L’attelage automatique sur wagon de fret va-t-il devenir une réalité ?

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On fait grand cas ces derniers temps de l’attelage automatique des wagons de marchandises, tels qu’ils existent depuis longtemps sur les automotrices en trafic voyageur. Mais pourquoi l’Europe a-t-elle pris tant de retard ?

Le constat est simple : tous les continents du monde disposent d’un attelage automatique, d’une sorte ou d’une autre, depuis bien longtemps. Si l’Europe est à la traîne, c’est pour des raisons historiques et commerciales.

L’attelage apparaît dès que l’existence du « train », même à l’époque où c’était encore par traction chevaline. Il est d’abord fait de chaînes. Mais ce système est problématique, notamment dans les ralentissements. Des tampons sont rajoutés pour amortir des chocs entre wagons. Mais ces attelages manuels montre aussi un autre visage : la quantité d’accidents recensés lors des opérations de formation des trains. Cet aspect était déjà fort présent dès les années 1900 et dans les séminaires internationaux. Il était donc impératif de diminuer les accidents.

Au XIXème siècle, les ingénieurs européens s’intéressaient déjà à l’application de l’attelage automatique aux États-Unis et au Canada. Aux États-Unis, les attelages Janney étaient de conception semi-automatique et ont été brevetés pour la première fois en 1873 par Eli H. Janney. Avant la création de l’Association of American Railroads (AAR), ils étaient connus sous le nom d’attelages Master Car Builder (MCB). En 1934, le MCB a été rebaptisé AAR. Au Royaume-Uni, plusieurs versions de ces attelages Janney furent installées sur un nombre limité de voitures, d’unités multiples, de wagons et de locomotives.

En Europe, chemin de fer rime avec « nation », et en ces temps troublés de fin du XIXème siècle, l’attelage automatique devient un enjeu de géopolitique, tout particulièrement entre la France et l’Allemagne. Ainsi, en dépit de la création de l’UIC en 1922, la mesure du risque encouru lors de la manœuvre d’accrochage des wagons devenait l’objet de conflits entre différents acteurs, incapables de s’entendre sur une matière qui relevait pourtant de la science. Mais l’attelage automatique, tout comme le freinage des trains, ont aussi fait l’objet de résistances syndicales. Ces améliorations diminuait le temps de travail et supprimait des emplois. L’UIC n’a jamais pu accorder tout le monde sur ce thème. Un débat qui rappelle celui d’aujourd’hui, avec la digitalisation !

L’attelage Scharfenberg (également appelé « Schaku« ) fait partie des attelages à tampon central. Cet attelage a été développé par Karl Scharfenberg à Königsberg (aujourd’hui Kaliningrad), et a fait l’objet de brevets en 1904 et 1907. L’attelage Scharfenberg est un attelage multifonctionnel qui fonctionne sans intervention humaine, car le mécanisme de couplage et les tuyaux d’air comprimé se connectent automatiquement. C’est la seule réussite européenne en matière d’attelage de trains.

Le « Shaku » n’est utilisé dans le monde entier que dans les trains de voyageurs de toutes sortes, des tramways aux trains à grande vitesse, et on le trouve aujourd’hui dans presque toutes les compagnies ferroviaires nationales. Il n’a malheureusement jamais été accepté pour les wagons de marchandises. En 2002, le type 10 de l’attelage Scharfenberg a été déclaré norme pour les trains à grande vitesse et fait maintenant partie de la spécification d’interopérabilité (STI).

L’Europe avait néanmoins opté pour l’attelage à vis, qui exige des opérations manuelles : serrage de l’attelage et, séparément, accouplage des conduites de freins (et des câbles électriques pour les voitures voyageurs).

Cet échec de l’UIC dans les années trente, qui entrave encore aujourd’hui l’exploitation du fret en Europe, a conduit à la décision de l’Union soviétique d’aller de l’avant sans qu’une norme ne soit atteinte dans les négociations. Un coupleur fut développé en 1932 et porta le nom de SA-3. En 1935, la conversion des véhicules commença progressivement, mais la Seconde Guerre mondiale a retardé le programme, de sorte que la conversion complète du matériel roulant russe ne fut achevée qu’en 1957.

Dans les années 60, l’UIC tenta de relancer l’attelage automatique. Mais le manque de consensus et surtout, la quantité de wagons de marchandises déjà muni de l’attelage à vis standard UIC ne milita pas pour poursuivre les études. Les propriétaires de wagons estimaient que les coûts de conversion étaient trop élevés par rapport aux gains escomptés.

L’industriel allemand Knorr Bremse tenta néanmoins un attelage automatique pour wagons afin de réduire les temps et les coûts des opérations d’attelage/dételage dans les triages, en proposant un attelage automatique moins onéreux et avec lequel les réseaux – et les particuliers – pourraient équiper leur parc de wagons à la demande et/ou au strict besoin, tout en conservant la compatibilité du reste du parc. Ce projet, nommé Z-AK en Allemagne, et désigné AAST en France (Attelage Automatique de Simple Traction), resta sans lendemains.

Le paysage mondial des attelages est actuellement celui-ci :

Et aujourd’hui ?
On peut se demander pourquoi, en 2020, l’attelage automatique sur wagon de marchandises est présenté en Europe comme « un grand progrès technologique »… Selon le magazine américain Railway Today, les américains pressentent que « nos homologues européens pourraient nous devancer, avec une technologie appelée DAC, pour « Digital Automatic Coupling. »  De quoi s’agit-il exactement ?

Très en retard au niveau mécanique, l’Europe pourrait en effet revenir au devant de la scène en ajoutant une couche digitale à l’attelage automatique. Ce qui change beaucoup de choses. D’autant que cette innovation n’est qu’une partie d’un concept plus général, lié au wagon de fret digital. Les Européens reconnaissent que s’ils veulent développer le transport ferroviaire de marchandises au-delà de la maigre part de marché qu’il occupe actuellement, ils doivent faire preuve d’innovation et d’agressivité avec la technologie moderne. Avec un brin d’humour, Sigrid Nikutta, responsable de l’activité de fret DB Cargo chez Deutsche Bahn, se dit heureuse qu’on n’ait pas réussi jusqu’ici à trouver un attelage automatique : « aujourd’hui les entreprises ferroviaires et l’industrie veulent franchir deux étapes d’une traite et combiner l’attelage automatique des wagons avec la numérisation du transport de marchandises. »

Un consortium du nom de DAC4EU a été créé et comprend six sociétés de transport de marchandises publiques et privées qui vont tester différentes options de couplage au cours des prochaines années : RCG (Autriche), DB Cargo (Allemagne), CFF Cargo (Suisse), et les loueurs de wagons de marchandises Ermewa, GATX Rail Europe et VTG. Le consortium est emmené par la Deutsche Bahn AG. Le projet pilote a été attribué par le ministère fédéral des transports et de l’infrastructure numérique (BMVI) pour environ 13 millions d’euros sur les deux ans et demi à venir. Il a débuté en juillet 2020 et se poursuivra jusqu’en décembre 2022. Il est cependant curieux que la France (excepté via Ermewa), l’Italie et la Suède soient absent de cet enjeu technologique.

L’objectif consiste à lancer un programme pilote d’attelage automatique numérique pour les wagons de marchandises. DB Systems Engineering a installé ce nouveau système sur plusieurs wagons de marchandises dans ses installations de Minden, en Westphalie. Une douzaine de wagons de marchandises vont recevoir 4 types différents d’attelage automatiques digitaux et vont être testés pendant deux ans. Un train de 24 wagons devra ensuite être formé avec la technologie qui sera adoptée pour vérifier la mise en oeuvre en exploitation réelle. Quatre fabricants développent actuellement des attelages DAC avec trois têtes d’accouplement différentes :

  • L’attelage de type Scharfenberg produit par Voith

  • L’attelage de type Schawb produit par Wabtec

  •  L’attelage SA-3 produit par CAF

  • Enfin l’attelage Dellner

Le futur couplage automatique choisi sera bien entendu construit par les quatre fournisseurs qui participent aux essais. Le projet est ambitieux. L’industrie espère convertir tout le trafic ferroviaire de fret en Europe en attelage automatique d’ici 2030, y compris avec des fonctionnalités numériques pour exploiter des trains de fret intelligents. L’attelage automatique est en effet une pièce essentielle à la digitalisation du fret ferroviaire. Il permet de former des lignes de données qui traversent tout le train pour fournir des informations sur les freins, la composition du train et les problèmes techniques. Et à l’avenir, le répartiteur saura non seulement où se trouve un wagon chimique, mais aussi quelle est la température des citernes. Le choix sera alors contraignant pour des centaines de propriétaires de wagons en Europe. On estime qu’environ 500.000 wagons sont concernés en Europe continentale.

Il faudra cependant être très attentif aux coûts : on a déjà vu les fortes réticences des opérateurs avec l’ETCS, qu’ils jugent trop coûteux pour très peu de bénéfices opérationnels. Dans ce cas-ci, le prix du futur attelage et de l’installation de la ligne de données numériques sera essentiel, quand on connait la valeur d’un wagon de marchandise âgé de 20 ans, c’est à dire peu de choses.

(photo DB)

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Comment les satellites et l’intelligence artificielle surveillent la végétation

Par Frédéric de Kemmeter – Signalisation ferroviaire et rédacteur freelance – Inscrivez-vous au blog
24/08/2020 –
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La technologie permettant de comprendre la végétation peut sembler incongrue. Pourtant, les applications dans le domaine de l’intelligence artificielle et des données peuvent aider à mieux évaluer la végétation sur une zone donnée, à comprendre les systèmes dynamiques complexes de cette végétation et à prendre des mesures correctives si nécessaire.

Notre environnement est une structure complexe. Souvent, les processus qui agissent en son sein sont compris individuellement, mais leurs interactions et leurs rétroactions entre eux sont plus difficiles à appréhender avec des approches classiques. L’influence humaine sur l’environnement augmente également la complexité. Un exemple de la complexité de notre environnement est l’exploitation d’une centrale électrique refroidie à l’eau. Cette centrale prélève l’eau d’une rivière pour son refroidissement et renvoie l’eau chauffée à la rivière. Si l’eau devient rare en cas de sécheresse ou si l’eau disponible est trop chaude, la centrale va s’arrêter. Par conséquent, le système de contrôle de la centrale doit être capable de prévoir l’évolution de l’état thermique de l’eau et en même temps être capable de reconnaître sa propre influence sur l’état de l’environnement. Cette tâche ne peut être résolue que par l’utilisation d’une Intelligence Artificielle (IA) spécialisée. Elle doit être capable de reconnaître les conditions climatiques limites à un stade précoce et de développer indépendamment des scénarios d’action pour empêcher l’arrêt des installations. Les chemins de fer doivent avoir le même raisonnement pour offrir un réseau parfaitement en ordre de marche.

Selon le gestionnaire d’infrastructure britannique Network Rail, la résilience d’un réseau est la capacité des actifs, des réseaux et des systèmes à anticiper, absorber, s’adapter et/ou se remettre rapidement d’un événement perturbateur. Suite aux multiples défaillances de l’hiver 2013/14, le ministère britannique des transports avertissait que la résilience physique du réseau devait progressivement être renforcée dans les années à venir. Ces défaillances avaient été causées par des problèmes majeurs de stabilité du terrain, causés par des infiltrations d’eau ou de végétation non optimale.

(photo Network Rail)

En octobre 2016, Network Rail lançait un marathon de deux jours de défis à l’industrie. Elle devait démontrer des solutions, en utilisant des données satellitaires, qui auraient pu alerter Network Rail sur une détérioration quasi certaine des actifs et d’une perte de capacité de service à venir. Pour Network Rail, ce marathon a clairement démontré que les besoins ne pouvaient pas être satisfaits et qu’une infrastructure linéaire mince comme une ligne de chemin de fer, constituée de pentes principalement recouvertes de végétation, ne pouvait pas encore être surveillée de manière adéquate depuis l’espace. Les experts déclaraient à l’époque que « bien que l’on considère que les techniques ont déjà atteint le niveau opérationnel, il est évident que tant dans la recherche que dans la pratique, nous commençons seulement à bénéficier de l’imagerie haute résolution qui est actuellement acquise par les satellites de nouvelle génération. Il est très difficile de mesurer des déplacements dépassant quelques dizaines de cm par an et de fortes déformations non linéaires. » Mais la technologie s’est considérablement améliorée depuis.

Construit au XIXème siècle, le réseau ferroviaire est totalement inséré dans une végétation qui a repris ses droits au fil des décennies. En Allemagne, environ 70% des voies de la DB passent par des zones boisées. Ces dernières années, la DB, comme d’autres réseaux ferroviaires, a considérablement étendu l’entretien de la végétation le long de ses lignes pour les rendre plus résistantes aux tempêtes. Avec environ 33.400 kilomètres de voies ferrées, cela signifie que des millions d’arbres et de plantes doivent être examinés pour déterminer leur résistance aux tempêtes en raison de leur emplacement, de leur état ou de leur forme. En Allemagne, certaines tempêtes ont déjà provoqué l’arrêt d’un tiers du réseau ferré, particulièrement dans le nord et l’Est du pays. Rien qu’entre 2015 et 2017, il y a eu plus de 830 collisions de trains avec la végétation causées par des tempêtes, ce qui a coûté des millions à la compagnie publique allemande. Le phénomène est donc pris très au sérieux.

Après la tempête « Xavier » de 2017… (photo V.Boldychev via wikipedia)

Les opérateurs de réseau d’infrastructure utilisent principalement des solutions manuelles, rigides et étroitement ciblées, par exemple l’utilisation de voitures ou d’hélicoptères pour surveiller les réseaux d’infrastructure, malgré la disponibilité de données satellitaires. Ces processus de surveillance manuels sont souvent inefficaces et entraînent des coûts d’exploitation réseau élevés. La surveillance ou l’inventaire à grande échelle des réseaux couvrant tout un pays peut prendre des années avec les méthodes utilisées jusqu’à présent.

C’est pourquoi la Deutsche Bahn s’est appuyée sur une gestion professionnelle de la végétation. Environ 1.000 employés de DB Netz sont impliqués dans tous les aspects de la gestion des forêts et de la végétation qui bordent les voies. Dorénavant, la technologie digitale les aide dans leur tâche. La Deutsche Bahn enregistre maintenant les arbres depuis l’espace pour s’assurer de leur résistance aux tempêtes. Les satellites enregistrent le nombre d’arbres, la distance entre la végétation et les traces et la hauteur à laquelle les arbres poussent tout au long du réseau ferroviaire. Pour ce programme, la Deutsche Bahn a considérablement augmenté les ressources financières, et 125 millions d’euros sont disponibles chaque année pour l’entretien de la végétation. DB Netz ne fait évidemment pas cela seul.

L’opérateur de réseau allemand s’appuie sur LiveEO, une start-up berlinoise qui a participé en 2018 à la mindbox, un incubateur de start-up de la Deutsche Bahn AG, qui donne aux innovateurs la possibilité de tester et d’accélérer leurs idées et leurs produits au sein de la compagnie ferroviaire. Avec ce programme, la Deutsche Bahn soutient les jeunes entrepreneurs et les innovateurs. Ce soutien dure 100 jours pour de jeunes entreprises qui ont des idées d’amélioration pour les chemins de fer – entre autres grâce à un coaching approfondi ainsi qu’à un capital de départ de 25.000 euros. Cette aide est complétée par des essais de prototypes en conditions réelles et par un travail en commun au sein de la mindbox de la DB.

C’est dans ce cadre que LiveEO développe une méthode d’observation de la terre sur de grandes surfaces, dans laquelle les images satellites sont évaluées à l’aide de l’apprentissage automatique (Machine Learning en anglais), un procédé typique de l’IA. Au sein de la mindbox, LiveEO a pu améliorer l’application et la mettre en œuvre pour la première fois avec succès.

Comme l’explique Sabina Jeschke, directrice de la numérisation et de la technologie à la Deutsche Bahn, l’idée est d’anticiper au maximum un possible incident. Où les experts en végétation du chemin de fer doivent-ils se rendre de toute urgence ? Quels sont les arbres et les plantes qui ne sont pas capables de supporter des conditions météorologiques de plus en plus extrêmes ? Quelle végétation est plus résistante que l’autre ? Que faut-il maintenir ou planter comme végétation pour consolider un talus ou une tranchée ? Jusqu’à quel niveau la végétation peut-elle pousser avant de provoquer des problèmes d’adhérence (patinage) ?

(photo DBAG)

La DB envoie régulièrement des drones sur son réseau depuis 2015. Une flotte de 20 engins volants est désormais en service dans toute l’Allemagne. Ils sont équipés de caméras – la plupart du temps pour des vidéos, des images numériques haute résolution ou des enregistrements infrarouges. Pour le contrôle de la végétation le long des voies ferrées, les drones survolent les zones avec des caméras infrarouges. Les images sont vérifiées pour détecter les arbres malades qui pourraient tomber sur la voie en cas de vent violent. L’analyse photographique génère entre 3 et 5 gigaoctets de données par kilomètre de voie. Les données sont évaluées à l’aide de Big Data Analytics. La procédure est très fiable : les arbres qui ne résistent pas aux tempêtes sont détectés avec une probabilité de 95 %.

LiveEO ne dispose pas de ses propres satellites et doit alors utiliser des images optiques de la planète prises par le satellite Pléiades d’Airbus. La constellation de satellites Pléiades est composée de deux satellites optiques d’imagerie terrestre à très haute résolution qui couvrent la planète avec un cycle de répétition de 26 jours. Ces données satellitaires à haute résolution se présentent sous la forme d’images stéréoscopiques, ce qui permet à LiveEO d’en comparer et d’en déduire des profils de hauteur des arbres. LiveEO utilise l’imagerie multibande à différentes résolutions pour distinguer la végétation et les actifs du réseau, l’imagerie stéréo pour estimer la hauteur des arbres, la détection des différences pour identifier les changements, et l’interférométrie pour détecter les affaissements et autres distorsions du sol au niveau du cm près. LiveEO développe ses propres données de formation interne pour les algorithmes d’apprentissage machine.

Le fait de pouvoir détecter avec précision la hauteur des arbres à proximité des lignes de chemin de fer améliore la sécurité, permet d’identifier les arbres à risque élevé et à faible risque et réduit le coût du déboisement. Deutsche Bahn peut désormais économiser environ 25% de ses dépenses opérationnelles.

LiveEO produit actuellement une carte numérique des forêts le long des lignes de chemin de fer pour la Deutsche Bahn. Les images satellites sont utilisées pour enregistrer avec précision les populations d’arbres, la distance entre la végétation et les voies ferrées, et la hauteur à laquelle les arbres poussent. Cela permet à DB d’identifier encore mieux les arbres particulièrement sensibles aux tempêtes et de les traiter à temps. La particularité de LiveEO est qu’il ne reste que des données sur la végétation, alors que les drones capturent « tout ce qui se trouve à proximité de la piste », sans distinction, ce qui demandait beaucoup de travail et de temps pour nettoyer les cartes. Cela démontre toute l’importance des incubateurs, qui permettent de capter des idées qui ne peuvent pas toujours naître au sein de grande entreprise très hiérarchique comme une compagnie ferroviaire. Et surtout dans les matières digitales, qui demandent des connaissances sans grand rapport avec le métier ferroviaire.

Anticipation
La technologie de LiveEO permet de prioriser et d’optimiser non seulement la gestion de la végétation, mais aussi de revoir les processus en cas d’interruption de service. La quantité de données est telle que seule une IA peut les synthétiser en un temps record et réduire la durée des interruptions. La combinaison de la planification des ressources de l’entreprise, de l’imagerie satellite, de l’apprentissage machine (ML) et de l’intelligence artificielle (IA) permet de mieux répondre aux défis de la gestion de la végétation.

  • L’imagerie satellitaire haute définition combinée à de multiples capteurs peut éliminer le processus laborieux d’envoi de personnel sur le terrain qui effectue manuellement un repérage sur le terrain et collecte des données.
  • Les algorithmes ML/AI peuvent traiter les données pour identifier les endroits spécifiques où la végétation pourrait empiéter ou interrompre les opérations et aider les équipes des chemins de fer à repérer des endroits précis pour couper ou enlever la végétation.
  • Des tableaux de bord peuvent repérer les alertes déclenchées par les algorithmes.
  • L’utilisation simultanée de l’inventaire des espèces d’arbres et des données météorologiques permet d’optimiser encore davantage les systèmes.
  • Les solutions ERP intégrées peuvent permettre d’automatiser davantage l’engagement des équipes en planifiant et en programmant les ordres de travail et en suivant les mises à jour de l’exécution dans le cadre des paramètres fixés par le budget.
  • Les solutions ERP peuvent être combinées avec des solutions mobiles sur le terrain pour permettre aux équipes de terrain de saisir les détails pendant la coupe de la végétation.

LiveEO vend en fait deux produits. Le premier est le « frontend » qui est conçu pour les décideurs et les gestionnaires et qui fournit une vue d’ensemble du réseau. Le second est une application mobile qui permet au personnel sur le terrain de prendre en charge des tâches spécifiques de gestion et de documenter l’avancement du traitement. « Cela permet une communication transparente entre tous les niveaux d’utilisateurs, » explique Sven Przywarra, co-fondateur de LiveEO GmbH.

Mais la DB se concentre également sur la gestion des perturbations majeures, et en particulier sur l’information aux passagers. Si une perturbation empêche les trains de poursuivre leur route ou les détourne, le besoin d’information des voyageurs augmente drastiquement. Pour la Deutsche Bahn, la principale préoccupation est donc de ne pas créer un vide d’information et de tenir les clients informés aussi rapidement et continuellement que possible. Il est alors nécessaire de disposer des bonnes informations le plus rapidement possible. Où se trouve exactement « l’arbre sur la voie » ? Quelles lignes sont bloquées ? Quels sont les trains arrêtés ? Où les trains sont-ils garés ? Qu’est-ce que cela signifie pour l’ensemble de l’exploitation ferroviaire ? C’est là que LiveEO entre à nouveau en jeu. « Les données satellitaires pourraient nous être d’une aide énorme, même en cas de panne. Cette année (2020), nous prévoyons de tester si la technologie peut nous donner un aperçu plus rapide de la situation sur les lignes en cas de perturbation que ce qui est possible actuellement. L’objectif est de maintenir la phase d’incertitude pour les clients aussi courte que possible et de publier une prévision le plus tôt possible, » explique Sabina Jeschke. Qui montre aussi les possibilités de l’IA au sein des chemins de fer : « les assistants linguistiques ou les « chat bots » pourraient également être utiles, car les systèmes intelligents aident les employés à faire face rapidement à l’augmentation soudaine du besoin d’informations. »

(photo pqsel)

LiveEO est un bon exemple d’entreprise qui applique des analyses d’énorme quantité de données d’observation de la Terre pour fournir un service précieux, plus sûr et moins coûteux que l’approche traditionnelle de surveillance de la végétation des lignes ferroviaires. De nos jours, il existe une pléthore d’images satellites avec une résolution allant jusqu’à un cm et une fréquence de plusieurs fois par jour. L’imagerie satellitaire est de plus en plus compétitive, ce qui en fait baisser le coût. Il existe d’autres applications innovantes qui utilisent l’interférométrie radar par satellite pour détecter les affaissements, qui sont un grand danger pour le réseau ferroviaire.

Avec près de 2000 satellites en direct autour du globe, obtenir une image détaillée de n’importe quelle partie de la surface de la Terre n’est plus un problème. Le défi consiste à déterminer ce qu’il faut faire de toutes ces images. L’analyse des données géospatiales est le prochain grand marché de l’espace. Il est certain que les prochaines années vont voir une forte hausse de l’utilisation combinée des images satellites et de l’IA pour augmenter la sécurité de la gestion des actifs d’un réseau ferroviaire et prévenir les dangers futurs, y compris par intégration en temps réel de données météo…

Sources :

2018 – Network Rail – Earthworks Technical Strategy

2019 – Sifted – Maija Palmer – Airbus launches satellite data platform

2019 – Innoloft – Lucia Walter – LiveEO is the startup of the week 36: Innovative Infrastructure Monitoring from Space

2019 – Okeanos Consulting & Ruhr-Universität Bochum – Dr.-Ing. Benjamin Mewes und Dr.-Ing. Henning Oppel – Künstliche Intelligenz in den Dienst von Mensch und Umwelt stellen

2020 – Geof Zeiss – Using satellite imagery to prioritize vegetation management for utilities

2020 – Deutsche Bahn – Prof. Dr. Sabina Jeschke – Ruhe in den Sturm bringen

2020 – Eisenbahn Journal – Stefan Hennigfeld – Vegetationspflege mit künstlicher Intelligenz

(photo Reinhard Dietrich via wikipedia)

24/08/2020 – Par Frédéric de Kemmeter – Signalisation ferroviaire et rédacteur freelance
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Comment l’intelligence artificielle va révolutionner la mobilité

18/08/2019 – Par Frédéric de Kemmeter – Signalisation ferroviaire et rédacteur freelance
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L’intelligence artificielle (IA) peut apporter une contribution importante à la révolution de la mobilité. Dans le cadre d’une mobilité en réseau intelligent, les personnes se déplaceront d’un lieu à l’autre et les marchandises seront transportées de manière économe en ressources. Des experts en plateformes de systèmes d’apprentissage (learning systems) décrivent dans un rapport récent ce qui serait le moyen le plus sûr, le plus souple et le plus économique de se déplacer sur la route, sur les rails, sur l’eau ou dans les airs.

Les learning systems offriraient un grand potentiel pour relever les défis de la mobilité actuels, selon ces experts. « Moins de congestion, d’accidents et d’émissions polluantes – l’IA peut nous aider à atteindre ces objectifs pour la mobilité du futur. Pour se rapprocher de cette étape, les moyens de transport et les infrastructures de transport doivent être intelligemment mis en réseau », explique Christoph Peylo , responsable du centre Bosch pour l’intelligence artificielle et co-responsable du groupe de travail ‘Mobilité et systèmes de transport intelligents’ de la ‘Plattform Lernende Systeme’. L’idée : des capteurs, des caméras et des infrastructures ainsi que des plates-formes intelligentes qui collectent les données, les gèrent et les partagent en données de trafic. Des techniques d’apprentissage automatique (ML) de plus en plus puissantes sont utilisées pour traiter l’énorme masse de données collectées.

Au sein du groupe de travail « Mobilité et systèmes de transport intelligents » de la ‘Plattform Lernende Systeme’, des représentants de la science et de l’industrie ont examiné les possibilités et les défis que posent les learning system pour chaque mode de transport. Pour son premier rapport, le groupe de travail a identifié cinq domaines d’action qui devraient être abordés par la science, l’industrie, la politique et la société afin de promouvoir la mobilité basée sur l’intelligence artificielle et des systèmes de transport intelligents, durables et axés sur la demande : mise en réseau et interaction des systèmes, disponibilité des flottes de matériel roulant, état des infrastructures, interaction homme-machine (MMI) dans l’espace de mobilité, sécurité dans les systèmes de transport intelligents et aspects sociaux.

Pour les membres du groupe de travail, les learning systems doivent être développés pour tous les modes de transport, y compris les chemins de fer. Leurs applications vont des drones de livraison sans pilote aux systèmes ferroviaires en réseau avec locomotives autonomes, ou encore des formes intelligentes de mobilité dans les transports publics et le covoiturage, ainsi que les véhicules autonomes. Ces développements parfois concurrents sont utilisés en parallèle dans un même environnement – par exemple dans le réseau routier et ferroviaire existant – et peuvent avoir des effets considérables sur notre société. Que dit ce rapport en ce qui concerne le domaine ferroviaire ? C’est ce que nous allons voir mais il faut au préalable quelques bases en intelligence artificielle.

C’est quoi le ‘learning system’ ?
Malgré la confusion qui entoure sa définition et sa valeur commerciale, l’intelligence artificielle continue de progresser. L’apprentissage automatique est une méthode d’analyse de données qui automatise la création de modèles analytiques. Ces modèles basés sur des algorithmes sont principalement construits à partir de techniques statistiques et d’informatique théorique et exploitent de vastes ensembles de données pour apprendre et s’améliorer en permanence.

Dans un sens, les systèmes d’apprentissage et l’intelligence artificielle (IA) sont arrivés depuis longtemps dans la vie privée et professionnelle : nous restons en contact les uns avec les autres à tout moment via un smartphone, nous avons accès à un large éventail d’informations en temps réel via des systèmes d’assistance intelligents, qui nous aident notament au travail, à la maison ou à nous guider (Google Maps). Mais la question essentielle est de savoir comment traiter ce que nous laissons derrière nous, c’est à dire les données.

De nos jours, la plupart des chercheurs en intelligence artificielle s’intéressent aux quantités énormes de données avec des algorithmes très avancés qui utilisent des learning system pour créer des modèles. « On arrive à faire des prévisions de très bonne qualité en utilisant d’énormes bases de données, » note Emma Frejinger, professeure agrégée au Département d’informatique et de recherche opérationnelle à l’Université de Montréal. « C’est quelque chose qui n’était pas possible avant

On trouve généralement trois types de learning system :

  • En 2019, la majorité des programmes d’apprentissage étaient encore de type supervisés, c’est-à-dire qu’ils ont besoin d’être nourri par des données annotées par des développeurs. L’apprentissage supervisé apporte une base de données pré-construite au système. Les développeurs spécifient la valeur des informations, par exemple, si elles appartiennent à la catégorie A ou B. C’est un travail fastidieux et exigeant, qui comporte un risque important d’erreurs.
  • L’apprentissage par renforcement est un processus automatique par lequel l’IA s’améliore sans intervention humaine. L’IA a accès aux données et améliore constamment ses réponses par l’apprentissage.
  • L’apprentissage non supervisé aide à trouver des modèles dans un ensemble de données sans étiquettes préexistantes. Deux des principales méthodes utilisées dans l’apprentissage non supervisé sont l’analyse en composantes principales et en clusters (grappes).

L’apprentissage profond (ou deep learning) est l’évolution la plus poussée de l’IA à ce jour. Il fait partie d’une famille plus large de méthodes d’apprentissage automatique basées sur des réseaux de neurones artificiels. Le deep learning peut être supervisé, semi-supervisé ou non supervisé. Il exige une importante capacité de traitement informatique ainsi qu’une grande quantité de données étiquetées pour appréhender la tâche dont il est question. Il peut ainsi atteindre le plus haut degré de précision possible en matière de données.

Au niveau technique, ces apprentissages peuvent être grandement accélérés par le déploiement de la 5G, qui fait débat dans plusieurs pays, ainsi que des serveurs à grande capacité.

Quel potentiel pour la mobilité ?
L’intelligence artificielle existe déjà sous différentes formes dans le domaine de la mobilité : d’une part avec les systèmes d’assistance et d’automatisation qui sont déjà implémenté dans chaque système de transport. Et d’autre part par l’utilisation de l’IA pour les opérations, la planification et la gestion des actifs. Mais il faut aller beaucoup plus loin.

L’objectif est de rendre la mobilité multimodale efficace et conviviale, en exploitant l’énorme potentiel d’optimisation entre chaque opérateur. Cela nécessite un couplage beaucoup plus fort des systèmes de chacun, avec tout ce que cela implique au niveau technique et réglementaire, par exemple au niveau de la protection des données.

De grandes quantités de données
La mobilité est certainement un secteur qui produit le plus de données. Les volumes sont croissants d’année en année. Quand vous mettez en marche la touche « position » sur votre smartphone, celui-ci enregistre la totalité de vos déplacements, et même de vos mouvements avec une application sportive, par exemple. Toutes ces données partent vers des serveurs et sont analysées. Dans de nombreuses villes, nous trouvons par exemple le métro, l’autobus, les différents services de taxi, le vélo et l’automobile en partage. Mais ils sont tous liés les uns aux autres puisqu’ils utilisent tous les mêmes routes. Votre smartphone enregistre tous les transports que vous empruntez, le temps que vous y passez et la fréquence chaque semaine ou chaque mois. D’où la nécessité de regarder la situation de manière globale. Ce sont ces services dans leur ensemble que l’on veut mieux comprendre et mieux planifier. Tous les modes de transport sont liés. Le système est cependant très complexe. En conséquence, les méthodes d’intelligence artificielle peuvent être présentées comme une solution intéressante pour des systèmes aussi complexes qui ne peuvent pas être gérés à l’aide de méthodes traditionnelles. De nombreux chercheurs ont démontré les avantages de l’IA dans les transports.

L’un des grands défis est d’éviter de devoir utiliser trop de données annotées (l’apprentissage supervisé). Les systèmes pourront améliorer leur performance par un apprentissage en continu non-supervisé, à partir de données capturées automatiquement sans besoin d’annotation. Ce mode d’apprentissage plus autonome nécessitera un contrôle quasi-permanent des connaissances de la machine. Et cela coûte très cher. À l’avenir, avec la complexité des données dans les STI (systèmes de transport intelligents), des techniques de deep learning seront essentielles pour trouver des modèles permettant de créer des systèmes de transport encore plus connectés.

Potentiel ferroviaire
Le learning systems permet d’implémenter techniquement une automatisation élevée de nouvelles fonctions ferroviaires et de rendre les fonctions existantes plus sûres et plus efficaces. Les fonctions existantes peuvent ainsi être améliorées, comme la perception anticipée de l’environnement, la coordination du trafic ou encore la surveillance automatique des composants des véhicules, qui a trait à la maintenance prédictive. Les learning systems peuvent prédire plus finement la maintenance des actifs ferroviaires au fur et à mesure que la masse des données s’accumule. On mesure ici le défis d’avoir des données utilisables ainsi que leur quantité qu’il est nécessaire de traiter.

Sécurité du réseau
Des systèmes basés sur l’apprentissage non supervisé sont mis en œuvre dans la sécurité du réseau : un système d’apprentissage automatique détecte les comportements anormaux. Par exemple, une section occupée par un autre train. Des algorithmes intelligents, sous la forme de réseaux neuronaux artificiels, peuvent analyser le trafic et développer des systèmes de gestion du trafic plus efficaces, tout en garantissant la sécurité des trains. Cela intéresse fortement le secteur ferroviaire, qui doit justement fournir un très haut degré de sécurité tout en améliorant ses performances.

Connaissances des flux
Le développement rapide des systèmes de transport intelligents a accru la nécessité de proposer des méthodes avancées pour prédire les informations de trafic. Ces méthodes jouent un rôle important dans le succès des sous-systèmes STI tels que les systèmes d’information des voyageurs, les systèmes de gestion du trafic et les systèmes de transport en commun. Les systèmes prédictifs intelligents sont développés à l’aide de données historiques extraites de l’occupation des sections de voies et des trains. Ensuite, ces données deviennent une entrée pour les algorithmes d’apprentissage automatique et d’intelligence artificielle permettant une prédiction en temps réel.

Les études de simulation de trafic, qui sont importantes quand il faut décider si on doit ajouter une voie ou modifier une entrée de gare, peuvent être enrichies par les techniques de learning systems. Il s’agit là d’un potentiel considérable pour contrôler le flux de trafic avec davantage de précisions et de pouvoir gérer le trafic plus efficacement. Cependant, la mise en relation de données individuelles et collectives pose de grands défis, à la fois sur le plan technique et réglementaire. Un compromis intelligent entre données individuelles et collectives est indispensable pour que les systèmes ne soit pas livré à lui-même. Le learning systems peut jouer un rôle clé à cet égard. La condition préalable est le choix des algorithmes d’édition de données prenant en charge leur gestion et la prise de décision. Ils permettent ainsi de maîtriser la complexité des indicateurs de performance clés (KPI).

Conduite automatisée
Une autre application importante des learning systems dans le domaine des transports ferroviaires est la conduite automatisée sans conducteur. Les trams, métros et trains automatisés sans conducteur offriraient non seulement une plus grande capacité sur le réseau ferroviaire, mais ils permettraient d’adapter le système de transport aux besoins des usagers en optimisant les horaires de transport public ainsi que la capacité de transport. La conduite hautement automatisée ou sans conducteur dans des conditions de circulation ferroviaires mixtes ou sur des itinéraires dotés d’infrastructures de sécurité moins strictes nécessite avant toute chose des informations sur les véhicules. Le train automatisé doit pouvoir détecter son environnement comme le fait un conducteur humain aujourd’hui. Cela revient à instaurer des capacités d’analyses proche de la voiture autonome, bien que le train soit guidé sur des rails. Actuellement, les trains ne communiquent pas entre eux et sont dépendants d’un centre de contrôle du trafic. Ce n’est pas de l’autonomie à 100%.

Un cas particulier d’automatisation ferroviaire est le ‘Driver Advisory Systems’. Ces systèmes d’assistance intelligents, basés sur de nouveaux algorithmes, permettent de conduire plus efficacement, d’obtenir davantage d’efficacité énergétique, ce qui améliore la capacité en ligne, la stabilité opérationnelle et la fiabilité du système. L’automatisation intelligente rendrait les opérations plus flexibles – à l’instar du trafic routier -, et le transport ferroviaire pourrait être desservi de manière orientée vers la demande en réactivant des itinéraires fermés avec des véhicules ferroviaires plus petits et automatisés. De plus, les méthodes d’IA modernes pourraient fournir des informations plus fiables sur la disponibilité de la flotte de transport ou l’état de l’infrastructure.

>>> À lire : Le train autonome, en est-on réellement ?

L’automatisation du transport ferroviaire doit prendre en compte l’interaction des véhicules avec l’infrastructure et les systèmes de contrôle du trafic et de la sécurité. Les réglementations en vigueur, qui régissent la sécurité dans le trafic ferroviaire, par exemple, exigent toujours l’utilisation de technologies éprouvées. Les changements technologiques devraient dès lors nécessiter des ajustements de la réglementation pour les opérations ferroviaires. C’est un véritable défi quand on connait avec quel degré la sécurité des transports est aujourd’hui soumise par les organismes gouvernementaux. En particulier, la mise en réseau avec une gestion globalisée du trafic peut présenter un risque potentiel pour la sécurité : ainsi, si plusieurs trains attendent mutuellement parce qu’ils sont tributaires de l’un ou l’autre, l’attente peut déclencher des nœuds engorgés ou des surcharges temporaires.

Les méthodes d’IA modernes peuvent jouer un rôle clé en tant que composants élémentaires de l’ensemble de la chaîne de traitement d’une conduite automatisée. Elles peuvent être utilisées, par exemple, dans l’interprétation des perceptions de l’environnement, dans la localisation, dans les prévisions, dans la planification et dans la mise en œuvre de stratégie de conduite optimale, ainsi que dans d’autres domaines liés aux infrastructures tels que : la construction et la gestion d’une grande base de données ou la cartographie exacte de l’environnement du réseau ferré.

La maintenance prédictive
Les composants mécaniques, tant de l’infrastructure que du matériel roulant, souffrent d’usure et les techniques actuelles les mettent temporairement hors service à la moindre panne. La surveillance intelligente de l’exploitation, la maintenance prédictive et le dépannage intelligent et adaptatif sont capables d’augmenter la disponibilité des actifs, de mettre moins de trains dans les ateliers, ce qui est crucial pour l’orientation client.

Pour ce faire, les learning systems ont continuellement besoin de données provenant de différentes sources, à tout instant, et à partir desquelles ils peuvent prévoir des scénarios de défaillance typiques mais aussi intervenir de manière proactive dans la maintenance. Dans le secteur ferroviaire, les possibilités de surveillance intelligente sont innombrables. En particulier, une surveillance et une évaluation continues des données par capteurs et télémétrie enregistrées doivent être effectuées, par exemple en ce qui concerne les températures des rails ou d’autres composants électriques, des mesures de temps, des enregistrements d’images, etc. L’infrastructure peut être constamment surveillée par des drones, moyennant une meilleure souplesse de la réglementation très stricte de ces engins. L’objectif est d’assurer une disponibilité de près de 98% des trains et 100% de l’infrastructure.

>>> À lire : La digitalisation du rail, c’est déjà du concret chez Infrabel

L’interface homme / Machine
« Un point crucial de la mobilité intelligente en réseau est constitué par des interfaces bien conçues pour l’interaction entre l’homme et la machine (IHM). Où que ce soit dans un espace de mobilité, les personnes et les systèmes intelligents vont se rencontrer : que ce soit lors de la réservation de tickets, de covoiturage ou de vélos, en tant que conducteur de véhicules automatisés ou simplement lors de la traversée de la rue », explique Tobias Hesse, Chef du Département Développement Véhicule et Système au Centre aérospatial allemand et co-responsable du groupe de travail. L’interaction doit être conviviale, intuitive et sécurisée. « Par exemple, un véhicule hautement automatisé doit pouvoir communiquer de manière intelligible avec ses occupants ainsi qu’avec les autres conducteurs, les cyclistes ou les piétons, et cela à tout moment. Les learning systems apportent à la fois de nouveaux défis et des solutions innovantes », explique-t-il.

Les auteurs du rapport proposent une plate-forme de mobilité globale qui regroupe, orchestre et met à la disposition de groupes d’utilisateurs hétérogènes les offres de divers fournisseurs de services de mobilité, ainsi que des informations sur le trafic et l’infrastructure. « Dans la prochaine étape, le groupe de travail Plattform Lernende Systeme souhaite concevoir une plate-forme de mobilité complète. Ce devrait être le lieu de convergence des informations provenant des fournisseurs de mobilité, des participants et des infrastructures. Les différentes parties prenantes pourront utiliser les données en réseau pour élaborer des offres et des produits de mobilité durables », a annoncé Christoph Peylo. Nous attendrons cela avec impatience…

Le rapport « Vers un espace de mobilité intelligent » est disponible à ce lien, uniquement en allemand

18/08/2019 – Par Frédéric de Kemmeter – Signalisation ferroviaire et rédacteur freelance
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Mobility as a Service : la guerre des datas

Le concept de MaaS (Mobility As A Service) suppose une mise en commun des données de trafic de toutes les entreprises participant à une plateforme numérique. Or, toutes les entreprises ne comptent pas fournir ce qui est l’or noir d’aujourd’hui : les datas.

Les volumes de données disponibles sont en train de remodeler le modèle de la manière dont les entreprises commercialisent leurs produits. Avec le grand nombre de données disponibles, les entreprises peuvent désormais exploiter beaucoup d’informations et créer de nouvelles idées pour attirer les clients et leur proposer de nouveaux services. C’est exactement ce que font Amazon ou Google, qui ont tellement de données sur leurs serveurs qu’ils peuvent se rendre incontournables. La data, c’est désormais le nouvel or noir du XXIème siècle. Qui détient les datas détient le pouvoir. Et cela, certaines entreprises l’ont bien compris.

Le concept récent de MaaS – Mobility as a Service -, est un peu le contraire d’Amazon ou Google. Une plateforme numérique, créée par une entreprise extérieure, agrège, sous contrat, toutes les données trafics de plusieurs entreprises et fournit au voyageur un service unique avec un mode de paiement unique. Cela peut paraitre séduisant, mais tout n’est pas aussi clair qu’il n’y parait. Les datas, ce sont des pépites commerciales. En plus de la perte potentielle d’usager, certaines entreprises de transport public craignent qu’une application MaaS ne porte atteinte à la relation directe qu’elles entretiennent avec les navetteurs.

C’est ce qu’explique David Zipper dans un article du Citylab qui relate l’expérience d’Helsinki (1) : « l’efficacité de MaaS n’est pas claire si les entreprises de transport en commun – qui sont les piliers des réseaux de mobilité, en particulier dans les villes européennes – ne veulent pas voir ces plates-formes tierces réussir. » À Helsinki, l’opérateur de transport public HSL n’aurait pas encore ouvert sa billetterie pour permettre aux abonnés de Whim – l’application locale -, de profiter de la commodité de l’abonnement mensuel de HSL, signifiant que les utilisateurs de Whim doivent obtenir un nouveau ticket chaque fois qu’ils changent de transport.

De nombreux opérateurs de transport public exploitent un réseau en monopole depuis très longtemps, parfois plus de 50 ans, dans toutes les villes européennes. Ils entretiennent des relations étroites – et souvent ambigües – , avec le pouvoir politique local. Ces opérateurs ont souvent mis des années à promouvoir leur marque au sein des utilisateurs, qui sont tous des électeurs de pouvoir local. Ces opérateurs historiques doivent aussi justifier les subventions accordées par la ville. Le MaaS, avec l’irruption de nouveaux opérateurs alternatifs, est vécu comme un affaiblissement du pouvoir, à la fois pour l’opérateur historique, mais aussi par certains politiciens, qui perdent une partie du contrôle des déplacements de leurs électeurs. Avec les datas, il y a un grand risque de constater que certaines lignes de transport public ne se justifient pas, et qu’elles ont été exploitées que sur base de considérations politiques. Il y a un grand risque de constater que les flux de voyageurs ne correspondent pas à l’équité territoriale souhaitée par le pouvoir politique.

Vélo vs bus ? Tout dépend, mais c’est clair que les cyclistes ne prennent pas les bus…

L’autre risque, c’est de constater que les options alternatives fonctionnent mieux que la combinaison proposée par l’opérateur historique. À certaines heures de la journée, on peut ainsi proposer un trajet de A vers B en 18 minutes par vélo électrique, alors que l’opérateur historique propose 3 combinaisons de bus ou tram qui prennent 30 minutes ou davantage. Durant la belle saison d’été, nombreux seront les utilisateurs préférant le vélo plutôt que 3 bus surchauffés !

Ces risques sont bien connus des transporteurs publics, lesquels n’ont pas les moyens financiers, ni le support politique, pour s’engager dans des offres complémentaires de vélos ou de trottinettes en libre-service. Certains investissements en ligne de tram doivent conserver leur justification. D’autres politiciens utilisent au contraire le MaaS pour contourner le monopole et les manquements supposés du transporteur historique.

En France, plus qu’ailleurs, l’évolution des MaaS heurte bien évidemment une certaine conception de la République. La revue Connexions du Cre-RAPT note ainsi que  les frontières entre transport public et transport privé, entre individu et collectif ou encore entre les différents secteurs économiques de la ville (immobilier, énergie, déchets, mobilité…) sont remises en cause. Cela amène à repenser le modèle de la mobilité urbaine et le partage des rôles entre les différents acteurs de la ville.

Concernant les données, objet de toutes les convoitises, les autorités organisatrices françaises revendiquent le rôle d’agrégateur en justifiant de leur caractère d’intérêt général, tandis que les opérateurs traditionnels font valoir le droit de protection de certaines données relevant du secret industriel et commercial. Les autorités publiques balancent entre maintien de leur prérogatives et satisfaction de leurs électeurs. Elles ont peur des grandes plateformes privées, telle Waze, qui dévie le trafic par de simples algorithmes sur lesquels elles n’ont pas la main.

À Helsinki, il a fallu une loi nationale sur les transports pour obliger tous les transporteurs, y compris l’entreprise historique HSL, à fournir leurs datas aux applications MaaS. La législation finlandaise impose désormais à tout fournisseur de services de transport de rendre sa fonctionnalité de billetterie complète disponible à un tiers. HSL devra donc donner aux plateformes MaaS, telles Whim, un accès à ses forfaits mensuels d’ici la fin de 2018. Certaines personnes estiment qu’il s’agit là d’une défaite de l’État, d’autres estiment que l’on va dans la bonne direction. Le débat ne fait que commencer…

 

Références

(1) Citylab, David Zipper, 2018 :  Helsinki’s MaaS App, Whim: Is It Really Mobility’s Great Hope?

RATP – Connexions 2017 : Quel modèle économique pour le transport public demain ?

LinkedIn Pulse, Richard Rowson, 2018 : MaaS – cracks in the vision?