Bade-Wurtemberg : péripéties et défis de l’appel d’offre régional

Les nouvelles rames Stadler Flirt ont eu du mal au démarrage, mais cela s’est arrangé

Un des Land les plus offensifs en matière de concessions ferroviaires régionales a eu plusieurs problèmes de qualité ces deux dernières années. Des trains supprimés, un manque de conducteurs, des retards de livraisons du matériel roulant, certains prestataires ont failli. Des failles dans le modèle allemand ? A voir. Dernièrement, c’est DB Regio qui se fait sortir pour d’important manquements sur une de ses concessions.

Le ministre régional des Transports du Bade-Wurtemberg, Winfried Hermann (Ecolo), peut souffler. Les concessions ont enfin atteint un niveau de service acceptable. Annulations de trains, blocage de portes, absences du personnel et manque de place assises ont rendu les années 2019 et début 2020 catastrophiques. À tel point qu’un questionnement plus général faisait jour à propos du modèle allemand de concession des services régionaux.

L’investissement ferroviaire du Land est colossal et les résultats prometteurs : en 2011, il y avait 65 millions de trains-kilomètres, en 2021, le Land en gère désormais près de 80 millions, dont 46% sont exploités par des prestataires privés. Les trois principaux acteurs sur les concessions régionales sont DB Regio, Abellio et le britannique Go Ahead. Contrairement à d’autres Lander, le Bade-Wurtemberg préfère acheter lui-même ses trains pour les louer ensuite aux opérateurs. Une option dictée pour l’expérience du passé quand, selon le ministre vert, « le Bade-Wurtemberg était le dépotoir du matériel roulant de la Deutsche Bahn » (sic). Propos probablement surdimensionnés pour justifier la politique du Land. Exit donc « les vieilles carrosseries » (entre-temps la DB a aligné tout de même du bon matériel), et place à 355 rames toutes neuves, dont 300 seraient actuellement livrées… et exploitables. Ce ne fut pas de tout repos, loin s’en faut. Stadler et Bombardier ont accumulé de gros retards dans les livraisons et le matériel livré ne fut pas toujours exempt de défauts. Pour une commande globale qui atteint les deux milliards d’euros, il y avait de quoi se taper la tête contre le mur. Et pour pallier au manque de conducteurs, le ministère des Transports du Land a riposté avec un «pool de conducteurs de train» de 50 personnes qui sera opérationnel jusqu’en 2025 au moins. Au final, le Bade-Württemberg ne va-t-il pas finir par créer son propre chemin de fer, pour faire plus simple ?

Mais au-delà du matériel roulant, il y a le service des trains. C’est ce qui touche bien-sûr le plus les… voyageurs/électeurs du Land. Un service qui peut coûter cher en compensations : de juin 2019 à janvier 2020, près 17.500 personnes avaient reçu une compensation, coûtant au Land près de 17,5 millions d’euros. Mais ce 1er mars 2021, Winfried Hermann déclarait « que nous sommes sur la bonne voie. » Il faut dire qu’en cette année d’élections en Allemagne, l’heure est au bilan. Le taux de ponctualité, entaché par des travaux d’infrastructure de DB Netz pas toujours en lien avec les demandes du Land, semble avoir rebondit pour atteindre 94%. Mais n’est-ce pas du aussi au Covid19 et à moins de monde sur les quais ?

Mais quand le service n’est pas bon, il faut en tirer des conclusions et on annule le contrat ! C’est ce qui vient d’arriver à… DB Regio, sur la liaison transfrontalière entre Singen et Schaffhouse, en Suisse. Ce n’est pas un gros trafic, mais tout de même, cela fait tâche. La concession devait se terminer en 2023, elle s’arrête cette année. En cause : une performance du service ferroviaire fortement critiquée en raison de l’annulation des services et du manque de places assises. La DB n’alignait qu’un nombre minimal d’automotrices BR426 à deux caisses et les faisait entretenir… à 150 kilomètres de Singen, autrement dit à Stuttgart, ajoutant ainsi de très longs trajets à vides. Certains jours, ces mini-trains pour écoliers n’arrivaient pas au rendez-vous du matin. Insoutenable pour un ministre écolo qui vante le transport public et la distanciation sociale dès le plus jeune âge…

De la théorie à la pratique. Ou comment rendre les jeunes futurs électeurs confiants dans les transports publics… (photo Sabine Tesche / Südkurier)

Un nouvel appel d’offres sera lancé par le Bade-Wurtemberg en coopération avec l’autorité des transports du canton suisse de Schaffhouse. « Ce n’est pas une décision contre la Deutsche Bahn (DB) et certainement pas contre le personnel d’exploitation, mais c’est contre le concept d’exploitation et de maintenance. Dans le nouvel appel d’offres, ce ne sera pas seulement le soumissionnaire le moins cher, mais aussi le soumissionnaire avec le meilleur concept global qui l’emportera », déclare Winfried Hermann. « Nous aimerions nous concentrer spécifiquement sur chaque aspect du concept opérationnel. La ligne Singen – Schaffhausen en sera le pilote. L’expérience a montré que des ajustements supposés mineurs peuvent avoir un impact important sur la qualité globale. » Ce qui suppose une bonne expertise ferroviaire au sein de l’administration du Land.

DB Regio va maintenant être scanné sous toutes les coutures. En décembre de 2020, elle a lancé ses Mireo Siemens sur sa nouvelle concession du S-Bahn Rhein-Neckar. On va voir ce qu’on va voir, dit-on à Stuttgart. Comme il se doit, ce n’est plus la DB mais la Landesanstalt Eisenbahnfahrzeuge Baden-Württemberg (SFBW) qui est propriétaire des 57 rames BR463 (un investissement de 270 millions d’euros) et qui les loue à DB Regio pour les 14 ans du contrat qui porte sur six millions de trains-kilomètres annuels. 

Les nouvelles rames Mireo, propriété du Bade-Wurtemberg (photo Siemens)

Ces trains roulent sur le S-Bahn S5 / S51 Heidelberg – Eppingen / Aglasterhausen S-Bahn, sur le nouveau S9 Groß – Rohrheim – Mannheim – Schwetzingen – Karlsruhe, et à partir de décembre 2021, ils rouleront également sur l’ensemble de la S6 Bensheim – Weinheim – Mannheim – Mayence.

Bon bulletin ? On verra la suite des événements et surtout l’après-élections. Mais cette petite chronique permet de donner un petit aperçu de toutes les facettes du service ferroviaire régional « à contrat », ou libéralisé c’est comme on veut. Du moment que cette politique puisse aider le train à trouver sa place dans le quotidien des citoyens, c’est toujours cela de gagné…

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La semaine de Rail Europe News – Newsletter 019

Du 27 janvier au 02 février 2021

L’actualité ferroviaire de ces 7 derniers jours.

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Politique des transports

EuropePays-Bas – Consultation du marché pour le libre accès sur les lignes internationales – Le gouvernement néerlandais entreprend une exploration du marché sur les possibilités d’open access sur les liaisons ferroviaires internationales à destination et en provenance des Pays-Bas. Les transporteurs nationaux et internationaux sont invités à manifester leur intérêt pour la mise en place de services ferroviaires internationaux et à apporter des idées sur les opportunités et les défis des liaisons internationales au cours du semestre à venir. Au cours des six prochains mois, un consortium de Berenschot, Arcadis et TÜV Rheinland mènera des recherches pour le compte du ministère de l’Infrastructure et de la Gestion de l’eau sur la fourniture concurrentielle de services ferroviaires internationaux. «Nous recherchons des opérateurs intéressés par la création de la future offre ferroviaire internationale. Nous aimerions entrer en contact avec des parties qui se reconnaissent dans ce domaine,» a expliqué Kaj Mook, du bureau Berenschot. Les néerlandais veulent ainsi faire bonne figure après avoir opté pour un réseau intérieur en quasi monopole à l’entreprise historique NS.
>>> Railtech.com – The Netherlands starts market consultation for open access on international lines

Trafic grande ligne

RegioJet-SplitTchéquie/Croatie – Regiojet prolongera son train de nuit vers Split – RegioJet, l’opérateur privé tchèque, assurera à nouveau une liaison ferroviaire avec la Croatie cet été. Le premier train devrait démarrer le vendredi 28 mai 2021 et empruntera un nouveau trajet : Prague – Brno – Bratislava – Budapest – Zagreb – Rijeka. Surprise : ce train aurait une branche jusqu’à Split, l’autre grande ville côtière croate. RegioJet commence la pré-réservation des billets dès ce mois-ci. Les trains rouleront 3 fois par semaine en juin et septembre et tous les jours en juillet et août. Au total, les rames comporteront 15 voitures offrant 650 places. Le service RegioJet sera disponible dans le train, y compris le petit-déjeuner inclus dans le prix du billet, la connexion Internet, la possibilité de réserver un compartiment entier pour quatre personnes pour le prix de trois, le transport de vélos et d’autres services que RegioJet offrait déjà l’année dernière. L’opérateur privé peut se targuer d’un très beau succès l’été dernier, entre deux lockdown. Près de 60.000 clients s’étaient rués sur les trains couchettes jaunes, à tel point que le service prévu à l’origine 3 fois semaine avait du passer à une liaison quotidienne.
>>> RegioJet press room – RegioJet vypraví v létě opět vlaky do Chorvatska. Pojedou do Rijeky a nově také do Splitu. Návazné autobusy pak napojí celé jadranské pobřeží
>>> Voir aussi : Succès incontestable pour le train de nuit privé Prague-Rijeka.

RegioJet-SplitEspagne – Ouverture de la ligne à grande vitesse Monteforte del Cid – Orihuela – La pandémie n’arrête pas le renouveau de l’infrastructure à grande vitesse. L’Espagne a inauguré lundi dernier un nouveau tronçon à grande vitesse à double voie de 38,3 km entre Montforte del Cid et Orihuela, lors d’une cérémonie en présence du Premier ministre Pedro Sánchez à la gare Miguel Hernandez d’Orihuela. La nouvelle ligne à double voie bifurque de la ligne à grande vitesse Madrid – Alicante à Monforte del Cid et possède une gare intermédiaire à Elche. La ligne est électrifiée à 25kV 50Hz et équipée de l’ETCS Niveau 2 et du contrôle et de la protection des trains Asfa, et permet une vitesse nominale de 350 km/h. Cette ligne est la première phase d’une ligne à grande vitesse vers Almeria. La construction est actuellement en cours sur une section supplémentaire de 23,6 km d’Orihuela à Murcie.
>>> International Railway Journal – Monteforte del Cid – Orihuela high-speed line opens

Trafic régional

MetransAllemagne – Le Bade-Wurtemberg finance des études de faisabilité pour la réactivation de lignes désaffectées – Le Land de Bade-Wurtemberg soutiendra des études de faisabilité pour la réactivation de lignes ferroviaires désaffectées, a annoncé lundi le ministre écolo des Transports Winfried Hermann. Ces études de faisabilité ont pour mission d’examiner plus en profondeur le potentiel des passagers, ainsi que de déterminer les dépenses d’investissement et d’exploitation attendues. Dans une étude comparative commandée par le ministère des Transports, un total de 42 itinéraires dans le Bade-Wurtemberg ont été examinés. Un potentiel de passagers pertinent a été certifié sur plus de 30 liaisons. Afin de progresser le plus rapidement possible dans la planification des itinéraires potentiellement utiles, le Land soutiendra des études de faisabilité qualifiées. À cette fin, le ministère des transports a publié de nouveaux principes de financement qui permettront aux autorités locales de franchir plus facilement l’étape importante de la réactivation d’une ligne de chemin de fer.
>>> Lok Report – Baden-Württemberg: Land fördert Machbarkeitsstudien für Reaktivierung stillgelegter Bahnstrecken

Trafic fret

MetransAllemagne/Tchéquie – Metrans équipe sa flotte de wagons de freins composites – Il y a des éléments déclencheurs. Depuis que le gouvernement allemand a imposé les freins silencieux à tout wagon de marchandise circulant sur le territoire national, c’est le branle-bas de combat chez les opérateurs. Metrans s’est ainsi vue obligée de moderniser l’ensemble de sa flotte de 3000 wagons porte-conteneurs avec des freins «silencieux». Outre leur rééquipement avec des semelles de frein composites, Metrans s’est procuré des wagons du constructeur slovaque Tatravagonka, plus légers de 4 tonnes que les wagons produits jusqu’ici. Cela signifie qu’ils ont une résistance au roulement plus faible et nécessitent donc moins d’énergie tant durant le transport qu’au freinage. Cette politique anti-bruit, longtemps réclamée par tous les riverains du rail en Europe, est aussi d’application en Suisse depuis juillet 2020 et est en préparation (législative) aux Pays-Bas, en Autriche et en Hongrie. Cela implique que les autres pays devront suivre…
>>> Railfreight.com – Metrans equips wagon fleet with composite brakes
>>> À propos de Metrans : quand Hambourg dispose de sa propre entreprise ferroviaire en hinterland

Captrain-EspañaFrance/Espagne – Premier train du sucre entre l’Europe et l’Espagne – Les opérateurs ferroviaires Captrain España et Fret SNCF, tous deux du groupe SNCF, ont lancé le premier train sucrier entre l’Europe et l’Espagne actuellement en service. Il s’agit d’une liaison hebdomadaire entre le nord de la France et la zone centrale de la péninsule ibérique pour le compte de la société sucrière française Cristalco. Le convoi de 1300 tonnes brutes se compose de 17 wagons dont le sucre est transporté par conteneurs spécifiques pour produits alimentaires, de la société française Combipass. Il transite par Hendaye avec la traction SNCF côté France et Captrain España côté espagnol. Ce transport hebdomadaire évite jusqu’à 3 600 camions par an entre les deux pays.
>>> El Mercantil – Captrain España estrena el primer tren de azúcar entre Europa y España

Entreprises

MetransFrance/Europe – Alstom donne naissance du numéro deux mondial de la construction ferroviaire – Il va falloir s’y faire : Bombardier Rail n’est plus, du moins en Europe. Avec le rachat de Bombardier Transport, officialisé le 29 janvier dernier, Alstom devient le numéro deux mondial du secteur de la construction de matériel ferroviaire derrière le groupe chinois CRRC. Dorénavant, le groupe pèsera 15,7 milliards d’euros de chiffre d’affaires, avec un carnet de commandes atteignant les 71,1 milliards donnant du travail à 75.000 personnes dans 70 pays. Le siège mondial du groupe ne bougera pas, restant à Saint-Ouen, près de Paris. Une transaction bien différente de la précédente, qui échoua. « En 2019, c’est Siemens qui avait l’ascendant, alors que là c’est clairement Alstom », remarque François Guénard, consultant chez Roland Berger. En France, Alstom va employer environ 11.500 personnes et récupère la plus grosse usine ferroviaire du pays, à Crespin, près de Valenciennes.
>>> L’Antenne.com – Alstom : naissance du numéro deux mondial de la construction ferroviaire

Technologies

MetransAllemagne – Approbation du système de transport Maglev Bögl (TSB) – Tüv Nord AG est une importante société de certifications dans le domaine industriel, travaillant dans 70 pays et basée à Hanovre, en Allemagne. Elle vient de classer la technologie de contrôle des opérations du train à lévitation magnétique de Bögl comme « sûre ». Les ingénieurs ferroviaires de Tüv Nord ont évalué les spécifications de base de la technologie à sustenstation agnétique de Bögl ainsi que l’analyse des risques. Les mesures d’émission sonore ainsi que l’évaluation du concept d’évacuation et de sauvetage d’urgence ont également été examinées par les experts de Tüv Nord. En outre, des expertises sur d’autres domaines de spécialisation tels que la protection incendie, la sécurité au travail et la commande de portes sont au programme. Cela signifie une grande avancée pour le groupe bavarois. Rappelons que le groupe Bögl, qui avait participé jadis à la partie infrastructure du fameux Transrapid allemand, est le seul à avoir poursuivit les études et produit un nouvel engin, plus léger et moins orienté « grande vitesse ».
>>> Internationales Verkehrswesen.de – Tüv Nord-Gutachten: Betriebsleittechnik der TSB-Magnetbahn ist sicher
>>> Voir aussi notre dossier spécial sur l’engin Bögl, exporté vers la Chine

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Où en est le projet de Stuttgart 21 ?

29/10/2020 – Par Frédéric de Kemmeter – Signalisation ferroviaire et rédacteur freelance
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On l’a un peu oublié, ce projet. Stuttgart 21 est un projet ferroviaire et urbain visant à réagencer totalement le nœud ferroviaire de Stuttgart, et qui se poursuit par la ligne nouvelle Wendlingen–Ulm.

Stuttgart, 630.000 habitants, est la sixième ville d’Allemagne de même que la capitale du Bade-Wurtemberg, le deuxième Land le plus riche du pays. En 2007, l’ancien bourgmestre avait présenté Stuttgart aux investisseurs étrangers comme « la puissance créatrice de l’Allemagne ». La ville a dévoilé un nouveau logo et un slogan se décrivant comme ‘Das neue Herz Europas‘ («Le nouveau cœur de l’Europe»). Actuellement, la mairie est aux mains d’une alliance « verte » Bündnis 90 / Die Grünen.

Au niveau ferroviaire, la ville est située sur un axe majeur reliant Mannheim à Munich, mais se trouve en revanche à l’écart du grand flux rhénan Cologne-Bâle. Malgré une ligne la reliant à Zürich via Singen, on peut dire que Stuttgart n’est pas traversée par de grands flux internationaux comme l’est sa voisine Karlsruhe. La gare principale est en cul-de-sac, ce qui est toujours handicapant pour l’exploitation.

Le projet Stuttgart 21, lancé en 1995, est un chantier colossal visant à transformer la gare de Stuttgart en une gare souterraine traversante, ce qui permettrait de dégager une centaine d’hectares en centre-ville pour y construire des logements et de faire transiter beaucoup plus de trains qu’actuellement. Le projet vise à reconstruire une gare souterraine de 8 voies où convergent 3 lignes en tunnel reliant trois points extérieurs de la ville dont l’aéroport et le centre d’exposition voisin. Le coût très élevé du projet est devenu petit à petit le « Notre-Dame-des-Landes » allemand avec les désaccords entre politiciens et l’opposition du public qui s’enflamma quand il fallu abattre par exemple, des arbres centenaires du parc Schlossgarten. Le projet devint la nouvelle tête de turc des partis écologistes et anti-capitalistes mais en décembre 2011, Stuttgart 21 obtenait néanmoins le feu vert au travers d’un référendum recueillant 58,8% de votes favorables, mais la facture gonflait peu à peu pour arriver en 2013 à 7 milliards d’euros. Les élus verts du Bade-Wurtemberg, opposés au projet, ont dû «à contre cœur se résoudre au verdict des urnes, » ce qui engageait le Land dans le financement des travaux.

Actuellement, le projet financé par la DB, le gouvernement fédéral allemand, l’Union européenne, le Land de Bade-Wurtemberg, la ville de Stuttgart, l’aéroport de Stuttgart et le VVS, est estimé à 8,2 milliards d’euros. Prévu initialement pour 2020, l’ensemble ne devrait être délivré que pour 2024, voire même 2025 selon certaines sources.

Deux projets doivent être distingués à Stuttgart, tous deux gérés par la DB Project Stuttgart-Ulm :

  • D’une part le projet Stuttgart 21 susmentionné, qui concerne la ville et sa région englobant l’aéroport;
  • D’autre part sa prolongation sous forme d’une ligne nouvelle de entre l’aéroport et Ulm, budgétée à 3,7 milliards d’euros.

Le projet Stuttgart 21 est représenté sur la carte ci-dessous.

Les pointillés représentent bien des sections en tunnel, ce qui explique les coûts importants de ces projets. Au total, avec les deux projets, la DB construit 120 kilomètres, 81 ouvrages d’art et cinq gares.  La ligne nouvelle sera apte à 250km/h. 

Le cœur du projet Stuttgart 21 est bien évidemment sa nouvelle gare à 8 voies, qui est bâtie perpendiculairement à la gare actuelle,  grosso-modo sur un axe Est-Ouest, en rouge sur la carte ci-dessous. 

Le bâtiment historique de l’actuelle gare et ses annexes bénéficient d’un programme d’investissement de 250 millions d’euros. La nouvelle gare sera en souterrain sous le magnifique parc Schlossgarten et sera recouverte d’une dalle verte, selon la grande tradition actuelle. Le chantier est d’une très grande complexité car il faut veiller aux bâtiments environnants.

(Toutes les photos de DB Bahnprojekt Stuttgart–Ulm)

Le chantier de construction de la future station de métro du projet ferroviaire Stuttgart 21 il y a quelques mois.  Maintenant, le train fait une percée avec le dernier tube du tunnel jusqu'à la gare principale.

Les installations de la nouvelle gare permettraient de passer de 35 à 42 trains par heures, hors S-Bahn, puisque celui-ci reste dans l’actuelle gare souterraine qui lui est dédiée. Une fois la nouvelle gare terminée, la gare terminus existante fermera et l’ensemble du quartier pourra alors passé au stade d’un nouvel aménagement urbain. Selon les projets, 20 hectares sur la centaine seraient consacrés aux espaces verts.
(photo DB Bahnprojekt Stuttgart–Ulm)

Sur tous les fronts
Huit chantiers sont actuellement en cours dans le cadre de ce projet. Au nord, des tunnels sont en cours de construction pour offrir de meilleures connexions à Feuerbach et Bad Cannstatt. Il faut savoir que la ville de Stuttgart est très encaissée dans la vallée du Neckar, avec de nombreuses collines qui l’entourent.

Au sud, le tunnel Filder offrira une ligne directe vers l’aéroport de Stuttgart ainsi qu’une meilleure connexion avec la ligne Gäubahn jusqu’à Boblingen. Le site de l’aéroport jouxte, comme à Birmingham, le parc des Expositions, ce qui double l’intérêt du projet.

(photo DB Bahnprojekt Stuttgart–Ulm)

En mai dernier, le tunnel qui relie la future gare principale souterraine de Stuttgart à la plaine de Filder, était percé. Particularité, ce tunnel avale un dénivelé de près de 150 mètres pour atteindre la plaine de Filder, où est situé l’aéroport. Mesurant 9,5 kilomètres, ce tunnel bi- tubes constitue le plus long tunnel entre Stuttgart et Ulm. Pour le réaliser, la firme Herrenknecht a fourni un tunnelier de 2000 tonnes, 120 m de long et 10,82m de diamètre, appelé « Suse ». Le creusement avait démarré en automne 2014. Dans la partie la plus haute du tunnel, « Suse » a travaillé en mode EPB (à pression de terre) avec un transporteur à vis tandis que dans la section basse il a travaillé avec le principe du tunnelier à bouclier simple (mode ouvert) et un convoyeur à bande. 

Côté ferroviaire, le trajet en train de la gare principale de Stuttgart à l’aéroport ne prendrait dès lors que 8 minutes au lieu des 27 minutes actuellement. 10 millions de voyageurs seraient attendus, mais il faudra probablement réviser ce chiffre si la pandémie perdure…

Un tunnelier Herrenknecht achève le creusement du Filder Tunnel

Vers Ulm à 250km/h
Depuis l’aéroport, une nouvelle ligne est en cours de construction parallèlement à l’autoroute existante vers Wendlingen am Neckar dans le cadre de la nouvelle ligne à grande vitesse Stuttgart – Ulm. Une ligne mais deux projets, en fait. Ce mois d’octobre, la Deutsche Bahn attribuait les contrats pour la construction de la partie de ligne nouvelle entre Stuttgart-Feuerbach et Wendlingen, qui fait encore partie du « package » Stuttgart 21 (en vert ci-dessous). Au-delà, c’est le projet « purement » NBS de la Deutsche Bahn qui prend le relais, pour filer vers Ulm (en rouge ci-dessous).

Cette ligne nouvelle de 60 km entre Wendlingen et Ulm est conçue pour une vitesse maximale de 250 km/h et est construite en sept lots. La moitié de l’itinéraire est parallèle à l’autoroute A8 quand l’autre moitié se compose de 9 tunnels. L’intérêt de ce lien direct est que la nouvelle ligne emprunte un itinéraire plus direct que la ligne principale Stuttgart – Ulm existante, laquelle traverse les belles collines du Jura souabe mais au prix de nombreuses courbes et d’une ligne qui, à forte intensité de trafic, commence à vieillir.

Le point culminant de la nouvelle ligne est à 750m, ce qui signifie une montée de près de 500m sur la partie montante de 16km de Wendlingen vers Ulm. C’est trop raide pour les trains de marchandises lourds, de sorte que la nouvelle ligne sera limitée aux trains d’un poids maximum de 1 500 tonnes.

La ligne comporte une quarantaine d’ouvrages d’art ferroviaires et routiers. L’un des plus spectaculaires est celui du Filstal, long de 458 m, dont la structure culmine à 85m au dessus de la vallée, ce qui en fait le troisième plus haut pont ferroviaire d’Allemagne. Un pont qui a une double particularité :

  • d’abord il relie deux tunnels : le Boßler de huit kilomètres et celui de Steinbühl, de cinq kilomètres de long;
  • ensuite c’est un « bi-pont », puisqu’il prolonge les deux tunnels qui sont eux-mêmes… bi-tubes, comme on le remarque sur la photo ci-dessous.

« Cette configuration tunnel-pont-tunnel est très spéciale, » explique l’ingénieur civil Igor Zaidmann. Les constructeurs de ponts et de tunnels travaillent côte à côte dans un petit espace et doivent coordonner leurs étapes de travail. Malheureusement, si on peut dire, les voyageurs ne bénéficieront guère de la vue imprenable sur la vallée du Filstal : « un ICE mettra de sept à huit secondes pour effectuer la traversée, » explique Zaidmann. 

File:Baustelle Filstalbrücke-pjt1.jpg - Wikimedia Commons
Février 2019. Ne pas avoir le vertige… (photo Pjt56 via wikipedia)

Avec la mise en service de la nouvelle ligne à grande vitesse, les voyageurs longue distance gagneront environ 15 minutes sur l’actuel trajet Stuttgart-Ulm, qui prend aujourd’hui 56 minutes. 2 à 3 trains longue distance par heure circuleront sur la nouvelle ligne, ainsi que certains trains régionaux.

Fichier: NBS Wendlingen Ulm 18.jpg
La voie sur dalle à l’allemande, juillet 2020 (photo Zugnomade via wikipedia)

Comme souvent, la Deutsche Bahn a opté pour une voie sur dalle de béton, et au 15 octobre, près de 30 kilomètres de ligne (60km de voies), étaient déjà posées. Les deux tubes de 4.847 mètres du tunnel de Steinbühl, qui commence non loin de Hohenstadt, sont déjà pourvus de rails. De plus, plus de 800 mâts de caténaires ont déjà été érigés sur le plateau de l’Alb. Les premiers essais sont prévus pour 2022.

On peut donc conclure que Stuttgart entre dans la modernité avec un transport ferré qui mérite de nouvelles infrastructures. Car l’exploitation complète de cet ensemble de ligne se fera sous ETCS, ce qui ferait de Stuttgart la première ville d’Allemagne à être autant digitalisée au niveau ferroviaire. Mais on n’a pas encore les détails de la mise en oeuvre, qui s’annonce forcément complexe quand il faut relier les nouveaux tronçons avec les voies existantes.

Si on additionne avec la « vieille » ligne nouvelle Stuttgart-Mannheim, inaugurée en 1991 pour 280km/h et 24 millions de voyageurs par an, Stuttgart est au centre de trois éléments essentiels à la mobilité du futur, pandémie ou pas. Cette avalanche de béton et d’argent peut faire débat, mais on n’oublie pas que le Bade-Wurtemberg présente, au-delà de ces projets, une politique ferroviaire locale et régionale qui fait envie dans l’Europe entière. Il n’y a aucune raison d’être pessimiste, tout en gardant bien en tête qu’il n’y a pas de bons services de trains sans bonnes infrastructures…

29/10/2020 – Par Frédéric de Kemmeter – Signalisation ferroviaire et rédacteur freelance
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Quand une Région achète elle-même ses trains régionaux

En Europe, certaines régions ou provinces achètent elles-mêmes leurs trains chez le fournisseur de leur choix. Objectif : un service ferroviaire avant tout centré sur le client. L’exploitant s’adapte aux demandes des régions ou provinces moyennant bien entendu des accords.

Ainsi en est-il du Land du Bade-Wurtemberg, qui vient de signer avec Abellio un accord pour une commande supplémentaire de 4 automotrices destinées au réseau local du Stuttgart Netz / Neckartal. Le nouvel exploitant gérera un réseau de 510 kilomètres de lignes au nom du Land, avec un total de 52 unités Talent 2 à la fine pointe de la technologie, du matériel signé Bombardier.

En 2016, le contrat entre le Land et Abellio convenait que 43 nouveaux trains devaient être introduits dans le réseau du Neckartal (vallée du Neckar), avec des options d’achat complémentaires. En avril 2017, le Land avait activé une première option d’achat en commandant cinq rames Talent 2 chez le constructeur Bombardier. Dans un deuxième accord complémentaire, le Land, en tant qu’autorité contractante, a activé une seconde option avec 4 autres rames. À partir de mi-2019, Abellio Rail Baden-Württemberg GmbH (ABRB) exploitera la vallée du Neckar en livrant un service de 7,3 millions de trains-kilomètres par an au Bade-Wurtemberg. Le contrat court jusqu’en 2032 et comporte les trois lignes suivantes :

• Stuttgart – Muhlacker – Pforzheim / Bruchsal
• Stuttgart – Heilbronn – Mannheim/Osterburken
• Stuttgart – Tubingen

ABRB a besoin d’environ 250 employés pour opérer ses services.

ABRB est une filiale d’Abellio GmbH, fondée en 2003, et qui est l’un des principaux prestataires privés de transport public en Allemagne et en Europe, aux côté de Keolis, Transdev et Arriva. Cette filiale du groupe néerlandais NS exploite des services ferroviaires régionaux et détient des participations dans d’autres transports urbains par bus.

Le contrat original de 2016 comportait une commande pour 215 millions d’euros de 24 rames Talent 2 à 3 caisses et 19 rames à cinq caisses. C’est cette flotte qui vient donc d’être complétée en deux fois. Dans ce cas-ci, le propriétaire est bel et bien le Land au travers de son autorité. Celle-ci loue ensuite le materiel à l’exploitant désigné, en l’occurrence ici Abellio (ARBR). De cette manière, une région ou un Land conserve la totale maîtrise de sa politique ferroviaire. Reste qu’étant politique, une région peut être « incitée » à participer au patriotisme national via un achat industriel, mais elle n’en a pas l’obligation. C’est une opération win-win où la Région est assurée devant ses électeurs de lui fournir de vrais trains modernes. Et c’est un soulagement pour le nouvel exploitant qui ne doit pas passer par le lourd processus d’achat et tests de nouveaux matériels. La responsabilité de la Région devant ses électeurs est entière au niveau confort, d’autant que les flancs des trains comportent bien en grand le logo de l’Autorité…

« Abellio augmentera encore sa flotte de véhicules pour la vallée du Neckar avec 4 rames électriques à cinq caisses. Comme toute notre flotte pour le Bade-Wurtemberg, nous avons commandé ces véhicules auprès de notre fournisseur Bombardier. Cela garantit une qualité constamment élevée. Avec un total de 52 rames – 26 rames à trois caisses et 26 rames à cinq caisses, nous réunissons tous les besoins avant le début des opérations à la mi-2019 pour le réseau de Stuttgart, pour faire face à l’augmentation prévue du nombre de passagers dans les transports publics du Bade-Wurtemberg », explique M. Roman Müller, président du conseil d’administration d’Abellio Rail Baden-Württemberg GmbH.

Le ministre des Transports du Land, Winfried Hermann, poursuit : « La tendance à la hausse du nombre de passagers dans les transports publics se poursuit sans relâche. Par conséquent, il est logique d’utiliser maintenant l’option de commande multiple facultative pour rencontrer l’accroissement [prévue] du nombre de passagers. Avec les quatre trains Talents [supplémentaires], nous pouvons considérablement augmenter notre capacité et permettre une meilleure ponctualité. »

La flotte d’Abellio du Bade-Wurtemberg est entièrement revêtue de noir et de jaune. Les véhicules ont de 163 à 273 sièges selon leur longueur ainsi que de 24 à 39 emplacements pour les vélos. Ils disposent également d’une connexion Wi-Fi gratuite et d’un accès quais/train sans obstacle.