Par Frédéric de Kemmeter – Signalisation ferroviaire et rédacteur freelance – Inscrivez-vous au blog
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Origine : ‘Route roulante’ / ‘Ferroutage’ / ‘Rollende Landstraße‘
Opéré par : ÖBB – BLS – SNCF/Trenitalia (AFA) – Eurotunnel
Branche : Transport de marchandise
Segment : Intermodal
Transport international : oui
Commercialisation : trafic national et international
Premiers services : automne 1969
Type de train : rames tractées et wagons spéciaux
Gestion des gares: terminaux spéciaux
À ne pas confondre ici avec : les conteneurs, les semi-remorques et les caisses mobiles.
À l’origine
Les termes ‘d’Autoroute ferroviaire’ / ‘Route roulante’ / ‘Ferroutage’ désignent en réalité un même concept d’origine allemande appelé ‘Rollende Landstraße‘. De quoi s’agit-il ? De la possibilité de transporter un camion complet, c’est à dire comprenant le tracteur, sur un train. Les chauffeurs prennent place dans une voiture à places assises (ou couchettes) du même train. Le gabarit d’un camion complet ne permet pas la technique du wagon poche et impose alors des wagons à plancher extrêmement bas, induisant des roues de très petit diamètre que présente la photo ci-dessous :

Après des essais réussis, des camions entiers furent ainsi transportés par ‘Rollende Landstraße‘ pour la première fois en Allemagne fin des années 60 sur un train entre Cologne-Eifeltor et Ludwigsburg près de Stuttgart. Ce train était une création de Kombiverkehr, une entreprise fondée le 11 février 1969 par 56 transporteurs routiers. Il utilisait 24 wagons spéciaux à plancher surbaissé du type « Simmering-Graz-Pauker », acquis par la Deutsche Bahn, et disposant d’une hauteur de chargement de 41 cm seulement au-dessus de la face supérieure du rail (actuellement ramené à 31cm). Deux camions chacun, constitués d’un véhicule à moteur et d’une remorque, pouvaient être placés sur trois wagons. À une époque où les camions n’étaient pas ceux d’aujourd’hui.
Développements ultérieurs
La ‘Rollende Landstraße‘, en abrégé RoLa, ne nécessitait pas de grues portiques ni de terminaux particulier, si ce n’est une aire bitumée servant de parking et deux voies ferrées. Outre Kombiverkehr, le suisse Hupac s’équipa entre 1969 et 1971 de 38 wagons ultra-bas de type Saadkms pour un service suisse entre Bâle et Melide. La RoLa est essentiellement un outil destiné à traverser une géographie tourmentée, en l’occurence les Alpes. Raison pour laquelle on ne trouva des RoLa qu’au départ du sud de l’Allemagne et en Autriche à destination de l’Italie, de la Hongrie et de la Slovénie. La France, l’Espagne et le Benelux n’opteront jamais pour ces wagons dotés de très petites roues et craint pour leur tenue de voie au droit des coeurs d’aiguillages.
Les Rola d’aujourd’hui
On y pense jamais, mais le concept allemand est celui qui a été repris par Eurotunnel pour ses navettes ‘Le Shuttle‘, en plus grand gabarit. L’adoption du tunnel sous la Manche sous forme d’un circuit fermé avec navettes destinées notamment aux poids lourds permet à Eurotunnel de se doter d’une RoLa au gabarit très généreux, permettant d’embarquer les poids lourds sur des wagons non-surbaissés. Là aussi, les chauffeurs prennent place dans une voiture à places assises, le temps de la traversée. L’obligation d’entourer les wagons d’une armature pour la sécurité a engendré un gabarit hors normes. Ces wagons ne sortent jamais des terminaux de Calais ou Folkestone et sont entretenus dans deux ateliers sur place.

Les deux exemples cités ci-dessus nous montraient ce qu’on appelle du trafic intermodal accompagné, car les chauffeurs accompagnent leurs camions sur le même train. C’est clairement un marché de niche.
Vers des variantes sophistiquées
Décidée à transporter elle-aussi des camions complets avec leur chauffeur, la SNCF exige néanmoins à ce que les roues soient d’un diamètre « normal ». Cela posa un double défi technique : d’une part les roues « normales » ne permettent pas un plancher à une hauteur de chargement de 31 cm au-dessus du rail. De l’autre il fallait impérativement conserver le concept de « terminal sans grue ». C’est sur cette base que Lohr Industrie, une entreprise alsacienne, trouva le moyen de concevoir un wagon avec un plancher bas pivotant entre bogie :

Le concept de Lohr Industrie se distingue cependant largement de la ‘Rollende Landstraße‘ germanique :
- le tracteur doit être détaché de la remorque ;
- le positionnement millimétrique du wagon exige un terminal plus spécialisé comme le montre le cliché ci-dessous :

Une première navette appelée un peu pompeusement « Autoroute ferroviaire alpine » , circula dès novembre 2003 par le biais d’une société de droit privé, Autostrada ferroviaria alpina (AFA), filiale commune de la SNCF et de Trenitalia, entre Orbassano en Italie et Aiton-Bourgneuf en Savoie. Ce train, du fait de wagons spécialisés, circule sous le régime du transport exceptionnel et n’a jamais trouvé un équilibre économique.
Par la suite, Lohr Industrie s’engagea sur la construction d’une 2ème puis 3ème version de ses wagons à plancher pivotant, mais cette fois aux normes UIC valables partout en France et en Europe. Mais pour l’occasion, on abandonnait le transport des tracteurs pour ne se concentrer que sur les seules semi-remorques, qu’un engin doit pousser ou retirer à chaque fois. Cela revenait alors à du transport intermodal non-accompagné, en concurrence avec une autre technique plus traditionnelle qui utilise des portiques de chargement.

Les wagons de la Rollende Landstraße
Ils sont construits par Greenbrier, WBN ou encore Grampet Debreceni Vagongyár (Hongrie) et classés Saadkkms :
S = wagon plat à bogie de type spécial
aa = wagon à 6 essieux ou plus
d = sans étage, transport de véhicules
kk = wagon à 6 essieux ou plus avec charge < 50T
m = longueur utile de 18 à 22m
s = vitesse limite à 100km/h
Ce wagon à dix essieux permet de charger près de 48,4 T, soit un poids supérieur à la limite de 44 T actuelles des poids-lourds en Europe. Avec la tare, on obtient au total une charge de 6,94 T par essieu. Le bogie à cinq essieux est en réalité un double bogie. La suspension dépend du constructeur, l’atelier hongrois de Debrecen ou Greenbrier montant 4 ressorts à lames par bogies.


Une définition fourre-tout
Ces derniers temps, une tendance marketing consiste à définir le transport intermodal traditionnel de semi-remorques comme « autoroute ferroviaire », tout particulièrement les trains dotés de wagons Lohr Industrie. Or ces trains s’éloignent fortement du concept de ‘Rollende Landstraße‘ germanique car en France il n’y a plus de transport de chauffeurs routiers en dehors de l’AFA et d’Eurotunnel. Le transport simple de semi-remorques, tant via des wagons Lohr que Cargo Beamer, restent du transport intermodal classique qui ne se différencie que par du chargement latéral. Allemands et autrichiens désignent plus clairement leur ‘Rollende Landstraße‘ comme du transport accompagné, objet de cette fiche, le non-accompagné, trafic majoritaire, n’entrant pas dans cette catégorie.
En conclusion
La Rola germanique à petites roues continue d’être exploitée outre-Rhin. Elle est à considérer – tout comme les navettes d’Eurotunnel -, comme un outil de saut d’obstacle, pas vraiment comme une liaison transeuropéenne. Elle n’est en général pas rentable, à l’exception probable (mais non vérifiée), des navettes Eurotunnel. Au fil des années, certains services ont réapparus pour ensuite disparaître quelques années plus tard. Les Rola circulent actuellement entre Freiburg et Novara, par le BLS sous le nom de Railpin, et en Autriche entre Wörgl et Brennero ainsi que sur Trento. Et bien-sûr entre Calais et Folkestone, mais dans le cadre d’un pur circuit fermé.
Pour approfondir :
La Rola germanique
Le wagon surbaissé, avec une hauteur de chargement de 45/41 cm seulement au-dessus de la face supérieure du rail, a pu répondre à cette question de hauteur. Il fut développé en 1966-1967 pour la traversée de tunnels par l’entreprise autrichienne Simmering-Graz-Pauker (SGP), sous la responsabilité de l’ingénieur M. Pelz…
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Le concept Lohr Industrie (ex-Modalohr)
Cette route roulante à la française aurait été inventée par Robert Lohr avec un wagon dont une partie du plancher pivote à 45°. Ce pivotement imposait un terminal particulier, à l’aide d’une voie bâtie comportant une batterie de fosses disposées en épis. Le système de Lohr Industries inclut donc un ensemble indissociable de wagons ET de terminaux particuliers…..
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