19/11/2020 – Par Frédéric de Kemmeter – Signalisation ferroviaire Abonnez-vous ci-contre au blog
Integrato est le nom d’un projet d’horaire cadencé déjà évoqué jadis par un groupe de travail composé de plusieurs citoyens-experts originaires de Flandre, de Bruxelles et de Wallonie, passionnés par les transports publics et la mobilité. Le concept, soutenu par diverses associations, dont Inter-Environnement.
On part de plusieurs constats :
un réseau ferré belge dense mais dont le trafic est fortement centré sur Bruxelles;
une répartition très volatile de la population qui, pour près des 2/3, ne vit pas en ville mais dans des bourgades très urbanisées;
des entités entières qui n’ont plus – ou jamais eu -, de chemin de fer depuis longtemps et qui doivent se reposer sur les bus;
des objectifs climatiques à atteindre mais qui demandent des changements de comportements en mobilité.
L’objectif de Integrato est « d’aller de partout à partout » sans devoir nécessairement passer par Bruxelles. Il veut réconcilier les citoyens avec les transports publics. En Belgique, à côté de la marche et du vélo, le train et le bus prennent en charge ensemble environ 15% des distances parcourues. La voiture prend en charge 80%. On peut calculer – hors Coronavirus -, que sur les 25 à 30 millions de trajets motorisés tous types effectués chaque jour par environ 9 à 10 millions d’actifs et étudiants, en tenant compte des activités du soir, seuls 4 millions mobilisent les moyens des transports publics, dont 850.000 en train. Pourquoi si peu ?
Ce n’est pas faute d’offre. La STIB à elle seule dépasse le million de voyageurs et transporte une fois Bruxelles quasi chaque jour, ce qui est considérable. De Lijn approche les 2 millions de voyages par jour. Mais nous avons déjà développé dans ces colonnes des éléments prépondérants qui encouragent l’usage de la voiture, et aussi du vélo, le concurrent masqué des transports publics. Parmi une liste non-exhaustive, le point principal est la grande dispersion des lieux de vie (domicile/école-commerces) qui fait que chacun ne va jamais à la même destination que le voisin. Il en est de même pour les lieux de travail et, surtout, pour les rythmes de vie : certains font du 7h00-15h00 quand d’autres c’est plutôt 8h30-17h00. On ne compte pas non plus les mi-temps, le personnel des magasins, les profs qui font plusieurs établissements scolaires sur la semaine ou les coach sportifs qui font chaque soir une salle différente. Dans ces conditions hors-Covid, il apparaît clair qu’aucun transport public n’arrivera à satisfaire tout le monde. L’offre actuelle est donc centrée sur les flux principaux, ce qui en dehors des villes signifie souvent des flux scolaires, qui ne sont denses qu’aux heures d’écoles.
On ne peut pas non plus faire le procès – particulièrement inutile et souvent irrationnel -, de l’histoire ferroviaire et vicinale en pleurant les années 50 où on trouvait encore des rails dans la moindre entité, mais avec des autorails fort polluants. Le monde a changé, les charbonnages n’existent plus et les « vicinaux » sont partis au musée. On y ajoute la superficie parfois importante de certaines entités, comme Couvin et ses 206km², pour appréhender la problématique de l’offre de transport public. Il faut donc prendre le réseau tel qu’il est, et des entités comme Chimay, Lasnes ou Jodoigne n’ont effectivement plus aucun train traversant leur bucolique paysage. Rien ne vaut quelques clichés d’antan pour se rappeler de quoi il s’agissait…
Incourt, 1954. Plus vraiment un rêve…Bouillon en juillet 1952… (Michel Reps via wikipedia)
Kiel est l’une des 30 plus grandes villes d’Allemagne, au nord de Hambourg, avec 247.000 habitants, grosso modo l’équivalent de Pau ou Besançon. Elle se situe en bordure de la mer Baltique, à l’entrée nord du fameux canal du même nom. La mer Baltique en fait une porte vers la Scandinavie et les ferries y sont présents en nombre.
Comme certaines villes de cette taille, Kiel dispose en Allemagne d’un réseau ferré autour de la ville et dans la zone métropolitaine. On compte aujourd’hui cinq lignes locales et régionales où plusieurs arrêts ont été créés ou rouvert ces vingt dernières années.
Des essais en 2007… (photo Christophe Müller)
La question s’est posée un moment s’il n’était pas préférable d’exploiter ces lignes à l’aide de Regiotram ou tram-train. Dans le cadre d’un projet appelé Stadtregionalbahn Kiel (SRB), des trajets de démonstration eurent lieu en 2007 à l’aide d’un Regiotram de Cassel. La mise en oeuvre de ce réseau aurait coûté environ 380 millions d’euros, dont au moins 60% auraient pu être financés par des subventions fédérales. 14,6 millions d’euros de frais de fonctionnement étaient à charge de la ville de Kiel mais le Land promettait d’en prendre 40% à sa charge, soit plus de 6,1 millions d’euros. Mais en 2015, plusieurs communes de l’aire métropolitaine, qui auraient participé au financement, se retiraient et n’étaient plus en faveur du SRB. La « masse critique » nécessaire diminuant, le maire SPD Ulf Kämpfer enterra le projet, bien que la question d’un éventuel retour du tram à Kiel soit toujours ouverte, à travers l’association Tram für Kiel eV…
C’est donc plutôt la solution ferroviaire qui reste de mise. Au niveau du Land complet, c’est l’Association des transports locaux Schleswig-Holstein, NAH.SH, qui gère les transports locaux du Schleswig-Holstein en tant qu’AOT, soit 1.179 kilomètres de réseau ferroviaire et 173 gares. Six compagnies ferroviaires et une cinquantaine de compagnies de bus transportent environ 324 millions de passagers par an. L’opérateur principal – mais pas exclusif, nous sommes en Allemagne -, est DB Regionalbahn Schleswig-Holstein
Autour de Kiel et d’Husum, certains itinéraires furent exploités jusqu’en 2016 par le Nord-Ostsee-Bahn (NOB), une filiale de Transdev Deutschland. Depuis la fin de cette concession, c’est DB Regio qui couvre l’ensemble des itinéraires, où l’opérateur exploite essentiellement des autorails Coradia Alstom classés BR648. Sur le grand axe Kiel-Hambourg, DB Regio aligne des Twindexx Bombardier. Même des petites villes comme Neumunster disposent parfois de petites gares de banlieues.
Twindexx DB classe 445 de passage à l’arrêt Neumünster-Einfeld (photo Train régional 77 via wikipedia)
Le réseau autour de Kiel est principalement non-électrifié, à l’exception de l’axe vers Hambourg. Ces dernières années, le nombre de gares et arrêts dans l’aire métropolitaine est passé de 5 en 1995 à 16 en 2020, ce qui démontre la vitalité du transport de proximité, un segment jadis abandonné par la Deutsche Bahn. Il est prévu d’arriver à 26 gares en 2023 et peut-être même 30… en 2030.
Evolution du réseau (source Jochen Schulz sur LinkedIn pulse)
La gare de Melsdorf (source Jochen Schulz sur LinkedIn pulse)
Sur une ligne comme Kiel-Husum, tout de même 101km, on compte en semaine, 21 aller-retour de bout en bout, tous cadencés, le premier partant à 3h48 quand le dernier part de la ville à 23h03. Entre ces trains directs, viennent s’insérer un omnibus également cadencé à l’heure mais limité à mi-chemin, à Rendsburg, gare qui a donc un train toutes les demi-heure, toute la journée, sans « trous horaires » après 9h00… Il en est de même sur d’autres lignes, qui comportent beaucoup de sections à voie unique.
La zone tarifaire de la région de Verkehrsverbund Kiel (VRK) est tarifée intégrée dans le tarif SH à l’échelle du Land. Cette zone comprend bien évidemment les bus et les trains. Le KVG, service de bus de la ville, compte 36 lignes, dont 5 de nuit desservant les environs 24h/24, et offre près de 9,8 millions de voyages annuels pour le bonheur 33 millions d’usagers. Les passionnés de bus pourront admirer la flotte à ce lien.
Un train pour la plage
Les plus belles plages se trouvent un peu plus au nord, du côté de Schönberger Strand, à 26 kilomètres de Kiel. Une ligne avait été ouverte en 1910 mais son exploitation fut arrêtée en 1981… par la DB, qui n’en voulait plus. Une voie ferrée que le Land du Schleswig-Holstein veut maintenant réactiver, étendant encore un peu plus le réseau autour de la ville. Le projet a été inclus dans le premier plan national de transport local LNVP en 1997 (appelé «Perspective 2010»). Comme en Bavière avec la ligne de 25km Viechtach – Gotteszell, les coûts sont cependant importants pour un trafic peut-être pas énorme. Pour réhabiliter ce tronçon fort abîmé, il faudrait en effet investir près de 50 millions d’euros et octroyer des subventions annuelles de l’ordre de 2 millions d’euros. L’itinéraire devrait en principe être parcouru à une vitesse de 80 km/h, mais descend à 70 ou 60 km/h dans certaines courbes. Les municipalités ne supportent que des coûts pour les abords de la gare – c’est-à-dire les vélos-relais, les parkings de bus et les parking autos. Le Land peut dans certain cas aider les communes jusqu’à 75% de ces coûts.
On ne sait pas encore à ce stade qui va exploiter cette ligne, ni avec quel type de matériel, d’autant qu’entre-temps le Covid-19 est venu s’insérer dans le dossier, avec la question de la réalité des 1.500 passagers par jour prévus ou espérés. Les autorails à hydrogène sont mentionnés, mais il n’y aucune certitude. Cela reste néanmoins un bel exemple d’intégration de différents acteurs autour d’un projet de réhabilitation ferroviaire.
Améliorer Kiel-Hambourg
3.500 voyageurs se rendent à Hambourg chaque jour pour le travail, quand inversément 2.000 viennent à Kiel depuis la ville hanséatique. C’est la plus grosse ligne aboutissant à Kiel. Elle est exploitée avec des Twindexx Bombardier, aux couleurs de NAH SH. Mais la ligne est coupée en deux parties, avec comme frontière Neumünster. Deux zones tarifaires s’y rejoignent.
L’entreprise DB Regio a clairement raté l’objectif de ponctualité de 93% convenu contractuellement avec le Land. « Les principales causes sont la séquence dense de trains sur l’itinéraire à proximité immédiate de la gare centrale de Hambourg et les perturbations sur l’itinéraire, » expliquait en octobre dernier Angelika Theidig, de DB Regio à Hambourg. Un comble quand on sait que la ligne et les installations de Hambourg sont gérées par DB Netz, de la même holding DB. Fin 2019, la ponctualité avait chuté à 85%. C’est tellement mieux, le rail intégré ?
(photo Dirk Upnmoor via license flickr)
Malgré cela, l’exemple de ce réseau « S-Bahn » autour d’une ville moyenne démontre que le train de proximité n’est pas un fardeau mais une chance. Reste à Kiel à régler son tarif de parking auto, jugé trop bon marché, et qui fait encore la part trop belle au mode routier. Surtout quand on estime de 100.000 personnes entrent et sortent de cette petite ville chaque jour…
Mettons tout de suite les choses au point : la Bavière n’a rien à se reprocher sur un réseau local plutôt dense et bien fournit en services cadencés. Simplement, il y a des cas où après cinq années de tests, « la réactivation permanente d’une ligne ferroviaire peu utilisée n’aidera ni le climat ni le contribuable,» explique la ministre bavaroise des Transports, Kerstin Schreyer (CSU). Et évidemment, cela crée une mini-tempête.
Écologie et train à tout prix ? Telle est l’équation de cet exemple très local. Il ne fera pas les gros titres de la presse mais peut par contre nous permettre de nous interroger sur la valeur des choses et les buts recherchés. Pour cela plantons d’abord le décors.
La réactivation des petites lignes ferroviaires fait toujours l’objet de débats intenses : la technologie ferroviaire, voie, signalisation et les véhicules ont un prix pour la collectivité : de 3 à 8 millions par an, voire plus, hors achats et travaux de réhabilitation. Comme il y a des coûts incompressibles, la politique allemande a tenté, avec un certain succès, de s’attaquer à ce qui peut « être lus facilement compressible », à savoir :
certains coûts d’exploitation (personnel, rotation et besoins réels en matériel);
acquisition du matériel roulant par leasing ou autre formules analogues plutôt qu’achats purs.
L’organisation de la Deutsche Bahn étant jadis truffée de lourdeurs, il est apparu que des opérateurs alternatifs plus petits pouvaient fournir un service à un prix par kilomètre plus acceptable pour la collectivité. Cette politique comporte deux avantages :
Les Lander sont maître de leurs lignes locales et en connaissent les coûts. Ils ne peuvent plus accuser Berlin ni déposer des demandes irrationnelles…;
Berlin se « débarrasse du fardeau local » et laisse chacun à ses popotes politiques du crû.
C’est le cas de notre petit exemple bavarois. Gotteszell-Viechtach est une petite ligne de la région de Regensburg (Ratisbonne en français). Elle fait partie d’un groupe de quatre lignes récemment réouvertes sous le nom de Waldbahn :
12 septembre 2016 – Viechtach – Gotteszell, 25km, 8 gares.
Fermée en 1991, soit bien avant la régionalisation du rail allemand, la ligne Viechtach –Gotteszell fut l’objet, pour sa réouverture, d’un référendum le 8 février 2015, avec une majorité de 63,9% des suffrages exprimés, mais sur un taux de participation de 20,9%, ce qui en dit long sur l’engouement local. Précision d’importance : le district de Regen, où se trouve la ligne, devait renflouer 10% des éventuels déficits encourus durant le test, en cas de nombre insuffisant des voyageurs. Un montant qui a pu peser sur les finances fragiles des communes associées…
La ligne fut donc réactivée en 2016 et soutenue par le Land de Bavière pour 650.000 euros par an. Elle portait le numéro 908 mais était clairement identifiée comme un projet. Techniquement c’est une ligne secondaire à voie unique de 24,7 km, qui est limitée à 50km/h dans le meilleur des cas, et est exploitée à l’aide d’un système de sécurité à clé (Schlüsi) avec sécurité PZB. Pour le trafic ferroviaire, cinq autorail régionaux Regio Shuttle construits par Stadler en 2004 ont été achetées pour la filiale Netinera Ostdeutsche Eisenbahn (ODEG) en 2016. Ceux-ci ont été adaptés au design Waldbahn sur les côtés, mais ont toujours l’ancien design ODEG sur la partie avant et sur les portes. Contrairement aux autres véhicules Waldbahn, ceux de Viechtach – Gotteszell sont climatisés, disposent de toilettes accessibles aux personnes handicapées, offrent un espace pour 10 vélos au lieu de 6, sont principalement équipés de sièges en rangée, n’ont pas de système d’information passagers et ont 72 sièges au lieu de 77, en configuration classique 2 + 2 sièges. Tout était mis en oeuvre pour réussir le test.
L’engouement des débuts, et l’activisme local -, ont fait croire à une renaissance. En 2018, bien que dépendant des méthodes de comptage, l’association comptait certains jours plus de 1.000 voyageurs au terme des deux années de test. Lequel fut ensuite prolongé de trois années supplémentaires, pour prendre fin en octobre 2021. D’où l’agitation actuelle…
Viechtach – Gotteszell, une ligne d’importance capitale ? Tout dépend des points de vue. Elle relie deux bourgades, Viechtach avec 8.370 habitants et Gotteszell, modeste village de 1.200 habitants. Mais surtout, sa clientèle est majoritairement composée de promeneurs, complété par un public poursuivant son trajet vers Passing ou Regensburg, sur la grande ligne Nuremberg-Linz-Vienne. La région traversée est surnommée le « Canada bavarois » et est avant tout une destination « du tourisme paisible », ce qui classerait ce chemin de fer plutôt dans la gamme des trains touristiques. Malgré des offres alléchantes comme le Bayerwald-Ticket à 9,00 euros par jour pour 1.000 km de réseau train/bus, malgré la gratuité pour les moins de 14 ans, les chiffres ont montré qu’il y avait moins de 500 voyageurs par jour malgré aussi un copieux service d’un train par heure. Des photos nous montrent des autorails en triplette et des foules à quai, mais il s’agit souvent des promeneurs du matin, « rare moment où il y une vraie vie sur les quais» ironise un observateur local. Alors quoi, tout ça pour ça ?
(photo Waldbahn – Christina Wibmer)
La fermeture définitive n’est cependant pas encore actée et la nouvelle en ce début septembre 2020 tient au fait qu’un préavis de 13 mois est sollicité pour arrêter de tels projets et trouver un remplacement, d’ici octobre 2021. Mais cette petite histoire locale nous mène vers un questionnement plus général, valable pour toutes les régions d’Europe. Train touristique ou train de service public ? Telle est l’honnête question qu’on peut se poser sur ce type de ligne, après cinq années de tests, qui permettent d’avoir du recul. Les écoliers le long du parcours sont déjà pris en charge par le bus scolaire qui les mène quasiment devant leur domicile et le trafic domicile-travail est majoritairement routier dans une région peu industrialisée, rurale et sans grandes ressources tertiaires. Il est dès lors douteux – et par ailleurs reconnu -, que cette ligne soit d’une grande aide pour les habitants.
Récemment, une carte de la grande association Allianz Pro Schiene, particulièrement active sur le créneau des lignes locales à travers toute l’Allemagne, a pointé précisément Viechtach – Gotteszell dans son projet « Comment reconnecter trois millions d’allemands au train », dont voici un extrait :
On constate que les trois autres lignes de la Waldbahn semblent pérennes, puisque ne figurant pas sur cette carte. Allianz Pro Schiene sait donc déjà que la ligne Viechtach – Gotteszell est menacée et l’inscrit dans la liste des reconnexions.
Des règles et des constats Martin Geilhufe, le président du Bund Naturschutz Bayern, une association environnementale, expliquait lors d’une visite des lieux à l’automne 2019 que « les lois [de Bavière] ne font pas du train l’unique épine dorsale de la mobilité du futur.» Traduction : pour la Bavière, un brin prudente, le rail doit rester viable, cause climatique ou pas. Sinon d’autres alternatives moins onéreuses peuvent être mise sur la table. D’où une crainte qu’en appliquant strictement les critères bavarois des 1000 voyageurs par jour sur toute la longueur du parcours, certains projets ferroviaires deviennent caduques, comme le très (trop) touristique Viechtach – Gotteszell. «_Il manque un facteur d’évaluation spécial qui reflète les particularités et les besoins de la Bavière rurale, » se plaint Martin Geilhufe. Une élue socialiste du district de Regen ne dit pas autre chose : « il est clair qu’une région comme la nôtre n’atteindra jamais le critère des 1000 voyageurs. » D’où l’idée de différencier ces chiffres qualifiés d’arbitraires. Le problème est que le coût du rail, lui, est bel et bien uniforme sur les coûts fixes et ne change pas selon qu’on soit en péri-urbain ou en milieu rural. Et pour alourdir la note, certaines petites lignes collectionnent des tunnels et des ponts souvent dégradés…
« Jadis les lignes riches renflouaient les lignes pauvres, » s’indignent les anciens. Sauf que cette péréquation forcée – souvent très théorique et vécue comme une contrainte par un opérateur unique qui n’en fait qu’à sa tête -, n’amenait aucune modernité ni sur la voie, ni sur le matériel roulant, quand dégradations et végétations s’amoncelaient au fil du temps. Les « lignes riches » avaient – et ont toujours -, des demandes importantes en matière de modernisation, pompant un peu plus les moyens disponibles pour le réseau secondaire. Toute l’Europe a vécu cela…
Que retenir de tout cela ? D’abord que l’échec d’une petite ligne ne fait pas l’échec d’une politique globale. Loin s’en faut. Entre 24 kilomètres (peut-être) perdus et les lignes rouvertes dans toute l’Allemagne, il faut pouvoir faire preuve de discernement. Viechtach – Gotteszell n’a pas de fortes populations utilisatrices du train, à l’inverse des environs d’autres villes moyennes plus importantes.
Un point noir concerne la vitesse en ligne : des chutes à 20km/h sont introduites ça et là, et la vitesse est de toute manière plafonnée à 50km/h, ce qui n’en fait pas un outil attractif, même à l’heure d’un soi-disant slow travel. Or le BEG, qui est l’autorité de transport ferré en Bavière, indique bien que les coûts du test s’élèvent à plus de 3 millions d’euros par an. Mais cela n’inclut pas la modernisation des infrastructures, comme par exemple la reconstruction des quais à hauteur du train et la sécurisation des passages à niveau. Bien entendu, investir un bon million en 2020, ce n’est jamais qu’investir 50.000 euros/an sur vingt ans. L’urgence écologique ne signifie pas évaporation des charges, quand un chemin de fer a toujours autant besoin d’acier et de ballast pour rouler, sans compter le cuivre !
Tout cela donne de bonnes indications sur le coût d’une ligne locale, le vrai coût du train, quand certains réclament le transport gratuit. Les Lander, comme les autres régions en Europe, sont très regardantes sur les sous. L’affaire se corse quand un Kreis – équivalent à une collectivité -, doit mettre la main au portefeuille pour un outil qui ne va pas forcément décarboner la région, surtout qu’à côté, les routes locales sont toujours aussi remplies d’autos et d’engins agricoles…
Cela démontre la dangerosité des utopies, quand elles sont confrontées aux réalités du terrain. L’offre ne fait pas toujours la demande, tout dépend de l’environnement dans lequel « vit » une ligne ferroviaire. La Bavière questionne et elle a raison. Car au-delà du rail, une politique d’aménagement du territoire et un repeuplement adéquat des bourgades le long d’une ligne ferrée pourraient accélérer « le dépassement des 1000 voyageurs » par jour. Le train lourd reste une affaire de volume, ou alors on s’invente un taxi rail…
Terminons par une petite visite des lieux, avec le Waldbahn, bien-sûr…
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Selon Allianz Pro Schiene et le Verband Deutscher Verkehrsunternehmen (VDV), la réactivation de 238 lignes cumulant une longueur totale de 4.016 km permettrait de reconnecter au rail près de 291 communes totalisant trois millions de citoyens allemands. Audacieux ?
Partout en Europe, un kilométrage important de petites lignes ont été fermé à toute circulation. Contrairement à une idée reçue, ces fermetures n’étaient en rien dictées par l’Europe (ce n’est du reste pas son rôle), mais datent des politiques nationales des années 50 à 80, quand toutes les entreprises ferroviaires publiques exploitaient les trains locaux avec un manque d’enthousiasme évident. Exploiter des express Intercity puis ensuite des TGV était nettement plus prestigieux que de s’occuper d’une population rurale qui ne prend le train que sous couvert de tarifs sociaux.
En Allemagne aussi, de nombreuses fermetures de ligne eurent lieu quand, dans les années 70, la Deutsche Bahn préféra se concentrer sur les S-Bahn suburbains et les Intercity cadencés entre les grandes villes. Lors de la réunification, la Deutsche Bahn hérita en 1994 des décombres de l’ancienne Deutsche Reichsbahn d’Allemagne de l’Est. L’expérience ferroviaire communiste pèse encore très lourd aujourd’hui sur la balance, tout particulièrement en Saxe.
Beaucoup de lignes abandonnées ont toutefois conservé leur plateforme. Dirk Flege, directeur général d’Allianz pro Schiene, explique qu’en « réactivant des lignes ferroviaires désaffectées, nous pouvons arrêter et inverser des décennies de suppression de voies. C’est une solution pour réaliser un meilleur mix de trafic à l’avenir. » Contrairement à ce que l’on écrit trop souvent au sujet des villes, en Allemagne, environ 70 % des gens vivent dans des villes moyennes et petites ou dans des zones rurales. Nous sommes très loin de la situation française ou espagnole, avec des zones rurales vides. Une remarque bienvenue quand dans de nombreuses académies et chez certains experts, on perpétue l’idée que demain tout le monde habitera la ville. Or ces « experts » se basent sur des courbes croissances mondiales sans aucune comparaison avec nos espaces ruraux européens, bien plus peuplés que les espaces vides de l’Inde, d’Afrique ou du Texas.
Rame de l’ODEG, réseau autour de Berlin (photo ingolf via license flickr)
Le défis aujourd’hui est souvent politique : faut-il transformer ces plateformes en pistes cyclables ou les réactiver en ligne ferroviaires modernes ? La mobilité rurale fait en effet l’objet de nombreuses initiatives autres que le chemin de fer. On voit ainsi beaucoup d’associations insister plutôt sur la pratique du vélo, ce mode de transport bon marché « qui ne fait aucun bruit ». Or, la réactivation de lignes ferroviaires abandonnées depuis longtemps rencontre l’opposition des riverains qui ne veulent pas voir des « gros bus sur rails » au fond de leur jardin, fussent-ils « écologiques ». La bataille des idées est rude sur ce plan. Les écologistes les plus radicaux estiment d’ailleurs que le train n’est pas un outil écologique, car le bilan carbone de sa construction est selon eux négatif (acier, verre, plastiques divers, cuivre pour les câbles électriques, moteurs,…) et parce que « cela entretient le délire capitaliste des grandes firmes de constructeurs ». Chacun jugera…
Dirk Flege répond : « Le gouvernement fédéral allemand veut doubler le nombre de voyageurs par rail d’ici 2030 et porter la part de marché du transport ferroviaire de marchandises à 25 %. Cela ne fonctionnera que si l’infrastructure est développée de manière conséquente. La réutilisation des lignes ferroviaires désaffectées est un élément indispensable d’une stratégie de croissance qui met fin à des décennies de rétrécissement du réseau ferroviaire. » Cela parait évident : rapprocher les résidents ruraux des gares ne peut évidemment se faire que si on rouvre des lignes.
« Pour une grande majorité de cette population qui vit dans les zones moins denses, nous avons besoin de services de transport ferroviaire efficaces et respectueux de l’environnement. C’est une question de protection du climat, mais aussi d’égalité des conditions de vie. Si les chemins de fer doivent devenir le moyen de transport du 21ème siècle, alors nous devons prendre en compte l’ensemble du territoire et pas seulement les grandes villes et les conurbations pour le transport à longue distance, » explique Jörgen Boße, président du VDV. Dirk Flege : « En un an, le transport de voyageurs local a repris sur six lignes ferroviaires à l’échelle nationale. Cette réactivation est une énorme opportunité de rendre rapidement l’infrastructure ferroviaire apte au transport de davantage de voyageurs et de marchandises. »
Mais qui va payer cela, sachant que le manager d’infrastructure national, DB Netz, n’a pas les moyens de rouvrir ces lignes et est fortement occupé avec la maintenance très lourde du réseau existant ? Avec l’amendement de la loi sur le financement des transports municipaux (GVFG) en Allemagne, le gouvernement fédéral a considérablement amélioré les conditions cadres pour les projets de réactivation dans le transport de passagers. Cela vaut non seulement pour le montant des fonds mis à disposition, mais aussi pour les conditions de financement. Cette évolution positive conduit à réanimer les projets au niveau des communes et des Länder pour définir plus rapidement les réouvertures éligibles.
Le VDV et Allianz Pro Schiene ont produit une carte des réouvertures de lignes récentes.
Deux rames se croisent à Vienne (photo Paul Korecky via license flickr)
Les Viennois font sensation avec leur fameux abonnement annuel au prix symbolique de 365 euros, soit un euro par jour ! Mais il faut bien y regarder de plus près : les 365 euros ne s’appliquent que si vous payez le billet d’une traite. Si vous payez mensuellement, le total grimpe 396 euros. De là émerge rapidement le débat sur les publics visés, ceux qui peuvent payer d’une traite… et les autres.
Et pourtant : à Vienne, pas loin de la moitié de la population possède un abonnement annuel pour les bus, tram et métro du transporteur local Wiener Linien, soit 822.000 abonnements enregistrés sur les 1,8 million d’habitants que compte la capitale autrichienne. Ce nombre est supérieur à celui des voitures immatriculées dans les circonscriptions de la ville. Inversement, en termes de vélos en libre-service, Vienne, avec son maigre 7%, est très loin derrière de nombreuses villes comparables en Europe, où ce pourcentage est double. Mais gare aux comparaisons…
Presque tous les Viennois vivent à cinq minutes de marche à pied d’un arrêt de transports publics. Ils parcourent 38% de leurs trajets quotidiens en métro, en tram (affectueusement appelé «Bim») ou sur l’une des 140 lignes de bus de la ville. Comparée à d’autres villes d’Europe, cette valeur tombe à 27% à Berlin, la capitale étant encore la mieux lotie d’Allemagne : c’est 23% à Munich et seulement 18% à Hambourg. Des billets moins chers augmenteraient-ils ce ratio ? C’est toute la question.
Cependant, une chose est claire : les transports publics viennois relativement bon marché et leur part élevée dans le mix urbain sont une décision politique en dépit d’une capitale lourdement endettée, comme beaucoup d’autres. En 2006, la coalition sociale-démocrate, au pouvoir sans interruption dans la capitale autrichienne depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, a lancé un ambitieux chantier de prolongement et de modernisation de ses transports publics. Or tout cela a un prix.
Comme Vienne accorde aussi moins d’attention au recouvrement des coûts, ce sont près de 700 millions d’euros de subventions de fonctionnement qui sont nécessaires pour mener une telle politique. Toutes les villes d’Europe n’ont pas cet argent. Une offre annuelle de 1€ par jour coûterait à une ville relativement petite comme Bonn près 23 millions d’euros supplémentaires par an.
Pour trouver l’argent, la capitale autrichienne a eu la main lourde. Depuis qu’elle a introduit son célèbre billet à 365€ en 2012, son financement se fait principalement par deux mesures drastiques :
la gestion des places de parking: tous les revenus des frais de stationnement vont à Wiener Linien;
L’instauration d’une «taxe de métro » payée par tous les employeurs, initialement destinée à l’extension du métro. Depuis 2012, cela représente deux euros par employé et par semaine. Avant cela, c’était 72 cents. Cela ressemble un peu au fameux “versement transport” en vigueur en France, avec les nuances d’usage.
Si les résultats sont à la hauteur en termes de fréquentation, la réalité statistique montre que la part des transports publics dans la répartition modale n’a augmenté que d’un à deux pour cent depuis l’introduction de la carte à 365 euros, ce qui tempère l’analyse…
La coalition municipale rouge-verte de Vienne veut qu’en 2025, 80% des déplacements urbains se fassent à pied, à vélo ou en transports en commun. Étant donné que la répartition modale a peu changé au cours des dernières années, cet objectif sera très certainement manqué au cours des prochaines années.
Imiter Vienne ? « Pas à pas, je veux atteindre l’objectif d’introduire un ticket de transport public annuel pour 365€, » tonitrue le maire de Berlin, Michael Müller, au Neue Zürcher Zeitung. Un abonnement annuel coûte normalement 761€ dans la capitale allemande. « De nombreuses villes allemandes aimeraient certainement faire la même chose, mais ce n’est pas possible ici », explique Lars Wagner de l’Association des entreprises de transport allemandes (VDV). En cause : les autorités locales ne sont pas autorisées à créer de nouveaux impôts en vertu du droit allemand. Elles peuvent néanmoins jouer sur le stationnement, mais c’est oublier que l’Allemagne est avant tout… le pays de l’automobile, qui n’entend en rien sacrifier son industrie fétiche. C’est aussi la même chose dans d’autres pays. Mais l’argument fiscal n’est pas tout.
Le métro de Berlin (photo Ingolf via license flickr)
Vienne a commencé à s’éloigner de la politique automobile relativement tôt au XXème siècle : le centre-ville a été progressivement fermé à la circulation automobile dès les années 1970. Rappelons qu’à la même époque, la Grand Place de Bruxelles n’était encore qu’un vaste parking, inimaginable aujourd’hui. Les viennois se sont donc habitués…
Quid de la couverture des coûts ?
Cette question, hautement politique, consiste à trancher si c’est l’usager ou le contribuable qui doit payer les coûts des transports publics locaux, ou un mix des deux : « il risque d’y avoir de sérieux problèmes de financement, » explique Wagner. « Avec un ticket à 365 euros, la couverture des coûts est nettement insuffisante. » Sous-entendu, il faut subsidier, trouver d’autres sources de financement, rassembler, mettre différents intervenants sur la même longueur d’onde. Un vrai chemin de croix…
A Berlin, tout cela fait actuellement l’objet de discussions à la fois par les Verts et au sein de la coalition du Land. Dans ce débat, la ville a soutenu qu’un prix bas n’attirerait pas nécessairement les foules dans le métro. Oliver Friederici, porte-parole de la CDU pour la politique des transports rétorque que le transport local de Berlin est sous-financé, et que donc « chaque euro est nécessaire. » En échos, le patron des transports publics berlinois, Sigrid Nikutta, a récemment déclaré que les prix des billets bon marché ne sont « pas compatibles avec l’expansion du réseau de BVG. »
Les chiffres lui donnent raison : à Vienne, la couverture des coûts des billets est d’à peine 60%, à Berlin on grimpe à 70%. La moyenne allemande est même de 78%, explique Wagner : « sur ce pointl’Allemagne est au top en Europe. » La viabilité économique des entreprises est le principal critère en Allemagne, dit-il. Le VDV souligne à ce titre qu’avec une telle mesure d’abonnement à bas prix, ce serait près de 13 milliards d’euros de manque à gagner annuel qu’il faudrait compenser pour couvrir tous les transports publics d’Allemagne !
Du côté de la gare de Bonn… (photo Michael Day via license flickr)
Le fameux modal shift
Jusqu’à présent, les recherches à Vienne n’ont pas été suffisantes pour déterminer si un tel abonnement annuel encourage réellement un nombre important de personnes à passer des voitures aux transports publics locaux. L’introduction du billet de 365 euros à Vienne s’est certes accompagnée d’une augmentation drastique des frais de stationnement pour les voitures. Mais l’inconvénient d’un tel abonnement est l’obligation d’avoir la capacité suffisante pour transporter le nombre accru de passagers. Plus de trams, bus ou métro, ainsi que des rames plus longues circulant à une fréquence plus élevée semble être la réponse évidente, mais comment financer cette hausse des véhicules avec moins de revenus du côté de la billetterie ?
Comme l’écrivait The Guardian, un billet de 365€ est testé depuis le début de l’année à Bonn et dans la ville de Reutlingen, dans le sud-ouest. Dans le cadre de l’initiative «Ville pilote» (Lead City), Essen, Herrenberg et Mannheim recoivent également un financement du gouvernement fédéral pour examiner si d’autres formes d’abonnements à prix réduit peuvent persuader les habitants de laisser leur voiture au garage et d’emprunter les transports publics.
L’association de voyageurs Pro Bahn critique le projet «Lead City». À Bonn, ceux qui ont déjà un pass annuel ne sont pas autorisés à échanger leur abonnement contre la nouvelle offre. De plus, le projet ne dure que douze mois et est limité à la ville même de Bonn. Ce qui signifie que la majorité de la clientèle captive, qui vient surtout de la périphérie ou des bourgs plus lointains pour le domicile-travail, en sont exclus. La ville sans voitures ne serait dès lors qu’un rêve…
À Munich, l’association des transports de la capitale bavaroise, la MVV, vient d’annoncer qu’elle introduit cette année un pass annuel à un euro, mais uniquement…pour les étudiants, les écoliers et les stagiaires. Or, il s’agit là d’un public majoritairement sans auto. Les politiciens bavarois prennent ainsi aucun risques puisqu’ils peuvent contenter tout le monde : les étudiants sont ravis, et les aînés aussi, puisque pour eux rien ne change au niveau automobile !
Le billet de 365€ coûterait à MVV environ 30 millions d’euros par an de subsides complémentaires, un fardeau qui sera partagé par le Land de Bavière, qui contribuera aux deux tiers environ, ainsi que la ville de Munich et quelques municipalités environnantes concernées.
Il reste à voir dans quelle mesure le modèle viennois pourrait être reproduit avec succès dans d’autres villes européennes. Car plus que le prix, c’est avant tout le service offert vers les lieux d’emplois et de scolarité qui importe le plus. La localisation des domiciles ainsi que la vie quotidienne de chacun sont prépondérants quant au choix modal. Il est toujours indispensable de le rappeler à certains politiciens…
Le métro de Munich (photo Daniel Schuhmann via license flickr)
La ville de Augsbourg vient de lancer le tout premier Mobil-Flat d’Allemagne. Il s’agit d’un abonnement forfaitaire pour une gamme complète de services de mobilité, incluant les vélos et le carsharing.
Ce qui est depuis longtemps la norme pour le téléphone est devenu le quotidien de la mobilité urbaine : Augsbourg, presque 300.000 habitants, serait la première ville allemande à introduire un abonnement forfaitaire de mobilité pour tous les types de mobilité, ce qui serait novateur. Le modèle d’Augsbourg s’inscrit dans notre époque où le débat sur le changement climatique et les ressources affecte les centres urbains. L’étroitesse des rues ainsi que la pollution atmosphérique et sonore obligent à repenser la mobilité dans les centres-villes.
S’il existe dans de nombreuses villes allemandes des services très divers d’autopartage, de scooters ou de vélos en free floating, ces offres restent en général très dispersées et leurs applis respectives ne sont pas – ou rarement -, interopérables.
L’idée de Stadtwerke Augsburg (SWA), l’AOT locale, est alors simple : tout rassembler en une seule pièce. « Réunir tous les moyens de transport dans une offre est un bon début », se félicite Jürgen Gies, expert en mobilité de l’Institut allemand des affaires de la ville, cité par Die Welt. Pour un montant mensuel fixe, les clients de la ville d’Augsbourg bénéficieront d’une utilisation illimitée de tous les types de transport, y compris les bus et les tramways climatiquement neutres de la ville, ainsi que des voitures en location et des vélos de location. Les intentions de la ville sont claires : fournir une variété de services de mobilité, qui complètent le système de transport public existant, qui soient faciles à utiliser, le tout avec un prix approprié afin que les gens puissent laisser leurs voitures plus facilement au garage.
Par le passé, outre le transport classique de voyageurs sous forme d’autobus et de train, SWA proposait déjà des solutions d’autopartage et de location de vélos, mais séparément. Dès maintenant, le service municipal associe ces offres et les rassemble en un tarif unique forfaitaire.
Après une période d’essai avec 50 utilisateurs, le produit baptisé « Mobil-Flat » a débuté ce 1er novembre 2019 et existe en deux variantes d’abonnements :
SWA Mobil-Flat S : services de transport public illimités dans le centre-ville ainsi que des trajets illimités de 30 minutes en vélo partagé avec une offre de carsharing incluse de 15 heures ou jusqu’à 150 km pour 79 euros par mois ;
SWA Mobil-Flat M : la même offre mais avec 30 heures de carsharing sans limite de kilométrage pour 109 euros mensuels.
Avec le Mobil-Flat, les utilisateurs peuvent utiliser un vélo partagé SWA pendant une demi-heure plusieurs fois par jour.
Le parc d’autos partagées n’est pour l’instant basé qu’à une seule station qui dispose d’une poignée de voitures électriques, pour ne pas mettre en place une concurrence trop forte pour le réseau de transport public existant. Parce que l’AOT SWA est aussi un gestionnaire d’énergie et fournit des bornes de rechargement pour véhicules électriques dans toute la ville. Il faut donc équilibrer le modèle. Entre temps, la ville a acheté des véhicules électriques. La Grünamt utilise désormais quatre scooters de rue électriques et une Renault Twizzy. Trois autres voitures ont été commandées en 2019. Les voitures électriques constituent la toute première mesure du programme de financement du gouvernement fédéral visant à assainir l’air dans les villes allemandes. « Avec le forfait, nous innovons dans le trafic local. Ces nouveaux modèles de facturation sont l’avenir des transports publics », explique le directeur général de SWA, Walter Casazza. Il n’est pas prévu d’inclure les e-scooters pour le moment dans la formule Mobil-Flate.
Selon Jürgen Gies, le covoiturage en vaut souvent la peine, en particulier pour ceux qui n’utilisent leur voiture que quelques fois, comme pour aller dans certains magasins de meubles ou pour des trajets en soirée. Il considère que les heures incluses dans le forfait sont suffisantes pour ce type d’utilisation. Le transfert modal espéré oblige à offrir un produit de qualité. « Trouver un automobiliste confiant dans les transports publics est beaucoup plus difficile. Il est important que ces clients peu réceptifs au départ fassent des expériences positives, » explique Gies. « Ceux qui échoueraient trop souvent à obtenir une voiture partagée perdraient confiance dans le concept. »
Bien qu’on y pense d’office, la vision de la ville d’Augsbourg diffère de l’offre Whim d’Helsinki, dont le service comprend même des trajets illimités en taxi mais les offres sont bien plus chères. Augsbourg s’efforce depuis longtemps de faire en sorte que davantage de gens utilisent les transports en commun. Ils envisagent notamment de rendre tous les tramways et les bus de la City Zone libres d’utilisation à partir de 2020. Mais Walter Casazza expose aussi les conditions du succès d’Augsbourg : « Augsburg disposait d’un avantage décisif: contrairement à d’autres sociétés, SWA proposait déjà des transports publics, du covoiturage et de la location de vélos auprès d’une source unique (et même aussi l’électricité). Traduction : dans d’autres villes, les entreprises devraient d’abord se mettre d’accord avec divers opérateurs aux intérêts divergents. Ce qui pourrait être un frein.
« Ce qui peut paraître comme innovant, c’est uniquement l’application d’un abonnement forfaitaire et la valeur ajoutée de l’offre de location de voitures », recadre Lars Wagner, porte-parole de l’Association des entreprises de transport allemandes (VDV). « Je pense que le terme Mobil-Flat pour le modèle d’Augsbourg est trompeur. Il s’agit simplement d’un abonnement de transport public avec un paquet de kilomètres et de minutes gratuites incluses », rétorque Rainer Vohl de l’Association des transports de Hambourg (HVV). Pourtant Augsbourg a des arguments pour faire face à ces critiques (un peu jalouses ?) des autres villes. Ainsi à Berlin, certes pas comparable à la ville bavaroise, il est encore nécessaire de réunir 14 entreprises diverses de mobilité, dont Deutsche Bahn. Ce qui rend les choses pratiquement impossible.
Intégrer le carsharing dans les abonnements implique des coûts élevés et beaucoup de travail, car les entreprises doivent acheter de nombreux nouveaux véhicules. Par conséquent, le modèle d’Augsbourg ne convient pas à toutes les régions. Dans la Ruhr, très vaste et très urbanisée, les sociétés de transport devraient fournir des voitures de carsharing à environ 7.000 points d’arrêts, ce qui est impensable.
Walter Casazza explique que les transports publics sont effectivement subventionnés, à l’exception notoire du secteur du carsharing. À Augsbourg, le déficit des transports publics est d’environ 40 millions d’euros par an pour un coût d’environ 100 millions d’euros. « Le déficit n’aura aucun impact sur le forfait » souffle Casazza à Die Welt.
Pour le moment, l’offre Mobil-Flat est réservée aux résidents de la ville d’Augsbourg, mais elle peut être étendue aux zones environnantes, en fonction de la réaction des personnes.
On le sait peu, mais les CFF ont une filiale internationale, la très discrète SBB GmbH, basée à Constance en Allemagne . Depuis 2003, cette société est responsable de l’exploitation de diverses lignes de chemin de fer en Allemagne, du côté de Constance et, depuis décembre 2006, sur une ligne du Regio-S-Bahn Basel, entre Bâle, Lörrach et Steinen / Zell im Wiesental, la partie allemande des environs de Bâle.
SBB GmbH vient de voir son contrat reconduit pour huit années encore sur le Seehas, une ligne régionale allemande qui relie la ville de Constance (Konstanz), au bord du lac du même nom, vers Singen et Engen, une bourgade au pied de la Forêt-Noire, soit sur la rive droite du Rhin qui sépare les deux pays. La ligne porte le numéro KBS 720 en Allemagne :
Dès 1994, le défunt Mittelthurgaubahn, un vrai privé suisse, avait tenté le train régional non subsidié entre Weinfelden, en Suisse, et Engen via Constance. Il s’agissait d’un véritable trafic international régional. La société faisant faillite fin 2002, ses actifs furent acquis par Thurbo AG, une filiale des CFF devenue SBB GmbH aujourd’hui. Celle-ci opère donc depuis 2006 le service Seehas, exclusivement en Allemagne, sans plus aucun trafic transfrontalier. Ceci dit, Constance est aussi reliée par des trains toutes les heures vers l’aéroport de Zürich, Zurich-Hbf et Lucerne, aux bords du lac des Quatre Cantons. Une ville très bien desservie, donc. Au niveau local, Thurbo, une autre filiale des CFF, relie Konstanz à Kreuzlingen toutes les demi-heures avec le RER S 14. SBB GmbH utilise pour cette une flotte de 9 rames Stadler FLIRT à quatre caisses, classées aux CFF en tant que RABe 521 201 à 209, et disposant de 163 places et 39 strapontins.
(wikipedia)
Les CFF en Allemagne, apparemment à la grande satisfaction du Land de Bade-Wurtemberg, qui paye une partie des subsides. Mais comme le district de Constance voulait que les trains soient aussi cadencés à la demi-heure sur la section déficitaire Singen-Engen, il a du mettre la main à la poche, le Land ne prenant en charge qu’un train par heure. Une belle démonstration de l’importance, en Allemagne, du pouvoir local, ce qui fait d’ailleurs dire au ministre régional des Transports du Land : « Je suis très heureux que le district de Constance continue d’être notre partenaire financier. En unissant nos forces, nous pouvons offrir un transport ferroviaire local très attractif dans les environs immédiats de la Suisse. » Une manière aussi de partager les pertes et de répartir les efforts…
Dans une période précédente, les contrats de transport avec le Land de Bade-Wurtemberg, qui couraient jusqu’en 2014, avaient déjà été prolongés jusqu’en 2020 tant pour le Seehas que le Wiesentalbahn à l’est de Bâle. L’accord renouvelé jusqu’en 2027 concrétise pour SBB GmbH cette très bonne note que lui attribue le gouvernement régional, maître de ses trains : « Nous continuons d’être très satisfaits de la performance des CFF. La ponctualité et la fiabilité des CFF sont nettement plus élevées que celles de certains autres chemins de fer du Bade-Wurtemberg. Par conséquent, à l’heure actuelle, nous nous sommes prononcés contre la résiliation des contrats et contre un nouvel appel d’offres ». Juridiquement cependant, la ligne Seehas devra être remise par appel d’offre sur le marché en 2027.
Le journal régional SüdKurier se fait presque lyrique en déclarant que « les retards sont limités, les annulations de train aussi, les wagons sont propres et climatisés : comment les CFF créent cela sur l’itinéraire Seehas, alors que d’autres échouent ? Il y a des éloges de la part du Land et du district et les passagers sont satisfaits dans l’ensemble.» La ligne Seehas avait déjà enregistré près de 5,2 millions de voyageur en 2016, et les trafics sont à la hausse. On y compte environ 15.000 voyageurs quotidiens par jour. Cette augmentation est notamment attribuable aux valeurs élevées de ponctualité et de qualité et a été reflétée dans les enquêtes de satisfaction de la clientèle.
De nouvelles améliorations ont cependant été demandées aux CFF. À partir de décembre 2020, une partie des trains de Seehas voyageront en double traction, soit une production supplémentaire de 83.000 kilomètres par an. Le transport de vélos sera effectué, conformément à la réglementation nationale, du lundi au vendredi gratuitement dès 9h du matin, l’heure de pointe étant payante pour d’évidentes raisons.
La politique de régionalisation du rail allemand ne fait plus débat : c’est une réussite. À deux conditions : avoir les fonds nécessaires pour les subsides, d’une part. Et d’autre part opérer ces services ferroviaires locaux avec des petites entreprises agiles, où les coûts tournent autour des 9 à 11 euros du train/kilomètre. Une question de volonté, de stratégie et de bon sens…
Gare de Singen. Seehas et DB Regio côte à côte (Albert Koch via license flickr)
Ce n’est pas la Deutsche Bahn, ni un opérateur, mais le Verband Region Stuttgart (VVS) qui vient de prendre une belle initiative ferroviaire. En tant qu’Autorité Organisatrice des Transports, son assemblée générale a décidé de produire un horaire cadencé au quart d’heure, toute la journée, dès 2020.
Rappelons que Stuttgart, ville importante du sud-ouest de l’Allemagne, ne compte que 623.000 habitants, à comparer avec Munich (1,5 million) ou Berlin (3,7 millions). C’est donc une ville un plus petite que Lyon, Genève ou Bruxelles. C’est une ville qui dispose, par étapes depuis 1978, d’un S-Bahn (RER) de 215 kilomètres, dont les 840 trains quotidiens transportent 435.000 voyageurs chaque jour de semaine, soit la moitié du trafic quotidien de toute la SNCB, en Belgique. Sept lignes et 83 gares composent un réseau qui s’étend sur une aire estimée à 1,25 millions de personnes, dans la riche région du Bade-Würtemberg.
La régionalisation du rail allemand donne la preuve que les entreprises publiques ne meurent pas, à condition de s’adapter : c’est en effet la Deutsche Bahn qui exploite ce réseau comme tout le monde, c’est à dire par contrat. Depuis 2002, la DB a fait du S-Bahn de Stuttgart une unité distincte, qu’on traduirait par « privatisation » et « casse du service public » en France et en Belgique… En attendant, avant de lancer des anathèmes, on peut toujours aller voir comment la Deutsche Bahn présente ses trains S-Bahn. On voit rarement cela dans d’autres pays ou réseau !
Depuis 1996, la Verband Region Stuttgart est responsable, conformément à la loi en tant qu’autorité responsable, du transport ferroviaire d’importance régionale avec des destinations et origines dans la région autour de la ville. le VVS « commande » le trafic S-Bahn chez un prestataire de son choix, après appel d’offre, et s’occupe du financement tout en travaillant continuellement à l’offre. Et cela donne d’excellents résultats. Le conseil régional a décidé d’augmenter les fréquences sur quatre lignes de ce réseau :
S1 Plochingen – Kirchheim / Teck
S2 Vaihingen et aéroport
S4 Marbach – Backnang
S 60 Böblingen – Renningen
La ligne S1 est la plus fréquentée et concentre plus du tiers des voyageurs, soit plus de 100.000 par jour, dont 32.000 rien qu’entre 6h et 8h. Jusqu’ici, le cadencement au quart d’heure n’était généré qu’en heure de pointe sur le réseau S-Bahn. Dès décembre 2020, le quart d’heure sera exploité intégralement de 6h00 à 20h30 sur les quatre lignes susmentionnées. Depuis le 10 janvier 2017, le nouveau portail Internet à bord des deux réseaux WLAN S-Bahn offre une mine d’informations sur le S-Bahn Stuttgart et l’Autorité responsable. Les clients reçoivent des conseils sur les destinations et les attractions, ainsi que des actualités diverses dans les domaines politique, sportif et des affaires. Le S-Bahn de Stuttgart est en partie doté du wifi…
157 rames réparties en trois séries sont impliquées dans le service des trains : 60 rames BR 423, 97 rames BR 430 et 4 rames BR 650. Elles parcourent près de 11,17 millions de kilomètres par an.
Ce réseau est complété par quatre lignes de bus express, dont une privée, qui mène à l’aéroport et à Esslingen. C’est Schlienz Tours GmbH & CO. KG qui a remporté l’offre en 2016. Les bus express « Relex » circulent toutes les 30 minutes du lundi au vendredi aux heures de pointe et toutes les heures hors pointe, entre 5h00 et minuit.
Un service qui donne des résultats quand une région peut décider elle-même ce qu’elle veut pour ses transport public. Et c’est tout bénéfice pour le climat et pour les citoyens…
Le S-Bahn provient du mot Stadtschnellbahn en allemand. Le RER désigne Réseau Express Régional en français. Les deux termes sont similaires, et les danois ont par exemple appelé S-Tog le RER de Copenhague. Le tram-train est une formule hybride qui combine les avantages du tram en ville, et son extension en périphérie sur des voies ferroviaires. Mais nous verrons que la définition du tram-train diffère fortement d’une ville à l’autre.
L’important est de bien distinguer ses S-Bahn/RER des métros urbains : leur gabarit et leurs normes sont purement ferroviaires, et les arrêts beaucoup plus espacés qu’en transport urbain. Le métro obéît quant à lui à d’autres normes non-ferroviaires.
L’Allemagne fournit un des plus beaux exemples de S-Bahn/RER, puisque pas moins de 16 régions en sont dotés. Certains sont anciens, comme Berlin, d’autre plus récents. Tous les détails à cette page.
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On connaît Copenhague, capitale du Danemark qui compte 1,3 millions d’habitants, comme la ville numéro un du vélo et du bon vivre. On connaît en revanche moins son réseau ferroviaire RER, tout aussi populaire.
Au niveau de l’agglomération, on peut la comparer avec Bruxelles, comme capitale, ou encore à Lille et Zürich, en tant qu’agglomération similaire. La ville danoise s’est dotée depuis 1934 d’un réseau ferroviaire suburbain analogue à ceux que l’on trouve à Hambourg et Berlin, appelé RER en France, S-Bahn en Allemagne. Zurich en a aussi un, Bruxelles en est au tout début, tandis que Lille n’a pas à proprement parlé de RER.
Le RER de Copenhague se nomme S-Bane ou S-Tog (Tog = train) et a une longueur d’environ 170 km en double voie et comporte près de 84 gares, dont 32 dans la seule zone centrale de la ville (zones 1 et 2), correspondant aux municipalités de Copenhague et de Frederiksberg. Ce réseau est enréalité une sorte de gros métro au gabarit ferroviaire, comme à Hambourg ou Berlin. Le réseau est dessiné comme une main qui compterait… sept lignes, dont les quatre A, B, C et F circulent toute la semaine, les E et H du lundi au vendredi et la Bx seulement en appoint aux heures de pointe, pour un trafic de plus de 1000 trains par jour transportant 357.000 voyageurs. Ce RER fait donc à lui seul 28% des trains et 42% du trafic voyageur de toute la SNCB en Belgique !
Une forte densité
Pour fluidifier le trafic, le réseau S-Bane s’est réservé une ligne à deux voies en centre-ville, dite ‘Boulevard’, où il est le seul à circuler, en quasi autonomie, donc. Tous les trains s’arrêtent dans toutes les gares du centre de Copenhague et ont des « missions » identiques. Ce système permet d’obtenir des temps d’attente très courts entre les trains. Depuis 1989, sur le tronçon central entre Dybbølsbro et Svanemøllen, pendant les heures de pointe, il y a deux minutes d’intervalle entre les trains, soit 30 trains par heure.
Gare centrale de Copenhague : 30 trains par heure en pointe, sur un quai unique (photo DSB)
Pour arriver à un tel résultat, le réseau S-Bane de Copenhague utilise le HastighedsKontol og automatisk Togstop (HKT), un système de contrôle typiquement danois créé pour gérer la densité élevée. Ce système élaboré en 1975 était un peu le précurseur de l’ETCS puisqu’il transmettait des informations basiques à bord des trains et comportait déjà une surveillance de la vitesse. Il s’agit d’une technologie analogique basée sur une boucle inductive et les informations de contrôle du train sont transmises aux trains via les rails, en utilisant des signaux audiofréquence à faible bande passante. Les conducteurs des rames S-Tog obéissent aux informations de bord, et non aux signaux latéraux.
La densité est rendue possible par l’introduction de deux trains dans une même section. Un panneau rectangulaire matérialise la demi section entre deux signaux lumineux. Une fois entré sur la deuxième demi-section, un train en amont peut déjà pénétrer sur la première demi-section avec un affichage « Arrêt conditionnel » allumé en cabine, jusqu’à ce que le train passe le prochain signal d’une nouvelle section. La vitesse est donc contrôlée pour éviter tout rattrapage.
Les sections de bloc HKT étaient conçues en fonction des propriétés de freinage des train S, particulièrement performants puisqu’il s’agit exclusivement d’automotrices. Par conséquent, les autres types de trains ne peuvent pas utiliser les systèmes mobiles HKT, rendant le réseau S autonome au niveau de la gestion. Les trains qui « sortent » des voies HKT commutent dès lors vers la signalisation latérale traditionnelle des DSB.
Progressivement, le réseau S-Bane devrait passer à une nouvelle version de contrôle automatique des trains appelé CBTC, basé cette fois par une communication par radio, et non plus par fréquences dans les rails. Le CBTC fonctionne selon le principe du bloc flottant, dans lequel il n’ya pas de division physique des lignes, mais dans lequel il existe une connaissance de l’emplacement des trains et de la vitesse de l’itinéraire, ce qui détermine leur proximité. Le nouveau système CBTC permet de réduire les temps d’intervalle à 90 secondes.
La section Jægersborg-Hillerød est la seule section où le système CBTC est mis en service, mais des complications techniques et des coûts assez élevés retardent sa mise en œuvre complète. Aujourd’hui, près de 90% de la capacité du tronçon central est disponible, ce qui est supérieur aux recommandations de l’UIC (qui recommande 85% maximum en heures de pointe et 70% en heures creuses [UIC 2004]). Cette forte utilisation de la capacité est source d’un risque de retard se propageant de trains en trains.
Les rames
Rappelons que c’est le 1500V DC qui équipe le réseau S-Bane de Copenhague, tandis que le reste du réseau ferré est électrifié en 25kV AC. D’où la gestion en quasi circuit fermé du réseau suburbain. Concernant le parc roulant, on en est à la quatrième génération : 104 rames à 8 caisses (en réalité 2 sections identiques accouplées) de type SA, construites par Alstom LHB et Siemens, et livrées entre 1996 et 2006. Elles comportent 312 sièges et 360 places debout.
Une des rames SA à 8 caisses en gare de Lyngby (photo Kurt Rasmussen via wikipedia)
Ainsi que 31 rames à 4 caisses, livrées entre 2004 et 2005 par les mêmes constructeurs, offrant 134 sièges et 180 places debout. Au total, un parc de 135 rames pour exploiter un service de 1000 trains par jour ouvrables.
Une rame SE à 4 caisses en attente de départ à -Klampenborg (photo Jan Oosterhuis via wikipedia)
Le service des trains
Ces aspects très techniques ne doivent cependant pas masquer le service rendu par le S-Bane de Copenhague. Les rames comportent des espaces pour 14 vélos astucieusement conçus : des cales vélos sous des sièges rabattables. La priorité est cependant laissée aux places assises en cas d’affluence.
Emplacements pour vélo, les sièges étant prioritaires… (photo Politiken Byrum)
Le site des DSB indique que « Vous pouvez prendre votre vélo avec S-train et gratuitement. Vous pouvez vous débarrasser de votre vélo et le laisser librement dans le train S, à condition que vous achetiez un billet pour vous-même et qu’il y ait de la place pour votre vélo. S’il n’y a pas de place, attendez le prochain départ. » Le site propose cette amusante vidéo ayant trait à la convivialité :
Il est aussi précisé de ne pas descendre ou prendre le train de banlieue à vélo à la gare de Nørreport en semaine (du lundi au vendredi) pendant la période de midi. 7-9 et le soir entre 15h30 et 17h30. « En effet, la place est bondée à la gare de Nørreport pendant les heures de pointe. » Belle communication pour ne pas être pris au dépourvu…
Depuis 2009, le S-Bane dispose aussi du WiFi gratuit, à l’aide de la technologie WLAN. Le logo est inscrit en grand sur le flan des rames. C’est Free Denmark, qui, en coopération avec DSB S-Bane, livre l’accès à Internet. Cela garantit un accès gratuit, en réalité payé par les annonces et le contenu. Dès qu’ils se connectent, les clients sont en effet accueillis par un portail de démarrage proposant des informations, des actualités, des services et des offres. Mais à l’inverse, il existe aussi des zones de silence…
(photo Liselotte Sabroe)
Les sections les plus éloignées de la capitale comportent un service de 6 trains par heure, et dès qu’on s’approche de la ville, on passe rapidement à 9 voire 12 trains par heure. Le service démarre vers 4h40 pour se terminer à 1h00 du matin selon les lignes ! La carte ci-dessous montre le trafic par section de lignes :
Nombre de trains par heure suivant les sections de lignes du réseau S-Bane de Copenhague. On rêve…
Extension des capacités
Combien de fois n’avons-nous pas déclarer qu’il n’y a pas de bons services de trains sans bonnes infrastructures ? Copenhague, malgré sa politique vélo, n’échappe pas à la question de nouvelles voies pour augmenter les capacités du S-Bane. Les possibilités d’extension étant épuisée sur l’actuelle portion ‘Boulevard’, il apparaît nécessaire de construire une nouvelle liaison S-Bane via l’ouest de Copenhague pour résoudre les problèmes de capacité. En réalité, rien n’est encore arrêté à ce jour quant aux détails sur cette extension des capacités, qui devrait être le prochain chantier du siècle de la capitale danoise.
Le futur sans conducteur ?
En 2010, le ministère des Transports avait annoncé que les S-trains pourraient être prêts à rouler sans conducteur dès 2020, car la transition en cours entre l’ancien système de signalisation physique vers le système de signalisation numérique CBTC rendrait cette étape « relativement facile ». Il n’en fût rien étant donné les incertitudes techniques qui pèsent encore sur le système CBTC.
Le sujet est revenu en force en 2013 lorsque Copenhague bénéficia d’une « Commission de la Congestion », malgré les vélos, et dont un volet prenait en compte l’automatisation du réseau S-Tog. La conduite sans conducteur supposerait l’achat de nouveaux trains conçus pour cela, les rames actuelles les plus récentes ayant une durée de vie prévue jusqu’en 2036. En plus du nouvel équipement, l’exploitation sans conducteur exige de clôturer les voies et l’installation de systèmes de détection de chutes et d’intrusion des personnes sur le réseau. Comme le coalition gouvernementale populiste actuelle a opéré une cure d’amaigrissement des subsides destinés aux chemins de fer nationaux DSB, l’heure n’est plus vraiment aux grandes dépenses mais un rapport a tout de même été présenté au parlement en 2017…
Quel opérateur à l’avenir ?
Jusqu’en 2013, le S-Tog était exploité par une filiale des DSB. Depuis lors, l’activité fut réintégrée au sein de l’entreprise nationale de sorte qu’il n’était plus possible de distinguer les bénéfices réels du réseau, réputé comme la « vache à lait » du chemin de fer danois. Conséquence d’un accord conclu par le gouvernement actuel avec le parti populaire danois et les radicaux, il est question de remettre l’exploitation du S-Tog a un autre opérateur. L’opérateur de Hong-Kong MTR, déjà présent à Stockholm, serait sur les rangs mais d’autres pourraient faire des propositions.
Le concept de MaaS (Mobility As A Service) suppose une mise en commun des données de trafic de toutes les entreprises participant à une plateforme numérique. Or, toutes les entreprises ne comptent pas fournir ce qui est l’or noir d’aujourd’hui : les datas.
Les volumes de données disponibles sont en train de remodeler le modèle de la manière dont les entreprises commercialisent leurs produits. Avec le grand nombre de données disponibles, les entreprises peuvent désormais exploiter beaucoup d’informations et créer de nouvelles idées pour attirer les clients et leur proposer de nouveaux services. C’est exactement ce que font Amazon ou Google, qui ont tellement de données sur leurs serveurs qu’ils peuvent se rendre incontournables. La data, c’est désormais le nouvel or noir du XXIème siècle. Qui détient les datas détient le pouvoir. Et cela, certaines entreprises l’ont bien compris.
Le concept récent de MaaS – Mobility as a Service -, est un peu le contraire d’Amazon ou Google. Une plateforme numérique, créée par une entreprise extérieure, agrège, sous contrat, toutes les données trafics de plusieurs entreprises et fournit au voyageur un service unique avec un mode de paiement unique. Cela peut paraitre séduisant, mais tout n’est pas aussi clair qu’il n’y parait. Les datas, ce sont des pépites commerciales. En plus de la perte potentielle d’usager, certaines entreprises de transport public craignent qu’une application MaaS ne porte atteinte à la relation directe qu’elles entretiennent avec les navetteurs.
C’est ce qu’explique David Zipper dans un article du Citylab qui relate l’expérience d’Helsinki (1) : « l’efficacité de MaaS n’est pas claire si les entreprises de transport en commun – qui sont les piliers des réseaux de mobilité, en particulier dans les villes européennes – ne veulent pas voir ces plates-formes tierces réussir. » À Helsinki, l’opérateur de transport public HSL n’aurait pas encore ouvert sa billetterie pour permettre aux abonnés de Whim – l’application locale -, de profiter de la commodité de l’abonnement mensuel de HSL, signifiant que les utilisateurs de Whim doivent obtenir un nouveau ticket chaque fois qu’ils changent de transport.
De nombreux opérateurs de transport public exploitent un réseau en monopole depuis très longtemps, parfois plus de 50 ans, dans toutes les villes européennes. Ils entretiennent des relations étroites – et souvent ambigües – , avec le pouvoir politique local. Ces opérateurs ont souvent mis des années à promouvoir leur marque au sein des utilisateurs, qui sont tous des électeurs de pouvoir local. Ces opérateurs historiques doivent aussi justifier les subventions accordées par la ville. Le MaaS, avec l’irruption de nouveaux opérateurs alternatifs, est vécu comme un affaiblissement du pouvoir, à la fois pour l’opérateur historique, mais aussi par certains politiciens, qui perdent une partie du contrôle des déplacements de leurs électeurs. Avec les datas, il y a un grand risque de constater que certaines lignes de transport public ne se justifient pas, et qu’elles ont été exploitées que sur base de considérations politiques. Il y a un grand risque de constater que les flux de voyageurs ne correspondent pas à l’équité territoriale souhaitée par le pouvoir politique.
Vélo vs bus ? Tout dépend, mais c’est clair que les cyclistes ne prennent pas les bus…
L’autre risque, c’est de constater que les options alternatives fonctionnent mieux que la combinaison proposée par l’opérateur historique. À certaines heures de la journée, on peut ainsi proposer un trajet de A vers B en 18 minutes par vélo électrique, alors que l’opérateur historique propose 3 combinaisons de bus ou tram qui prennent 30 minutes ou davantage. Durant la belle saison d’été, nombreux seront les utilisateurs préférant le vélo plutôt que 3 bus surchauffés !
Ces risques sont bien connus des transporteurs publics, lesquels n’ont pas les moyens financiers, ni le support politique, pour s’engager dans des offres complémentaires de vélos ou de trottinettes en libre-service. Certains investissements en ligne de tram doivent conserver leur justification. D’autres politiciens utilisent au contraire le MaaS pour contourner le monopole et les manquements supposés du transporteur historique.
En France, plus qu’ailleurs, l’évolution des MaaS heurte bien évidemment une certaine conception de la République. La revue Connexions du Cre-RAPT note ainsi que les frontières entre transport public et transport privé, entre individu et collectif ou encore entre les différents secteurs économiques de la ville (immobilier, énergie, déchets, mobilité…) sont remises en cause. Cela amène à repenser le modèle de la mobilité urbaine et le partage des rôles entre les différents acteurs de la ville.
Concernant les données, objet de toutes les convoitises, les autorités organisatrices françaises revendiquent le rôle d’agrégateur en justifiant de leur caractère d’intérêt général, tandis que les opérateurs traditionnels font valoir le droit de protection de certaines données relevant du secret industriel et commercial. Les autorités publiques balancent entre maintien de leur prérogatives et satisfaction de leurs électeurs. Elles ont peur des grandes plateformes privées, telle Waze, qui dévie le trafic par de simples algorithmes sur lesquels elles n’ont pas la main.
À Helsinki, il a fallu une loi nationale sur les transports pour obliger tous les transporteurs, y compris l’entreprise historique HSL, à fournir leurs datas aux applications MaaS. La législation finlandaise impose désormais à tout fournisseur de services de transport de rendre sa fonctionnalité de billetterie complète disponible à un tiers. HSL devra donc donner aux plateformes MaaS, telles Whim, un accès à ses forfaits mensuels d’ici la fin de 2018. Certaines personnes estiment qu’il s’agit là d’une défaite de l’État, d’autres estiment que l’on va dans la bonne direction. Le débat ne fait que commencer…
ScotRail n’est pas très connu sur le Continent. Ce réseau de transport public ferroviaire s’étend sur l’entièreté de l’Écosse et se montre très dynamique. Rappelons que l’Écosse est une nation constitutive du Royaume-Uni. Depuis la fin des années 90, un système de décentralisation est apparu, accordant à l’Écosse, au Pays de Galles et à l’Irlande du Nord une certaine autonomie gouvernementale, appelée « pouvoirs décentralisés ».
Le chemin de fer fait partie de ces pouvoirs décentralisés. Le système de franchise ferroviaire en Grande-Bretagne a été créée par la loi de 1993 sur les chemins de fer. La franchise permet à un opérateur privé de fournir des services ferroviaires sur le réseau ferroviaire. L’Écosse, qui dispose de son propre gouvernement, a donc l’entière liberté d’opérer son réseau ferroviaire comme elle le veut. Elle décide aussi à qui en confier l’exploitation.
La patte écossaise
La marque ScotRail a été créée par Chris Green , directeur de British Railways pour la région écossaise, au milieu des années 1980, dans le but de fournir une marque distinctive du reste de la Grande-Bretagne. La marque s’est développée et est toujours utilisée aujourd’hui. Depuis 2008, c’est le nom permanent du chemin de fer écossais mis en franchise, quelle que soit la compagnie d’exploitation qui exploite le service des trains.
Le réseau ferroviaire appartient à Network Rail, organisme d’Etat britannique, responsable de l’ensemble de l’infrastructure ferroviaire. Les services ferroviaires sont fournis dans le cadre de franchises accordées par le gouvernement écossais. Les franchises Scotrail ont été exploitées, depuis 1997, successivement par National Express, First Group et actuellement Abellio. En revanche, malgré l’arrivée du Brexit, le gouvernement de Londres n’envisage pas de transférer la partie écossaise de Network Rail au gouvernement régional écossais.
Transport Scotland est un organisme créé le 1er janvier 2006 en tant qu’agence nationale des transports d’Écosse. C’est une agence exécutive du gouvernement écossais qui rend des comptes aux ministres écossais. En septembre 2010, Transport Scotland a fusionné avec la Direction des transports du gouvernement écossais. Ils continuent à s’appeler Transport Scotland, et sont désormais responsables de toutes les questions liées au transport en Écosse, avec six directions (aviation, rail, politique des transports,…).
Network Rail Scotland s’occupe de l’infrastructure ferroviaire écossaise, soit 2.776 km de lignes, y compris le célèbre pont du Forth Bridge, au nord d’Édimbourg. Les principales lignes du réseau sont :
– la East Coast Mainline ;
– la West Coast Mainline ;
– la célèbre Highland Mainline de Perth à Inverness ;
– la Borders Railway, ligne entre Edinburgh et Tweedbank ;
– la West Highland Line qui relie Mallaig et Oban dans les Highlands à Glasgow ;
– la ligner Edinburgh – Aberdeen.
Le très célèbre pont de Forth Bridge, à 14 km à l’ouest d’Edimbourg. Il est le deuxième plus long pont ferroviaire de type cantilever au monde quant à sa portée libre.
ScotRail assure plus de 94 millions de voyages par an, plus de 2 300 services ferroviaires interurbains, régionaux et suburbains par jour et dessert près de 340 gares. En octobre 2014, c’est le hollandais Abellio qui gagna la franchise, et il fût confirmé que les grandes-lignes faisait l’objet de la « Révolution du rail » voulue par l’Écosse. La franchise, détenue jusque-là par First Group, courre jusqu’en 2025. La décision d’accorder un contrat de 2,5 milliards £ à Abellio avait déclenché une querelle politique. Leur offre incluait des plans de tarifs réduits pour les demandeurs d’emploi, une connexion Wi-Fi gratuite et des tarifs anticipés de 5 £ entre villes écossaises, ainsi que l’espoir de booster les trafics. Mais les syndicats des transports ont condamné l’attribution de ce contrat d’une durée de 10 ans à une entreprise basée à l’étranger.
Électrifications
Sur les 2.776 km de voies ferrées en Écosse, 25,3% (711 km) sont électrifiés. La gare principale de Glasgow avait déjà reçu la caténaire 25kV en mai 1974, dans le cadre de l’électrification de la WCML. Edimbourg, elle, ne recevra son 25kv qu’en 1991 seulement, à l’occasion de l’électrification de la ECML. Il manquait dès lors le grand maillon entre les deux villes, qui ne vînt que tardivement au travers du programme EGIP.
Les travaux achevés en 2014 portaient sur 80 millions £ d’investissements sur la ligne de Cumbernauld, qui était le premier élément majeur d’électrification du programme d’amélioration d’Edimbourg-Glasgow, EGIP. En octobre 2017, le tronçon Glasgow-Edimbourg était entièrement électrifié. Les temps de trajet les plus rapides entre Glasgow et Édimbourg sont désormais de 42 minutes. Cela représente une étape majeure dans un pays qui reste historiquement tourné vers la traction diesel.
Nouveau matériel roulant
Avec près de 7 000 nouveaux véhicules ferroviaires en passe de remplacer plus de la moitié du parc de matériel roulant voyageurs, les trains britanniques sont sur le point de changer comme jamais auparavant. L’Ecosse ne fait pas exception. ScotRail est en train de transformer tout son matériel roulant : des rames électriques Hitachi classe 385 en trafic régional, des anciens HST reconfigurés pour les grandes lignes et de nouvelles rames pour le Caledonian Sleeper, le train de nuit vers Londres.
Nouveaux trains régionaux
La ligne principale Edimbourg-Glasgow est actuellement exploitée par plusieurs type trains. Outre les Dmu de classe 170 qui exploitent le service depuis 2000, ScotRail a pris des dispositions pour que des Emu de classe 380 (libérées des services Ayrshire et Inverclyde) et des Emu de classe 365 (unités en surplus louées à Eversholt) soient exploitées.
Hitachi Rail Europe fournit à Abellio 70 rames électriques multiples (Emu) de Class 385, qui formeront 46 trains de trois voitures et 24 trains de quatre voitures (soit 234 voitures au total). Celles-ci circuleront sur la nouvelle ligne électrifiée Edinburgh-Glasgow ainsi que sur les lignes Stirling – Alloa – Dunblane. En juillet 2018, Scotrail/Abellio a mis en service ces nouvelles rames en unités multiples de sept voitures, qui disposent de 479 sièges, soit 27% de plus que les rames classe 170 en service. Les rames 385 de 2×4 voitures ont 546 places assises.
Les nouvelles rames Class 385 ont commencé à rouler sur la ligne électrifiée Glasgow-Edimbourg (photo ScotRail)
Les grandes lignes
Le service des trains entre Edimbourg, Dundee et Aberdeen compte actuellement 15 allers-retours intercity, dont 3 par le biais de la franchise East Coast en provenance de Londres. Entre Glasgow et Aberdeen, on compte un horaire cadencé avec 16 allers-retours en semaine. L’ensemble de ces services est exploité à l’aide des rames Turbostar ‘Class 170’, pas vraiment appréciées pour de si longs trajets.
Il est bon de rappeler que les liaisons intercity avec Londres ne concernent pas ScotRail. La ligne Glasgow-Londres est gérée par la franchise West Coast Main Line, et c’est Virgin qui la gère jusqu’en 2022. La liaison Edimbourg-Newcastle-York-Londres, elle, est gérée par la plus polémique des franchises, celle de la East Coast Main Line.
En 2012, Transport Scotland avait publié les résultats de sa consultation sur le service ferroviaire voyageurs. Celle-ci examinait comment le chemin de fer devrait se développer et quels types de services voyageurs convenaient le mieux. Une des conclusions de cette consultation était que les passagers voyageant vers Aberdeen et Inverness préféraient de loin prendre les HST125 de Virgin Trains au départ de Glasgow ou Edimbourg plutôt que les rames diesel Class 170 de ScotRail. Transport Scotland discuta de la façon de changer son transport ferroviaire grande-ligne. Ses résultats ont été intégrés à la spécification de la franchise ScotRail, qui a été renouvelée en 2014. L’achat de nouvelles rames était une option, tout comme la reconstruction radicale de ce que beaucoup considèrent comme le meilleur train de passagers jamais construit en Grande-Bretagne : les HST 125.
Près de 70 rames des vénérables – et iconiques – HST 125 sont en cours de remplacement en Grande-Bretagne par les IET de classe 800 Hitachi. On ne les mettra pas à la ferraille car Scotrail reprend 54 motrices et 121 remorques, en leasing auprès d’Angel Trains, pour former 17 rames Intercity de 5 voitures et 9 rames de 4 voitures. Ce sont donc des rames plus courtes encadrées par deux motrices. Malcolm Brown, directeur général d’Angel Trains, a précisé que : « La flotte subira des améliorations intérieures et techniques avant d’entrer en service voyageur, afin de répondre aux besoins des voyages interurbains modernes. »
Le nouveau look des vénérables HST 125 raccourcis (photo ScotRail)
C’est le bureau DG Design qui a participé au ‘rebranding’ des HST sous la marque ScotRail. DG Design a créé une nouvelle identité de marque pour le service HST, en développant la livrée extérieure ainsi que la palette de couleurs et les finitions intérieures. La livrée comporte des points de repère emblématiques représentant les sept grandes villes desservies, renforçant ses références inter-villes, d’où le nom de ‘Inter7City’. La remise à neuf technique des motrices s’est effectuée par le biais de Brush Loughborough tandis que les voitures Mark III le sont chez Wabtec Rail à Doncaster. Les « nouveaux » HST de ScotRail offriront 40% de places supplémentaires sur les liaisons interurbaines par comparaison avec une rame trois caisses Turbostar 170. Cette nouvelle jeunesse des HST permet à ScotRail de relier dès 2018-2019 les 7 principales villes d’Écosse que sont Glasgow, Edimbourg, Perth, Stirling, Aberdeen, Dundee et Inverness. Les autorails libérés seront ainsi introduits sur des trajets plus courts avec davantage de fréquence, ce qui est tout bénéfice pour tout le monde.
La ligne du nord-est vers Aberdeen a été la première à recevoir cette semaine les HST pour ScotRail – une décision intelligente, car ils opéraient déjà sur cette liaison avec la franchise East Coast Main Line. Le dépôt de ScotRail à Haymarket sera celui des HST. Les dépôts d’Inverness et d’Aberdeen prennent actuellement en charge la maintenance des HST de la côte Est, des Dmu de ScotRail et voitures Mark 3 du Caledonian Sleeper. Bientôt, ils prendront en charge les unités bimodales East Coast Class 800, les HST ScotRail et les nouvelles voitures Mark 5 du Caledonian Sleeper, ainsi que certaines Dmu de ScotRail.
Cette nouvelle flotte de HST augmentera de 33% la capacité du réseau Intercity de l’Écosse. Leur rapport poids / puissance élevé permettra de réduire les temps de trajet requis par la spécification de la franchise et de garantir que les fortes pentes dans les hauts plateaux ne posent aucun problème.
Ceci dit…
Tant en régional qu’en grande-ligne, il reste cependant surprenant que ScotRail ne mette pas davantage de voitures sur des trains que de nombreux clients jugent bondés. Les Railjets autrichiens ont au minimum 7 voitures. La plupart des Intercity en Allemagne ou en Italie comptent de 6 à 10 voitures. Étant donné que le gabarit britannique interdit le matériel roulant à double étage, ScotRail, comme toutes les sociétés en Grande-Bretagne, ne peut compter que sur une plus grande longeur des trains et une fréquence plus élevée. L’option des HST à 3 ou 4 voitures est certes économique, mais on aurait pu laisser les rames HST complètes avec 8 voitures. Une haute fréquence signifie aussi des voies suffisantes pour accueillir tous les trains dans les gares de Glasgow et Edimbourg, et une exploitation qui permet à ces trains de quitter rapidement ces grandes gares pour laisser des voies libres aux trains suivants, et ainsi de suite. Dans de nombreuses gares en Europe, certains quais ont une longueur suffisante qui accepte deux rames différentes, comme sur le réseau néerlandais.
Nouveaux trains de nuit
Le train de nuit Londres-Écosse existe depuis… 1873 ! En 1995, peu avant la privatisation, le service des deux trains de nuit avait été transféré à ScotRail, qui relanca le service en 1996 sous le nom de Caledonian Sleeper. En 1997, c’est le nouveau franchisé de ScotRail, National Express, qui reprend l’exploitation, suivi en 2004 de First Group. En 2012, ScotRail annonça que le Caledonian Sleeper ferait l’objet d’une franchise séparée. Le gouvernement écossais de l’époque annonça un investissement massif de 60 millions de £ (76.2 millions € en 2012). En mai 2014, la franchise a été attribuée à Serco, qui s’est engagée à remplacer les voitures Mark 2 et Mark 3 d’ici 2018.
Le groupe Serco est actif dans de multiples branches britanniques dans les secteurs de la santé, de l’immigration, des services aux collectivités et du transport. Elle forme justement avec Abellio une joint-venture 50/50 qui a exploité les franchises Northern Rail (reprise depuis par Arriva) et est toujours active sur le Merseyrail (Liverpool). Le 31 mars 2015, Serco Caledonian Sleepers Limited reprenait l’exploitation de Caledonian Sleeper.
Il y a en réalités deux Caledonian Sleeper, qui desservent deux zones distinctes de l’Écosse. Le premier quitte Londres Euston vers 21h et dessert le nord de l’Écosse en trois branches vers Aberdeen, Inverness et Fort William. Le second train est très tardif puisqu’il quitte Euston à 23h50 avec deux branches qui se séparent à Carlisle : l’une vers Glasgow, l’autre vers Edimbourg. Ces deux trains vont être intégralement renouvelés grâce à un investissement d’un total de 100 millions de £ (110 millions €), couvert par les 60 millions de £ du gouvernement écossais. Cela s’est concrétisé par la commande de 75 voitures chez le constructeur espagnol CAF, au pays basque. Les cinq premières voitures Mark 5 ont été livrées en juillet dernier et sont pour l’instant l’objet de tests sur le réseau britannique. Peter Strachan, le président de Serco-Rail UK, est déterminé à faire des Caledonian Sleepers « le nouveau symbole de l’Écosse. » Les premières rames complètes sont prévues pour mai ou juin 2019.
Une des voitures CAF Mark 5 du nouveau Caledonian Sleeper (photo CAF)
L’intérieur de l’une des voitures-lits (photo CAF)
Prochaines initiatives
Network Rail, le gestionnaire britannique de l’infrastructure ferroviaire, prévoit d’investir 4 milliards de livres sterling dans les chemins de fer écossais entre 2019 et 2024 afin de maintenir et d’améliorer le réseau ferroviaire de la région.
De son côté, en mars dernier, Transport Scotland a publié sa stratégie d’investissement dans les améliorations ferroviaires qui indique comment le financement sera ciblé au cours des 10 prochaines années. La nouvelle majorité écossaise va former une commission de l’infrastructure chargée de conseiller les ministres sur la manière dont les dépenses devraient être orientées de manière à générer un maximum d’avantages économiques. Selon le webzine Public Technology, le challenge consiste « à essayer d’imaginer ce que seront ces défis dans les 20 prochaines années, avec l’arrivée de véhicules autonomes, la manière dont nous pouvons utiliser le numérique pour gérer les systèmes de circulation, le nouveau matériel roulant, les changements de comportement liés à l’utilisation des transports en commun. »
Bien évidemment, le système de franchise est au cœur d’une bataille qui agite toute la politique britannique. Les travaillistes veulent ainsi renationaliser ScotRail comme au bon vieux temps. Ce à quoi répond Alex Hynes, directeur général de ScotRail Alliance : « nous apportons l’une des plus importantes mises à niveau de notre réseau depuis l’époque victorienne. Cela démontre le travail acharné de notre personnel de la ScotRail Alliance, un partenariat entre Abellio, ScotRail et Network Rail. Mais nous n’en restons pas là. L’investissement majeur que nous réalisons maintenant se traduira par des trajets plus rapides, plus de sièges et de meilleurs services pour nos clients.»
On verra si ces bonnes dispositions transformeront le transport ferroviaire de l’Écosse. ScotRail devra prêter une attention forte sur la disponibilité des places en heure de pointe. Une politique de développement durable, qui annonce encore davantage de voyageurs à bord, ne pourra pas faire l’impasse du problème des capacités, tant au niveau infrastructure qu’au niveau des trains.
Karlsruhe est une ville du Bade-Wurtemberg, qui s’est fait connaître par son célèbre tram-train, lequel est fréquemment pris en exemple dans de nombreux cénacles académiques ou politiques. Il est nécessaire d’analyser plus en profondeur les atouts – et les limites – du système tram-train.
Karlsruhe, 300.000 habitants, est située sur le grand axe ferroviaire Francfort-Bâle, tout au nord de la région très touristique de la Forêt-Noire. La ville avait déjà une expérience d’implantation de tram sur une ancienne ligne de chemin de fer. C’est en effet en 1957 qu’est née la Albtal-Verkehrs-Gesellschaft (AVG), laquelle reprend en main une ancienne ligne de la DEBG qui va mener le tram à quitter l’agglomération au sud par étapes successives vers Ettlingen puis Busenbach et enfin Itterbach en 1966. Sur cette ligne, le tram utilise ses propres règles ainsi que le courant continu 750V. Dans les années 70, la ville veut réactiver d’autres voies qui sont encore la propriété de la Deutsche Bahn, avec laquelle d’intenses négociations doivent être entamées, en dépit de l’utilisation faible et exclusivement marchandise de la ligne. C’est que les critères ferroviaires sont obligatoirement d’application lorsqu’on doit emprunter les voies ferrées dites « grand train ». Le 23 décembre 1977 un contrat d’affermage entre DB et AVG est finalement conclu qui autorise l’AVG d’une utilisation partagée de la ligne fret avec la DB jusqu’à Neureut.
C’est finalement de 25 septembre 1992 que le premier vrai tram-train bi-tension du monde devient réalité. Tout va alors très vite avec la multiplication exponentielle du trafic. On parle dès lors du « Karksruher Modell » dont le concept va se répandre dans le monde entier ! Autour de la ville, de prolongations en ouvertures de lignes, on en arrive à un vaste « S-Bahn » version tram dont le réseau couvre actuellement plus de 400 kilomètres, jusqu’au fin fond de la Forêt-Noire allemande. Particularité de ce tram-train : à la gare principale (Karlsruhe Hauptbahnhof), les trams-trains quittent les voies ferrées et se dirigent vers le centre-ville en tant que trams urbains classiques.
Côté technique, il a fallu tout d’abord définir qui certifiait quoi. Les trams relèvent en effet du BOStrab, qui est une ordonnance sur la construction et l’exploitation de tramways et qui énumère les exigences de base et les dispositions relatives à la sécurité de l’exploitation des tramways. Mais quand on emprunte les lignes ferrées de la DB, cela relève de l’EBO, l’organisme qui gère le Règlement de Construction et d’Exploitation ferroviaire. Les deux entités ont ainsi octroyé les permis d’exploitation de tram-train bicourant, 750V DC et 15kV AC.
Un tram-train sur une voie normale électrifiée de la DB. C’est cela le « modèle Karlsruhe » (photo Heiko S via licence flickr)
Lors de la mise en service de la ligne Bretten-Karlsruhe en 1992, le nombre de passagers a doublé en un an, en partie parce que le chemin de fer a laissé dégénérer ses itinéraires régionaux. Mulhouse, Sarrebruck, Kassel et Chemnitz ont repris le « Karlsruher modell.»
Les limites de Karlsruhe
Le système Karlsruhe a dépassé toutes les espérances. Trop même. Avec un schéma régional impliquant quasi toutes les lignes tram-train opérant dans le centre-ville, Karlsruhe avait pratiquement « déplacé » sa gare principale en plein centre-ville, après l’avoir déplacée au sud avant la Première Guerre mondiale. Résultats : en heure de pointe, jusqu’à 144 trams de six lignes différentes convergent vers la place du marché et la célèbre rue commerçante Kaiserstraße. Laquelle se plaint : on n’y voit plus qu’un mur de trams à certaines heures de la journée. Pire : le règlement de l’AVG n’autorise pas les conducteurs à ouvrir les portes en cas d’embouteillage de trams ou d’un tram en panne qui bloque tout. Les passagers doivent patienter à bord juqu’à l’arrivée aux arrêts pendant que sur les côtés, les badauds déambulent gaiement… On notera que c’est le cas de tous les réseaux de tram du monde. Néanmoins, de plaintes en crises de nerf, la Kaiserstraße avait perdu de son charme et les accidents se sont accumulés. Un traitement de choc s’imposait.
Un mur de tram : pas vraiment ce qui était souhaité au départ ! (photo VDE)
Dès 2003, il devient évident que des limites sont atteintes, notamment les samedis, en termes de sécurité et… d’efficacité. Les urbanistes redécouvrent « le charme des kilomètres de tunnels », selon l’ironie du Frankfurter Allgemeine. Ils suggérèrent que le trafic des trams de la Kaiserstraße ainsi que le trafic automobile de la Kriegsstraße soient enfouis en sous-sol, les deux rues devenant totalement piétonnes, sans aucuns véhicules. Cela a abouti à un projet gigantesque au regard d’une ville moyenne : pour un total de 496 millions d’euros, les ingénieurs ont projeté près de 2,4 km de tunnels sous la Kaiserstraße. Il y aurait sept stations souterraines, toutes de couleur blanche et, une fois achevées en 2019, « il est peu probable que leur nuance diffère de la conception d’un magasin d’Apple. » dixit toujours le même journal.
De l’air libre… au souterrain. Ce n’est pas vraiment l’esprit du tram en centre-ville (photo suelzle-stahlpartner.de)
Deux ans après le début de la construction, les tunnels du tramway avaient déjà deux ans de retard. Ré-estimés à 788 millions d’euros en 2016, le projet de construction dépasserait maintenant le milliard d’euros selon ses détracteurs. La mise en service, prévue en 2019, est repoussée à 2020/2021.
Les limites du réseau extérieur
Une des lignes du réseau de Karlsruhe part loin, très loin. Freudenstadt est une petite ville touristique au centre de la Forêt-Noire et se situe à… 82km de la Kaiserstraße ! On peut raisonnablement se demander quels clients font le trajet de bout en bout. Même si on se contente du début de la Forêt-Noire, ce sont tout de même près de 40 à 50 kilomètres à se « farcir en confort tram », soit l’équivalent de Bruxelles-Gand ou Paris-Fontainebleau.
Bien loin de Karlsruhe, ce tram-train en pleine Forêt-Noire va marquer l’arrêt à Husenbach (photo Mediarail.be)
Bien-sûr, avec un tram, l’autorité organisatrice peut ainsi faire du train moins cher bien loin des villes, et les trams de la Forêt-Noire sont surtout là pour maintenir en exploitation des petites lignes moins gourmandes en entretien, en dépit de leur électrification. C’est d’ailleurs un des arguments souvent rencontrés chez les promoteurs du tram-train. Mais justement….
Pourquoi il y a si peu de tram-trains en Europe ?
Il y a d’abord la définition du tram-train, qui s’est élargie selon le degré d’exploitation, au « train-léger ». Les rares exemples de tram-train « à la française », excepté Mulhouse – Thann, sont plutôt catalogués comme « train léger », sans être systématiquement compatibles avec l’exploitation SNCF, par exemple au niveau des passages à niveau. À Nantes, le tram-train n’est rien d’autre que la reprise en main d’une petite ligne locale menant à Châteaubriant.
De manière générale, le véritable tram-train est celui qui roule sur des voies ferrées « lourdes », où circulent d’autres « vrais trains ». En dehors de Karlsruhe, les exemples ne sont pas légion. L’excellent site light-rail.nl a décortiqué toute une série de paramètres indispensables à la bonne mise en marche d’un réseau de tram-train.
> Le prix de la technique
Quoiqu’on en dise, le concept tram-train représente une forme de transport public onéreux et complexe. Le prix s’alourdit si l’emprunt d’une infrastructure ferroviaire lourde requiert une chaîne de traction bicourant et l’adjonction de systèmes de sécurité complémentaires, cas du tram-train de Karlsruhe. On se dirige alors plutôt vers un « train léger », ce qui n’est pas la même chose. Au niveau technique, les tram-trains ont une rigidité de caisse inférieure à celle des véhicules ferroviaires lourds standard et ne répondent donc pas aux exigences de rigidité de l’UIC. La sécurité active du système doit donc être accrue pour atteindre un niveau de sécurité acceptable dans les opérations mixtes sur voies ferrées standard. Par conséquent, des règles spécifiques pour les opérations mixtes doivent être suivies («directives LNT» / directives pour les véhicules de transport en commun rapides et légers). Ces directives ont été publiées en Allemagne après la mise en place du système de Karlsruhe. Elles fixent la vitesse maximale des véhicules tram-train à 90 km / h (ou 100 km / h si des exigences supplémentaires sont remplies).
> Contexte institutionnel
Les projets tram-trains sont compliqués et nécessitent une réglementation forte de haute qualité. Presque tous ces projets couvrent des corridors régionaux qui dépassent souvent le cadre géographique d’une collectivité urbaine ou d’une intercommunale. De manière générale, la construction et l’exploitation d’infrastructures de transport public sont financées par diverses sources. Les sources de financement locales et régionales revêtent une grande importance. Le succès d’un projet tram-train dépend dans une large mesure du degré de compétences juridiques et fonctionnelles des autorités de transport. Or, en matière ferroviaire, certains pays sont plus avancés, comme l’Allemagne ou les Pays-Bas, tandis que dans d’autres, ce sont les chemins de fer nationaux qui mettent leur éventuel véto.
> Les caractéristiques locales
Une culture très avancée du transport public est une condition préalable au succès du tram-train. Sans surprises, les villes disposant déjà d’un réseau de tram urbain sont généralement prédisposées à l’accueillir. À contrario, il est nécessaire de construire une ligne de tram dans le centre-ville, voire de « piétoniser » une ou deux rues de celui-ci. D’autre part, si toutes les villes ont des gares, toutes n’ont pas nécessairement leur grande rue commerçante à proximité, comme à Cologne, Düsseldorf ou Hambourg. Pour qu’un tram-train se justifie, le fossé entre la gare principale et le centre-ville devrait être d’au moins 1.000 à 1.500 mètres, soit une distance de marche d’environ 10 à 20 minutes, comme par exemple Gand ou Liège. En-dessous de cette limite, mieux vaut en rester au transport public traditionnel avec rupture de charge à la gare principale. Par ailleurs, de nombreux centres urbains ont un caractère historique. Ils constituent une source de patrimoine culturel (comme en Italie), lequel pourrait limiter l’utilisation du tram pour des raisons esthétiques compréhensibles. On songe à l’alimentation par caténaire et ses fils qui viennent gâcher l’environnement local. Si la remarque vaut pour un réseau de tram traditionnel, l’option d’un tram-train « bimode » alourdit encore un peu plus la facture des rames, lesquelles sont souvent produites sur mesure.
UNe urbanisation à la fois intelligente, proche du tram-train, mais aussi…de construction durable (illustration)
> Localisation des emplois et des logements
Les services de tram-train dépendent fortement des flux de passagers potentiels au regard des divers types de destinations, de leur localisation ainsi que de leur pertinence, comme les bureaux, les écoles / universités, les magasins et les zones de loisirs. C’est un calcul complexe qui différencie une ville de l’autre, mais la dispersion des lieux publics est néfaste aux transports publics, donc au tram-train. Les villes non-universitaires ont parfois des centres moins attractifs. Le succès d’un réseau tram-train dépend aussi dans une large mesure des flux importants- ou non – vers le centre-ville. L’attractivité du centre-ville est prépondérante, mais l’inverse se produit aussi. Ainsi, bien que difficilement vérifiable, on estime qu’à Karlsruhe, le tram-train a pu également avoir une influence positive sur le développement du centre-ville. Environ 300 nouveaux magasins ont ouvert dans le centre-ville entre 2003 et 2006.
> L’urbanisation régionale
L’environnement régional compte aussi pour beaucoup. Il ne peut pas être un désert comme du côté de Reims, Amiens ou autour de nombreuses villes d’Espagne. À Karlsruhe, la politique d’urbanisme et de maîtrise du territoire s’inscrit justement autour des lignes du tram-train, voire d’un projet d’extension future du réseau. Vient alors la délicate question de la densité idéale des zones périurbaines pour exploiter un tram-train. Le système tram-train est système hybride situé entre le bus et le train régional. Étant donné que ces véhicules circulent dans les rues du centre-ville, leur capacité est limitée. Certains experts estiment alors que la densité de population doit « coller » avec la capacité suffisante du tram-train pour satisfaire la demande. Si la densité est trop faible, un système tram-train serait alors inapproprié, comme on l’a constaté sur Nantes-Chateaubriant. Il va de soi qu’un tel critère demande un très haut degré de coordination, voire de planification, qui ne se rencontre quasi nulle part. En général, l’immobilier construit ses projets et c’est aux opérateurs à adapter les fréquences…
> L’attractivité tarifaire
La billetterie est aussi un argument souvent évoqué pour la promotion du tram-train. En effet, le tram-train, c’est le même opérateur en ville qu’à l’extérieur, ce qui simplifierait les choses. Mais l’argument ne tient plus dès l’instant où existe déjà une intégration tarifaire, comme aux Pays-Bas avec l’OV-chipkaart, valable chez tous les transporteurs, qu’ils soient tram-train ou pas. L’attractivité tarifaire est évidemment fonction des circonstances locales. Elle se décline souvent par zones, la « zone 1 » étant le centre-ville. Ces schémas se retrouvent aujourd’hui dans tous les transports publics et le tram-train n’apporte rien de plus si ce n’est l’absence de rupture de charge, ce qui n’a pas grand-chose à voir avec la billetterie.
Au-delà de Karlsruhe
Il y a eu un moment de grands espoirs, fin des années 90, début 2000, pour faire prospérer le système tram-train. Nous ne les citerons que pour mémoire. En France, les spécificités françaises du tram-train sont dues à la confrontation de deux cultures : celle de la SNCF et celle des transports urbains, qui ne relèvent pas du même monde. On a donc vu, de Nantes à Paris, l’adoption de solutions qui se rapprochent davantage du train léger ou, carrément, du tram de 2,65m de large en site propre, parfois sur des tronçons ex-SNCF où l’exploitation ferroviaire est de toute manière proscrite. Ça simplifie les choses… et le chacun chez soi.
L’exception est le tram-train de Sarreguemines-Sarrebrück. Inaugurée en octobre 1997, la ligne utilise 5 kilomètres de portions urbaines de type tramway, ainsi que 13 kilomètres du réseau ferré DB, pour terminer par une très courte incursion en France à la gare de Sarreguemines. À Mulhouse, le service de tram-train utilise 12 rames Siemens Avanto de 36,68 m de long. Ces unités ont été financées et appartiennent conjointement à la région Alsace et à la MAA. Les chauffeurs viennent de la SNCF (75%) et de Soléa (25%). La ligne relève de la responsabilité de Soléa jusqu’à Lutterbach, la SNCF reprenant la responsabilité jusqu’à Thann et Kruth. La mixité n’existe que par le (très léger) trafic fret.
En gare de Cernay, croisement entre le tram-train 18 et la 60111 de la SNCF qui dessert une usine chimique (août 2016, photo David Schangel via license flickr)
En Grande-Bretagne, le tramway de Croydon ne doit pas faire illusion : c’est un « pur tram » en site propre, avec un mélange comprenant des voiries partagées, des sites propres et des voies remplaçant d’anciennes lignes de chemin de fer déclassées. Pas de mixité avec les trains lourds. À Genève, on a tenté le coup aussi, avec cinq automotrices Bem550 se rapprochant plus de l’autorail que du tram. Là ce fût inversement du pur ferroviaire, sans desserte du centre-ville. Toutes les rames sont parties à la casse en 2014 et le Léman-Express, le RER genevois, sera opéré par des trains « lourds » en bonne et due forme.
Aux Pays-Bas, une brève expérience eut aussi lieu dans la Randstad, semblable à celle de Genève. Un trafic de style tram fût initié de 2003 à 2009 sur la ligne ferroviaire Gouda – Alphen aan den Rijn, mais devait aussi s’étendre bien au-delà. L’incertitude concernant l’aide financière du gouvernement central a retardé puis finalement conduit à l’annulation du projet. Depuis 2011, un nouveau projet purement ferroviaire a abouti à la création d’un RER avec en pointe 4 trains par heure, généralement des rames Stadler Flirt 3.
C’est surtout en Allemagne, grâce au contexte politique et législatif favorable, que l’on trouve le plus d’exemples. Des projets de deuxième génération tels que Kassel, Nordhausen, Chemnitz ou Zwickau ont apporté une innovation sérieuse à tram-train en adaptant et en élargissant l’idée originale de Karlsruhe. Le Citybahn de Chemnitz a démontré une symbiose intelligente entre les opérations de trains légers électriques et de trains lourds diesel au sein d’une même société d’exploitation. À Kassel depuis 2007, des trams-trains bi-mode, électriques / diesel, circulent entre le centre-ville et plusieurs lignes régionales. Certaines portions du réseau sont « mixées » avec le trafic lourd de la DB. Ces trams-trains sont du type Alstom RegioCitadis classés E/D, et sont exploités sur la ligne Kassel-Wolfhagen.
Les Citadis « diesel » d’Alstom permettent de parcourir la section non-électrifiée vers Wolfhagen (photo wikipedia)
Conclusions
Le modèle Karlsruhe reste un cas typique sans reproduction ailleurs avec une telle ampleur. Le nombre de cas mis en œuvre est limité et les projets qui sont allés plus loin que l’étude de faisabilité initiale se sont souvent développés dans une autre direction. Même en Allemagne, avec des structures réglementaires et politiques très favorables, les progrès ont été beaucoup plus lents que prévu.
Même si l’idée d’offrir un transport sans couture vers les centres-villes demeure l’objectif de haut niveau d’un transport public, les projets ne doivent pas être traités de manière trop dogmatique consistant à éviter toute rupture de charge. Car tout a un coût. La conception du matériel roulant est une caractéristique importante. Malgré toutes les exigences techniques supplémentaires d’un véhicule tram-train, il ne sera pas acceptable de conduire un « vilain petit canard » aux côtés de tramways « normaux ». C’est certainement l’un des problèmes qui a surgi en France, où la plupart des systèmes ont été développés à partir d’une feuille blanche, la SNCF souhaitant faire main basse sur un concept qui était plus du ressort de la RATP.
On ne peut pas supposer que l’utilisation de deux infrastructures existantes entraîne automatiquement une combinaison peu coûteuse des deux. Là est l’erreur des politiciens et des « experts de la com ‘ ». Les principaux facteurs de coût concernent les installations régionales d’électrification, de sécurité et de détection, des liaisons physiques d’infrastructures de chemin de fer et de tramway (souvent en plein ville – manque de place), voire la création d’infrastructure de tramway et les adaptations nécessaires des réseaux existants, ce qui peut coûter cher dans les centres-villes.
Aurons-nous de nouvelles versions de tram-train avec les évolutions technologiques des batteries, voire de l’hydrogène ? On ne peut que le souhaiter…
Une image du futur préfigurant l’avenir ? Tout dépend des coûts et de la motorisation (tram-train de Kassel, photo Werner Wilmes via license flickr)
15/10/2018 – Par Frédéric de Kemmeter – Signalisation ferroviaire et rédacteur freelance Inscrivez-vous au blog
Il faut innover, alors cherchons le design des trains de demain. Chaque année, la société ferroviaire publique néerlandaise transporte 373 millions de voyageurs et elle souhaite leur offrir un temps de trajet plus agréable pour travailler, lire ou discuter. Le train du futur doit offrir de manière optimale toutes ces différentes activités. Cela rend le temps de trajet plus attrayant.
L’entreprise NS, le cabinet d’architecture Mecanoo et le concepteur de projet Gispen ont présenté à l ’Innovation Expo de Rotterdam’ une maquette et les premières esquisses de ce qui devrait être le train de voyageur de demain. Les cabinet Gispen et Mecanoo sont tous deux centrés sur l’aménagement des espaces publics tels que les musées, les bibliothèques, les écoles et les bureaux. Les expériences de Mecanoo, de Gispen et de NS se rejoignent donc dans ce concept de train innovant qui fait du voyage en train une toute nouvelle expérience.
(photo Mecanoo / Gispen)
Nouveaux espaces « Les voyages en train méritent le même soin et la même attention que dans les espaces publics », déclarent d’emblée les designers. Le nouveau design laisse davantage de place aux voyageurs, mais se caractérise surtout par de nouveaux intérieurs. Les rames comportent différentes zones classées en fonction des activités des passagers, ce qui est une nouveauté, mais quid de la foule en heure de pointe ?
« Nous avons examiné toutes les conceptions de train jusqu’à maintenant, d’il y a cent ans jusqu’à aujourd’hui », déclare Sarah Schiffer, responsable de conception chez Gispen. Les nouveaux trains doivent faire en sorte que le temps de trajet devienne plus agréable. En outre, ils doivent fournir jusqu’à 20% de sièges supplémentaires. « Nous avons constaté que ces dernières années, l’accent a été mis principalement sur la capacité, et pas sur le confort. Cela fait également partie de la question, mais nous avons examiné l’expérience voyage. » Qui est l’une des grandes modes actuelles…
Etude des différents éléments des espaces (photo Mecanoo)
Disons-le aussi : toutes ces idées présentées à cette page ne seront pas mises en œuvre dans le train. Dans les années à venir, il faudra approfondir et évaluer ce qui fonctionne et ce qui n’est pas possible de faire. « Nous allons sortir les meilleures idées », relate un porte-parole de la NS. L’entreprise publique néerlandaise sait néanmoins que le voyageur veut maintenant quelque chose de différent par rapport à hier. Il ne suffit plus d’être amené fonctionnellement de A vers B. Le confort devient de plus en plus important. Mais le train doit aussi être plus durable et il faut plus de variation dans les espaces. « Le matin, vous voulez être dans le compartiment du silence, mais le soir, vous voudrez peut-être vous asseoir dans un coin avec vos amis », poursuit le porte-parole.
Les NS présentent depuis longtemps des plans de conception comme ceux exposés cette semaine. Un énième avatar ? Certains plans ne vont certes pas au-delà de la planche à dessin, mais d’autres idées sont réellement mises en œuvre. Ainsi en va-t-il des automotrices Sprinter rénovées, où il y aura des toilettes plus spacieuses et plus faciles d’accès pour les PMR. Dans le voitures double-étages renouvelées, un espace a également été créé avec un canapé, dans le style salon. ?
Trois domaines de voyage L’objectif du nouveau design est donc de créer plus d’espace, mais aussi de répondre aux besoins des voyageurs : les gens veulent-ils regarder le paysage pendant leur voyage ou travailler ? Pour répondre à ces questions, NS a enquêté, en collaboration avec Mecanoo et Gispen sur les besoins des voyageurs en train. Les voyageurs désignent six catégories d’activités qu’ils aimeraient pratiquer dans le train. Certaines activités nécessitent de la concentration, telles que travailler et étudier ou se détendre, telles que lire, regarder un film ou jouer à un jeu. En outre, un groupe de voyageurs a également besoin d’activités sociales telles que téléphoner, voyager ensemble. Sur la base de ces trois groupes de besoins passagers, douze modules intérieurs flexibles ont été conçus.
Arne Lijbers, architecte associé chez Mecanoo : « Le train du futur sera un environnement dynamique et ouvert, permettant toutes sortes d’activités pour les passagers. Le train n’est pas simplement un tube dans lequel vous voyagez de A à B. C’est un endroit confortable où vous vous sentirez comme à la maison et où vous pourrez pratiquer diverses activités à bord. »
Les trois zones principales sont la zone de relaxation, la zone de concentration et la zone sociale. Ces zones ont chacune leur place spécifique dans le train. Si les gens ne sont que dans le train pendant une courte période, il est logique qu’ils n’aient pas besoin d’aller trop loin pour voyager confortablement. Les navetteurs qui prennent le train plus longtemps peuvent pénétrer plus profondément dans le train pour s’installer dans les espaces où les gens peuvent travailler tranquillement ou regarder leur série préférée.
L’espace social (photo Mecanoo / Gispen)
« La zone sociale est l’endroit où les gens entrent. Maintenant, c’est une salle nue, ça n’a pas l’air très accueillant. Nous avons commencé à chercher : qu’est-ce qui facilite cet espace ? Souvent, les gens sont ici parce qu’ils ne sont dans le train que pendant une courte période ou qu’ils sont debout avec une grosse valise. » Cet espace est donc une combinaison de ‘debout/assis’. C’est une sorte de coussins saillants qui sont fixés au mur. Ceux-ci peuvent déjà être trouvés dans les Sprinters Flirt (Stadler).
La deuxième zone est la zone de relaxation. Sarah Schiffer : « Dans cet espace, les voyageurs peuvent lire un livre ou envoyer un e-mail. » Ces espaces sont équipés de chaises et de tables plus hautes. Cela permet de réduire l’espace entre les sièges et d’augmenter la capacité. Il y a aussi une sorte de table de bar au mur avec des tabourets de bar. La table de bar est montée sous les fenêtres. « Ici, les voyageurs peuvent simplement ouvrir leur ordinateur portable ou regarder à l’extérieur. »
Espace détente/travail et pour voyage un peu plus long (photo Mecanoo / Gispen)
Enfin, il y a la zone de ‘concentration’. « Il est destiné aux personnes qui prennent plus de temps dans le train. Ici, les voyageurs peuvent travailler et avoir plus d’intimité ». Dans cette salle, les personnes peuvent s’asseoir seules, mais quand il y a beaucoup de monde dans le train, deux personnes peuvent être ajoutées à chaque banquette. « Si la première personne bouge un peu, il peut y avoir une deuxième personne à côté. Ce n’est peut-être pas très confortable, mais c’est déjà mieux que de rester debout. » Cela permet à six personnes de s’asseoir dans la même pièce où deux personnes peuvent normalement s’asseoir.
Une originalité : des ‘banquettes’ avec strapontins (en jaune), pour s’asseoir en cas d’affluence (photo Mecanoo / Gispen)
Contrairement à ce que laisserait suggérer les photos, la capacité totale serait d’environ 10 à 20% plus élevée qu’avec les trains actuels. « Mais cela ne signifie pas que tout le monde a un siège. »
En effet, le confort d’un train ne se limite pas au design, mais au civisme des voyageurs. Or, là, on voit parfois des attitudes qui ne vous donnent plus envie de prendre le train, fusse-t-il le plus beau…
(photo Mecanoo / Gispen)
Les designers y ont pensé : « Au cours de l’enquête, nous avons reçu une plainte de quelqu’un qui pensait qu’un autre voyageur tapait trop fort dans le compartiment des silences », relate Joost van der Made, responsable du projet. « Nous avons réfléchis : qu’est-ce qui est vraiment silencieux ? Ce mot a une signification différente pour chaque voyageur. Que pouvons-nous faire pour faciliter cela ? » Rappelons que certains trains hollandais disposent déjà d’une voiture dotée d’une zone dite ‘silence’, plus ou moins correctement bien respectée sauf les soirs de match de foot…
Durabilité La durabilité est intégrée dans le concept. C’est un aspect important lors de la conception du nouvel intérieur. « Chez Gispen, nos produits sont toujours ‘circulaires’. Cette conception est modulaire. Cela rend plus évident de donner une seconde vie aux composants.Avec le développement de produits circulaires, nous prolongeons la durée de vie et évitons le gaspillage. Dans les trains en particulier, il est primordial de garantir des vies multiples et la réutilisation des matériaux. » explique Rick Veenendaal, responsable de l’économie circulaire chez Gispen.
Mais la durabilité n’est pas que l’usage des matériaux. « Le train est un moyen de transport plus écologique que la voiture. » Ainsi, lorsque les employeurs doivent choisir entre une voiture de leasing ou une carte de transport public, le choix d’une carte à puce OV a été simplifié pour les entreprises.
Ces concepts peuvent s’appliquer pleinement à un nouveau train, mais aussi partiellement à de vieux trains. Aucune date concrète n’est encore connue pour le passage à la réalité. « En principe, tout l’intérieur est conforme à la réglementation, mais tout doit d’abord être testé. »
En 2021, il y aura l’arrivée des premières des 79 rames Intercités d’Alstom. Bien que les trains aient déjà été commandés, des ajustements peuvent encore être apportés aux intérieurs, précise l’entreprise publique NS. Il n’est donc pas du tout improbable qu’il y ait des chaises hautes ou des bureaux à bord. « Bien sûr, nous en discuterons avec les organisations de voyageurs, le gouvernement et d’autres parties prenantes. » On est impatient de voir ca…
Design d’une voiture à deux niveaux (photo Mecanoo / Gispen)
Une page consacrée à l’environnement urbain, la mobilité verte, aux nouvelles mobilités urbaines et aux technologies du transport urbain.
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