Quel avenir pour les trains à hydrogène ?

08/02/2021 – Par Frédéric de Kemmeter – Signalisation ferroviaire et rédacteur freelance
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Depuis plusieurs années, l’hydrogène semble être devenu le carburant miracle pour contrer la pollution générée par la propulsion diesel. Si au départ on en parlait pour l’automobile, l’hydrogène est maintenant utilisée dans le secteur ferroviaire.

L’utilisation de l’hydrogène comme solution aux problèmes énergétiques et environnementaux mondiaux a été proposée par les scientifiques il y a 30 ans. La combustion de l’hydrogène ne produit que de l’eau, ce qui n’entraîne pratiquement pas de pollution.

Historiquement, les premières « piles à combustible » qui combinent l’eau et l’hydrogène pour produire de l’électricité ont été découvertes au début des années 1800. Dans la seconde moitié du XXe siècle, elles furent fortement utilisées dans les programmes d’exploration spatiale comme propulseur de fusée. Mais pourquoi cet engouement pour l’hydrogène seulement maintenant ?

Trois éléments entrent en jeu. D’une part, Ces dernières années, alors que la réalité de la crise climatique commençait enfin à toucher les décideurs politiques du monde entier, l’hydrogène renouvelable s’est imposé comme une solution énergétique à fort potentiel pour les secteurs difficiles à décarboniser, comme les transports lourds et la fabrication industrielle. Il convient d’ajouter que les progrès technologiques ont également rendu la fabrication de l’hydrogène moins coûteuse. Ensuite, il y a l’intervention des États à travers la stratégie de la Commission européenne, qui implique des fonds publics pour lancer ce nouveau secteur, et cela ne peut qu’intéresser l’industrie. Et enfin, au niveau ferroviaire, l’idée de ne plus avoir à électrifier les lignes de chemin de fer qui n’ont pas un trafic très important pourrait également séduire. La stratégie consiste à montrer que le rail peut être un élément clé pour aider les États à atteindre leurs objectifs climatiques. Et cela intéresse évidemment les responsables politiques, qui pourraient plus facilement ouvrir le robinet à subventions.

Hydrogen

La grande question était de savoir quels secteurs des transports devraient être prioritaires pour le déploiement de l’hydrogène ? L’aviation et le transport maritime ont tous deux été identifiés comme des candidats appropriés, mais l’absence quasi totale de développement ou de prototypes signifie que les progrès sont à prévoir pour le long terme. Le transport routier lourd, la sidérurgie et d’autres processus industriels offraient de meilleures possibilités pour une application à plus grande échelle. Ce qui est remarquable, c’est que le train a failli une nouvelle fois d’être oublié dans ce nouveau secteur !

Heureusement, l’hydrogène est avant tout une source d’énergie à fort potentiel pour ce que l’on appelle l’industrie lourde. Pour l’instant, cela vise plutôt les bus, les poids lourds et finalement les trains. Une application ferroviaire était donc tout à fait appropriée.

Une étude sur l’utilisation des piles à combustible et de l’hydrogène dans l’environnement ferroviaire, évaluant l’état de la technique, l’analyse de rentabilité et le potentiel du marché, a été entreprise en 2019 par Shif2Rail (et Roland Berger). « Diverses régions d’Europe ont montré de l’intérêt pour le potentiel des technologies des piles à combustible et de l’hydrogène pour les trains, en particulier là où d’autres solutions d’électrification pour atteindre les objectifs de zéro émission se sont révélées irréalisables d’un point de vue technique et aussi économique », explique Bart Biebuyck, directeur exécutif de l’entreprise commune Piles à combustible et Hydrogène (PCH JU). Carlo Borghini, directeur exécutif de l’entreprise commune S2R, détaille : « L’analyse montre que les activités de développement du marché mondial des trains à hydrogène (PCH) sont actuellement concentrées en Europe. C’est encourageant car cela place l’Europe à la pointe de la technologie des trains PCH, ce qui constitue un potentiel important pour l’industrie européenne des PCH. La transformation du système ferroviaire initiée avec la mise en place du programme Shift2Rail, axée sur la durabilité, la numérisation et l’automatisation, crée de nouvelles opportunités de marché pour la compétitivité de l’industrie ferroviaire au niveau mondial ».

Voilà pourquoi il y a tant d’effervescence autour de ce thème dans le secteur ferroviaire. Flairant le bon filon, Alstom en Allemagne fut le premier constructeur à se lancer dans cette aventure avec son autorail à hydrogène Coradia i-Lint… et les indispensables subventions du gouvernement allemand. Alstom l’a fait alors que les deux autres concurrents, Bombardier et Siemens, s’engageaient plutôt dans une course aux autorails à batteries électriques. Depuis lors, on voit des trains à hydrogène en essais dans toute l’Europe, et pas seulement chez Alstom.

Le premier train à hydrogène au monde a été lancé en Allemagne le 17 septembre 2018. Il s’agit d’un train de la famille Coradia Lint d’Alstom, appelé « Coradia i-Lint », alimenté à l’hydrogène et mis en service sur la ligne Cuxhaven-Buxtehude, en Basse-Saxe. Ces trains doivent servir un volume de trafic d’environ 2 millions de passagers par an. Cette première mondiale a fait grande impression et propulsé Alstom au-devant de la scène, grâce à son pari sur un secteur largement soutenu par les pouvoirs publics. Une phase de test de dix-huit mois pour les deux premiers trains avait été menée à bien. En septembre 2020, à Bremervoerde, les travaux ont commencé pour construire la première station-service à hydrogène au monde pour les trains de voyageurs. Ce projet de mobilité, qui a attiré l’attention du monde entier, entrait ainsi dans une seconde phase. Profitant des subsides et afin de conserver son avance sur ce marché prometteur, Alstom signait en mai 2019 une commande de 27 Coradia iLint à hydrogène en version 54m pour le Land de la Hesse (Francfort).

Tout cela dans le cadre d’une Allemagne qui veut devenir le leader mondial de la technologie de l’hydrogène et qui souhaite promouvoir la production industrielle pour y parvenir. À cette fin, le gouvernement allemand a décidé d’une «stratégie nationale de l’hydrogène» dotée d’un budget de 9 milliards d’euros, qui bien-sûr ne couvrent pas uniquement que les trains.

En Grande-Bretagne, un démonstrateur appelé « HydroFLEX » a été créé en 2019 au départ d’une automotrice classe 319, dans le cadre d’un partenariat entre la société de leasing Porterbrook et le Centre de recherche et d’éducation ferroviaire de Birmingham (BCRRE). En plus d’être équipé d’une pile à combustible à hydrogène, cette 319001 conserve ses appareillages originaux pour capter le courant soit par troisième rail 750V DC, soit par caténaires 25kV. C’est la première fois qu’un train à hydrogène issus du matériel existant circule au Royaume-Uni. L’application de la technologie de l’hydrogène sur un tel train lui permet de circuler sur des lignes électrifiées conventionnelles ainsi que de manière indépendante sur lignes non-électrifiées. Il en résulte un train très flexible qui peut circuler sur différentes parties du réseau ferroviaire britannique, ce qui est le but recherché.

Le déclencheur de ce projet a été la demande du ministre britannique des chemins de fer Jo Johnson, qui a mis au défi en 2018 le secteur ferroviaire d’élaborer des plans de décarbonisation, avec pour objectif de retirer du réseau les trains fonctionnant uniquement au diesel d’ici 2040. Sans indiquer avec quelle technologie. Il est amusant de voir que c’est une initiative d’un loueur de matériel roulant, mais évidemment avec des fonds alloués à l’Université de Birmingham, ce qui montre ici aussi l’intérêt des partenariats public-privé.

Hydrogène

D’autres pays d’Europe ont emboîté le pas pour s’inscrire dans la stratégie européenne… et obtenir des fonds. En septembre 2020, Talgo a présenté à Badajoz, en Espagne, son système de propulsion à base d’hydrogène pour les véhicules ferroviaires, comme une alternative verte pour remplacer les locomotives diesel. Le projet a été présenté dans le cadre de la première conférence sur l’hydrogène comme vecteur de développement socio-économique dans le sud-ouest ibérique (SOI H2). Il s’agira du premier prototype en Espagne. En octobre 2020, la province néerlandaise de Groningen a annoncé son intention de remplacer les autorails diesels actuellement exploités par Arriva Nederland par des trains à hydrogène.Ici aussi, les financements publics sont prépondérants et la province est maintenant impliquée dans le développement d’une nouvelle grande usine d’hydrogène à Eemshaven et a donc intérêt à promouvoir ce « nouveau pétrole » pour les trains et les bus.

Le 26 novembre 2020, l’opérateur italien FNM et Alstom ont signé un contrat de 160 millions d’euros pour la fourniture de 6 rames à hydrogène qui devront être exploitées sur la ligne Brescia-Iseo-Edolo. Les nouveaux trains devraient être livrés d’ici 2023 et remplaceront les vieillissants autorails diesel Fiat ALn 668. Les trains Coradia Stream pour FNM sont fabriqués par Alstom en Italie. Le développement du projet, l’essentiel de la fabrication et de la certification sont réalisés sur le site d’Alstom à Savigliano. Les systèmes de signalisation embarqués seront fournis par le site de Bologne.

Hydrogen(photo Brinmingham University)

Ce grand engouement pour l’hydrogène suscite cependant certaines questions liées à la production, émet des doutes quant à la capacité de remplacer les coûteuses l’électrification de lignes ferroviaires et ne plaît évidemment pas au radicalisme vert.

On devait se douter que l’arrivée de ce nouveau carburant serait perçue comme une concurrence par le secteur électrique, qui lui-même mène un lobbying intense auprès des élus en tant que solution aux défis climatiques. En dépit de ses nombreuses déclarations « vertes », le secteur pétrolier n’est lui non plus pas enthousiaste et on voit arriver maintenant sur la place publique tout une série d’opinions tentant de contrer les vertus de l’hydrogène.

La production d’hydrogène peut se faire de plusieurs manières, dont certaines entraînent d’importantes émissions de gaz à effet de serre, ce qui a rapidement suscité des critiques. Le facteur clé de la production d’hydrogène est l’économie de l’hydrogène. Les technologies de production d’hydrogène sont disponibles dans le commerce, tandis que certaines de ces technologies sont encore en cours de développement. La production d’hydrogène est souvent associée à différentes couleurs comme le gris, le bleu ou le vert. Ces différentes couleurs représentent des distinctions dans les profils d’émissions pour les différentes voies de production d’hydrogène.

  • Hydrogène gris – Utilisation de combustibles fossiles pour la production d’hydrogène. Le reformage du gaz naturel est le procédé le plus utilisé pour la production d’hydrogène, mais il produit une quantité considérable de CO2. Différentes industries dépendent de ce procédé pour la production d’hydrogène à un coût raisonnable.
  • Hydrogène bleu – Hydrogène produit à partir de combustibles fossiles et utilisation de la technologie de capture du carbone pour réduire les émissions de CO2
  • Hydrogène vert – Hydrogène produit par électrolyse qui utilise l’électricité produite par les énergies renouvelables et d’autres technologies. Plusieurs usines de plus de 100MW ont été annoncées pour la production d’hydrogène vert par électrolyse. Les technologies d’électrolyseurs alcalins et PEM sont des technologies largement utilisées. Des développements sont également en cours dans le domaine des procédés d’électrolyse à haute température.

Le plus grand défi de l’hydrogène vert est qu’il nécessite de grandes quantités d’énergie renouvelable. L’AIE estime que pour répondre à la demande actuelle d’hydrogène par l’électrolyse, il faudrait 3.600 TWh par an, soit plus que la production annuelle totale d’électricité de l’UE. L’une des grandes questions est de savoir si l’on peut produire suffisamment d’hydrogène vert assez rapidement pour faire la différence dans la lutte contre le changement climatique. L’économie de l’hydrogène vert a besoin d’un soutien adapté. « La politique de l’UE tente de reproduire la réussite des énergies renouvelables », explique Emmanouil Kakaras, responsable des nouvelles entreprises chez Mitsubishi Power Europe, dans le magazine « Nature ». Peu de gens croient que les voitures particulières fonctionneront à l’hydrogène à l’avenir. On s’attend à ce qu’elles deviennent électriques. Ce sont plutôt les camions (et les trains ?) qui sont actuellement visés. La question de la production est un sujet crucial qui reste en dehors de l’industrie ferroviaire. En Basse-Saxe, Alstom a pu compter sur l’investissement de plusieurs millions d’euros de fonds publics dans une centrale de production, sans quoi le Coradia i-Lint n’aurait été qu’un simple power point…

HydrogenInstallation de la caténaire du côté de Cholsey (photo Bill Nicholls via license geograph.org.uk)

Se passer d’électrification est un autre sujet de discorde. Il divise la communauté des cheminots, tout particulièrement ceux qui font toute leur carrière dans « les caténaires » et les sous-stations. Chacun argumente bien évidemment pour sa chapelle… et son job ! Eviter de gâcher le paysage avec des poteaux caténaires tous les 60m est évidemment un rêve, mais il est beaucoup trop tôt aujourd’hui d’avoir le recul nécessaire, alors que les expériences de Basse-Saxe n’ont pas encore deux ans. Opérer un bilan comparatif entre la caténaire et l’hydrogène n’est pas à l’ordre de jour. La caténaire a fait ses preuves jusqu’à 350km/h mais elle peut parfois être fragile et sensible à la météo. Elle a comme désavantage de produire une tonne de procédures et d’appareillages de sécurité liés aux risques de foudre, de retour de courant et de maintenance, que l’on ne retrouve pas sur les lignes non-électrifiées.

Hydrogen

Le poids des appareillages à installer sur les autorails pose aussi de légitimes questions. Assez lourds, ces autorails, pour le moment, ne sont pas appelés à gravir de fortes rampes dans le centre de l’Allemagne ou en Auvergne. Les rapports puissance / poids respectifs de ces trains sont de 5,7 et 10,5 kW par tonne. Cela peut poser la question de l’usure des rails et des essieux, autrement dit des coûts d’entretien supplémentaires si on doit rentrer l’autorail en atelier plus de fois qu’un autorail « normal ». De fins observateurs font remarquer que les premiers trains à hydrogènes circulent tous dans des « régions plates ». En effet, la Basse-Saxe et les Pays-Bas sont voisins et ont bien des points en commun…

Nous nous attarderons moins sur le dernier point : les opposants idéologiques à l’hydrogène. En effet, pour eux, ce nouveau carburant serait uniquement promu pour poursuivre des objectifs industriels et financiers, incompatibles avec leur idéologie anticapitaliste. Si nous soulignons cela dans cet article, c’est parce qu’il faut bien lire certaines opinions et distinguer ce qui se cache là-derrière. Dans certains cercles radicaux, la cause climatique ne serait qu’un paravent pour promouvoir d’autres causes moins avouables, qui remettent totalement en cause notre société… et donc le chemin de fer. Prudence, donc !

La bataille entre les batteries électriques et la propulsion à l’hydrogène fait rage. Les aspects renouvelables de la production d’hydrogène rendent ce carburant attrayant par rapport aux réserves limitées d’éléments de batteries pour véhicules électriques tels que le lithium, le cobalt et le nickel, que l’on ne trouve que dans les pays pauvres et ce qui suscite d’autres oppositions politiques. Le recyclage des batteries, suite à leur deuxième vie, semble également limité. Le plus grand fabricant de véhicules électriques au monde, la société chinoise BYD, fait état d’un taux de récupération de 40 à 60 % pour le seul cobalt, le reste se traduisant par des boues hautement toxiques. L’hydrogène aura-t-il le même succès que les énergies renouvelables lancées il y a vingt ans ? L’hydrogène offre un grand potentiel pour les itinéraires moins fréquentés, mais l’électrification est potentiellement la meilleure option pour les lignes de chemin de fer à utilisation intensive et offre de nombreux autres avantages. Attendons de voir…

Hydrogène(photo Mediarail.be)

08/02/2021 – Par Frédéric de Kemmeter – Signalisation ferroviaire et rédacteur freelance
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Grande-Bretagne : Network Rail change radicalement de structure

Le 12 février dernier, Network Rail annonçait des changements radicaux dans son organisation à la suite des 100 premiers jours de mandat de son nouveau directeur général, Andrew Haines. Il s’agit d’une restructuration visant à « donner la priorité aux passagers et aux utilisateurs de fret » et à résoudre les problèmes de mauvaises performances d’exploitation sur un réseau de plus en plus occupé. Il s’agit ici de ne pas confondre avec le système de franchises, qui lui aussi fait l’objet d’une reconfiguration.

Pour  rappel, en 2011, Network Rail avait entamé un processus de réorganisation de sa structure opérationnelle en neuf entités régionales semi-autonomes, chacune dotée de son propre directeur général. Les deux premières unités créées furent l’Ecosse et le Wessex. Mais cette organisation faisait déjà l’objet de critiques. Network Rail est financé en partie par des subsides gouvernementaux (3,8 milliards £ en 2015/16) et en partie par des péages acquittés par les opérateurs ferroviaires. Une révision du fonctionnement de l’entreprise était en cours,  sans créer les traditionnels mouvements sociaux chers au Continent….

La reclassification de Network Rail en tant qu’organisme du secteur public a limité son accès au crédit commercial, avec en parallèle une restructuration en huit «routes» géographiques aux responsabilités dévolues. En octobre dernier, l’ORR, le régulateur national indépendant, avait approuvé un plan de dépenses de 34,7 milliards £ à Network Rail, dans le cadre du CP6, pour le prochain cycle de financement quinquennal.

Grâce au CP6, Network Rail deviendrait beaucoup plus local, chaque itinéraire disposant de son propre budget, de ses plans de livraison et de son suivi des performances. En outre, l’ORR a renforcé la capacité des itinéraires d’acheter des biens et des services localement plutôt que centralement, lorsque cela offre un meilleur rapport qualité-prix.

Un fonds de recherche et développement de 245 millions de livres sera disponible pour aider au développement des technologies permettant d’améliorer les performances ou l’efficacité, sous réserve de la conclusion d’accords de gouvernance supplémentaires. L’ORR a confirmé son intention de simplifier les redevances et les incitations du secteur, notamment en supprimant les mécanismes « obsolètes » et en plafonnant les redevances imposées aux opérateurs de fret.

Le nouveau Network Rail

Andrew Haines avait déjà averti que l’exploitation ferroviaire était trop éloignée du programme de Network Rail, et que ces nouveaux plans impliquaient une réorganisation visant à donner la priorité aux passagers et aux utilisateurs de fret : « La nécessité d’un changement radical est claire. Les performances ne sont pas suffisantes et mes discussions approfondies avec les partenaires, les associations de voyageurs et les responsables politiques du pays m’ont clairement montré ce que nous faisions bien et les domaines pour lesquels nous devons nous améliorer. La décentralisation doit aller beaucoup plus loin pour nous permettre de nous rapprocher davantage de nos partenaires et de nos clients et être au bon endroit pour placer les passagers au coeur de notre métier et offrir des services aux entreprises », a conclu Andrew Haines. Le type de discours qu’on entend pour ainsi dire jamais sur le Continent…

La solution requise est d’encourager la décentralisation et de réduire les frais généraux. L’augmentation du nombre de liaisons, qui passe de huit à treize, vise à les aligner davantage sur les concessions des opérateurs de train, à améliorer la synergie entre l’infrastructure et les trains et à inverser les mauvaises performances.

Les itinéraires relèveront de cinq nouvelles «régions», chacune dirigée par un directeur général. Ces régions assumeront une série de responsabilités du siège social londonien. L’idée est de faire de Network Rail un « pied de poule » et d’en finir avec le centralisme londonien et la bureaucratie qui prédominait jusqu’ici. De nombreuses compétences et responsabilités seront absorbées par les cinq nouvelles régions, qui auront une taille et une échelle suffisantes pour fournir le soutient nécessaire aux clients de l’entreprise d’infrastructure ferroviaire.

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Les cinq nouveaux directeurs généraux régionaux seront donc responsables des 13 nouveaux itinéraires. Cela devrait permettre à Network Rail de réduire son centre national et d’être mieux aligné sur les besoins des opérateurs de transport de voyageurs, permettant ainsi d’exploiter un chemin de fer plus cohérent et de fournir un service de meilleure qualité et plus ponctuel aux clients.

Les activités de projets d’infrastructure à l’échelle nationale du réseau Network Rail ainsi que les éléments de ces activités, comme l’exploitation du système, la sécurité technique, l’ingénierie et le chemins de fer numérique du groupe seront transférés aux régions et aux itinéraires d’ici la fin de 2020.

Il y aura une nouvelle direction des services de réseau, – le Network Services Directorate -, qui intégrera des opérateurs de fret et des opérateurs nationaux de transport de passagers, ainsi que des unités ‘numériques‘ du groupe et de certains services nationaux. Certains départements ne devraient pas être fortement affectés, notamment les finances, les ressources humaines, les communications, les domaines juridique et le patrimoine, sauf qu’ils devront se réaligner pour travailler avec la nouvelle organisation par itinéraires et régions.

Les noms des personnes qui assumeront les nouveaux rôles n’ont pas été dévoilés. Les postes seront annoncés au cours des prochaines semaines. La première phase, la formation des nouvelles régions, devrait avoir lieu en juin 2019 après une période de consultation. L’objectif est de mener à bien l’ensemble du programme d’ici à la fin de 2020.

En arrière plan…

Cette réorganisation arrive à un moment charnière où une certaine Angleterre s’interroge sur son chemin de fer. La gauche revient souvent avec son désir de renationalisation. Or, comme le souligne le quodidien The Independant, la quête sans fin d’un chemin de fer moderne et efficace est déjà poursuivie avec le soutien des finances publiques de l’État. La nationalisation aura peu d’impact car l’État est déjà très engagé, tant via ses subsides pour le réseau de Network Rail qu’au travers des primes de lancement des franchises. Il ne faut pas perdre de vue le risque important que doivent subir les opérateurs quand Network Rail reporte ou annule un certain nombre de travaux pour causes budgétaires. Les opérateurs subissent alors des baisses de vitesse en ligne, des gares non rénovées et leur plan d’expansion sont entravés par les carences… de l’État lui-même. On peut fortement douter qu’une nationalisation, – renforcée par une bureaucratie centralisée contre laquelle on lutte -, serait la solution pour un chemin de fer optimal…