre un meilleur rapport qualité-prix.
Un fonds de recherche et développement de 245 millions de livres sera disponible pour aider au développement des technologies permettant d’améliorer les performances ou l’efficacité, sous réserve de la conclusion d’accords de gouvernance supplémentaires. L’ORR a confirmé son intention de simplifier les redevances et les incitations du secteur, notamment en supprimant les mécanismes « obsolètes » et en plafonnant les redevances imposées aux opérateurs de fret.
Le nouveau Network Rail
Andrew Haines avait déjà averti que l’exploitation ferroviaire était trop éloignée du programme de Network Rail, et que ces nouveaux plans impliquaient une réorganisation visant à donner la priorité aux passagers et aux utilisateurs de fret : « La nécessité d’un changement radical est claire. Les performances ne sont pas suffisantes et mes discussions approfondies avec les partenaires, les associations de voyageurs et les responsables politiques du pays m’ont clairement montré ce que nous faisions bien et les domaines pour lesquels nous devons nous améliorer. La décentralisation doit aller beaucoup plus loin pour nous permettre de nous rapprocher davantage de nos partenaires et de nos clients et être au bon endroit pour placer les passagers au coeur de notre métier et offrir des services aux entreprises », a conclu Andrew Haines. Le type de discours qu’on entend pour ainsi dire jamais sur le Continent…
La solution requise est d’encourager la décentralisation et de réduire les frais généraux. L’augmentation du nombre de liaisons, qui passe de huit à treize, vise à les aligner davantage sur les concessions des opérateurs de train, à améliorer la synergie entre l’infrastructure et les trains et à inverser les mauvaises performances.
Les itinéraires relèveront de cinq nouvelles «régions», chacune dirigée par un directeur général. Ces régions assumeront une série de responsabilités du siège social londonien. L’idée est de faire de Network Rail un « pied de poule » et d’en finir avec le centralisme londonien et la bureaucratie qui prédominait jusqu’ici. De nombreuses compétences et responsabilités seront absorbées par les cinq nouvelles régions, qui auront une taille et une échelle suffisantes pour fournir le soutient nécessaire aux clients de l’entreprise d’infrastructure ferroviaire.
Les cinq nouveaux directeurs généraux régionaux seront donc responsables des 13 nouveaux itinéraires. Cela devrait permettre à Network Rail de réduire son centre national et d’être mieux aligné sur les besoins des opérateurs de transport de voyageurs, permettant ainsi d’exploiter un chemin de fer plus cohérent et de fournir un service de meilleure qualité et plus ponctuel aux clients.
Les activités de projets d’infrastructure à l’échelle nationale du réseau Network Rail ainsi que les éléments de ces activités, comme l’exploitation du système, la sécurité technique, l’ingénierie et le chemins de fer numérique du groupe seront transférés aux régions et aux itinéraires d’ici la fin de 2020.
Il y aura une nouvelle direction des services de réseau, – le Network Services Directorate -, qui intégrera des opérateurs de fret et des opérateurs nationaux de transport de passagers, ainsi que des unités ‘numériques‘ du groupe et de certains services nationaux. Certains départements ne devraient pas être fortement affectés, notamment les finances, les ressources humaines, les communications, les domaines juridique et le patrimoine, sauf qu’ils devront se réaligner pour travailler avec la nouvelle organisation par itinéraires et régions.
Les noms des personnes qui assumeront les nouveaux rôles n’ont pas été dévoilés. Les postes seront annoncés au cours des prochaines semaines. La première phase, la formation des nouvelles régions, devrait avoir lieu en juin 2019 après une période de consultation. L’objectif est de mener à bien l’ensemble du programme d’ici à la fin de 2020.
En arrière plan…
Cette réorganisation arrive à un moment charnière où une certaine Angleterre s’interroge sur son chemin de fer. La gauche revient souvent avec son désir de renationalisation. Or, comme le souligne le quodidien The Independant, la quête sans fin d’un chemin de fer moderne et efficace est déjà poursuivie avec le soutien des finances publiques de l’État. La nationalisation aura peu d’impact car l’État est déjà très engagé, tant via ses subsides pour le réseau de Network Rail qu’au travers des primes de lancement des franchises. Il ne faut pas perdre de vue le risque important que doivent subir les opérateurs quand Network Rail reporte ou annule un certain nombre de travaux pour causes budgétaires. Les opérateurs subissent alors des baisses de vitesse en ligne, des gares non rénovées et leur plan d’expansion sont entravés par les carences… de l’État lui-même. On peut fortement douter qu’une nationalisation, – renforcée par une bureaucratie centralisée contre laquelle on lutte -, serait la solution pour un chemin de fer optimal…
Do we have the capacity – and the money – to further increase the number of railways tracks and all the civil engineering that goes with it (noise barriers, bridges, underpasses)? Are we get to a point where maybe we should say « stop the concrete » ? This is the big question from the Dutch infrastructure manager ProRail. Which offers solutions.
First, let’s look at the Dutch context, which is probably similar to that of other countries in Europe. The Dutch rail operator ProRail expects the number of train passengers to increase by 45% by 2030. ProRail also sees an increase in the number of freight trains. But he warns the increase is making it increasingly difficult to allocate track capacity among train operators on the Dutch network. In 2019 alone, more than 2.2 million trips are planned for passenger trains, covering nearly 165 million kilometers.
ProRail must also manage factors that are difficult to predict. The growth in the number of travelers is faster than expected. This growth follows the urbanization and growth of the economy, so that more people work and use public transport. Roger van Boxtel, CEO of the national enterprise NS, said that the limits of the railway system had almost been reached. ‘Every year, more and more people are choosing the train, which makes us happy, while increasing the risk of crowds and delays,’ Van Boxtel explains.
More people on the dutch trains (photo press NS)
‘We note that we are slowly going to reach the limits of the network,’ says Wouter van Dijk, transportation and scheduling manager at ProRail. ‘More and more trains are on the tracks.The incumbant NS have also ordered new trains, we are now looking into where we can put them and things are going to start getting complicated, but I think we can do it properly until 2025-2030. But beyond that date, now there is a need to start developing other solutions.’
There are now over 7,300 kilometers of track in the Netherlands. According to ProRail, additional tracks make few sense and it is also difficult to build new ones, as there is little land available. With the expansion of the traffic, the number of trains in circulation is increasing, which requires more facilities for cleaning and U-turns. Prorail is already considering short-term measures. Prorail has pointed out that there are insufficient stabling facilities, with quick measures needed to create more capacity. As an incentive, Prorail will start to consider “parking as a service” offered to train operators. This change will enable Prorail to oversee and control the available capacity better and optimise capacity allocation.
Stabling facilities. Here at Utrecht (photo press Prorail)
Towards a six-second schedule?
According to ProRail, some innovations can somewhat ease the pressure on the rail network. For example, the schedule will be programmed more accurately from 2020: more per minute, but by 6 seconds. This concerns the internal planning of the railway manager and carriers. Nothing changes for travelers, they continue to see schedules per minute.
Improvements are also possible through the Time Table Redesign (TTR) tool, which allows more efficient train reprogramming. This is particularly useful for the transportation of goods, as these trains are more unpredictable. 96% of freight trains change time slots and must be repositioned! But the message is also launched on the side of the carriers. ‘Carriers must also become more inventive’ says Van Dijk. ‘It’s also possible to create more capacity by running the trains differently.’ He also thinks of different types of trains, for example more metropolitan. ‘It’s lighter, so the stopping distance is shorter. On the track along the A2, between Amsterdam and Eindhoven, there are six intercity trains per hour’ says Van Dijk. ‘There must be four sprinters and one freight train per hour in between, so you can imagine how tight it will be.’
A problem : mix between passengers and freight traffic (photo presse Prorail)
Carriers also have their opinion on better use of the capacity of the Dutch rail network. According to Hans-Willem Vroon, director of the association Railgood : ‘We see that the public transport sector is putting pressure on the government to invest more in the railways, there is a lot of lobbying, but we should not exaggerate it. There is still a lot of transport efficiency to achieve.’ The proposed solutions do not have to be technological. Thus, according to Mr. Vroon, it would be appropriate for the toll for the use of the tracks to be clearly and deliberately distinct between peak and off-peak hours. ‘In the case of heavy occupancy, carriers will pay 150 per cent of the tariff per train kilometer, 100 per cent in normal traffic and 50 per cent in off-peak hours.Tariff differentiation can ensure better utilization of the track.’
Then, other measures such as the extension of the trains to 740m are envisaged. But according to Vroon, Germany must follow the same rhythm, in which case it would make no sense. ‘With this, 8 to 12 containers can be added on each train. This equates to 4 to 8 trucks that will not encumber our roads. For shippers, this significantly reduces transportation costs per tonne or per container’. ProRail has made DB Cargo run tests with this length, but according Vroon, it’s not fast enough. ‘In Venlo (border station with Germany), there are too few tracks available for a length of 740 meters, sometimes even for lengths of 640 meters. It’s fantastic that tests and study are done, but when does it become concrete?’
Rotterdam, one of the containers terminal (photo NL)
The media apparition of Prorail at the end of August can be interpreted as a signal coming from the political power : more trains with less money. We must find a panoply of solutions to absorb the expected growth, without covering the country with concrete. It also shows that if the railway is a key element of sustainable development, it will not happen with a too much level of public expenditure. Prorail, like the national incumbant NS, are dependent on government policies, as everywhere in Europe. Large projects such as the implementation of ERTMS or the transition from 1500V DC to 3kV DC are time consuming.
So, to relieve the occupation of trains at peak times, it is even the association of Rover travelers who proposes a curious solution: ‘Between Rotterdam and The Hague (30km), is it necessary to take an Intercity?’ told Tim Boric. According to him: ‘Other means of transport such as the metro, the bus, the tram and the Randstad Rail can absorb some of the traffic in the densely populated parts of the Randstad. The necessary growth of public transport should not concern only ProRail and NS, but also the means of transport of metropolitan areas and provinces.‘
The future of rail in the Netherlands will be through a mix of diversified solutions, combining technology and especially new operating measures.
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