23/06/2019 – Par Frédéric de Kemmeter – Signalisation ferroviaire et rédacteur freelance
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Pour avoir une idée de l’atmosphère actuelle autour de la transformation numérique, on pouvait par exemple visiter les Digital Days du gestionnaire d’Infrastructure belge Infrabel.
Une certitude : le numérique change fondamentalement la façon dont les entreprises conçoivent et fournissent leurs services et comment elles fonctionnent en interne. La nécessité de promouvoir une culture numérique est inévitable, en particulier dans les entreprises techniques, comme les gestionnaires d’infrastructure ferroviaire : elle permet aux entreprises de produire des résultats plus rapidement, mais attire également les jeunes talents et encourage l’innovation. Il existe une très forte demande dans le secteur ferroviaire pour changer de paradigme. Cependant, la transformation numérique n’a pas d’état final. C’est au contraire un cheminement sans fin pour faire du changement lui-même une compétence essentielle dans l’ensemble de l’organisation, dans le seul but d’améliorer la qualité de service, d’éviter le gaspillage et de mieux comprendre son entreprise.
Infrabel avait exposé début juin dans ses ateliers du nord de Bruxelles une série d’exemple de gestion du réseau par le biais de l’outil digital. L’environnement ferroviaire est en plein bouleversement : pour exploiter son réseau, on tente non seulement de limiter les déplacements inutiles sur le terrain, qui coûte beaucoup d’heures de travail, mais le digital permet surtout de capter des informations que l’être humain ne serait pas capable d’effectuer en temps réel et rapidement. Par exemple la température des rails sur tout le réseau, en une minute. Par exemple l’état de la végétation en un seul coup d’œil. Infrabel présentait donc, sous châpiteau, 18 stands présentant chacun une innovation numérique, comme la modélisation du « paysage ferroviaire », le Building Information Modelling (BIM) pour le développement de projets, la cartographie des images de drones pour la surveillance des infrastructures ou encore la détection Lidar pour la gestion de la végétation au ras du sol. Mais on pouvait aussi découvrir beaucoup d’autres applications.
Un exemple est le système d’avertissement automatique des trains destiné au personnel d’entretien des voies : développé par Zöllner (Allemagne), la société a mis au point le produit Autorpowa, qui est utilisé dans une zone localisée et informe les travailleurs des voies d’un train qui approche afin de quitter leur chantier en toute sécurité. Le système dispose d’un appareil qui enregistre sur site le lieu de l’intervention. Les coordonnées sont alors envoyées au dispatcher régional en cabine de signalisation qui dispose ainsi d’une information complète de la présence d’un chantier.
« Les procédures de maintenance que nous effectuons, réparation d’infrastructures et remplacement des rails, resteront en grande partie les mêmes », déclare Carel Jockheere, directeur du ‘smart railway programme’ chez Infrabel, à l’International Railway Journal. « Ce que nous pouvons faire différemment, c’est d’utiliser plus efficacement le temps disponible et de prendre des décisions plus adéquates concernant ce qui doit être remplacé à un moment précis. », explique-t-il. Les données précises de trafic s’avèrent ainsi pertinentes. En tenant compte du poids de chaque train et du nombre de passage par jour, on peut estimer avec exactitude le taux d’usure d’un aiguillage, élément essentiel pour la sécurité.
Les drones sont une autre application du digital dans l’exploitation du réseau ferré. C’est un outil très critique : d’une part il permet de visualiser de manière précise, à moins de 30m, tous les éléments de la voie ou l’état des pièces sous un pont, souvent inaccessible avec une équipe. Mais d’autre part, les drones sont sujet à de très grandes restrictions légales quant à leur utilisation, certains riverains ne voulant pas avoir leur jardin scanné… Le réseau ferré scanné par les drones permet de capter des données très précises sur l’implantation de tous les éléments de l’infrastructure : rails, aiguillages, caténaires, poteau de signalisation, caniveaux à câbles, armoires diverses. Cela permet un inventaire très complet et précis, en coordonnées géographiques Lambert, ce qui permet sur plan de mesurer des longueurs, des emplacements et de créer de nouvelles installations.
La réalité augmentée est un autre outil prometteur. Les opérations d’entrepôt comprennent principalement le tri des produits et la récupération du bon produit. Cela peut être un travail très délicat. Un immense entrepôt peut être un endroit difficile pour localiser un article particulier. L’utilisation traditionnelle du papier et du stylo est lente et sujette aux erreurs. La réalité augmentée est pratique car elle fournit une image 3D de l’entrepôt et peut montrer le produit que la personne recherche. En fin de compte, cela peut réduire la consommation de temps et éliminer toute possibilité d’erreur. Des pièces électriques, des câbles, des appareils électroniques, l’atelier central de Schaerbeek d’Infrabel gère notamment près de 16.000 références.
La collecte d’une masse de données est aussi un vrai défi. Dans le monde numérique et informatique, les informations sont générées et collectées à une vitesse qui dépasse rapidement la limite. Il faut faire le tri entre ce qui est pertinent, et parfois innover en se posant la question de savoir si des données inutilisées pourraient avoir au contraire une utilisation dans la gestion du réseau ferré. Infrabel a d’ailleurs dû acheter des serveurs supplémentaires pour emmagasiner cette masse de données qui grossit de manière exponentielle. Le tri des données a permis à l’entreprise d’ouvrir un portail open data avec des données de trafic et de géolocalisation. Ce portail est ouvert au public, pas seulement aux développeurs.
Les exemples que l’on pouvait découvrir à lors de ses Digital Days proviennent tous d’une élaboration interne, se plaisait à dire le staff présent. Il est encourageant, dans une Belgique que l’on croit souvent en retrait, de voir que la digitalisation progresse dans un secteur ferroviaire qui est souvent plus lent à la transformation numérique. Il y a encore des progrès à faire, tout particulièrement dans la gestion du trafic. Ce sera probablement pour la prochaine fois.
2019 – La page Digital Days d’Infrabel (en anglais uniquement)
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