La semaine de Rail Europe News – Newsletter 046

Du 06 au 12 octobre 2021

Nos brèves quotidiennes – Notre lexique ferroviaire – Inscrivez-vous au blog – Retour à la Une

Allemagne : le concept de Deutschland Takt face à ses coûts – Bien que l’horaire cadencé soit en vigueur en Allemagne depuis logntemps, il devenait exact qu’avec la régionalisation d’une part, et la DB d’autre part, les trains locaux ainsi que les trains grandes lignes vivaient avec leurs propres horaires cadencés. Le résultat est qu’en arrivant en gare, il faut parfois attendre une correspondance assez longue. L’idée est donc de mieux coller les horaires grande ligne avec ceux des trains régionaux gérés par chaque Länder. Un intervalle horaire régulier qui demande des travaux parfois importants au niveau de l’infrastructure, pour gagner cà et là quelques minutes nécessaires. Le cabinet de conseil SMA a maintenant calculé le montant exact du concept Deutschland Takt. Selon celui-ci, des coûts d’investissement sont estimés à 48,5 milliards d’euros pour 181 projets d’investissement. Le problème est que la Deutsche Bahn ne reçoit que deux milliards d’euros par an du gouvernement fédéral pour les investissements. Cela signifierait que DB ne serait pas en mesure d’entamer tous les travaux nécessaires, puisqu’il lui faudrait près de 5 à 6 milliards d’euros par an jusqu’en 2030. Le quotidien Süddeutsche Zeitung rapporte même que les experts estiment les dépenses pour l’ensemble du projet Deutschlandtakte à 60 milliards d’euros. On peut largement douter que tous les travaux pourront être effectués dans les 8 années prochaine pour l’échéance de 2030…
>>> hna.de – Revolution der Deutschen Bahn: Jetzt sind Kosten bekannt – Experten mit ernüchternder Prognose
>>> Tout savoir sur le Deutschland Takt

Trafic grande ligne

Norvège/Suède : les trains entre Stockholm et Oslo reprennent en décembre après 21 mois d’absence – Après presque deux ans, l’opérateur suédois SJ assurera à nouveau des services ferroviaires entre Stockholm et Oslo à partir du 12 décembre prochain. De son côté le gouvernement norvégien a annoncé que le trafic des trains de voyageurs sera autorisé à traverser la frontière norvégienne à partir du 6 octobre après la levée des restrictions liées à la pandémie de coronavirus. SJ s’est depuis longtemps préparé à redémarrer le trafic vers la Norvège. Cependant, il y avait encore une grande incertitude quant à savoir quand l’autorisation des autorités norvégiennes tomberait, et SJ doit maintenant faire quelques préparatifs pour pouvoir à nouveau exploiter la route. De son côté, l’opérateur norvégien, qui s’appelle Vy, doit aussi reprendre le service des trains vers la Suède mais il n’y a pas du côté norvégien de date précise.
>>> Railtech.com – Trains between Stockholm and Oslo resume in December after 21 months

Tchéquie : RegioJet mettra un second train de nuit sur la Croatie – Train de nuit , suite. Regiojet, fort du succès de son train estival vers la Croatie, compte en mettre un second pour l’été prochain. Celui-ci partirait de Cracovie, en Pologne, et rejoindrait le sud de la Tchéquie sans passer par Prague. De là, il rejoindrait Vienne, ce qui est une nouveauté. Regiojet s’attaquerait au marché autrichien en faisant circuler son train sur le même itinéraire emprunté par un train de nuit concurrent des opérateurs slovaque ZSSK et autrichien ÖBB, mis en route l’été dernier. Après avoir évalué la saison dernière, RegioJet a déjà confirmé qu’il y aura des changements dans l’itinéraire des trains à travers la Hongrie. Près de 98.145 passagers ont été transporté, soit une augmentation de 50% par rapport à 2020. Cependant, des problèmes sont souvent survenus du côté tchèque, où le train traversait la frontière avec couramment une heure de retard. Le train original Prague-Croatie ne circulera plus par Budapest, où les temps de trajet étaient devenus inutilement longs. « Notamment en raison des fermetures sur le territoire hongrois et aussi du long dédouanement à la frontière croato-hongroise, il y a eu des retards avec un impact sur la marche du train et les accès en gare de Split », explique Andres Ondrůj, directeur et porte-parole de Regiojet. Par ailleurs, l’inconfort des voitures en cas de forte chaleur a été décrié. Une matière sur laquelle Regiojet devra porter une attention particulière pour améliorer son service.
>>> Zdopravy.cz – RegioJet plánuje do Chorvatska jezdit i přes Rakousko, ukázal to návrh jízdního řádu

Trafic régional

Suisse : suppressions de trains suite à un manque de conducteurs – Ce n’est pas banal. Les chemins de fer fédéraux suisses CFF vont devoir supprimer certains trains durant trois semaines suite à un manque de conducteurs. Depuis la fin du mois de septembre, les CFF connaissent un nouveau pic dans la pénurie de mécaniciens de locomotives (conducteurs). Faute de mécaniciens, les CFF ont dû diminuer la cadence de certains trains RegioExpress depuis le 8 octobre, du vendredi au lundi, pour une durée de trois semaines jusqu’au 25 octobre. Ces perturbations sont directement liées à la pénurie de personnel de conduite qui touche l’opérateur public suisse. Pour ce mois d’octobre, des arrêts maladies et des départs en congé sont venus s’ajouter au manque de mécaniciens obligeant les CFF à prendre cette décision. Aujourd’hui, il manque 211 conducteurs pour que le trafic soit totalement assuré. « C’est une erreur des CFF dans la planification », explique Frédéric Revaz. « Nous avons mal évalué les besoins et nous n’avons pas assez formé durant les dernières années, nous le payons maintenant.»
>>> Railtech.be – Suisse : suppressions de trains suite à un manque de conducteurs

Constructeurs

Suisse : Stadler engrange une commande géante – Les CFF, RegionAlps et Thurbo ont lancé en mai 2020 une procédure d’appel d’offres en deux étapes en vue de l’achat de nouvelles rames automotrices à un niveau. À l’origine, l’appel d’offres conjoint des CFF, de Thurbo et de RegionAlps portait sur 194 trains. Leur nombre a été porté à 286 lorsque les entreprises ferroviaires ont fixé leur zone d’exploitation de manière définitive, en accord avec la Confédération et les cantons. La préqualification a permis de retenir trois soumissionnaires qui ont été en mesure de démontrer leur expérience et leur orientation marché grâce à un concept de véhicules qui a fait ses preuves. Alstom, Siemens et Stadler remplissaient au mieux ces critères de sélection. Ces trois soumissionnaires ont donc été invités à déposer une offre, ce qu’ils ont tous fait à la fin avril 2021. Conformément aux critères d’adjudication, l’évaluation a abouti à l’adjudication du marché à Stadler. L’offre de Stadler s’est avérée la plus convaincante, en particulier dans les domaines de la rentabilité et de la qualité.
>>> Communiqué de presse CFF – Stadler obtient un marché portant sur 286 nouvelles rames automotrices pour le trafic régional.

Trafic fret

Belgique : passer de 10 à 15% de part modale au sein de North Sea Port – Un accord a été signé dernièrement entre North Sea Port, qui regroupe Gand, Terneuze (NL) et Vlissigen (NL), pour tranférer davantage de fret vers le rail. Dans le concret North Sea Port et Infrabel cartographieront conjointement les besoins ferroviaires à court, moyen et long terme dans la partie gantoise de la zone portuaire. Il s’agit de constituer une liste de travaux éventuels, comme des allongements de voie, le réaménagement de faisceaux, la pose d’aiguillages ou l’électrification de certaines sections de voies, sans oublier le renouvellement de la signalisation là où c’est pertinent. La réception des trains sur les différents faisceaux de la zone portuaire de Gand est aussi étudiée. Un exemple est déviter le stationnement pendant plusieurs jours ou des semaines de rames qui parasitent les faisceaux les plus utilisés. Des mesures spécifiques sont également à l’étude concernant le réseau ferroviaire portuaire à travers la frontière belgo-néerlandaise dans la zone portuaire. Une nouvelle liaison doit être installée à Zelzate, commune belge située juste à la frontière et à proximité immédiate de Terneuze, afin de mieux relier les deux rives du canal.
>>> Railtech.be – Accord entre North Sea Port et Infrabel pour augmenter le fret ferroviaire de 50%

Technologies

Hambourg : test ETCS et AOT de niveau 2 sur une rame du S-Bahn – Bien que l’article évoque le terme « driverless », c’est bien de l’ETCS et d’ATO de niveau 2 dont il fut question ce lundi 11 octobre sur le S-Bahn de Hambourg. Dans le cadre du programme Digital S-Bahn Hamburg, réunissant le gouvernement de la ville, DB et Siemens Mobility, la section Est de 23 km du S-Bahn S21 entre Berliner Tor et Aumühle a été équipée d’un ETCS de niveau 2, contrôlé à partir d’un enclenchement électronique existant et d’un nouveau centre de bloc radio à Bergedorf. Quatre automotrices BR474 construites par Bombardier ont en outre été équipées de l’ATO, permettant ici d’automatiser la conduite du train selon différents niveaux. L’équipement ATO a été monté sous la caisse et non à bord. Une véritable marche de train sans conducteur, l’ATO de niveau 4, n’a été testé qu’en faisceau de garage, hors des voies en service commercial. À l’arrivée à Bergedorf, le conducteur a mis le train en mode entièrement automatique, permettant au centre de contrôle local de l’envoyer dans une voie en cul de sac et de le faire revenir vers la gare voyageur. Au cours de l’événement ITS, DB et Siemens prévoient de faire circuler deux trains de démonstration par jour entre Dammtor et Bergedorf, montrant aux délégués de la conférence et aux clients potentiels les concepts ATO et Ideenzug pour les trains régionaux de nouvelle génération.
>>> Railwaygazette.com – Driverless train demonstrated on the Hamburg S-Bahn

Prochaine livraison : le 20 octobre 2021

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D-Takt : le grand défi de l’horaire cadencé intégral 2/2

15/05/2021 – Par Frédéric de Kemmeter – Signalisation ferroviaire
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>>> Suite de notre première partie

Un train toutes les demi-heures de ville à ville et de village à village. Des correspondances pratiques pas trop longues, même en province. Prendre le train partout dans le pays devrait être aussi facile que de prendre le S-Bahn en zone urbaine. C’est le principe du Deutschlandtakt, l’horaire cadencé allemand (aussi appelé D-Takt). Cette seconde partie va détailler l’implication du service cadencé sur les temps de parcours entre les grandes villes allemandes et la place réservée aux nouveaux entrants.

D-Takt a déjà commencé à être mis en œuvre. La première étape a consisté à introduire des services longue distance à la demi-heure entre Hambourg et Berlin pour le changement d’horaire en décembre 2020. D’autres projets devront être mis en œuvre progressivement au cours des années suivantes.

Le projet actuel de 2030 D-Takt montre des services longue distance à la demi-heure sur de nombreuses lignes. La combinaison avec les travaux d’infrastructure permettra une réduction significative du temps de trajet, même en cas de changement de train. Par exemple

  • 2h12 sur Lübeck-Berlin au lieu de 2h40 ;
  • 3h32 sur Düsseldorf-Berlin au lieu de 4h13 ;
  • 4h08 sur Nürnberg-Görlitz au lieu de 5h25 ;
  • 4h34 sur Stuttgart-Berlin au lieu de 5h38.

Il y a donc des gains de temps de parcours très importants sur certaines liaisons par rapport à la situation actuelle.

Les travaux nécessaires sont désormais entrepris avec une grande différence d’approche :

  • Par le passé on construisait d’abord l’infrastructure ferroviaire, puis on établissait l’horaire en fonction de ses paramètres ;
  • Aujourd’hui, on analyse d’abord la demande pour ensuite concevoir et hiérarchiser les projets d’extension du réseau ferroviaire en fonction des goulets d’étranglement et d’un horaire cadencé moderne offrant de meilleures liaisons, plus efficaces et plus rapides.

Cette approche assez logique se heurte cependant à un problème de taille : sur base de quelle compagnie on « analyse la demande » ? L’impression demeure que cela s’adresse à un opérateur unique qui accaparerait toute la demande à lui seul. Cela à soulever des questions quant à la place réservée par le gouvernement à d’autres opérateurs longue distance en Allemagne. En mai 2019, Fabian Stenger, le directeur de Flixbus Allemagne, s’inquiétait du projet D-takt : « Il faut faire attention à ce que le projet Deutschlandtakt ne se transforme pas en Deutsche Bahn Takt. Ce serait un désastre pour les passagers ».

Les arguments de Flixtrain risquent cependant d’être très mal reçus : en 2020, la startup munichoise a dû arrêter par deux fois son trafic pour cause de « clients à la maison ». La fiabilité du concept Flixmobility a donc pris un sérieux coup dans la figure, même si en parallèle on peut critiquer la DB d’avoir fait rouler des ICE avec l’argent du contribuable avec moins de 10% de passagers à bord. Il y a plusieurs choses à dire sur ce sujet.

Flixtrain se comporte différemment que d’autres opérateurs privés en Europe. Tant WESTbahn que RegioJet, MTR Nordic ou NTV-Italo ont continué d’exploiter un service, certes très réduit, durant la pandémie. Flixtrain se présente ici plutôt comme un prédateur qui peut sauver le climat, ce qui est un message qui risque de ne pas passer dans les milieux politiques. Un message plus policé permet davantage de survivre. La preuve en Autriche par exemple, où l’État a « distribué » des créneaux horaires et des aides par trois fois durant la pandémie, tant à ÖBB qu’à WESTbahn. A Vienne, personne ne souhaitait tuer le petit concurrent. Il n’est pas stipulé que la mise en place d’un horaire cadencé pour un opérateur dominant empêche les opérateurs alternatifs d’obtenir des sillons horaires supplémentaires. Ainsi en Italie, bien que pas parfaitement cadencée, la relation Milan-Rome a vu le nombre de trains quotidiens passer de 39 en 2009 à 62 services en 2016, soit plus qu’un doublement, grâce à l’apport du concurrent NTV-Italo.

Cependant, il est exact qu’un problème peut survenir quand, pour coordonner les Intercity avec du trafic régional, des dizaines de grandes gares soient soudainement noyées par plusieurs trains dans un laps de temps de 10 à 15 minutes. Ces trains occupent alors les voies et ne permettent plus aucune autre circulation. Ce détail n’a pas échappé au fret ferroviaire qui se demande alors comment il va pouvoir passer sans être constamment mis à l’arrêt devant un tel afflux de trains. Si cet afflux se répète toutes les trente minutes comme il est prévu au sein du D-Takt, il restera peu d’espace entre eux pour faire passer les trains de fret. Cela risque d’entraîner des défaillances du fret ferroviaire et ne répond pas à la politique de transfert modal.

Selon l’Alliance Pro-Rail, le transport ferroviaire de marchandises est un élément fondamental et une partie du Deutschlandtakt. Il est important d’impliquer les entreprises de fret ferroviaire dans le processus du Deutschlandtakt à un stade précoce. Deux aspects en particulier sont importants pour le développement du transport de marchandises par rail :

  • Une meilleure planification où le Deutschlandtakt systématisera davantage les créneaux horaires sur les rails.  Moins de morcellement, plus de planification. Le trafic de marchandises devrait également bénéficier de cette systématisation.  Globalement, le plan peut également accroître l’utilisation des capacités ferroviaires.
  • Sillons libres : pour les opérateurs de fret, les expéditeurs et les entreprises de transport, la flexibilité est une priorité absolue.  C’est pourquoi des capacités supplémentaires et des ‘corridors’ de sillons ont été inclus dès le départ dans le Deutschlandtakt (« catalogue de sillons »).

Il s’agit donc de prévoir des sillons marchandises en suffisance et fixés annuellement, qu’ils soient utilisés ou non. Ils devraient pouvoir être payés à l’unité car un train de marchandise peut circuler un jour et pas le lendemain. C’est cela la flexibilité. Mais à ce stade, rien n’indique que cela se déroulera comme le veut Allianz Pro Schiene.

Pour en revenir au problème soulevé par les nouveaux entrants en Allemagne, une solution pourrait venir d’un pays plutôt inattendu : l’Espagne. Avec retard dû à la pandémie, ce pays entame cette année un début de la libéralisation des services grande ligne. Une libéralisation très encadrée. Les 2 nouveaux opérateurs qui entrent en compétition avec la Renfe n’ont eu droit qu’à des « lots de sillons » : 15 aller-retour pour la SNCF et 45 pour ILSA/Trenitalia, (qui n’arrivera qu’en 2022). La Renfe, « que Madrid ne voulait pas tuer », a empoché le gros lot et mettra en service à la fois ses AVE traditionnels et des AVE low cost sous le nom de Avlo. Bien qu’on ne parle pas ici d’horaire cadencé, il est bien clair que la répartition des sillons sur un axe chargé comme Madrid-Barcelone a permis à tout le monde de s’y retrouver. Ce système espagnol « d’ouverture encadrée du marché » pourrait peut-être inspirer l’Allemagne pour autant que le gestionnaire d’infrastructure fasse preuve d’une indépendance absolue. Or, si c’est le cas en Espagne avec l’Adif, ce ne l’est pas en Allemagne où DB Netz fait partie de la même holding que Deutsche Bahn.

L’application concrète de la politique espagnole au D-Takt pourrait alors donner le schéma suivant :

Sur les 6 allers-retours possibles en journée entre Hambourg et Stuttgart (6h de trajet) on constate :

  • que trois aller-retour sont exploités par DB;
  • que deux aller-retour sont exploités par un concurrent X ;
  • qu’un seul aller-retour est exploité par un troisième concurrent Y ;
  • La DB a donc 50% de parts de marché et les 2 concurrents respectivement 33% et 17%

Il s’agit d’un schéma théorique volontairement simplifié pour la démonstration. Il reste bien-sûr à combler les vides à Hambourg (départs 11h28, 12h28, 13h28…) ainsi qu’à Stuttgart (départs 9h15, 10h15, 11h15…) selon le même principe. Si des travaux permettraient plus tard de descendre le temps de trajet à 5h30 voire même 5h, les créneaux seraient dès lors redistribués.

Ce système ne peut être valable que par une gestion complète du graphique horaire par le gestionnaire d’infrastructure, les opérateurs venant « pêcher » les meilleurs sillons à leur convenance. Le prix varierait en fonction des heures de pointe. C’est grosso modo le principe appliqué au monde aérien avec les fameux slots fournis par les aéroports. Par son gestionnaire d’infrastructure, l’État devient ici stratège de sa propre politique ferroviaire pour atteindre une partie de ses objectifs climatiques. En effet, il peut exiger la mise en place d’un train toutes les 30 minutes sur une section donnée s’il constate encore que trop de gens prennent la voiture ou l’avion. Il peut exiger des sillons plus taxés que d’autres, par exemple ceux du matin, pour mieux lisser les pointes. Encadrer sans sombrer dans le dirigisme soviétique…

Il reste aussi que le plan D-Takt ne peut pas être quelque chose de figé pour l’éternité. Ce ne sera d’ailleurs pas le cas avec les travaux qui devront être étalés sur 10 ans. Chaque amélioration du temps de parcours apportera une redistribution des sillons comme présenté ci-dessus. L’État stratège sera aussi confronté à la réalité des finances publiques disponibles au fil des années… et des élections. Un projet approuvé aujourd’hui pourrait être contesté demain par une autre coalition au pouvoir. L’inclusion de concurrents au sein du système D-Takt a aussi ses opposants, qui considèrent encore que le chemin de fer ne se conjugue qu’au singulier. Il faudra aussi prévoir, le matin et le soir, de la place pour les trains de nuit qui sont appelés à se multiplier dans le cadre du plan TEE 2.0. Ces trains ne font pas partie du D-Takt car il s’agit d’un trafic complémentaire mais il ne faudrait pas qu’ils soient oubliés par le gestionnaire d’infrastructure, quel que soit l’opérateur.

Pour finir, nous dirons que l’horaire cadencé est un élément crucial pour rendre l’accès au train plus simple, mais que ce n’est qu’une partie du travail pour regagner des parts de marché. Il faut aussi connecter les billetteries entre les opérateurs nationaux et régionaux et laisser du souffle aux politiques régionales qui veulent des services ferroviaires conçus localement pour leurs électeurs. Tout cela est possible dès l’instant où un État bétonne dans la loi des directives claires pour chaque acteur, en n’oubliant pas que le monde ferroviaire doit être pluriel si on veut atteindre les objectifs climatiques.

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D-Takt : le grand défi de l’horaire cadencé intégral 1/2


03/05/2021 – Par Frédéric de Kemmeter – Signalisation ferroviaire et rédacteur freelance
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Un train toutes les demi-heures de ville à ville et de village à village. Des correspondances pratiques pas trop longues, même en province. Prendre le train partout dans le pays devrait être aussi facile que de prendre le S-Bahn en zone urbaine. C’est le principe du Deutschlandtakt, l’horaire cadencé allemand (aussi appelé D-Takt). Cette vision d’une nouvelle ère ferroviaire doit devenir réalité en Allemagne d’ici 2030 – avec des liaisons supplémentaires, fiables et rapides pour les personnes et les marchandises par le rail. Mais qu’est-ce que cela implique ?

L’horaire cadencé en Allemagne pourrait à priori être un sujet d’étonnement, car à l’inverse de la France, les trains sont depuis longtemps cadencés dans ce pays. Les Intercity longue distance toutes les heures furent justement reconnus comme étant l’une des grandes réussites de l’Allemagne ferroviaire depuis 1979. ‘Jede Stunde, Jede Klasse‘, toutes les heures dans chaque classe, voulait être l’antithèse du Trans-Europ-Express, train de première classe réservé à l’élite et qui ne circulait qu’un ou deux fois par jour. La mise en place des IC de la Deutsche Bahn coïncida d’ailleurs avec le déclassement de nombreux Trans-Europ-Express en Intercity à deux classes, voiture-restaurant incluse. Au niveau régional, de nombreuses lignes passèrent petit à petit au cadencement horaire. La régionalisation de ce segment, dès 1996, a encore accentué ce cadencement sur l’aire plus restreinte des Länder, par exemple au travers du Rheinland-Pfalz Takt (Rhénanie-Palatinat), du 3-Löwen-Takt dans le Bade-Wurtemberg ou encore du NRW Takt. Tout est déjà cadencé, mais alors où est le problème ? C’est que chaque Land a fait son horaire à sa guise sans tenir compte des Intercity longue distance qui ont suivi leur propre logique nationale. Conséquence : des délais de correspondance parfois trop longs entre un Intercity géré par DB-Fernverkehr et les trains régionaux gérés aujourd’hui par les Länder.

L’idée allemande est de pouvoir aller de partout à partout chaque heure ou chaque demi-heure, ce qui impose une symétrie de tous les horaires du pays, tant sur longue distance qu’en trafic régional et même en bus. La question principale qui vient à l’esprit est de se demander pourquoi les services régionaux n’arrivent pas à se coller aux services interurbains. L’enjeu consiste à faire coïncider les besoins de symétrie des Länder avec le passage des Intercity grande ligne. Or, cette symétrie est rarement possible. Comme le montre notre exemple ci-dessous, un Cologne-Stuttgart peut passer à h+12 dans le sens nord-sud, et h+27 dans le sens sud-nord. Il faut alors mettre systématiquement en correspondances à chaque intercity deux batteries de trains régionaux :

  • une première batterie de trains en correspondance avec l’Intercity h+12 (en bleu);
  • une seconde batterie de trains en correspondance avec l’Intercity h+27 (en vert).

On remarque sur ce schéma plusieurs défauts :

  • un déséquilibre avec deux séries de trains régionaux trop proches au niveau horaire. Ex : un départ vers la destination X à h+16 et h+32, et puis plus rien avant la prochaine h+16, soit un « trou » de 44 minutes.
  • un risque de conflit entre h+19 et h+23 avec les régionaux Y et Z sortant (en bleu) et les régionaux X et Y entrants (en vert). A-t-on les voies suffisantes pour croiser tous ces trains en même temps ?
  • la gare n’a plus d’activité entre h+40 et l’heure suivante h+02, soit 22 minutes.

L’idée est alors que les 2 Intercity se croisent aux mêmes minutes dans la gare principale pour n’avoir qu’une seule série de trains régionaux à mettre en correspondance, par exemple à h+12 et h+13 pour les deux Intercity Cologne-Stuttgart.

Mais ce qui est possible dans une gare devient à nouveau un problème dans les autres grandes gares Intercity, comme le montre le schéma suivant :

Le schéma nous montre que si on a une symétrie parfaite en gare B, les temps de parcours sont tels qu’on se retrouve avec une mauvaise symétrie en gares A et C. C’est ici qu’intervient la notion suisse « d’aller aussi vite que nécessaire ». La solution réside à ce que les temps de parcours entre grandes gares aient tous 30 ou 60 minutes. Dans le cas de notre schéma, cela signifierait :

  • entre A et B, on rallonge le temps de parcours de 54 à 60 minutes;
  • entre B et C, on raccourcit, moyennant de lourds travaux, le temps de parcours de 37 à 30 minutes.

De cette manière, on obtient une bonne symétrie dans les trois gares A, B et C :

On vous rassure tout de suite : la Deutsche Bahn n’envisage pas de rallonger certains temps de parcours des Intercity pour « optmiser » la symétrie dans chaque grande gare. Elle vise plutôt la réduction des temps de parcours, comme le montre ce document d’avril 2021 :

D-Takt(Schéma Deutschland-Takt – Cliquer pour voir en grand format)

Cependant, les concepteurs de cette théorie se sont rapidement rendu compte que pratiquer cette symétrie à l’échelle d’un pays comme l’Allemagne était un travail gigantesque. Tout le problème de la symétrie, non seulement en Allemagne mais dans toute l’Europe, est que ce sont l’infrastructure et la géographie qui dicte les temps de parcours. Toutes les villes ne peuvent pas être reliées entre elles par bloc de 30 ou 60 minutes chrono, car la vitesse autorisée dépend de la distance entre les villes, des courbes, des capacités et de nombreux autres paramètres tels que le système de signalisation.  La quantité de travaux nécessaires pour y arriver est justement ce qui fait l’objet de débats depuis plusieurs années.  

Les autrichiens ont aussi essayé le même exercice et cela a donné cette configuration où on voit que les grandes et moyennes gares ont un horaire symétrique pour autant que les temps de parcours soient tous identiques par bloc d’un quart d’heure :

D-Takt(Schéma FVV TU Wien 2016 – Klaus Garstenauer – Cliquer pour voir en grand format)

Dans la pratique, on voit par exemple que tous les Railjets (en rouge) arrivent et partent des gares de Linz, Wels et Attnang-Puchheim dans des blocs symétriques dans les deux sens, permettant des correspondances toutes les demi-heures au départ de chacune de ces villes. Il est fort probable que la « généreuse » géographie des lieux a aidé pour obtenir une telle symétrie. Ce n’est pas réalisable partout :

D-Takt(Schéma FVV TU Wien 2016 – Klaus Garstenauer – Cliquer pour voir en grand format)

Il faut aussi convaincre chaque Land, qui ont la maîtrise des horaires régionaux, de bien vouloir s’aligner sur le passage des Intercity pour autant qu’on leur garanti une symétrie à l’heure ou à la demi-heure sur chaque ligne régionale. Ce n’est pas gagné. Les Länder payent leurs trains régionaux et sont très impliqués dans la politique ferroviaire qu’ils mènent pour leurs électeurs. Ils ne sont pas attachés spécifiquement à la Deutsche Bahn même si DB Regio détient encore les deux tiers des contrats de service public. Certains Länder ont rétorqué qu’ils ne voyaient pas la nécessité d’un tel alignement parce que, disent-ils, l’essentiel de leurs usagers ne prend pas l’Intercity mais circule localement, comme par exemple le trafic scolaire quotidien. Il faudra aussi leur justifier qu’à tel ou tel endroit, des travaux de redressement de voies ou d’accélération des trains nécessiteront des travaux pour plusieurs millions d’euros, ce qui ne manquera pas d’agiter les riverains et peut même, dans certains cas, limiter le trafic des trains locaux pendant la durée du chantier. On le voit, l’intérêt général national risque de se heurter à l’intérêt général régional…

Une proposition pour un Takt national allemand basé sur l’approche suisse a été faite pour la première fois en 2008 par plusieurs experts du secteur. Plus tard, dans le cadre du Zukunftsbündnis Schiene (Alliance pour l’avenir du rail), le bureau de conseil SMA a présenté le projet d’expert pour l’horaire Deutschland-Takt au ministère fédéral des Transports (BMVI) à Berlin le 9 octobre 2018. Cette étape importante avait été précédée de plusieurs projets intermédiaires, de consultations avec les Länder et avec le BMVI afin de combiner les exigences de toutes les parties prenantes dans un concept global à l’échelle nationale pour le transport de personnes et de marchandises.

Korlm-BahnLa ligne nouvelle du Koralm Bahn, en Autriche. Ces travaux de grande ampleur pourraient parfois être nécessaires pour descendre de 34 à 30 minutes entre deux villes (photo Koralm Bahn)

Les travaux et les résultats ont reçu une impulsion supplémentaire du fait que le ministère fédéral des transports a lancé l’Alliance ferroviaire de l’avenir, qui regroupe les intérêts et donne un nouveau poids aux voix de l’industrie ferroviaire. Le D-Takt se concentre sur l’horaire et en déduit les mesures d’infrastructure nécessaires pour créer la meilleure symétrie, comme mentionné ci-dessus. Le travail s’est poursuivi en 2019 avec la préparation d’un deuxième projet d’expert basé sur les commentaires du premier projet. Une version actualisée a été fournie en juin 2020, bien que le plan final et les travaux d’infrastructure nécessaires soient encore appelés à évoluer au cours des vingt prochaines années.

La devise du programme D-Takt est désormais « d’abord l’horaire, ensuite la planification des infrastructures », ce qui est l’inverse de ce que l’on faisait jadis. Comme l’explique le magazine Today’s Railway, le futur D-Takt va servir de base pour la planification des capacités du réseau à l’échelle nationale, même si la livraison effective de nouvelles infrastructures dépendra des délais de planification et de la disponibilité des fonds, car les sommes actuellement engagées sont insuffisantes. En mars 2020, le Parlement allemand a adopté la loi sur la préparation des mesures Massnahmengesetzvorbereitungsgesetz, (MgvG), qui se traduit grosso modo par « loi sur la préparation des mesures« . Bien qu’elle inclue certains projets requis pour le D-Takt, tous ne sont pas inclus et seuls sept des 12 projets proposés sont attribués aux infrastructures ferroviaires.

Certains itinéraires ont déjà été décidés et, en outre, 7 itinéraires semblent être prévus pour des opérateurs privés. Mais de nombreuses questions demeurent quant à la manière d’implémenter ce mikado géant et quelle sera la place des opérateurs privés ainsi que du fret ferroviaire ainsi que les travaux prévus. Rendez-vous la semaine prochaine pour la réponse à ces questions. 🟧

Deutschlandtakt(photo Schnitzel Bank via licence flickr)

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Jadis, la Poste et les colis prenaient le train…

De notre série « Aah, les trains d’hier… »

Le courrier avant le chemin de fer (illustration de Charles Cooper Henderson)

L’histoire de ce qu’on appelle La Poste, un service de courrier ou de messagerie entre quelqu’un et une autre personne à un autre endroit, commença probablement à l’invention de l’écriture. Ce fut pendant des siècles une épopée pour les coursiers, à pied ou à cheval. Le XIXe siècle lança le courrier d’une manière populaire et accessible. Un instituteur anglais, Rowland Hill (1795-1879), inventa le timbre-poste adhésif en 1837, acte pour lequel il a été fait chevalier. Grâce à ses efforts, le premier système de timbres-poste au monde fut émis en Angleterre en 1840. Hill créa les premiers tarifs postaux uniformes qui étaient basés sur le poids plutôt que sur la taille. Quand arriva le chemin de fer, l’accélération de la transmission des messages fut prodigieuse : on passa rapidement de 20 jours à … 20 heures pour un même trajet en à peine deux décennies de progrès, dans les années 1840-1860. Les volumes explosèrent tandis que les coursiers à cheval perdaient définitivement leur job. Ceci explique pourquoi le courrier et le train furent très vite mariés…

La Grande-Bretagne montra vite l’exemple. L’adoption de la loi de 1838 sur les chemins de fer avait considérablement remodelé le marché du courrier ferroviaire. Elle obligeait principalement toutes les compagnies de chemin de fer à transporter le courrier, soit par des trains ordinaires, soit par des trains spéciaux, comme l’exigeait le ministre des Postes. Toutefois, cette loi ne précisait pas ce qui devait être facturé pour ces services. Le premier Traveling Post Office (TPO) fut exploité sur le Grand Junction Rwy, entre Birmingham et Liverpool, le 6 janvier 1838. Dans sa forme initiale, cela consistait en un wagon à cheval transformé, dans lequel le courrier était trié en cours de route vers sa destination. Dans la nuit du 4 février 1840, le premier vrai train postal d’Angleterre était inauguré entre Londres et Twyford. La Belgique, très à la pointe du progrès (on mesure avec aujourd’hui…), ouvrit son premier service de courrier ferroviaire en septembre 1840, cinq ans seulement après l’ouverture de la ligne Bruxelles-Malines. En France, le premier courrier ferroviaire circula sur l’axe Paris – Rouen le 16 juillet 1846. En Suisse, dès 1847, le courrier était transporté sur le Spanish-Brötli-Bahn sur la route de Zurich à Baden (CH). En Allemagne, l’état de Baden entreprit la création d’un chemin de fer postal en 1848 au départ de Heidelberg, suivi un an plus tard par la Prusse, puis l’Autriche en 1850, l’État de Bavière en 1851, la Hongrie en 1856, la Suède en 1863. Les États-Unis ne commencèrent un service ferroviaire postal qu’en 1864 sur la ligne Washington – New York. Un nouveau secteur industriel était né…

Les couleurs et le sigle de la Poste
Selon une légende, le coursier jadis avertissait tout le monde que le courrier allait arriver ou partir au moyen d’un cor de Poste, une sorte de cornet. Ce cor est devenu le symbole de très nombreuses administrations postales en Europe. La livrée jaune que l’on trouve sur plusieurs administrations postales fait référence au premier grand réseau européen de distribution de courrier, qui fut développé par l’empereur Maximilien Ier de Habsbourg au 15ème siècle. Ce souverain du Saint-Empire romain germanique était issu de la Maison Habsbourg, dont les couleurs sont le jaune et le noir. En 1490, il mandata la famille noble Thurn & Taxis pour distribuer le courrier sur son territoire qui à l’époque embrassait une grande partie de l’Europe centrale. Logiquement ils adoptèrent le jaune comme reprise du symbole impérial. En Grande-Bretagne cependant, au début de l’époque victorienne, la couleur de la boîte aux lettres était verte, puis le rouge apparut sur l’ensemble des boîtes aux lettres britanniques en 1874. Le rouge était mieux repérable en cas du redoutable brouillard britannique, selon une autre légende. Royal Mail a des directives très strictes en ce qui concerne les couleurs de sa marque. Toutes les boîtes aux lettres de Royal Mail doivent être peintes en rouge et noir standard. La Belgique a aussi conservé une livrée rouge, contrairement à ses voisins français ou allemands qui conservèrent le jaune « Imperial ».

Les voitures
La voiture postale était un atelier de tri qui fonctionnait dans un ou plusieurs wagons-poste (poste-atelier). Son rôle principal était le tri et le transport du courrier à destination des différentes stations de sa ligne. Sur certaines lignes secondaires, l’administration des postes louait aux compagnies de chemin de fer un compartiment qu’elle aménageait en  » mini  » bureau ambulant. Dans d’autres cas, partout en Europe, on accrochait une ou plusieurs voitures postales dédiées pour rentabiliser les flux. Dans quelques cas, on faisait circuler un train postal complet, dédié. Tout dépendait bien entendu des volumes à transporter chaque nuit.

Ce fut des parcs très disparates selon les pays et les trains utilisés. En Grande-Bretagne, la loi de 1838 sur les chemins de fer obligeait non seulement les compagnies à transporter le courrier, mais elle exigeait également la mise à disposition de wagons équipés pour le tri du courrier. Pour faire face à cette nouvelle obligation, les compagnies durent rapidement développer du matériel roulant spécialisé pour cette tâche. Certains wagons postaux étaient équipés d’une boîte aux lettres et elle avait même mis au point un système permettant de ramasser et de décharger des sacs en cours de route, sans arrêter les trains. Le terme « voiture » plutôt que « wagon » se réfère au fait que les voitures étaient incorporées dans des trains de voyageurs plutôt que des trains de marchandises, plus lents.

Voiture postale suisse à deux essieux, 1875, avec une plate-forme ouverte sur le côté afin que les passagers et le personnel ferroviaire puissent circuler sur tout le train sans avoir à accéder au compartiment postal

Deux types de voitures postales ont existé :

  • les allèges postales, destinées à transporter les dépêches, mais non-triées pendant le trajet ;
  • les bureaux de poste ambulants, voiture où des employés de la poste effectuent le tri du courrier pendant le trajet d’une gare à une autre. La France les appelait « ambulants ».

Les premiers types de wagons utilisés par la poste avaient une parenté de construction avec les malles-postes de l’époque. Ces voitures mesuraient 5,16 m (longueur de caisse) et des longueurs similaires en Prusse et d’autres États. En 1854 en France, le service avait déjà pris une certaine ampleur avec un effectif de 59 voitures. En Suisse, les voitures-postales furent utilisées pour la première fois en 1857 sur la ligne Zurich – Baden – Brugg. Les premières voitures postales appartenaient aux compagnies ferroviaires à une époque où les CFF n’existaient pas, et les PTT suisses devaient payer les intérêts sur les frais d’acquisition, les montants d’amortissement et la maintenance. Mais en 1866, la Poste fédérale prit en charge ce matériel roulant et acheta elle-même ses voitures-postales. En 1873, les premières voitures postales à trois essieux furent mises en circulation et en 1882 les essieux intermédiaires étaient équipés de coussinets, permettant un meilleur jeu latéral. Les premières voitures postales des chemin de fer à voie étroite entrèrent en service en 1890 entre Landquart et Davos, sur le Rhétique.

Au fur et à mesure des développements ferroviaires du XIXème siècle, les parcs de matériel roulant s’agrandissent. En France, on comptait en 1885 un parc de 386 voitures dont 83 bureaux ambulants. Ces voitures étaient de même conception technique que leurs consœurs du service voyageur, et dans les années 1860-1880 elles étaient à deux ou trois essieux. Les livrées des voitures postales différaient d’un pays à l’autre. Certaines arboraient déjà le rouge quand d’autres restèrent vertes ou brunes. Le célèbre logo en forme de corne fut pratiquement identique dans toute l’Europe, avec certaines nuances. L’entretien du matériel postal incombait aux administrations postales, dont les véhicules étaient assimilés à des wagons de particuliers. La Suisse, en 1893, comptait 273 cours postales !

Voiture postale allemande de 12,50m, construction Görlitz de 1924 (photo Wumag Görlitz)

Aménagement typique

Des ambulants…
C’est à cette époque qu’apparait la notion de bureau ambulant, où le personnel de la poste prend place dans les voitures postales et trie le courrier durant le trajet. Selon les témoignages écrits, les ambulants étaient un petit monde à part au sein de la Poste, avec ses rites et ses coutumes. C’est un service assez pénible car, outre la fatigue de voyages continuels, bien souvent le personnel trouve au départ un wagon-poste bien encombré, et ce n’est qu’après plusieurs heures de travail de tri que l’on commence à « y voir plus clair ». L’horaire est tendu et il ne peut y avoir de retard dans le travail, car les sacs à descendre en cours de route doivent impérativement être prêts à l’heure ! Des tensions pouvaient parfois apparaître avec les cheminots en gare, notamment pour le chargement.

(photo CFF Historic)

Aux PTT suisses, avant l’introduction des codes postaux, une excellente connaissance de la géographie et du système de transport postal était nécessaire pour travailler dans la voiture-postale, qui était considéré comme une étape importante dans une carrière postale. Tous les pays ont connu le même phénomène. Dans les années 1900, près de 8000 personnes étaient par exemple affectées en Allemagne à ce qui s’appelait la ‘Bahnpost ‘, la poste ferroviaire.

Le XXème siècle
Le matériel roulant évolue. Dans les années 1900 apparaît en France des voitures postales à 2 essieux avec empattement de 8,20m pour une longueur HT de 15,172m. Sur le réseau PLM, il existait une variante de ce type avec 3 essieux. Les techniques de construction sont analogues à celles des voitures voyageurs de la même période. A partir de 1907 apparaît un type de voitures à bogies portant la longueur à 18,040m. Une distinction est faite entre les différents types de voitures en fonction de leur équipement : pour le traitement exclusif des lettres, pour le traitement des colis et voitures pour le traitement des lettres et colis. Parallèlement, les administrations postales européennes utilisèrent des fourgons à bagages pour certains de leurs transports, solution qui leur évite l’entretien de véhicules spécialisés. Sur des relations omnibus, une partie du fourgon pouvait suffire et, parfois même, la poste utilisait simplement un compartiment dédié dans une voiture voyageur classique à deux essieux.

L’apogée
Jusqu’après la fin de la Première Guerre mondiale, le courrier ferroviaire en Europe a connu son apogée absolue. Juste avant 1914, l’Allemagne possédait environ 2.400 voitures affectées au service postal. Les premières réductions ont été provoquées par l’inflation en 1923 et par la loi allemande sur les chemins de fer de 1924, qui a mis fin à la gratuité du transport du courrier ferroviaire et a introduit la rémunération sur la base des kilomètres-essieux. Cela a inévitablement conduit aux premières mesures de réduction des coûts dans le transport ferroviaire du courrier. En France en 1939, à la veille de la Seconde guerre mondiale guerre, la poste française, qui était l’administration PTT, disposait de 825 voitures-poste dont 300 bureaux ambulants. Ce nombre chuta à 600 unités après la Seconde guerre mondiale, suite à des destructions durant le conflit ou à des réformes.

Après la seconde guerre mondiale
La Seconde Guerre mondiale n’a pas seulement entraîné la destruction de grandes parties du réseau ferroviaire européen, mais elle a également provoqué la perte d’innombrables wagons postaux. Il devenait évident que le volume du courrier n’avait plus rien à voir avec ceux du XIXème siècle. Il y avait aussi une distinction de plus en plus marquée entre le courrier et les colis, qui impliquait des circuits et des rythmes de flux différents. British Rail construisit entre 1959 et 1977 un total de 96 véhicules, tous basés sur la conception des voitures Mark 1 et numérotés 80300 à 80395. Les premiers véhicules construits comportaient les fameux filets de capture et des bras de collecte, pour permettre l’échange de sacs de courrier sans que le train ait besoin de s’arrêter, une pratique qui s’arrêta seulement en 1971. Ces véhicules pouvaient dans certains cas composer des trains postaux entiers.

Les voitures postales sur base des Mark 1

Les PTT français continuèrent d’utiliser un grand nombre de divers types de voitures OCEM sur base de plans de 1928 puis 1931, et qui étaient des voitures métalliques d’environ 15 tonnes pour une longueur de 21,57m. Dans les années 80, certaines d’entre elles reçurent la livrée jaune de La Poste, et au passage des soufflets UIC ainsi que des bogies Y24.

Le modèle français OCEM, une construction de 1926, sur bogies.

En Allemagne, 72 voitures postales de type Bpw au gabarit UIC-X de 26,40m furent construites dans les années 1955-56 pour les intégrer dans des trains de voyageurs (photo). Par la suite, certaines de ces voitures seront affublées de la livrée beige/bleu Intercity de la DB.

Les nouvelles voitures postales allemandes, gabarit UIC-X et longueur 26,40m. On rentre dans la modernité…

Les trains postaux « autonomes »
Le terme « autonome » se réfère ici à des trains spécifiques pour la poste, dans des services séparés du trafic voyageur. Sans rapport avec le train autonome sans conducteur, qui est un tout autre sujet…

Le travail des ambulants était mis à rude preuve par… l’accroissement de la vitesse des trains. Certaines nuits, une dizaine d’agents postaux devaient trier jusqu’à 400 sacs avec des temps de trajet de plus en plus réduits ce qui posa des problèmes. La réponse fut alors la mise en place de train postaux autonomes, qui pouvaient selon les cas faire de plus longs arrêts en gare, indépendamment du service voyageur. Ces trains autonomes pouvaient aussi circuler de nuit, quand les trains de voyageurs dormaient dans leur dépôt…

Aux Pays-Bas, les PTT et les NS avaient convenus un accord pour des trains séparés dès 1955. Pour éviter des convois tractés, la société Jansen de Bergen op Zoom avait transformé 20 automotrices de la série mCD 9100, mCD 9151 et mBD 9001 en automotrices postales. Pour à peine 10 ans : en 1966, tout ce matériel était déjà mis hors service. Dans l’intervalle, les PTT font construire 35 nouvelles automotrices à une caisse de type mP1, 2 et 3, sur base des automotrices dites « Plan V ». Elles ont une longueur maximale de 26,40m et entrent en service dès 1966 (photo). Dès 1979, ces automotrices sont autorisées à tracter des wagons de fret de type Hbbkkss construits par Talbot, avec un maximum de cinq wagons pour 200 chargées.

Un exemplaire bien conservé des automotrices plan V de type mP1

Wagons de fret de type Hbbkkss construits par Talbot, utilisés dès 1979

En Belgique, le premier train autonome postal fut testé en octobre 1962, soit plus de 100 ans après les premières voitures postales. Cette automotrice dédiée provenait d’une transformation de huit automotrices quadruples de 1935 de la SNCB, récemment retirées du service et ayant pour certaines déjà 3 millions de kilomètres au compteur.  Après les conclusions du test, le démarrage eut lieu en février 1968 avec des automotrices couplées au départ de Bruxelles-Midi, vers Gand et Ostende, vers Anvers, vers Liège et vers Jemelle et Luxembourg. D’autres destinations suivirent.

Transformation des AM54 après le retrait des AM 1935 de la SNCB. Le logo « B » aura par la suite le logo de La Poste comme voisin sur la face frontale

La poste belge était propriétaire de ces véhicules. Avec les progrès techniques des centres de tri, le tri ambulant fut rapidement arrêté dès 1971 et les trains se contentèrent de ne transporter que des sacs prétriés. Á la fin des années 80, quinze automotrices type 1954 furent transformées, tout en restant cette fois propriété de la SNCB, qui les louait.

En France, 8 autorails postaux basés sur les techniques des X4750 furent construits en 1978 pour des transports entre Paris et Rouen, Caen et Lille. Leur capacité était de 66 conteneurs pour une charge de 13,2 tonnes de courrier. Ces engins, numérotés X94750 à 757, ne circulèrent qu’une quinzaine d’années, avant leur retrait en 1993.

Mais le plus spectaculaire fut certainement le lancement des TGV postaux en 1984. La Poste construit tout spécialement deux plateformes postales directement accessibles avec quais ad-hoc : à Macon et à Cavaillon. La Poste est propriétaire du matériel roulant : 7 demi-rames dérivées du TGV Sud-Est. Les 923006 & 007 sont issues de l’ex-rame PSE n°38 et ne seront livrées qu’en 1993. Jusqu’à 6 services sont opérés en fin de soirée ou au petit matin.

Le TGV postal, ce sera le seul exemple en Europe, si on excepte beaucoup plus tard l’arrivée du Fast Mercitalia en 2018, qui n’était pas postal…

La fin du mariage
Les années d’après-guerre favorisèrent largement l’aviation postale pour les distances supérieures à 400-500km. Dès 1961, par exemple, la Bundespost allemande avait mis en place un réseau postal aérien de nuit où des vols à destination et en provenance de Hambourg, Brême, Hanovre, Berlin-Tegel et Cologne/Bonn, Nuremberg, Stuttgart et Munich, convergeaient à Francfort entre 23h50 et 1h40 pour échanger du courrier. L’Allemagne pouvait ainsi être couverte en une seule nuit. L’Allemagne tenta néanmoins quelque chose de rapide entre 1980 et 1997, malgré le réseau aérien, au travers de ‘Post InterCity’, une forme nocturne rapide du courrier ferroviaire. En 1980, une liaison de train de nuit rapide entre Hambourg et Bâle ou Stuttgart a été mise en service à titre d’essai, puis étendu en 1981 aux liaisons Hambourg – Cologne et Hanovre – Düsseldorf. Le 23 mai 1982, sept autres trains de nuit rapides étaient encore rajoutés. Mais la haute priorité horaire accordée à ces trains entrait en conflit avec certains trains de fret tracés à 120 km/h. De plus, l’utilisation nocturne des machines E103 provoquait des tensions sur les roulements, ces machines étant prioritaires sur les InterCity grande ligne de jour. Quand les intérêts de la Poste se heurtaient à ceux du rail…

La compatibilité entre les horaires voyageurs et ceux du déchargement/chargement postal a toujours été un soucis…

Dans les années 90, le volume de courrier transporté par chemin de fer diminua régulièrement. Il y eut aussi une politique de séparation des services de courrier et de colis introduite par la Deutsche Post et la technologie grandissante des centres de tri. L’Allemagne passa ainsi entre de 1994 à 1998 de 83 à 33 centres de courrier et de tri des colis. De plus, pour la Deutsche Post, le manque d’itinéraires rapides pour le saut de nuit a rendu le transport du courrier par chemin de fer peu attractif. En France, au début des années 90, avec la mise en service de machines de tri automatique, le tri manuel, qui se faisait de nuit dans les wagons, fut supprimé. Du même coup, le transport ferroviaire perdait son seul avantage pour ne conserver que ses inconvénients ­ lenteur et rigidité. En 1991, la Poste française décidait de transférer progressivement les services du rail vers la route.

La Grande-Bretagne y croit encore
Dans les années 1980, le transport du courrier par rail avait acquis la réputation d’être peu fiable, le courrier arrivant souvent en retard. En réponse, British Rail conçut ‘Rail Express Systems’ (RES) pour mieux répondre aux besoins de Royal Mail. Au milieu des années 1990, une nouvelle stratégie audacieuse pour transporter le courrier par rail fut élaborée. «Railnet» a été développé pour faciliter le traitement en vrac du courrier en ayant des dépôts spécialement construits pour le tri des trains et le transfert des sacs de courrier vers et depuis le réseau routier. Ce projet de 150 millions de livres sterling financé par Royal devait être « à la pointe de la technologie, prévu pour des économies d’échelle » afin de traiter efficacement de gros volumes de courrier, dixit les documents d’époque. Nous sommes juste une année avant la privatisation de British Rail. À la fin de 1993, Royal Mail signit un contrat de 13 ans avec ‘Rail Express Systems’ (un contrat intérimaire de trois ans, puis un accord de dix ans une fois le «hub» achevé) pour faire circuler les trains à partir de son nouveau «hub», connu sous le nom de London Distribution Centre (LDC, maintenant mieux connu sous le nom de Princess Royal Distribution Center) et construit à Stonebridge Park, près de Wembley.

Dans l’intervalle, le secteur « colis » de British Rail était à la recherche d’un parc de plusieurs unités d’automotrices dont l’exploitation serait plus rentable qu’un parc tracté. Ainsi naquirent, sur base des Class 319, les 16 automotrices de la Class 325 construites chez ADtranz Derby entre 1995 et 1996. Chaque ensemble est composé de quatre voitures, chacune avec deux volets coulissants et pouvant contenir jusqu’à 12 tonnes de colis. Il n’y a pas d’intercirculation entre les voitures. Les voitures postales n’avaient pas encore toutes disparues : il y avait encore une flotte de 123 voitures postales en 1995, dont 84 équipées pour les ambulants.

Une composition de Class 325, un des rares exemples réussit d’automotrices postales, excepté le TGV français…(Slindon en 201, photo Steve Jones via wikipedia)

En Suisse, 640 wagons de courrier circulaient encore quotidiennement au début des années 90 sur le réseau CFF, et 51 sur les chemins de fer privés. Mais dans ce pays aussi, les bouleversements de la logistique et des habitudes de consommation modifièrent les règles du jeu et les flux ferroviaires.

Une des nombreuses cours postales suisses, mais la réduction de celles-ci commençait…

Fatales années 1997-2004…
L’arrivée d’internet n’explique pas tout, loin s’en faut. Jusque-là, une frontière plus ou moins hermétique avait été constituée entre le ‘courrier’ et le ‘colis’. Or, la diminution du courrier contrastait avec les colis qui, eux, voyaient leurs volumes croître régulièrement. Dans l’intervalle, les années 2000 sont marquées par l’arrivée sur nos tarmacs de gros intégrateurs basés sur le binôme avion/camionnette, avec livraison à domicile et installations de tri géantes et ultrasophistiquées. Il devenait clair pour toutes les Postes d’Europe qu’il y avait là un marché à prendre et qu’un tournant se dessinait dans la distribution. Tous les pays ont eu à connaître une reconfiguration complète des réseaux postaux et des centres de tri, ce qui impacta forcément sur le trafic ferroviaire postal.

Aux Pays-Bas, la fermeture définitive du tri-postal de Roosendaal rend les automotrices inutiles. Le 20 mai 1997, tout le trafic postal est transféré à la route et les 16 automotrices restantes sont mises au chômage illico. Coïncidence, c’est ce même mois de juin 1997 que prend fin le trafic du courrier ferroviaire sur les lignes de la Deutsche Bahn AG. En Belgique, l’acheminement du courrier par train pris fin le 31 décembre 2003 sur un ultime train Bruxelles-Gand.

En Autriche, avec la construction et l’agrandissement des six centres de distribution à partir de 2001, le courrier n’avait plus de raison d’être trié en cours de route dans un train. En mai 2004, la dernière liaison nationale Vienne – Wolfurt – Vienne était définitivement arrêtée. La dernière liaison régionale exploitée fut Innsbruck – Wolfurt après l’ouverture du centre de distribution de Hall / Innsbruck.

Une des voitures postales autrichiennes « modernes » rescapées chez une association privée. Le jaune « Empire » est resté…

Chez le voisin suisse, l’ère était aussi à la transformation. La centralisation du tri et les nouvelles modes de consommation militèrent pour d’autres systèmes de distribution. Avec le transfert du transport de journaux du rail vers route, l’ère des wagons accompagnés en Suisse était révolue dès août 2004.

En Grande-Bretagne, il y avait encore une flotte de 112 voitures postales passé les années 2000, ainsi que les automotrices de Class 325, toujours actives. Le London Distribution Center ouvert en 1996 signifia un changement radical, signifiant par-là que seuls les trains de courrier dédiés circuleraient. Les TPO étaient soumis à des restrictions considérables, notamment des limitations de vitesse et des annulations sur de nombreux itinéraires, ce qui retardait parfois les trains jusqu’à six heures. Cependant, dès 2003, Royal Mail retira ses contrats et cessa l’exploitation des bureaux de poste itinérants (TPO) en janvier 2004, après 166 ans de service au service du Royaume de Sa Gracieuse Majesté. Mais pas pour longtemps…

La France y a cru aussi longtemps que possible. En 1995, les trains postaux avaient été massivement supprimés, en dehors du Paris-Besançon (et de trois rames de TGV qui continuent de relier quotidiennement Paris, Lyon et Cavaillon). Le courrier n’était acheminé qu’à 4 % par le rail, la route se chargeant de 75 % de l’acheminement. Le dernier train postal autonome, hors TGV, circula en décembre 2000 entre Paris et Besançon. Le TGV Postal, lui, conserva encore ses atouts avec des trafics entre Paris-Charolais et Lyon-Montrochet, où un entrepôt a été spécialement aménagé. L’une des deux relations marquait un arrêt à Mâcon-Loché, où une plate-forme spécifique a également été créée. Le volume de courrier transporté ne cessant de diminuer, un des allers-retours Paris – Cavaillon fut supprimé en 2009 tandis que ne subsistait que trois autres rotations journalières, l’une subsistant sur Cavaillon et les deux autres sur Mâcon. La chute du volume se poursuivant, il fut décidé d’arrêter. Le dernier TGV Postal circula le 26 juin 2015 entre Cavaillon et Paris-Charolais avec la rame 953.

Les résistants
Contre toute attente, les anglais n’abandonnèrent jamais vraiment, en dépit des baisses de volume et du courrier électronique. L’année même de l’arrêt des TPO, en 2004, Royal Mail décidait de revenir sur le réseau ferroviaire et engageait le privé GB Railfreight pour transporter des lettres déjà triées sur la West Coast Main Line entre les terminaux de courrier à Willesden à Londres, Warrington et Glasgow, en utilisant les Class 325. Ce contrat fut ensuite transféré en 2009 à DB Schenker, et qui reste toujours en vigueur aujourd’hui, sous le nom de ‘Mail by Rail’ qui circule chaque jour de semaine sur le même itinéraire.    

La Poste suisse n’a as encore abandonné le train

En 2002, la Poste Suisse lançait REMA, un projet de réorganisation du traitement du courrier et de la logistique des colis. Les bureaux de postes passaient de 3500 à 2500 unités, ce qui reste encore remarquable compte tenu de la taille du pays. Le nombre de centres de tri principaux tombait à trois : Zurich-Müllingen, Éclépens et Härkingen, auxquels s’ajoutent 3 centres de colis à Daillens, Frauenfeld et à nouveau Härkingen. Dans ce paysage renouvelé, il est encore fait appel au train pour gérer les différents flux.  En 2017, CFF Cargo acheminait chaque jour 21 trains de courrier et 38 trains complets de colis dans toute la Suisse. Pas d’automotrices ni de voitures-postales, mais des wagons transportant des caisses mobiles. Grande-Bretagne, Suisse, le courrier et les colis par train font encore partie du monde actuel. Où en est-on aujourd’hui dans cette vaste logistique ? Quel est la situation du courrier et des colis en cette ère de e-commerce ? Là, il ne s’agit plus de l’histoire mais du présent et futur que nous vous présenterons à une autre page.

Le futur, dans les pays qui y croient encore…

Un débat sans fin : qui doit payer le train ?

21/01/2021 – Par Frédéric de Kemmeter – Signalisation ferroviaire
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Dans un article du Wired d’août 2019, Christian Wolmar, expert des transports et analyste ferroviaire en Grande-Bretagne, soulevait une intéressante réflexion : qui doit payer le chemin de fer ? Les utilisateurs, le contribuable ou le gouvernement ?

La politique tarifaire britannique, avant la Pandémie, avait toujours été marquée par des tarifs assez élevés. Wolmar explique que c’est l’usager, et non le contribuable, qui a été graduellement obligé de supporter une part de plus en plus importante des coûts du rail. «Au fil du temps, le taux de couverture est passé d’un tiers du coût du chemin de fer à deux tiers», explique l’expert. Ce qui a provoqué quelques délires politiques quand, surtout à gauche, on a tenté de faire croire que cette augmentation partait dans les poches des actionnaires. Un argument battu en brèche par Anson Jack, professeur d’analyse comparative ferroviaire internationale au Birmingham Centre for Rail Research et Éducation, qui explique l’équation : « le Parti travailliste soutenait que si nous n’avions pas d’entreprises privées, l’élément profit pourrait utilement retourner vers le rail ». De son côté, le syndicat RMT a toujours proclamé que les sociétés d’exploitation ferroviaire continuaient de faire des bénéfices, sous entendu au détriment des investissements. « Mais l’élément de profit sur le chiffre d’affaires total des opérateurs ferroviaires est d’environ 2% ! » rétorque Anson Jack. Que peut-on faire de mieux en récupérant ces 2% vers l’État ? Rien ! « Même si les tarifs augmentaient de 5%, cela n’entraînerait pas une amélioration du service », assène Anton Jack. D’autres auteurs estiment que ces 2% serviraient de facto à combler les surcoûts inévitable de la gestion de l’état, ce qui ne rendrait pas le train moins cher pour les contribuables, comme le prétend le Labour…

Cette analyse peut parfaitement s’appliquer en Europe. Les européens ont certes pratiqué une autre politique, bien plus sociale, mais la couverture des coûts par l’usager/client est très médiocre, de l’ordre du tiers dans le trafic subventionné. La croyance selon laquelle le rail européen coûte moins cher « justement parce qu’il est aux mains de l’État », n’est pas démontrée, parce que derrière l’État, il y a toujours quelqu’un qui paye. L’État, qui n’a aucun actionnaire, reste toujours un élément de coût par son mode d’organisation et par les obligations de services à peu près toujours contraires à la rationalité économique. Si on y ajoute les particularités sociales, les coûts n’iront certainement pas à la baisse. La mise en place d’une nouvelle convention collective en Allemagne a fait grimper les coûts de production pour tout le monde, y compris les prestataires privés. C’est évidemment un gain pour les travailleurs, ceux qui sont aux premières loges de l’exploitation.

Il y a trois enjeux distincts :

  • Quel est le périmètre du service public où l’autonomie financière est impraticable ?
  • Quels sont les coûts réels et quels moyens pour les contenir ?
  • Quelle répartition de ces coûts, sur quelles têtes va-t-on passer la facture ?

On entre bien évidemment ici dans le champ politique. Il est apparu que des quatre secteurs du rail, deux n’auront jamais l’autonomie financière : l’infrastructure et les trains locaux/régionaux. Il est donc parfaitement logique que ces secteurs soient subsidiés, par des systèmes variés d’encadrement des subsides et des prestations selon les cultures politiques de chaque pays. Le trafic local et régional est crucial pour le quotidien des citoyens, notamment pour aller au travail ou à l’école. Sur ce segment, l’acceptation du prix du billet ou de l’abonnement atteint vite un seuil psychologique très bas dont la perception dépend évidemment de la situation privée de chacun. Dans ce contexte, il ne faut guère s’étonner de l’exécrable couverture des coûts du transport régional. D’où la phase suivante.

Concernant les coûts, la première idée est en effet de voir si on ne peut pas faire du train autrement. Il a déjà été démontré que oui, au travers d’opérateurs qui ont pu construire une structure de coûts différente que celle de l’économie administrée, tout en opérant en délégation de service public. Ces modèles, quoique fragiles, ont bousculé les habitudes managériales et sociales des entreprises publiques historiques. Par exemple par l’adoption de technologies nouvelles qui, bien qu’onéreuses à la base, permettent de surveiller un vaste kilométrage de réseau sans devoir poster du personnel tous les trois kilomètres. La fibre optique a ainsi tué des centaines de petites cabines de signalisation et tous les emplois qui allaient avec. Tout comme l’électricité a jadis tué la vapeur et les équipes de compagnons qui opéraient sur les anciennes locomotives. L’ensemble de l’écosystème ferroviaire fait ainsi l’objet d’une recherche permanente à la fois de fiabilité et d’encadrement plus stricte des coûts de production.

Concernant la répartition, certains économistes soutiennent que si on veut une politique sociale particulière pour le personnel, ce ne sont pas les usagers directs qui doivent en supporter les surcoûts, mais le gouvernement. D’autres renchérissent en estimant qu’on oublie sciemment les bénéfices du rail à la collectivité, en termes de routes moins encombrées, de cohésion sociale et de lutte contre le réchauffement climatique. Derrière cela il y a l’idée que le rail bénéficie à tous, y compris les 90% de citoyens qui n’utilisent jamais le train, et qu’il est donc logique de faire supporter le coût du rail à tous ces « bénéficiaires » . Ce qualificatif est évidemment sujet à des débats politiques et académiques intenses, sachant qu’il y a trop d’éléments difficilement mesurables pour affirmer et confirmer le bénéfice en question. Certains radicaux voudraient même que le transport public, et donc les trains, soient l’unique objet de mobilité disponible, mais il s’agit pour ces gens-là d’exercer un contrôle social idéologique, ce qui nous éloigne complètement du transport et du sauvetage de la planète…

La différenciation entre gouvernement et contribuables d’après Christian Wolmar est finalement caduque : au travers de la fiscalité, contribuables et gouvernements ne font qu’un. La question de la fiscalité ramène immédiatement à la politique, quand certains la voit plutôt prendre en charge l’enseignement, la santé et bien d’autres besoins de première nécessité, comme les infrastructures. Il y a donc un questionnement légitime envers ceux qui promotionnent le rail à n’importe quel prix, car cela ne mènera pas à une hausse d’utilisation du mode rail, qu’il soit d’État ou par DSP interposée. Alors quoi ?

On en revient au point de départ et à se pencher sur les coûts complets du transport. Entre la route et l’aviation qui ne payent pas leurs externalités et un transport public onéreux, la question de la répartition de l’effort sur un ensemble de population n’est pas tranchée, et ne le sera probablement jamais. Les britanniques ont tenté la couverture des coûts ferroviaires la plus maximale possible par les seuls usagers. Le trafic a certes doublé en 20 ans de franchises, mais routes et autoroutes sont toujours aussi pleines. En Europe, on a préféré alléger les épaules des usagers mais pas vraiment ceux des contribuables. Le train y est moins cher mais là aussi routes et autoroutes sont toujours aussi pleines, quoiqu’on fasse. Deux options, même résultat. Par ailleurs, l’élévation de diverses normes de sécurité et de sophistication des appareillages techniques enchérissent encore les coûts, mais ici il faut rappeler que les investissements ferroviaires doivent toujours être analysés sur le long terme, ce qui diminue la facture finale.

C’est en réfléchissant de cette manière qu’il faut opérer des choix pour décider sur quelles épaules il faut faire reposer les coûts d’une politique ferroviaire soutenable pour tous.

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Le rail après le Covid : entre défis et opportunités

Amsterdam

28/12/2020 – Par Frédéric de Kemmeter – Signalisation ferroviaire
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Est-il encore nécessaire de parler du Covid-19 au risque d’avoir un geste de lassitude ? Il est pourtant nécessaire de faire le point et de prendre de la hauteur. Le secteur ferroviaire, qui est déjà si difficile à gérer à tous les niveaux, va devoir une fois de plus faire face à de nombreux défis. Lesquels pourraient aussi être des opportunités si on prend la peine d’entreprendre dans certains cas un « mental shift ».

Il est bien clair que la pandémie de 2020 a provoqué un désastre. Comme l’expliquait l’International Railway journal l’été dernier, partout dans le monde, les opérateurs de transport en commun et de chemins de fer ont été confrontés à un manque de financement considérable, malgré les fonds de relance reçus pour maintenir leurs activités dans les premières semaines de la pandémie. Les opérateurs européens de transport de passagers ont fait état de baisses de recettes pouvant atteindre 90 %. Un groupe d’opérateurs européens de transport en commun prévoit un manque à gagner global de 40 milliards d’euros de recettes. L’éloignement social, le confinement, l’isolement et le travail à domicile sont bien sûr les principaux responsables de cette situation.

Les gens ont été invités à occuper un siège sur quatre et les trains roulent à vide. Certaines critiques se sont demandés pourquoi tous les ICE allemands sont restés en service alors qu’il n’y avait que 10 % de personnes à bord. L’argument était qu’il fallait maintenir des capacités pré-pandémiques pour justement garantir la distanciation sociale. Cela a provoqué de vifs débats, car cette thèse veut faire croire que les gens prendront un autre train quand le premier est rempli. Cela peut s’avérer correct pour les trains avec réservation obligatoire. Mais c’était faux pour le trafic régional, car les horaires de travail ne changeant pas, il n’était donc pas question de changer de train et d’arriver en retard sur le lieu de travail. C’est donc tout une réorganisation de la société qui est apparue, avec beaucoup de gens en télétravail et d’autres qui devaient être sur place mais avec des horaires plus adaptés. Le secteur ferroviaire a ainsi été confronté à des défis qui remettent en cause son business. Les heures de pointe sont allégées, il y a moins de rentrées financières et la notion d’abonnement prend une tout autre tournure puisque certains personnes ne vont physiquement au travail que quelques fois par mois, au lieu de tous les jours. C’est toute la tarification qu’il va falloir revoir et cela renforce encore un peu plus les difficultés de financement du transport public, que ce soit en train, en bus ou en métro.

Covid-19

Un autre problème, plus politique, est apparu : les opérateurs privés, qui ne peuvent vivre que des recettes de la billetterie. Des opposants de longue date aux opérateurs privés en ont profité pour affirmer que ces entreprises, déjà considérées comme « coupables de venir manger dans l’assiette des cheminots », n’avaient qu’à se débrouiller avec leurs actionnaires. Mais ces entreprises ont vite rétorquer que ce sont les gouvernements qui leur ont retiré « leur pain », en confinant les gens chez eux. C’est comme si on interdisait les livraisons de farine chez le boulanger en l’obligeant malgré tout à faire du pain ! Dans le cadre de délégation de service public, les décisions gouvernementales ont été considérées par certains juristes comme des ruptures de contrat, car ceux-ci impliquaient des ratios de croissance du nombre de voyageurs, brutalement stoppée.

Dans certains pays, cela s’est traduit par de vifs débats sur la responsabilité des uns et des autres. L’Autriche semble avoir trouvé une voie apaisée en octroyant tant chez ÖBB qu’à WESTbahn un contrat de service public temporaire sous forme d’un quota de trains à exploiter entre Vienne et Salzbourg, avec une aide financière à la clé. En Grande-Bretagne, la pandémie a achevé définitivement le système de franchises qui ne se portait déjà pas bien depuis plusieurs années. Mais au lieu de nationaliser, ce qui aurait coûté une fortune à l’État à cause des contrats en cours, la Grande-Bretagne se dirige vers une nouvelle forme de concession qui se rapproche plus de ce qui se fait en Europe du Nord.

Franchise-rail

Les défis de demain sont de redessiner les contours du secteur ferroviaire. La pandémie change complètement le paysage et accélère les transformations. Plusieurs questions demandent des réponses rapides :

  • jusqu’à quel point l’État doit intervenir dans le secteur ferroviaire et les transports publics, dans ce contexte nouveau du télétravail et de moins de déplacements;
  • y-a-t-il un mental shift auprès des décideurs pour admettre que le secteur ferroviaire est pluriel, et non plus mono-administré comme jadis ?
  • Quelles sont les perceptions du public face à ces restrictions de voyage, et quelle est son attitude face à un autre sujet un peu oublié : l’urgence climatique ?

On peut déjà rapidement contredire certains courants d’idées qui percolent chez des groupes très actifs sur les réseaux sociaux :

  • On ne reviendra pas au monde ancien avec des idées basées sur la conservation d’un héritage social et industriel. La société change, donc le social changera aussi. Le monde post-covid ne signifie pas la fin des autres transports concurrents ni l’instauration de politiques autoritaires favorisant le contrôle social ni l’arrêt des progrès technologiques;
  • Il n’y aura pas de retour au collectivisme. La pratique du vélo, en très forte hausse, montre au contraire que les gens veulent contrôler eux-mêmes leurs déplacements et ne plus dépendre des offres et restrictions gérées au niveau politique;
  • Il n’y aura pas de décroissance mais une « croissance différente ». On peut prévoir une forte accélération de la digitalisation tout en promouvant une baisse des voyages et des trajets inutiles.
  • À l’heure actuelle, personne ne peut dire avec certitude en quoi le comportement des voyageurs sera différent une fois la pandémie passée. À long terme, une fois que des mesures sanitaires efficaces auront été mises en place, il est probable que les voyages aériens reprendront, ce qui ne provoquera une demande ferroviaire que pour certaines tranches d’âge qui y trouvent avantage.

C’est donc l’occasion pour le rail d’intégrer tous ces défis mais en les transformant en opportunités. Le futur du rail dépendra de deux facteurs clés : un mélange de service et de technologie.

L’importance du service
Comment dépasser le confort individuel de la voiture et la vitesse de l’avion ? Par le service rendu ! On en est encore loin. Le train à grande vitesse a certes permit d’éliminer l’usage de l’avion sur 300 à 600 kilomètres. Mais le confort de ces trains n’atteint pas encore celui que l’on trouve dans les véhicules privés. Pour éliminer cette sensation de « perte de temps en train », il faut distraire le voyageur. Cela passe par le wifi à bord, lequel permet aux voyageurs d’avoir des occupations, d’occuper le « temps mort du voyage » par du temps utile.

Voyage-train

Mais le wifi embarqué est aussi un business, en permettant non seulement une meilleure connaissance interne des lignes et de leur fréquence d’utilisation, mais aussi de collecter des données précieuses et de connaître les goûts des clients, ce qui est essentiel pour l’expérience client. Les datas, c’est le nouvel or noir, le carburant des entreprises de demain. Même dans un simple bus, collecter des datas permet de créer un nouveau business. Par exemple, depuis juillet 2020, Transport for London recueille des « données dépersonnalisées » dans 260 stations de métro équipées de Wi-Fi afin d’étudier les flux de personnes voyageant sur le réseau, ce qui permettrait d’améliorer le fonctionnement du métro et de fournir davantage d’informations sur le placement des publicités, comme les zones où le nombre de passagers est le plus élevé et où la durée de séjour est la plus longue.

Un meilleur service passe aussi par l’utilisation des « temps morts ». Et la nuit en fait partie. C’est donc sur le service que doivent être basés les trains de nuit, en en faisant de véritables hôtels roulants. On utilise donc la « perte de temps voyage » en l’intercalant dans le temps mort que représente le sommeil. La capacité de la majorité des trains de nuit d’arriver à destination, au centre-ville, vers 8h du matin, permet d’éviter un maximum d’avion sur des distances de 700 à 1000 kilomètres. De plus, le train de nuit, avec ses cabines et ses compartiments, répond parfaitement à la distanciation sociale.

Train-de-nuit
(photo ÖBB Nightjet)

Mais ce qui est fortement recherché, c’est la cohérence de la billetterie. Les systèmes informatiques de toutes les sociétés de transport sont parfois « des objets faits maison », certes avec l’aide de sociétés extérieures, mais dont les données deviennent « intraduisibles » sur d’autres systèmes informatiques. Il y a parfois là derrière une politique voulue de protection du business. Mais tout ne dépend pas que de l’informatique. Dans certains pays, un enfant peut être classé de manière variable comme moins de 12 ans, moins de 14 ans, moins de 16 ans, selon les politiques sociales, qui restent une compétence nationale. Les compagnies aériennes ne se préoccupent pas de ces aspects car elles ne sont pas redevables du service public et des tarifs sociaux imposés, au contraire des chemins de fer locaux et régionaux. Les voyages aériens sont mieux organisés grâce à une association mondiale qui promeut un système de tarification mondial standardisé tel qu’Amadeus ou Sabre pour voir en temps réel la disponibilité et les prix des opérateurs. Il n’y a pas d’équivalent pour le secteur ferroviaire, qui reste un «objet national». En effet, il incombe dans le cas du chemin de fer de savoir si la personne qui commande un ticket local fait partie des usagers qui ont droit à une réduction en tant que résident permanent pouvant bénéficier d’une politique sociale. Certains billets pour jeunes, comme le Go-Pass belge, ignorent la nationalité mais dans d’autres pays, c’est plus compliqué ! Au niveau technologique, avec l’accès aux API des opérateurs ferroviaires, «il n’y a pas de standardisation de données à travers l’Europe, et dans de nombreux cas, il est très difficile d’accéder à ces informations», explique Mark Holt, directeur technique de Trainline, au magazine Wired.

On peut encore discuter longtemps sur d’autres thèmes, mais ceux déjà décrits ci-dessus permettent déjà de se faire une idée de ce qui attend le secteur ferroviaire. Le futur sera différent d’hier, les concurrents ne resteront pas les bras croisés, la technologie augmentera et il faudra convaincre les nombreux voyageurs encore réticents. Tout cela avec des objectifs climatiques. En deux mots : défis et opportunités.

Je vous souhaite une année 2021 pleine d’enthousiasme et de renouveau.

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L’Europe veut un transport zéro carbone d’ici 2050. Une opportunité pour le rail

14/12/2020 – Par Frédéric de Kemmeter – Signalisation ferroviaire et rédacteur freelance
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(English version)
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L’Europe présente sa stratégie de mobilité par le biais de dix mesures dont cinq concernent le secteur ferroviaire.

« Après le mois de novembre le plus chaud jamais enregistré, il est clair que la nécessité de s’attaquer à cette crise climatique est plus forte que jamais. Le transport est l’un des trois secteurs où des efforts supplémentaires sont nécessaires. » C’est en ces termes que Frans Timmermans, chef de file des travaux de la Commission sur le « Green Deal » européen, a introduit la stratégie durable de l’Union pour les trente prochaines années.

En décembre 2019, deux semaines après sa prise de fonction, la présidente de la Commission Européenne Ursula von der Leyen, présentait la feuille de route du ‘Green Deal’, le pacte vert pour l’Europe. Un plan d’investissement de 750 milliards d’euros au minimum est prévu pour ce pacte vert. Il mobilisera des investissements publics et aidera à débloquer les fonds privés via des outils financiers de l’Europe. On attendait donc des détails plus précis concernant la mise en oeuvre de ce green deal.

Le document de travail intitulé « Sustainable and Smart Mobility Strategy – putting European transport on track for the future », rendu public un an plus tard par la Commission européenne, est une action concrète de ce Green Deal. Le plan présenté la semaine dernière comprend 82 mesures organisées en 10 domaines d’action clés, et détaille les politiques que l’administration de Bruxelles compte mettre en œuvre pour transformer le secteur des transports en un secteur décarboné, ce qui est un défi de taille.

Il y aura plusieurs étapes, la prochaine étant 2030 où :

  • Au moins 30 millions de voitures zéro émission seront en service sur les routes européennes;
  • 100 villes européennes seront climatiquement neutres;
  • Le trafic ferroviaire à grande vitesse va doubler en Europe;
  • Les déplacements collectifs réguliers pour les trajets inférieurs à 500 km devraient être neutres en carbone;
  • La mobilité automatisée sera déployée à grande échelle;
  • Les navires zéro émission seront prêts pour le marché.

Puis viendra l’année 2035 avec :

  • Les grands avions sans émission seront prêts à être commercialisés ;

Et enfin, en 2050 :

  • Presque toutes les voitures, camionnettes, bus ainsi que les nouveaux véhicules utilitaires lourds seront à zéro émission ;
  • Le trafic de fret ferroviaire doublera ;
  • Un réseau transeuropéen de transport (RTE-T) multimodal et pleinement opérationnel pour un transport durable et intelligent avec une connectivité à haut débit.

Pour satisfaire cette grande « écologisation de la mobilité », les investissements pour 2021-2030 dans les véhicules (y compris matériels roulants, navires et avions) et le déploiement d’infrastructures pour les carburants renouvelables sont estimés à 130 Md€ par an tandis que le parachèvement du réseau central du RTE-T pour en faire un système véritablement multimodal exigerait encore 300 Md€ au cours des dix prochaines années.

L’innovation et la numérisation détermineront la façon dont les passagers et le fret se déplaceront à l’avenir si les conditions adéquates sont mises en place. C’est ce que prévoit la stratégie :

  • de faire de la mobilité multimodale connectée et automatisée une réalité, par exemple en permettant aux passagers d’acheter des billets pour des voyages multimodaux afin de passer d’un mode à l’autre de manière transparente, et
  • la stimulation de l’innovation et l’utilisation des données et de l’intelligence artificielle (IA) pour une mobilité plus intelligente.

Les lignes directrices de cet immense projet mettent en avant le chemin de fer, mais montre aussi que les autres secteurs, l’automobile et l’aviation, font aussi pleinement partie de la solution pour une Europe décarbonée en 2050. Pas question donc de lourdement sanctionner un secteur pour en sauver un autre.

Les craintes du secteur pétrolier
Le plan suscite déjà des commentaires en sens divers, comme l’International Road Transport Union (IRU), qui l’attaque déjà en déclarant que « ce plan repose sur un calcul des émissions de CO2 au tuyau d’échappement du véhicule, et ne tient pas compte de l’origine de l’énergie ». Et l’organisation tente de faire croire que « les autocars diesel sont nettement plus propres que le rail déjà électrifié, on ne comprend donc pas pourquoi la Commission ignore la contribution unique du transport de masse de passagers par route ». En fait, l’IRU insinue que l’électricité ferroviaire serait produite par le charbon, une situation allemande qui ne reflète pas du tout le reste de l’Europe.

Cela signifie que le rail devra s’organiser de façon intensive et avec moins de divisions au niveau de lobbying pour contrer ce genre d’argument. Ce qui passe notamment par prendre en compte toutes les entités ferroviaires, pas seulement les opérateurs historiques.

Il est clair que le secteur pétrolier voit le vent tourner, ce qui implique pour les constructeurs de motorisations basées sur l’énergie fossile d’entamer une dure transition qui peut remettre en cause l’ensemble de cette industrie.

La stratégie de l’UE identifie dix domaines clés avec des actions pour guider sa politique verte, dont cinq concernent directement le secteur ferroviaire.

(photo Alstom)

Le plan hydrogène
Parmi les menaces – ou opportunités, c’est selon -, la place grandissante de l’hydrogène dans le futur. Le 8 juillet dernier, la Commission européenne dévoilait ses plans pour promouvoir l’hydrogène. Dans un premier temps, l’hydrogène à faible teneur en carbone dérivé des combustibles fossiles serait soutenu afin d’augmenter la production à court terme. Le secteur ferroviaire, grâce en particulier à la société Alstom, s’est très rapidement emparé de ce nouveau sujet énergétique. Malheureusement aujourd’hui, 99 % de l’hydrogène est produit à partir de combustibles fossiles ou d’électricité produite à partir de combustibles fossiles, et l’empreinte CO2 est considérable.

Par la suite cependant, ce carburant du futur devrait être produit entièrement à partir d’énergies renouvelables. De vastes infrastructures sont nécessaires pour soutenir les objectifs de la Commission européenne visant à ce que les véhicules routiers à zéro émission prennent le relais. Un plan prévoit d’installer 1 000 stations d’hydrogène et 1 million de points de recharge publics d’ici 2025. D’ici 2030, 2 millions de stations de recharge supplémentaires seraient ajoutées. Cela indique que la Commission européenne prévoit l’adoption rapide de véhicules électriques et à hydrogène au cours de la prochaine décennie. L’hydrogène reste donc une des clés de la décarbonisation pour atteindre les objectifs de en 2050.

La grande vitesse est un axe majeur
L’un des dix domaines clés consiste à rendre la mobilité interurbaine et urbaine plus durable et plus saine. La Commission propose la construction d’un plus grand nombre de lignes ferroviaires à grande vitesse sur des trajets courts afin que les passagers aient le choix entre des trajets de moins de 500 km sans émission de carbone. Lorsque la ligne à grande vitesse entre Barcelone et Madrid a été ouverte, la répartition modale est passée de 85 % d’avions / 15 % de trains en 2008 à 38 % d’avions / 62 % de trains en 2016. La construction de lignes à grande vitesse tourne le dos à l’idée de certains groupes politique d’opter pour un chemin de fer sans béton et sans travaux. La poursuite des projets de Stuttgart-Ulm en Allemagne et de HS2 en Grande-Bretagne le démontre. D’autres lignes sont à l’étude dans toute l’Europe.

>>> À lire : Où en est le projet de Stuttgart 21 ?

>>> À lire : La grande vitesse reste nécessaire pour le modal shift

Une grande partie du fret sur le rail
Le « Green Deal » européen prévoit qu’une grande partie des 75 % du fret terrestre actuellement transporté par la route soit transférée vers le rail et les voies navigables intérieures. C’est un sujet dont on parle depuis longtemps et pour lequel aucun progrès notable n’a été enregistré jusqu’à présent. La Commission européenne s’oriente maintenant vers l’élaboration d’un cadre juridique qui réponde aux besoins du secteur du fret ferroviaire. La révision du règlement sur les corridors de fret ferroviaire et du règlement RTE-T, qui sont inclus dans la stratégie, est la bonne démarche car les deux règlements devaient être traités ensemble étant donné leur importance mutuelle. L’association européenne de fret ERFA a également demandé une législation pour garantir que les corridors de fret ferroviaire répondent à des paramètres clés tels que la compatibilité avec le gabarit de chargement P400 et la facilitation des trains de 740m de long sur tous les corridors.

Ce concept de RTE-T ne semble pas avoir donné entièrement satisfaction, particulièrement en ce qui concerne le « guichet unique » et la demande de sillons horaires internationaux, très difficiles à satisfaire actuellement. Certains pays sont plus avancés dans les travaux que d’autres, et des considérations politiques nationales (élections diverses, changement de coalition,…) sont souvent des freins à l’adoption des budgets et au respect du calendrier. Le corridor de fret ferroviaire ne fait rêver aucun politicien national…

Mobilité multimodale connectée et automatisée
Un autre secteur mis en avant est le digital, qui associe beaucoup d’outils. Parmi eux, la fameuse 5G qui fait l’objet actuellement de débats parfois irrationnels. Elle est pourtant incontournable pour le futur, parce que si l’Europe n’y prend pas part, d’autres continents le feront à notre place. Nous avons fréquemment discuté dans nos articles de la nécessité de digitaliser le secteur ferroviaire, qui est en retard par rapport à d’autres modes de transport.  La Commission a réaffirmé que des efforts supplémentaires sont nécessaires pour développer l’automatisation des trains, par exemple par le biais d’entreprises communes comme Shift2Rail. La Commission veut déjà mettre à jour les spécifications techniques d’interopérabilité (STI) pour permettre l’automatisation des trains et la gestion du trafic sur les grandes lignes transfrontalières. En fait, ces STI doivent couvrir des technologies telles que la 5G et les données satellitaires, ce qui nous ramène à ce que nous disions plus tôt. Tout cela sera également utile pour le futur système de communication mobile ferroviaire (FRMCS), la nouvelle référence en matière de communication ferroviaire. En revanche, il sera probablement nécessaire de rendre l’ERTMS/ETCS plus accessible en termes de coûts d’installation, tout particulièrement chez les opérateurs ferroviaires qui actuellement ne voient pas la plus-value du système. La Commission n’a rien précisé sur ce thème important qui nous mène au cinquième domaine clé.

>>> À lire : La 5G, une technologie clé pour l’avenir de nos chemins de fer

>>> À lire : notre page digitale

Renforcer le marché unique
La Commission n’abandonne pas son concept de marché unique et compte même sur le quatrième paquet ferroviaire pour dynamiser le marché ferroviaire, jugé trop cloisonné et encore trop peu attractif. Selon elle, cela permettra aux opérateurs ferroviaires de mieux répondre aux besoins des autorités de transport.  Cela dépend toutefois de l’approbation rapide et pas trop coûteuse du matériel roulant unifié dans chaque pays. L’harmonisation des homologations de véhicules à l’échelle européenne est depuis septembre la mission de l’Agence ferroviaire européenne (ERA), ce qui accélérerait l’homologation des trains transfrontaliers, malgré certaines réticences politiques que cela suscite encore en termes de souveraineté nationale. La Commission déclare également qu’elle examinera les règles actuelles sur les redevances d’accès aux voies ferrées et qu’elle déterminera si elles offrent les incitations appropriées pour stimuler la concurrence sur les marchés et l’attrait du rail.

Il va maintenant être très intéressant de suivre ces différents dossiers dans les années qui vont suivre. Dans l’immédiat, nous entrons dans 2021, qui a été déclarée « Année du rail », et pour laquelle une nouvelle communication de la Commission européenne est attendue en mars. Les choses bougent et c’est le moment pour idéal nos chemins de fer et nos élus de changer de logiciel et d’appréhender le monde qui vient, plutôt que de s’enfermer sur des recettes du passé…

Pour approfondir :

TEE2.0Signature d’un accord sur les trains de nuit européens
08/12/2020 – L’Allemagne, qui préside l’Union européenne, tente de se refaire une place en instaurant 4 trains de nuit d’ici 2024. Enfin du concret ?



ERA_Europe_RailwaysL’ERA devient la seule autorité de certification de l’Union européenne
12/11/2020 – L’Agence pour les chemins de fer (ERA), sise à Valenciennes, est devenue la seule autorité chargée de la certification et de l’autorisation du matériel roulant dans toute l’Union européenne depuis le 1er novembre.


SNCB_siege_2Comment les satellites et l’intelligence artificielle surveillent la végétation
24/08/2020 – La technologie permettant de comprendre la végétation peut sembler incongrue, mais elle peut contribuer à réduire les coûts sur un réseau ferroviaire. Connaître la végétation, c’est anticiper des problèmes à venir


train_de_nuitUn pool de véhicules pour faciliter l’accès aux opérateurs de rames tractées
26/10/2020 – Un des problèmes qui s’imposent aux nouveaux entrants est l’acquisition de matériel roulant. Des formules de leasing existent pour le matériel de traction mais moins pour le matériel tracté. Or, cela peut parfois être un obstacle, notamment pour les trains de nuit.


SNCF_Nort-sur-ErdreL’importance des gares, petites ou grandes
07/06/2020 – Comment on peut transformer nos petites gares en lieux conviviaux et axés sur la durabilité. Il y a partout de bonnes idées de revitalisation.



train_de_nuitLe wagon modulaire est-il l’avenir du fret ferroviaire ?
19/10/2020 – Les wagons de fret répondent à un secteur industriel précis. Mais leur spécialisation entraîne des retours à vide. Le wagon modulaire peut changer cela


train_de_nuitEt si les gestionnaires d’infrastructure faisaient eux-mêmes les horaires ?
16/10/2020 – L’horaire, qui fait partie de l’essence même du chemin de fer, est devenu un enjeu crucial de marketing pour les opérateurs. Or, n’est-ce pas plutôt la tâche des gestionnaire d’infrastructure ?


KRRI Autonomous railChemin de fer : il faudra progresser avec l’existence des autres modes
12/10/2020 – Le transfert modal vers le rail ne sera pas favorisé en interdisant aux autres modes de transport de progresser, mais en répondant aux demandes des usagers, qu’ils soient citoyens ou industriels


14/12/2020 – Par Frédéric de Kemmeter – Signalisation ferroviaire et rédacteur freelance
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Signature d’un accord sur les trains de nuit européens

08/12/2020 – Par Frédéric de Kemmeter – Signalisation ferroviaire et rédacteur freelance
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C’est ce qu’on pourrait retenir d’une conférence de presse tenue en mi-journée, et qui réunissait plusieurs ministres, dont l’allemand Andreas Scheuer (CSU), et quatre grands patrons du rail, dont le français Jean-Pierre Farandou et le moins connu Vincent Ducrot, patron des CFF.

Surfer sur la vague
Nous savons tous que la politique ne peut survivre que dans «un mouvement perpétuel », destiné à embrasser les modes du moment. La vague verte a ainsi accouché d’idées nombreuses, et les trains de nuit en font partie, ce qui remet le train au devant de la scène. L’Année européenne du rail 2021 est donc l’occasion de beaucoup d’agitation médiatique. «Cette année européenne va mettre un coup de projecteur sur le rail, qui est un mode d’avenir à la fois sur les plans économique, environnemental et social. En plus de cette mise en valeur culturelle et événementielle, l’année du rail marquera le point de départ d’une réflexion renouvelée sur le ferroviaire, » déclarait notamment Dominique Riquet, porte-parole du groupe politique Renew Europe. Selon la Commission, cette démarche contribuera à accélérer la modernisation du secteur ferroviaire, indispensable pour que le train devienne une alternative plus populaire aux moyens de transport moins durables. Une manière aussi pour elle de rappeler son rôle crucial dans la politique ferroviaire, puisqu’on fêtera en juillet prochain les… 30 ans de la directive 91/440, celle-là même qui démarra un nouveau chapitre dans le monde des trains.

En France, le thème du train de nuit a créé une bifurcation dans la stratégie de communication des élus avec la promesse du retour de l’un ou l’autre train, la SNCF entamant à Périgueux la nécessaire rénovation de quelques voitures-couchettes. En Suisse, la présence remarquée des ÖBB à Zurich et Bâle a forcé le Conseil Fédéral «à faire quelque chose ». Un appel du pied en direction des CFF qui se voient ainsi obligés de coopérer avec leur meilleur ennemi alpin. «Ils gèrent les trains, les nettoient, vendent nos billets et nous font de la publicité» se réjouissent les autrichiens, qui n’en demandaient pas davantage. L’Italie a arrêté son Thello mais accueille aussi les Nighjets et maintient ses propres trains de nuit vers les Pouilles et la Sicile. L’Espagne a en revanche arrêté le peu de relations qui lui restait tandis que les pays de l’Est perpétuent leur longue tradition de trains de nuit, tout comme la Suède.

En juin dernier, une déclaration signée par 25 ministres des transports visait à renforcer la compétitivité du marché des trajets en train jusqu’à 800 km, histoire de faire avaler la pilule du renflouement de nombreuses compagnies aériennes, décidé dans tous les pays d’Europe, y compris en Suède, terre du flygskam. Pour perpétuer le « mouvement », le ministre allemand Andreas Scheuer sortait de ses cartons en septembre un concept de Trans Europ Express 2.0 promouvant des liaisons transeuropéennes pour lesquelles aucune mesure d’infrastructure majeure ne serait nécessaire. Le train sans béton, histoire de mieux coller aux revendications vertes. Il y associait une combinaison de trains à grande vitesse et de trains de nuit, sans qu’on sache quoique ce soit sur le modus operandi de ce vaste projet, et qui faisait l’impasse de tous les acteurs alternatifs. Mais quel était le but de l’opération médiatique de ce jour ?

Ce webinar présentait finalement quelques relations en trains de nuit à lancer dès décembre 2021 mais avec un calendrier élargit à 2024 :

  • Zurich-Amsterdam;
  • Vienne-Paris (ÖBB ?);
  • Zurich-Rome;
  • Zurich-Barcelone;
  • …..
Ce réseau se superpose à celui prévu par les ÖBB, excepté peut-être sur la liaison Vienne-Paris, avancée de 3 ans par rapport aux plans initiaux. D’obédience fortement allemande, on ne se risquera pas à dénicher ce qui a du être négocier en back-office pour obtenir ce mini-réseau de base.

Reste à voir comment cela va être monté, s’agissant pour décembre 2021 et par la suite d’obtenir du matériel « existant ». TEE 2.0 pourrait aussi être la proie d’intérêts acquis nationaux, notamment sur la question du personnel. L’occasion de mesurer l’entente cordiale entre les membres de ces partenariats exclusivement fondés sur les entreprises historiques, avec l’absence remarquée des suédois et des italiens de Trenitalia. Le plan allemand vise à contourner ces problèmes en suggérant que les partenariats entre différentes entreprises se transforment en entités propres, dont on s’interroge sur la définition exacte. Serait-ce du style Thalys ou Eurostar ? Mystère…

On doit évidemment se réjouir de voir les trains revenir dans le discours politique, tant il est vrai que ces dernières années, on ne parlait que d’aviation low cost, de pistes supplémentaires et de voitures autonomes. Il reste cependant à entrer dans l’ère de la pratique. Les chemins de fer, mal subsidiés, n’aiment pas «les commandes d’en haut » et ne se priveront pas de faire atterrir sur la table la question des coûts, si ce n’est déjà fait. Le risque de trains de nuit au rabais n’est jamais très loin quand la politique s’en mêle. Car si CFF, SNCF et DB ont arrêté les frais jadis, c’est parce que la tutelle lui avait demandé de sabrer dans ce qui n’était plus nécessaire à la survie du rail et de s’orienter vers le volume. Il est vrai que le concept de train de nuit – marché de niche -, entre en collision frontale avec celui du haut débit façon TGV et ICE, qui a la préférence des entreprises étatiques. L’idéal est donc encore à inventer : présenter le train de nuit pour ce qu’il est, c’est à dire un hôtel roulant qui devrait inviter au voyage. Rien que cela, c’est déjà un défi en soi…

08/12/2020 – Par Frédéric de Kemmeter – Signalisation ferroviaire et rédacteur freelance
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Pour approfondir :

Nightjet : cinq années d’une incontestable réussite
20/12/2021 – Cela fait cinq ans que les trains de nuit ont obtenu un regain d’intérêt inespéré. Cela n’est pas dû au rebond récent de la cause climatique mais plutôt à un modèle bien pensé de trains de nuit qui est clairement orienté vers les clients.


Les trains auto-couchettes de jadis, quel avenir de nos jours ?
09/08/2021 – Jadis, des dizaines de trains auto-couchettes reliaient le nord de l’Europe aux plages du sud. Culminant en 1974, ces services ont décliné par la suite. Ils étaient surtout destinés à une clientèle particulière. On vous explique tout cela ici


train_de_nuitUn pool de véhicules pour faciliter l’accès aux opérateurs de rames tractées
26/10/2020 – Un des problèmes qui s’imposent aux nouveaux entrants est l’acquisition de matériel roulant. Des formules de leasing existent pour le matériel de traction mais moins pour le matériel tracté. Or, cela peut parfois être un obstacle, notamment pour les trains de nuit.


train_de_nuitProposition pour des trains de nuit (2) : au départ de Belgique et des Pays-Bas
15/10/2020 – Nous poursuivons ici une petite série de propositions totalement libres sur les relations par trains de nuit qui nous semble le plus plausible. Aujourd’hui, voyons ce qu’on pourrait faire entre le Benelux et l’arc méditerranéen.


La nouvelle Sagrera prend formeSuccès incontestable pour le train de nuit privé Prague-Rijeka. Réouverture en 2021
26/09/2020 – Lancé en juin dernier, malgré la pandémie, le train de nuit reliant Prague à Rijeka en Croatie, est un incontestable succès. Près de 60.000 personnes ont profité de cette nouvelle liaison ferroviaire, qui était complétée par des bus pour les derniers kilomètres.


SNCFProposition pour des trains de nuit (1) : au départ de Belgique et des Pays-Bas
09/09/2020 – Petit exercice de proposition d’un réseau de train de nuit à travers l’Europe. Aujourd’hui, 1ère partie au départ de Bruxelles et Amsterdam.


Nightjet_Pascal Hartmann flickrNightjet, la renaissance du train de nuit
25/03/2019 – Le train de nuit, promis à une mort certaine, renaît avec l’offensive majeure des ÖBB, l’entreprise publique autrichienne. Quel bilan après seulement deux années d’exploitation ?



Quel avenir pour nos trains de nuit ? L’Europe a enquêté

En mai 2017, le Comité TRAN de l’Union européenne a sorti une très bonne étude sur la problématique des trains de nuit, en auscultant la totalité de l’écosystème de ce secteur particulier. On y retrouve 80 pages d’annexes avec un état des lieux des différents opérateurs. Synthèse de ce document.


La voiture-couchettes : comment on a démocratisé le train de nuit (1)


23/10/2020 – Par Frédéric de Kemmeter – Signalisation ferroviaire et rédacteur freelance
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De notre série « Aah, les trains d’hier… »

La confusion est savamment entretenue, mais les pros du ferroviaire savent faire la différence. Une voiture-couchettes n’est pas une voiture-lits. On vous explique pourquoi.

On rappelle que le terme « wagon-lits » est une invention, pour l’Europe, du belge George Nagelmackers, qui en avait tiré l’idée de l’américain George Pullmann. Mais revenons encore plus en arrière. Dès 1846, Paris et Bruxelles étaient déjà reliés par train où un trajet prenant entre 12 et 14 heures était nécessaire pour relier les deux capitales. Une des liaisons se fait déjà par nuit, dans un inconfort notoire. Les premiers trains de nuit circulèrent en « Prusse » dès 1852, avec un confort tout aussi relatif.

En 1873, les premiers « wagons-lits » sont mis en service sur les liaisons Berlin-Ostende, Paris-Cologne et Paris-Vienne. Confort absolu pour l’époque, que seule une clientèle aisée peut se payer. Suivirent plus tard les vrais trains de nuit gérés par la Compagnie Internationale des Wagons-Lits (CIWL), avec l’Orient-Express né en octobre 1883 et le Calais-Nice-Rome en décembre de la même année.

L’accroissement des vitesses permet de relier l’ensemble du territoire européen aux villes les plus éloignées, mais avec des voyages d’une durée de 12h à… parfois une journée. En 1908, quelques trains de la compagnie Paris-Orléans comportaient des compartiments de trois-lits avec toilettes et lavabos et des compartiments-couchettes à quatre places, préfigurant d’un concept moins onéreux. Le 1er janvier 1922, la Deutsche Reichsbahn mettait provisoirement en service des « wagons-lits 3ème classe » dans un train express Cologne-Berlin. Le nom générique de la voiture était WLC6ü. Elle offrait 12 compartiments de trois places chacun, mais la literie n’était plus fournie comme dans les wagons-lits de la CIWL. En termes de confort, c’était un mélange entre la voiture-lits de 2e classe et les voitures-couchettes que l’on va connaître trente ans plus tard. La même année, on trouvait des voitures mixtes 2e et 3e classe avec places couchées sur la ligne Paris-Brest du réseau Ouest-État. Dans les années 1932 à 1937, le réseau ÖBB autrichien avait converti 15 voitures anciennes à deux essieux en voitures-couchettes. Celles-ci avaient quatre compartiments avec six couchettes chacune et une toilette, qui furent principalement utilisées dans les trains de sports d’hiver. L’installation de six couchettes préfigure de ce qui va arriver après la seconde guerre mondiale.

Le train pour tous
Dans les années 50, le train reste encore largement dominant dans le transport européen, y compris sur les grandes lignes, et le tourisme de masse prend son envol. Pour pouvoir transporter de plus en plus de monde sur un même train de nuit, tout en étant « couché », il fallait moins de wagons-lits. Cela tombe bien car cette clientèle nouvelle, plutôt de classe moyenne, n’est plus prête à payer des sommes rondelettes pour bénéficier d’une chambre avec lavabo en « wagon-lits », jugé trop onéreux.

Le concept du compartiment à six couchettes devient la norme pour des trains de plus en plus démocratiques. Il se distingue des wagons-lits – que l’on va désormais appeler « voitures-lits », par des compartiments plus grands mais n’ayant aucun lavabo ni serviettes, ni attirail de confort d’une chambre d’hôtel. Un accompagnateur officie aussi comme dans les voitures-lits, pour le service et la prise des billets afin de ne pas être dérangé la nuit. Le compartiment couchettes obéissait de plus à une demande pour les voyages en famille ou en groupe, notamment au travers des grandes émigrations des années 50 à 70 du Sud vers le Nord de l’Europe. L’accès à une couchette demandait de s’acquitter d’un supplément qui s’additionnait au tarif normal du trajet.

La jeune Deutsche Bahn sort en 1954 une voiture de 26,40m, sous le code X de l’UIC. Elle est encore classée CL4ümg-54, « C » parce qu’il s’agit de la 3ème classe, qui ne va plus durer puisque dès 1956 la troisème classe disparaissait officiellement en Europe. La voiture devient une Bc4ümg-54. Les italiens se mirent à construire leur Carrozza a cuccette tipo 1959 serie 45000, les seules au look très « années 30 ».

Ces voitures furent rapidement supplantées par les voitures couchettes de type UIC-X que l’Italie construisit en grand nombre, sur base du modèle allemand.

Le boom des années 60
Il serait difficile pour ce seul article d’énumérer la quantité de type de voitures-couchettes qui fut construit dans les années 60. Retenons que pour la plupart, il s’agissait de construction neuve, tandis que quelques pays se mettaient à transformer d’anciennes voitures des années 40 et 50. Tel fut le cas de la Suède, où il a été constaté que les voitures Ao14b datant de… 1940 étaient adaptées à la reconversion en couchettes, car elles avaient déjà des compartiments spacieux qui pouvaient facilement être équipés de lits. Les voitures furent donc reconstruites en 1964-1966 en voitures-couchettes et furent versées au type Bc, puis BC1 lors de la réforme de 1970.

Véhicule de… 1944 reconverti en voiture-couchettes dans les années 60 par l’administration ferroviaire suédoise (photo jarnvagsmuseet.se)
La Bc4ümg-54 allemande est rapidement suivie par d’autres modèles UIC-X, dans les mêmes cotes mais avec des améliorations successives. Les distinguer d’un modèle à l’autre relève du jeu des 7 erreurs. Retenons-en l’essentiel du parc composé invariablement d’une caisse à 10 compartiments de six couchettes, complétés par un 11ème destiné à l’accompagnateur. Les tour-opérateurs Touropa et Scharnow se sont procurés leurs propres voitures pour les services de trains spéciaux de leur agence de voyages, qui étaient utilisés en hiver vers les Alpes , en été vers la côte méditerranéenne. Elles avaient en revanche 12 compartiments, dont un réservé au service d’accompagnement.

À partir de 1963, près de 467 voitures de type Bcm243 comportant onze compartiments apparaissaient sur tous les trains de nuit, suivies par après de 60 voitures du type Bctm256, qui avaient la particularité d’avoir une longueur de 27,5 mètres avec des compartiments spéciaux double en milieu de voiture, appelés « préférentiels » et destinés aux agences de voyage.

On peut voir en milieu de voiture 6 petites fenêtres : c’était 3 grands compartiments qui pouvaient être séparés pour en former 6 petits.

À partir des années 70, la DB adopte sa fameuse livrée bleu/crème sur toutes les voitures de seconde classe, y compris les voitures-couchettes. Cette livrée restera la marque de fabrique du rail allemand jusqu’aux début des années 90.

Une Bcmhm246 à Munich en 1982 (photo ridb.info)

À l’Est aussi, des voitures-couchettes...
À l’instigation de la RDA, la longueur intermédiaire UIC-Y de 24,5m devînt la norme dans toute l’Europe de l’Est, tout simplement parce que l’atelier de Delitzsch n’était pas en mesure de proposer des voitures de longueur supérieure. Comme la RDA était le principal fournisseur de voitures pour les pays du bloc communiste, on trouva des voitures-couchettes identiques de Varsovie à Sofia. Seule la couleur changeait sur ces véhicules que l’on pouvait voir à Paris, Bruxelles, Ostende, Bâle ou Innsbruck, entre autres. Ces voitures ont été construites sur ce schéma jusqu’en 1979.

Une voiture-couchettes de la Deustche Reichsbahn d’Allemagne de l’Est (photo E.A. Weigert)

Autriche et Suisse
Outre les 22 voitures-couchettes livrées par SGP-Simmering entre 1954 et 1956, les ÖBB ont acquit au fil du temps d’autres voitures, indiquant l’implication forte des trains de nuit pour un petit pays déjà desservis par d’autres réseaux voisins. SGP a fourni au début des années 60 onze voitures Bcm 51 81 50-50 tandis qu’entre 1976 et 1977, c’est la firme Jenbacher-Werke qui fournissait sous license Schlieren 30 voitures-couchettes Bcm 50-70 sous de type UIC-Z2, que l’on peut voir ci-dessous.

(photo Reizezugwagen.eu)

Les CFF possédaient 30 voitures-couchettes Bc4ü de 1960/61, dérivées des voitures BLS Schlieren, mais surtout par la suite de 50 voitures-couchettes UIC-Z2, produites en deux tranches, de série 5181 à 5200. Ces voitures avaient également dix compartiments de 6 couchettes et un local de service pour l’accompagnateur. Comme de coutume dans les années 60, le vert militaire dominait encore…

Voiture Bcm en livrée verte originale (wikipedia)

France/Belgique
La France des années 60 partait au début sur le modèle des voitures DEV de tous types, aux dimensions plus courtes UIC-Y, d’une longueur de 24,5m. Les trains de nuit abondants à l’époque demandèrent la construction de 448 voitures de type B9c9x, en plusieurs lots, basée sur le chaudron des B10 DEV de jour, mais avec 9 compartiments commerciaux et le 10e réservé au service de l’accompagnateur. Les 78 premières furent des B9c9s puis B9c9x, 51 87 59-70 501 à 578, construites de 1964 à 1966, avec même toiture que le chaudron des B10 construites en parallèle pour les voitures de jour.

La couleur vert militaire est là aussi choisie pour l’ensemble du parc, qui intègre rapidement tous les trains de nuit français. La SNCF innove cependant sur un aspect non repris par les autres réseaux : la voiture-couchettes de première classe. On reprend la même disposition que la voiture 1ère classe de jour, soit 9 compartiments, mais on n’y installe que 4 couchettes au lieu de 6, ce qui améliore le confort.

40 voitures d’un type identique, toutes de seconde classe, ont été achetées par le voisin SNCB, qui la désigna sous la série I3, là aussi pour les besoins de trains de nuit autos, tout particulièrement vers la France.

Version SNCB, en 1992, sur un spécial de retour des sports d’hiver (photo Mediarail.be)

Par la suite, près de 370 voitures-couchettes B9c9x 51 87 59-70 581 à 950, renforcèrent le parc SNCF, mais cette fois avec toiture rehaussée, et dont les derniers exemplaires sont sortis en 1976, au moment où arrivaient les Corail. Progressivement, les voitures-couchettes SNCF obtiennent une nouvelle livrée bleu/blanc cassé avec la ligne verte « Corail » indiquant la seconde classe.

Entre-temps, la SNCB fait construire en 1967 une série de 45 voitures-couchettes de série I5 pour renforcer ses trains de nuit. Certaines de ses voitures étaient réservées pour les trains d’agence Railtour.

Munis de cet imposant parc de voitures-couchettes disons, de première génération, les réseaux peuvent partir à la conquête de deux décennies où les voyages et le tourisme de masse permettaient de faire circuler chaque jour plus d’une centaine de train. Les TGV et ICE ne sont encore qu’à l’état de papier et les autocars commencent, grâce aux autoroutes en construction, à devenir un mode de transport longue distance. Mais les chemins de fer préparent déjà la seconde génération de voitures-couchettes. (À suivre)

23/10/2020 – Par Frédéric de Kemmeter – Signalisation ferroviaire et rédacteur freelance
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23/10/2020 – Par Frédéric de Kemmeter – Signalisation ferroviaire et rédacteur freelance
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Et si les gestionnaires d’infrastructure faisaient eux-mêmes les horaires ?

L’horaire, qui fait partie de l’essence même du chemin de fer, est devenu un enjeu crucial de marketing pour les opérateurs. Or, n’est-ce pas plutôt la tâche des gestionnaire d’infrastructure ?

Depuis les années 90, avec la réglementation européenne, la gestion des voies et les compagnies d’exploitation des trains (les « opérateurs »), doivent être des prérogatives séparées. C’était un point essentiel pour permettre à la concurrence d’entrer sur le marché. Pourquoi ? Parce que la définition des horaires était jusque-là une prérogative logique des opérateurs historiques, étant donné qu’ils géraient leur propre réseau. Cette situation ne pouvait plus être comme telle dès l’instant où de nouveaux opérateurs alternatifs entraient sur le réseau. En effet, l’horaire vous donne de précieuses indications concernant vos clients et comment vous opérez à moindre coûts.

La construction de l’horaire dépend de deux paramètres fondamentaux :

  • Les trafics réguliers;
  • Les trafics irréguliers.

Les trafics réguliers sont ceux utilisés par les services de voyageurs et certains services de marchandises, généralement sur une base annuelle. L’importance pour un opérateur comme le suisse CFF ou la belge SNCB de détenir le pouvoir de fabriquer ses horaires tient au fait que tous les services de train sont fortement imbriqués les uns aux autres, pour les correspondances dans les gares. La Deutsche Bahn a créé le même système en 1979 pour l’ensemble de son trafic grande ligne. Cela permet de fournir un même service tout au long de la journée et l’horaire devient clairement un outil de marketing. Les néerlandais ont lancé en 2018 un service d’Intercity toutes les dix minutes entre Amsterdam et Eindhoven. Le train devient presqu’un métro. Pour ces réseaux, l’horaire cadencé est l’argument essentiel pour faciliter autant que possible le voyage de chaque personne. C’est aussi un moyen de systématiser le travail des cheminots, dès l’instant où chaque heure se ressemble.

Le problème qui est rapidement apparu est la priorité des trains. Dès l’instant où un gouvernement fixe des objectifs d’améliorations à l’opérateur national, cela indiquait implicitement que cet opérateur ait la priorité sur l’établissement de l’horaire, pour atteindre ses objectifs. Vu sous cet angle, on peut alors se demander quelle place il reste pour les autres opérateurs. Parce que là aussi, les gouvernements risquent la contradiction : en favorisant l’opérateur étatique, ils empêchent l’arrivée d’autres opérateurs alternatifs qui leur permettraient d’atteindre les objectifs climatiques nationaux. Comment promouvoir le transfert modal des camions vers le train si les trains de marchandises, qui ne votent pas, sont systématiquement relégués en voie d’évitement ou mis en attente dans les gares ? C’est la meilleure façon de faire Duisbourg-Milan en deux jours alors que 25-30 heures suffiraient ! On comprend mieux pourquoi les chargeurs ne font plus confiance aux chemins de fer avec de tels temps de parcours. Cela prouve que l’horaire est clairement un outil de marketing pour les opérateurs. Mais comment équilibrer les priorités ?

Une solution serait que le gouvernement, qui est le seul détenteur – et donc le seul responsable -, de l’infrastructure ferroviaire, assigne à son gestionnaire d’infrastructure la tâche de proposer lui-même un horaire cadencé intégral qui intègre aussi des sillons spécialisés pour les trains de marchandises. C’est ce que réclamait Geert Pauwels, patron de Linéas, lors d’un récent webinar : «Si les gestionnaires d’infrastructure pouvaient réfléchir aux flux de fret et au type de trains exploités au niveau international, nous pourrions mieux utiliser la capacité. Nous avons besoin d’un système de gestion des flux à l’échelle européenne – cela pourrait économiser des milliards d’investissements dans les infrastructures. »

Cette option se heurte souvent à l’opérateur national en monopole, car lui seul est en mesure de dire que sur telle ligne il faut 4 trains par heure, tandis que sur d’autres lignes 1 ou 2 trains par heure suffisent. Cet argument peut être contourner de manière tactique : le gestionnaire peut proposer une « sur-offre » des sillons sur tout le réseau national, sachant que l’opérateur principal n’en utilisera qu’une partie selon les lignes. Dans tous les cas de figure, il y a correspondance toutes les demi-heures, même le week-end. A charge de l’opérateur étatique d’utiliser – ou non -, les sillons proposés, qui seront payant en cas d’utilisation. Quels avantages procure ce système :

  • Le gestionnaire dispose d’un stock de sillons. Ceux qui ne sont pas utilisés peuvent servir à d’autres, ou restent inutilisés;
  • Le service public est garanti au niveau de l’infrastructure, et non plus selon le bon vouloir d’un opérateur en monopole, qui trouve toutes les excuses pour contourner, quand cela l’arrange, les demandes du gouvernement;
  • Un horaire cadencé peut être opéré par plusieurs opérateurs, le service étant de facto mis en correspondance dans toutes les gares, que les sillons soient utilisés, ou non;
  • On peut aussi prévoir de facto 12 sillons par heure sur ligne TGV. Ne seront utilisés que ceux strictement nécessaires à ou aux opérateur(s) concerné(s);
  • Les opérateurs de fret disposent d’office de leur horaire de trains de marchandises, insérés entre les sillons voyageurs, toute l’année, en vitesse G80, 90, P100 ou P120 selon les possibilités. Ces sillons sont construits en évitant les mise en voie de garage et les attentes inutiles, par exemple en mettant les trains P100 et P120 devant un omnibus, et non derrière comme c’est trop souvent le cas.

Le service public est garanti car pour offrir un bon service, le gestionnaire d’infrastructure doit forcément allouer les moyens nécessaires au bon entretien du réseau. Moins il y a de trains, moins il aura de recettes. Avoir la maîtrise des horaires permet d’avoir la maîtrise des revenus, ce qui est fondamental. Avec cette maîtrise, le gestionnaire d’infrastructure peut rechercher à maximiser ses recettes en accueillant d’autres opérateurs. C’est ce qu’a fait le gestionnaire espagnol Adif : pour se faire rembourser son réseau à grande vitesse, le gouvernement a autorisé l’arrivée d’autres opérateurs sous conditions, en formatant la quantité de dessertes selon les lignes. L’enjeu était de ne pas tuer l’opérateur national Renfe tout en augmentant les trafics sur trois lignes espagnoles.

Cette politique oblige aussi le gestionnaire d’infrastructure à promouvoir une politique de travaux et d’établir un calendrier annuel. Certaine nuits, les trains ne pourront pas rouler et cela doit être planifié bien à l’avance. Un opérateur de trains de nuit peut ainsi indiquer sur son site web quelles sont les dates où le train en circulera pas. Des voyageurs bien informés sont des clients compréhensifs, donc durables !

Cette politique évite qu’un seul acteur ne vienne dicter sa loi et empêche d’évoluer à l’avenir, et de saturer un réseau sans utiliser les sillons. Il est évident que le gestionnaire doit être soumis à une tutelle forte, ce qui met le gouvernement devant ses responsabilités. S’il donne moins de subsides au gestionnaire d’infrastructure, il y aura moins de travaux d’améliorations, moins de trains et donc des objectifs climatiques qui ne seront pas atteints. D’autre part, le gestionnaire devra créer son horaire avec les autorités organisatrices, quand celles-ci décident du volume qu’elles souhaitent sur telle ou telle ligne, où quand une autorité décide de rouvrir une ligne. Cela ne dépendra plus d’une politique nationale centralisée, néfastes pour le citoyen local.

Enfin, comme la maîtrise des horaires est du niveau ministériel, il serait plus facile de construire des horaires internationaux, tout particulièrement pour les trains de marchandises qui, malgré l’ouverture des frontières, doivent encore attendre dans certaines gares de part et d’autre. Les ministres des Transports se rencontrent régulièrement lors des sommets européens et dans des forums sectoriels. Ils auront plus facile de parler trafic s’ils savent qu’ils ont la maîtrise complète de leur gestionnaire d’infrastructure. Après tout, c’est bien comme cela que fonctionne le trafic aérien : un gestionnaire centralisé, des opérateurs multiples…

(photo Mediarail.be)

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Chemin de fer : il faudra progresser avec l’existence des autres modes

Pour offrir un prix compétitif et un service fiable, une réduction des coûts d’exploitation est indispensable. L’enjeu essentiel est de savoir si le chemin de fer en est capable. Or, devant certaines difficultés de réduction des coûts, notamment les coûts fixes très défavorables au rail, la tentation est grande de s’attaquer aux autres modes de transports concurrents. D’où cette question : faut-il freiner le progrès des uns pour augmenter celui de l’autre ?

Il y a une grande tendance actuellement à vouloir remettre le chemin de fer au-devant de la scène. Pour deux raisons :

  • d’abord parce que le chemin de fer est un transport propre, et qu’il pourrait devenir un instrument essentiel pour que chaque pays puisse atteindre ses objectifs climatiques ;
  • mais aussi parce que certains cercles perçoivent le chemin de fer comme un outil favorable à leur idéologie politique.

La première raison ne fait pas débat. Hormis l’utilisation abondante de cuivre et d’acier pour sa conception, le chemin de fer utilise en effet une énergie verte, l’électricité, pour son exploitation, et probablement de plus en plus l’hydrogène sur les lignes non-électrifiées. Sur ce plan-là, le chemin de fer est effectivement un bon outil pour atteindre les objectifs climatiques. Et le train est gagnant aussi par la tonne d’acier nécessaire pour transporter une personne, comparé à l’auto.

La seconde raison est beaucoup plus discutable. On peut évidemment avancer que l’auto et l’aviation sont des modes de transport polluants, et qu’ils ont favorisé la mondialisation de l’industrie, de la finance et des déplacements. Mais il ne faut pas oublier non plus que les transports lourds – camions, autos, transport maritime et aérien – ne représentent que 27 % environ des émissions mondiales de gaz à effet de serre (22 % si on exclut les émissions aériennes et maritimes internationales). Cela signifie que les objectifs climatiques devront être atteints en s’attaquant à d’autres secteurs que le transport, notamment aux industries polluantes, au chauffage domestique et à l’isolation des bâtiments. Il est donc illusoire de s’attaquer uniquement à l’automobile et à l’aviation en prétendant que cela résoudra les problèmes climatiques. Une hypothèse domine selon laquelle la gauche préfère s’attaquer à la mobilité car elle représente une forte ségrégation sociale, plutôt que l’isolation des bâtiments qui risque de toucher son électorat précarisé, qui n’en n’a pas les moyens…

Il est évidemment stupide d’analyser le chemin de fer sous l’angle politique droite/gauche. Un train, un tram ou un bus peut autant donner une sensation de liberté de circulation, tout comme une entreprise de transport étatique n’est pas exemptée du capitalisme, puisqu’elle doit se fournir à l’industrie privée. Mais il y a pourtant des signes parfois inquiétants…

Que voyons-nous aujourd’hui ? On utilise la vague verte, astucieusement renommée « urgence climatique » pour étouffer tout débat, pour tenter de remettre en selle le transport collectif. Mais est-ce vraiment pour le bien du chemin de fer ? On peut en douter. Certains groupes politiques utilisent la cause climatique comme arme de guerre contre ce qu’ils appellent « le capitalisme automobile et aérien ». Si le train doit servir des causes idéologiques, on peut avoir la certitude qu’on est sur la mauvaise voie.

L’histoire politique nous apprend en effet que les idéologies de gauche n’ont jamais vraiment défendu le chemin de fer en tant que tel. Comme le souligne le chroniqueur britannique Peter Hitchens, les gouvernements de gauche au Royaume-Uni, dans les années 1960, 1970 et aujourd’hui, n’ont guère fait preuve d’imagination ou d’audace pour rénover ou développer le système ferroviaire britannique. C’est peut-être la peur de l’opinion publique, trop habituée au choix modal. Quel militant de gauche n’a pas de voiture ou n’en utilise pas ? François Mitterrand, un ancien cheminot, n’a rien fait pour sauver près de 10.000 kilomètres de petites lignes rurales, qui étaient censées « relier la France à sa population ». Et quand les conseillers ont évoqué le prix à payer et les multiples procès à venir pour (re)nationaliser les chemins de fer britanniques, l’ancien leader Jeremy Corbyn a rapidement enterré l’idée.

Comment cela est-il possible ? Tout simplement parce qu’au-delà des grandes utopies électorales, un boomerang revient toujours pleine figure : « le réalisme ». Ces présidents et ces gouvernements de gauche ont peut-être été soumis aux fortes pressions du lobby de l’industrie du pétrole et de l’automobile. Mais ce n’est pas l’unique raison. Ils ont surtout constaté que le chemin de fer pouvait parfois être une force politique hostile à leur action – davantage dans certains pays que dans d’autres -, mais surtout qu’il fallait un fleuve d’argent public pour les besoins d’à peine 10 à 15% de la population. Or, les finances publiques ne sont pas infinies et dans certains cas, il est nécessaire d’investir ailleurs, dans des secteurs bien plus urgents. Cette question est encore d’actualité aujourd’hui.

Beaucoup de politiciens constatent que d’autres mobilités pourraient permettre d’atteindre les objectifs climatiques. Des entrepreneurs « inventent » ainsi de nouvelles formes de mobilité, que ce soit au niveau urbain avec les trottinettes ou les vélos en libre-service, ou que ce soit au niveau de la motorisation électrique du parc automobile. Les opposants à ces mobilités font remarquer que, outre le grand désordre que cela provoque par leur arrivée soudaine, cette « liberté créative » n’aurait pas lieu s’il n’y avait pas les rues, les routes et les incubateurs de startup, payés avec l’argent de l’État. Ce n’est pas faux, mais cela ne répond pas à la question essentielle : faut-il empêcher cette « créativité » pour sauver le transport public ?

Cette question est une forme d’aveu : certains transports progressent plus vite que d’autres. Pourquoi ? Souvent parce qu’ils peuvent compter sur la créativité et le R&D généreux de leurs concepteurs, et qu’ils répondent aux demandent des utilisateurs et des industriels. Ainsi, quand un ferry peut transporter jusqu’à 450 remorques de camions entre la Belgique et la Suède (Zeebrugge-Göteborg), cela représente 10 à 12 trains intermodaux qui ne rouleront pas. Faut-il interdire ce ferry au motif qu’il fait une forte concurrence au rail ? Ainsi, quand 3 camionneurs répondent par mail en moins de 2 heures pour proposer un prix de transport, alors qu’il faut trois jours pour le chemin de fer, doit-on supprimer les routiers au motif qu’ils nuisent au business ferroviaire ?

Les grands intégrateurs, qui peuvent aligner des investissements énormes, sont aussi en position de force pour choisir le mode de transport qui convient le mieux. Le but de ces sociétés, c’est la satisfaction du client. Ils ne sont pas tenus de faire tourner une société ferroviaire défaillante sous prétexte que ce transport est « plus vert ». Si le chemin de fer fait défaut, ils choisiront immédiatement un autre mode de transport.

Même constat pour le transport public urbain : son côté « collectif » ne répond pas à toutes les demandes de mobilité, ni à tous les publics. De nombreux sympathisants qui apprécient pourtant les politiques de gauche sont souvent les premiers à se ruer sur les applications mobiles et la mobilité individuelle en libre-service. Ils participent activement au « capitalisme numérique » qui est pourtant tout le contraire de ce à quoi ils sont sensés adhérer. Faut-il interdire toutes ces nouveautés sous prétexte que cela déséquilibre les anciens modèles économiques du transport de masse ?

Bien entendu, la réactivité des camionneurs et du transport maritime n’est possible qu’au prix de grandes pollutions, d’encombrements des routes, de gaspillages d’énergie et de mauvaises conditions de travail. Le secteur routier ne paye pas ses nuisances ni sa pollution. L’aviation est trop faiblement taxée et a engendré une consommation très forte de voyages courts. L’arrivée de milliers de trottinettes a créé une vaste zone de non-droit car aucune réglementation ne les avait prévues. Ce nouveau business « barbare » a mis en péril le fragile équilibre des transports publics, tout comme Uber a violemment secouer le secteur protégé des taxis. Il est exact de dire aussi que ces nouveaux entrepreneurs ne viennent pas pour « collaborer », mais pour « accaparer » de nouveaux marchés, et qu’il s’agit davantage d’un capitalisme prédateur que visionnaire.

Pollutions, désordres urbains et capitalisme prédateur ne font certainement pas partie des outils pour atteindre les objectifs climatiques. Mais il ne s’agit pas non plus de promouvoir le transport public et le chemin de fer « à n’importe quel prix ». La Deutsche Bahn en 1990 mangeait tellement d’argent public que cela a abouti à la grande réforme de 1994. L’Allemagne a voulu rendre le transport ferroviaire moins cher en acceptant d’autres opérateurs, qui n’avaient pas les lourdeurs administratives des grandes compagnies d’État. La Commission européenne a adopté grosso-modo les mêmes principes, ce qui a été parfois mal vécu par certains pays. Ceux qui ont mis en place rapidement une politique réformiste ou de qualité ont eu le bon réflexe, mais n’ont en réalité réussit qu’à maintenir le rail la tête hors de l’eau.

Cette situation a surtout signifié une refonte du contexte social des cheminots. Certains groupes politiques en ont d’ailleurs fait leur principal argument, arguant que le service public « n’a pas de prix, quand cela protège les travailleurs ». Des conventions sectorielles ont renchérit en 2019 la masse salariale, sans que cela n’amène davantage de voyageurs dans les trains. On peut cependant se demander en quoi l’exception sociale d’un seul secteur serait indispensable pour atteindre les objectifs climatiques de tous.

Pendant ce temps, les autres moyens de transports, qui ne revendiquent aucune exception sociale, ont fortement progressé, pas seulement parce certains ont eu des avantages fiscaux, mais surtout parce qu’ils ont montré une grande créativité. Les pays qui ont adopté une politique protectionniste de leur chemin de fer n’ont pas mieux réussit dans le transfert modal. Trois suisses sur quatre ne prend jamais le transport public !

Réclamer plus d’investissements ne signifie pas qu’il faille revenir au temps des sureffectifs. Il faut éviter d’assimiler quantité d’emplois à qualité du service. Mettre 10 personnes sur un quai pour simplement observer le trafic ne mettra pas les trains plus à l’heure. C’est le système de signalisation qui décide de cela. S’il faut tant de personnes pour faire rouler un train, l’avenir du chemin de fer peut être questionné. L’arrivée des valises à roulettes a provoqué la disparition du métier de porteur à bagage. Les portiques automatiques ont liquidé les métiers de poinçonneur. Les passage à niveau automatiques ont éliminer les gardes-barrières. L’attelage automatique a fortement réduit le besoin d’agents de triage, par exemple sur les TGV. On constate malgré tout que les trains roulent tout aussi bien. Plutôt que de pleurer sur ces disparitions, la vraie question est de savoir si ces métiers sont encore des métiers dignes du XXIème siècle ?

D’autres secteurs ont pu démontré leur reconversion : l’invention du conteneur a certes tué la grande corporation des dockers qui était jadis nécessaire pour décharger un bateau. Mais les ports d’aujourd’hui fonctionnent bien mieux avec du personnel en moins grande quantité, mais plus spécialisé qu’en 1960. Un chemin identique, peut-être moins brutal, attend également le secteur ferroviaire s’il veut être un outil de développement d’avenir. Ce qui ne signifie pas un avenir entièrement robotisé, digital et déshumanisé.

Entre-temps, le coronavirus est arrivé et les trains se sont vidés, rendant le coût du transport ferré tout simplement intenable. La SNCF va supprimer des TGV peu remplis et en Grande-Bretagne, la perte nette pour l’année 2020 pourrait atteindre près de 2 milliards de livres. Certains observateurs estiment qu’en ces circonstances, soutenir sans compter « le chemin de fer voyageurs ne représente plus un bon rapport qualité-prix pour la collectivité dans son ensemble. » C’est cette critique qui fait rage en ce moment en Allemagne.

Que peuvent faire les institutions politiques ?
Elles peuvent simplifier leurs structures et clarifier leur processus, jouer sur la meilleure transparence possible, décentraliser vers le niveau local et, surtout, être un facilitateur plutôt qu’un gendarme.

Au cours des cinq dernières décennies, l’Allemagne, l’Autriche et la Suisse ont mis en place avec succès des associations régionales de transport public (appelées Verkehrsverbund ou VV), qui intègrent les services, les tarifs et la billetterie tout en coordonnant la planification des transports publics, le marketing et l’information client dans les zones métropolitaines. La recette n’est pas l’interdiction des voitures ou des nouvelles micro-mobilités, mais la collaboration et la consultation mutuelle des juridictions régionales et des prestataires de transport public dans toutes les prises de décision. Ces pays l’ont fait alors qu’on ne parlait pas encore d’urgence climatique ni de transport bas carbone. Simplement, il fallait rendre les centres-villes vivables en interdisant certaines rues aux voitures, ce qui est bien différent « d’interdire les voitures » tout court.

Dans le même esprit, la Suisse avait créé en 1992 une taxe sur le transit du transport routier. Il ne s’agissait pas d’argent frais pour payer les salaires des cheminots suisses, mais de fonds destinés uniquement à construire trois gigantesques tunnels pour soulager une infrastructure ferroviaire centenaire, et tenter de diminuer la quantité de camions sur les autoroutes. L’objectif n’était donc pas de renflouer une entreprise ferroviaire déficitaire « à n’importe quel prix », mais « de l’aider à faire mieux » avec de nouvelles infrastructures. C’est ce qu’on appelle un État stratège, par opposition à l’état interventionniste.

Le rôle de l’État est de fournir des infrastructures de services qui sont utilisées par de multiples acteurs. Un seul acteur n’est jamais en mesure d’offrir toutes les mobilités souhaitées, il faut toujours compter sur la multitude. En général, on peut dire qu’une politique de transport urbain réussie repose sur une planification intégrée de mesures qui combinent de nombreux facteurs. La mise en œuvre de solutions « sans voiture » n’a de sens que si les citoyens peuvent compter sur des services à un coût aussi compétitif que la conduite d’une voiture particulière, ce qui implique des coûts acceptables et un niveau de service élevé. Parmi les mesures efficaces, on peut citer l’aménagement intégré du territoire (nouveaux quartiers automatiquement desservis par les transports publics), la promotion des pistes cyclables et l’amélioration des transports publics en reliant les chemins de fer régionaux aux systèmes de tramway, par exemple par tram-train. La politique de stationnement et les mesures de modération du trafic contribuent aussi à plus de sécurité et à moins d’émissions. Ainsi, ces politiques de transport réussies ont permis de réduire l’utilisation des véhicules privés à environ 40 % de tous les déplacements personnels quotidiens (et même à 28 % à Zurich selon une étude). Il ne s’agit donc pas de politiques qui se contentent d’éponger les déficits et de perpétuer les anciens modèles sociaux, mais de véritables actions centrées sur les citoyens.

Mais il y a beaucoup de progrès à faire. Alors que d’autres secteurs, comme la distribution d’électricité ou d’eau, sont réglementés mais fonctionnent librement, l’intégration des transports publics nécessite un marché basé sur la collaboration plutôt que sur la concurrence. Bien que le terme « marché » implique un contrôle du secteur privé avec une réglementation du secteur public, un marché entièrement privé ou public créerait trop d’externalités négatives, telles que des prix fixes ou le manque d’options diverses. En cas d’intégration, les responsabilités sont divisées – un marché pour les clients, des infrastructures gérées par le gouvernement et des actifs gérés par les opérateurs -, mais l’objectif commun demeure. Toutefois, on constate parfois que certains acteurs publics perpétuent leurs rigidités, et une bataille s’engage pour savoir qui doit s’aligner sur qui. Dans de nombreux pays, les coûts de personnel des opérateurs privés ont dû être alignés sur ceux des entreprises publiques, sans pour autant amener davantage de clients dans les transports publics ou vider les rues de leurs voitures. Dans ce cas de figure, les transports publics ont été conçus principalement pour servir ses travailleurs plutôt que les citoyens. Certains groupes politiques radicaux défendent cette option : le citoyen doit s’aligner sur les offres de l’État, et non l’inverse. Selon eux, trop s’aligner sur les désirs de l’usager, c’est prendre le risque de précariser l’emploi…

La synthèse de cet article est de démontrer qu’on ne favorisera pas le report modal vers le rail en interdisant les autres transports de progresser, ni en promouvant le statu-quo dans la manière de faire du chemin de fer et du transport public. Il faut répondre aux demandes des utilisateurs, qu’ils soient citoyens ou industriels. C’est de cette manière qu’ils pourront revenir au-devant de la scène et jouer un rôle important dans la lutte contre le réchauffement climatique. Car pendant ce temps, les autres transports vont continuer de progresser et de se réinventer. Il n’y a personne pour interdire le progrès et la créativité. Les nouveaux entrepreneurs vont inventer d’autres applications informatiques. Les chargeurs choisiront les ports qui leur sembleront les meilleurs. Les industriels choisiront le transporteur qui répond le mieux à leurs attentes et les citoyens opteront encore pour la mobilité meilleure marché et sans contrainte. On améliorera aussi le sort du chemin de fer en favorisant une approche fiscale, méthodologique et globalisée du transport des personnes et des marchandises.

Dans la même veine :

2007 – Peter Hitchens – Why are trains left-wing, and cars conservative?

2011 – Tony Dutzik – Frontier Group – Rail: Neither Right Nor Left, But Forwardward

2020 – Sir Michael Holden – Time for a dose of old fashioned cost control

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Reconnecter les services transfrontaliers


Par Frédéric de Kemmeter – Signalisation ferroviaire et rédacteur freelance – Inscrivez-vous au blog
05/10/2020 –
(English version)
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Ce n’est pas nouveau : les frontières ne servent pas seulement à délimiter un territoire, elles servent surtout à circonscrire une politique sociale et les habitudes sociétales d’une nation. C’est cette réalité qui rend si difficile la viabilité des services ferroviaires transfrontaliers.

Ordinairement, les gens ne comprennent pas pourquoi il y a tant de différences d’un pays à l’autre. Ce n’est pourtant pas très difficile à expliquer.

La réalité à bien se mettre à l’esprit, c’est que l’Europe s’est développée depuis 1957 avec une contradiction apparente. D’une part, en promouvant l’idée d’unité et de solidarité à l’échelle européenne, et d’autre part, en grandissant avec l’existence de rivalités politiques et économiques historiques entre les États membres européens, ainsi qu’avec l’existence de fortes identités et communautés régionales. La France n’est pas l’Allemagne, tandis que l’Autriche n’est pas la Grèce ou le Portugal. Les Scandinaves revendiquent d’autres cultures, tandis que les pays de l’Est doivent tourner le dos à cinquante ans de dictature communiste. Ces différences apparaissent principalement en termes de droit, de sécurité, de géopolitique et d’habitudes sociales. Elles sont difficiles à concilier, comme nous l’avons vu récemment avec les actions contre la pandémie, qui diffèrent grandement d’un pays à l’autre. Les raisons pour lesquelles l’exploitation de trains d’opérateurs étatiques est si difficile à travers deux petites frontières sont issues de ces différences. En effet, passer une frontière signifie qu’une administration d’un État va exploiter quelque chose sur « un autre territoire » où le droit du premier ne s’applique plus. Et c’est là que les défis commencent…

Il y a plusieurs éléments essentiels à prendre en compte quand on veut exploiter un service ferroviaire transfrontalier. La Commission européenne est bien consciente des défis qui subsistent et des nombreux obstacles aux projets transfrontaliers qui subsisteront encore à moyen terme. L’UE les classe dans les catégories suivantes:
Administratif et juridique : – règles d’autorisation, de concession et de passation de marchés différentes dans les États membres; – des différences de législation telles que l’attribution de contrats d’obligation de service public et l’application des droits des passagers.
Politique : priorités politiques non alignées (ce qui est une question clé pour le succès des petits projets transfrontaliers).
• Processus de planification / faibles niveaux d’acceptation locale (par exemple, si les citoyens locaux soutiennent le projet ou non).
Technique : la mise en œuvre de règles techniques harmonisées fait encore défaut, conduisant à des normes différentes applicables aux lignes ferroviaires et au matériel roulant.
Opérationnel : langues différentes, prestations hétérogènes de services des deux côtés de la frontière, différentes approches de la tarification des infrastructures, difficultés de billetterie transfrontalière et d’accès aux installations de service.

En premier lieu, les deux pays (ou régions voisines), doivent se mettre d’accord sur le déficit qu’entraîne de facto ce type de service ferroviaire. Un des deux pays peut estimer qu’un service transfrontalier ne lui apporte rien du tout ! Il ne voit donc pas pourquoi il devrait payer avec l’argent de ses propres contribuables, lesquels pourraient se plaindre « que l’argent va ailleurs, pour des étrangers ». À Genève, il a fallu plus de 10 ans de négociations entre la Suisse et la France pour aboutir au Léman-Express, un projet mis en service en décembre 2019… avec les grèves françaises en guise de bienvenue. 

Jusqu’il y a peu, les trains SNCF aboutissant à Port-Bou retournaient à vide à Cerbère, 5 kilomètres en amont (PHOTO FERRAN ARJONA VIA LICENSE FLICKR)

La territorialité peut parfois aboutir à de l’absurdité et des gaspillages à l’opposer des défis climatiques. Exemple sur Port-Bou-Cerbère, à la frontière franco-espagnole, où des arrangements obsolètes mentionnaient que les trains des deux opérateurs étatiques transfrontaliers n’étaient pas utilisables par les voyageurs, chacun devant retourner à vide dans son pays d’origine !  Une situation qui vient d’être enfin supprimée…

Deuxièmement, il convient de savoir quelle clientèle est susceptible d’utiliser un service transfrontalier et où se rend-elle exactement de l’autre côté de la frontière. Ainsi, les étudiants qui empruntent le Tournai-Lille ne vont en réalité pas tous à Lille-Flandre, mais à Villeneuve d’Ascq, campus universitaire, qui est heureusement doté d’une gare. Le problème est que certaines villes implantent leurs bureaux et leurs écoles là où cela leur convient, sans prendre en compte les flux transfrontaliers. C’est le cas de Luxembourg, où la ville a créé le plateau du Kirchberg au nord de la ville, très éloigné de la gare. Ce plateau est de surcroît fréquenté par des emplois de haut niveau, peu susceptibles d’être intéressés par le transport public. On est donc face à un public qui a peu de moyens financiers (les étudiants) et un autre public qui ne prend jamais le train.

Autorail SNCF de type 82700 en gare de Tournai, en Belgique (photo Mediarail.be)

Troisièmement, les lacunes du réseau ferroviaire transfrontalier de transport de voyageurs ne sont pas nécessairement dues à des éléments manquants de l’infrastructure. Il y a eu, surtout après la seconde guerre mondiale, des lignes qu’on n’a pas rouvert ou qui furent rapidement fermées, mais tous les grands axes ont été remis en service, puis électrifiés. Cependant, les promoteurs du trafic ferroviaire transfrontalier ne peuvent envisager des trains que là où il y a des voies, sauf à inventer de nouvelles lignes, ce qui est très rare en Europe. On est donc face à une politique d’offre qui peut parfois ne pas correspondre à ce que nous avons dit au deuxième point.

Quatrièmement, il y a les aspects techniques. Un réseau ferroviaire n’est pas l’autre, tout particulièrement en matière de détection des trains. En effet, chaque réseau détecte les trains à l’aide d’un système de fréquences envoyées dans les rails. Or ces fréquences diffèrent grandement d’un pays à l’autre. Des éléments de détection par pays doivent être installés sous le matériel roulant, sous peine d’être non-compatible. La Deutsche Bahn, par exemple, exige un patin de détection à droite sous le bogie. La Belgique exige une « brosse crocodile » au milieu, dans l’axe de la voie. Les néerlandais ont une autre sorte de patin de détection. Or, même si un de ces éléments fonctionne bien sur un réseau, il est susceptible de perturber les fréquences du réseau voisin, et donc de mettre en alarme la signalisation !

D’autres problèmes techniques existent. Par exemple, dans toutes les sections frontalières en Pologne, la communication radio analogique est encore utilisée, tandis que dans presque toutes les gares frontalières allemandes et tchèques, il existe un système de communication GSM-R moderne. Cela entraîne des difficultés évidentes de communication entre les conducteurs de train et les répartiteurs du trafic car le véhicule franchissant la frontière doit être équipé des deux systèmes de communication.

L’Europe a cru jadis que ces « petits aspects » allaient être rapidement réglés. Pas de chance : le système ERTMS mis en oeuvre depuis maintenant plus de 20 ans accumule les versions de logiciel. Chaque mise à jour suppose de refaire des tests sur chaque réseau où le train va circuler. Ainsi, les chemins de fer luxembourgeois (CFL), ont décidé de passer tout leur réseau en ETCS dès janvier 2020. Cela a provoqué la panique à la SNCF, où il a fallu non seulement installer l’ETCS sur le matériel roulant existant, mais aussi le teste. SNCF, DB et SNCB, voisins du Luxembourg, se retrouvent donc avec des sous-séries de matériel roulant, ce qui complique grandement la souplesse d’exploitation. Preuve qu’un politicien ne peut rien faire : la ministre des transports française avait demandé un report de six mois, le Luxembourg refusa !

Deux rames Coradia identiques : CFL 2203 + SNCF 387 en gare de Luxembourg-Ville (photo MPW57)

Une conséquence fâcheuse de ce type de décision est que les trains interopérables sont plus coûteux que les trains non interopérables. En prenant l’exemple d’une automotrice Stadler Flirt3 de 5 voitures, le surcoût est d’environ 1 million d’euros pour une bi-tension et de 2 millions d’euros pour une tri-tension. Le coût de la modernisation d’un autorail allemand à trois caisses avec le système de sécurité automatique polonais SHP fut ainsi estimé entre 275.000 € et 450.000 € par rame pour les prototypes et entre 75.000 € et 90.000 € pour l’installation en série.

Heureusement, les différences de tension électrique à la caténaire ne sont, de nos jours, plus un problème majeur, car la technologie de transformation du courant est connue et les appareillages nécessaires deviennent de plus en plus petit à chaque développement de nouveau matériel roulant.

Enfin, il y a la bonne entente obligatoire entre deux services publics voisins. Le personnel d’accompagnement est un défis, car il doit parfois maîtriser deux langues. Tout dépend quelle est la gare « frontière ». A Vintimille, Irun ou à Aix-la-Chapelle, on ne parle pas français, et à Domodossola ou Chiasso, on ne parle pas non plus allemand ! Du moins officiellement… Cependant, les cheminots savent faire preuve de bonne volonté.

Qui va payer le déficit ?
C’est le plus gros défis : s’entendre sur les déficits et le contenu du service. «Les autorités compétentes des États membres peuvent jouer un rôle crucial dans la mise en œuvre de services transfrontaliers de passagers sur ces lignes,» déclare la Commission européenne. C’est du pur langage diplomatique ! Au contraire, chaque pays préfère miser sur « son » opérateur pour régler ces problèmes. En effet, les déficits proviennent de différents facteurs, et notamment les charges salariales qui peuvent diverger d’un opérateur à l’autre. Avec le Léman-Express autour de Genève, les conventions sociales diffèrent fondamentalement entre deux pays qui n’ont aucune culture en commun, à part la langue française. A l’origine, il devait y avoir pour la grande région de Genève qu’une seule société d’exploitation, Lemanis. Mais on est à peu près certain que cela en restera au stade de la coopération avec les deux opérateurs CFF et SNCF, tant les aspects sociaux et réglementaires sont différents. Rien ne vaut la lecture de ce forum pour se rendre compte de quoi on parle, en trafic transfrontalier !

Regiolis SNCF « en territoire suisse », dans la nouvelle halte de Chêne-Bourg à Genève sur le Léman-Express (photo Hoff1980 via wikipedia)

Dans les cas où c’est difficile, on appelle alors l’Europe à la rescousse. Ainsi, avec le Léman Pass, un seul titre de transport suffit pour l’ensemble du trajet transfrontalier entre la Suisse et la France. Mais ce qui semble une évidence autour de Genève a tout de même dû recevoir l’appui du programme européen de coopération transfrontalière Interreg France-Suisse 2014-2020 dans le développement et l’interopérabilité des outils de distribution de ses partenaires. Il a bénéficié à ce titre d’un soutien financier du Fonds européen de développement régional (FEDER) de 1.341 982,80 € et d’une subvention fédérale suisse à hauteur de 150.000 CHF.

Le grand problème des tarifs transfrontaliers.
Un autre problème est qu’au niveau légal, un opérateur ferroviaire ne peut vendre des billets qu’entre deux gares nationales. Il y a donc un « trou » entre les deux gares de part et d’autre de la frontière, où aucune action commerciale ne semble possible. Ainsi par exemple, les billets forfaitaires belges de type Go Pass ne couvrent pas les derniers kilomètres jusqu’à Rosendaal ou Eijsden, aux Pays-Bas ! Même scénario entre Hergenrath et Aix-la-Chapelle (DE) ou Arlon et Kleinbettingen (LU). Cela oblige à acheter un ticket international, ce qui est un non-sens absolu quand on prétend oeuvrer pour une Europe sans frontières. Certains opérateurs présentent néanmoins des formules plus attrayantes, mais il faut en général fouiller l’internet pour se rendre compte de leur existence…

Chez Arriva par exemple, entre Maastricht et Aix-la-Chapelle, la carte nationale néerlandaise OV-Schipkaart est valable jusque dans la ville allemande. Aucun billet international n’est nécessaire, indique leur site. Inversement, le tarif NRW allemand est étendu jusqu’à la gare hollandaise de Heerlen. Ce sont de bons exemples d’intégration pour lesquels les voyageurs sont très sensibles.

L’importance de l’autorité organisatrice
C’est à la base du succès. Mais attention aux aspects législatifs ! En France par exemple, les régions, en tant qu’AOT, ne peuvent pas conclure une convention quand l’AOT voisine est un Etat (Luxembourg, Belgique ou Italie). En effet, ce conventionnement est impossible car contraire aux dispositions du Code Général des Collectivités Territoriales français. Une Région doit alors demander à la SNCF (et elle seule ?), de conclure une convention avec le transporteur compétent de l’Etat voisin. Voilà pourquoi les politiciens n’ont pas la main sur ce thème en Belgique : SNCB, CFL, DB, NS et SNCF doivent s’entendre, sur des objectifs souvent contradictoires.

Quand une seule autorité prend l’initiative, c’est évidemment tout autre chose. Ainsi par exemple, le service transfrontalier Maastricht-Aix-la-Chapelle est une initiative de la province néerlandaise du Limbourg, laquelle opère avec l’opérateur de son choix, dans ce cas-ci Arriva. En janvier 2019, les trains roulaient entre les deux villes. Une extension similaire avait à l’origine été prévue vers Liège, en Belgique, dans le cadre de l’Euregio. Mais il fallait agréer le matériel roulant Stadler, entrer en négociations avec la seule AOT ferroviaire qui est l’État belge et… faire une entorse au principe d’équilibre des règles de financement de la SNCB. C’en était trop. Côté allemand, les néerlandais ont pu négocier avec une AOT plus accommodante…

Arriva Nederlands fait circuler ses Flirt 550 jusqu’à Aix-la-Chapelle, mais pas encore sur Liège (photo Rob Dammers via wikipedia)

Au-delà des critiques, il faut aussi noter les bons exemples d’intégration. On peut ainsi mentionner le TILO (Treni Regionali Ticino Lombardia), un RER transfrontalier qui circule depuis le canton du Tessin en Suisse (Locarno/Lugano), jusqu’à l’aéroport de Malpensa. TILO est d’ailleurs intégré dans le RER de Milan. Il s’agit d’une joint venture 50 % CFF et 50 % Trenitalia qui gère quatre lignes, dont deux transfrontalières. Au TILO, pas de batailles culturelles autour du choix du matériel roulant : ce fut Stadler avec ces Flirt RABe524 / ETR 524. Un bel exemple de deux entreprises étatiques qui s’investissent dans une seule société. Jusqu’ici, ni la SNCF, ni la SNCB ni les CFL n’ont osé entreprendre la même démarche. Alors oui, on est en droit de critiquer…

Une des rames italiennes, ETR 524, en gare de Bellinzone (Suisse), en mai 2007 (photo Jan Oosterhuis via wikipedia)

TILO_map

Quelles solutions pour améliorer le trafic transfrontalier ?
Il faut d’abord vaincre certaines idéologies tenaces. Une entreprise commune peut être une réponse positive, si on arrive à répartir correctement les charges. Mais la coopération a clairement ses limites. Gérard Balantzian, professeur en management en France, cite les quatre critères essentiels qui conditionnent le succès d’une alliance entre deux entreprises :

  • Les convergences culturelles;
  • La reconnaissance;
  • Les intérêts communs;
  • La confiance.

Le premier point, on l’a vu plus haut, est celui qui pose le plus de problème dans le monde ferroviaire. Les intérêts communs sont aussi un point de divergence, quand l’un doit finalement travailler pour la richesse de la ville voisine, comme Luxembourg ou Genève, ce que critiquent certains élus locaux ou régionaux. Il faut de toute manière garder à l’esprit que les spécificités des alliances stratégiques (centres de décision multiples, négociations permanentes, conflits d’intérêts) font inévitablement de la coopération une forme instable de rapprochement entre entreprises. Ce n’est dès lors pas une formule magique…

Thalys a du se transformer en société car elle n’arrivait pas à gérer convenablement le personnel et l’information aux voyageurs, qui relevait des deux « actionnaires » SNCB et SNCF, avec beaucoup de pertes de temps et de contradictions. Mais les cheminots vivent mal ce type d’entreprise, qu’ils attribuent à de la « privatisation » ! Les États doivent aussi cesser de voir « leur » opérateur comme ambassadeur de l’industrie nationale. Le Léman-Express n’a pas réussit à obtenir un matériel unifié : il fallait défendre Stadler d’un côté, Alstom de l’autre. Avoir deux matériel roulants augmente les frais d’entretien et la connaissance du matériel roulant par les travailleurs. Être une entreprise unique signifie au contraire avoir la main sur les achats, l’exploitation, l’entretien et les contrats de leasing, comme l’a fait Eurostar avec son choix de TGV Siemens.

Bien entendu, il ne s’agit pas d’exploiter un service régional transfrontalier comme Thalys ou Eurostar. L’opérateur qui gérerait un tel service devra le faire sous un contrat de délégation de service public, où chaque partie apporte ses subsides. L’entreprise commune pourra alors mener une politique tarifaire unique, avec un seul billet et en « connectant » la billetterie transfrontalière avec les billetteries nationales de part et d’autres.

Rame Meridian « Transdev » sur ce train régional en gare de Salzburg-Hbf, prêt au départ pour Munich (photo Mediarail.be)

La bonne nouvelle, c’est qu’il existe tout de même 156 relations trans-frontières en Europe (2018), mais beaucoup ne sont que des extensions de quelques kilomètres à l’intérieur du pays voisin. Dans certains cas, la signalisation et la caténaire ne changent pas, permettant comme à Brenner d’arriver « en sol étranger » sans devoir équiper le matériel roulant de coûteux éléments des deux réseaux. Dans de nombreux cas, il n’est pas nécessaire d’avoir une entreprise commune et les deux tarifications régionales « collent » l’une à l’autre dans une seule gare frontière, sans « trou commercial » entre deux gares.

La plupart des services de trains de voyageurs dans l’UE (83%) sont organisés sur la base de contrats OSP. Mais la plupart d’entre eux exigeraient une aide financière pour le service ferroviaire proposé sur au moins un côté de la frontière, dans l’hypothèse que le matériel roulant amorti était déjà disponible. Les subventions seraient plus importantes si à l’avenir les coûts d’achat et de location de matériel roulant étaient pris en compte.

Obtenir de meilleures informations chiffrées
Faire payer l’Europe est évidemment commode pour certaines autorités, mais il faut pour cela des données valides et vérifiables. Or, cela manque énormément, même pour une institution de haut niveau comme la Commission européenne. C’est la raison pour laquelle l’UE souhaite que les données sur le trafic ferroviaire transfrontalier soient incluses dans la prochaine révision du règlement sur les statistiques du transport ferroviaire et qu’elles soient recueillies beaucoup plus soigneusement par Eurostat afin d’être utiles pour la modélisation des transports européens. La modélisation des transports nécessite des données précises. Mais il faut pour cela la coopération des opérateurs étatiques, lesquels rechignent car ils estiment être couverts par le secret commercial. L’Europe ne pourra pas justifier les fonds provenant de ses différents instruments politiques si elle ne dispose pas de données fiables. Le programme de surveillance du marché ferroviaire de 2016 avait déjà recommandé d’améliorer « la disponibilité des données sur l’état des infrastructures et leurs capacités ». L’Agence ferroviaire européenne ERA pourrait aussi devenir un support technique pour accélérer le développement des liaisons ferroviaires transfrontalières, notamment au niveau de l’interopérabilité.

Pour rendre les liaisons transfrontalières attractives, il est nécessaire de changer certaines habitudes et d’opérer des changements structurels, dans un monde ferroviaire très replié sur lui-même et qui craint « les idées du voisin ». Ceux qui font la promotion de ces liaisons et qui parlent d’Europe au niveau des régions ne peuvent pas, en même temps, promouvoir un chemin de fer sur des bases strictement nationales. C’est l’un ou l’autre…

05/10/2020 – Par Frédéric de Kemmeter – Signalisation ferroviaire et rédacteur freelance
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Pour approfondir :

LEX_05_Le Léman-Express entre en exploitation ce dimanche
13/12/2019 – Le Léman Express (LEX), un RER transfrontalier autour de Genève, est désormais totalement en service ce 15 décembre 2019, à 5h05.




Seehas_FlirtQuand CFF International excelle sur un régional allemand
01/08/2019 – On le sait peu, mais les CFF ont une filiale internationale, la très discrète SBB GmbH, basée à Constance en Allemagne . Depuis 2003, cette société donne toute satisfaction sur la ligne du Seehas, au nord du lac de Constance.


Phil_Richards_Stolberg_270317_RB20_643.002Belgique : un opérateur allemand pour desservir les Cantons de l’Est ?
04/06/2018 – Après le projet Arriva vers Liège, un opérateur allemand de la région d’Aix-la-Chapelle se propose de rouvrir la liaison entre Stolberg et Eupen. Et pourquoi pas vers Welkenraedt. L’Eurorégion serait-elle le fer de lance d’une nouvelle manière de faire du train ?


Arriva_0Arriva à Liège et Aix-la-Chapelle fin 2018 ?
07/03/2018 – Selon le magazine hollandais Treinreizigers.nl, Arriva espèrerait commencer à la fin de cette année un service de trains dans le triangle dit « des trois pays », à savoir Liège – Maastricht – Aix-la-Chapelle. Il s’agirait d’un open access dont on ne connait pas encore la tournure juridique exacte.


La semaine de Rail Europe News – Newsletter 003

Du 23 au 29 septembre 2020

Classé par thèmes, ce qu’il faut retenir de l’actualité ferroviaire.

>>> Voir nos anciennes livraisons

Politique des transports

Allemagne – Augmentation du budget consacré au rail – Selon les calculs d’Allianz pro Schiene, les investissements dans les chemins de fer augmenteront de 12% à 8,7 milliards d’euros dans l’année à venir. Si vous ajoutez les fonds fédéraux pour les projets d’infrastructure ferroviaire pour les transports publics locaux par le biais de la loi sur le financement des transports municipaux, le résultat est une augmentation de 15% à 9,7 milliards d’euros. « Avec ce budget fédéral, l’Allemagne fait un bond en avant dans les investissements ferroviaires, » déclare le patron de l’Alliance, Dirk Flege. L’engagement croissant du gouvernement fédéral permet des améliorations concrètes pour les clients du train comme l’accessibilité et l’attractivité des gares, mais aussi des investissements dans le rail numérique pour près de 700 millions d’euros prévus notamment pour l’année prochaine.
>>> Allianz pro Schiene – Sprung nach vorn bei Schieneninvestitionen

Allemagne – Chahut organisé à Berlin par les opérateurs privés – 1700 tonnes de locos, 100.000kW et des décibels à la pelle, c’était lundi une “journée d’action” inédite des opérateurs privés de fret ferroviaire en Allemagne. Un convoi d’une vingtaine de locomotives a ainsi parcouru le centre de Berlin, toutes sirènes hurlantes. Motif : une protestation contre les plans gouvernementaux qui n’aident que la seule Deutsche Bahn en « oubliant » complètement les opérateurs privés, qui font 50% du fret ferroviaire allemand et étaient au front durant la première vague de la pandémie. « Nous exigeons que le gouvernement fédéral n’accorde aucun traitement préférentiel à DB Cargo, propriété fédérale. L’aide d’État pour pallier aux pertes de la pandémie devrait suivre les mêmes principes pour tous les opérateurs de fret, » martelait Ludolf Kerkeling, le patron de l’association Netzwerk Europäischer Eisenbahnen (NEE), qui organisait cet évènement haut en décibel (vidéo en fin d’article).
>>> Mediarail.be – Un bruyant convoi protestataire au cœur de Berlin !

Adif divise par deux les frais sur les nouveaux services pour relancer l'AVE et l'interurbainEspagne – Adif baisse ses péages ferroviaires pour 2020 – Après un examen à la CNMC, le gestionnaire d’infrastructures espagnol Adif peut diviser par deux ses péages. L’impact du coronavirus sur la mobilité et le tourisme avait rendu irréalistes les objectifs fixés l’an dernier dans la Déclaration de réseau pour 2020, ce qui a conduit à une révision. La mesure affecte le reste de l’année 2020 et vise à enrayer une baisse qui était en août de 43% sur les réseaux AVE et de 29% sur l’ensemble du réseau ferroviaire espagnol. Il sera demandé désormais 4.700€ par train sur Madrid-Barcelone, 2.700€ sur Madrid-Séville et 1.630€ sur Madrid-Valence. On ne sait pas encore quels seront les mesures prises pour 2021 alors que la SNCF sera le premier concurrent à se lancer dans la grande vitesse espagnole libéralisée, dès le 15 mars.
>>> Cinco dias – Adif rebaja a la mitad los cánones sobre nuevos servicios para reanimar el AVE y larga distancia

Westbahn 4010 EMU Salzbourg 030212 Keith FenderEurope – AllRail appelle à un soutien équilibré de l’État concernant les opérateurs privés – L’Alliance of Passenger Rail New Entrants (AllRail) a appelé à supprimer temporairement les frais d’accès aux voies à antidater depuis mars, pour une période courrant jusqu’à la fin de 2021. L’association demande aussi que des subventions gouvernementales puissent couvrir les pertes de tous les opérateurs ferroviaires voyageurs et vendeurs de billets pendant 18 mois. Le président d’AllRail, Erich Forster, par ailleurs aussi PDG de l’opérateur autrichien Westbahn, réclame une approche coordonnée des redevances d’accès aux voies dans l’Union européenne, suite à l’introduction par la Commission européenne d’un règlement permettant aux États membres de renoncer et d’assouplir l’accès aux voies. « Pour le moment, il n’y a pas d’égalité de traitement entre les nouveaux arrivants privés et les entreprises d’État. Mais ce devrait être une priorité absolue de la communauté d’avoir tout le monde en sécurité pour l’avenir, car les transports publics ne fonctionnent que s’il y a de la concurrence, » déclare Forster.
>>> International Railway Journal – AllRail calls for balanced state support as Covid-19 hits private operators

Je länger die Corona-Krise dauert, desto düsterer werden die Aussichten der Swiss-Cockpit-Crew.Suisse – De pilote à conducteur de train ? – L’aviation est dans sa pire crise et les compagnies aériennes du monde entier licencient massivement du personnel à la suite de la crise du Covid-19. En Suisse, on ne s’attend pas à un retour à la normale avant 2024 au plus tôt. Mais sur terre, les CFF font face à une pénurie de conducteurs de train alors qu’il y aura bientôt trop de pilotes. Du coup, la compagnie aérienne Swiss et les CFF discutent de la possibilité d’utiliser les pilotes en surnombre pour compléter le cadre. Seul commentaire du côté aérien : « il y a peu ou pas d’alternatives dans les métiers qualifiés pour les pilotes sur le marché du travail. » On peut cependant s’interroger sur cette option particulièrement disruptive, quand on sait que tout oppose les deux métiers – salaires, statuts, conditions de travail. Mais l’intelligence suisse est d’éviter de mettre au chômage des gens qui ont fait quatre années d’étude… et qui pourraient quitter le pays dans l’attente de jours meilleurs en Europe…
>>> Luzerner zeitung – Vom Piloten zum Lokführer: Swiss und SBB prüfen neue Job-Kooperation im Kampf gegen Entlassungen


Trafic grandes lignes

Espagne – Le privé Ilsa, qui entre en concurrence sur les TGV, a formé sa direction – Rappelons que l’Espagne a libéralisé partiellement son plantureux réseau à grande vitesse dans le but d’amener plus d’opérateurs et d’obtenir davantage de revenus tirés des péages pour diminuer la dette. Dans ce cadre, trois lots de trafics encadrés furent mis aux enchères. La Renfe raffla le gros morceau, tandis que la SNCF et Ilsa obtenaient les deux autres. Pour ses opérations, Ilsa est en partenariat avec l’opérateur étatique italien Trenitalia, qui mettra en service ses Frecciarossa Bombardier. C’est dans ce cadre que la direction a été formée. Trois cadres de Trenitalia rejoindront l’équipe espagnole : deux pour les opérations et un pour le contrôle de gestion (jobs qu’ils exerçaient chacun chez Trenitalia). Les ressources humaines seront gérées par une cadre de Transfesa et les deux derniers directeurs, espagnols, occuperont le Marketing, Brand and Product pour l’un et le Numérique pour l’autre. Ilsa compte lancer ses premiers trains privés en 2022.
>>> Cinco Dias – ILSA conforma el equipo directivo para entrar en el tren de alta velocidad en 2022

OUIGO llega a España | OuigoEspagne – La SNCF lance les ventes de son service Ouigo, prévu pour le 15 mars 2021 – Dans le cadre de la libéralisation de la grande vitesse italienne, la SNCF avait obtenu le plus petit lot mais elle sera la première sur les rails. Elle dispose en effet de rames TGV 2N2 3UH aptes à l’Espagne qui sont en ce moment mise au type Ouigo dans les ateliers alsaciens de Bisheim. 14 TGV Ouigo circuleront sur les rails ibériques, d’abord entre Madrid et Barcelone via Saragosse et Tarragone, à la fréquence de cinq allers-retours par jour. La SNCF, qui opère seule sans partenaire, assure que les prix seront en moyenne de 50 % moins élevés que ceux de la Renfe, l’opérateur historique. Lancement le 15 mars prochain malgré le contexte difficile de la pandémie.
>>> Le Parisien – SNCF : les TGV Ouigo arrivent en Espagne


Trafic fret

Digital tool to align terminal and railway traffic in Port of Antwerp | RailFreight.comAllemagne/Belgique – Lancement d’une navette intermodale Anvers-Neuss – Une nouvelle navette intermodale renforce encore l’attrait du port d’Anvers et son arrière-pays. Le grand port belge est désormais relié à Neuss en Allemagne, dans les installations fluviales à l’ouest de Dusseldorf. Le service assure deux trains par semaine au départ du PSA Noordzeeterminal sur la rive droite de l’Escaut, et le hub trimodal de Neuss. Le service est commercialisé par Optimodal, une filiale commune de Kombiverkehr et DB Cargo. Cette navette fait suite au renforcement, en juin dernier, d’un autre service entre Anvers et Duisbourg, pas très loin de Neuss, en réalité. La Ruhr continue ainsi de miser sur Anvers comme tête de pont maritime, confirmant la bonne politique portuaire belge.
>>> Railfreight.com – DB Cargo and Kombiverkehr launch Antwerp-Neuss shuttle

ZarEspagne – S’inspirer du privé pour gérer les terminaux intermodaux de l’Adif – Depuis 2012, le gestionnaire d’infra Adif, qui a aussi la charge des terminaux intermodaux, cherchait à en définir une nouvelle évolution du système de gestion. Adif cherchait à impliquer les autorités portuaires dans le développement des sept hubs intermodaux stratégiques (Vicálvaro, Barcelone, Valence, Saragosse, Júndiz , Séville, Valladolid). L’étude d’assistance technique commandée en juillet 2019 à KPMG et Teirlog a mis en évidence la nécessité de renforcer les partenariats public-privé pour leur gestion et leur exploitation. Il s’agit en fait d’étendre la gestion vers d’autres opérateurs, notamment logistiques, mais aussi aux chargeurs et même aux promoteurs immobiliers logistiques. Une nécessité qui permettrait de décloisonner le transport intermodal où le rail faisait seul ce qui lui semblait le mieux à faire. L’implication de parties tierces apporte une claire plus-value à l’ensemble de la chaîne et à tous ceux qui utilisent le rail pour leurs transports.
>>> El Mercantil – La nueva gestión de terminales de Adif potenciará las alianzas logísticas público-privadas

ÖBB stellt Rola Regensburg–Trento ein | VerkehrsRundschau.deItalie – Controverse sur la Rola autrichienne – Présentée comme l’avenir, la politique de circulation par lots des poids-lourds traversant le Tyrol a permis en réalité aux ÖBB d’obtenir des subsides de l’Europe pour augmenter la fréquence de la Rola, la route roulante ferroviaire qui embarque des camions complets avec chauffeurs. Mais il ne s’agit que d’un trajet de 68km très déficitaire, interne à l’Autriche, qui peut ainsi se vanter d’accéder à ses objectifs climatiques. Problèmes : tous les camions débarquant à Brenner/Brennero se retrouve du coup sur les routes italiennes. Pour la Chambre de Commerce de Bolzano, « l’Europe paye le déficit d’une entreprise d’État et transfère la pollution au pays voisin, » en l’occurrence l’Italie. « C’est la preuve que la Rola n’est pas viable sur de si petites distances, » dit-elle. Suggérant qu’un tel service devrait s’étendre sur une plus grande longueur, de Munich à Vérone par exemple.
>>> Trasporto Europa – La Rola del Brennero cresce con le polemiche

medwayItalie – MSC veut quadrupler son transport ferroviaire en Italie – Medlog et sa filiale ferroviaire Medway, qui appartiennent à MSC, numéro 2 mondial du conteneur, étendent leurs liaisons ferroviaires à travers toute l’Italie. L’opérateur ferroviaire veut en effet créer une sorte de métro qui relie les ports maritimes (Gênes, La Spezia, Livourne, Ravenne et Trieste) aux terminaux intérieurs italiens (Rivalta Scrivia, Modène, Bologne, Milan, Brescia, Vérone, Padoue). Un réseau articulé de services intermodaux qui dans certains terminaux de rétroport offrent la possibilité de transbordement de conteneurs entre les trains et des synergies visant à optimiser les transports import et export. À ce jour, 60 trains sont exploités par Medway, et 50 autres par l’entreprise d’état Mercitalia. 25000 trajets routiers de conteneurs ont été retirés en un an grâce aux nouveaux services intermodaux de MSC et l’objectif pour 2021 serait de quadrupler les volumes actuels. Cela démontre toute l’importance de laisser opérer des entrepreneurs privés si un pays veut parvenir à ses objectifs climatiques, comme le demande l’Europe.
>>> Trasporto Europa – Msc aumenta il trasporto ferroviario in Italia


Infrastructure

EU Transport on Twitter: "The Fehmarn Belt tunnel between 🇩🇰& 🇩🇪is a key project to bring Europeans closer. €123.5M #ConnectingEurope facility grant + @EIB loan will allow decisive progress on the DanishAllemagne/Danemark – Le projet de tunnel du Fehmarn au tribunal – La plus haute juridiction administrative d’Allemagne décidera s’il y aura un tunnel entre le Danemark et l’Allemagne. Cela fait douze ans que le Danemark et l’Allemagne ont signé un accord sur une liaison fixe entre l’île danoise de Lolland et l’île allemande de Fehmarn. Le tunnel permettrait de voyager en train de Malmö à Hambourg sans  l’usage des célèbres ferries. et écourterait fortement le trajet entre Copenhague et Hambourg. Bien que les autorités allemandes ont donné leur feu vert aux constructeurs de tunnels, la décision a été portée, comme toujours dans ce genre de dossier, devant les tribunaux, par une organisation environnementale qui craint pour les récifs, les stocks de poissons et les bancs de sable de cette partie de la Baltique.
>>> Jarnvagsnyheter – Fehmarn-tunneln granskas av tysk domstol

France Passes Decree Allowing Eurostar to Function Post-BrexitFrance/Grande-Bretagne – Tunnel sous la Manche : quelles règles prévalent du côté anglais ? – La liaison ferroviaire du tunnel sous la Manche pourrait subir des « perturbations importantes » si un litige autour de sa juridiction n’est pas résolu d’ici le 31 décembre, selon un rapport du Royaume-Uni ! Le problème : selon la France, la sécurité et l’interopérabilité des installations complètes restent régies par les lois de l’Union européenne. Le gouvernement britannique rejette d’emblée quoique ce soit qui soumettrait un seul mètre carré du territoire anglais à la juridiction de l’UE. « Sans un accord sur le futur cadre de sécurité applicable au lien fixe, il existe un risque d’incertitude juridique et pratique », déclare une commission britannique. Laquelle fait remarquer que la France devrait obtenir le consentement de la Commission européenne si elle cherchait à conclure un accord avec le Royaume-Uni qui s’écarterait des lignes directrices de l’UE. Aucun des deux ministères ne commente ce litige pour le moment.
>>> Bloomberg – Channel tunnel spat risks severing vital UK-France link

Attica, Central Macedonia and Western Greece in the Lead with Infrastructure Works | GTP HeadlinesGrèce – Carton jaune de la Commission pour l’état des lieux des chantiers ferroviaires – La Grèce n’en a pas fini avec certaines de ses habitudes. La Commission européenne, dans le dernier rapport de suivi post-mémorandum, semble mécontente des longs retards qui surviennent dans l’exécution et la planification des projets mais aussi en général avec le fonctionnement d’OSE, le gestionnaire d’infrastructure. Pour de nombreux projets, les retards sont désormais la règle plutôt que l’exception, avec une multiplication des délais et une opacité profonde des appels d’offre. La maintenance souffrirait de problèmes récurrents et d’un manque de planification. Presque quotidiennement, TRAINOSE, l’opérateur grec géré par Trenitalia, annonce des problèmes de tous types qui entravent le bon fonctionnement de son service de train. Si le gouvernement grec ne procède pas immédiatement à la réorganisation d’OSE et d’ERGOSE, afin d’assurer la bonne exécution des projets et la maintenance, le gel des fonds européens serait plus que probable.
>>> Lok Report – Griechenland: EU-Kommission setzt Infrastrukturministerium unter Druck


Industrie & Matériel roulant

dk DSB Siemens VectronDanemark/Siemens – Les Vectrons de Siemens approuvées pour le Danemark – La liste des pays hôtes de la Vectron de Siemens s’allonge de mois en mois. Après la Belgique en février dernier, c’est au tour du Danemark d’accepter le pur-sang de Siemens sur ses voies. L’opérateur étatique DSB en a commandé 42 exemplaires et les trois premiers devraient arriver sous peu dans le royaume scandinave. Au total, 50 clients ont maintenant commandé plus de 1000 locomotives Vectron et leur approbation permet de les voir circuler en Autriche, Belgique, Bulgarie, Croatie, République tchèque, Danemark, Finlande, Allemagne, Hongrie, Italie, Pays-Bas, Norvège, Pologne, Roumanie, Serbie, Slovaquie, Slovénie, Suède, Suisse et Turquie. Ne manque plus que le Luxembourg… et la France !
>>> Railway Gazette – Vectron locomotives approved for operation in Denmark


Technologie

La conduite autonome, ouvrant la voie à la mobilité intelligenteAlstom – La conduite autonome ouvre la voie à la mobilité intelligente – C’est du moins ce qu’affirme Jean-François Beaudoin, SVP Alstom Digital Mobility, qui évalue les progrès réalisés sur le sujet et explique pourquoi il joue un rôle crucial pour qu’Alstom devienne un acteur majeur de la mobilité intelligente. « En ce qui concerne les opérations automatisées GoA4 pour les grandes lignes et le fret, Alstom est très bien positionné. Nous avons déjà lancé des programmes pilotes et des partenariats sur l’automatisation du fret dans le passé. Nous avons mené avec succès un projet pilote d’application de fret aux Pays-Bas en 2018 par exemple. Nous travaillons également actuellement en étroite collaboration avec la SNCF sur le développement d’une technologie de vision par ordinateur pour automatiser la conduite d’un convoi de fret. » C’est un défi technologique où le train doit être équipé d’une vision par ordinateur qui analysera l’environnement, détectera les signaux et les anomalies potentielles et y réagira selon des scénarios prédéterminés. Il faut aussi s’assurer que la  solution répond aux besoins des clients et que ce soit conforme aux lois et réglementations.
>>> Railway International – Autonomous driving, leading the way towards intelligent mobility

Suisse – Knorr-Bremse et Rail Vision testent des systèmes de détection d’obstacles sur véhicules ferroviaires des CFF Cargo – Depuis mars 2019, Knorr-Bremse et Rail Vision, une start-up israélienne, sont partenaires dans le développement de systèmes de détection d’obstacles sur véhicules ferroviaires. Avec un investissement stratégique de 8,6 millions d’euros, Knorr-Bremse a franchi une nouvelle étape importante vers des solutions système pour la conduite automatisée sur rails. L’objectif principal des systèmes Rail Vision est d’utiliser des capteurs électro-optiques, l’intelligence artificielle et le deep learning pour augmenter l’efficacité des processus de manœuvre dans les triages de marchandises. Grâce à la détection d’obstacles et à une interface avec télécommande de Schweizer Electronic, les prototypes peuvent être contrôler par un seul opérateur à distance. Cette innovation intervient à un moment crucial, car plusieurs opérateurs s’attendent à une pénurie de personnel à moyen terme.
>>> Bahn Manager – Digitalisierung: Knorr-Bremse und Rail Vision testen Systeme zur Umfelderkennung bei Lokomotiven von SBB Cargo

Prochaine livraison : le 07 octobre 2020

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La semaine de Rail Europe News – Newsletter 002

Du 16 au 22 septembre 2020

Classé par thèmes, ce qu’il faut retenir de l’actualité ferroviaire.

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Politique des transports
Allemagne/Europe – Le retour du Trans-Europ-Express de jadis ? – C’est ce que l’on pourrait croire quand le ministre allemand des transports Andreas Scheuer vient à Bruxelles avec sous le bras un projet de société unique chargée d’exploiter des trains européens. L’idée ? « Une société qui serait agréée en tant qu’entreprise indépendante, mais qui achète des services de production aux sociétés mères » explique-t-il. Seules les entreprises étatiques seraient concernées. Par le passé, on a déjà essayé le matériel roulant unifié, à travers les TEE créés en 1957, mais aussi avec les voitures VSE puis plus tard, le concept « d’Eurocity », qui n’a eu de succès que sur l’aire germano-alpine. D’ailleurs cette conception très germanique du train international risque de se heurter à de fortes résistances au-delà du Rhin. Mais il fallait essayer quelque chose dans le cadre le l’Année Européenne du Rail, c’est à dire 2021. Voilà qui est fait…
>>> Mediarail.be – L’Allemagne voudrait le retour des TEE ?

Voyager en transports en commun uniquement avec un masque Bleu PitaneBelgique – Le télétravail diminuerait « le temps pour soi » – C’est un phénomène sociologique intéressant que relate le portail News Mobility : 44% des télétravailleurs avoueraient ne plus avoir de temps pour eux. Une affirmation très intéressante car elle induirait que le temps passé dans le transport public serait «un moment pour soi», entre les impératifs de la maison et ceux du lieu de travail. Nombreux sont ceux et celles qui n’ont que leur petite heure de train pour lire ou voir d’autres choses que leur univers quotidien. Une donnée importante quand on sait que d’après une enquête auprès de 10.000 citoyens flamands et bruxellois, une personne sur trois travaille encore à domicile chaque jour ! «44% des répondants indiquent qu’ils considèrent le trajet domicile-travail comme un « temps précieux » (…) Ce qui signifie que, malgré tous les avantages du télétravail, de nombreuses personnes ont besoin d’une sorte de « transition quotidienne » entre la vie privée et le travail,» explique le professeur De Prins de l’Antwerp Management School (AMS). Le télétravail, un beau sujet de sociologie…
>>> News Mobility – Study: ‘44% of teleworkers miss me-time during commuting’

Europe – Baisse voire suppression des péages ferroviaire – La pandémie ferait-elle bouger les lignes plus vite qu’on ne le croit ? On pourrait le penser ! Le Parlement européen a voté jeudi dernier la proposition de règlement européen établissant des mesures donnant aux États membres la liberté nécessaire pour soutenir le fret ferroviaire de manière neutre, économiquement justifiée et transparente. Un dossier qui n’est pas nouveau. En mai dernier, flairant le bon moment, 12 entreprises publiques européennes dont la SNCF, la Deutsche Bahn ou encore Mercitalia (Italie), remettaient le couvert en constatant que « le rail et le transport routier de marchandises ne font pas face aux mêmes problématiques de coûts et de concurrence. » Sans rapport réel avec la pandémie, cela mettait néanmoins un argument de plus sur la balance. Depuis peu, la Commission européenne travaillait sur une proposition de règlement prévoyant l’assouplissement des obligations relatives aux redevances d’accès aux voies. C’est donc chose faite et le règlement entrera en vigueur le lendemain de leur publication au Journal officiel de l’UE. Ensuite, il appartiendra aux États membres d’adopter ces règles et de démontrer leur réelle volonté face aux lobbies routiers qui ne manqueront pas de contre-attaquer…
>>> Mediarail.be – L’Europe a voté la réduction ou la suppression des péages ferroviaires

Europe – La BEI approuve un financement de 12,6 milliards d’euros pour les transports, l’énergie propre, le développement urbain et la résilience au COVID-19 – La Banque européenne d’investissement (BEI) a approuvé la semaine dernière 12,6 milliards d’euros de nouveaux financements pour des projets en Europe et dans le monde. Le nouveau financement convenu comprend plus de 3,1 milliards d’euros d’investissements liés au COVID-19 pour améliorer la santé publique, renforcer les services publics et soutenir les investissements des entreprises dans les secteurs touchés par la pandémie. Les autres projets concernent la ligne nouvelle ferroviaire entre Naples et Bari, qui bénéficiera d’un prêt de 2 milliards d’euros, considéré comme le plus gros prêt jamais réalisé par la BEI (voir plus bas). 3,6 milliards d’euros sont dédiés pour aider les entreprises à mieux résister et à s’adapter aux nouveaux défis posés par le COVID-19. 3 milliards d’euros sont dégagés pour les énergies renouvelables et la transition énergétique, tandis que 2,9 milliards d’euros serviront à améliorer les transports urbains et nationaux durables.
>>> EIB – EIB approves € 12.6 billion financing for transport, clean energy, urban development and COVID-19 resilience

Grande-Bretagne – Les franchisent partent, la privatisation reste « La franchise ferroviaire a atteint le terminus et un nouveau chemin de fer prend forme. » Tels sont les termes du communiqué du DfT, les Département des Transports au Royaume-Uni. On s’en doutait  : depuis 2016, le concept de franchises à l’anglaise prenait doucement l’eau. L’atténuation de l’économie depuis 2016 et la perspective du Brexit avaient déjà mis le système de franchises britannique sur la sellette. La pandémie l’a achevé. En remplacement, une solution d’attribution directe jusqu’en 2022 puis, très probablement un régime proche de la concession, comme en Europe. Grant Shapps, le Secrétaire d’État aux Transports, a clairement indiqué que le nouveau système « conservera les meilleurs éléments du secteur privé, y compris la concurrence et les investissements, qui ont contribué à stimuler la croissance, tout en assurant une direction stratégique, un leadership et une responsabilité. » 
>>> Mediarail.be – Les franchisent partent, la privatisation reste

 České dráhyRépublique Tchèque – L’entreprise étatique České dráhy perd 75 millions d’euros en six mois – Un chiffre fournit par le portail zdopravy.cz et qui parait peu élevé, mais qu’il faut mettre en regard du niveau de vie du pays, moins cher que chez nous. C’est donc malgré tout, pour la Tchéquie, une grosse perte. La cause est évidement la chute phénoménale de la demande en trafic voyageurs : de janvier à juin, les CD ont transporté 59,8 millions de personnes, soit 30% de moins que pendant la même période de 2019. De plus, la distance moyenne parcourue par un passager, qui était de 46 km en 2019, est désormais tombée à 43 km. La branche fret chez ČD Cargo semble avoir mieux résisté et a clôturé le premier semestre avec une baisse des performances de 2,2% par rapport à l’année précédente. Comme dans tous les autres pays, les CD ne devront cependant pas craindre une quelconque faillite étant donné leur protection par le parapluie étatique.
>>> Rynek Kolejowy – Koleje Czeskie: Blisko 2 mld koron straty w pół roku. Tak źle nie było nigdy


Trafic régional

Integrato: Le projet citoyen pour la mobilité de demain Belgique – Integrato, le transport public « de partout à partout » – Le cadencement ferroviaire n’est en soi pas une nouveauté, car il existe depuis longtemps sur le réseau ferré belge. Mais Integrato va plus loin : il s’agit de connecter le train avec les derniers kilomètres, c’est à dire les autres transports publics, au travers d’un concept qui garanti qu’une fois ou deux fois par heure, vous pouvez joindre n’importe quelle commune de Belgique tout au long de la journée avec une billetterie intégrée et des correspondances garanties. Une offre de transport public attractive incitera les citoyens qui possèdent un véhicule à le laisser au garage, et permettra à ceux qui n’en ont pas de bénéficier d’un service de qualité, explique-t-on sur leur site.
>>> Integrato.be

Talgo VittalEspagne – Talgo dévoile aussi son train à hydrogène – Décidément, tout le monde s’y met ! Le grand constructeur historique espagnol, plutôt connu pour ses rames articulées, dispose aussi d’une plateforme pour trains régionaux appelée Vittal. Lors de la première conférence sur l’hydrogène pour le développement socio-économique du sud-ouest espagnol, qui s’est tenue à Badajoz, Talgo a dévoilé son nouveau mode de propulsion modulaire à hydrogène qui, selon lui, pourrait offrir une alternative écologique à la traction diesel en vigueur sur les lignes non électrifiées. Les trains à hydrogène permettraient de se passer des coûteuses électrifications au fin fond de l’Espagne, sur des lignes où le trafic est faible. Cette option permet aussi au constructeur d’obtenir des fonds dans le cadre des plans « Hydrogène » tant de l’Espagne que de l’Europe. Les tests de validation pourrait débuté à partir du quatrième trimestre de 2021.
>>> International Railway Journal – Talgo unveils hydrogen propulsion system

France – Alstom et Bombardier ont présenté le nouveau RER de la région parisienne – Un consortium d’Alstom et de Bombardier a récemment dévoilé la première rame du RER NG qui doit débarquer en 2021 pour le RER D et le RER E. L’introduction a eu lieu après une cérémonie au centre ferroviaire d’Alstom à Valenciennes. Les trains, qui ont reçu le nom un peu compliqué de RER Next Generation (NG), devraient démarrer sur les lignes RER D (190 kilomètres de long) et E (52,3 kilomètres) à partir de la fin de 2021. Les opérations de la ligne E seront étendues à Nanterre-la-Folie à partir de fin 2022 et à Mantes-la-Jolie en 2024, suite à l’achèvement du prolongement de la ligne East-West Express Link (EOLE). La commande comprend 56 rames de 112 mètres de long et 15 rames de 130 mètres de long. La version plus longue aura une capacité de 1.860 passagers et permettra de transporter environ 1,23 million de passagers par jour. Les trains devraient également réduire la pression sur les lignes principales A, B et D du réseau RER de 10 à 15%.
>>> Le Bonbon – Le RER du futur qui devrait débarquer en 2021 enfin dévoilé


Trafic grandes lignes

France – Lunatrain, un train de nuit mixte fret/voyageurs – Incongrue, l’idée d’associer le fret avec les trains de voyageurs ? Pas vraiment. Cela a existé et existe encore sur de petits réseaux. L’idée émise ici par l’association Objectif Train de Nuit, est la mutualisation d’un train de nuit Francfort-Barcelone avec du fret. Consciente des problèmes de rentabilité, l’association défend ce principe d’une mixité fret/voyageurs des trains de nuit, afin que la mutualisation des trafics, la synergie entre la quantité (fret) et la qualité (voyageurs) permettent d’accéder voire de dépasser le seuil de rentabilité. L’étude de faisabilité est terminée et devrait être présentée sous peu. L’association prône en premier lieu un train de nuit mixte fret/voyageurs sur la liaison Barcelone – Perpignan – Montpellier – Avignon – Berne – Strasbourg – Francfort. Elle promeut plutôt la coopération entre les entreprises étatiques plutôt que l’appel d’offre à des tiers.
>>> Mediarail.be – Lunatrain, un train de nuit mixte fret/voyageurs

Italie – Polémiques au sujet des taux de remplissage grandes lignes – C’est à une bataille de communication qu’on a pu assister cette semaine sur la version italienne du Huffingtonpost. En cause : la règle de 50% de remplissage maximal imposé par le gouvernement italien aux deux transporteurs, Trenitalia et NTV-Italo. Le CTS, comité scientifique auprès du gouvernement, impose ce chiffre car le matériel roulant ferroviaire ne disposerait pas assez de renouvellement d’air comparé à l’aviation, autorisée, elle, à remplir à 80%. NTV-Italo, qui ne vit que de la billetterie, ne peut tout simplement pas survivre avec une telle règle. Trenitalia, qui est dans le même cas, est en revanche bien moins exposé puisque le trafic local et régional peut afficher un remplissage de 80%. Certains accusent NTV-Italo de chercher à compenser «des problèmes économiques et de durabilité des affaires avant même la pandémie.» Ce que dément, le même jour, l’opérateur privé qui rappelle qu’avant la pandémie «nous étions une entreprise florissante avec 111 trains par jours.» Affaires à suivre…
>>> Huffingtonpost.it – Italo ovvero come Covid ci lascia a terra


Trafic fret
Allemagne – Tous les transports ferrés du groupe VW passent « au vert » – C’est l’objectif du grand groupe automobile allemand pour 2021. Que ce soit pour la livraison des véhicules neufs, en aval, ou pour l’approvisionnement des pièces détachées, en amont, le groupe VW de Wolfsburg veut passer à l’électricité verte pour réduire ses émissions de CO2 de 26.700 tonnes par an par rapport à l’actuelle utilisation du mix électrique qui est déjà de 95%. 190 000 wagons de fret sont utilisés chaque année par Volkswagen, ce qui équivaut à 38 trains longue distance et 157 trains locaux quotidiens. Environ 90.000 wagons transportent près de 900.000 véhicules vers 40 installations de stockage, centres de distribution et ports. C’est donc un trafic important. «Avec cette offensive sur l’électricité verte, nous apportons une contribution importante à la décarbonation du groupe. Pour cela, la Deutsche Bahn alimente en électricité des parcs éoliens et des centrales hydroélectriques,» explique Thomas Zernechel, responsable de la logistique du groupe Volkswagen.
>>> Renewable Energy Magazine – Volkswagen aiming to power all freight on Deutsche Bahn with green electricity

Norvège/Suède – Nouvelle liaison ferroviaire entre Oslo et Göteborg– Un nouveau service de navette ferroviaire hebdomadaire a été lancé, offrant à Oslo et à la Norvège une liaison rapide, fiable et climato-intelligente vers le plus grand port de Scandinavie. Le service peut transférer 2 000 camions de la route au rail, avec une réduction des émissions de carbone de plus de 700 tonnes par an. Le nouveau service de navette a été lancé par l’opérateur ferroviaire norvégien Cargonet et fonctionnera initialement une fois par semaine dans chaque direction entre Oslo et le port de Göteborg. Actuellement, environ 60% des volumes de conteneurs à destination et en provenance du port de Göteborg sont transportés par chemin de fer. Ce chiffre place le port de Göteborg parmi les premiers ports de fret ferroviaire au monde. Les investissements comprennent une extension du système de ligne portuaire à double voie et du terminal Arken Combi, qui ont déjà eu un impact significatif sur la réduction du nombre de camions sur les routes de la région de Göteborg. Le nouveau terminal de transbordement rail-mer du port, le terminal de Svea, est actuellement en phase de démarrage.
>>> Port of Gothenburg – New rail link between Oslo and the Port of Gothenburg

PKP Cargo planują intermodalną ekspansję na Litwie - logistykaPologne – PKP Cargo renforce sa coopération avec la Lituanie – Un accord pour la création d’une société intermodale polono-lituanienne a été signé la semaine dernière à Vilnius, lors d’un sommet du gouvernement entre la Pologne et la Lituanie. Le capital social de la société est d’environ 290.000 euros et chaque partie détiendra la moitié des actions. La Pologne renforce ainsi ses trafics avec son voisin direct. Le marché du transport intermodal sur lequel la nouvelle société opérera est le secteur le plus dynamique du fret ferroviaire, lequel pèse près de 20% des transports et environ 10% des tonnages. Ce contrat fait partie d’une vaste stratégie mise en oeuvre par PKP Cargo Group : «nous nous efforçons de passer de transporteur ferroviaire à ‘opérateur logistique’. Nous voulons être une entité de plus en plus active dans cette partie de l’Europe,» déclare Czesław Warsewicz, président de PKP Cargo.
>>> Rynek Kolejowy – PKP Cargo zacieśnia współpracę z Litwą

Russie – Le géant danois Maersk ouvre une Chine-Europe originale – Maersk n’est à priori pas un transporteur ferroviaire, quoique ! La société a annoncé que son expérience de trajet Chine-Europe tri-modal deviendrait régulier, sous le nom d’AE-19. De quoi s’agit-il ? D’un voyage maritime partant des ports de Corée du Sud, du Japon et de Chine sur des navires collecteurs et dont le déchargement s’effectue au port de Nakhodka, sur un terminal exploité par Sealand Asia, un opérateur contrôlé par le groupe Maersk lui-même. De là, les conteneurs sont chargés sur des trains à destination de Saint-Pétersbourg, où ils arrivent après onze jours de voyage. La ville russe dispatche ensuite les conteneurs par feeders vers Helsinki, Rauma, Gdansk, Bremerhaven ou vers la Scandinavie. Ce service, finalement tri-modal, intéresse donc plutôt la Baltique et l’Europe du Nord. Le service AE-19 est opérationnel dans les deux sens.
>>> Trasporto Europa.it – Maersk avvia bimodale treno-nave regolare tra Europa e Cina


Infrastructure

Ferrovie.it - AV Napoli - Bari: dalla BEI finanziamento da 2 miliardiItalie – La BEI prête 2 milliards d’euros pour la ligne à grande vitesse Naples-Bari  – Le conseil d’administration de la Banque européenne d’investissement (BEI) a donné jeudi dernier son feu vert à un prêt de deux milliards d’euros pour le doublement et la construction de la ligne à grande vitesse Naples-Bari . Le projet à grande vitesse Naples-Bari réduira de deux heures le temps de trajet des trains directs entre les deux villes, qui passera ainsi de 3 heures et 40 minutes actuelles à une heure et quarante. Les trains pourront circuler à une vitesse de 200 km/h sur une voie de 140 kilomètres de long, pouvant être utilisée à la fois pour le transport de voyageurs et de marchandises. La BEI présente ce prêt comme étant la plus importante opération jamais approuvée par la Banque européenne pour un seul projet. Le prêt a été accordé pour un coût total des travaux estimé à 6 milliards d’euros. L’achèvement est prévu pour 2027 et s’inscrit dans un plan destiné à « débloquer l’Italie ».
>>> FS News – AV Napoli-Bari: da Bei finanziamento da 2 miliardi

Komend weekend aangepaste dienstregeling en 's nachts geluidsoverlast door werk aan spoor in Amersfoort | Amersfoort | AD.nlPays-Bas – 1,4 milliard d’euros de plus pour ProRail, le gestionnaire d’infra – Deux fois 700 millions d’euros, c’est le pactole que va recevoir en plus le gestionnaire néerlandais ProRail. À qui on a demandé des efforts sur la qualité. Depuis quelques mois, le triage de Kijfhoek, aux portes de Rotterdam, est en proie à des dysfonctionnements importants qui a eu un impact grave sur la circulation des trains de marchandises du premier port d’Europe. Six transporteurs ferroviaires néerlandais ont déposé plainte pour des millions en dédommagements auprès de ProRail. Les bosses du triage vont être rénovées bien plus vite que prévu. Cette rallonge à ProRail ne couvre que les deux prochaines années. Hans-Willem Vroon, patron du lobbie RailGood, a déclaré que la disponibilité d’un budget était une bonne nouvelle, mais que «ProRail doit changer son approche. Nous verrons ce qui se passera lorsque nous obtiendrons les résultats de l’enquête,» lesquels sont attendus dans plus ou moins deux semaines.
>>> Railfreight.com – Dutch railways get 1.4 billion extra for track maintenance


Industrie
Siemens, Zweikraftloks, Lokomotive, Allach, Vectron, Vectron, Dual, Mode, locomotive, Bahn, BahnindustrieAllemagne – Siemens a remporté une commande de 400 locomotives pour DB Cargo – C’est un très gros contrat : DB Cargo a signé pour 400 locomotives Vectron Dual Mode, de 2.700kW de puissance. Ces machines diesel disposent d’un pantographe pour rouler sous lignes électrifiées et ainsi épargner des tonnes de CO2. Une double traction est possible avec d’autres locomotives Vectron. Les Dual Mode proviennent de la transformation du programme diesel de Siemens, les Vectron DE. Ces locomotives offrent évidemment l’avantage de verdir les politiques d’entreprises et d’être éligible à certaines « aides vertes » gouvernementales, mais aussi surtout, de n’utiliser qu’une seule machine d’un point A à un point B, quelle que soit le type de ligne. Les premières livraisons devraient être opérées, selon Siemens, pour 2023.
>>> Industrie Magazin – Siemens Österreich liefert für Milliardenauftrag der DB Cargo


Technologie

"La maintenance prédictive réduit par 2 voire par 3 le nombre de pannes"France – « La maintenance prédictive réduit par 2 voire par 3 le nombre de pannes » – Avec le déploiement d’IoT dans les TER et l’expérimentation de bancs de maintenance modulaire pour les TGV, le groupe SNCF poursuit son développement. Depuis plus de six ans, les équipes du Matériel déploient des capteurs pour recueillir et analyser les données de 300 trains Regio2N et Francilien, en Île-de-France, pour anticiper les pannes le plus tôt possible. Aujourd’hui, la SNCF franchit une nouvelle étape en étendant les solutions de maintenance prédictive aux trains TER et TGV. «Nous travaillons actuellement sur une double avancée en matière de maintenance prédictive. D’un côté, lorsqu’un train n’est pas équipé, on installe des IoT (Internet of Things soit Internet des objets). De l’autre, quand une rame est déjà dotée de données sur leur réseau et de cartes SIM 3G ou 4G permettant de réaliser des opérations de maintenance prédictive, on étend cette solution innovante à de nouveaux organes du train,» explique Cyril Verdun, directeur du Cluster ingénierie Ouest Matériel à Saint-Pierre-des-Corps (Indre-et-Loire).
>>> SNCF Les Infos – « La maintenance prédictive réduit par 2 voire par 3 le nombre de pannes »

France – Trains Autonomes : 5 questions au directeur du programme Luc Laroche – Le programme Train Autonome vise à augmenter les capacités de circulation ferroviaire, sur les infrastructures existantes. La perspective pour les voyageurs et les clients du Fret SNCF : « Plus de trains avec une meilleure régularité, une baisse de la consommation énergétique et une sécurité renforcée » projette Luc Laroche, Directeur du programme Train Autonome de SNCF.  Depuis 2016, le groupe ferroviaire français s’est lancé dans ce programme promettant deux prototypes – respectivement dédiés aux voyageurs et au fret – à l’horizon 2023. À ce stade, quelles sont les étapes stratégiques qui ont été franchies, et quels sont les challenges à relever ? En tant que transport tourné vers le futur, «nous souhaitons faire basculer le chemin de fer vers le train du futur, et le train autonome y tient une place majeure. L’objectif du programme est de faire rouler les trains autonomes pour le service commercial à partir de 2026.»
>>> Digital SNCF – Trains Autonomes : 5 questions au directeur du programme Luc Laroche

Innovation AcceleratorGrande-Bretagne – Cinq entreprises rejoignent le ‘HS2 Innovation Accelerator’ – C’est un programme intéressant. L’initiative Innovation Accelerator, qui vise à développer de nouvelles technologies pouvant être intégrées au projet de train à grande vitesse, avait été lancée début 2020 pour stimuler l’innovation dans la conception et la construction, en utilisant de nouvelles technologies et techniques pour améliorer la productivité, en innovant pour faire plus avec moins et créer moins d’émissions et de bruit. Sélectionnées parmi 109 candidates, cinq entreprises vont bénéficier d’un soutien commercial et technique, ainsi que d’un espace de travail gratuit pour le développement de leur technologie. il s’agit notamment de technologie de caméra portable, d’une plate-forme de surveillance de la végétation ou encore d’une plate-forme pour capturer et suivre les données des projets d’infrastructure. Les cinq sociétés devraient commencer ce mois-ci leurs travaux de développement HS2.
>>> Railway Pro – Five companies join HS2 Innovation Accelerator

Pays-Bas – Quel ressenti dans un train doté de l’ATO niveau 2 ? – C’est la question posée lors du test grandeur nature effectué au nord des Pays-Bas, à Groningue. Une enquête avait été commandée par ProRail, la province de Groninge, l’opérateur de transport Arriva et le fournisseur Stadler et consistait en des tests en direct, une recherche par simulation et une enquête auprès des passagers. La conduite est-elle différente entre un train «conduit manuellement» et un train doté de l’ATO ? Les résultats se rejoignent dans un mouchoir de poche : les voyageurs ont noté en moyenne les trajets ATO avec 7,68 et les trajets manuels avec 7,96. Lors des deux essais avec ATO, il y a eu quelques commentaires sur le freinage un peu raide : «j’ai trouvé ce trajet plus saccadé. J’ai également trouvé le freinage moins souple». Les trajets réguliers ont donné lieu à plusieurs commentaires sur le freinage et l’accélération en douceur. L’ATO semble avoir une conduite où les accélérations/décélérations sont plus fortes, or c’est justement la raison d’être du système puisque le test a conclut que l’on gagnait 1,5 point en régularité de l’horaire. Le projet doit maintenant être affiné.
>>> OV Pro NL – Reizigers merken klein verschil in zelfrijdende trein

Prochaine livraison : le 30 septembre 2020

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L’Europe a voté la réduction ou la suppression des péages ferroviaires

La pandémie ferait-elle bouger les lignes plus vite qu’on ne le croit ? On pourrait le penser ! Le Parlement européen a voté hier jeudi la proposition de règlement européen établissant des mesures donnant aux États membres la liberté nécessaire pour soutenir le fret ferroviaire de manière neutre, économiquement justifiée et transparente.

Le Covid-19 a poussé le secteur ferroviaire dans un trou noir, du moins pour le transport voyageurs. Le fret s’en est mieux sorti mais a néanmoins aussi dû faire face à de grandes pertes. Le secteur du transport combiné a subi une contraction de volume de 15% au cours de la période avril-juin, alors que le nombre de trains sur le réseau était beaucoup plus élevé, rappelle l’association UIRR. L’association allemande Netzwerk Europäischer Eisenbahnen (NEE), explique de son côté que la baisse des volumes de fret due à la baisse de la production industrielle et à l’interruption des chaînes logistiques, ainsi qu’à une politique tarifaire agressive dans le transport routier de marchandises, y compris la baisse des prix du diesel, ont désormais conduit à un déplacement du trafic vers la route. Le « monde d’après » qui tourne le dos aux modes durables, ça ne pouvait pas rester en l’état…

Les infrastructures ferroviaires jouent un rôle clé dans la stratégie d’augmentation de la part modale du ferroviaire dans le transport de marchandises. C’était l’occasion de remettre sur la table la problématique des péages ferroviaires, une demande qui ne date pas de la pandémie. De fait, le différentiel entre les coûts réels de la route et du rail est un sujet de longue date. En mai dernier, flairant le bon moment, 12 entreprises publiques européennes dont la SNCF, la Deutsche Bahn ou encore Mercitalia (Italie), remettaient le couvert en constatant que « le rail et le transport routier de marchandises ne font pas face aux mêmes problématiques de coûts et de concurrence. » Sans rapport réel avec la pandémie, cela mettait néanmoins un argument de plus sur la balance. Depuis peu, la Commission européenne travaillait sur une proposition de règlement prévoyant l’assouplissement des obligations relatives aux redevances d’accès aux voies, aux frais de réservation et aux surtaxes. Dans le texte, le Conseil précisait que, le cas échéant, les États membres pouvaient appliquer la dérogation à l’obligation de payer les redevances d’accès aux voies en fonction des segments de marché (passagers ou fret), de manière transparente, objective et non discriminatoire.

Rappelons qu’un règlement diffère d’une directive : le règlement a effet quasi immédiat, quand la directive prend le temps de la transposition en droit national, parfois plusieurs années, comme par exemple le quatrième paquet ferroviaire. C’est donc dans un parcours d’extrême urgence – autre « bienfait » de la pandémie -, que la Commission avait transmis en juin dernier son projet au Parlement européen, qui l’a voté hier. La décision est antidatée au 30 mars 2020 et se poursuivra jusqu’au 31 décembre et peut être prorogée si nécessaire. Les États membres peuvent appliquer la décision pour le transport de passagers et de fret et sont tenus d’informer la Commission européenne de toute mesure qu’ils prennent. Ceux qui le feront devront indemniser les gestionnaires d’infrastructure pour les pertes qui en résulteront l’année suivante, rapporte Railway Gazette. Le secrétaire de l’ERFA Conor Feighan, une association d’opérateurs privés, a déclaré que « nous ne savons pas quand cette pandémie prendra fin ni quelle sera son évolution. Il est donc important que la Commission ait la capacité d’agir de manière décisive dans l’extension du règlement. Les États membres disposent désormais d’un outil important pour soutenir le secteur du fret ferroviaire et l’ERFA appelle tous les États membres à agir de manière proactive dans la mise en œuvre des dispositions de ce règlement. »

Dans les milieux ferroviaires, on savoure la performance. En début d’année, alors qu’on ne se doutait de rien, une telle demande paraissait encore si radicale ! Et puis les réticences sont tombées les unes après les autres. À la mi-août, le ministère autrichien des transports a annoncé que les frais d’accès aux infrastructures seraient réduits pour soutenir les flux de fret ferroviaire. Le ministère agissait en réponse à une baisse du trafic, directement attribuée à la pandémie. Fin août, le Premier ministre français Jean Castex a annoncé que la France renoncerait aux frais d’accès aux voies pour le reste de 2020 et les réduirait de moitié pour l’ensemble de 2021, si la réglementation le permettait. La Belgique va probablement suivre aussi.

L’indemnisation des gestionnaires d’infrastructure risque de créer de gros débats en cas d’entreprises intégrées : quelle preuve aura-t-on que cet argent sera bien versé aux « infras » ? Ce sera en revanche bien plus clair pour les gestionnaires indépendants, comme Infrabel en Belgique, Trafikverket en Suède ou Adif en Espagne. On peut dire que pour la plupart des réseaux européens, cette mesure tombe mal si elle n’est pas compensée dans l’immédiat. Aux quatre coins d’Europe, de très nombreux chantiers sont en cours pour la modernisation des voies, elle-même gage de qualité pour le trafic fret, notamment.

Reste à voir qui peut en profiter. Les péages ferroviaires sont certes des coûts fixes dans le business des opérateurs, il n’en demeure pas moins que des différences d’impact s’appliquent selon la taille des transporteurs. Au-delà de cette mesure, c’est toute la chaîne logistique qui doit être favorable au train. On en est loin ! Comme souvent, le recours à la route durant la première vague de la pandémie pourrait devenir pérenne chez de nombreux chargeurs. La reconquête ne sera pas une chose aisée alors que de nombreux défis structurels s’annoncent au secteur, notamment le digital, mais pas que.

En dehors du cercle ferroviaire, on parle aussi de « monde d’après » mais en plus radical. Certains n’hésitent pas à parler d’un « moment historique pour faire disparaître les parasites, » sans qu’on sache à qui est destiné cette magnifique étiquette. D’autres invitent à « éjecter les opérateurs qui n’ont rien à faire dans la profession [ferroviaire], » imaginant sans doute le retour aux monopoles d’antan. Tout cela fait désordre et ne répond pas au motif principal : le transfert modal et la pérennité du système ferroviaire. Ces deux objectifs ne pourront être atteint que si on fait confiance à tous les opérateurs, ce qui augmentent les volumes transférés sur rail. L’objectif est de ne pas casser ce qui a patiemment été construit ces vingt dernières années.

>>> À lire : Quel chemin de fer veut encore la puissance publique ?

Les nouvelles règles entreront en vigueur le lendemain de leur publication au Journal officiel de l’UE. Ensuite, il appartiendra aux États membres d’adopter ces règles et de démontrer leur réelle volonté face aux lobbies routiers qui ne manqueront pas de contre-attaquer…

Pour approfondir :

OBB_WorkshopDavantage d’opérateurs pour contribuer à un véritable transfert modal
16/08/2020 – Le chemin de fer n’est pas en capacité de couvrir un maximum de nos besoins en mobilité. Pas seulement parce qu’il existe d’autres modes de transport, mais parce qu’il n’y a pas assez d’opérateurs et d’innovation.


FretCovid_1Comment le fret ferroviaire peut revenir après le Covid19
24/04/2020 – En ce moment, il est beaucoup question de changements structurels de la mondialisation et des flux logistiques, ce qui serait profitable pour le chemin de fer. En réalité, le retour au rail ne sera possible que sous d’importantes conditions.


OLYMPUS DIGITAL CAMERAL’après coronavirus, le grand retour au rail ?
10/04/2020 – L’ère post-coronavirus sera-t-elle celle du grand retour au train ? On peut le penser, mais il ne s’agira pas de répéter les erreurs d’hier. Le monde change


TER_France_SNCFLa régionalisation du rail, garante du service public
21/06/2020 – C’est un constat : les régions, Länder, provinces ou comptés gèrent bien mieux les besoins ferroviaires locaux et régionaux que le niveau national. Les pays qui pratiquent la régionalisation ont pu démontrer que le service public avait été fortement rehausser. Démonstration.


Digital-5Ces vingt dernières années qui ont changé le train
11/09/2017 – Alors qu’on assiste encore à quelques agitations revendiquant un utopique retour en arrière, il n’est pas inutile de regarder ces vingt dernières années qui ont changé le train : mutation du service au public, mutation de la société, leadership de l’industrie et nouveaux acteurs de terrain ont indéniablement fait bouger les lignes. Voyons cela plus en détail.

Une TRAXX Lineas, ici sur un service aux Pays-Bas (photo Nicky Boogaard via license flickr)

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