La semaine de Rail Europe News – Newsletter 021

Du 10 au 16 février 2021

L’actualité ferroviaire de ces 7 derniers jours.

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L’édito de la semaine

La grande vitesse, un caprice dépassé ? Allons donc ! Plusieurs éléments démontrent au contraire que la grande vitesse a toute sa place dans les déplacements à venir. Prenons l’exemple du concept de Deutschland Takt, « l’Allemagne cadencée ». Pour faire arriver des trains à des heures ou demi-heures piles, certaines sections de lignes ferroviaires devront obtenir une sérieuse augmentation des temps de parcours, au cas par cas selon le terrain. Il faudra donc parfois recourir à des constructions nouvelles comme ce devrait être le cas entre Hanovre, Bielefeld et Dortmund, de même qu’entre le sud de Francfort et Mannheim. En France, il était temps d’alimenter le sud du pays où les lignes à grande vitesse manquent cruellement. En novembre dernier, SNCF Réseau annonçait le début de la concertation publique sur la première phase du projet reliant Montpellier à Béziers. La LGV Montpellier-Perpignan représente 150 km de nouvelles voies ferroviaires  à réaliser, auxquelles s’ajoutent 30 kms de raccordement au réseau existant et la construction de deux gares supplémentaires à Narbonne Ouest et Béziers Est. 

En Grande-Bretagne, la grande vitesse est un élément national de politique économique (voir ci-dessous). La construction du premier tronçon est maintenant bien lancée et la nécessaire couverture législative pour une prolongation vers Crewe est désormais une réalité. HS2, le nom du projet britannique, pourrait avoir comme exploitant Trenitalia et un partenaire (voir à ce lien). En Espagne, à Madrid, un tunnel ferroviaire au gabarit UIC a été terminé entre les gares d’Atocha et de Chamartin. Objectif : relier deux réseaux à grande vitesse qui actuellement se tournent le dos (Atocha pour la sud du pays, Chamartin pour le nord). Renfe et Adif compte donc faire de Madrid un « passage nord-sud » plutôt que des cul-de-sac à la parisienne. Ce tunnel pourrait booster les trafics et aiguiser les appétits de futurs nouveaux opérateurs, tout bénéfice pour rentabiliser l’énorme réseau espagnol. On y retrouve d’ailleurs encore Trenitalia, qui s’est allié avec Air Nostrum pour former ILSA, un concurrent qui utilisera des rames Hitachi Frecciarossa 1000 dans le courant de 2022.

Enfin il y a Alstom qui pourrait bousculer… la Deutsche Bahn ! Une édition du journal Wirtschafts Woche contenait la semaine dernière l’interview d’un cadre allemand qui relatait des négociations avec certains opérateurs – non cités -, voulant concurrencer l’entreprise historique allemande à l’aide… du TGV-Duplex. Un séisme dans le pré-carré de Siemens, mais ce ne sont pour le moment que des intentions. L’excellente revue Railway Today Europe mentionnait cependant que le fameux projet de Deutschland Takt cité plus haut contenait des sillons… réservés à la concurrence. Il n’est donc pas impossible de voir à l’avenir des trains à grande vitesse autres que des ICE en Allemagne. Qui a dit que la grande vitesse, c’était du passé ?

Politique des transports

CO2Europe – La taxe CO2 des camions pour subventionner le chemin de fer ? L’un des fers de lance de la nouvelle stratégie de mobilité de l’Union européenne est la tarification du CO2, incluant celui émis par les transports. Une idée serait que le produit d’une redevance kilométrique pour les camions puisse être utilisé pour améliorer le transport durable, par exemple par des investissements dans les chemins de fer. C’est ce que pense Elisabeth Werner, directrice des transports terrestres de la direction européenne des transports (DG Move). « Au cours de la pandémie de Covid-19, le trafic de passagers s’est complètement arrêté, mais nous avons soudainement vu une augmentation significative du transport de marchandises par chemin de fer grâce à la capacité supplémentaire disponible. Nous savons donc que le rail peut croître considérablement, à condition que les conditions soient réunies. Nous allons nous concentrer sur cela dans les années à venir. Par exemple, l’UE donne la priorité à l’amélioration des corridors de fret ferroviaire européens via le réseau RTE-T», explique la directrice. Qui rappelle tout de même que pour un transfert modal, la qualité, la fiabilité et la ponctualité du transport ferroviaire de marchandises doivent être améliorées.
>>> Railtech.com – Elisabeth Werner (DG Move): invest revenues of truck kilometre charge in railways

HS2-UKGrande-Bretagne – Extension approuvée de la ligne à grande vitesse HS2 – La deuxième phase du projet de ligne à grande vitesse HS2 vers le nord du Royaume-Uni, a reçu l’autorisation pour la construction du tronçon « 2a » de 58 km entre Fradley, près de Lichfield et Crewe. Cette phase a reçu la précieuse « sanction royale » le 11 février 2021, concrétisant dans la loi l’engagement du gouvernement à amener ce projet au nord du pays. Cet acte législatif important permet à HS2 Ltd, la société qui gère la construction, de commencer les travaux de construction entre Crewe et Birmingham (plans détaillés, acquisition de terrains,…). Actuellement, la phase 1 est en pleine construction et les 240 chantiers procureraient désormais plus de 15.000 emplois. La construction de la section 2a débutera d’ici 2024 et devrait permettre de créer environ 5.000 emplois. L’espoir britannique dans ce projet HS2 est de remodelé le paysage socio-économique du centre de l’Angleterre, une région en déclin.
>>> Mediarail.be – Extension approuvée de la ligne à grande vitesse HS2 en Grande-Bretagne

Trafic grande ligne

Renfe-ILSAEspagne – L’opérateur ILSA veut plus de part de marché que prévu – L’opérateur Ilsa, auquel participent les actionnaires d’ Air Nostrum (55%) et de Trenitalia (45%), aspire à une part de marché de 30% dans les trois corridors qu’il a obtenu dans le cadre de la libéralisation régulée du marché ferroviaire grande ligne espagnol : Madrid-Barcelone, Madrid-Levante et Madrid-Sud. Ce tiers de volume de passagers représente une capacité supérieure à ce qui était initialement prévu après avoir remporté le package B mis en appel d’offre l’an dernier. Rappelons que l’Espagne a opté pour trois opérateurs se partageant dans un premier temps trois « packages » de trafic définis. La SNCF est actionnaire de Rielfsera et a obtenu le package C, le moins gros, mais qui sera exploité dès le mois de mai 2021 sous la marque Ouigo España. La Renfe, l’opérateur historique, a remporté le « package » A, le plus gros, soit les 2/3 du trafic. Mathématiquement, comment ILSA compte s’accaparer un tier du marché, sachant que Ouigo España est là aussi ? ILSA entend en fait modéliser une offre réussie basée sur des services à valeur ajoutée et un réseau d’alliances avec d’autres opérateurs de mobilité. «Nous ne promettons pas seulement le meilleur prix, mais la meilleure qualité au juste prix, et c’est là notre différence», explique Fabrizio Favara, le CEO d’ILSA. La vente de billets et de voyages est un élément clé des efforts de l’ILSA pour devenir une entreprise numérique. L’opérateur offrira aux passagers la possibilité d’intégrer leur voyage en train à d’autres modes de transport, tels que l’avion, le taxi et le vélo en libre-service, afin de proposer des options de premier et de dernier kilomètre. Des négociations avec des partenaires potentiels sont en cours et Favara espère que ces accords seront en place au début de l’année prochaine. Le CEO ajoute que l’expérience d’Air Nostrum sur le marché espagnol des transports s’avère essentielle pour le développement de ces relations ainsi que pour le marketing commercial et la conception du produit, qui sera officiellement annoncé d’ici la fin de l’année ou au début de 2022. Par ailleurs, le ministère des transports espagnol teste l’appétit des opérateurs potentiels pour les services subventionnés (OSP). Un pourcentage d’ouverture ou un package pertinent ? Rien n’est encore décidé. Ce sera entre 2023 et 2026. On verra alors plus clair sur les effets de la libéralisation des grandes lignes.
>>> Cinco Dias/El Pais – ILSA irá a por un 30% de cuota en la alta velocidad frente a Renfe y Ouigo

Leasing

Railpool-EuropeRailpool rachète un centre d’entretien à Hambourg – Railpool, un loueur de Munich qui possède une flotte de plus de 400 locomotives électriques, dont une bonne moitié concerne le type TRAXX Bombardier (BR186 et BR187), étend ses activités de maintenance. Elle a racheté la société d’entretien de locomotives ajax Loktechnik GmbH basée à Hambourg. Cette extension de la capacité de maintenance opérationnelle marque une nouvelle étape dans le parcours de croissance de l’entreprise. Railpool a déclaré qu’Ajax Loktechnik apporterait son expertise dans la maintenance mobile flexible, car ajax fait aussi de la maintenance hors site, et même à l’étranger. Cette acquisition offre ainsi à Railpool un deuxième atelier dans l’important hub de fret de Hambourg, le loueur ayant déjà un autre dépôt existant. Christoph Engel, qui dirige Railpool Lokservice GmbH & Co KG, reprend la direction d’ajax Loktechnik GmbH à Maja Halver et Tim Müller. Maja Halver, qui a fondé l’entreprise ajax avec son associé en 2010, restera associée à l’entreprise dans un rôle de conseil. «Nous sommes très heureux que Maja Halver continue de nous soutenir en tant que consultante. Elle a développé ajax Loktechnik et est une source importante de connaissances», explique Ingo Wurzer, directeur financier de Railpool. Torsten Lehnert, PDG de Railpool GmbH, explique aussi que «la continuité [du service] est au cœur de nos priorités en ce qui concerne notre compétence [qui consiste à offrir] un service complet, ce qui constitue un critère de valeur essentiel pour nos clients». La maintenance fait partie d’un grand nombre de contrats de leasing, ce qui permet aux opérateurs de petite taille à ne pas devoir s’en préoccuper, car c’est un secteur assez lourd au niveau capitalistique. Par ailleurs, la sophistication des engins de traction est telle q’elle requiert un personnel spécialisé, ce que n’ont pas les petits opérateurs. La neutralité d’Ajax permet une bonne relation de confiance avec tous les opérateurs, quels qu’ils soient, et on sait toute la difficulté qu’ont les nouveaux entrants en ce qui concerne les facilités essentielles, un problème que des offres comme Railpool permettent de contourner. In fine, des loueurs comme Railpool deviennent de véritables chemin de fer à part entière, bien que n’opérant pas de réseau en tant que tel. Le pool de matériel roulant est un secteur d’avenir et pourrait s’étendre vers les voitures, ce que Railpool fait déjà pour Flixtrain, avec l’usine Talbot de Aix-la-Chapelle.
>>> Railpool press room – Leading locomotive leasing company RAILPOOL takes over ajax Loktechnik GmbH

Trafic fret

VTG/REtrack-EuroDualRéception réussie des deux premières EuroDuals pour VTG/Retrack – L’année dernière, VTG Rail Logistics Deutschland avec sa filiale Retrack ont signé un contrat de location à long terme avec European Loc Pool (ELP) pour un maximum de quatre locomotives EuroDual, construites en Espagne par Stadler. Les deux premières locomotives ont été testées avec succès par ELP et Retrack au cours de la semaine 5/2021. Les essais et la réception des deux premières locomotives, baptisées Lena et Nina, ont eu lieu au dépôt de Braunschweig. La journée a commencé par la réception statique et l’inspection, suivie l’après-midi d’un essai réussi pendant lequel les locomotives ont été testées tant en mode électrique que diesel. La locomotive hybride EuroDual, d’une puissance de 2,8 MW en fonctionnement diesel et de 6 MW sous caténaire 15kV, est parfaitement adaptée à l’utilisation dans le service de trains de marchandises lourds. L’effort de traction élevé combiné à une consommation d’énergie optimisée signifie une forte augmentation des performances et de l’efficacité. Les nouvelles locomotives peuvent tirer jusqu’à 30 % de tonnage en plus que les locomotives électriques et diesel existantes. Le mode hybride permet également de réduire les émissions de CO². Pour ceux qui n’ont pas tout suivi, les wagons de VTG sont pour beaucoup utilisés par de nombreux clients en tant que trafic diffus, appelé « wagon isolé ». Une prestation dont on sait qu’elle souffre de nombreux manquements chez les opérateurs historiques, et qui n’intéresse pas vraiment les nouveaux entrants. Sur ce créneau, VTG s’était mis en tête avec d’autres partenaires en 2007 d’offrir lui-même des prestations de transports au-delà de la simple location, ce qui supposait la création d’une entreprise de traction munie d’une licence et de personnel de conduite. Après s’être appelée Bräunert, la filiale traction de VTG a été rebaptisée Retrack en 2017 et a recherché du matériel roulant plus en phase avec la notion de « derniers kilomètres ». C’est ainsi qu’arrivent les deux Eurodual de Stadler, locomotives permettant d’amener les wagons jusque dans la cour des usines, souhait des clients, sans avoir besoin de machines de manoeuvres comme jadis, ce qui est un gain de temps et d’argent. En parallèle, après un audit réussi par le TÜV Rheinland, VTG Rail Logistics est désormais également certifiée en tant qu’entreprise spécialisée dans l’élimination des déchets dangereux conformément à l’EfbV et est donc autorisée à transporter des déchets dangereux en Allemagne avec effet immédiat. Cela s’applique à toutes les classes de marchandises dangereuses, à l’exception des classes 1, 6.2 et 7 (matières explosives, infectieuses et radioactives).
>>> Bahn Manager – Erfolgreiche Abnahme von den ersten 2 EuroDual für VTG/Retrack

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Prochaine livraison : le 24 février 2021

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Extension approuvée de la ligne à grande vitesse HS2 en Grande-Bretagne

16/02/2021 – Par Frédéric de Kemmeter – Signalisation ferroviaire et rédacteur freelance
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La deuxième phase du projet de ligne à grande vitesse HS2 vers le nord du Royaume-Uni, a reçu l’autorisation pour la construction du tronçon « 2a » de 58 km entre Fradley, près de Lichfield et Crewe. Cette phase a reçu la précieuse « sanction royale » le 11 février 2021, concrétisant dans la loi l’engagement du gouvernement à amener ce projet au nord du pays. Cet acte législatif important permet à HS2 Ltd, la société qui gère la construction, de commencer les travaux de construction entre Crewe et Birmingham (plans détaillés, acquisition de terrains,…).

Comme l’indique son indice, cette phase 2a est la suite logique de la phase 1 Londres-Birmingham/Fradley, dont les travaux sont déjà en cours. Une phase « 2b », qui part plus à l’Est vers Sheffield et Leeds, devrait aussi obtenir sa « sanction royale » (carte ci-dessous).

La branche « 2a » qui vient d’avoir son approbation(photo HS2)

Dans les semaines à venir, le gouvernement britannique devrait publier son plan ferroviaire intégré, qui détaillera l’intégration de la HS2 dans les plans ferroviaires existants pour amener la grande vitesse dans les East Midlands, le Yorkshire et dans d’autres régions. Le plan décrira comment HS2 interagira avec Northern Powerhouse Rail et d’autres projets et sera crucial pour déterminer exactement comment HS2 se connecte avec le nord de l’Angleterre au travers du réseau existant, qui est une demande de nombreuses autorités locales.

Concernant la phase 1 en cours, le conseil municipal de Birmingham a approuvé les projets de HS2 Ltd de rénover l’ancienne bâtisse de la gare de Curzon Street, datant de 1841 et fermée depuis 1965, ouvrant ainsi la prochaine phase des travaux autour du site du nouveau terminus à grande vitesse dans le centre de Birmingham. La rue Curzon Street originale fera l’objet d’un vaste réaménagement urbanistique de 57 hectares. Les belges ne pourront s’empêcher de comparer cette vision urbaine britannique avec le « dossier du Midi » qui agite Bruxelles depuis près de trente années…

Les attributions de contrats et les premiers ponts apparaissent déjà dans le paysage. En octobre dernier, HS2 Ltd a attribué un contrat de 260 millions de £ (298 millions d’euros), pour la fourniture d’un système de voies sur dalles utilisant le système de construction Slab Track d’origine autrichienne. Ces dalles seront fournies par un partenariat entre PORR UK Ltd et Aggregate Industries UK. Cette attribution est l’un des premiers grands contrats attribués pour les phases 1 et 2a, couvrant l’ensemble de la voie entre Londres et Crewe, à l’exception des tunnels et des structures spécialisées. Les segments de voie de dalle seront fabriqués par le consortium PORR dans une nouvelle usine près de Shepton Mallet dans le Somerset, construite sur un site existant d’Aggregate Industries.

Il y a aussi des tunnels à creuser. Et non des moindres ! Deux tunneliers, Florence et Cecilia, sont arrivés sur site de lancement du tunnel de Chiltern, à l’ouest de Londres. Ces engins de 170m de long ont nécessité 300 expéditions séparées en deux mois, en provenance du fabricant Herrenknecht en Allemagne. On mesure l’impact du Brexit sur un tel transfert…

(photo Herrenknecht)

Soyons de bon compte, ce projet ferroviaire décrié pour son coût astronomique, est devenue « un salut économique, créant des emplois et des opportunités pour aider à compenser les pertes dévastatrices apparues avec le coronavirus. C’est un projet qui remodèle la société ». Les politiciens se joignent en cœur pour présenté HS2 de cette manière. Au dernier décompte de janvier dernier, il y aurait actuellement 240 sites en chantier sur l’ensemble du projet qui procureraient désormais plus de 15.000 emplois. La construction de la section 2a débutera d’ici 2024 et devrait permettre de créer environ 5.000 emplois. Mais c’est la rehausse de l’activité économique au-delà de la construction qui motive aussi le projet. Les britanniques ont l’obsession de renverser près de cinquante années de politique économique qui auraient, selon certains, « vidé le centre de l’Angleterre pour enrichir Londres et le sud du pays ». Jadis fierté industrielle du Royaume-Uni, le centre est aujourd’hui un bastion travailliste en déclin et est à l’origine d’un score élevé en faveur du Brexit, mais c’est un autre sujet…

16/02/2021 – Par Frédéric de Kemmeter – Signalisation ferroviaire et rédacteur freelance
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Boris Johnson donne son feu vert pour la ligne à grande vitesse britannique

Critiquée pour son coût de près de 118 milliards d’euros, la ligne à grande vitesse HS2 sera bien construite pour améliorer la desserte entre Londres et le centre de l’Angleterre.

HS2 devrait être la seconde ligne à grande vitesse du Royaume-Uni, faisant suite à la mise en service de la HS1 en 2007 (entre le tunnel sous la Manche et Londres-St Pancras). La première phase vers Birmingham a été approuvée par le Parlement en 2017, tandis que les phases finales vers Manchester, Leeds et York sont en attente d’approbation.

 

La colonne vertébrale du réseau est une ligne nouvelle dédiée à 360 km/h, ce qui est le double de la vitesse de la ligne classique existante, et qui desservira directement Londres, l’aéroport de Birmingham, Birmingham, Crewe, East Midlands, Leeds, Manchester et l’aéroport de Manchester. L’idée au nord de Londres de créer une ligne directe vers l’aéroport de Heathrow n’a finalement pas été retenue. De même, le projet de reconstruction d’une ligne existante entre la gare de St Pancras et Old Oak Common, pour connecter la HS1 en provenance de l’Europe, a lui aussi été rejeté. La HS2 arrivera donc seule à la gare d’Euston, laquelle devrait faire l’objet d’une reconstruction complète. Le trajet, qui prend actuellement une heure et demie, passera à environ 50 minutes avec des trains poussant jusqu’à 360km/h, ce qui n’est pas encore d’actualité en Europe (320km/h).

Pendant longtemps, pour les gouvernements dirigés par les travaillistes et les conservateurs, HS2 était le symbole d’une nation redynamisée, un «grand projet» pour l’ingénierie britannique. Mais la décision de construire la ligne ferroviaire à grande vitesse était devenue un dilemme pour le gouvernement britannique dans le contexte du Brexit. Le prix estimé, à l’origine de 56 milliards de livres sterling, a rebondi cette année et s’élève désormais à 106 milliards de livres sterling (125 milliards d’euros). L’argument du coût est évidemment agité par tous les opposants au projet, tout spécialement ces temps-ci avec la nouvelle mode de la décroissance et des grandes questions écologiques. Certains opposants agitent aussi l’impact de la ligne nouvelle sur l’environnement. Mais que disent-ils de la pollution routière ? Celle-ci tue près de 5.000 personnes par an au Royaume-Uni, selon une étude, ce qui n’est certainement pas le cas du train.

Il s’agit d’une opposition habituelle comme l’a connue jadis la France, l’Allemagne et maintenant, la Suède. Pourtant, les chiffres des projets mis en service depuis une dizaine d’années démontrent que la grande vitesse a toute sa pertinence dans un contexte de mobilité qu’il faut redéfinir. Le meilleur exemple est l’Italie tandis que l’Espagne très « aérée » n’est pas comparable avec la densité des villes britanniques.

Traditionnellement, le chemin de fer est impopulaire car peu de gens l’utilise, dit-on. Avec 12,4% de part de marché, les chemins de fer n’ont l’affection que d’une franche minoritaire de la population totale. Certains n’ont jamais pris le train de leur vie et effectuent tous leurs déplacements en auto. Certains dénoncent cette course éternelle à la vitesse, à la croissance, qu’ils associent au capitalisme. En fait, la vitesse n’est pas le point principal de la nouvelle ligne. L’objectif est de libérer de la capacité pour les services locaux régionaux et de banlieue entre les petites villes qui ont été si négligées. Aujourd’hui, la West Coast Main Line (WCML), malgré ses 4 voies, transporte un mélange de trains interurbains, de services locaux et de banlieue et de trains de marchandises.

La fameuse WCML (photo G Man via license wikipedia)

La mise à niveau promise de la WCML en 1994 par British Railway puis par Railtrack n’est jamais devenue réalité car les coûts furent jugés excessifs. Cela a non seulement obligé Virgin a acheté de coûteux trains pendulaires, mais l’entreprise de Richard Branson a même dû payer pour améliorer l’infrastructure qui sert à d’autres opérateurs. Virgin a probablement obtenu un retour sur investissement, mais il est indéniable que la WCML est aujourd’hui très engorgée et n’offre aucune perspective viable d’améliorations.

L’option consistant à mettre à niveau la WCML avec des trains plus longs, de nouveaux quais et une meilleure signalisation apporterait des avantages en capacité beaucoup plus limités. Le nouveau système de signalisation n’existe pas aujourd’hui et l’expérience en Europe avec ETCS niveau 2 sur les lignes existantes n’est pas encore très convaincante.

Quiconque connait ce qu’est un réseau ferroviaire existant sait qu’en dessous des rails, le sol n’est plus très bon et que l’eau coule un peu partout, ce qui corrode les éléments métalliques, comme les poteaux caténaires et les câbles électriques. Cela signifie qu’améliorer des lignes existantes coûte beaucoup d’argent, parce que dans certains cas, il faut carrément reconstruire la ligne existante. De plus, les riverains en profitent pour ajouter des murs anti-bruit, des passerelles et parfois même de carrément enterrer le train pour qu’ils ne le voient plus ! Au final, construire une nouvelle voie ferrée permet de mettre le chemin de fer aux meilleures normes techniques et écologiques en vigueur, ce qui est plus difficile avec une ligne existante. La nouvelle ligne à grande vitesse coûtera plus cher que prévu, mais les alternatives peuvent être pires.

Comme l’explique le célèbre chroniqueur Nigel Harris du magazine Rail: « Il n’y a pas une pile d’argent HS2 qui pourrait être dépensé en trams locaux ou en hôpitaux, ou quoi que ce soit d’autre. C’est un mythe (…) Concernant les coûts, l’extension de l’autoroute M74 à Glasgow coûte 185 M £ par mile alors que Crossrail à Londres coûtera au final au moins 270 M £ par mile. » Beaucoup de gens pensent que l’argent de la ligne nouvelle HS2 est une réserve, un trésor caché dans les caves du gouvernement. Il n’en est rien. Il s’agit d’emprunt à venir, et les banques ne prêtent pas de la même manière selon qu’il s’agisse de projets sociaux ou d’infrastructure.

Nouvelles gares
La nouvelle ligne peut redynamiser les villes, tout particulièrement les grandes gares et leur quartier. La gare de Curzon Street dans le centre de Birmingham sera la première nouvelle gare interurbaine construite en Grande-Bretagne depuis le 19e siècle, ce qui devrait créer un nouveau point de repère pour la ville et augmentera ses opportunités de revitalisation. Ouverte pour en principe 2026 avec 7 voies, la nouvelle gare ne sera pas seulement réservée aux voyageurs ferroviaires à grande vitesse, mais elle devrait être un nouvel espace public dans le centre-ville de Birmingham, qui en a bien besoin.

Le nouveau hub d’East Midlands, à Toton, sera l’un des endroits les plus connectés du Royaume-Uni. Selon HS2 Ltd, jusqu’à 14 trains à grande vitesse par heure s’y arrêteraient à terme. Midlands Connect prévoit de relier cette plaque tournante aux principaux centres de la région, notamment les villes de Nottingham, Derby, Leicester et l’aéroport d’East Midlands.

Il est proposé de connecter cette nouvelle gare aux réseaux autoroutiers, ferroviaires et de tramway existants. Derby et Nottingham travaillent pour obtenir un tracé permettant un temps de trajet d’à peine 10 minutes de leurs centres-villes vers ce hub HS2, et de mieux relier les deux villes.

A Londres en revanche, la société HS2 Ltd perd le management du projet de terminus très complexe de Londres Euston, qui a pris près de trois ans de retard par rapport au calendrier initial. Dans le cadre d’un changement majeur dans les plans, la ligne à grande vitesse se terminera provisoirement à Old Oak Common dans l’ouest de Londres pour les trois premières années après son ouverture, prévue en 2028, tandis que la connexion finale vers Euston ne serait prévue que vers 2031.

Nul doute que ces projets vont encore prendre du retard et suscité des passions. Mais il a souvent été démontré dans le monde que les grands projets d’infrastructure booste l’économie d’une ville ou d’un pays. Les gestes architecturaux attirent l’attention, comme la gare de Liège, en Belgique. On ne fera pas de mobilité post-carbone en pratiquant des bricolages ferroviaires. Pourquoi faudrait-il arrêter le temps aux chemins de fer, alors que d’autres transport dépensent des milliards en recherche et développement ?

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Transfert modal record entre Londres et l’Écosse

Le nombre de passagers utilisant des trains plutôt que l’avion entre Londres et l’Écosse aurait atteint un niveau record, selon Virgin Trains.

Virgin attribue cette montée en puissance aux améliorations apportées au cours de ces 20 dernières années, notamment avec ses trains pendulaires Class 390 et des trajets plus rapides à la suite des améliorations apportées par Network Rail à la West Coast Main Line. Rappelons que Virgin Train est l’exploitant de la franchise de la côte Ouest, une ligne mythique qui relie Londres à Manchester, Carlisle, Edimbourg et Glasgow. La compagnie de Richard Branson transporte au total près de 40 millions de voyageurs sur cette franchise longue plus de 660 kilomètres. Cela représente une augmentation de près de 10 millions de voyageurs, soit 33% par rapport à 2013, ce qui prouve que le système britannique n’est pas si mauvais qu’on ne le dise.

Transform Scotland, une association de défense des transports durables, a fait un rapport sur la seule liaison Écosse-Londres, donc uniquement au départ de Glasgow et Édimbourg. Environ 2,5 millions de personnes font chaque année le trajet en avion ou en train entre les deux villes. Pour l’ensemble des trajets rail et avion, 35% ont été effectués en train, soit une augmentation d’à peine 1% au cours des 12 mois précédant juillet 2019. La liaison aérienne, la deuxième liaison domestique du Royaume-Uni, enregistre une baisse.

Sur l’année jusqu’en juillet 2019, le nombre de voyageurs ferroviaires a augmenté de 57.000 tandis que les passagers aériens ont diminué de 81.000. Bien que sans lien direct, l’aéroport de Glasgow confirmait cette tendance en annonçant déjà en début d’année que son trafic avait baisser de 250.000 passagers en 2018 par rapport à 2017, passant à 9,7 millions contre 9,9 millions l’année précédente. La baisse à Glasgow a cependant été influencée par un certain nombre de facteurs, notamment par la réduction d’itinéraires de Ryanair, supprimant 20 de ses 23 liaisons. Celui d’Édimbourg a mieux résisté avec une hausse de 6,5%…

Le nombre annuel de voyageurs ferroviaires atteint ainsi 720.000 voyageurs sur le trajet de bout en bout Londres-Glasgow/Edimbourg, contre 244.000 il y a dix ans, soit presqu’un triplement. Les voyages intermédiaires entre Edimbourg/Glasgow et Birmingham ont également augmenté de près de 60.000 unités, passant de 94.544 à 152.673 voyageurs annuels.

Selon Transform Scotland, l’analyse montre que les émissions totales de carbone résultant des déplacements aériens et ferroviaires entre Édimbourg / Glasgow et Londres ont diminué de 12%, soit une économie totale de 98 000 tCO2e. Sur le trajet total entre Glasgow et Londres, 60 000 tCO2e ont été économisés. Entre le centre de l’Écosse et Londres, la part de marché du rail a considérablement augmenté entre 2005 et 2015, passant de 20% à 33% du marché ferroviaire, et cela bien avant le mouvement vert actuel et en plein boom de l’aviation low cost.

Colin Howden, directeur de Transform Scotland, a expliqué que « le niveau actuel des voyages aériens est incompatible avec l’urgence climatique. Il est donc réconfortant d’apprendre que le rail augmente sa part de marché sur les transports aériens pour les voyages entre le centre de l’Écosse et Londres. Pour des distances comparables en Europe on utilise le train plutôt que le moyen aérien. Il est donc urgent que l’Écosse prenne des mesures pour réduire le volume excessif de vols entre Édimbourg, Glasgow et Londres. Le rail produit seulement un cinquième des émissions liées au climat, lesquelles proviennent essentiellement du transport aérien. [Le rail] est définitivement l’option la plus verte pour les voyages anglo-écossais. »

Le directeur général de Virgin Trains, Phil Whittingham, a ajouté: « Le nombre de personnes qui optent pour le train plutôt que l’avion témoigne de l’investissement et de l’amélioration que Virgin Trains a réalisé dans les services anglo-écossais au cours des deux dernières décennies. Cette croissance est essentielle pour soutenir l’économie écossaise et aider à atteindre les objectifs du gouvernement en matière de décarbonisation des transports et atteindre zéro émission nette. »

Mark Smith, fondateur du site Web Seat61.com, a également commenté cette hausse des trafics : « Virgin a transformé la ligne principale de la côte ouest britannique. Ils ont doublé le service de train Londres-Glasgow, c’est à dire toutes les heures, et la vitesse de ligne est augmentée pour permettre un temps de trajet réduit à 4h29 entre les deux villes. J’ai voyagé de Glasgow à Londres plus tôt cette année avec un billet de première classe avec repas et vin compris, ainsi qu’un accès Wi-Fi gratuit pour pouvoir travailler dans le train – le magnifique paysage traversant Scottish Borders et Lake District était tout aussi distrayant. Je ne suis pas surpris que ce soit une alternative de plus en plus populaire à l’avion, et une alternative beaucoup plus verte, aussi. »

Tout ces éléments – et pas seulement « l’aviation bashing » actuel -, conforte la thèse de l’investissement et de la qualité de service. Entre 2006 et 2018, les voyages par Virgin Trains ont augmenté de 105%, contre 59% pour l’ensemble des opérateurs de trains. Virgin, malgré certaines critiques, a ainsi pu démontrer qu’on pouvait faire du train autrement, à coûts raisonnables tout en boostant les trafics. C’est tout l’enjeu de la politique en Europe, alors que la Grande-Bretagne s’apprête à tourner la page des franchises et opte pour un autre modèle plus proche de ceux pratiqués sur le Continent.

La franchise intercity West Coast sera transférée au nouveau partenaire FirstGroup/Trenitalia, dès le 8 décembre 2019. First Trenitalia assumera alors le rôle de transport de trains longue distance sur la ligne principale de la côte ouest, et promet encore davantage d’améliorations. Toute la flotte ainsi que le personnel actuel de Virgin seraient repris.

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Quand la Renfe s’active sur les marchés étrangers

La libéralisation du trafic longue distance en Espagne, et ses possibles pertes de trafics dès 2020, ont poussé la compagnie publique Renfe à rechercher des relais de croissance à l’étranger. Comme le rapporte le journal espagnol ABC, l’opérateur ferroviaire avait déjà annoncé qu’il chercherait à augmenter le volume des affaires de sa division internationale au cours des prochaines années. Le secteur ferroviaire espagnol, qui avait exporté en 2017 pour 8,200 milliards d’euros, était en attente l’année dernière d’une douzaine de marchés sur lesquels elle avait détecté des opportunités d’investissement dépassant les 2,5 milliards d’euros à réaliser au cours des dix prochaines années. En janvier dernier, l’entreprise publique avait présenté un plan stratégique visant à transformer la société en un opérateur de mobilité et de logistique intégré. « La transformation qui se produira dans l’entreprise est encore plus importante que celle qui s’est produite après l’arrivée du train à grande vitesse il y a 27 ans », avait déclaré Isaías Táboas, le CEO du groupe espagnol. L’objectif de ce plan est d’apporter l’expérience de l’opérateur sur d’autres marchés, tant dans le haut débit que dans les services publics, avec comme référence des projets déjà en cours, tels celui de l’Arabie saoudite.

Pour accélérer le processus, l’exploitant ferroviaire a mis en place une filiale internationale. « La Renfe a besoin d’adapter sa structure à différentes opportunités commerciales au-delà de nos frontières par le biais de la constitution d’une société qui, le cas échéant, attribuera les ressources nécessaires en ingénieurs, conseillers et personnel technique à chaque projet », expliquent les observateurs avisés. La société publique vise les États-Unis, le Canada, le Royaume-Uni et l’Amérique latine, où elle cherche dans un premier temps à participer aux projets en tant que consultant ou conseiller technique et à pouvoir ensuite opérer les lignes. Dans ce cas, le gestionnaire de la compagnie de chemin de fer étudie la possibilité de signer des accords de collaboration ou des alliances avec des partenaires locaux afin de faciliter leur entrée sur les différents marchés.

Outre le métier de conseil, cela passe par exemple par la mise sur pied d’une équipe de… formateurs espagnols chargés de former à la conduite des trains sur certains projets étrangers. Ce nouveau groupe de travail représente l’une des mesures prises par la société anonyme pour renforcer sa présence à l’étranger. La Renfe avait déjà utilisé cette formule pour son projet en Arabie saoudite. Si cela parait logique dans l’industrie privée multinationale, ça l’est beaucoup moins pour des entreprises publiques ferroviaires, mêmes si beaucoup détachent du personnel par-ci par-là pour accompagner des grands projets, comme le TGV marocain.

Outre Atlantique

Dans le radar de la Renfe, outre l’Arabie saoudite déjà conquise, on retrouve les États-Unis. L’année dernière, la société et le gestionnaire d’infrastructure Adif se sont vu confier le développement et l’exploitation de la ligne à grande vitesse qui reliera Dallas et Houston. Et en mai dernier, les deux entreprises publiques espagnoles ont été engagées en tant que conseiller technique et ont constitué Renfe of America, une société qui rassemblera les activités de ce vaste projet. Il s’agirait du premier projet 100% privé au monde, appartenant à la société américaine Central Texas, qui générerait des retombées économiques aux États-Unis pouvant atteindre 36 milliards de dollars au cours des 25 prochaines années.

Néanmoins, l’intérêt de la Renfe ne se limite pas aux itinéraires à grande vitesse, mais également aux itinéraires métropolitains et interurbains aux États-Unis, ainsi qu’au tracé à grande vitesse proposé en Ontario (Canada). La présence d’une société créée sur place s’explique par le fait que, selon les initiés de l’international « aux États-Unis, si vous n’êtes pas physiquement présent au sein d’une société, il est très difficile d’obtenir des projets. »

Le Mexique est un autre terrain d’attraction majeure pour la Renfe, où le nouveau président Andrés Manuel López Obrador vient de ratifier la construction du « train Maya » après la tenue d’un référendum auquel pas moins d’un million de personnes ont participé.

Plus proche de l’Espagne, on retrouve bien-sûr la France, avec déjà des demandes officielles pour opérer sur Lyon-Marseille et Lyon-Montpellier. Mais il s’agit ici de services opérationnels ferroviaires sur réseau déjà existant, celui de SNCF Réseau. Plus simple et plus rapide à mettre en œuvre…

Cap sur la Grande-Bretagne et… la Chine ?

Le projet britannique High Speed ​​Two (HS2) qui devrait relier Londres à Birmingham à partir de 2026 est un dossier clé pour l’entreprise espagnole. À l’origine, la Renfe avait refusé d’y participer, mais la conclusion d’un accord avec l’opérateur de Hong Kong MTR pour faire partie du consortium West Coast Partnership, l’a finalement convaincu. L’attribution de ce projet devait avoir lieu au début de l’été, mais la remuante actualité de la Grande-Bretagne a retardé l’annonce du vainqueur, pour un projet (encore) revu à la hausse et qui atteindrait maintenant 93,4 milliards d’euros.

Parallèlement au projet britannique, la Renfe a profité de son rapprochement avec MTR pour rencontrer des représentants du géant des chemins de fer chinois China Railway et signer un accord de principe ouvrant à la Renfe la possibilité d’entrer sur le marché chinois.

10% du chiffre d’affaires

L’opérateur ferroviaire a souligné à plusieurs reprises que l’internationalisation est, avec la numérisation et les services lowcost, l’un des axes de son plan stratégique. « Nous aurons une présence extérieure plus proactive », a déclaré Táboas en juin à ABC. En plus de participer directement à différents projets, la Renfe compte mener à bien des missions de conseil à l’étranger, fort de son succès en Arabie Saoudite.

La vérité est que ces initiatives s’inscrivent dans une stratégie d’internationalisation visant à garantir de nouvelles sources de revenus en cas de pertes éventuelles sur le marché espagnol lors de l’ouverture à la concurrence du trafic voyageur en 2020.

>>> A lire : En Espagne, la libéralisation rentre dans les détails

Les États-Unis sont l’un des pays stratégiques de cette stratégie d’internationalisation, aux côtés du Royaume-Uni, de la France et de l’Amérique latine. À côté de cela, il y a aussi le constructeur Talgo, sans rapport avec ce qui précède, mais dont l’exemple saoudien montre une certaine cohérence : cette internationalisation permet d’exporter une concept ferroviaire complet quasi 100% espagnol. La Renfe estime que la compétition pour ces contrats à l’étranger lui a permis d’acquérir une solide expérience, un beau carnet de relations et des contacts intéressants avec d’autres industriels. Tout cela est très utile pour analyser de futurs projets partout dans le monde.

L’opérateur maintient ainsi l’élan nécessaire pour se positionner sur le marché mondial, avec pour objectif que d’ici dix ans, 10% du chiffre d’affaires du groupe provienne de ses activités internationales. Un beau pari…

Le document en espagnol est à ce lien

 

 

Grande-Bretagne : certains soumissionnaires dévoilent leurs trains pour HS2

06/05/2019 – La date limite de soumission des offres pour la conception, la fabrication et la maintenance des futurs trains à grande vitesse pour la ligne à grande vitesse britannique HS2 s’est terminée hier 5 juin 2019. Le promoteur HS2 Ltd. va maintenant évaluer les cinq offres reçues et devrait annoncer le gagnant au début de 2020, avec un démarrage toujours prévu à partir de 2026.

Alstom, Bombardier Transport, Hitachi Rail Europe, Talgo et Siemens Mobility avaient été présélectionnés en novembre 2017 pour le contrat. CAF a été ajouté l’année suivante « dans l’intérêt de maintenir une concurrence vigoureuse » après que Bombardier Transport et Hitachi ont annoncé une offre conjointe alors que la fusion entre Alstom et Siemens Mobility était encore d’actualité. Il était préférable de passer de 2 à au moins 3 fournisseurs pour obtenir une vraie concurrence.

À peine la date limite passée que Bombardier / Hitachi, Alstom et Siemens dévoilaient quelques photos de leurs matériels roulants.

  • Siemens se base sur sa plateforme Velaro Novo dont les trains roulent déjà notamment pour Eurostar au Royaume-Uni, mais également dans des pays tels que l’Espagne, la Chine, la Russie et bien entendu en Allemagne.

  • Alstom a souligné son expérience dans le secteur de la grande vitesse, notamment le TGV en France, l’AGV exploité par NTV-Italo depuis 2012, l’Avelia Liberty pour Amtrak, l’Al Boraq exploité au Maroc (en réalité des TGV Duplex) et enfin les Pendolinos pour Virgin, qualifiant sa proposition de « classe mondiale, moderne et flexible».

  • Le consortium Bombardier / Hitachi dispose déjà de l’expérience des ETR 400 Frecciarossa de Trenitalia depuis 2015, tandis que Hitachi dispose d’une solide expérience au travers des Shinkansen circulant au Japon depuis plus de 50 ans.

  • CAF et Talgo n’ont pas encore commenté leurs offres, mais on peut s’attendre à Oaris pour CAF, qui ne circule encore nulle part, et le Talgo V300, qui circule en Espagne et en Arabie Saoudite.

Rien n’a encore été dit concrètement sur les usines de production, mais Bombardier et Hitachi occupent la « pole position » et disposent d’installations de production à Derby et à Newton Aycliffe. CAF et Siemens se portent bien également dans la livraison de trains au Royaume-Uni. Bien qu’Alstom n’ait construit aucun train au Royaume-Uni depuis la fermeture de l’installation de Washwood Heath près de Birmingham en 2004, le nouveau centre de maintenance et de rénovation de Wigan pourrait également être utilisé pour la fabrication.

Cependant, le projet ferroviaire HS2, fortement retardé, d’une valeur de 63 milliards d’euros, n’est toujours pas fermement établi . Le ministre des Transports, Chris Grayling, a déclaré au magazine New Civil Engineer, le 5 juin, qu’il est en cours d’examen. Le nouveau président Allan Cook , qui est devenu président de HS2 Ltd. en décembre dernier, analyse actuellement si la ligne à grande vitesse pourrait être construite dans les limites de son budget actuel.

HS2 Ltd, la société publique qui construit la ligne, souhaite contrôler le nombre de trains et de services de tunnels à une vitesse inférieure afin de réduire les coûts. Le mois dernier, un comité de la Chambre des lords a présenté un rapport suggérant carrément de mettre fin au tracé en dehors du centre de Londres pour économiser de l’argent. Tout cela dans un contexte économique morose avec en toile de fond le Brexit.

Grayling a indiqué que certaines parties du système pourraient être réduites après le fiasco de Crossrail, retardé de deux ans pour un coût de 2,8 milliards £ de plus que prévu. Les décisions doivent être prises « dans le contexte de ce qui est livrable et non de décisions irréalisables », a déclaré M. Grayling. « J’attends vraiment qu’Allan revienne me dire que nous allons faire avancer le projet de cette façon. »

Selon le Guardian, 5.000 entreprises du nord de l’Angleterre souhaitent que le gouvernement poursuive le projet HS2 et construise un nouveau lien est-ouest de Liverpool à Hull.

La secrétaire générale du Trésor, Liz Truss, a déclaré que son département examinait avec sérieux « pour la première fois » si le projet HS2 pouvait être livré dans les limites de son budget de 56 milliards de livres. Elle a déclaré au Comité des affaires économiques de la Chambre des Lords que le prochain Premier ministre devrait décider de poursuivre ou non les projets d’infrastructure prévus, y compris celui concernant HS2.

La connexion entre Londres et Birmingham doit être en principe ouverte en 2026, d’autres connexions vers Leeds et Manchester suivront sous la forme d’un « Y » jusqu’en 2033.

 

HS2 britannique : la Renfe se joint au chinois MTR pour l’appel d’offre en exploitation

D’après le site europapress.es, la Renfe s’internationaliserait en participant à l’appel d’offre pour l’exploitation future de la ligne à grande vitesse britannique HS2. Renfe participera à l’appel d’offre en tant que sous-traitant de MTR, une entreprise de transport de Hong-Kong déjà présente en Suède. L’espagnole apportera son expertise pour l’exploitation des services à grande vitesse grâce à l’expérience accumulée depuis 1992. Le consortium dirigé par MTR est complété par l’opérateur chinois Guangshen Railway Company (GSRC), qui exploite des liaisons à grande vitesse en Chine, mais qui n’est pas présent en Europe. Il s’agit bien ici d’exploiter la future HS2, et non de présenter du matériel roulant.

Cette sortie de la Renfe à l’international fait partie d’un plan stratégique qui prépare l’arrivée de la concurrence à grande vitesse en Espagne, pour 2020. La compagnie publique recherche ainsi des relais de croissance pour assurer son avenir. Il n’est pas impossible non plus qu’au travers de la Renfe, l’Espagne offre un coup de pouce au constructeur ferroviaire Talgo, candidat à l’appel d’offre « matériel roulant », bien que séparé de l’appel d’offre « exploitation ».

Rappelons que cette ligne devrait relier Londres à Birmingham dans un premier temps. Depuis sa « sanction royale » de mars 2017, autorisant la mise en œuvre du projet, les acquisitions de terrains sont en cours. Cette nouvelle ligne aurait un coût actualisé de 22 milliards de £, probablement bien plus, intégralement payé par l’État britannique. La ligne devrait en principe être ouverte à la circulation en 2026.

Comme chacun le sait, l’exploitation du rail britannique se fait à l’aide de franchises. Ce sera le cas pour la HS2, mais aucun candidat n’a été sélectionné jusqu’ici. 18 sociétés disposent de ce qu’on appelle là-bas le « PQQ Passport Franchising UK Rail », qui n’est pas destiné à concourrir uniquement pour l’exploitation de la HS2 mais pour toutes les franchises du pays.

Il est important à ce stade de bien distinguer les appels d’offre pour le matériel roulant, de ceux qui concernent l’exploitation. Le matériel roulant serait propriété de l’État tandis que son exploitation (et sa maintenance), serait confiée à un franchisé. C’est sur le second que Renfe et MTR font cause commune, en compétition face notamment à NTV-Italo, SNCF ou Trenitalia qui ont chacune une belle expérience dans la grande vitesse.

Le processus d’appel d’offres officiel devrait commencer plus tard cette année, le gagnant sera annoncé en principe pour fin 2019.

 

 

Grande-Bretagne : réduction des coûts pour la HS2, la LGV britannique

Article paru le 04/05/2016

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Selon le quotidien Birmingham Mail, un haut fonctionnaire britannique a été nommé pour examiner les possibilités de réduire les coûts estimés à 43 milliards £ de ligne ferroviaire à grande vitesse de Londres-Birmingham, appelée là-bas HS2. Car il est à craindre que la ligne pourrait coûter encore plus cher que prévu, sauf si des mesures sont prises pour mettre les dépenses sous contrôle. Le gouvernement a cependant insisté sur le fait qu’il restait attaché au principe de construction de la HS2 et a déclaré que cet examen était «une pratique courante».

Rappelons à ce stade que la Grande-Bretagne ne dispose actuellement que d’une seule ligne à grande vitesse, la HS1 qui relie Londres St Pancras au tunnel sous la Manche, à côté de Folkestone. Un axe emprunté intégralement par les Eurostar et lesJavelin depuis 2007 et doté d’une technologie de signalisation TVM « à la française ».

Birmingham

La HS2 serait donc la deuxième ligne à grande vitesse britannique, actuellement en cours de discussions, plutôt animées de côté de la Manche. La construction d’une première phase de cette HS2, reliant d’abord Londres à Birmingham, devrait commencer vers 2017. Ce projet comprend une nouvelle gare dans le centre-ville de Birmingham, à proximité de Curzon Street, et une autre à proximité de l’aéroport de Birmingham, déjà relié par rail. C’est à Birmingham que sera installé le siège national du chantier HS2, à Snow Hill, et la seconde ville du Royaume bénéficiera aussi d’un centre d’entretien à Washwood Heath occupant plus de 500 personnes. A Londres, la gare d’Euston serait complètement reconstruite, mais rien n’est encore réellement décidé à ce jour. Les « TGV » HS2 sont attendus entre Londres et Birmingham pour 2026. Ceci pour la première phase, seule concernée par l’examen du haut fonctionnaire.

Car une deuxième phase de cette HS2 (en rouge) est aussi attendue, par extensions des services au nord de Birmingham vers Crewe, prévu pour 2027. Un « Y » est ainsi au programme avec respectivement, une ligne nord-ouest, jusqu’à Manchester, et une troisième ligne au nord-est, jusqu’à Leeds (voir carte ci-dessous). Les projets vers l’Ecosse sont plus hypothétiques.

Le projet complet, tel qu’envisagé à ce jour (schéma Wikipedia)

Les arguments

Les avantages du TGV tels qu’on les a déjà entendus en France ou en Espagne sont repris ici en cœur par les promoteurs du projet. Un porte-parole du ministère des Transports déclarait ainsi: «HS2 permettra de soutenir la croissance à travers le pays en améliorant la connectivité, libérant de l’espace sur notre réseau ferroviaire existant, le projet promeut un renforcement des compétences et doit permettre de générer des milliers d’emplois. Avec un projet de cette taille, il est tout à fait naturel qu’il soit suivi de près pour assurer qu’il apporte de la valeur ajoutée pour le contribuable, et qu’il soit livré à temps et dans le budget imparti. »

Les députés aussi peuvent aussi avoir leurs arguments. Extrait : « la ligne principale de la côte Ouest est proche de la saturation et pourtant de plus en plus de gens ont besoin d’utiliser les chemins de fer. Au cours des 20 dernières années, les voyages de passagers ont doublé. La demande va continuer à augmenter. Même avec des prévisions modérées, la saturation sera au maximum au milieu des années 2020. L’ère numérique peut avoir créé de nouvelles façons d’interagir sur la distance et a rendu le monde plus petit, mais il n’a pas remplacé la nécessité de voyager, il l’alimente même ! Nous avons besoin de fournir de la capacité pour répondre à cette demande croissante. C’est ce que la HS2 va exactement faire. »

Cadences des trains envisagée !

Lord Adonis, l’ancien secrétaire d’Etat aux Transports de 2009 à 2010, qui a mis sur pied le projet HS2, a reconnu que les défis existent, mais il a mis en garde les Lords que l’alternative souvent vantée d’une amélioration de la West Coast Main Line ne répondrait pas aux demandes futures du transport ferroviaire. Il a expliqué: « La rénovation et la mise à niveau d’une ligne ferroviaire principale à maintenir en service est comme conduire une chirurgie à cœur ouvert sur un patient en mouvement. Ce n’est pas une alternative convaincante à HS2 et ce n’est pas moins cher. » Et de rajouter : « Dès le début, l’argument central de la HS2 était centré sur la capacité et la vitesse, ainsi que la connectivité avec ses avantages supplémentaires significatifs. Depuis 2010, l’impératif d’une plus grande capacité est devenu encore plus central, ce qui est la raison essentielle pour laquelle le projet HS2 a résisté à l’examen et à la controverse. Il ne pouvait en être plus vital pour notre avenir économique. »

Où en est-on dans le parcours législatif ?

Pour mettre en œuvre le projet HS2, le gouvernement a dû créer une société HS2 Ltd et présenter deux projets de loi hybrides(Hybrid Bill), une pour chaque phase du projet. Le projet de « loi hybride » pour la première phase de la HS2 entre Londres et Birmingham fût introduit à l’automne 2013. Il est passé en seconde lecture à la Chambre des Communes le 23 mars dernier seulement. Ce projet de loi est maintenant en discussion à la Chambre des Lords (équivalent du Sénat).  Dans les discussions politiques encore en cours, on remarquera la déclaration du porte-parole du Labour, Lord Rosser, précisant que son parti appuie le projet, mais seulement sur un engagement ferme à poursuivre la phase 2 au nord de Birmingham. Il a ajouté: « Nous voulons voir cette HS2 construite. Cependant, il y a aussi une responsabilité continue du gouvernement d’écouter les préoccupations des communautés touchées par l’impact de la construction et de l’exploitation de la HS2 et de veiller à ce que l’on peut raisonnablement faire pour répondre à ces préoccupations ». Une doléance à priori entendue au travers de nombreuses réunions avec les riverains.

L’actuel Secrétaire d’Etat aux Transports, Patrick McLoughlin, a déjà dit qu’il espère que le projet de loi « HS2 Phase 1 » recevra la « sanction royale » (Royal Assent) en décembre prochain, de sorte que la construction puisse démarrer dès 2017.

La nouvelle gare de Birmingham, Curzon Street

Réduction des coûts

Si HS2 fait l’objet de vastes discussions et de campagnes ciblées entre pour et contre la grande vitesse, c’est avant tout sur la crainte que le budget déjà très élevé puisse encore être dépassé. Il est vrai qu’il faut toujours se méfier des prix espérés et des réalités du terrain, les entrepreneurs n’hésitant pas à perpétuer la chasse aux suppléments, véritable culture de la construction civile car seule source de réels profits. Pourtant, les options initiales de relier la HS2 avec la HS1 au nord de Londres ont déjà été abandonnées afin d’économiser de l’argent, de même que le projet d’un raccord vers l’aéroport d’Heathrow, à l’ouest de la capitale britannique.

Une source ferroviaire détaille: « L’examen a commencé vers la mi-mars. Il y a des choses qui peuvent être coupées, comme les travaux d’ingénierie au nord de Birmingham qui deviennent redondants avec la ligne vers Crewe, qui ne serait terminée que pour 2027. Heywood est préoccupé par les prévisions budgétaires et si il peut réduire les coûts, il redonnera la confiance sur ce vaste chantier. »

Les militants opposés au projet croient que cet examen gouvernemental pourrait conduire à moins de compensations pour les entreprises et les propriétaires affectés par la construction. Le président de la virulente association Stop HS2, Joe Rukin, a déclaré « Nous avons déjà vu que les liaisons vers Heathrow et la HS1 ont été élagué dans une vaine tentative de maintenir le coût de la HS2 vers le bas, mais celui-ci se maintient dans une spirale hors de contrôle. L’idée que le gouvernement cherche à étudier ce qui est possible de faire pour stopper l’escalade des coûts est très inquiétante pour les communautés rurales, urbaines, et les écologistes. Nous craignons surtout que la réduction des coûts affectera en premier lieu les indemnisations déjà lamentables octroyées aux propriétaires des terrains traversés ». Et par-delà, une réduction aussi sur l’ampleur des murs anti-bruit, des murs verts et d’autres protections contre les nuisances de la ligne nouvelle. Mais rien n’est dit qu’il en sera ainsi.

Par ailleurs, les opposants peuvent aussi compter sur la mauvaise presse que subit le TGV en France, dopée par le récent rapport de la Cour des Comptes française qui devient un de leur argument. Mais manifestement, l’heure n’est plus à l’opposition de principe à la HS2, mais à la maîtrise de ses coûts et à son insertion dans le territoire britannique. La HS2 ne serait alors plus le serpent de mer évoqué il y a quelques temps.

Sir Jeremy Heywood devrait remettre un rapport aux ministres du gouvernement pour l’été, avec des propositions de réduction des coûts.

HS2 : le serpen de mer de l’Angleterre

Article paru le 08/10/2013

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Réduction des coûts pour la HS2, la LGV britannique – 04/05/16

Comme en Suède, la Grande-Bretagne est le seul « grand » pays avec très peu de kilométrage de lignes nouvelles à grande vitesse. Aujourd’hui la CTRL 1 abouti à Londres en provenance du continent. Mais vers le Nord, il n’y a pas de trains qui roulent à plus de 200 km/heure. Le projet HS2 (High Speed Two) tente de rattraper le retard, mais il est confronté à un débat important entre les avantages et les inconvénients. Petit état des lieux.

CTRL 1

La première vraie Ligne à Grande Vitesse (LGV) britannique a été construite en deux temps. La première section fut ouverte le 29 septembre 2003 et la deuxième, avec plus de difficultés, le 14 novembre 2007. Cette LGV est une copie du modèle français, avec la caténaire 25 kV et le système de protection des trains TVM430, jusqu’à la gare de St Pancras. L’avantage de cet emplacement, au nord de Londres, est que St Pancras est la gare de tête du chemin de fer des Midlands, tandis que sa proche voisine de King Cross est l’origine de la ECML (la East Coast Main Line), en direction de Newcastle et Edimbourg. Mais vers le Pays de Galles, Ecosse et les Midlands, il est obligatoire d’aller à la très sombre gare d’Euston, à 10 minutes à pied de St Pancras. Pas facile avec des bagages ….

Géographie

La région des Midlands se caractérise par une grande concentration de villes de 100.000 à 2 millions d’habitants et de nombreuses régions ont connu une croissance importante de l’étalement urbain. Les Midlands ressemblent ainsi à la région de la Ruhr allemande ou à la Lombardie italienne, avec une série de petites et grandes villes tous les 50 kilomètres. Quatre villes ont une réelle importance : Birmingham, Manchester, Liverpool et Leeds. Dans ce contexte, le réseau du chemin de fer est très maillé et concentre un important trafic de services locaux et de fret.

WCML

La West Coast Main Line (WCML) est une ligne principale de 640 km joignant Londres à Glasgow via les Midlands et qui se faufile à travers ce réseau de cette région. Il s’agit de la plus importante grande ligne ferroviaire du Royaume-Uni qui fut entièrement électrifiée en 25kV en 1974. Certaines sections permettent une vitesse de 200 km / h et le trafic atteint 75 millions de passagers et 43% de tout le trafic de fret ferroviaire britannique. Depuis toujours, l’objectif principal est de rejoindre Glasgow aussi vite que possible, aujourd’hui sous les cinq heures, pour rivaliser avec le secteur aérien. La première idée consista à introduire un train pendulaire, dans les années 1970, par création de l’Advenced Passengers Train (APT), qui n’a jamais reçu de soutien de l’autorité politique. Le matériel roulant inter-city sur la WCML dans les années 1970 à 1990 fut la rame de voitures Mk II tractée par la classe BR 87. Au moment de la privatisation, la franchise a été attribuée à Virgin qui a introduit le Pendolino d’Alstom class 390. Cette franchise aurait dû être renouvelée en octobre 2012, mais une grosse erreur du département des Transports (DfT) a annulé toutes les offres des soumissionnaires . Quels que soient les services de trains attribués, nous ne sommes toujours pas dans le cas d’un train à grande vitesse, bien que Virgin relie aujourd’hui Londres à Glasgow Central avec un temps de parcours de 4h30 à 5h00.

Le Pendolino class 390 d’Alstom : pas un TGV malgré ces performances (photo bob the lomond)

Arguments et contre-arguments

En Europe, la définition d’un train à grande vitesse indique un train qui monte à une vitesse supérieure à 250 km/h sans système pendulaire. C’est le cas de toutes les LGV en France, en Allemagne, en Espagne et en Italie, ainsi que dans les pays du Benelux. Au début, le projet anglais appelé HS2 a été soutenu par un large consensus politique, mais la crise financière et la croissance de partis politiques sceptiques a engendré un grand repli sur soi. L’opinion publique est aujourd’hui divisée entre le choix d’un concept national et l’amélioration de sa vie quotidienne locale. Les banlieusards ont vigoureusement réclamé des actions fortes pour améliorer le trafic régional et ne comprennent pas pourquoi le gouvernement va dépenser des dizaines de milliards de £ pour un projet qui, selon eux, ne les concerne pas directement. C’est exactement la même argumentation qui fut présentée par les opposants à la LGV française étudiée entre Marseille et Nice (LGV PACA).

Il est vrai qu’aujourd’hui l’image de marque de TGV ou l’ICE a perdu du terrain dans l’esprit de nombreuses personnes, en particulier par le fait que les trains à grande vitesse ne répondent pas à la grande variété de destinations et que pour rejoindre une ville à plus de 1000 km , les avions restent la meilleure façon de voyager, en particulier avec les services low-cost. Allemagne et France voient que leur autoroutes ne se sont pas vidées et que le train à grande vitesse a seulement mangé une partie de la croissance des transports. L’autre argumentation est que la construction de la LGV a laissé de côté les besoins en trafic régional et suburbain, sauf en Allemagne où le trafic local a été amélioré en même temps que la construction des lignes LGV.

HS2

Une première proposition appelée HS2 (High Speed 2) a été présentée en 2009 au Royaume-Uni pour rejoindre les grands centres urbains desservis directement par LGV : Londres, Birmingham, Leeds et Manchester, et par extension sur voies existantes, Liverpool et l’Ecosse. En Janvier 2009, le gouvernement travailliste a créé High Speed Two Limited (HS2 Ltd) afin d’étudier les possibilités d’une nouvelle ligne à grande vitesse britannique vers Birmingham et Manchester. La première conclusion a été présentée au gouvernement le 11 Mars 2010. Mais les élections législatives de mai 2010 ont remplacé le parti travailliste par un gouvernement conservateur dirigé par David Cameron. Celui-ci a publié une ligne au parcours légèrement révisé pour la consultation publique, basée sur une liaison en forme de Y de Londres à Birmingham avec branches vers Leeds et Manchester. La période de consultation a duré jusqu’en juillet 2011 et lorsque les résultats furent publiés, il révéla que plus de 90% des répondants à la consultation étaient contre la LGV. En janvier 2012, le secrétaire d’Etat aux Transports a annoncé malgré tout le feu vert pour HS2 qui serait construite en deux étapes, ce qui provoqua un grand mouvement de protestation et où il fallut faire face à de nombreuses objections juridiques.

Phases 1 et 2 du projet (schéma Wikipedia)

Connection à l’aéroport ?

Il était prévu à l’origine une option pour se connecter à la HS1 avec une station d’échange international à Heathrow, avec une ligne au nord de Londres reliée à la CTRL1 via un by-pass déjà construit à l’entrée de la gare de St Pancras. Cette idée a été retirée, avec les conséquences que le premier aéroport européen reste confiné dans son environnement aérien, sans connexions ferroviaires avec ses villes voisines à 200 ou 300 km. Cela va complètement à l’encontre de la mobilité globale et des nombreux exemples en dehors du Royaume-Uni, comme Francfort, Schiphol ou Paris-Charles-de-Gaulle. En Décembre 2010, le gouvernement travailliste a annoncé qu’une connexion « haut débit » serait construite entre l’aéroport d’Heathrow et Old Oak Common, où la HS2 aurait une gare d’échange avec le Heathrow Express et Crossrail, le grand projet de train de banlieue de Londres, qui reliera Heathrow et Canary Warf.

2013: Où en sommes-nous maintenant?

Pour mettre en œuvre les propositions HS2 le gouvernement doit présenter au nom de HS2 Ltd deux projets de loi hybrides, une pour chaque phase. Le projet HS2 a été lancé le 16 mai 2013, avec le lancement de consultations sur le projet de déclaration environnementale et les améliorations proposées pour le design final, comme plus de tunnels dans les zones sensibles. Le calendrier présente une introduction au parlement à la fin 2013 et devrait devenir une loi d’ici le printemps 2015. La construction de la phase 1 de HS2 devrait alors commencer après la promulgation de la première loi et devrait être achevée en 2026 ! Il s’agit d’une ligne à double voie de 225 km reliant Euston à Birmingham en 49 minutes au lieu du temps de déplacement actuel de 1h12 ou 1h24.

Les développements concernant l’implantation à Birmingham ont montré l’impossibilité d’intégrer le trafic HS2 dans la gare actuelle de New Street, et la nouvelle station sera adjacente à la station locale de Moor Street. New Street et la nouvelle gare HS2 pourraient être directement liées via un people mover avec un temps de trajet de deux minutes. Le projet de loi hybride pour la phase 2 sera préparé pour janvier 2015 et la ligne sera composée d’un V avec deux branches, l’une vers Manchester et une autre vers Leeds.

L’implantation à Birmingham (photo HS2 Ltd)

Les coûts

C’est le serpent de mer traditionnel pour ce genre de projet. Personne ne sait exactement le coût total parce cela dépend de la conception finale de la ligne : combien de ponts ou de tunnels pour rassurer les opposants et les sceptiques ? La réalité des coûts n’apparaîtra qu’au commencement de la construction, en principe en 2018 pour la phase 1. Selon le site Mail Online, le budget officiel explosa déjà de 30 milliards £ en 2010 à  42.6 milliards £ en 2012 et aujourd’hui, il a grandi à 73 milliards £.

En définitive

Nous voyons une joute traditionnelle entre les pour et les contre. Il n’y a pas de doute que cette bataille sera rehaussée par des éléments typiquement britanniques. L’expérience de CTRL1 – ou HS1 – a montré que les magnifiques jardins du Kent n’ont pas été dévastés et que le seul animal échappé du Continent est la rame Eurostar TMST classe 373 avec son design … so british ! Nous voyons aussi que la plupart des opposants contre la LGV sont les mêmes qui critiquent le … train régional. Beaucoup de gens oublient qu’il n’y a pas de croissance ferroviaire sans investissements. Mettre à niveau une ligne existante n’empêche pas la congestion où différents trains se déplacent à des vitesses différentes, et on atteint un minimum de résultats optimaux pour un maximum de coûts. Pourquoi avons-nous intégré la différenciation de vitesse sur le réseau routier, avec nos autoroutes, et non sur les chemins de fer ? Les politiques discriminatoires seraient-elles l’avenir ?