La semaine de Rail Europe News – Newsletter 055

Du 08 au 14 décembre 2021

Par Frédéric de Kemmeter – Signalisation ferroviaire et rédacteur freelance – Inscrivez-vous au blog
15/12/2021

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Politique des transports
Europe/Monde : voyagerons-nous autant à l’avenir et avec quelle intensité ? – 09/12/2021 – L’impact sur le transport est évidemment énorme. Sur quoi encore investir en cas de baisse ? Moins d’avions et plus de trains ? C’est la question que se pose le cabinet Roland Berger qui prévoit par exemple une baisse de 12 % des déplacements professionnels en Europe par rapport à l’ère pré-Covid. La crise du Covid a mis un coup d’arrêt à l’augmentation de la demande, avec une baisse mondiale de 66 % des voyages aériens en 2020 par rapport à 2019, de 31 % des voyages routiers et de 29 % des voyages ferroviaires. D’après le bureau de conseil, si une reprise est en cours en 2021, la demande, tous modes confondus, est encore loin des niveaux de 2019. Les graphiques montrent un rattrapage seulement en 2026 pour autant que l’on enregistre une reprise continue de la fréquentation des transports. Concernant l’aviation, la pression exercée par les gouvernements, les clients, les investisseurs et les employés oblige les entreprises à assainir leurs pratiques, en particulier celles du secteur des voyages. Au profit du rail ? Peut-être via des réglementations en matière de durabilité, telles que l’interdiction des vols intérieurs court-courriers, ainsi que des préoccupations croissantes des consommateurs en matière d’environnement. Toutefois, Roland Berger met en garde : la forte baisse de la demande de transport aérien due à la tendance au développement durable (-9 %) pourrait être atténuée à moyen et long terme par le développement de technologies aériennes plus écologiques.
(Source: Railtech.com ainsi que le lien vers un document de synthèse de Roland Berger)

Grande-Bretagne : on voulait des investissements, on aura une cure d’amigrissement – Gueule de bois pour le chemin de fer britannique pluriel. L’ensemble des opérateurs ferroviaires ont été invités à trouver des moyens de réduire des centaines de millions d’euros de coûts d’exploitation du chemin de fer l’année prochaine, ce qui entraînerait probablement moins de services. C’est ce que rapporte le Guardian qui ne fait que confirmer ce que l’on voyait poindre en septembre. Le ministère des Transports cherche à réduire ses dépenses de 10 % après le budget d’automne du chancelier Rishi Sunak. La fin des franchises devait signifier le renouveau du rail via le fameux plan « Williams-Shapps ». Un plan qui fixait lui-même un objectif d’économie de 1,77 milliard d’euros au cours des cinq prochaines années. Mais le gouvernement britannique veut des économies tout de suite. Une immédiateté qui agace les opérateurs, non-préparés à une échéance aussi courte. Les opérateurs sont sous contrat direct avec le gouvernement depuis l’abolition de la franchise au début de la pandémie en mars 2020. Dans le cadre des contrats de reprise d’urgence, ils reçoivent une redevance fixe pour fournir des services avec les risques de revenus et de coûts pris par le gouvernement. Selon le Trésor britannique, les dépenses ferroviaires auraient considérablement augmenté pendant la pandémie. Un serrage de vis qui arrive au plus mauvais moment, alors qu’on se désespère d’obtenir ne fusse qu’un semblant de transfert modal qui n’arrive déjà pas, suite à la désaffection des usagers…
(Source: The Guardian)

Suède : réduction des péages ferroviaires – La Commission européenne a autorisé, en vertu des règles de l’UE en matière d’aides d’État, un régime suédois de 130 millions d’euros (1,37 milliards de couronnes suédoises) pour soutenir les secteurs ferroviaires de passagers et de fret pendant l’épidémie de coronavirus. Cela prendra la forme d’une réduction des redevances d’accès aux infrastructures pour la période du 1er mars 2020 au 30 septembre 2021. Ceci est conçu pour empêcher le rail de perdre des parts de marché au profit de modes concurrents et pour encourager le transfert modal de la route vers le rail. La Commission a estimé que le programme était bénéfique pour l’environnement et pour la réduction de la congestion routière, et proportionné et nécessaire pour soutenir le transfert modal tout en n’entraînant pas de distorsions de concurrence indues.
(Source: https://www.jarnvagsnyheter.se/)

Trafic grande ligne
Europe : l’Intercity classique, un train qu’il ne faut pas oublier – Quelle place pour le train Intercity, l’express de jadis, devant ce monde de TGV ? C’est ce qu’explore cet article qui s’interroge. Certains pays ont tout misé sur la grande vitesse dans l’unique but de concurrencer l’aviation domestique. Mais certains opérateurs publics ont pris soin de faire côtoyer le trafic à vitesse classique avec la grande vitesse, sous un même toit marketing. Chaque pays obeit cependant à ses flux et au maillage géographique de ses villes. Cela influe largement sur la politique grande ligne.
(Source: Mediarail.be)

Pays-Bas/Allemagne : la diminution du temps de trajet Amsterdam-Berlin attendra – 08/12/2021 – Il ne sera pas possible d’accélérer la liaison Amsterdam-Berlin d’une demi-heure à partir de 2024. On pensait réduire le temps de trajet de 6 heures et 22 minutes à 5 heures et 50 minutes d’ici 2024. Mais ce grand rêve n’aurait lieu qu’en 2026 au plus tôt et 2030 au plus tard. Le retard est le résultat d’un délai révisé pour les modifications de l’infrastructure. Cela contredit ce qui avait été annoncé par le précédent gouvernement néerlandais. Des études exploratoires entreprises par le gestionnaire d’infrastructure ProRail ne laissent planer aucun doute. L’accélération ne peut être obtenue que par une combinaison de mesures d’infrastructure, d’ajustements des horaires et d’achat de nouveau matériel roulant pour se connecter au nouveau sillon ferroviaire plus rapide en Allemagne. Aux Pays-Bas, la gare d’Oldenzaal aurait ainsi besoin d’un quai supplémentaire et la gare de Deventer devrait être adaptée. Des mesures sont également nécessaires pour augmenter la vitesse entre Hengelo et la frontière allemande de 125 à 140 kilomètres par heure. Chacun de ces ajustements nécessite une procédure de planification. Cela signifie que le délai d’exécution précédemment estimé à quatre ou cinq ans a été rehausser et passe de cinq à neuf ans. Le ministère a demandé à ProRail de développer davantage la planification. En outre, NS et ProRail ont commencé à étudier si et comment l’accélération peut encore être réalisée – partiellement ou non – au moyen d’une solution temporaire et/ou progressive.
(Source: Railtech.com)

Autriche : le privé WESTbahn a déjà 10 ans – Il y a dix ans, le 11 décembre 2011, les voyageurs pouvaient emprunter un autre train que ceux de l’opérateur public ÖBB entre Vienne et Salzbourg. Une révolution. 172 ans après la naissance du chemin de fer en Autriche, la compagnie WESTbahn lançait ses propres rames au départ de Vienne-Ouest. Les automotrices Stadler Kiss de l’opérateur ont depuis parcouru près de 40 millions de kilomètres depuis le premier jour d’exploitation, au bénéfice de près de 45 millions de passagers. Mais le chemin fut difficile. En juillet 2019, l’entreprise faisait état de pertes de 83 millions d’euros. Point noir : les conditions du leasing de ses automotrices KISS qui semblent avoir été assez onéreuses. Le contrat avait en effet été conclut après la crise financière de 2008 par des banques suisses à des conditions désavantageuses. Pour casser ce mauvais contrat, WESTbahn revendit ses 17 rames KISS à la Deutsche Bahn…. pour en racheter 15 nouvelles, mais avec des taux d’intérêt tout autre. Et au passage faire pression sur Stadler pour avoir d’autres prix. Pour son 10e anniversaire, WESTbahn a donc prévu de doubler son offre à partir du 12 décembre 2021 pour tous ceux qui voyagent beaucoup en train. Les conditions-cadres sont encore difficiles avec la baisse de la demande, la pandémie et les conditions strictes de circulation dans le pays, qui ne permettent qu’une expansion réduite du marché pour le moment.
(Source: diverses)

Italie/France : Trenitalia prévoit de mettre son Milan-Paris en service le 18 décembre – 10/12/2021 – Alors que les rames Frecciariossa effectuent des marches à blanc depuis septembre, on attendait la véritable date de lancement du service Milan-Lyon-Paris. D’après l’AFP, l’opérateur public italien débuterait l’exploitation de son Frecciarossa le 18 décembre. L’entreprise deviendrait ainsi le premier opérateur étranger à défier la SNCF sur le marché convoité de la grande vitesse en France depuis l’ouverture de ce secteur en décembre 2020. Tout cela en attendant l’autre grand lancement, celui de l’Espagne prévu en 2022. Concernant cette première liaison Milan-Turin-Lyon-Paris, Trenitalia va dans un premier temps assurer deux allers-retours par jour. Un service qui passerait à trois allers-retours courant 2022. L’enjeu de cette liaison n’est pas tant Paris-Milan mais plutôt Paris-Lyon, puisque la compagnie italienne peut faire du trafic intérieur. Certes elle ne sera pas un compétiteur de poids face à une SNCF qui assure tout de même 24 allers-retours quotidiens sur Paris-Lyon. Mais les italiens pourraient démontrer leur savoir-faire pour la classe affaire, « où ils sont plus fort que nous », a chuchoté un cadre SNCF. La grande maison a d’ailleurs récemment rehaussé sa propre classe affaire sur les TGV inOui, ce qui démontre pourquoi une certaine dose de concurrence peut être bénéfique pour le service à la clientèle. « Un mythe du +Made in Italy+ est sur le point de débarquer en France, nous travaillons pour que ce qui semblait être un rêve devienne réalité. Le parcours en Italie se fera à grande vitesse, puis nous nous connecterons à la ligne TGV française », avait déclaré jeudi dernier le PDG de Trenitalia Luigi Corradi. Pour parcourir les près de 900 kilomètres entre Paris et Milan, Trenitalia parle d’un trajet de 6 heures, contre 7 heures actuellement avec le TGV français. Si une partie du gain de temps sera réalisée entre Turin et Milan où le Frecciarossa est autorisé à voyager à grande vitesse, pour le reste, l’économie est encore à évaluer. De son côté, SNCF Voyages Italia, qui vient de fêter ses 10 ans de TGV sur la ligne Paris-Milan, projette de développer ses services sur d’autres lignes en Italie.
(Source: diverses)

Suède : hausses des trafics chez Snälltåget – Plutôt content. L’opérateur privé Snälltåget, qui appartient à Transdev Suède, fait état de bons chiffres de fréquentation. L’entreprise exploite à la base 3 allers-retours entre Malmö et Stockholm ainsi que des trains de nuit saisonniers. « C’est de mieux en mieux », déclare Marco Andersson, directeur des ventes chez Snälltåget. « La reprise des voyages privés est allée très vite. Il y a une très forte demande de voyage sur le Södrastambanan, il y a eu de très nombreux voyageurs dans nos trains de nuit vers Berlin et nous voyons maintenant un grand intérêt pour les trains de nuit vers les montagnes suédoises l’hiver prochain. » Selon la direction, les trains Snälltåget se remplissent mieux en milieu de semaine et les trains de nuit à destination de Berlin sont parfois presque complets. Comme tout le monde, Snälltåget a été durement touché par les restrictions de voyage pendant la pandémie du Covid19. L’entreprise a été contrainte de réduire l’offre au minimum et de licencier une partie du personnel. Mais depuis l’été dernier, les déplacements ont augmenté et durant cet automne, le nombre de voyageurs a même été supérieur à l’automne 2019, dernière année « normale », signe d’une reprise importante. » C’est surtout les voyages entre Stockholm et Berlin qui se sont extrêmement bien déroulés avec l’ensemble des voitures entièrement réservées à destination de Berlin au début des vacances et toutes les voitures de Berlin entièrement réservées à la fin des vacances. », explique Marco Andersson. Transdev, propriétaire de Merresor, qui dirige Snälltåget, a décidé de céder la part de la société en charge de Snälltåget. La vente, qui devrait avoir lieu ce printemps, n’affectera pas le trafic de Snälltåget au cours de l’hiver et du printemps à venir.
(Source: jarnvagar.nu)

Trafic régional
Suisse : le Südostbahn veut étendre son marché sur le terrain des CFF – 08/12/2021 – On ne le sait pas toujours, mais en Suisse, le réseau est mis en concession. Si les CFF ont obtenu la toute grande majorité des prestations Intercity, une petite poignée a été versée vers un autre opérateur. C’est le cas du Südostbahn (SOB), qui exploite depuis 2020 la ligne de crête du Gothard entre Locarno et Bâle ainsi que Zurich. Cette attribution avait créé une polémique importante en 2017 en Suisse. L’affaire fut conclue à l’amiable et stipulait que le SOB reprendrait l’exploitation des lignes Berne – Burgdorf – Zurich – Coire et Zurich / Bâle – Locarno pour le compte des CFF. La concession de la ligne et les revenus restaient aux chemins de fer fédéraux, qui supportent également le risque de déficit. Le SOB recevait en échange une redevance forfaitaire pour ses services. Si le revenu dépasse un seuil convenu, le SOB participait aux bénéfices. Mais désormais le SOB veut s’affirmer comme une entreprise nationale de transport longue distance, comme les CFF. Pour cela, son patron à quelques idées…
(Source: Railtech.be)

Trafic fret
Allemagne/France : nouvelle relation CargoBeamer entre Kaldenkirchen et Perpignan – Le prestataire logistique CargoBeamer étend son réseau de connexion à partir du début de l’année prochaine. Entre Kaldenkirchen en Allemagne et Perpignan à la frontière franco-espagnole, les marchandises seront transportées de manière écologique sur rails à partir du 10 janvier 2022. Le système breveté CargoBeamer permet à tous les types de semi-remorques, de conteneurs, de semi-remorques P400, de remorques réfrigérées et de citernes, ainsi qu’à d’autres types de marchandises, d’être transportés par rail sans qu’aucune modification ne soit nécessaire pour les clients. Au début, en janvier, trois trains hebdomadaires circuleront dans chaque direction. À partir de mi-février, la fréquence sera augmentée à cinq tournées par semaine. CargoBeamer collaborera avec la société DB Cargo France (anciennement Euro Cargo Rail). Le nouvel itinéraire franco-allemand est la sixième liaison au total de l’entreprise, cinq des six lignes ayant été ajoutées au réseau au cours des six derniers mois. Sur ces deux sites, CargoBeamer est déjà actif avec d’autres itinéraires. Depuis 2015, la première liaison de l’entreprise en direction de Domodossola est assurée depuis Kaldenkirchen, la région économiquement forte de l’ouest de l’Allemagne ainsi que la proximité des marchés belge et néerlandais garantissant des taux de remplissage élevés et constants. Dans le sud de la France, à Perpignan, CargoBeamer exploite depuis l’été 2021 un itinéraire vers Calais, sur la Manche. En outre, il existe de nombreuses possibilités de transport maritime au départ de Perpignan et de prolongement des itinéraires de transport vers l’Espagne. Matthias Schadler, directeur général de CargoBeamer intermodal operations GmbH, déclare « Après avoir déjà considérablement agrandi notre réseau cette année, nous sommes heureux de pouvoir proposer à nos clients la prochaine ligne attractive à partir de janvier 2022. Avec l’extension de l’offre à Perpignan, nous ne servons pas seulement le marché du sud de la France, mais nous nous positionnons également en direction du nord de l’Espagne avec la forte région autour de Barcelone. En outre, l’ajout d’un itinéraire supplémentaire est également une étape de développement importante pour notre site de Kaldenkirchen, où nous prévoyons de commencer bientôt la construction de notre propre terminal de transbordement ».
(Source: Cargo Beamer)

Portugal : un consortium emmené par Medway pour recréer l’industrie ferroviaire portugaise – Medway, à travers un consortium de 10 entreprises, développera une stratégie de récupération de l’industrie de fabrication de wagons au Portugal, afin de ramener la capacité productive du pays, avec la création de wagons intelligents pour les marchandises – appelés « smart wagons ». Ce consortium est composé de cinq entreprises (MEDWAY Maintenance & Repair, MEDWAY Terminals, MEDWAY Railway Freight Operator, Nomad Tech et EVOLEO Technologies), de quatre ENESII (Entités Non-Entreprises du Système de Recherche et d’Innovation) et du cluster de compétitivité, la Plateforme Ferroviaire Portugaise, capable de réaliser un produit à haute valeur ajoutée, avec l’incorporation de la technologie, des connaissances techniques et scientifiques et de la production industrielle, couvrant tout le cycle de vie du wagon. Bruno Silva, Directeur Général de MEDWAY souligne que « ce consortium, dont MEDWAY fait partie, entend transformer la place portugaise, en améliorant la capacité de production des wagons de marchandises et des systèmes de capteurs, ainsi que la mise en œuvre de méthodologies de maintenance prédictive, en réduisant les déchets et en augmentant la disponibilité de cet actif. Outre l’impact sur le profil de spécialisation de l’économie portugaise, cet investissement permettra également de redresser l’industrie ferroviaire portugaise et d’inverser la balance commerciale du pays, en remplaçant les importations par des exportations. » Le développement de wagons intelligents aura également un impact significatif sur la réduction des émissions de carbone, en réduisant de 55 % les émissions de CO2 pendant le processus de production, puisque, outre une maintenance plus efficace, la production utilisera des énergies renouvelables et intégrera des matériaux recyclés. Paulo Duarte, directeur exécutif de la plate-forme ferroviaire portugaise, explique « qu’il s’agit d’une occasion unique de démontrer notre capacité de production industrielle, associée à des technologies innovantes, à haute valeur ajoutée et différenciatrices sur le marché ferroviaire, en montrant les résultats qui peuvent être obtenus grâce au travail d’équipe et à la valorisation nationale du Cluster ferroviaire. » Cet investissement permettra la création de 65 emplois directs dans la région du Tage moyen, répondant ainsi au récent défi de générer de nouveaux emplois en compensation de la fermeture de la centrale thermoélectrique de Pego.
(Source: Medway Portugal)

Industrie
Grande-Bretagne : Hitachi Rail et Alstom construirons les rames TGV britanniques – C’est enfin connu. Alstom et Hitachi Rail ont confirmé que la coentreprise à 50/50 Hitachi-Alstom High Speed (HAH-S) a aujourd’hui signé les contrats avec High Speed Two (HS2) pour la conception, la fabrication et l’entretien de la prochaine génération de trains à très grande vitesse pour la phase 1 de HS2, dans le cadre d’un contrat de 2,3 milliards d’euros (1,97 milliard de GBP), incluant la maintenance initiale des trains pendant 12 ans. Les deux fabricants leaders au Royaume-Uni fourniront le train en circulation le plus rapide d’Europe. Avec une vitesse de pointe de 360 km/h, ce dernier réduira significativement les temps de trajet des voyageurs. Le parc sera entièrement électrique et, grâce à une masse plus faible par voyageur, à son aérodynamisme, à la récupération d’énergie et à la toute dernière technologie de traction économe en énergie, ce train à très grande vitesse figurera parmi les plus énergétiquement efficaces au monde. Les nouveaux trains à 8 voitures et de 200 m de long sont prévus pour circuler lors de la phase 1 du projet entre Londres et Birmingham, sur le réseau existant. Ils vont incroyablement augmenter le nombre de voyageurs et la connectivité entre les grandes et moyennes villes du pays, notamment Stoke, Crewe, Manchester, Liverpool, Carlisle, Motherwell et Glasgow. Ils auront des effets majeurs sur la réduction des émissions de carbone par les transports en encourageant les gens à délaisser leurs voitures à combustible fossile, ou l’avion, pour privilégier le train.
(Source: Alstom)

Irlande : Alstom remporte un contrat géant pour le RER de Dublin – 14/12/2021 – Alstom a signé aujourd’hui un accord-cadre de dix ans avec Iarnród Éireann/Irish Rail (IE) pour un maximum de 750 nouvelles voitures de train de banlieue X’trapolis pour le RER de Dublin, avec une première commande ferme de 19 rames de cinq voitures. Le réseaut DART (Dublin Area Rapid Transit) est un service de transport ferroviaire de type RER desservant Dublin et son agglomération. Il a été créé en 1984. Avec une mise en service prévue pour 2025, la commande initiale de nouveau matériel roulant concerne six rames électriques classiques (EMU) et treize rames à batterie électriques de cinq voitures (BEMU). Ce concept permettra à la flotte BEMU d’effectuer des trajets de plus de 80 kilomètres en dehors du réseau électrifié grâce à l’alimentation sur batterie et constituera le premier parc moderne à batteries d’Irlande. Cette commande renforce la position d’Alstom en tant que leader dans le domaine de l’innovation et de la fourniture de technologies de mobilité durable. Alstom assurera le service après-vente du parc DART pendant 15 ans, en fournissant une assistance technique et des pièces de rechange, et en déployant ses technologies HealthHub et TrainScanner de maintenance prédictive.
(Source: Railtech.be)

Prochaine livraison : le 22 décembre 2021, dernière de l’année

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La semaine de Rail Europe News – Newsletter 054

Du 1er au 07 décembre 2021

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08/12/2021

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Politique des transports
L’Europe veut concurrencer les structures de prêt chinois – La Commission européenne a présenté, mercredi 1er décembre, Global Gateway, une stratégie d’investissements de 300 milliards d’euros en faveur des pays en développement. Une façon de renforcer son influence géostratégique et de contrer la Chine. Aucune mention à la Chine n’est faite dans le communiqué de la Commission européenne qui dévoile les détails de cette nouvelle initiative. Mais il est difficile de ne pas y voir une réponse européenne aux « nouvelles routes de la soie », le vaste programme chinois de prêts dans des dizaines de pays afin d’y développer des ports, routes, chemins de fer ou des infrastructures numériques. Et pour, du même coup, étendre dans ces pays la sphère d’influence économique chinoise. Plusieurs pays européens, comme l’Italie ou la Grèce, ont signé des accords avec la Chine ces dernières années. Depuis 2016, le port du Pirée est ainsi aux mains de la société chinoise d’exploitation portuaire Cosco, qui souhaite en faire une porte d’entrée des nouvelles routes de la soie vers l’Union européenne. La cible sont les structures de financement. Les structures des financements du côté chinois proviennent essentiellement de prêts, alors que le programme européen va s’appuyer sur des investissements à la fois publics et du secteur privé. Les prêts chinois sont en effet perçus par les opposants aux nouvelles routes de la soie comme une manière de créer une dépendance économique du pays bénéficiaire à l’égard de Pékin. C’est ce « piège de la dette » – un concept par ailleurs controversé – qui aurait poussé le Sri Lanka, incapable de rembourser son prêt, à céder l’un de ses ports à la Chine en 2019. Une question demeure : d’où viendra l’argent ? En réalité, Bruxelles met peu d’argent frais. La nouvelle stratégie mobilise en grande partie des financements existants. A côté de la banque européenne d’investissement, qui apportera des prêts garantis, 145 milliards d’euros devront venir des banques multilatérales de développement, comme la BERD, et des institutions financières des Etats membres, dont l’Agence française de développement (AFD). 18 milliards d’euros de subventions seront prélevés sur le budget de l’Union européenne.
(Source: L’Usine Nouvelle)

Suisse : les CFF présentent leur stratégie pour 2030 – Les CFF présentaient la semaine passée leur stratégie 2030, qui met l’accent sur l’avenir de l’entreprise et la voie à suivre pour sortir de la crise du coronavirus. Au cœur des orientations figurent les clientes et les clients ainsi que la mission clé du chemin de fer, à savoir la ponctualité, la fiabilité et la sécurité. Les CFF traversent une période complexe. D’après les dernières prévisions de la Confédération, la croissance de la mobilité va se poursuivre, notamment grâce aux voyages effectués dans le respect du climat. Dans le même temps, les exigences de flexibilité sont plus pressantes et les habitudes de voyage moins prévisibles. La crise de coronavirus a accentué ces tendances et modifié les formes de travail. Les CFF flexibilisent le système ferroviaire en digitalisant leur cœur de métier, de la planification à la production ferroviaire. Ils optimisent la maintenance des véhicules et investissent dans les installations d’entretien. Grâce aux investissements immobiliers sur leurs propres terrains, les CFF garantissent des revenus stables et réguliers sur le long terme. Les CFF veulent se développer là où le chemin de fer concentre le plus d’atouts, à savoir sur les liaisons longue distance rapides destinées au transport de voyageurs et de marchandises et dans les agglomérations.
(Source: Railtech.be)

Grande-Bretagne : on voulait des investissements, on aura une cure d’amigrissement – Gueule de bois pour le chemin de fer britannique pluriel. L’ensemble des opérateurs ferroviaires ont été invités à trouver des moyens de réduire des centaines de millions d’euros de coûts d’exploitation du chemin de fer l’année prochaine, ce qui entraînerait probablement moins de services. C’est ce que rapporte le Guardian qui ne fait que confirmer ce que l’on voyait poindre en septembre. Le ministère des Transports cherche à réduire ses dépenses de 10 % après le budget d’automne du chancelier Rishi Sunak. La fin des franchises devait signifier le renouveau du rail via le fameux plan « Williams-Shapps ». Un plan qui fixait lui-même un objectif d’économie de 1,77 milliard d’euros au cours des cinq prochaines années. Mais le gouvernement britannique veut des économies tout de suite. Une immédiateté qui agace les opérateurs, non-préparés à une échéance aussi courte. Les opérateurs sont sous contrat direct avec le gouvernement depuis l’abolition de la franchise au début de la pandémie en mars 2020. Dans le cadre des contrats de reprise d’urgence, ils reçoivent une redevance fixe pour fournir des services avec les risques de revenus et de coûts pris par le gouvernement. Selon le Trésor britannique, les dépenses ferroviaires auraient considérablement augmenté pendant la pandémie. Un serrage de vis qui arrive au plus mauvais moment, alors qu’on se désespère d’obtenir ne fusse qu’un semblant de transfert modal qui n’arrive déjà pas, suite à la désaffection des usagers…
(Source: The Guardian)

L’Espagne prolonge la baisse des redevances ferroviaires pour 2022 – Afin d’atténuer les effets de la crise provoquée par Covid-19 sur le transport ferroviaire, l’Espagne prolonge les redevances d’accès aux voies réduites. Cette mesure a été détaillée dans l’un des amendements aux budgets généraux de l’État pour 2022. Dans le contexte actuel de la crise sanitaire provoquée par la Covid-19, l’activité ferroviaire a été fortement réduite. Le système actuel de redevances d’accès aux voies limite l’indépendance des gestionnaires d’infrastructure pour modifier les montants de manière agile et rend difficile l’adoption de mesures d’allègement similaires à celles mises en œuvre dans l’Union européenne. Dans ce contexte, les redevances d’accès aux voies en Espagne pour 2022 conserveront la même structure de prix que pour l’année en cours, rapporte El Español. Pour cette année, la redevance d’accès minimale pour les trains de voyageurs longue distance qui circulent sur les lignes à grande vitesse a été réduite de 23 %. Il dépend également de l’itinéraire et du nombre de places dans un train. C’est probablement la dernière fois que les redevances d’utilisation de l’infrastructure ferroviaire sont fixées dans le budget de l’État espagnol. La loi sur les chemins de fer sera renouvelée, ce qui devrait avoir lieu l’année prochaine, après qu’un projet ait été adopté récemment. Après cela, le gestionnaire de l’infrastructure, l’Adif, décidera des redevances d’accès aux voies de manière indépendante. Cela est conforme à la directive européenne visant à rendre les gestionnaires de chemins de fer plus indépendants des gouvernements.
(Source: Railtech.com)

Trafic régional
Suisse : les 10 ans du RER de Fribourg – Le Réseau express régional (RER) fribourgeois fête ses 10 ans. Les réalisations de ces dernières années offrent aujourd’hui aux Fribourgeoises et Fribourgeois un réseau ferroviaire dense et connecté. Et l’offre est appelée à s’étoffer encore. Le lancement du RER a bouleversé tout le système des transports publics du canton. Le basculement s’est accompagné d’un changement profond d’habitudes de mobilité, a noté Vincent Ducrot, ancien patron des TPF. Le rapprochement entre TPF et CFF a permis d’intégrer le chef-lieu gruérien au réseau ferré national, signifiant aussi la jonction historique des réseaux ferroviaires du sud et du nord du canton. En 10 ans, l’offre s’est développée. La création de nouvelles haltes ferroviaires et d’importants travaux d’infrastructure a assuré une hausse des cadences à 30 minutes sur le réseau ainsi que l’extension des horaires le soir et les week-ends. Depuis son lancement, le RER a transporté près de 78,6 millions de voyageurs.
(Source: Swiss Info)

Trafic fret
Autriche : la route roulante des ÖBB en hausse – Le concept ROLA a vraiment pris de l’ampleur cette année. Fin octobre 2021, le nombre total de camions enregistrés sur toutes les routes ROLA avait atteint 158 000, ce qui signifie que Rail Cargo Group a déjà dépassé ses performances de chacune des deux dernières années. En 2019, environ 151 000 camions avaient été transportés sur tous les itinéraires ROLA ; en 2020, ce nombre était de 147 000. Cette année, le RCG a réussi à atteindre ce niveau en automne. Cette croissance est presque entièrement attribuable à l’augmentation significative du nombre de connexions ROLA sur l’axe du Brenner, sur lequelles 135 000 camions avaient transité par le Tyrol par le rail à la fin octobre. Ce résultat positif se reflète également dans les énormes volumes de CO 2 économisés par ROLA, qui s’élèvent à plus de 20 000 tonnes depuis le début de l’année. Le taux d’occupation des voitures d’accompagnement est surveillé en permanence pour garantir le maintien de la distanciation physique à bord. Le port du masque FFP2 est obligatoire. Dans le même temps, des mesures de protection et de désinfection accrues restent en place.
(Source: ÖBB pressroom)

Allemagne : DB Schenker précommande près de 1500 camions électriques – On n’attend généralement pas cela d’une entreprise de fret ferroviaire, mais DB Schenker a bien annoncé une précommande de 1500 camions auprès la start-up suédoise Volta Truck. Dans le cadre d’un partenariat intensif entre les deux sociétés, il s’agit de la commande la plus importante de gros camions zéro émission de l’histoire de l’Europe. Dans le cadre de ce partenariat, DB Schenker exploitera le premier prototype du Volta Zero lors de tournées de distribution en conditions réelles, au printemps et à l’été 2022. Les résultats de ces tests seront intégrés à la production en série des 1 470 véhicules qui seront construits dans la nouvelle usine de fabrication sous contrat de Volta Trucks à Steyr, en Autriche. Le Volta Zero tout électrique de 16 tonnes sera utilisé dans les terminaux européens de DB Schenker pour transporter les marchandises des centres de distribution vers les centres-villes et les zones urbaines. C’est dans cet environnement que la conception innovante du véhicule, la cabine pensée pour protéger les usagers de la route vulnérables et la transmission zéro émission offrent les plus grands avantages. Ensemble, DB Schenker et Volta Trucks exploreront les usages potentiels de la technologie pour éventuellement étendre l’offre. Le déploiement aura d’abord lieu sur 10 sites répartis dans 5 pays.
(Source: Zigwheels de même que voltatrucks.com)

Allemagne : Les PME allemandes n’utilisent pas le transport combiné – Une première enquête auprès des entreprises de transport routier en Allemagne le montre : de nombreuses petites et moyennes entreprises de transport pourraient utiliser le transport combiné (TC) de camions et de trains pour le trajet principal sur des itinéraires de transport appropriés et ainsi transférer le transport de marchandises vers le rail. Mais beaucoup de ces entreprises n’y ont pas recours. Au total, plus de 200 entreprises ont participé à l’enquête. Selon l’enquête, 62 % des petites et moyennes entreprises interrogées ont déclaré transporter des marchandises par camion sur des distances de 300 kilomètres et plus. A partir de cette distance, l’atout écologique du transport combiné (TC) peut faire valoir ses avantages économiques. Dans le même temps, 62% des répondantes interrogées ont déclaré ne pas utiliser cette option pour le moment. Selon l’enquête, trois obstacles en particulier empêchent actuellement le TC d’exploiter son potentiel auprès des petites et moyennes entreprises. Pour de nombreuses entreprises, en raison des capacités limitées du personnel, l’effort de planification pour le passage du camion au rail et inversement est trop élevé et le savoir-faire nécessaire au sein des PME fait défaut. En outre, elles ne disposent souvent pas d’unités de chargement dans leur propre flotte qu’une grue peut saisir pour les recharger sur le rail. Or, c’est souvent le seul moyen de passer du camion au rail et inversement en TC. Enfin, beaucoup ne sont tout simplement pas au courant des offres et des prix des opérateurs du TC. Souvent, cependant, il y a aussi un manque de liaisons ferroviaires de TC appropriées à proximité du lieu d’implantation. Une autre question importante pour les personnes interrogées est la ponctualité et la fiabilité du transport ferroviaire de marchandises.
(Source: Dispo.cc)

Technologie
Europe : le règlement établissant le successeur de Shift2Rail entre en vigueur – Le 19 novembre 2021, le Conseil de l’Union européenne a adopté le règlement instituant l’entreprise commune ferroviaire européenne et neuf autres partenariats européens pour accélérer la transition verte et numérique. Il est entré en vigueur aujourd’hui (30 novembre 2021) suite à sa publication au Journal officiel de l’Union européenne et marque le début de ces partenariats. Le successeur de Shift2Rail, le plus grand programme européen de recherche et d’innovation dans le domaine ferroviaire, et très probablement au niveau mondial, fournira des activités d’une valeur de 1,2 milliard d’euros réalisées par ses membres fondateurs sélectionnés et d’autres bénéficiaires qui se joindront via des appels ouverts. Ces activités seront financées par l’entreprise commune avec les ressources fournies par le programme Horizon Europe de l’Union européenne, à hauteur de 600 millions d’euros. L’objectif de l’entreprise commune ferroviaire européenne est de fournir un réseau ferroviaire européen intégré à haute capacité en éliminant les obstacles à l’interopérabilité et en fournissant des solutions pour une intégration complète, couvrant la gestion du trafic, les véhicules, les infrastructures et les services, visant à accélérer l’adoption et le déploiement de projets et d’innovations.
(Source: Global Railway Review)

Prochaine livraison : le 15 décembre 2021

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Hausse de 14,5% des trafics de l’opérateur intermodal Hupac

25/08/2021 – Par Frédéric de Kemmeter – Signalisation ferroviaire et rédacteur freelance
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Hupac AG, le géant groupe suisse du transport intermodal de marchandises par rail, a enregistré une augmentation de son trafic de 14,5% par rapport à l’année précédente. 

L’entreprise suisse compte de nos jours environ 100 actionnaires dont 72% des actions appartiennent à des sociétés de logistique et de transport tandis que 28% sont détenus par des sociétés ferroviaires, garantissant ainsi à la fois une proximité avec le marché et une indispensable indépendance vis-à-vis des compagnies ferroviaires historiques. 

Au premier semestre 2021, le Groupe Hupac a enregistré une augmentation de son trafic de 14,5% par rapport à l’année précédente. Après la pause liée à la pandémie, l’entreprise poursuit sa stratégie d’investissement dans le matériel roulant et les terminaux. 


Busto Arsizio et Gallarate, deux terminaux italiens en une seule photo

Développement des transports au-dessus des attentes
Le transport combiné se développe de manière dynamique et déplace le transport de marchandises de la route vers le rail, ce qui permet de se conformer à la stratégie climatique européenne.

Au premier semestre 2021, le volume de trafic sur le réseau du Groupe Hupac a atteint 568 622 envois routiers. « Nous avons comblé le fossé du coronavirus et dépassé les volumes 2019 de près de 10 % », souligne Michail Stahlhut, PDG du groupe Hupac. La tendance positive s’est confirmée dans tous les segments de marché et a été constamment au-dessus des attentes. Une exception est le transport maritime, qui subit les conséquences du blocage du canal de Suez et est affecté par une congestion mondiale de nombreux terminaux en raison des déséquilibres de trafic, des difficultés en Chine et d’un arriéré dans la rotation des conteneurs vides.

La forte demande logistique des derniers mois a aussi entraîné des problèmes de capacité en Europe, notamment dans les terminaux et sur les lignes ferroviaires. Cela a un impact sur la fiabilité et la qualité du trafic ferroviaire. Hupac prévoit une série de mesures relatives à l’organisation et à la disponibilité des actifs afin de renforcer le système et d’assurer la qualité requise.

Chantiers de goulot d’étranglement : table ronde nécessaire à la coordination internationale
Pour assurer la stabilité des capacités sur les axes internationaux, Hupac propose une table ronde des gestionnaires d’infrastructure et des clients ferroviaires. L’actuelle activité de construction intensive sur le corridor Rhin-Alpes, avec des fermetures totales ou partielles durant des jours et des semaines, montre une fois de plus combien il est important pour tous les partenaires impliqués d’agir de manière coordonnée. La construction simultanée sur plusieurs sections de la ligne avec des options de déviation insuffisantes réduit considérablement la capacité. Les conséquences sont les annulations de trains, les retards, les embouteillages des terminaux, l’explosion des coûts de production et le retour du fret vers la route. De graves effets se produisent sur les terminaux italiens, entre autres, où le travail est en mode crise depuis des semaines.

« Les chantiers ne doivent pas devenir un frein au report modal », prévient le président du conseil d’administration Hans-Jörg Bertschi. Tous les opérateurs d’infrastructures du corridor devraient s’asseoir à la table, y compris la France en tant que partenaire important pour la modernisation et l’électrification de la route alternative Wörth-Lauterbourg-Strasbourg sur la rive gauche du Rhin. « Nous sommes convaincus qu’un échange constant et ciblé entre les gestionnaires d’infrastructure et les clients du fret ferroviaire est le facteur clé pour garantir que la construction et la conduite sur la plus grande artère d’approvisionnement d’Europe puissent se poursuivre à l’avenir », déclare Bertschi.


Bertschi, un des actionnaires suisses et grand utilisateur des trains Hupac

Investir dans la croissance
Plus de volume dans le transport combiné nécessite également plus de capacité. Après la réduction liée à la pandémie, Hupac a de nouveau augmenté son taux d’investissement. Dans le secteur des terminaux, la planification et la construction progressent sur les sites de Piacenza, Milano Smistamento et Novara en Italie et Brwinów en Pologne. En septembre, Hupac démarre ses activités d’agence au terminal de Brescia/Montirone avec son propre personnel, ouvrant ainsi un nouveau potentiel pour la zone économique à l’est de Milan.

Hupac entre au capital de WienCont
Enfin une étape importante dans l’extension du réseau sur l’axe Benelux/Allemagne-Europe du Sud-Est est la participation de 4,16 % dans le terminal à conteneurs WienCont à la mi-août. « Les terminaux sont des ouvre-portes pour plus de report modal et soutiennent l’esprit vert », explique Michail Stahlhut. « Cette participation est une étape importante dans l’expansion de notre réseau intermodal pour apporter plus de trafic sur le rail à l’avenir et pour renforcer le transport intermodal ». Hupac exploite actuellement environ 50 trains par semaine entre le hub de WienCont et les destinations Budapest, Duisbourg, Rotterdam, Istanbul/Halkali, Ludwigshafen, Geleen, Bucarest/Ploiesti et Busto Arsizio.

Corridors de fret ferroviaire : quels résultats jusqu’ici ?

17/05/2021 – Par Frédéric de Kemmeter – Signalisation ferroviaire
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Cela fait près de 30 ans que la Commission européenne a lancé diverses initiatives pour booster le transport de fret ferroviaire, qui reste éternellement à la traîne. Parmi les actions, l’instauration de corridors européens où l’on concentre les investissements et la digitalisation. Quelles leçons peut-on en tirer jusqu’ici ?

Le programme RTE-T se compose de centaines de projets – définis comme études ou travaux – dont le but ultime est d’assurer la cohésion, l’interconnexion et l’interopérabilité du réseau transeuropéen de transport, ainsi que l’accès à celui-ci. Les projets RTE-T, qui sont situés dans chaque État membre de l’UE, incluent tous les modes de transport.

30 projets prioritaires (ou axes) ont été identifiés sur la base de propositions des États membres et sont inclus dans les orientations de l’Union pour le développement des RTE-T en tant que projets d’intérêt européen. Ces projets ont été choisis à la fois en fonction de leur valeur ajoutée européenne et de leur contribution au développement durable des transports.

Sur ces 30 projets clés, 18 sont des projets ferroviaires, 3 sont des projets mixtes rail-route, 2 sont des projets de transport fluvial et un concerne les autoroutes de la mer. Certains projets, comme le tunnel sous la Manche, le TGV-Nord européen ou le lien Perpignan-Figueras, sont terminés depuis plusieurs années. D’autres sont en cours de construction, comme le tunnel Lyon-Turin, le tunnel du Brenner, la liaison Rail Baltica ou encore le lien fixe Fehmarn Belt. Ce choix reflète une priorité élevée à des modes de transport plus respectueux de l’environnement, contribuant à la lutte contre le changement climatique.

Ce mélange de différents transports n’était cependant pas suffisant pour assurer l’interconnexion ferroviaire, qui est la plus difficile à mettre en œuvre à cause du système d’exploitation des trains basé sur des sillons horaires et des critères techniques très strictes. Des contraintes que la route n’a pas…

De plus, il a fallu faire la différence entre des flux marchandises, généralement plus lents mais plus lourds, et les flux voyageurs basés sur la grande vitesse et les volumes quotidiens. Les 30 projets TEN-T ne reflétaient pas toujours ces spécificités. Cela démontre déjà que le chemin de fer unifié, où on mélange tous les trafics et toutes les politiques ferroviaires, n’est pas la bonne solution. Une distinction entre trafic fret et trafic voyageurs est obligatoire dans une politique de mobilité.

Plutôt que d’éparpiller l’argent des contribuables sur des centaines de petites lignes – ce qui aurait donné lieu à de longs marchandages politiques -, l’idée fut de répertorier les axes qui génèrent de grand flux de trains et de les harmoniser au niveau technologique et d’attribution des horaires. Le concept de corridor de fret ferroviaire était né.

Des routes pour le fret ferroviaire
Les corridors de fret ferroviaires ne sont qu’une partie du concept de RTE-E (TEN-T). Ils peuvent donner lieu à de multiples travaux mais visent plutôt à l’efficacité opérationnelle sur le réseau existant, en utilisant les actifs déjà disponibles. C’est donc une initiative plus ferroviaire que les 30 projets RTE-E.

En 2005, une approche internationale de la gestion des corridors a été promue auprès des gestionnaires d’infrastructures (GI) et des organismes de répartition (OR). En 2010, l’Union européenne adoptait un Règlement relatif au réseau ferroviaire européen pour un fret compétitif (Règlement N° 913/2010 du 22 septembre 2010). Ce règlement demande aux États membres d’établir des corridors internationaux orientés vers le marché afin de relever trois séries de défis. Il s’agit notamment de renforcer la coopération entre les gestionnaires d’infrastructure (GI) sur des aspects essentiels, tels que l’attribution des sillons, le déploiement de systèmes interopérables et le développement de l’infrastructure ; de trouver un juste équilibre entre le trafic de marchandises et le trafic de passagers le long des corridors, tout en garantissant une capacité adéquate et une priorité pour le fret conformément aux besoins du marché et en veillant à ce que les objectifs communs de ponctualité des trains de marchandises soient atteints ; et enfin, de promouvoir l’intermodalité en intégrant les terminaux dans la gestion et le développement des corridors.

L’annexe de ce règlement, telle que modifiée par le règlement (UE) n° 1316/2013, énumère 9 corridors de fret, qui devaient être mis en service par les pays concernés de l’Union européenne (UE) pour novembre 2013, novembre 2015 ou novembre 2020. Siim Kallas, alors vice-président de la commission européenne chargé des transports, dévoilait le 17 octobre 2013 la carte des 9 corridors d’infrastructures prioritaires qui devaient être financés par l’Union européenne, soit environ 26 milliards € par cofinancement pour aider à la construction des maillons manquants transfrontaliers, à résorber les goulets d’étranglement et à accroître « l’intelligence » du réseau.

Ces corridors de fret (appelés RFC en anglais – Rail Freight Corridor), établis en coopération entre les gestionnaires d’infrastructure et les organismes d’allocation de capacité, permettent une circulation internationale harmonisée des trains de marchandises sur un axe transfrontalier. Ils visent à améliorer la qualité de service offert aux opérateurs, en plaçant ceux-ci au centre des préoccupations. L’instauration de ces corridors vise deux aspects :

  • d’une part, le client ne s’adresse qu’à un seul bureau pour réserver ses sillons horaires, ce qui simplifie l’administration et les délais de réponse;
  • d’autre part, ces corridors vont faire l’objet d’une rénovation technique, notamment au travers de travaux destinés à améliorer la fluidité du trafic, à rehausser le gabarit au maximum, mais surtout, à implanter le système de signalisation ERTMS, de niveau 1 ou 2, ce qui est tout bénéfice pour l’ensemble du trafic y compris voyageurs.

Chaque corridor de fret ferroviaire est constitué d’une structure de gouvernance à 2 niveaux :  

  • Un Comité exécutif composé de représentants des autorités des états membres concernés ;  
  • Un Comité de gestion composé de représentants des gestionnaires d’infrastructure et des organismes d’allocation de capacité concernés.

Le Comité de gestion crée aussi deux sous-groupes consultatifs : 

  • Un groupe composé de gestionnaires et de propriétaires de terminaux situés le long du corridor ; 
  • Un groupe composé d’entreprises ferroviaires intéressées par l’utilisation du corridor.

Les gestionnaires d’infrastructure et les organismes d’allocation de capacité concernés élaborent ensemble, pour chaque corridor, un catalogue de sillons préétablis proposant une offre de sillons internationaux. Ces sillons préétablis sont coordonnés et peuvent être combinés en une seule demande internationale pour pouvoir mieux répondre aux besoins du marché. 

Ces sillons sont protégés contre d’éventuels changements majeurs. Outre les entreprises ferroviaires qui disposent d’une licence et d’un certificat de sécurité, d’autres candidats (chargeurs, expéditeurs, …) peuvent demander de la capacité sur les corridors. Pour l’activité de transport proprement dite, le candidat doit désigner une entreprise ferroviaire exécutante, publique ou privée.

Tout nouveau corridor dispose d’un Corridor One Stop Shop (C-OSS). Ce C-OSS est physiquement installé au siège d’un seul manager d’infrastructure désigné pour en assurer la gestion quotidienne. Ce C-OSS simplifie les demandes de sillons pour le transport international par rail. La création de ces C-OSS permet aux demandeurs d’effectuer les demandes de capacité en une seule opération à partir du moment où un train international de marchandises traverse au moins une frontière dans un corridor. Le Document d’Information du Corridor (CID) donne des informations relatives à chaque corridor. Le Path Coordination System (PCS) est l’unique logiciel permettant de passer les commandes de sillons préétablis sur le corridor, via le site web RailNetEurope (RNE).

L’article 18 du règlement (UE)913/2010 relatif au réseau ferroviaire européen pour un fret compétitif exige que les conseils de gestion des RFC publient des documents d’information sur les corridors, en fournissant des informations sur l’infrastructure ferroviaire de chaque corridor de fret ferroviaire, notamment en ce qui concerne les conditions d’accès commerciales et légales, facilitant ainsi la tâche des candidats.

Corridor-ERTMS

Un modèle à revoir
Toutefois, si l’on constate des progrès en matière de corridors de fret ferroviaire, de fret ferroviaire et de chemins de fer en général, ces progrès semblent toujours trop lents par rapport aux autres modes de transport, à savoir la route, où nous assistons, depuis peu, à des innovations perturbatrices en termes d’automatisation et de numérisation. Bien entendu, cela accroît à nouveau la concurrence entre les modes de transport. Le secteur de la logistique lui-même est sujet à des cycles d’innovation courts, ce qui est un défi pour le transport ferroviaire. Comme l’explique l’association européenne du fret ERFA (European Rail Freight Association), la mise en place des RFC n’a pas encore donné l’élan escompté pour accroître la compétitivité du fret ferroviaire. Peu ou pas de résultats ont été obtenus dans les domaines pourtant prévus par le règlement :

  • la coordination des travaux d’entretien et de renouvellement;
  • capacité allouée aux trains de marchandises;
  • gestion du trafic;
  • gestion du trafic en cas de panne;
  • suivi de la qualité par le biais d’indicateurs clés de performance.

L’interaction entre les différentes parties prenantes au sein d’un même corridor ne semble pas toujours coordonnée, sans parler de la coordination entre les différents corridors, car de nombreux trains de marchandises circulent sur plus d’un corridor et de nombreux opérateurs utilisent plusieurs corridors.

Dans plusieurs cercles ferroviaires, on reproche une fois encore l’approche trop nationale dans certaines décisions, notamment en ce qui concerne le calendrier des travaux. Or ces travaux ont une teneur politique multiple car cela impacte le trafic voyageur. En politique régionale, on n’est jamais tenté de voir plus loin que l’horizon de son électorat. Le trafic voyageur est prioritaire précisément à cause des objectifs de ponctualité assigné par la tutelle politique. La législation sur les corridors ne peut pas grand-chose contre cela.

Pour prendre comme exemple l’Allemagne, ces corridors seront par ailleurs intégrés dans le système Deutschland-Takt (D-Takt), l’horaire cadencé allemand, qui est un concept exclusivement centré sur le transport voyageur. Il fait l’objet de questions concernant la place laissée au fret ferroviaire dans des horaires figés annuellement et prioritaires pour les taux de ponctualité. Le D-Takt est un projet typiquement national et n’est pas pensé au travers des corridors.

Mais il n’y a pas que des travaux. La maintenance est un point essentiel. Or celle-ci est gérée par des entités locale de chaque manager d’infrastructure. Ce sont ces entités qui élaborent un planning de travail très en amont. Elles doivent décider parfois deux ans à l’avance qu’on va renouveler la caténaire sur 20 kilomètres à telle période de 2023 ou 2024. Or cette période peut ne pas correspondre à l’usure supposée d’un aiguillage, qui devra être renouveler à une autre période sur la même ligne. Cela induit alors un calendrier de travaux qui parait permanent et sans fin. Comme chaque entité ne gère que 100 ou 150 kilomètres d’un même corridor, on peut compter combien il y a d’entités régionales entre Rotterdam et Bâle ou Anvers et Marseille. Chacune avec leur propre planning !

La lente implémentation de l’ERTMS est un autre sujet. Cette implémentation varie d’un pays à l’autre et des objectifs qui sont assignés aux gestionnaires d’infrastructure. Mais d’un autre côté, il y a encore des réticences chez certains opérateurs d’équiper leur matériel roulant, pour des raisons de coûts. L’ERFA n’hésite pas à dire que le coût de la conversion du matériel roulant à l’ERTMS est une menace qui réduira la compétitivité du fret ferroviaire dans toute l’Europe tant qu’il n’y aura pas de solutions de financement en place (sauf au Royaume-Uni). Il semble certain que de nombreux opérateurs ne voient pas encore la plus-value de l’ERTMS alors qu’il s’agit pourtant de la digitalisation du rail que ces mêmes opérateurs appellent de leurs vœux. Comme l’explique Matthias Finger, professeur à l’École Polytechnique Fédérale de Lausanne (EPFL), il s’agit d’un problème typique de la poule et de l’œuf : les investissements ne viendront que si des progrès sont réalisés en termes d’interopérabilité et, inversement, les progrès en termes d’interopérabilité nécessitent davantage d’investissements. Et il s’agit d’un problème beaucoup plus large qui ne peut être traité par les corridors et l’approche par corridor.

Il devenait donc indispensable de voir quelles pourraient être les mesures d’amélioration, d’autant qu’entre-temps, la nouvelle Commission von der Leyen a été installée, laquelle a produit un plan nommé ‘Green Deal’, qui est une chance unique pour le chemin de fer de retrouver une partie de la place qu’il a perdu.

La Commission est actuellement en train de finaliser son évaluation de la mise en œuvre du règlement (UE) 913/2010. La révision du règlement, qui constitue une condition préalable importante pour un fret compétitif et un transfert modal, est l’occasion de passer d’un corridor unique à une approche de réseau européen de corridors de fret ferroviaire.

On peut s’inspirer de l’expérience du secteur de l’énergie : l’intégration solide du réseau de lignes à haute tension aurait été réalisée grâce à une combinaison de facteurs incluant notamment l’existence d’un mandat juridique clair, l’utilisation intensive d’outils numériques (c’est-à-dire la modélisation, les plateformes numériques communes), l’adoption d’outils et de plans communs, ainsi que l' »intention de partager » exprimée sous la forme de résultats clairs. Les principaux défis auxquels sont confrontés les secteurs du rail et de l’énergie semblent être similaires en ce qui concerne la recherche d’un équilibre adéquat entre les niveaux supranational et national.

On peut concrètement s’inspirer aussi d’Eurocontrol et tirer des enseignements du REGRT-E (association regroupant 42 gestionnaires de réseaux électriques dans 35 pays de l’UE), même si le modèle de gouvernance des RFC devra être adapté spécifiquement aux besoins du secteur ferroviaire. Dans une présentation récente à la Florence School of Regulation, l’idée fut émise de mettre en œuvre une approche « descendante » de la gouvernance des RFC, en confiant à une entité supranationale permanente le soin de faciliter l’échange d’informations et la coordination entre les trains de marchandises, qui sont essentiellement de nature transfrontalière. Le coordinateur supranational du réseau ferroviaire serait chargé d’assurer une coordination intégrée et holistique du trafic à un niveau supérieur, ainsi que l’amélioration de la capacité et de la connectivité avec les terminaux qui font partie de l’infrastructure. Ce qui se fait à Eurocontrol serait-il impossible dans le domaine ferroviaire ?

Le 19 octobre 2020, la Commission européenne a publié son programme de travail pour 2021. Dans son annexe I, la Commission a annoncé une initiative appelée ‘Corridor ferroviaire UE 2021’. Elle comprend la révision du règlement 913/2010 et des actions visant aussi à stimuler le transport ferroviaire de voyageurs. L’initiative est prévue pour le troisième trimestre 2021.

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Ports maritimes : un potentiel que le rail doit mieux exploiter

25/01/2021 – Par Frédéric de Kemmeter – Signalisation ferroviaire
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Les grands ports d’Europe du Nord, d’Italie ou d’Espagne gagneraient à être mieux connectés avec leur hinterland par rail. Pas seulement pour son aspect écologique, mais surtout pour la massification de grands volumes de fret que peut traiter d’un seul coup un train. Mais pour cela, il faut investir non seulement dans de nouvelles manières de faire du train mais aussi mettre les infrastructures à niveau et créer des terminaux efficaces à l’intérieur des terres.

Les ports maritimes sont pour la plupart de grands centres de transit et, pour certains, de grandes zones industrielles. Cette concentration sur une zone restreinte est idéale pour la massification de flux ferroviaires. Parce que le train, c’est avant tout une affaire de volume. Il est difficile de dire si l’économie d’un port est dépendante uniquement de ses connexions ferroviaires. Il est en revanche certain que les connexions avec n’importe quel réseau de transport sont essentielles à la vitalité des ports. Parfois, comme à Sète en France, l’arrivée d’un opérateur maritime peut engendrer de nouveaux flux qui n’étaient pas prévus à l’origine. Ce sont ces paramètres que nous allons analyser dans ce texte.

Pour les opérateurs maritimes, qui travaillent à un niveau mondial, leur job s’arrêtent souvent aux quais des ports. Une fois déchargées, les cargaisons ne sont plus de leurs responsabilités et sont temporairement placées sur un terminal ou dans un entrepôt, puis sont dédouanées le plus rapidement possible avant de prendre le chemin de l’hinterland. La gestion du déchargement et des opérations de douanes incombent à une ou des sociétés locales, parfois aussi à des prestataires internationaux. Le secteur est très fragmenté et les services portuaires sont très variables d’un port à l’autre. Seule certitude : le niveau de service offert est d’une importance capitale pour attirer les grandes routes maritimes. C’est de cette manière qu’un port aussi excentré que Hambourg arrive à garder une très bonne position mondiale.

Massimo Deandreis, directeur du centre de recherche italien SRM, a souligné que l’efficacité d’un port n’est pas seulement une question de services de chargement et de déchargement. Il est important que les marchandises (ainsi que les passagers) puissent se déplacer rapidement une fois à quai et s’interconnecter avec d’autres systèmes de transport. L’intermodalité, la connexion avec le chemin de fer et son efficacité, la capacité de transformer la zone située derrière le port en un centre d’innovation et d’attraction des investissements, l’attention portée à la technologie et à la durabilité : tels sont les éléments qui font qu’un port est aujourd’hui réellement compétitif.

La plupart des ports souhaite que les marchandises quittent les terminaux et les entrepôts le plus rapidement possible. Cette « urgence », combinée avec la dispersion des clients finaux, entraîne souvent l’utilisation massive du transport routier, qui semblait suffire tant que le réseau routier environnant puisse absorber ce trafic. Les facilités du monde routier ont entraîné rapidement des encombrements et des problèmes de coordination, à tel point que certains routiers doivent parfois attendre une heure ou plus avant de pénétrer dans un terminal, ce qui engendre pour les entreprises des heures « non travaillées ». On peut alors croire qu’avec un train, ces problèmes d’encombrements et d’attentes aux terminaux puissent être résolus. Or ce n’est pas le cas, et sur ce point, le mode ferroviaire dispose encore d’un grand potentiel d’améliorations, mais tout n’est pas aussi simple qu’on ne le croit.

Congestion à Hambourg…

Un shift mental ?
Améliorer les connexions de fret ferroviaire, ce n’est pas toujours subsidier des milliers de personnes comme certains politiciens le pensent. Il faut bien-sûr investir dans des moyens humains, mais en les plaçant à la bonne place et avec des perspectives métiers intéressantes. L’efficacité du rail passe aussi par des investissements ciblés dans la maintenance et parfois, dans des travaux plus conséquents en rénovation, voire même en reconstruction. Mais pour cela, il faut faire tomber un certain nombre de tabous qui se répètent d’année en année.

>>> À lire : « Le rail est encore un acteur passif ! », les observations acides d’un dirigeant du port de Lübeck

La croyance persiste que le secteur du fret est moins urgent en terme d’horaire à respecter, car «après tout ce ne sont que des caisses, et on n’en est pas à 2 ou 3 heures près pour la livraison». La priorité est ainsi donnée aux services voyageurs parce que, s’agissant d’électeurs, les politiciens y sont bien plus attentifs et qu’il y a des correspondances dans certaines gares. «Les citoyens ont une vie qui se mesure à la minute près, à l’inverse des marchandises qui sont stockables à n’importe quel moment du jour ou de la semaine. Ce n’est donc pas la même urgence », entend-on dans les couloirs. Ce n’est peut-être pas faux mais ces réflexions n’aident pas le rail a accaparer des parts de marché dans les ports.

Il existe cependant des initiatives législatives qui peuvent aider le fret ferroviaire.Au niveau européen, depuis 2005, une approche de gestion des corridors internationaux a été promue parmi les gestionnaires d’infrastructure (GI) et les organismes de répartition (ORP), afin de mieux cibler l’aide que l’Europe peut apporter plutôt que de les éparpiller sur les réseaux nationaux. Le règlement n° 913/2010 concernant un réseau ferroviaire européen pour un fret compétitif est entré en vigueur le 9 novembre 2010, obligeant les États membres à établir des RFC internationaux axés sur le marché. Depuis lors, les principaux défis avaient été identifiés, à savoir la coordination de l’attribution des sillons entre les GI impliqués dans un corridor donné, l’interopérabilité, les investissements et le développement de l’infrastructure, ainsi que l’intégration de l’intermodalité et notamment des terminaux dans le processus de gestion du corridor. Il existe aujourd’hui 9 corridors avec chacun leur organisme de gestion, l’ensemble étant coordonné par RailNet Europe (RNE). Mais dans la pratique, les choses ne se passent pas toujours comme l’Europe le souhaite.

>>> À lire : Fret ferroviaire, pose-t-on les bonnes questions ?

Que font les États avec l’argent de l’Europe ?
Selon la Cour des comptes européenne, lorsque les fonds communautaires ont été alloués au transport ferroviaire à chaque pays, ils n’ont pas été utilisés en priorité pour cibler les besoins du secteur du fret ferroviaire. En 2020 par exemple, suite à de sérieuses perturbations du triage de Kijfhoek (Rotterdam), un rapport indépendant avait constaté qu’au cours des dix à quinze dernières années, le gestionnaire néerlandais de l’infrastructure ferroviaire ProRail avait accordé plus d’attention au réseau voyageurs qu’à celui des marchandises. Le rapport soulignait notamment que la méthode de travail de ProRail convenait bien au transport voyageurs, mais pas au transport de marchandises. Le secteur du fret est différent parce que, entre autres choses, il faut desservir beaucoup plus d’opérateurs que dans le transport voyageurs, avec un type d’horaire et un contrôle opérationnel complètement différents. De ce fait, l’infrastructure du fret nécessite un type d’entretien différent. «Il y a trois ans, nous n’avions pas vraiment atteint nos objectifs avec le réseau voyageurs, du coup nous nous sommes concentrés sur ce point. Nous n’avons pas oublié le fret ferroviaire, mais nous ne nous sommes pas suffisamment concentrés. Nous sommes maintenant plus en phase avec ce secteur», avait déclaré la directrice général Ans Rietstra lors d’une émission de RailFreight Live le 12 juin 2020. Comme l’écrit Railfreight, les conséquences peuvent être très dommageables à long terme. DB Cargo explique que ces défaillances cumulées du triage de Kijfhoek ne doivent pas être exprimées uniquement sur le plan monétaire mais surtout avec la perte de confiance dans l’outil ferroviaire du port de Rotterdam. «Les entreprises ferroviaires ont perdu des affaires, car les clients se sont détournés vers d’autres ports ou d’autres transports. Selon elles, il s’agit là d’une activité qui pourrait ne pas revenir,» explique le transporteur allemand.

Les travaux de voies, même s’ils bénéficient au fret ferroviaire, sont très souvent orientés « voyageurs ». Une cohabitation difficile entre ces deux secteurs qui ont des rythmes et des attentes différents (photo Deutsche Bahn)

Impôts nationaux = priorités nationales
Les néerlandais ont pourtant souscrit à de vastes investissements ferroviaires avec notamment une ligne fret dédiée appelée Betuwelijn, seul exemple en Europe, mais il s’agissait surtout de sécuriser les flux vers Rotterdam plutôt que d’adhérer à un enjeu international européen. L’exemple du problème de Kijfhoek à Rotterdam montre que les électeurs nationaux étaient prioritaires. Europe ou pas, la souveraineté nationale prime toujours sur tout autre considération.

Dans la même veine, les trois tunnels que les suisses ont achevés en 2020 avec le Ceneri pourraient donner l’impression d’une impulsion européenne. Les suisses ont certes investi leur propre argent dans ces constructions gigantesques, mais en réalité il s’agissait surtout d’une réponse nationale destinée à canaliser le trafic à travers les Alpes et à protéger les habitants des vallées. Ce sont cependant les suisses, bien que non membres de l’Union européenne, qui ont payé une partie des travaux dans le nord de l’Italie. La Suisse a fourni 120 millions d’euros pour les travaux d’amélioration des voies et du gabarit sur la ligne Luino – Ranzo – Gallarate/Novara dans le nord de l’Italie, dans le cadre d’un accord signé à Berne en 2014. Le projet consistait à moderniser cette importante liaison de fret pour y accueillir des semi-remorques d’une hauteur d’angle de 4 mètres, alors que le seul corridor ferroviaire de 4 mètres traversant la Suisse était l’axe Lötschberg – Simplon, où les capacités étaient presque épuisées. Il s’agit d’un élément important du plan du Conseil fédéral suisse visant à créer un corridor continu de 4 mètres de Bâle au nord de l’Italie via le tunnel de base du Gothard, conformément à sa politique de transfert modal.

Bien évidemment, on ne peut pas reprocher aux gouvernements nationaux de veiller au bien-être de leurs citoyens en canalisant des trafics bruyants par la manière qui leur convient. De plus, tant le Betuwelijn que les tunnels suisses profitent aux flux de trafic ferroviaire en provenance des ports du Benelux et d’Italie. Ce n’est pas un hasard si le corridor européen n°1 s’appelle Rotterdam-Gênes. Rotterdam reste une grande destination dont l’hinterland est l’Europe entière, quand pour les cinq ports italiens, leur hinterland est plutôt l’Italie, l’Europe centrale et l’Europe du Nord. Nous avons ainsi des flux croisés considérables qui traversent les Alpes tant en Suisse qu’en Autriche.

Port-railwaysMSC au port très exigu de La Spezia (photo Port of La Spezia)

Des trains pour les ports maritimes
Tous ces ports font partie de routes maritimes importantes et mondiales, pas seulement des services maritimes feeder. Un port aussi exigu que La Spezia est ainsi touché par des lignes du numéro 2 mondial des conteneurs maritimes, MSC. Si cet opérateur maritime géant vient à La Spezia, c’est qu’il y trouve son compte en termes de services vers l’hinterland. Cela montre toute l’importance des travaux d’infrastructures ferroviaires évoqués plus haut. Globalement, tous les ports italiens disposent d’excellentes connexions vers ses ‘interporto’, des ports secs installés dans l’arrière pays et conçus à l’initiative des régions pour créer de l’emploi et faire tourner la logistique. Ce sont ces ensembles qui ont permit à l’Italie de se maintenir comme plaque tournante des trafics maritimes Est-Ouest, alors que cela demande un coûteux détour des routes maritimes depuis Malte, située très au sud. Les Italiens viennent d’ouvrir un nouveau terminal de conteneurs en eau profonde à Vado Ligure, ce qui prouve l’importance de disposer de bonnes infrastructures pour attirer les flux maritimes.

>>> À lire : Le port de Trieste, champion du report modal

Un autre exemple est celui d’Algésiras, situé dans la province de Cadix, dans la communauté autonome d’Andalousie, en Espagne, qui est le troisième port de la mer Méditerranée. Le détroit de Gibraltar est un serveur maritime mondial qui relie 200 ports chaque semaine, directement et sans transbordement. Le géant numéro un, Maersk, a fait d’Algésiras sa principale plaque tournante. Pourtant, quand on regarde la carte, Algésiras est située dans un coin extrême du sud-ouest de l’Europe, mais c’est aussi une autoroute entre la Méditerranée et l’Atlantique pour les échanges entre l’Est et l’Ouest. Le port pourrait atteindre 5,2 millions d’EVP en 2020, malgré la pandémie. L’idée d’Algéciras est de concentrer les escales des navires Est-Ouest en un seul point, avant de poursuivre vers les États-Unis ou inversement vers l’Asie. La desserte de l’arrière-pays se fait alors par les trains tandis que les navires poursuivent leur navigation, sans perdre de temps par de larges détours vers Rotterdam ou Felixstowe.

Port-railways(photo Port of Algeciras)

RFC-Atlantic-railwaysLe corridor RFC Atlantic connecte Algeciras

Cependant, l’infrastructure ferroviaire reste médiocre malgré le lancement de navettes à destination de l’Espagne. C’est pourquoi Algéciras fait partie du RFC n° 6, le corridor ferroviaire méditerranéen de fret, ce qui signifie des fonds européens pour la modernisation. À ce jour, environ 2,1 milliards d’euros ont été investis par l’État espagnol dans ce RFC n° 6 mais un gros retard subsiste sur la partie au sud de Valence, où les études n’ont pas encore été lancées sur certains tronçons. Algéciras vit bien de son trafic de transit, mais des liaisons ferroviaires lui donneraient encore plus de poids.

Le transit routier, une belle opportunité pour le rail
Quel est le point commun entre Sète, Trieste, Zeebruges, Hull, Lübeck ou Rostock ? Ce sont des noms pas très connus du grand public. Il s’agit de ports spécialisés dans le Roll-Off-Roll-On, en jargon maritime Ro-Ro qui exploite un trafic particulier de semi-remorques chargées sur navire rouliers, sans les chauffeurs. C’est donc un manutentionnaire spécialisé qui se charge des chargements/déchargements sur les terminaux des ports et qui gère les rotations et les horaires. Une belle opportunité pour le train, parce que les semi-remorques ne sont pas toujours prises en charge aux ports par leur propriétaire. Le train peut alors en embarquer jusqu’à 30 unités et les emmener sur un teminal de l’arrière-pays, généralement à proximité d’une zone industrielle. C’est comme cela que des petits ports plus « régionaux » se retrouvent avec des flux ferroviaires internationaux, parfois importants. C’est le cas de Zeebrugge, de Rostock et de Lübeck, qui ont des liaisons directes avec l’Italie ou l’Autriche. Le port de Trieste est même relié à celui de Gdansk, en Pologne, pour le transit Adriatique-Baltique.

Port-railways(photo Port of Lübeck)

Port-railwaysDe grandes opportunités… (photo Port of Lübeck)

Les meilleurs exemples viennent parfois d’où on ne l’attendait pas. C’est ainsi que l’opérateur turc Ekol, voulant contourner les Balkans ainsi que la Bulgarie et la Roumanie, a lancé ses navires Ro-Ro vers Trieste en Italie puis vers Sète, en France. Cela lui permet d’épargner des centaines de chauffeurs, d’autant que dans les ports précités, Ekol ne se contente pas de laisser les semi-remorques à quai, mais les fait placer sur train intermodaux vers diverses destinations. La partie maritime est opérée par le danois DFDS tandis que la partie ferroviaire est opérée par plusieurs entreprises. Avec P&O Ferries, LKW Walter et Cobelfret, Ekol fait partie des grands acteurs couvrant la totalité du mode intermodal, bateau-train-camion. Dans ce contexte, les ports ont tout à gagner d’avoir de bonnes connexions ferroviaires et le train a tout à gagner à s’imposer sur ces marchés, pourvus qu’il ait des corridors et infrastructures ferroviaires de haut niveau.

Port-railwaysTrieste : un terminal Ro-Ro plutôt plein (photo Port de Trieste)

Port-railwaysLes navires rouliers UN.RoRo, avant qu’ils ne passent chez DFDS (photo Claudio Ritossa, MarineTraffic.com)

Port-railwaysEkol, sur wagons à Sète (photo Port of Sète)

Avoir son propre opérateur
Les opérateurs historiques sont bien évidement largement présents dans tous les ports d’Europe. Mais parfois, d’autres initiatives peuvent naître quand on veut améliorer les choses. Une solution, plus coûteuse, est d’avoir son propre opérateur ferroviaire. Le premier à s’être lancé dans ce genre d’aventure fut le numéro un du conteneur maritime Maersk, qui créa en 1994 une joint-venture avec Sealand Service, P & O Containers, Nedlloyd and NS Cargo, nommée ERS. En juin 2000, ERS, Eurogate Intermodal et KEP Logistik (actuellement TX Logistik) fondèrent un réseau de transport intermodal commercialisé sous le nom de boxXpress.de, qui relie les deux ports allemands de Bremerhaven et Hambourg à une douzaine de terminaux allemands essentiellement. Il s’agit donc d’une initiative d’opérateurs et d’exploitants de terminaux.

Metrans-HamburgUn train boxXpress en 2019 avec en tête une Vectron de Siemens (photo Doom Warrior via wikipedia)

Un autre exemple est l’initiative de HHLA, l’autorité portuaire de Hambourg, qui a acquit l’opérateur tchèque Metrans dont elle détient maintenant 100% des parts. Il est assez rare qu’une autorité portuaire dispose de son propre opérateur, sans faire appel à l’entreprise publique nationale (dans ce cas-ci DB Cargo). Hambourg l’a fait afin de sécuriser ses flux par un vaste réseau ferroviaire qui s’étend jusqu’en Pologne, en Tchéquie, en Slovaquie et en Hongrie. DB Cargo est cependant bien présent dans les trafics du port allemand vers des destinations très diverses.

Metrans-Hamburg(photo Metrans)

Le troisième exemple revient à l’idée de Maersk il y a 25 ans, avec maintenant l’initiative du numéro deux du conteneur MSC, qui a créé une filiale Medlog, la branche logistique permettant un guichet unique dans 70 pays pour plus de 12 millions d’EVP traités par an. Pour traiter lui-même certains de ses trafics, MSC a créé MSC Rail, qui est actuellement présent dans trois pays et exploite des trains sous la marque Medway : le Portugal, l’Espagne et l’Italie. Medway a une part de marché de 90 % au Portugal.

Medlog-MSCUn train international Medway appelé « Mediberia » sur la liaison Saragosse – S. Martinho do Campo, au Portugal (photo Nelso Silva via wikipedia)

La filiale Medway Italia a été récemment fondée en 2020 en tant qu’opérateur de fret ferroviaire pour soutenir les chargeurs des principaux ports italiens, en particulier ceux de La Spezia, Gênes et Gioia Tauro. Medway Italia et Medlog Italia se sont fixé comme objectif commun de mettre en place un réseau ferroviaire complet et flexible pour renforcer encore le transport de marchandises en Italie. En septembre 2020, trois mois après son lancement, Medway Italia avait déjà dépassé les 1000 trains intermodaux, malgré la pandémie. Medlog fait circuler actuellement 110 trains de conteneurs par semaine, dont 60 à charge de Medway et 50 à charge de l’entreprise publique Mercitalia. Medway Italia espère atteindre un trafic de 100.000 conteneurs en 2021.

Le train au service des ports maritimes, c’est finalement permettre à chaque État membre d’atteindre les objectifs climatiques. C’est aussi adhérer de manière active au Green Deal annoncé par la Commission européenne. C’est enfin renforcer le pôle commercial que représente l’Europe sur la carte du monde. Mais pour cela, il va falloir aider tous les opérateurs au travers des travaux d’infrastructure nécessaires et procéder à faciliter les procédures et fluidifier le trafic fret dans le trafic voyageurs en lui donnant, par exemple, plus de priorité et des sillons horaire plus rapides.

Pour approfondir :

TRAXX_RegiojetComment l’Europe améliore le fret ferroviaire en Espagne et au Portugal
05/01/2021 – Puisque c’est l’Année du rail, montrons déjà à quoi sert l’Europe. Exemple ici avec la revitalisation de 2 lignes ferroviaires pour connecter les ports et plateformes logistiques de la Méditerranée de l’Ouest et de l’Atlantique


TRAXX_RegiojetComment quatre acteurs disparates créent un flux intermodal
21/12/2020 – Quatre acteurs au business différent, mais qui naviguent dans le même secteur, mettent en commun leur expertise pour créer un flux intermodal. Ou comment laisser les gens de métier faire du bon travail…


FelixstoweL’engorgement des ports britanniques désorganise les flux ferroviaires
15/12/2020 – Le plus grand port à conteneurs du Royaume-Uni est tellement encombré qu’il peut avoir une influence sur les flux ferroviaires à l’intérieur du pays. Explications.


LogistiqueComment le rail devrait se reconnecter à la logistique
09/11/2020 – Comment le rail peut-il augmenter ses parts de marché ? En optant davantage pour une orientation logistique


ERA_Europe_RailwaysLe train écolo, c’est aussi des travaux !
16/11/2020 – 2021 sera l’Année du Rail en Europe. Cela implique pas seulement des trains modernes mais aussi de bonnes infrastructures ferroviaires. Certains estiment que ce n’est pas toujours nécessaire. Vraiment ?


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Un débat sans fin : qui doit payer le train ?

21/01/2021 – Par Frédéric de Kemmeter – Signalisation ferroviaire
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Dans un article du Wired d’août 2019, Christian Wolmar, expert des transports et analyste ferroviaire en Grande-Bretagne, soulevait une intéressante réflexion : qui doit payer le chemin de fer ? Les utilisateurs, le contribuable ou le gouvernement ?

La politique tarifaire britannique, avant la Pandémie, avait toujours été marquée par des tarifs assez élevés. Wolmar explique que c’est l’usager, et non le contribuable, qui a été graduellement obligé de supporter une part de plus en plus importante des coûts du rail. «Au fil du temps, le taux de couverture est passé d’un tiers du coût du chemin de fer à deux tiers», explique l’expert. Ce qui a provoqué quelques délires politiques quand, surtout à gauche, on a tenté de faire croire que cette augmentation partait dans les poches des actionnaires. Un argument battu en brèche par Anson Jack, professeur d’analyse comparative ferroviaire internationale au Birmingham Centre for Rail Research et Éducation, qui explique l’équation : « le Parti travailliste soutenait que si nous n’avions pas d’entreprises privées, l’élément profit pourrait utilement retourner vers le rail ». De son côté, le syndicat RMT a toujours proclamé que les sociétés d’exploitation ferroviaire continuaient de faire des bénéfices, sous entendu au détriment des investissements. « Mais l’élément de profit sur le chiffre d’affaires total des opérateurs ferroviaires est d’environ 2% ! » rétorque Anson Jack. Que peut-on faire de mieux en récupérant ces 2% vers l’État ? Rien ! « Même si les tarifs augmentaient de 5%, cela n’entraînerait pas une amélioration du service », assène Anton Jack. D’autres auteurs estiment que ces 2% serviraient de facto à combler les surcoûts inévitable de la gestion de l’état, ce qui ne rendrait pas le train moins cher pour les contribuables, comme le prétend le Labour…

Cette analyse peut parfaitement s’appliquer en Europe. Les européens ont certes pratiqué une autre politique, bien plus sociale, mais la couverture des coûts par l’usager/client est très médiocre, de l’ordre du tiers dans le trafic subventionné. La croyance selon laquelle le rail européen coûte moins cher « justement parce qu’il est aux mains de l’État », n’est pas démontrée, parce que derrière l’État, il y a toujours quelqu’un qui paye. L’État, qui n’a aucun actionnaire, reste toujours un élément de coût par son mode d’organisation et par les obligations de services à peu près toujours contraires à la rationalité économique. Si on y ajoute les particularités sociales, les coûts n’iront certainement pas à la baisse. La mise en place d’une nouvelle convention collective en Allemagne a fait grimper les coûts de production pour tout le monde, y compris les prestataires privés. C’est évidemment un gain pour les travailleurs, ceux qui sont aux premières loges de l’exploitation.

Il y a trois enjeux distincts :

  • Quel est le périmètre du service public où l’autonomie financière est impraticable ?
  • Quels sont les coûts réels et quels moyens pour les contenir ?
  • Quelle répartition de ces coûts, sur quelles têtes va-t-on passer la facture ?

On entre bien évidemment ici dans le champ politique. Il est apparu que des quatre secteurs du rail, deux n’auront jamais l’autonomie financière : l’infrastructure et les trains locaux/régionaux. Il est donc parfaitement logique que ces secteurs soient subsidiés, par des systèmes variés d’encadrement des subsides et des prestations selon les cultures politiques de chaque pays. Le trafic local et régional est crucial pour le quotidien des citoyens, notamment pour aller au travail ou à l’école. Sur ce segment, l’acceptation du prix du billet ou de l’abonnement atteint vite un seuil psychologique très bas dont la perception dépend évidemment de la situation privée de chacun. Dans ce contexte, il ne faut guère s’étonner de l’exécrable couverture des coûts du transport régional. D’où la phase suivante.

Concernant les coûts, la première idée est en effet de voir si on ne peut pas faire du train autrement. Il a déjà été démontré que oui, au travers d’opérateurs qui ont pu construire une structure de coûts différente que celle de l’économie administrée, tout en opérant en délégation de service public. Ces modèles, quoique fragiles, ont bousculé les habitudes managériales et sociales des entreprises publiques historiques. Par exemple par l’adoption de technologies nouvelles qui, bien qu’onéreuses à la base, permettent de surveiller un vaste kilométrage de réseau sans devoir poster du personnel tous les trois kilomètres. La fibre optique a ainsi tué des centaines de petites cabines de signalisation et tous les emplois qui allaient avec. Tout comme l’électricité a jadis tué la vapeur et les équipes de compagnons qui opéraient sur les anciennes locomotives. L’ensemble de l’écosystème ferroviaire fait ainsi l’objet d’une recherche permanente à la fois de fiabilité et d’encadrement plus stricte des coûts de production.

Concernant la répartition, certains économistes soutiennent que si on veut une politique sociale particulière pour le personnel, ce ne sont pas les usagers directs qui doivent en supporter les surcoûts, mais le gouvernement. D’autres renchérissent en estimant qu’on oublie sciemment les bénéfices du rail à la collectivité, en termes de routes moins encombrées, de cohésion sociale et de lutte contre le réchauffement climatique. Derrière cela il y a l’idée que le rail bénéficie à tous, y compris les 90% de citoyens qui n’utilisent jamais le train, et qu’il est donc logique de faire supporter le coût du rail à tous ces « bénéficiaires » . Ce qualificatif est évidemment sujet à des débats politiques et académiques intenses, sachant qu’il y a trop d’éléments difficilement mesurables pour affirmer et confirmer le bénéfice en question. Certains radicaux voudraient même que le transport public, et donc les trains, soient l’unique objet de mobilité disponible, mais il s’agit pour ces gens-là d’exercer un contrôle social idéologique, ce qui nous éloigne complètement du transport et du sauvetage de la planète…

La différenciation entre gouvernement et contribuables d’après Christian Wolmar est finalement caduque : au travers de la fiscalité, contribuables et gouvernements ne font qu’un. La question de la fiscalité ramène immédiatement à la politique, quand certains la voit plutôt prendre en charge l’enseignement, la santé et bien d’autres besoins de première nécessité, comme les infrastructures. Il y a donc un questionnement légitime envers ceux qui promotionnent le rail à n’importe quel prix, car cela ne mènera pas à une hausse d’utilisation du mode rail, qu’il soit d’État ou par DSP interposée. Alors quoi ?

On en revient au point de départ et à se pencher sur les coûts complets du transport. Entre la route et l’aviation qui ne payent pas leurs externalités et un transport public onéreux, la question de la répartition de l’effort sur un ensemble de population n’est pas tranchée, et ne le sera probablement jamais. Les britanniques ont tenté la couverture des coûts ferroviaires la plus maximale possible par les seuls usagers. Le trafic a certes doublé en 20 ans de franchises, mais routes et autoroutes sont toujours aussi pleines. En Europe, on a préféré alléger les épaules des usagers mais pas vraiment ceux des contribuables. Le train y est moins cher mais là aussi routes et autoroutes sont toujours aussi pleines, quoiqu’on fasse. Deux options, même résultat. Par ailleurs, l’élévation de diverses normes de sécurité et de sophistication des appareillages techniques enchérissent encore les coûts, mais ici il faut rappeler que les investissements ferroviaires doivent toujours être analysés sur le long terme, ce qui diminue la facture finale.

C’est en réfléchissant de cette manière qu’il faut opérer des choix pour décider sur quelles épaules il faut faire reposer les coûts d’une politique ferroviaire soutenable pour tous.

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Pour approfondir :

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Railtour : quand le train rimait avec ambiance de vacances

Par Frédéric de Kemmeter – Signalisation ferroviaire et rédacteur freelance – Inscrivez-vous au blog
15/01/2021

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De notre série « Aah, les trains d’hier… »

« Le train, déjà un avant-goût du voyage ». Tel était le slogan du train couchettes vers les destinations , ensoleillées. À une époque, c’est à dire au début des années 70, où les autoroutes ne menaient pas encore vers toutes les plages de Méditerranée, le train pouvait encore s’imposer comme l’alternative. C’est la raison qui poussa la SNCB à concevoir des trains spéciaux pour ses vacanciers.

Railtour est une création de 1956, regroupant à l’origine 14 agences de voyage, dont Wagons-lits/Cook et Havas. L’agence était un tour-opérateur organisant des vacances « tout compris » train + hôtel. Elle avait acheté 16 voitures-couchettes en 1967. En 1970, la SNCB entrait dans le capital de l’agence puis Railtour devint une coopérative en 1976. C’est aussi l’époque de la « coopération » entre réseaux ferroviaires et des chasses gardées : la SNCF avait la haute main sur FTS-Frantour et conservait son monopole la France tandis que Railtour desservait les autres destinations favorites des belges, en Espagne et en Italie en été, en Suisse et en Autriche, ainsi que les Dolomites, en hiver. Chacun chez soi…

Le concept de train de vacances fut poussé assez loin par Jacques Cornet, cadre SNCB qui fut l’une des figures de Railtour. Les trains offraient en effet la totalité des conforts, voitures-lits, voitures-couchettes, voitures avec places assises et… les très célèbres voitures-bar dancing qui furent le must de ces train.

>>> À lire : Quand jadis, les belges dansaient sur les rails en partant vers le Sud…

Quatre trains de prestige
Les années 70, déjà propices aux trains-autos-couchettes, furent une décennie riche en création de trains de vacances Railtour. Qu’on en juge :

  • Alpina-Express Bruxelles-Sierre en hiver – janvier 1972;
  • Ski-Express, Bruxelles-San Candido en hiver – janvier 1973 ;
  • Freccia del Sole, Bruxelles-Rimini en été – mai 1974 ;
  • Camino Azul, Bruxelles-Port-Bou en été – mai 1975 ;

Voyons cela dans le détail, à une époque où ces trains étaient exclusivement réservés aux clients ayant acheté la formule « all inclusive », c’est à dire train + hôtel. L’ensemble comprenait la prestation ferroviaire ainsi que les repas à bord et le transfert en taxi ou autobus jusqu’à la porte de votre hôtel. En bref, comme tout tour-opérateur qui se respecte…

Alpina-Express
Premier des quatre trains Railtour : l’Alpina-Express démarra en janvier 1972. Les belges aiment aussi la Suisse et son domaine skiable, et plus particulièrement le Valais. La Suisse, plus proche de la Belgique, imposait un départ plus tardif de Bruxelles à 21h30 et 22h20 de Namur, ce qui excluait la clientèle d’Arlon et de Luxembourg, où le train passait en début de nuit. Comme pour les autres trains sur cet axe, c’est souvent une locomotive de série 20 SNCB qui officiait jusqu’à Luxembourg, où s’opérait un demi-tour avec une machine française jusqu’à Bâle. Tôt matin, le train poursuivait jusqu’à Lausanne, avec une confortable arrivée à 8h06, s’arrêtant par la suite à Montreux, Aigle, Bex, Martigny, Sion et finalement Sierre, arrivée 9h32. Pourquoi pas Brig, un peu plus loin ? Difficile de le dire. On sait qu’un autre train de nuit, le 299 ordinaire venant d’Ostende, reliait Bruxelles à Brig. Par ailleurs, durant certaines saisons, une voiture-couchettes était attelée à Bâle sur un train vers Innsbruck, permettant la desserte du Vorarlberg autrichien, qui n’était pas pris en charge par le frère Ski-Express. La desserte de Coire (Chur) était aussi assurée par le 299 d’Ostende. L’Alpina-Express privilégiait donc les pentes romandes du Valais…

Railtour-Alpina-ExpressL’Alpina-Express sur ce qui était encore la dernière section à voie unique dans la vallée du Rhône (aujourd’hui devenue… une route, un tunnel remplaçant l’ancien tracé). Derrière la Re 4/4 II des CFF, deux voitures-lits, quatre voitures-couchettes I5, le fourgon Dms, la voiture-bar dancing SR1 qui émerge du tunnel, et d’autres voitures invisibles. 1992… (photo Tryphon)

L’Alpina-Express n’aura pas tout de suite de voiture-bar dancing, la SR1 n’existant que dès 1974, pour aller garnir la nouvelle création de Railtour.

Ski-Express
Deuxième train de Railtour, il quitta Ostende le vendredi 5 janvier 1973 à destination de Bolzano, aux pieds des Dolomites. Il passait par le Tyrol en desservant les gares de Wörgl, Jenbach et Innsbrück. Il était exclu de la clientèle allemande, malgré son arrêt à Aix-la-Chapelle pour changement de locomotive. Passé Brennero, à la frontière Austro-italienne, le train s’arrêtait à Vipiteno, Fortezza, Bressanone, Chiusa puis Bolzano comme gare terminus, à 11h57 (tout de même). Le sens inverse reprenait les mêmes arrêts et le retour à Ostende le dimanche. S’agissant des vacances d’hiver, on était évidemment calé sur la semaine au ski, c’est à dire le traditionnel départ du vendredi soir après le travail pour un retour le dimanche matin de la semaine suivante. Les derniers départs de la saison s’effectuaient fin mars/début avril.

Railtour-TravelConfort et ambiance des années 80…(photos catalogue Railtour)

Cette rame du Ski-Express comportait des voitures à places assises, des voitures couchettes et des voitures-lits mais pas encore de voiture bar dancing. L’année suivante le tronçon Ostende-Bruxelles-Midi est déjà supprimé et le ski express obtient un horaire accéléré en quittant dorénavant Bruxelles à 19h14 pour arriver à Bolzano le lendemain à 11h57. Au cours de la saison 1975/76, la marche est encore accélérée et le Ski Express reçoit une tranche de voiture à destination de Salzbourg via Wörgl et Schwarzach-St. Veit en desservant notamment les gares de Kitzbühel ou encore Zell am See, haut lieu du tourisme autrichien. À la saison 1977/78 le Ski-Express reçois une 3e tranche de voiture directes à destination de San Candido, au pied des Dolomites. Le tronçon entre Fortezza et San Candido est encore exploité en traction diesel. Pour la saison 1978/79, le train reçoit une 4e tranche de voitures avec pour destination Villach, toujours en faisant le détour par Wörgl et Schwarzach-St. Veit. Salzbourg ne faisait déjà plus partie du programme…

SNCB-InternationalTout compris, cela veut dire qu’on portait même les bagages ! La photo de droite permet de deviner la voiture bar-dancing SR2 et une voiture-lits de type T2S…(photos catalogue Railtour)

Ce n’est qu’à l’aube des années 80 que le Ski Express reçoit la fameuse voiture bar dancing SR 2 dont nous avons déjà parlé. Quelques années plus tard, un fourgon Dms est encore incorporé dans la tranche pour San Candido. Pour l’hiver 1984/85, la tranche Schwarzach-St. Veit reçoit une voiture de seconde classe sous forme d’une voiture proto I4 dont un autre exemplaire sera incorporé dans la tranche San Candido. Il s’agissait d’attirer les petits budgets alors que le train est déjà ouvert à toute la clientèle, non seulement aux clients Railtour dont le déclin s’amorçait déjà.

Railtour-NMBSUne rare photo de ce Ski-Express à son arrivée à San Candido, aux pieds des Dolomites. Derrière la E633 004 surnommée en Italie « Tigre », un fourgon générateur pour la conduite électrique, suivi de la voiture places assises I4 Proto, une voiture-lits T2 et plusieurs voitures-couchettes I5 SNCB avec le bandeau Railtour. Quelle époque… (photo Michel Verlinden)

Freccia del Sole
Pourquoi ne pas rééditer le succès d’hiver pour la saison d’été ? Et au passage rentabiliser la rame du Ski Express qui dormait hors saison… En créant un train vers les plages ! Non pas vers la France, zone en monopole réservée à Frantour/SNCF, mais vers l’Italie, où le concept de tour-opérateur pouvait plus facilement s’affirmer que dans un pays où l’habitude est d’aller à l’hôtel plutôt qu’en location. C’est donc le 31 mai 1974 que démarra ce train, à la composition identique au Ski-Express, sauf que Railtour y incorpore une de ses marques de fabrique : la voiture bar-dancing SR1.

Railtour-Travel-NMBSUne autre époque : voitures-couchettes I5 et voiture-bar dancing SR1. On est bel et bien en vacances (photo mediarail.be & Railtour)

D’emblée ce train comporte trois tranches de destinations : Rimini, Albenga (Riviera des Fleurs) et Venise. Il est long, lourd et atteint parfois 16 voitures. Son passage par Namur et Luxembourg lui faisait passer par la ligne belge L162, la plus belle de Belgique qu’on admirait en soirée en sirotant. Les locomotives SNCB de série 20, qui venaient de sortir d’usine, n’était pas de trop pour tenir l’horaire sur cette ligne. Après le demi-tour dans la capitale grand-ducale, le train traversait l’Alsace puis la Suisse en pleine nuit, avec à chaque fois les traditionnels changement de traction. Le bar-dancing était toujours en activité en arrivant à Bâle…. L’arrivée à Domodossola, quatre heures plus tard, correspondait à l’embarquement des petits déjeuners servis au-delà de Milan. Tout une logistique qu’il fallait mettre sur pied. Au début de l’exploitation de ce train, il y avait même une voiture-buffet issue d’une transformation d’une voiture I2, avec 20 places pour la table, les compartiments étant affectés au personnel de bord.

À un certain moment, on avait l’utilisation des voitures suivantes : voiture bar-dancing SR1, voiture-buffet AR2, diverses voitures couchettes I5 et voitures-lits T2 et parfois MU. A début, la livrée était de trois bandes, bleues sur les voitures-couchettes, orange sur les voitures-bar :

Railtour-Travel-NMBSL’alignement du matériel. On constate la différence de longueur des voitures : modèle des années 50 pour les voitures-bar transformées, modèle UIC-X avec longueur de 26,40m pour les voitures-lits et couchettes des années 60/70.

Une de ces voitures-buffet dites AR2, ici lors de leur mise à la retraite…

Railtour-T2-Alpina-ExpressÀ ne pas confondre avec la précédente : ici c’est la véritable SR1, reconnaissable à son demi-pan aveugle. Cette SR1 sera suivie d’une SR2 plus moderne en 1978 (photo Michel Verlinden)

>>> Vous êtes perdus ? Voyez notre petite fiche récapitulative des voitures SNCB

Plus encore que le Ski-Express, le Freccia del Sole devenait le fleuron incontestable de Railtour et de la SNCB à l’international. Pour la petite histoire, une locomotive série 16 SNCB remorqua en 1974 ce train jusqu’à Spiez, en Suisse, démontrant l’interopérabilité du matériel roulant belge. L’affaire n’ira pas plus loin, l’industrie locale s’inquiétant de cette expansion et la loco limitée à Bâle, alors que les rames TEE Rae des CFF, de même technologie, circulaient jusqu’en Belgique sans problèmes par le même itinéraire… Dans les premières années, le Freccia del Sole réservé aux seuls clients Railtour offrait le repas du soir, en cabine ou compartiment, ce qui amenait parfois à servir près de 600 personnes ! Pour l’équipe à bord, le bar-dancing était alors fermé et les deux barmans apportaient aux accompagnateurs de voitures-lits et voitures-couchettes des cassolettes chaudes, généralement un émincé de poulet. Après le repas, il était temps de faire descendre tout cela…

Bar-dancing-RailtourLa soirée s’annonce bien… (photo catalogue Railtour)

Pour l’été 1978, la SNCB avait changé la destination finale de l’un de ses 36 fourgons Dms en construction : le chaudron 17435 fut directement envoyé du constructeur à l’atelier de Malines pour y être aménagé comme dans la SR1 : bar, piste, salon et écrans télé. Railtour possédait désormais deux voitures-bar dancing mais se débarrassait déjà des voitures-buffet AR2. L’été 1975 est pour ainsi dire l’apothéose où chacun des trois tranches dispose de sa voiture-lits, généralement des T2. Mais comme la tranche Rimini était la plus importante, on lui avait même rajouté une voiture-lits MU. Moralité : ce train disposait d’au minimum 4 voitures-lits, 6 voitures-couchettes et… d’une bar-dancing. En haute saison, on pouvait monter à 16 voitures.

Au fil du temps, l’horaire s’améliora et la SNCF lui colla même l’indice C160 ! Dès 1983, le Freccia del Sole perdit son exclusivité Railtour et devînt un train de nuit saisonnier ordinaire. Mais cela ne changea rien à la « compo » qui restera toujours aussi lourde et bien munie de la précieuse voiture SR2…

Railtour-SNCBSenigalia, sous le soleil, après la fête (photo Michel Verlinden)

Camino Azul
Un autre pays attirait beaucoup de vacanciers belges : l’Espagne. Railtour entreprend alors d’exploiter « un hôtel roulant entre la Bruxelles et Barcelone », pouvait-on lire à l’époque. Entorse intellectuelle car comme chacun sait, pas de ligne UIC entre la France et les destinations espagnoles. C’est donc à Port-Bou qu’aura pour terminus réel ce train lancé le mardi 3 juin 1975. On y reprend les mêmes principes que ceux du Ski-Express et du Freccia del Sole. La voiture-dancing SR1 étant occupée dans ce dernier entre vendredi et dimanche, Railtour procède donc à un départ le mardi pour récupérer la précieuse voiture. Retour jeudi matin à Bruxelles, nettoyage puis préparation pour le vendredi soir, à nouveau sur le Freccia del Sole, et ainsi de suite. Du personnel et des hôtesses de l’agence Railtour sont présentes à bord et les repas sont servis comme sur son cousin vers l’Italie.

SNCB-Railtour-Camino-AzulLe Camino-Azul avec la nouvelle livrée dite « arc-en-ciel », apparue dans les années 80. La locomotive SNCB arbore la livrée jaune qui fut testée à la fin des années 70 sur le parc moteur. La 2025 fut la seule à la porter. En route vers Luxembourg…

L’ère des polytension jusqu’à Thionville, avec des locomotives série 16 ou 18, avait pris rapidement fin et ce sont les « 20 », les plus puissantes du parc SNCB, qui remorquaient tant le Camino-Azul que le Freccia del Sole, tarés parfois à 850 tonnes, jusqu’à Luxembourg, gare commutable accueillant le 3kV belge. De là, une 25000 ou une 15000 SNCF prenait le relais. Le Camino-Azul perdit aussi son statut de train d’agence dès l’été 1977, devenant un « train pour tous », la clientèle luxembourgeoise et française n’étant cependant pas acceptée à bord (le train étant de toute manière plein…). Les clients Railtour avaient toujours droit aux repas et à l’accompagnement à bord. L’arrivée sur les bords de la Méditerranée était plutôt matinale : 5h50 à Narbonne ou 6h52 à Perpignan, après une nuit arrosée dans la voiture bar-dancing, c’était disons… sportif ! L’inconvénient majeur du Camino-Azul était sa destination Port-Bou, obligeant les vacanciers à descendre et à poursuivre le voyage sur les voies espagnoles. Dans les années 70/80, la Renfe ne présentait pas des trains comme de nos jours, et on pouvait avoir la certitude de vivre un grand moment exotique en partant vers Barcelone…

Railtour-T2-Alpina-ExpressUne des voitures-lits T2 de la SNCB affectée aux trains Railtour, qui insistait pour avoir les exemplaires climatisés (photo Mediarail.be)

Railtour-Camino-AzulLe Camino-Azul à Port-Bou : tout le monde descend ! Derrière la magnifique CC6567, on reconnait la voiture places assises I4 « Proto » puis une voiture-couchettes I5, une voiture-lits et la voiture-bar dancing SR1 (photo Michel Verlinden)

Et puis ensuite….
Le monde évoluait. Malgré l’excellence de ces trains, la clientèle Railtour déclinait, tandis que les trains se remplissaient d’une clientèle individuelle, boudant les agences de voyage. Les forfaits « tout inclus » n’avaient plus la cote et la formule hôtel était jugée trop chère, une préférence étant la location d’un studio que maîtrisaient mal les agences de voyage. Par ailleurs, la progression des autoroutes combinée à la technologie améliorée des autos permettait de descendre dans le sud ou dans les Alpes en une journée sans trop se fatiguer. Les agences associées à Railtour se dissocièrent du concept dès la fin des années 80, constatant ce qui précède. La SNCB maintînt néanmoins les quatre trains dans les années 90 à des horaires grosso modo similaires. L’ambiance y était toujours assurée par les SR1 ou SR2 mais au débarquement, chacun devait se débrouiller pour rejoindre son logement.

De modifications en modifications, l’Alpina fut le premier à disparaître au milieu des années 90 tandis que le deux frères d’été, le Freccia et la Camino, furent convertis en train-autos-couchettes, avec des variations d’une saison à l’autre. La SNCB y croyait encore : la radiation de la voiture-bar dancing SR1 entraîna la construction… de la SR3 et l’application d’une troisième livrée sur la SR2. Pas pour longtemps ! La fin de tout train de nuit fut sonnée en 2003.

Le concept Railtour est clairement à réinventer dans le monde d’aujourd’hui, en recherche d’une autre façon de voyager. Il faudrait pour cela investir dans du nouveau matériel roulant et de nouvelles liaisons, les limites d’hier n’étant plus celles d’aujourd’hui. Pourquoi ne pas remettre trois trains Railtour : l’un pour Florence-Livourne (Toscane), un autre pour Perpignan-Gérone-Barcelone (via la ligne du Perthus) et un sur St Raphaël-Nice-Menton (Côte d’Azur). Roulez jeunesse…

D’autres voitures d’époque ? C’est ci-dessous :

SNCB_siege_2Quand jadis, les belges dansaient sur les rails en partant vers le Sud…
21/08/2020 – Les belges ont toujours été friands de vacances. Du coup, dans les années 70, la société Railtour créa une voiture pas comme les autres, histoire d’agrémenter le voyage : la voiture bar-dancing


BackOnTrack_07La fameuse voiture-lits T2 : histoire d’une belle réussite
25/06/2020 – Ce fut l’une des reines des trains de nuit des années 70 à 2000. La voiture-lits T2, et sa consœur “germanique” T2S, répondaient à une évolution de la société. Explications



train_de_nuitLa voiture-couchettes : comment on a démocratisé le train de nuit (1)
23/10/2020 – Les voitures-couchettes sont nées de la volonté de démocratiser les trains de nuit, jusqu’ici dominés par les voitures-lits, nettement plus chère pour la classe moyenne. Première partie qui nous mène jusqu’aux années 70



Corail_Lunéa_André Marques_wikiLa voiture-couchettes : comment on a démocratisé le train de nuit (2)
30/10/2020 – Deuxième et dernière partie de notre historique sur les voitures-couchettes. 1975-2000, une seconde période assez riche…





Le train écolo, c’est aussi des travaux !

16/11/2020 – Par Frédéric de Kemmeter – Signalisation ferroviaire et rédacteur freelance
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L’année prochaine, 2021, sera une belle opportunité pour le transport ferroviaire européen puisqu’elle sera appelée Année européenne du rail. Elle portera sur la création d’une infrastructure ferroviaire durable, attrayante et facilement accessible pour les habitants du continent européen. Une minorité ne semble pas de cet avis…

En 2017, 27 % des émissions totales de gaz à effet de serre de l’UE-28 provenaient du secteur des transports (22 % si l’on exclut les émissions de l’aviation et du transport maritime internationaux). Les émissions de CO2 dues aux transports ont augmenté de 2,2 % par rapport à 2016. Avec la vague verte actuelle, le train a été opportunément remis au centre de l’échiquier comme un transport à faible émission de carbone. Une bien bonne idée mais attention, les gens n’utilisent l’alternative ferroviaire que lorsqu’elle existe à un prix abordable et avec un niveau de service élevé. Nous en avons la preuve avec l’ouverture du TGV en 1981 en France ainsi qu’avec toutes les autres lignes à grande vitesse en Europe. Sans ces hauts niveaux de service, nous aurions toujours des gens qui feraient 600 kilomètres en avion, ce qui n’est pas durable. À une échelle plus locale, de nombreuses reconstructions de lignes ferroviaires ont ramené la population vers les trains. Dans certains cas, il a fallu couler beaucoup de béton et revoir le tracé des voies (voir la nouvelle gare principale de Vienne ou le S-Bahn de Zurich). Tout cela coûte beaucoup d’argent, mais il n’y a pas de bons chemins de fer sans de bonnes infrastructures.

Bien sûr, toute nouvelle infrastructure ferroviaire, en particulier un projet d’infrastructure à grande échelle comme HS2 ou Stuttgart 21 en Allemagne, a un impact sur la faune et sur les proches riverains. L’utilisation des sols est certainement le principal facteur de perte de biodiversité au niveau global. Toutefois, par rapport à d’autres systèmes de transport, comme les routes, on en sait moins sur l’impact du chemin de fer sur la faune et la flore sauvages, ainsi que sur ses spécificités. Alors qu’il existe un grand nombre de recherches sur l’écologie routière, il en existe beaucoup moins sur l’écologie ferroviaire.

Malheureusement, cela semble avoir été l’occasion pour certains groupes radicaux de décréter toute forme d’infrastructure ferroviaire comme une destruction de la planète ! Ces gens imaginent avec beaucoup de folklore qu’un simple train suffit pour le transfert modal. La vraie question est de savoir pourquoi les lignes actuelles, sans travaux de modernisation, seraient plus durables et écologiquement plus vertueuses ? La réponse est que leur version du rail est un peu artisanale – le petit train qui prend son temps -, et c’est un argument qui vise plutôt la décroissance. En outre, le petit train est aussi une arme commode à mettre au crédit d’un autre combat. Le béton, la construction, l’industrie, les bureaux d’études, l’acier, le cuivre extrait si loin sur d’autres continents pauvres (pour les câbles électriques), mais aussi la frénésie des voyages longues distances, tout cela représente, chez eux, le capitalisme destructeur de la planète.

C’est avec cette idée que le train de nuit semble avoir été élevé au rang de magie pour éviter au maximum les lignes de TGV et les grands travaux d’infrastructure. Les écologistes et d’autres considèrent les trains de nuit comme un deal parfait de mobilité à faible émission de carbone n’ayant pas besoin d’infrastructures supplémentaires coûteuses. Cependant, ces deux transports ferroviaires ont leur propre clientèle et n’obéissent pas aux mêmes segments de marché. Le TGV est destiné aux trajets rapides entre 200 et 800 kilomètres, en concurrence frontale avec l’aviation, tandis que le train de nuit est conçu pour des distances plus longues. Le TGV est un transport de volume, transportant beaucoup de passagers, alors que le train de nuit est plutôt un marché de niche, pour une clientèle familiale/loisirs, et éventuellement d’affaires. Faire circuler des trains de nuit ne signifie certainement pas arrêter la poursuite du programme à grande vitesse ni d’éviter des chantiers géants comme Stuttgart ou Paris-Nord. Mettre ces deux transports en opposition idéologique ne rend pas service aux chemins de fer. Les deux types de trains doivent croître en parallèle, ne fusse que pour la viabilité des entreprises de chemins de fer.

On sait depuis longtemps que le manque d’infrastructures a un impact en cascade sur l’économie nationale, affectant négativement les entreprises, l’emploi, les revenus personnels et le niveau de vie des citoyens. Il suffit de regarder le continent africain : est-cela ce que nous voulons ?

Certains groupes proposent de développer une nouvelle esthétique de la suffisance, où nous réutiliserions et remodèlerions le stock de lignes de chemin de fer existantes, et où nous explorerions des modes de déplacement moins impactant. Ils critiquent qu’on se focalise trop sur les grands projets coûteux plutôt que les besoins réels au niveau local. Cela est peut-être vrai dans les pays qui n’ont pas suffisamment déléguer vers le niveau local. Mais pour ceux qui ont très largement recours à la décentralisation, on constate que les autorités régionales jouent un rôle grandissant en élaborant des stratégies et des plans de transport aux niveaux régional et local, et en décidant des investissements et du rôle du rail. D’autre part, jouer le localisme contre le national et l’international convient aussi aux théories de la décroissance mais comporte le risque d’appauvrissement du pays, et de son chemin de fer. C’est le serpent qui se mord la queue…

La lutte contre les nouvelles infrastructures ferroviaires est une aberration et va à l’encontre d’un système de transport durable. On sait que les chemins de fer nécessitent moins d’occupation du sol que les autres moyens de transport. Bien sûr, lorsqu’il est possible de reconstruire une ligne existante, il faut en profiter. Mais on oublie souvent que les lignes de chemin de fer ont été construites au XIXe siècle et qu’elles ne répondent plus aux normes des chemins de fer modernes (courbes, pentes, implantation au milieu d’un environnement bâti). La reconstruction est parfois beaucoup plus difficile, très coûteuse et ne permet sûrement pas d’éviter le « capitalisme du BTP ». La circulation doit être suspendue, les chantiers causent beaucoup de nuisances aux habitants et cela prend beaucoup de temps. Pourtant, certains travaux sont indispensables si on ne veut pas voir un pont s’écrouler ou une voie s’affaisser à cause des infiltrations d’eau.

Koralmbahn, Autriche, est aussi destiné à booster une région

«Le Green Deal sans infrastructure de base ne fonctionnera tout simplement pas», explique Monika Heiming, directrice exécutive du groupe de lobbyistes European Rail Infrastructure Managers, basé à Bruxelles. L’objectif de l’UE est de transférer 30% du transport routier sur des distances de plus de 300 kilomètres vers les trains et les barges d’ici 2030, et d’atteindre 50% d’ici 2050. «Le rail est saturé, un transfert modal ne peut venir qu’avec de la capacité, mais nous n’avons plus de capacité». On estime que quelques 500 milliards d’euros seront nécessaires d’ici 2030 pour achever les travaux sur les lignes du réseau européen TEN-T, qui gèrent l’essentiel du trafic transfrontalier. Ce réseau TEN-T a justement été conçu pour ne pas disperser l’argent n’importe où et pour créer des couloirs ferroviaires entre les États-membres, ce qui n’aurait jamais eu lieu sans ce coup de pouce de l’Europe.

Si on désire le modal shift, il faut prendre le chemin de fer dans son ensemble. Dans de nombreux endroits, le béton devra encore couler, par exemple pour protéger certains riverains par des murs anti-bruit. Les petites gares devront bénéficier de travaux pour mettre les quais au niveau du train ou par exemple remplacer les systèmes d’information. De nouvelles installations techniques seront indispensables dans de nombreux endroits. De nouveaux trains doivent encore être construits avec des nouvelles normes et les nouvelles technologies doivent être mises en oeuvre là où cela apporte une plus-value à l’exploitation et à la sécurité ferroviaire. Grâce aux nouvelles technologies et à la collecte de données, les efforts de maintenance peuvent être ciblés, à un coût moindre, et l’efficacité, la sécurité et la fiabilité sont accrues. Dans certains cas, il faut construire une nouvelle ligne ou un nouveau tunnel pour obtenir plus de capacités et distinguer ce qui relève des trains grande ligne de ceux qui sont nécessaire à la population locale.

Les chemins de fer et le transport public sans nouvelles infrastructures sont une utopie. Il ne faut jamais oublier que pendant qu’on tergiverse sur une ligne nouvelle ou un métro, les autres modes de transport poursuivent leur progression et une politique agressive de lobbying en leur faveur. On en fera pas de transfert modal sans une croissance de la modernité. Après tout, ceux qui adhèrent à la décroissance ont toutes leurs chances de mettre facilement en pratique leurs convictions : ne plus voyager du tout…

16/11/2020 – Par Frédéric de Kemmeter – Signalisation ferroviaire et rédacteur freelance
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Pour appronfondir :

train_de_nuitOù en est le projet de Stuttgart 21 ? 29/10/2020 – Le projet Stuttgart 21. Un chantier énorme pour une ville de 630.000 hab et qui avance. Ou comment mettre la 6ème ville allemande au top ferroviaire, avec en prime une ligne nouvelle vers Ulm


Et si l’immobilier finançait le rail ?
28/09/2020 – Le chemin de fer est un secteur qui apporte très peu de rendements. D’autres domaines adjacents pourraient lui rapporter des revenus supplémentaires, mais pas en vendant à tour de bras. Explications.


La nouvelle Sagrera prend formeBarcelone : la nouvelle gare de Sagrera et un parc de quatre kilomètres
24/09/2020 – La Sagrera, un quartier nord de Barcelone, va recevoir une gare TGV et un pôle multimodal accompagné d’un renouveau urbanistique, dont un parc de 4km ! Visite des lieux.


Infrastructure_ProRailPas de bons trains sans bonnes infrastructures…
04/03/2019 – Pas de bons services trains sans bonnes infrastructures. Cette évidence doit encore être rappelée, alors que l’infrastructure ferroviaire suscite une interrogation quant à ses coûts et son entretien dans toute l’Europe.


Gothard-Basis-tunnelTunnels ferroviaires : qui va gagner la bataille des Alpes ?
05/11/2018 – Le dossier du Lyon-Turin, qui traîne depuis plus de 20 ans, est l’occasion de mesurer les enjeux du passage des trains à travers les Alpes, tandis que la Suisse et l’Autriche nous préparent une capacité cumulée de près de 800 trains par jour.

>>> Voir aussi : Lyon-Turin le débat continue, par Patrice Salini (billet invité)


Liverpool_Street_station,_London,_England-26Feb2011 Les gares, plus qu’un lieu de passage
17-09-2017 – Pour la majorité des personnes, la gare reste encore un lieu de passage, celui que nous quittons le plus rapidement possible pour aller en ville, au travail ou pour retourner à la maison. Pas question de s’attarder au milieu d’un tel environnement industriel. Mais les temps ont changé, et la mission des gares aussi. Analyse.


La voiture-couchettes : comment on a démocratisé le train de nuit (2)


30/10/2020 – Par Frédéric de Kemmeter – Signalisation ferroviaire et rédacteur freelance
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De notre série « Aah, les trains d’hier… »

Suite de notre première partie. Nous sommes au milieu des années 70 et le tourisme de masse est maintenant devenu une banalité. Pistes d’hiver et plages d’été attirent les foules, ce qui impliquent de renouveler les différents parcs de voitures-couchettes.

On peut s’étonner de trouver cette seconde partie relatant une période plus récente dans la rubrique « jadis ». C’est un choix. Si certaines voitures-couchettes qui vont être développées ci-dessous circulent encore, beaucoup ont pris le chemin du ferrailleur. La grande vitesse et certaines croyances marketing sont passées par-là, reléguant de nos jours les trains de nuit au rang d’exception, du marché de niche. Voilà pourquoi cette section peut faire partie de la rubrique « jadis »…

Les trains de nuit des années 70 et 80 sont très nombreux. Beaucoup d’entre-eux comportent des voitures-couchettes et des voitures-lits. On compte aussi trois types de trains saisonniers :

  • Les trains de nuit classiques de saison;
  • Les trains-autos-couchettes, pour beaucoup exclusivement saisonniers;
  • Les trains d’agence, exclusivement saisonnier.

Il est intéressant de s’arrêter rétrospectivement sur cette dernière catégorie. Au milieu des années 70, en dépit des autoroutes et de l’aviation charter, les vacances à forfait connaissent un franc succès et concernaient souvent une famille complète, de sorte que la voiture-couchettes convenait à merveille pour cette clientèle. 

L’agence belge Railtour disposaient ainsi depuis 1967 de 16 voitures série I5, à ses couleurs : triple bandes bleues d’abord puis un bandeau arc-en-ciel dans les années 80.

Railtour soignait ses trains saisonniers puisqu’ils comportaient tous des voitures-lits, munies du même bandeau, ainsi que de la célèbre voiture-bar dancing dont nous avons déjà parlé dans nos colonnes.

>>> À lire : Quand jadis, les belges dansaient sur les rails en partant vers le Sud…

Plusieurs agences allemandes s’étaient regroupées au sein de TUI, qui entreprit de constituer un parc ferroviaire entièrement nouveau. Trente magnifiques voitures de type Bvcmh sortirent du constructeur Waggon Union de Berlin. Elles ont la particularité de reprendre l’essentiel des dispositions constructives des voitures VSE (Eurofima), en cours de livraison en seconde moitié des années 70.

Climatisation, vitres fumées, insonorisation, ces voitures comptaient 11 compartiments avec une disposition spéciale : 4 places assises en décalé pour étendre les jambes et quatre couchettes, ainsi qu’une cinquième au-dessus du couloir, là où traditionnellement on met les bagages. La livrée extérieure mariant des coloris « ensoleillés » ne passait pas inaperçue. Comme pour Railtour, les trains TUI étaient destinés à l’Italie et Port-Bou en été, au Tyrol en hiver. Elles deviennent du coup, avec les Corail françaises de la SNCF, les voitures-couchettes les plus modernes du tout début des années 80.

Et des Corails, parlons-en justement. Ce vaste programme de renouvellement du parc SNCF tourne résolument le dos à la période « UIC » qui a marqué 20 années de SNCF. Les voitures-couchettes VU reprennent le même chaudron que les VU à couloir latéral « de jour ». Comme pour les UIC, les « couchettes Corail » auront deux séries :

  • 105 voitures VU A9 c9ux première classe, avec 10 compartiments à quatre couchettes, livrées en 1975 et 1978;
  • 290 voitures VU B10 c10ux de seconde classe, suivies de 30 autres en 1984, destinées aux trains France-Espagne. Ces voitures comportent 11 compartiments à six couchettes, ce qui nous fait un joli parc de près de 320 voitures-couchettes climatisées.

Bien que climatisées et reprenant l’essentiel des dispositions des voitures VSE européennes, les VU couchettes de la SNCF adoptent encore la fenêtre ouvrante, bannie sur les véhicules de gabarit UIC-Z.

Une VU SNCF là où on l’attend le moins: Madrid-Chamartin, sur ce Paris-Madrid qui a changé ses bogies à Irun (photo wikipedia)

Puisque nous sommes en Espagne, profitons-en pour admirer le renouvellement que la Renfe entreprend pour ses voitures-couchettes, les coche literas. CAF et Macosa livreront deux séries : la série 9600 à 60 exemplaires, très ressemblantes aux VU françaises, et la série 10600 avec 20 exemplaires, soit 80 voitures livrées entre 1984 et 1986.

Restons en Méditerranée avec l’Italie, où la compagnie publique qui s’appelle encore « FS » (Ferrovie dello Stato), poursuit invariablement différentes livraisons de voitures-couchettes. L’historique tiendrait en un article à lui seul, on s’en tiendra donc à l’essentiel. Les voitures-couchettes FS des années 70 à 85 sont toutes issues du format UIC-X qui compta 6 séries de voitures, très semblables au design allemand. La troisième série marque l’entrée dans les années 70. Ces voitures se distinguent par l’adjonction d’une jupe sous la caisse, masquant les appareillages techniques.

Une Bcz de 6ème série, construction 1981, avec climatisation

Près de 195 voitures des quatre dernières séries UIC-X seront produites selon un modèle similaire et iront garnir certains trains de nuit vers toute l’Europe. 30 voitures-couchettes mixtes 1ère\2ème classe complètent ce parc. Ces voitures se caractérisent, comme leurs consœurs de jour, par l’implémentation généralisée du bogie Fiat dès la quatrième série, un bogie retenu pour les fameuses voitures VSE.

On s’interroge, au pays du design chic, de la livrée si terne de ce matériel roulant, marque de fabrique du rail italien jusqu’à la fin des années 80, où du rouge pourpre viendra rompre cette triste monotonie.

Qui veut des voitures « Eurofima couchettes » ?
À priori peu de monde ! Alors que de 1975 à 80, près de 500 voitures unifiées sortent de différents constructeurs, les opérateurs étatiques semblent satisfaits de leur parc de voitures-couchettes. Plus étonnant encore, les allemands de la Deutsche Bahn ne rééditent pas à leur sauce le design des belles voitures TUI présentées plus haut et s’en tiennent aux Bcm de couleur bleu/beige livrées sous différentes séries. Seuls les CFF semblent vouloir s’orienter vers une Bcm sans trop de frais d’études. L’entreprise suisse reprend alors le chaudron seconde classe des voitures « Eurofima » au gabarit Z1 et y placent des couchettes. Un total de 20 voitures est ainsi produit en 1979, venant garnir divers trains de nuit en complément des voitures RIC Schlieren évoquées en première partie.

L’idée de voitures-couchettes « Eurofima » a aussi percolé en Belgique, mais beaucoup plus tard, à la SNCB. Avec ses 240.000 voyageurs en places-couchettes en 1988, la compagnie belge songea à rajeunir l’image des trains de nuit jusqu’ici garnit des bonnes voitures I5 qui commencent à vieillir. 15 voitures « Eurofima » de série I6, en surnombre sur Ostende-Cologne, furent ponctionnées pour être transformées, dès 1989, en I6Bc par l’atelier de Malines. Suffisant pour compléter les trains-autos-couchettes saisonniers et certaines relations de nuit toute l’année, notamment vers Milan. Pour l’occasion, la SNCB adopta une fort belle livrée dite « Fushia », laquelle fut également attribuée aux 70 autres voitures-couchettes I3 et I5 encore en service en 1990.

Les I6 de la SNCB clôturent la période dite « jadis » car quand on entre dans les années 2000, c’est un autre monde qui commence…

On a tout essayé !
La couchette jugée encore trop chère par une certaine clientèle va alors orienter les compagnies étatiques à « essayer autre chose ». Cela va du classique siège inclinable – pâle copie de l’autocar -, à des solutions plus byzantines qu’on ne se lasse pas de se remémorer. Souvenons-nous par exemple des fameuses « Cabines 8 » qu’essaya la SNCF.

(photos Mediarail.be)

Issues de la tranche VU 84 et livrées en 1985-86, les 20 voitures B12u « cabine 8 » proposaient un aménagement original avec douze compartiments comportant 8 places semi-allongées. Les 96 places par voiture permettaient de voyager « presque allongé » au tarif d’une place assise mais au prix d’une densité étouffante. L’accès aux places supérieures relevait d’une délicate acrobatie. Des portes vertes les distinguaient des autres VU couchettes. Ce ne fut clairement pas un grand succès et on n’aura jamais vraiment beaucoup entendu parler de ces véhicules…

Dans une idée inverse, les allemands tentèrent de trouver une réponse à une clientèle plutôt individuelle ne voulant plus de l’option de la couchette et du « compactage à six », une demande émanant notamment de la clientèle féminine qui réclamait un minimum d’intimité. La Deutsche Bahn tenta une réponse sous forme de cette « Kajüt-Liegewagen » Bocmkzm249, essayé par transformation d’une Bcm243 effectuée aux ateliers de Krefeld-Oppum.  Sur les 2/3 de la voitures, des « cahutes » de deux personnes furent disposées longitudinalement.

On accédait à la couchette supérieure, fixe, par un escalier en bois pouvant, le jour, faire office de tablette. Expérimentée dès 1996 sur divers trains de nuit, dont le Munich-Florence, l’idée ne recueillit pas l’enthousiasme débordant de la clientèle et la voiture fut retirée du service en juillet 1998…

Et maintenant ?
Nous quittons définitivement le monde de « jadis » pour le monde d’aujourd’hui. L’arrivée massive et quasi simultanée de la grande vitesse dans quatre pays (France, Allemagne, Italie, Espagne) avait signé un tournant dès les années 90 dans le monde ferroviaire : fallait-il encore faire circuler des trains de nuit quand le TGV divise le temps par 2 ou 3 sur les mêmes parcours, avec deux fois plus de volume ? Cette question va insuffler une nouvelle direction dans les politiques ferroviaires, d’autant que les conditions économiques changent avec le poids des législations européennes et l’obligation du péage ferroviaire, ce qui va être fatal aux trains déficitaires « sans rapport avec une forte demande »…

Là où émerge la grande vitesse, c’est le concept de rames tractées qui est remis en question, à l’exception notoire de l’Europe centrale et de la Scandinavie. Les trains de nuit étant versés dans les « trains commerciaux » non-subventionnés, un grand nombre de ceux-ci ont cessé de circuler, notamment depuis la Belgique dès 2003. Qu’a-t-on fait du matériel roulant ? C’est variable d’une compagnie étatique à l’autre. Certaines ont envoyé ce matériel à la casse, d’autres l’ont laissé pourrir au fin fond d’un faisceau, d’autres enfin ont eu la bonne idée d’une mise en vente. C’est le cas de l’Allemagne, où la DB a vendu de grandes quantités de voitures-couchettes à des loueurs, comme par exemple Bahn Touristik Express ou Euro-Express, qui ont repris ce matériel en lui administrant une rénovation légère.

RDC-Sylt-Samzburg

Un seul pays, au cœur de l’Europe, n’entend pas laisser tomber la voiture-couchette, ni le train de nuit : c’est l’Autriche. Ce pays qui sait qu’il n’aura jamais de TGV, a poursuivit la modernisation des voitures-couchettes via son opérateur étatique ÖBB. Cet opérateur a repris une bonne partie des trains de nuit délaissés par ses voisins et entend poursuivre leur développement. Pour preuve, les « kajüts » allemandes d’il y a vingt ans ont enfin trouvé une solution techniquement plus acceptable, sous forme de minisuite à venir. Mais là, nous sommes déjà dans le monde d’après…

(photo ÖBB Nightjet)

30/10/2020 – Par Frédéric de Kemmeter – Signalisation ferroviaire et rédacteur freelance
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30/10/2020 – Par Frédéric de Kemmeter – Signalisation ferroviaire et rédacteur freelance
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Chemin de fer : il faudra progresser avec l’existence des autres modes

Pour offrir un prix compétitif et un service fiable, une réduction des coûts d’exploitation est indispensable. L’enjeu essentiel est de savoir si le chemin de fer en est capable. Or, devant certaines difficultés de réduction des coûts, notamment les coûts fixes très défavorables au rail, la tentation est grande de s’attaquer aux autres modes de transports concurrents. D’où cette question : faut-il freiner le progrès des uns pour augmenter celui de l’autre ?

Il y a une grande tendance actuellement à vouloir remettre le chemin de fer au-devant de la scène. Pour deux raisons :

  • d’abord parce que le chemin de fer est un transport propre, et qu’il pourrait devenir un instrument essentiel pour que chaque pays puisse atteindre ses objectifs climatiques ;
  • mais aussi parce que certains cercles perçoivent le chemin de fer comme un outil favorable à leur idéologie politique.

La première raison ne fait pas débat. Hormis l’utilisation abondante de cuivre et d’acier pour sa conception, le chemin de fer utilise en effet une énergie verte, l’électricité, pour son exploitation, et probablement de plus en plus l’hydrogène sur les lignes non-électrifiées. Sur ce plan-là, le chemin de fer est effectivement un bon outil pour atteindre les objectifs climatiques. Et le train est gagnant aussi par la tonne d’acier nécessaire pour transporter une personne, comparé à l’auto.

La seconde raison est beaucoup plus discutable. On peut évidemment avancer que l’auto et l’aviation sont des modes de transport polluants, et qu’ils ont favorisé la mondialisation de l’industrie, de la finance et des déplacements. Mais il ne faut pas oublier non plus que les transports lourds – camions, autos, transport maritime et aérien – ne représentent que 27 % environ des émissions mondiales de gaz à effet de serre (22 % si on exclut les émissions aériennes et maritimes internationales). Cela signifie que les objectifs climatiques devront être atteints en s’attaquant à d’autres secteurs que le transport, notamment aux industries polluantes, au chauffage domestique et à l’isolation des bâtiments. Il est donc illusoire de s’attaquer uniquement à l’automobile et à l’aviation en prétendant que cela résoudra les problèmes climatiques. Une hypothèse domine selon laquelle la gauche préfère s’attaquer à la mobilité car elle représente une forte ségrégation sociale, plutôt que l’isolation des bâtiments qui risque de toucher son électorat précarisé, qui n’en n’a pas les moyens…

Il est évidemment stupide d’analyser le chemin de fer sous l’angle politique droite/gauche. Un train, un tram ou un bus peut autant donner une sensation de liberté de circulation, tout comme une entreprise de transport étatique n’est pas exemptée du capitalisme, puisqu’elle doit se fournir à l’industrie privée. Mais il y a pourtant des signes parfois inquiétants…

Que voyons-nous aujourd’hui ? On utilise la vague verte, astucieusement renommée « urgence climatique » pour étouffer tout débat, pour tenter de remettre en selle le transport collectif. Mais est-ce vraiment pour le bien du chemin de fer ? On peut en douter. Certains groupes politiques utilisent la cause climatique comme arme de guerre contre ce qu’ils appellent « le capitalisme automobile et aérien ». Si le train doit servir des causes idéologiques, on peut avoir la certitude qu’on est sur la mauvaise voie.

L’histoire politique nous apprend en effet que les idéologies de gauche n’ont jamais vraiment défendu le chemin de fer en tant que tel. Comme le souligne le chroniqueur britannique Peter Hitchens, les gouvernements de gauche au Royaume-Uni, dans les années 1960, 1970 et aujourd’hui, n’ont guère fait preuve d’imagination ou d’audace pour rénover ou développer le système ferroviaire britannique. C’est peut-être la peur de l’opinion publique, trop habituée au choix modal. Quel militant de gauche n’a pas de voiture ou n’en utilise pas ? François Mitterrand, un ancien cheminot, n’a rien fait pour sauver près de 10.000 kilomètres de petites lignes rurales, qui étaient censées « relier la France à sa population ». Et quand les conseillers ont évoqué le prix à payer et les multiples procès à venir pour (re)nationaliser les chemins de fer britanniques, l’ancien leader Jeremy Corbyn a rapidement enterré l’idée.

Comment cela est-il possible ? Tout simplement parce qu’au-delà des grandes utopies électorales, un boomerang revient toujours pleine figure : « le réalisme ». Ces présidents et ces gouvernements de gauche ont peut-être été soumis aux fortes pressions du lobby de l’industrie du pétrole et de l’automobile. Mais ce n’est pas l’unique raison. Ils ont surtout constaté que le chemin de fer pouvait parfois être une force politique hostile à leur action – davantage dans certains pays que dans d’autres -, mais surtout qu’il fallait un fleuve d’argent public pour les besoins d’à peine 10 à 15% de la population. Or, les finances publiques ne sont pas infinies et dans certains cas, il est nécessaire d’investir ailleurs, dans des secteurs bien plus urgents. Cette question est encore d’actualité aujourd’hui.

Beaucoup de politiciens constatent que d’autres mobilités pourraient permettre d’atteindre les objectifs climatiques. Des entrepreneurs « inventent » ainsi de nouvelles formes de mobilité, que ce soit au niveau urbain avec les trottinettes ou les vélos en libre-service, ou que ce soit au niveau de la motorisation électrique du parc automobile. Les opposants à ces mobilités font remarquer que, outre le grand désordre que cela provoque par leur arrivée soudaine, cette « liberté créative » n’aurait pas lieu s’il n’y avait pas les rues, les routes et les incubateurs de startup, payés avec l’argent de l’État. Ce n’est pas faux, mais cela ne répond pas à la question essentielle : faut-il empêcher cette « créativité » pour sauver le transport public ?

Cette question est une forme d’aveu : certains transports progressent plus vite que d’autres. Pourquoi ? Souvent parce qu’ils peuvent compter sur la créativité et le R&D généreux de leurs concepteurs, et qu’ils répondent aux demandent des utilisateurs et des industriels. Ainsi, quand un ferry peut transporter jusqu’à 450 remorques de camions entre la Belgique et la Suède (Zeebrugge-Göteborg), cela représente 10 à 12 trains intermodaux qui ne rouleront pas. Faut-il interdire ce ferry au motif qu’il fait une forte concurrence au rail ? Ainsi, quand 3 camionneurs répondent par mail en moins de 2 heures pour proposer un prix de transport, alors qu’il faut trois jours pour le chemin de fer, doit-on supprimer les routiers au motif qu’ils nuisent au business ferroviaire ?

Les grands intégrateurs, qui peuvent aligner des investissements énormes, sont aussi en position de force pour choisir le mode de transport qui convient le mieux. Le but de ces sociétés, c’est la satisfaction du client. Ils ne sont pas tenus de faire tourner une société ferroviaire défaillante sous prétexte que ce transport est « plus vert ». Si le chemin de fer fait défaut, ils choisiront immédiatement un autre mode de transport.

Même constat pour le transport public urbain : son côté « collectif » ne répond pas à toutes les demandes de mobilité, ni à tous les publics. De nombreux sympathisants qui apprécient pourtant les politiques de gauche sont souvent les premiers à se ruer sur les applications mobiles et la mobilité individuelle en libre-service. Ils participent activement au « capitalisme numérique » qui est pourtant tout le contraire de ce à quoi ils sont sensés adhérer. Faut-il interdire toutes ces nouveautés sous prétexte que cela déséquilibre les anciens modèles économiques du transport de masse ?

Bien entendu, la réactivité des camionneurs et du transport maritime n’est possible qu’au prix de grandes pollutions, d’encombrements des routes, de gaspillages d’énergie et de mauvaises conditions de travail. Le secteur routier ne paye pas ses nuisances ni sa pollution. L’aviation est trop faiblement taxée et a engendré une consommation très forte de voyages courts. L’arrivée de milliers de trottinettes a créé une vaste zone de non-droit car aucune réglementation ne les avait prévues. Ce nouveau business « barbare » a mis en péril le fragile équilibre des transports publics, tout comme Uber a violemment secouer le secteur protégé des taxis. Il est exact de dire aussi que ces nouveaux entrepreneurs ne viennent pas pour « collaborer », mais pour « accaparer » de nouveaux marchés, et qu’il s’agit davantage d’un capitalisme prédateur que visionnaire.

Pollutions, désordres urbains et capitalisme prédateur ne font certainement pas partie des outils pour atteindre les objectifs climatiques. Mais il ne s’agit pas non plus de promouvoir le transport public et le chemin de fer « à n’importe quel prix ». La Deutsche Bahn en 1990 mangeait tellement d’argent public que cela a abouti à la grande réforme de 1994. L’Allemagne a voulu rendre le transport ferroviaire moins cher en acceptant d’autres opérateurs, qui n’avaient pas les lourdeurs administratives des grandes compagnies d’État. La Commission européenne a adopté grosso-modo les mêmes principes, ce qui a été parfois mal vécu par certains pays. Ceux qui ont mis en place rapidement une politique réformiste ou de qualité ont eu le bon réflexe, mais n’ont en réalité réussit qu’à maintenir le rail la tête hors de l’eau.

Cette situation a surtout signifié une refonte du contexte social des cheminots. Certains groupes politiques en ont d’ailleurs fait leur principal argument, arguant que le service public « n’a pas de prix, quand cela protège les travailleurs ». Des conventions sectorielles ont renchérit en 2019 la masse salariale, sans que cela n’amène davantage de voyageurs dans les trains. On peut cependant se demander en quoi l’exception sociale d’un seul secteur serait indispensable pour atteindre les objectifs climatiques de tous.

Pendant ce temps, les autres moyens de transports, qui ne revendiquent aucune exception sociale, ont fortement progressé, pas seulement parce certains ont eu des avantages fiscaux, mais surtout parce qu’ils ont montré une grande créativité. Les pays qui ont adopté une politique protectionniste de leur chemin de fer n’ont pas mieux réussit dans le transfert modal. Trois suisses sur quatre ne prend jamais le transport public !

Réclamer plus d’investissements ne signifie pas qu’il faille revenir au temps des sureffectifs. Il faut éviter d’assimiler quantité d’emplois à qualité du service. Mettre 10 personnes sur un quai pour simplement observer le trafic ne mettra pas les trains plus à l’heure. C’est le système de signalisation qui décide de cela. S’il faut tant de personnes pour faire rouler un train, l’avenir du chemin de fer peut être questionné. L’arrivée des valises à roulettes a provoqué la disparition du métier de porteur à bagage. Les portiques automatiques ont liquidé les métiers de poinçonneur. Les passage à niveau automatiques ont éliminer les gardes-barrières. L’attelage automatique a fortement réduit le besoin d’agents de triage, par exemple sur les TGV. On constate malgré tout que les trains roulent tout aussi bien. Plutôt que de pleurer sur ces disparitions, la vraie question est de savoir si ces métiers sont encore des métiers dignes du XXIème siècle ?

D’autres secteurs ont pu démontré leur reconversion : l’invention du conteneur a certes tué la grande corporation des dockers qui était jadis nécessaire pour décharger un bateau. Mais les ports d’aujourd’hui fonctionnent bien mieux avec du personnel en moins grande quantité, mais plus spécialisé qu’en 1960. Un chemin identique, peut-être moins brutal, attend également le secteur ferroviaire s’il veut être un outil de développement d’avenir. Ce qui ne signifie pas un avenir entièrement robotisé, digital et déshumanisé.

Entre-temps, le coronavirus est arrivé et les trains se sont vidés, rendant le coût du transport ferré tout simplement intenable. La SNCF va supprimer des TGV peu remplis et en Grande-Bretagne, la perte nette pour l’année 2020 pourrait atteindre près de 2 milliards de livres. Certains observateurs estiment qu’en ces circonstances, soutenir sans compter « le chemin de fer voyageurs ne représente plus un bon rapport qualité-prix pour la collectivité dans son ensemble. » C’est cette critique qui fait rage en ce moment en Allemagne.

Que peuvent faire les institutions politiques ?
Elles peuvent simplifier leurs structures et clarifier leur processus, jouer sur la meilleure transparence possible, décentraliser vers le niveau local et, surtout, être un facilitateur plutôt qu’un gendarme.

Au cours des cinq dernières décennies, l’Allemagne, l’Autriche et la Suisse ont mis en place avec succès des associations régionales de transport public (appelées Verkehrsverbund ou VV), qui intègrent les services, les tarifs et la billetterie tout en coordonnant la planification des transports publics, le marketing et l’information client dans les zones métropolitaines. La recette n’est pas l’interdiction des voitures ou des nouvelles micro-mobilités, mais la collaboration et la consultation mutuelle des juridictions régionales et des prestataires de transport public dans toutes les prises de décision. Ces pays l’ont fait alors qu’on ne parlait pas encore d’urgence climatique ni de transport bas carbone. Simplement, il fallait rendre les centres-villes vivables en interdisant certaines rues aux voitures, ce qui est bien différent « d’interdire les voitures » tout court.

Dans le même esprit, la Suisse avait créé en 1992 une taxe sur le transit du transport routier. Il ne s’agissait pas d’argent frais pour payer les salaires des cheminots suisses, mais de fonds destinés uniquement à construire trois gigantesques tunnels pour soulager une infrastructure ferroviaire centenaire, et tenter de diminuer la quantité de camions sur les autoroutes. L’objectif n’était donc pas de renflouer une entreprise ferroviaire déficitaire « à n’importe quel prix », mais « de l’aider à faire mieux » avec de nouvelles infrastructures. C’est ce qu’on appelle un État stratège, par opposition à l’état interventionniste.

Le rôle de l’État est de fournir des infrastructures de services qui sont utilisées par de multiples acteurs. Un seul acteur n’est jamais en mesure d’offrir toutes les mobilités souhaitées, il faut toujours compter sur la multitude. En général, on peut dire qu’une politique de transport urbain réussie repose sur une planification intégrée de mesures qui combinent de nombreux facteurs. La mise en œuvre de solutions « sans voiture » n’a de sens que si les citoyens peuvent compter sur des services à un coût aussi compétitif que la conduite d’une voiture particulière, ce qui implique des coûts acceptables et un niveau de service élevé. Parmi les mesures efficaces, on peut citer l’aménagement intégré du territoire (nouveaux quartiers automatiquement desservis par les transports publics), la promotion des pistes cyclables et l’amélioration des transports publics en reliant les chemins de fer régionaux aux systèmes de tramway, par exemple par tram-train. La politique de stationnement et les mesures de modération du trafic contribuent aussi à plus de sécurité et à moins d’émissions. Ainsi, ces politiques de transport réussies ont permis de réduire l’utilisation des véhicules privés à environ 40 % de tous les déplacements personnels quotidiens (et même à 28 % à Zurich selon une étude). Il ne s’agit donc pas de politiques qui se contentent d’éponger les déficits et de perpétuer les anciens modèles sociaux, mais de véritables actions centrées sur les citoyens.

Mais il y a beaucoup de progrès à faire. Alors que d’autres secteurs, comme la distribution d’électricité ou d’eau, sont réglementés mais fonctionnent librement, l’intégration des transports publics nécessite un marché basé sur la collaboration plutôt que sur la concurrence. Bien que le terme « marché » implique un contrôle du secteur privé avec une réglementation du secteur public, un marché entièrement privé ou public créerait trop d’externalités négatives, telles que des prix fixes ou le manque d’options diverses. En cas d’intégration, les responsabilités sont divisées – un marché pour les clients, des infrastructures gérées par le gouvernement et des actifs gérés par les opérateurs -, mais l’objectif commun demeure. Toutefois, on constate parfois que certains acteurs publics perpétuent leurs rigidités, et une bataille s’engage pour savoir qui doit s’aligner sur qui. Dans de nombreux pays, les coûts de personnel des opérateurs privés ont dû être alignés sur ceux des entreprises publiques, sans pour autant amener davantage de clients dans les transports publics ou vider les rues de leurs voitures. Dans ce cas de figure, les transports publics ont été conçus principalement pour servir ses travailleurs plutôt que les citoyens. Certains groupes politiques radicaux défendent cette option : le citoyen doit s’aligner sur les offres de l’État, et non l’inverse. Selon eux, trop s’aligner sur les désirs de l’usager, c’est prendre le risque de précariser l’emploi…

La synthèse de cet article est de démontrer qu’on ne favorisera pas le report modal vers le rail en interdisant les autres transports de progresser, ni en promouvant le statu-quo dans la manière de faire du chemin de fer et du transport public. Il faut répondre aux demandes des utilisateurs, qu’ils soient citoyens ou industriels. C’est de cette manière qu’ils pourront revenir au-devant de la scène et jouer un rôle important dans la lutte contre le réchauffement climatique. Car pendant ce temps, les autres transports vont continuer de progresser et de se réinventer. Il n’y a personne pour interdire le progrès et la créativité. Les nouveaux entrepreneurs vont inventer d’autres applications informatiques. Les chargeurs choisiront les ports qui leur sembleront les meilleurs. Les industriels choisiront le transporteur qui répond le mieux à leurs attentes et les citoyens opteront encore pour la mobilité meilleure marché et sans contrainte. On améliorera aussi le sort du chemin de fer en favorisant une approche fiscale, méthodologique et globalisée du transport des personnes et des marchandises.

Dans la même veine :

2007 – Peter Hitchens – Why are trains left-wing, and cars conservative?

2011 – Tony Dutzik – Frontier Group – Rail: Neither Right Nor Left, But Forwardward

2020 – Sir Michael Holden – Time for a dose of old fashioned cost control

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Proposition pour des trains de nuit (1) : au départ de Belgique et des Pays-Bas


09/09/2020 – Par Frédéric de Kemmeter – Signalisation ferroviaire et rédacteur freelance
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Nous entamons ici une petite série de propositions totalement libres sur les relations par trains de nuit qui nous semble le plus plausible. Elles ne manqueront pas de susciter débats et controverses. Aujourd’hui, quelles relations au départ de Belgique et des Pays-Bas ?

Contexte
La Belgique et les Pays-Bas concernent à eux seuls un bassin de population d’environ 28,92 millions d’habitants. La position géographique et l’attractivité diffère cependant entre les deux villes capitales :

  • Amsterdam est une destination mondiale axée sur le tourisme et les affaires;
  • Bruxelles est la capitale de l’Europe et un carrefour central entre Paris, Londres, l’Allemagne et les Pays-Bas.

Ces éléments basiques, qu’il faut agrémenter avec d’autres arguments, montrent dès lors que de manière globale :

  • Amsterdam est une origine/destination à elle seule du fait de sa forte attractivité;
  • Bruxelles est plutôt un hub vers le nord de la France, Paris, et le Royaume-Uni.

Si on additionne la zone de chalandise avec le Nord de la France, Paris, le Kent et Londres, on couvre un potentiel de voyageurs parmi près de 50 millions d’habitants produisant un PIB.

L’idée
Relier quotidiennement le Nord, l’Est et le Sud-Est de l’Europe pour atteindre un maximum de destinations en moins de 24 heures. C’est la raison d’être des destinations soigneusement choisies et visibles sur la carte ci-dessous :

  • Hambourg donne accès à la Scandinavie, à tout le moins au Danemark et au sud de la Suède. Ceux qui ont vraiment le temps prendront le ferry qui relie Lübeck/Travemünde à Helsinki. On sait que les gens « du sud » détestent aller au Nord. On peut vous affirmer que c’est une grande erreur…;
  • Berlin, qu’on ne présente plus, est une destination à elle seule. La capitale allemande permet aisément de rejoindre des joyaux touristiques majeurs comme Dresde, Prague ou Cracovie. La Pologne entière, et forcément Varsovie, est accessible depuis Berlin.
  • Munich est un nœud important de correspondances ferroviaires. On y compte trois courants de destinations : le duo Vienne/Budapest, le moins connu Tauern donnant accès à Klagenfurt, à la Slovénie (Koper) et surtout au nord de la Croatie, dont Rijeka sur la côte adriatique. Et enfin le très connu Tyrol, suivi du Trento italien qui mène à Vérone, Venise et Bologne, entre autres.
  • Zurich, ville de finances, pourrait aussi être une destination à elle seule. C’est principalement une passerelle ferroviaire donnant d’abord sur les fantastiques Grisons, mais aussi sur le Gothard, le Tessin et l’ensemble Lugano/Locarno puis la Lombardie, qui comprend non seulement Milan mais aussi les fameux lacs italiens.

Notons au passage que le train de Bruxelles fait arrêt à Liège, et celui d’Amsterdam à Utrecht et Arnhem. La destination « Berlin » desservirait Potsdam, celle de « Munich » la ville de Augsbourg et pour Zurich, on a un arrêt d’office à Bâle, autre grand carrefour ferroviaire (Lausanne, Genève, le Valais…)

L’ensemble de ces villes comporte aussi des pôles universitaires et des sièges sociaux de grandes sociétés. L’attrait conjoint des origines et des destinations permettent d’espérer de former de gros paquets de touristes ou de clientèle individuelle pouvant justifier les trains de nuit que nous allons maintenant décortiquer. (cliquer sur l’image pour agrandir)

La carte ci-dessus est un scénario « moyen ». On considère que les flux entre le Benelux et les quatre destinations demeurent insuffisants pour former des trains complets, un format qui présenterait dix voitures par destinations. On a donc recours aux traditionnelles « tranches » de 3 à 5 voitures, ce qui nous donne le schéma d’exploitation visible ci-dessus :

  • Bruxelles serait un train « quadri-tranches » vers Hambourg, Berlin, Munich et Zurich;
  • Amsterdam serait un train « tri-tranches » vers Berlin, Munich et Zurich. L’absence de la destination Hambourg se justifie par le trop grand détour que feraient les voitures et par la proximité relative des deux villes (470km).

On obtient donc deux trains de nuit quittant en soirée vers 21h30, les deux villes du Benelux. Si on compte un minimum de trois voitures par destinations, dans la tradition Nightjet, le train de Bruxelles aurait déjà 12 voitures quand celui d’Amsterdam en aurait au minimum 9. Mais Amsterdam étant la destination – et l’origine que l’on sait -, il ne serait pas surprenant que chaque tranche ait 4 voitures, ce qui nous ferait dès lors aussi un train de 12 voitures.

Vers minuit, ces deux trains arrivent à Cologne ou aux alentours. Un premier tri est déjà opéré :

  • Groupage des Berlin et Hambourg en un seul train;
  • Groupage des Munich et Zurich en un second train.

Le premier train se dirige vers Dortmund et Hanovre avec trois tranches. Le second descend sur Mannheim avec 4 tranches. Un second tri, vers 3h30/4h00 du matin s’opère :

  • aux environs d’Hanovre pour séparer les Hambourg et Berlin. Les voitures Bruxelles-Hambourg profiteront du Zurich-Hambourg qui passe juste à ce moment-là… Les voitures pour Berlin ne forment plus qu’un train, 6 à 7 voitures;
  • à Mannheim, on sépare les flux Zurich et ceux de Munich. Les voitures pour Munich ne forment plus qu’un train de 6 à 7 voitures. Idem pour les voitures destinées à Bâle et Zurich, sauf qu’elles profitent aussi du Hambourg-Zurich qui passe juste à ce moment-là.

Les quatre destinations sont toutes atteintes entre 7h30 et 8h30 d’après une brève comparaisons avec les temps de parcours grande ligne classique. Au retour, scénario identique mais inversé, avec les mêmes regroupement à Hanovre et à Mannheim.

Au niveau traction, six locomotives devraient suffire en théorie :

  • par exemple la première sur Amsterdam-Mannheim-Munich et la seconde sur Bruxelles-Hanovre-Berlin;
  • Les troisième et quatrième exploitent les trains Hambourg-Hanovre-Mannheim-Bâle et retour. Vu le demi-tour dans cette gare suisse, il faudra la traction CFF pour compléter sur Zurich;
  • les cinquième et sixième sont celles faisant le chemin inverse, vers Amsterdam et vers Bruxelles.

Chaque rame bloc rentre en atelier après deux allers-retours, soit à peu près 4.000 kilomètres, pour entretien.

Les trains ne comportent que des places couchées. Une voiture-bar pourrait être incorporée tant d’Amsterdam que de Bruxelles, mais elle risque de limiter la capacité lorsqu’il sera nécessaire d’augmenter d’une ou deux voitures les jours d’affluence. La présence d’une authentique voiture-restaurant ne s’impose certainement pas ici, vu les heures tardives de départ (21h30) et les petits déjeuners généralement servis en compartiment, que ce soit couchettes ou voiture-lits.

Ces trains seraient gérés comme des hôtels. Ils sont fermés de 23h00 à 5h00 (c’est à dire sans service sauf celui du bar, ouvert jusqu’à minuit), et aucun accès n’est permis en route, et c’est tant mieux pour la sécurité. Le catering du matin serait effectué lors des groupages/dégroupages à Hanovre et Mannheim dans le sens Ouest-Est, à Cologne dans le sens retour. Pain frais garanti, café, thé et céréales et yaourt pour celles et ceux qui préfèrent…

Nightjet, l’exemple à suivre en matière de service. Mais on peut encore faire mieux… (photo Nightjet)

Une des trois ou quatre voitures par tranche comporterait un espace pour 12 à 16 places vélos. On n’ira pas plus loin, parce que chaque mètre carré compte et on perd 12 couchettes à la vente. On nous dit par ailleurs que le « monde d’après » ne serait plus celui de la possession mais de l’usage, de la location. Or les quatre destinations – tout comme les deux origines -, ont toutes des systèmes très complets de bike-sharing, de vélo à l’usage. L’occasion de passer de la théorie à la pratique et de ne plus encombrer un train avec ses lourds objets perso…

Chaque gare origine/destination dispose d’un salon d’accueil et de facilités pour les « longs voyages » : échange de ticket, eau gratuite, salon de repos avant d’embarquer, refuge quand il pleut, la gare doit être un lieu qui vous fait oublier le chemin de fer d’hier. Évidemment tout dépend du bon vouloir des gares de destination et des possibilités d’occuper quelques dizaines de mètres carrés.

>>> À lire : Comment le train peut-il reconquérir la clientèle d’affaires ?

Qui va gérer cela ?
L’opérateur qui en aurait la capacité et l’audace. Ce ne sera pas nécessairement un service public puisqu’il s’agit d’un service hôtelier commercial. Une vieille idée ? C’est clair qu’on reprend ici ce qui a déjà existé jadis. Mais en faisant mieux. Exemple : voiture-lits pour toutes les destinations, possibilité d’occupé un compartiment couchettes à quatre ou cinq. Prix globaux basés sur l’âge et billetterie par QR Code sur smartphone ou impression chez soi. La particularité de ces trains fait qu’il faut un marketing agressif car l’hôtellerie sur rail est plus difficile à vendre. Beaucoup de gens comptent encore « en heures », quand une nuit reste une nuit pour tout le monde, soit de 22h00 à 6h00.

Ces trains devraient cependant à terme obtenir un équilibre, mais cela dépend de nombreux facteurs agissant sur les coûts et la commercialisation. Un train de nuit est un marché de niche et rarement une affaire de volume. Le mélange voitures-lits/voitures-couchettes offre théoriquement 156 places par tranche de trois voitures, 216 pour quatre voitures. On tourne donc autour des 620/640 places par train au départ de Bruxelles et Amsterdam, bien loin du débit volumique des TGV ou ICE, mais chaque train, c’est l’équivalent de cinq Airbus A320. Quelques firmes de catering ont comme métier de fournir du personnel de bord formé à la fois pour le service et pour les particularités ferroviaires.

Au-delà de la destination
Mais surtout, il importe d’obtenir, enfin, de vrais accords commerciaux avec d’autres chemin de fer à destination pour poursuivre le voyage, que ce soit de « grands établis » (CFF, ÖBB, DB, PKP, Thalys, Eurostar) ou des privés régionaux. En étendant la billetterie et les billets globaux au-delà des six origines/destinations, c’est win-win pour tout le monde : l’aire de chalandise qui s’étale au-delà de Zurich, Munich, Berlin, Hambourg ou Bruxelles remplit non seulement les trains de nuit, mais aussi les trains de jours des opérateurs concernés.

Les Intercity polonais n’ont rien à envier à ceux d’Allemagne. L’un d’eux en gare de Berlin-Hbf, venant de Varsovie (phot Rob Dammers via wikipedia)

Au final, on couvre une grande façade de l’Europe avec seulement deux trains de nuit qui par extension, permettent dans la (bonne) demi-journée de relier une douzaine de villes d’art, de Copenhague à Gênes en passant par Dresde, Salzbourg et Vérone. L’espoir futur : une clientèle qui grandit et qui impose bientôt des trains à deux tranches (2x 6 voitures) voire, rêvons, des trains complets mono destination, à l’image de l’ancien Thello Paris-Venise. Mais chaque chose en son temps, commençons par le début…

Les autres propositions : 

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Traversée des Alpes : pour la Suisse, mission accomplie !

Par Frédéric de Kemmeter – Signalisation ferroviaire et rédacteur freelance – Inscrivez-vous au blog
31/08/2020 –
(English version)
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L’ouverture du tunnel du Ceneri ce vendredi 4 septembre marque la fin des grands chantiers des traversées alpines en Suisse. Mission accomplie pour ce pays qui n’est pas membre de l’Union européenne, tandis que les deux autres pays voisins sont toujours occupés avec de gros travaux.

Le tunnel du Ceneri est le dernier grand ouvrage d’art du grand programme d’infrastructure NLFA que la Suisse a mis en route dès 1998. La nouvelle liaison ferroviaire à travers les Alpes (NLFA) est un projet de construction suisse visant à accélérer les liaisons ferroviaires nord-sud à travers les Alpes suisses. Il comprend 3 tunnels de base :

  • le tunnel de base du Lötschberg, d’une longueur de 35 kilomètres, ouvert le 7 décembre 2007, qui a été la première partie de la NLFA à être livrée, mais qui n’est que partiellement achevée ;
  • le tunnel de base du Saint-Gothard de 57 kilomètres, ouvert le 31 mai 2016 et …
  • … le tunnel du Ceneri de 15,4 kilomètres, qui est ouvert ce vendredi 4 septembre 2020.
(document wikipedia)

On notera toutefois trois éléments : nous parlons ici des traversées alpines sur les flux internationaux du grand axe Europe du Nord – Italie. Ensuite, les travaux d’achèvement de la deuxième voie du tunnel de base du Lötschberg devraient commencer en 2021/2022 pour une ouverture vers la fin de 2028. Enfin, un quatrième tunnel est en cours de construction au sud de Zurich, le tunnel du Zimmerberg, mais en 2010, il était décidé que la poursuite des travaux sur ce projet était mis en attente pour une durée indéterminée. Bien qu’il soit inclus dans le programme NLFA, il ne fait pas vraiment partie des flux internationaux Nord-Sud puisqu’il est principalement destiné à faciliter l’accès à Zurich. On peut donc dire que la Suisse, en inaugurant le Ceneri, achève un important programme d’infrastructures et que sa mission a été accomplie.

(photo Alp Transit)

La traversée des Alpes représente un dossier important pour les suisses. Le pays est en effet le passage favoris et le plus court entre Cologne et Milan, mais au prix d’une importante pollution des montagnes et d’encombrements endémiques des infrastructures. C’est la raison pour laquelle la Suisse proposa de rehausser drastiquement le prix du transport routier en transit et de reverser un maximum de camions sur le rail.

Au-delà des tunnels, le grand défis des accès…
AlpTransit est une création de 1992, lorsqu’un référendum a ouvert la voie au financement des tunnels de base du Lötschberg et du Saint-Gothard et des travaux connexes. L’objectif principal était de réduire le nombre de poids lourds qui traversent l’environnement alpin sensible, et donc de réduire les émissions de gaz d’échappement nocifs. L’objectif de ne pas faire transiter plus de 650 000 camions par an en Suisse d’ici 2018 a été dûment inscrit dans la loi, mais au fil du temps, il est devenu évident que cette limite ne serait jamais atteinte. Les derniers chiffres de 2019 montrent qu’il y avait encore 898.000 véhicules en transit, malgré une part de marché de 70% détenue par le rail.

Mais l’enjeu principal de l’ensemble du corridor Benelux-Italie est d’avoir une route qui accepte les 4m de hauteur d’angle des camions. Or, si les trois tunnels suisses terminés disposent bien entendu de cette cote, tel n’est pas le cas de nombreuses sections de lignes en Allemagne et surtout, en Italie. En Suisse, l’impression domine que « les autres ne font pas le job »… L’incapacité des gouvernements allemand et italien à faire progresser la modernisation des voies d’accès aux dimensions du corridor suisse est fréquemment démentie dans les deux pays voisins, à coup d’annonces médiatiques. En septembre 2014, la Suisse avait conclu avec RFI une convention basée sur l’accord bilatéral avec l’Italie et qui contenait des exigences techniques de construction pour un couloir acceptant les camions de 4m entre la Suisse et Novara/Busto Arsizio (I). La Suisse s’engageait à financer les mesures à raison de 120 millions d’euros. RFI, en Italie, assurait le financement du tronçon Chiasso-Milan pour environ 40 millions d’euros.

(photo David Gubler via wikipedia)

Le rêve d’une infrastructure technique aux normes identiques sur 1.500km dépasse évidemment très largement l’objet des trois tunnels suisses. Il fait référence à la politique de l’Union européenne qui a voulu créer un chemin de fer moderne et attractif en se concentrant sur des corridors « adaptés » à la cohésion du Continent. Cette modernité passe par l’addition de plusieurs critères techniques, comme  l’acceptation d’une hauteur de 4m pour les camions et l’exploitation par l’ETCS, ainsi que d’un nouveau type de management par le biais d’un guichet unique qui conçoit les sillons horaires. Une belle idée qui a pris beaucoup de retard, qui mêle beaucoup d’acteurs qui ont tous leurs contradictions et qui, surtout, est du ressort des nations, seules responsables de leurs infrastructures.

Un bel exemple de contradiction est l’ETCS : il a les faveurs des gestionnaires d’infrastructure, car c’est l’occasion de moderniser drastiquement la signalisation et la sécurité. Mais il fait l’objet de fortes critiques des opérateurs, pour qui ce sont des coûts énormes de retrofit du matériel roulant, et qui jusqu’ici ne voient pas d’améliorations significatives dans l’exploitation du trafic.

Et que font les voisins ?
L’autre grande question concerne les voisins de la Suisse. En France et en Italie, le tunnel Lyon-Turin n’en finit pas d’être malmené par la politique, au gré des élections où chacun donne son avis et proclame ses invectives. Ce contexte très latin étonne toujours dans une Suisse où règne un calme et souvent un consensus national. On se souvient qu’en 2019, la guerre éclatait entre le M5S populiste et la Ligue du Nord tout aussi populiste : deux avis divergents au sein du même gouvernement Conte. Le M5S s’est finalement pris une raclée lors du vote sur la poursuite des travaux du tunnel. Comme l’explique Andrea Giuricin, en 2020, le rapport de la Cour des comptes européenne ne disait pas – comme beaucoup l’ont affirmé à la hâte – que le tunnel est inutile, mais que les coûts supplémentaires sont dus aux retards causés par l’incapacité politique à réaliser les grands travaux. Une différence majeure avec la culture en Suisse.

Au-delà de ces querelles, il y a les faits : la part de marché du rail sur Lyon-Turin est de 14% dans le fret ferroviaire. Des infrastructures supplémentaires ne sont jamais inutiles. Depuis 2016 en Suisse, environ 1.065 sillons sont généralement disponibles chaque semaine au Saint-Gothard et 633 au Lötschberg/Simplon, soit un potentiel de 1.700 sillons par semaine. Un chiffre forcément inatteignable sur l’axe franco-italien.

De l’autre côté, l’Autriche se trouve en meilleure position concernant son tunnel du Brenner dont les travaux progressent, certes plus lentement que prévu. Mais le Tyrol, en revanche, subit de plein fouet la politique routière de la Suisse : de nombreux routiers rejoignent l’Italie par l’autoroute du Brenner plutôt que par celle du Gothard, trop chère. On a donc déplacé la pollution et le problème. Pourquoi ? Parce que si on additionne les trafics poids-lourds suisses et autrichiens, on se rend compte que le train n’a finalement pas capté autant de marchandises que prévu. Pire, le trafic poids-lourds est toujours en augmentation. Conséquence : le Tyrol a mis en place des restrictions de circulation, interdisant aux camions dont la longueur dépasse les 12 mètres de quitter l’autoroute pendant des périodes déterminées.

Un projet de nouveaux tronçons ferroviaires suscite des inquiétudes au sud de Munich. Il s’agit de désengorger Rosenheim pour faciliter l’accès, en Autriche, au tunnel de Brenner en construction. Il s’agit ici d’un accès essentiel dont nous parlions plus haut, et qui fait partie du Corridor européen TEN-T Scandinavie-Méditerranée, engagé par l’Union européenne. Mais c’est l’Allemagne qui gère les travaux… et encaisse la fronde des riverains.

De son côté, l’Italie s’engage aussi à créer une infrastructure d’accès moderne. Le gestionnaire du réseau ferroviaire italien (RFI) a publié l’appel d’offres pour la conception et la construction d’une ligne nouvelle Fortezza-Ponte Gardena, qui est le prolongement naturel du côté italien du tunnel de base du Brenner, afin de renforcer l’axe Vérone-Munich du corridor RTE-T Scandinavie-Méditerranée. Les 22,5 kilomètres coûteraient environ 1,52 milliard d’euros, financé par l’accord de planification entre RFI et le ministère italien des Infrastructures. Il est prévu d’achever les travaux en 2027, pour une mise en service 2028. En parallèle, la section existante Ponte Gardena-Vérone bénéficierait d’un quadruplement de certains tronçons de la ligne. Commentaire d’un conseiller régional : « cela permettra l’élimination des goulots d’étranglement causés par le trafic sur l’axe du Brenner (…) La spécialisation des lignes (ndlr voyageurs/fret) permettra une augmentation du trafic en provenance du Nord entrant dans le hub de Vérone, avec un impact significatif pour le terminal de fret Quadrante Europa à Vérone, qui est aujourd’hui l’un des principaux ports de fret sur le scénario européen. » Voilà qui tranche radicalement avec la mentalité du côté du tunnel Lyon-Turin.

On voit ainsi que les projets de France et d’Autriche suscitent encore beaucoup de débats et d’incompréhensions. Dirk Flege, directeur général de l’association allemande « Allianz pro Schiene », explique que « l’idée des réseaux transeuropéens RTE-T rattrape, pour ainsi dire, ce que nous n’avons pas réussi à réaliser au cours des dernières décennies au niveau national. » C’est la raison d’être de ces grands travaux. Pour la Suisse, c’est un soulagement : « nous avons fait le job… »

(photo consortium CPC)

31/08/2020 – Par Frédéric de Kemmeter – Signalisation ferroviaire et rédacteur freelance
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L’Europe doit accélérer le tempo sur les grandes infrastructures. Oui mais lesquelles ?

(photo ÖBB)

Tel est le message de la Cour des Comptes européenne, qui vient de diffuser à quelques semaines d’intervalle deux rapports sur les infrastructures de transport en Europe. Et ça pose question…

En début de semaine, un rapport intitulé « EU transport infrastructures: more speed needed in megaproject implementation to deliver network effects on time » (1) égratignait 8 méga-projets transfrontaliers de génie civil et de transports, fustigeant le temps de mise en oeuvre et les dépassement de coûts. Mais personne ne semble avoir vu qu’au milieu du mois d’avril dernier, cette même Cour des Comptes européenne remettait un autre rapport demandant à la Commission européenne d’accorder la priorité aux investissements dans le réseau routier central de l’UE en raison d’un achèvement lent et d’un entretien difficile (2). Alors quoi ?

Gare aux interprétations. Certains n’en retiennent que les dépassements de coûts, pointés par la Cour, ainsi que d’éventuels surestimations dans les prévisions de trafics, de tout temps dénoncées par les opposants aux infras. Mais on se rassure, « la mise en place des corridors du réseau central RTE-T dans les délais prévus est capitale pour atteindre les objectifs stratégiques de l’UE, et contribue à soutenir la croissance et l’emploi et à lutter contre le changement climatique », a déclaré M. Oskar Herics, le Membre de la Cour, responsable du rapport. De fait, le communiqué de presse rappelle que les mégaprojets transfrontaliers essentiels dans le domaine des transports au sein de l’UE mais « qu’ils progressent plus lentement que prévu », ce qui signifie en rien qu’ils soient inutiles voire anti-écologiques.

Et c’est peu dire que la Commission ne conçoit pas les infras comme peu utiles. Au mois d’avril, paraissait un autre rapport consacré aux autoroutes (2), ne laissant planer aucun doute sur l’accélération du mode routier, green deal ou pas. « D’ici 2030, la Commission vise à achever près de 50.000 km d’autoroutes et de routes express couvrant les neuf principaux corridors RTE-T et tous les principaux axes de circulation de l’UE. Le réseau routier central de l’UE progresse, mais n’est pas encore pleinement fonctionnel, » a déclaré Ladislav Balko, responsable d’un rapport plutôt centré sur les pays de l’Est. Un discours bienveillant où les amateurs du « monde d’après » en prendront pour leur grade…

C’est quoi, alors, le message ? D’abord rappelons que la Cour des Comptes européenne n’est pas la Commission européenne. La Cour des comptes européenne a été créée en 1977 pour contrôler les finances de l’UE. Le point de départ de ses travaux d’audit est le budget et les politiques de l’UE, principalement dans les domaines liés à la croissance et à l’emploi, à la valeur ajoutée, aux finances publiques, à l’environnement et à l’action pour le climat. La Cour des comptes vérifie le budget en termes de recettes et de dépenses.

Et on peut dire que cette Cour met le doigt là où cela fait mal. Les dépassements de coûts ? L’analyse est limpide. Le traité donne aux États membres la responsabilité de mettre en œuvre des projets dans le réseau de transport. L’UE ne fait que contribuer partiellement aux financements des projets les plus intégrateurs, et identifiés comme tels. Or l’immense problème est qu’au nom de la souveraineté nationale, chaque État membre la joue perso : « Les États membres ont des priorités nationales différentes, qui peuvent ou non coïncider avec les investissements nécessaires sur les corridors transnationaux de l’UE. Les États membres ont également des procédures différentes pour l’exécution des travaux et des vitesses de mise en œuvre différentes. Le soutien et l’opposition aux grandes infras varient considérablement et les priorités politiques peuvent changer au fil du temps, » indique le résumé du rapport. Qui d’ailleurs donne comme exemple le traitement législatif bien différent concernant le projet Lyon-Turin entre la France et l’Italie.

Pour veiller à ce que les États membres achèvent le réseau en temps voulu, la Commission ne dispose que d’outils juridiques limités pour faire respecter les priorités de l’UE, explique la Cour. Et c’est bien là un aveu explicite : la « vraie » Europe n’existe pas et peine à coordonner et à faire respecter les calendriers et les délais. Et dans ces cas-là, l’expérience montre à quel point les coûts peuvent exploser, quand il faut interrompre un chantier, casser des contrats, renouveler un appel d’offre, faire revenir des entrepreneurs entre-temps partis ailleurs…

On sait depuis longtemps que l’Europe n’est vue par beaucoup de politiciens qu’au travers d’une vaste pompe à finances, un « retour légitime » justifié par le fait que chaque Etat membre verse une contribution calculée en fonction de son poids économique. Il suffit d’analyser la politique agricole commune pour s’en convaincre…

Dans le cadre de la gestion partagée, où la responsabilité première de la mise en œuvre incombe à l’autorité de gestion compétente, « nous avons constaté des cas d’utilisation non optimale des fonds communautaires pour un montant total de 12,4 millions d’euros et de gaspillage de 3,7 millions d’euros de cofinancement communautaire sur l’autoroute A1 de 582km, en Roumanie. » Laquelle montre le parfait exemple de souveraineté avec la nécessité d’un permis de construire par lot de 7 km d’autoroute, et une autorisation environnementale pour chaque tronçons de 26 km. La politique villageoise dans toute sa splendeur, bien loin du sacro-saint « bien commun »…

Là où on pourrait tacler la Cour, c’est que curieusement l’analyse des projets ferroviaires et aéroportuaires est toujours basée sur des quantités de trafics escomptés, quand le réseau routier n’est jamais envisagé sous cet angle ! « Les routes jouent un rôle important en reliant les pays et régions de l’UE, contribuant ainsi à leur activité économique, à leur développement et à leur croissance, » explique-t-on dans le rapport « routier » d’avril, sans plus de détails, comme si cette seule justification suffisait à prévoir 78 milliards d’euros de fonds communautaires. Du coup, la pertinence écologique d’ouvrages d’art comme le Lyon-Turin, Rail Baltica ou le nouveau lien entre Hambourg et Copenhague, semblerait peu, voire pas évidente d’après les sages de Luxembourg : « les volumes de trafic réels s’écartent notablement de ceux prévus, et il existe un risque élevé de surestimation des effets positifs de la multimodalité ». 

>>> À lire : Tunnels ferroviaires : qui va gagner la bataille des Alpes ?

Ajoutons à cela les freins considérables concernant un chemin de fer communautaire sans frontières : les États n’en veulent pas, sauf à aller piquer quelques cerises chez le voisin à l’aide d’un « bras armé » d’une entreprise publique. La faiblesse affligeante du trafic entre Perpignan et Barcelone, ville mondiale, ne peut être analysée qu’au travers de la guéguerre que se livrent les deux entreprises publiques respectives SNCF et Renfe, chacune craignant d’être bouffée par l’autre… Il en est de même entre la France et l’Italie, ainsi qu’entre la Suisse et ses voisins.

Pas morte, la route…
Du côté routier, tous ces problèmes n’existent pas et les lobbies savent parfaitement en jouer à Bruxelles. Là réside le plus grand danger : la facilité de la route qui « concerne tout le monde » contre la complexité ferroviaire « qui ne concerne qu’une fraction des électeurs ». Cela parait anodin, mais on n’a pas idée de l’impact que cela provoque dans les couloirs de la Commission et du Parlement européen. « Les sociétés d’autoroute font un lobbying énorme pour faire passer la route comme un mode de déplacement durable, » explique Eva Sas, membre d’Europe Écologie Les Verts, à propos de projets autoroutiers autour de Montpellier et en Gironde. L’autoroute verte est à portée d’échangeur, jugeait en 2015 l’historien Mathieu Flonneau, coauteur de Vive l’automobilisme (Fondapol, 2015) : « Avec les nouveaux usages collaboratifs, la route redevient un mode pertinent sur certaines distances, notamment le périurbain mal desservi par les transports collectifs. Pour faire du développement soutenable, il faut une économie soutenable, et la route, longtemps méprisée, coûte moins cher que le fer, » explique le site Terraeco.

La fausse idée des infras existantes…
Pour prolonger les propos précédents, certains aficionados écolos préfèrent du coup « transformer l’existant plutôt que de bétonner davantage. » C’est très joli, mais les faits en Europe montrent que la rénovation des voies ferrées existantes n’est pas moins chère et prend parfois plus de temps. Les chantiers multiples entre Karlsruhe et Bâle sur le grand RTE-T Rotterdam-Gênes, ont débuté en… 1987 et ne devraient pas être entièrement terminés avant 2030, soit 43 années de rénovation ! Il y a déjà eu Rastatt et plus récemment le dramatique accident d’Auggen, où une dalle a tué un conducteur de train. Ailleurs, nous avons eu le projet « Thameslink » à Londres dépassant les 20 années en contexte urbain certes difficile, le RER de Genève qui a pris quasi 12 à 15 ans, les chantiers multiples qui génèrent des baisses de vitesse quasi perpétuelles, c’est clair, rénover l’existant met à rude épreuve les nerfs des navetteurs, des politiciens à courte vue et des associations diverses qui remettent tout en cause au gré du vent.

D’autant que si la rénovation d’une infra locale peut paraître sympathique, elle s’accompagne très souvent de surenchères « citoyennes » pouvant aller jusqu’au recouvrement des voies ferrées d’une odieuse dalle… de béton, comme à Boisfort dans le grand bruxellois ! À ce jeu là tout le monde perd : les riverains qui se tapent un beau mur (rapidement tagué…), le gestionnaire d’infra qui se voit imposer des critères de « sécurité tunnel » multipliant les coûts et… le contribuable national, non-concerné, prié de renflouer les caisses vides de l’État. L’écologie au prix du luxe, qu’une prochaine Cour des Comptes viendra critiquer…

Certes, ces chantiers locaux n’ont rien à voir avec les gargantuesques projets trans-européens. Mais si on analyse celui du Fehmarn, ce projet de pont/tunnel devant relier le nord de l’Allemagne au Danemark, on perçoit tout de suite que maintenir l’existant, c’est perpétuer le passé. Lequel se décline par une traversée d’une heure en bateau, ce qui de facto limite la capacité des trains et par extension… ne répond pas aux défis climatiques. Les amateurs de « slow food/slow travel » apprécieront certainement cette non-croissance mais oublient que quand on limite les voyages, ceux-ci sont plus chers et ne bénéficient… qu’à ceux qui savent se les payer, même si l’État intervient (et en réalité il intervient déjà sur les ferries du Fehmarn…). On sait par ailleurs que l’opposition au « béton » provient parfois de tout autre chose, par exemple la chasse au capitalisme chère à l’univers décroissant. Le train devient alors la victime de ces idéologies.

Puttgarden, débarquement d’un ICE-T d’un ferry (photo Superbass via wikipedia license CC-BY-SA-4.0)

On pourra encore revenir sur la problématique des lignes de crêtes dans les Alpes. Les suisses l’ont résolue par les NLFA qui nous délivrent trois tunnels à coup de milliards, le dernier, le Ceneri, devant être ouvert cet automne. Le Semmering autrichien suit son cours pour soulager le Tyrol. Dans ces deux cas, on mise sur une croissance du trafic qui ne sera peut-être pas tout de suite celle prévue par les grands bureaux de consultance. Car entre-temps, arrivèrent 2008 puis le coronavirus. Ca fait beaucoup, mais du coup les critiques sur un décalage entre chiffres d’hier et réalité d’aujourd’hui peuvent parfois avoir une odeur de populisme. Qui peut prouver qu’une infra chère aujourd’hui ne servirait pas demain à toute une économie ?

Comment faire tomber de telles barrières ? Le coût des infras ferroviaires rappelle que rien n’est gratuit mais qu’en revanche, toute infrastructure ferroviaire est là pour durer, et qu’il faudrait donc diviser le coût total sur sa durée de vie complète, soit bien au-delà d’un demi-siècle, ce qui modifie les paramètres. La faiblesse des trafics constatés montre que les freins ne viennent certainement pas des industriels mais bien des États, qui vivent en mode « protection » de leurs anciennes gloires ferroviaires nationales. Faire d’un défi « une opportunité pour le futur » n’est pas dans les gènes des conservateurs…

>>> À lire : Pas de bons trains sans bonnes infrastructures…

Si on veut booster les trafics sur les ouvrages d’art analysés par la Cour des Comptes européenne, il faut tout simplement ouvrir le réseau sans restrictions et y laisser venir un maximum d’opérateurs et de trains. Ouvrir le réseau, c’est aussi assigner une tarification raisonnable de l’infrastructure pour générer des trafics plutôt que de les asphyxier. Enfin une délégation de pouvoir plus prononcée pour gérer le timing des chantiers trans-européens est hautement nécessaire pour avancer, et surtout pour terminer ces chantiers. Mais là, on connait déjà la réponse…

(1) Le rapport « ferroviaire » est disponible en anglais à ce lien

(2) En anglais : The EU core road network: shorter travel times but network not yet fully functional 

cc-byncnd

Domicile-travail : le monde d’après encouragerait la voiture ?

C’est ce qui ressort de trois enquêtes distinctes, parmi d’autres. L’auto pourrait revenir en force dans les comportements. Explications.

L’enquête de Yougov concernait en réalité vingt villes européennes et interrogeait 7.545 adultes qui y vivent. Pour sa partie allemande, ce sondage interrogeait des citoyens de Berlin, Hambourg, de la région métropolitaine Rhin / Main, de Munich et de Cologne, soit les villes majeures d’Allemagne.

Selon ce sondage Yougov au nom de l’association Transport & Environnement, de nombreux allemands souhaiteraient être plus souvent en auto après la crise du Covid-19 qu’avant. 41% des allemands (et 46% des européens…) interrogés ont déclaré vouloir effectuer un trajet de A à B avec leur propre voiture ou une voiture de location, davantage qu’auparavant. Seuls les Berlinois préfèrent davantage les bus et les trains (40%) que les voitures (34%).

Par ailleurs, 35 % des personnes interrogées ont déclaré qu’elles n’avaient pas utilisé les transports publics locaux régulièrement depuis le début de la crise et qu’elles ne continueraient pas à le faire dans le futur proche par crainte d’une infection. Cela pose une réelle question de pertinence des transports publics, déjà confrontés aux mesures de distanciation.

Une bonne nouvelle tout de même, un bon quart (26%) de toutes les personnes interrogées souhaitent faire du vélo plus souvent, 28% souhaitent utiliser malgré tout davantage les transports publics qu’auparavant. 28% des personnes interrogées à Berlin et Munich souhaitent également faire davantage de marche à pied.

Il est évidemment difficile de tirer des conclusions, notamment par la nécessaire distinction à faire entre « souhait » et « exécution », ce que le sondage n’éclaire pas. Certains citoyens seraient dans un premier temps tenté par « la bulle protectrice » que représente l’automobile, mais la question n’a pas été posée. De plus, ce sondage a été réalisé en phase de déconfinement généralisé en Europe, et beaucoup de gens ne souhaitent qu’à revenir à leur vie d’avant, car pour l’immense majorité rien n’a changé en termes d’emploi, de domicile, de distance, si ce n’est le télétravail. Plus de la moitié des personnes interrogées (51%) étaient entièrement ou partiellement d’accord avec l’affirmation selon laquelle la vie quotidienne normale devrait reprendre au plus vite, même si cela s’accompagnait d’une augmentation de la pollution atmosphérique.

Curieusement, l’association Transport & Environnement, qui a commandité l’enquête, ne fait pas état de cette volonté d’augmentation du véhicule privé et préfère n’en retirer que les chiffres plus en phase avec son combat, notant par exemple qu’ « une nette majorité de citadins à travers l’Europe ne veut pas voir la pollution de l’air revenir aux niveaux d’avant Covid-19 et soutient de profonds changements dans les transports pour protéger l’air pur. » On en sait pas d’où elle sort le terme « soutient de profonds changements »…

Une autre enquête purement allemande a été effectuée par l’ADAC (fédération d’automobile clubs d’Allemagne) en avril dernier, mais elle élargit le panel au-delà de la seule sphère urbaine, sur 2.145 personnes. Selon cette enquête, la majorité des personnes interrogées utiliserait à l’avenir les moyens de transport individuels « sans grands changements substantiels. » Ce qui permet de confirmer la dichotomie depuis longtemps observée entre les urbains et les péri-urbains, plus dépendants de l’auto malgré l’instauration de bons services de train en Allemagne (S-Bahn notamment…).

« La circulation automobile reviendra plus rapidement à un niveau supérieur, car les gens estiment à juste titre qu’ils sont davantage en sécurité dans leur propre véhicule », rapporte Stefan Gerwens, responsable du trafic à l’ADAC. Le sociologue Andreas Knie, qui dirige le groupe de recherche « Mobilité numérique et différenciation sociale » au Centre scientifique de recherche sociale de Berlin (WZB), en faveur d’un changement radical de mentalité, ne dit pas autre chose : « Si nous ne restons pas vigilants en termes de politique locale et fédérale, cette crise du Covid-19 entraînera une augmentation spectaculaire du trafic automobile. Il y aurait encore plus de circulation automobile que jamais auparavant parce que – subjectivement parlant – il vaut mieux s’asseoir seul dans sa propre voiture que, par exemple, dans un métro bondé. »

Une troisième enquête de Deloitte Suisse a abouti à des résultats similaires : si les répondants ont déclaré qu’à l’avenir, ils marcheraient ou pédaleraient davantage, les moins de 30 ans confirmeraient également une tendance au transport privé motorisé. 26% d’entre eux pensent qu’ils prendront plus souvent la voiture à l’avenir.

Ferdinand Dudenhöffer, directeur du Centre Automotive Research de Duisburg, prédit qu’il n’y aura pas de diminution de la densité des voitures, car les anciens modèles rouleront tout simplement plus longtemps. « À l’avenir, la densité des voitures en Allemagne et en Suisse tendra à augmenter davantage. Il n’y a actuellement aucun renversement de tendance perceptible, » explique-t-il au Schweizam Wochende.

Pour Marion Tiemann, experte circulation chez Greenpeace Deutschland, c’est dramatique, bien qu’elle espère que ce ne soit que temporaire. L’évitement des transports publics en faveur du transport individuel « pourrait augmenter le nombre de kilomètres parcourus en voiture jusqu’à 20 milliards par an dans les seules grandes villes [allemandes, ndlr]. Cela signifie plus d’embouteillages et plus de dioxyde de carbone (CO2) nuisible au climat, » explique-t-elle au Redaktion Netzwerk Deutschland.

Cette méfiance du transport public propulse le vélo au rang de solution sanitaire : il permet en effet de coller aux mesures de distanciation gouvernementales, car il est bien rare à vélo de se suivre à moins de deux mètres. Dans de nombreuses villes d’Europe, des bandes de circulation automobile ont été supprimées au profit du réseau cycliste. C’est le cas à Bruxelles sur la célèbre rue de la Loi, et dans certains quartiers de Berlin avec une série de pistes cyclables dites pop-up dans les quartiers du Kreuzberg et Friedrichshain, ce qui est loin de quadriller toute la ville.

Brême (photo Ulamm via wikipedia)

Mais ces opérations sont sporadiques et le plus souvent issues de plans ou de promesses politiques datant de plusieurs années. Les plus fins observateurs notent que le Covid-19 n’aurait souvent été que l’excuse idéale pour certains partis de mieux faire passer la pilule auprès de leurs électeurs. Regine Günther, des Verts berlinois, assume cette politique éclair en expliquant à Die Welt que « des coalitions municipales auraient besoin de mois, voire d’années, pour faire [ce qui a] été mis en œuvre au pas de course à Friedrichshain-Kreuzberg, » faisant hurler certains pour ce coup de force et ce déni de démocratie.

Reste à voir si ces projets seront pérennes. Andreas Knie remarque que les villes « cyclables » ont toutes à leur tête des majorités associant les Verts. « Le nouveau maire de Hanovre, Belit Onay des Verts, a été élu fin 2019 avec l’engagement clair de réduire le nombre de voitures. A Munich, la nouvelle majorité verte-rouge du conseil municipal veut aller dans ce sens, » explique-t-il au Süddeutsche Zeitung. À Hambourg, les Verts, encore eux, négocient un accord de coalition avec le SPD. Et pour les autres villes ? C’est moins clair. On peut honnêtement douter que l’élection des Verts dans de nombreuses municipalités d’Allemagne et d’Europe soit le seul fait de leur politique cycliste, mais c’est un autre sujet.

De nombreuses études ont montré que des villes plus piétonnes et plus cyclistes ne faisaient pas péricliter le commerce. Anvers, en Belgique, a l’une des plus longues artères commerçantes piétonnes d’Europe, dans une ville où on vote généralement… à droite. A Gand, à Strasbourg ou encore Vienne, de vastes zones piétonnes ne sont traversées que par les trams, solution peu polluante.

>>> À lire : Le tram, une plus-value pour les commerces ? C’est évident…

La grande misère annoncée de transport public
Mais sondage ou pas, la grande question est de ne pas s’en tenir à une opposition binaire et stérile entre « gentils cyclistes urbains » et « méchants détenteurs de SUV ». Entre le deux, il y a le transport public, qui a énormément souffert des restrictions liées au Covid-19, y compris en Allemagne. Le nombre d’usagers dans les bus, les tramways, les métros et les S-Bahn a considérablement diminué. L’Association des entreprises de transport allemandes a mis en garde contre des difficultés financières massives, faisant état de perte de ventes pouvant atteindre un milliard d’euros par mois. Dans tous les pays d’Europe, c’est la même situation, particulièrement injuste quand on sait les efforts méritants du personnel qui a maintenu le service public au plus fort de la crise.

Il flotte une curieuse impression que le monde politique semble avoir la certitude que tout va rentrer dans l’ordre d’ici peu. Sauf qu’un endettement massif de ces sociétés publiques municipales mettrait en sourdine tous les beaux projets d’investissements que nous avons souvent évoqué dans nos colonnes. Ce qui donnerait du grain à moudre à certains radicaux qui estiment finalement qu’il est moins cher de n’investir que dans les pistes cyclables et d’oublier le reste. Une erreur grave : « oublier » la périphérie et le péri-urbain, c’est entériner encore davantage le mode automobile, indispensable autour des villes, et c’est peut-être aussi accentuer un mouvement d’installation des activités tertiaires du centre-ville vers la périphérie, plus accessible. Moins de bureaux en ville signifie moins de taxes, moins de rentrée dans l’horeca le midi et précarisation croissante des citadins.

>>> À lire : Le télétravail, fossoyeur de la restauration ?

Le télétravail et la digitalisation : un risque d’exode urbain…

La chercheuse suisse Karin Frick, économiste et membre du comité exécutif du Gottlieb Duttweiler Institute, confirme cette hypothèse, doublée d’un autre constat. Le télétravail, s’il diminue la pression sur les transports, pourrait voir l’adoption du « bureau à domicile », lequel aura un impact sur notre façon de vivre et sur notre mobilité. « Aller au bureau seulement une ou deux fois par semaine pendant quelques heures, est susceptible [d’engendrer l’acceptation] d’un trajet plus long pour vous rendre au travail. » En clair : on s’éloigne des villes encore davantage, et le bureau à domicile pourrait signifier par ailleurs le besoin d’un espace de vie plus grand qui devient plus important. « Après tout, vous restez davantage à la maison pour y vivre et travailler sous un même toit, d’où le besoin d’espace, » impossible à trouver en centre-ville. Andreas Knie explique qu’« avec le virus, une sorte d’accélération de la numérisation s’est également produite. » En poussant plus loin, Karin Frick met en garde : « à long terme, le bureau à domicile pourrait conduire à une évasion urbaine. » Qui ferait la part belle à l’automobile…

(photo Matilda Wormwood via pexels)

En France, Elodie Franco Da Cruz, responsable des Études chez Cadremploi, ne dit pas autre chose : « La période de confinement a engendré chez les cadres beaucoup de réflexion et de remise en question, notamment sur leur lieu de vie, 68 % d’entre eux déclarent qu’ils seraient prêts à partir vivre au vert. » Tout en rappelant les réalités françaises : « s’ils sont certes prêts à s’éloigner, ils souhaitent garder un temps de trajet domicile – lieu de travail inférieur à 1h… Le passage à l’acte pourra donc s’avérer plus difficile qu’il n’y paraît ! »

>>> À lire : 68% des cadres français voudraient partir au vert

Cette conception va à l’encontre de l’écologie radicale qui prône au contraire une sobriété tant dans l’espace rural bâti que dans la consommation de déplacements. Les sociologues pointeront aussi ce nouveau style de vie conçu pour des diplômés qui « peuvent se payer des baraques d’enfer au milieu de la verdure et vivre avec les meilleures technologies digitales, » laissant les sans-grades au cœur des villes. De nouvelles inégalités en perspectives !

Mais Karin Frick se veut au final plus rassurante : « Je ne peux pas imaginer que la politique dans les villes vertes donnera plus d’espace aux voitures. Dès que les gens se sentiront à nouveau en sécurité dans les transports en commun, ils laisseront de plus en plus la voiture dans le garage. » Et on peut espérer un retour au train pour beaucoup, même si le télétravail devait devenir une nouvelle norme…

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L’importance des gares, petites ou grandes


07/06/2020 – Par Frédéric de Kemmeter – Signalisation ferroviaire et rédacteur freelance
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Les gares font partie de l’infrastructure ferroviaire et de l’histoire de l’Europe. Elles constituent un élément essentiel de tous les réseaux ferroviaires nationaux. Certaines sont des icônes du passé et incarnent des histoires de la vie quotidienne de milliers de personnes. Elles constituent l’interface obligatoire entre les voyageurs et l’embarquement à bord des trains.

À l’origine…
Les grandes gares ont toujours été des pièces maîtresses des villes. Beaucoup d’entre elles avaient pour but, au XIXème siècle, de représenter la splendeur de la compagnie ferroviaire qui la construisait. Tel fut le cas par exemple de Londres-St Pancras ( Midland Railway), Paris-Nord (Compagnie des chemins de fer du Nord) ou Anvers (Grand Central Belge). Dans d’autres cas, ce sont les gouvernements qui décidèrent d’édifier de grandes gares, comme Budapest-Keleti (1868) ou plus tard Milan-Central (sous Mussolini).

Dès que l’on s’éloignait des grandes villes, on se retrouvait le plus souvent en milieu rural où on trouvait d’autres gares, nettement plus petite. Mais ces petites gares étaient parfois dotées de commodités très complètes : salle d’attente, toilettes, guichet. Les plus grandes d’entre elles ont une grande valeur culturelle et font partie des entités urbaines. La quasi totalité de ces gares avaient aussi une cour à marchandises desservie tous les jours. On y amenait notamment le charbon qui servait de chauffage aux habitants locaux. Tout cela est le monde du passé. La plupart sert aujourd’hui de parking…

Il y a eu, singulièrement après la seconde guerre mondiale, une sorte d’abandon progressif des gares dont beaucoup furent fermées. Les grandes gares urbaines, souvent détruites par la guerre, furent remplacées dans les années 50-60 par ce qu’on a appelé « l’architecture de type brutaliste », dont les meilleurs exemples sont notamment Londres-Euston ou Paris-Montparnasse.

Dans les zones rurales, on assistait soit à un exode urbain, rendant les petites lignes et leurs gares inutiles, soit à la construction de nouveaux logements plus éloignés des gares, parfois de plusieurs kilomètres. Car entre temps, les vieilles routes à pavés avaient été modernisées avec du bitume, ce qui a accéléré l’implantation de l’automobile dans les ménages. Cette situation socio-économique a mis le chemin de fer en danger. Les protestations de toutes parts ont permis parfois de maintenir certaines gares, mais pour les plus petites, il ne reste aujourd’hui souvent que les deux quais, sans aucune commodités.

La vieille gare désormais inutilisée de Blaenau Ffestiniog (photo John Charlton via geograph.org.uk)
Gendron-Celles, Belgique, en 1980, semble avoir été figée depuis les années 30… (photo Michel Huhardeaux via license flickr)

Beaucoup de ces petites gares ont laissé une très mauvaise image du chemin de fer et de l’État : des endroits sales et vieillot gérés par le service public alors que l’automobile, issue de l’industrie privée, se renouvelle sans cesse et présente une image permanente de modernité et de design. Ces éléments ont produit un impact considérable sur les citoyens : de moins en moins de gens prenaient le chemin de la gare.

Le renouveau
Heureusement, la croissance de la population et les limites d’une société entièrement vouée à l’automobile ont renversé les choses dès les années 90. Le train de proximité et local a pu retrouver un second souffle dans les pays où l’État a enfin permis aux autorités locales de s’occuper de leurs gares. Dans les pays centralistes, c’est encore difficile. Le paradoxe actuel se caractérise par les souhaits multiples de nombreux participants, par des demandes souvent insatisfaites venant des clients et des utilisateurs, par un parc immobilier qui ne répond plus aux exigences actuelles et par les caisses vides des entreprises publiques lorsqu’il s’agit d’investissements concrets et d’améliorations de la situation locale.

Les petites gares font dorénavant face à des demandes nouvelles pour lesquelles elles n’ont pas été adaptées. Ainsi, la reconnaissance d’autonomie en faveur de la personne handicapée a fortement progressé, ce qui signifie qu’il faut doter toutes les gares, ainsi que les trains, d’accès spécifiques pour les personnes à mobilité réduite, ce qui est souvent difficile à réaliser. En 2018, une étude révélait au Royaume-Uni que 50 % des gares en Écosse, 40 % des gares en Angleterre et 32 % des gares au Pays de Galles n’avaient pas un accès complet sans obstacles, ce qui empêchait les personnes à mobilité réduite de voyager.

Certaines gares méritent un sérieux coup de fraîcheur malgré la présence de trains modernes (Allemagne – photo pxfuel)

D’autres demandes concernent les rampes à vélo à placer le long des escaliers pour atteindre les couloirs sous voie. D’autres encore exigent le retour de la billetterie ou même parfois des guichets. Tout cela impacte fortement sur les budgets de l’infrastructure ferroviaire, alors qu’il s’agit d’éléments essentiels de service au public. Maintenir un guichet tout une journée dans des petites gares où la plupart de la clientèle dispose d’abonnements divers, demeure un problème. Les entreprises ferroviaires étatiques ont alors adopté la même politique que les opérateurs de bus, où la majorité des arrêts n’a aucun personnel en standby sur place, même pas en ville. Seuls les grands nœuds de transports publics disposent de guichets.

Certaines modernisations ont oublié des éléments essentiels… (photo Taucha Kompakt)

L’Allemagne compte environ 5.400 stations exploitées par DB Station & Service AG, une filiale à 100% de la société holding DBAG. Environ 3.500 (65%) de toutes les gares de voyageurs en Allemagne sont des «petites gares» et ont une fréquence quotidienne de moins de 1.000 usagers. Le plus grand nombre de ces «petites gares» se trouve en Bavière (594 gares). Depuis 2011, les 5.400 gares et arrêts sont répartis en sept catégories selon plusieurs critères, dont le nombre de quais, d’arrêts de train et de passagers par jour. En décembre 2017, les catégories de gares ont été remplacées par des classes de prix, qui constituent la base pour déterminer les prix d’accès que les entreprises ferroviaires paient à DB Station&Service et aux autres sociétés d’infrastructure ferroviaire du groupe DB pour l’utilisation de leurs quais et arrêts.

Network Rail possède et gère actuellement 19 des gares les plus fréquentées du Royaume-Uni et ce nombre est en augmentation. À cela s’ajoutent plus de 2.500 autres gares desservies par environ 20.000 trains par jour. Network Rail, comme Infrabel en Belgique ou ProRail aux Pays-Bas, est plutôt responsable des aspects techniques de la voie, de la signalisation et de la caténaire, c’est-à-dire des éléments ferroviaires techniques qui sont en dehors du périmètre commercial destiné au public. Les zones ouvertes au public, en revanche, sont sous la responsabilité des TOC (sociétés d’exploitation des trains). Il n’y a pas deux franchises identiques. De par leur nature même, elles couvrent des lignes et des itinéraires ferroviaires différents, ayant des exigences et des spécifications différentes. Certaines franchises prévoient la modernisation des gares, d’autres se contentent de la gestion.

Cette séparation entre la technique et les espaces « publics » provient d’un constat : alors que les espaces publics sont fréquentés quotidiennement, les éléments techniques ne demandent pas d’avoir sur place du personnel en permanence. Les équipes techniques sont aujourd’hui mobiles et passent de gare en gare pour l’entretien ou pour d’éventuelles réparations. Les technologies permettent à présent de surveiller de très nombreux équipements ferroviaires à distance.

L’autre argument est que certaines surfaces ouvertes au public peuvent être « commercialisées », ce qui n’est à priori pas un métier de cheminot. Cette commercialisation permet de tirer des revenus, là où c’est possible, d’un actif immobilier qui coûte cher à son gestionnaire, tout particulièrement quand il faut conserver un bâtiment historique devenu trop vaste pour le trafic actuel. Par exemple, CFF Immobilier, une filiale de la société publique des chemins de fer CFF, est l’une des principales sociétés immobilières de Suisse, dont les 864 employés s’occupent de 3.500 bâtiments et 3.800 sites ferroviaires dans toute la Suisse. Une partie de son rôle est le développement durable des sites autour de ses gares afin de générer des revenus à réinvestir. L’objectif des CFF est de faire en sorte que les biens immobiliers soient à l’avenir parmi les plus rentables de Suisse.

Gare de Visp (Viège), en Suisse, accueillant deux compagnies de chemin de fer et des bus (photo CFF Immobilier)

Ces objectifs immobiliers continuent d’émouvoir certains idéologues qui voient là « une marchandisation du service public au détriment du rôle de l’État ». Le débat est infini entre ceux qui estiment qu’un service public ferroviaire doit être payé quoiqu’il en coûte, et d’autres qui proposent des solutions alternatives pour tirer des revenus d’un secteur qui pèse lourd au niveau des finances de l’État et qui a besoin d’énormes quantité d’argent pour fonctionner. La gestion du bien commun peut aussi passer par la créativité et l’audace, tout en restant encadrée par la loi.

L’importance des réalités locales
La rénovation de ces petites gares dépend encore trop souvent des objectifs financiers des gouvernements au niveau national. On peut facilement spéculer sur le fait qu’un chemin de fer qui ne fait que 8 à 15% de parts de marché n’est pas prioritaire pour les élus, qui ont d’autres priorités (électorales) à financer. Ce problème n’est pas nouveau.

Les chiffres développés plus haut montrent l’ampleur des investissements à consentir pour un public encore minoritaire. C’est ici que la régionalisation peut jouer un grand rôle : ce qui semble être anodin et accessoire au niveau de l’État est en réalité d’une grande importance au niveau local. On n’a pas la même vision du haut de Londres, Paris ou Berlin par rapport aux réalités du terrain.

Cette régionalisation des gares doit cependant se faire avec des transferts financiers venant de l’État. C’est ce qui a manqué en France : on a laissé la SNCF, au niveau national, décider quels investissements étaient nécessaires… du moment que les régions payent ! Le but était de sauvegarder l’unicité de la SNCF et de ramasser un maximum d’argent ailleurs. Transférer un défaut d’investissement national vers le niveau local n’est évidemment pas une politique durable…

Le Land du Bade-Wurtemberg par exemple a prévu en 2019 un total de 430 millions d’euros à investir sur dix ans dans des projets de rénovation entre 2020 et 2029, destinés à environ 400 des 787 gares locales. Le Land contribuera à hauteur de 150 millions d’euros à ce nouveau paquet, les municipalités devant fournir un total de 80 millions d’euros. Le solde, soit 200 millions d’euros, est fourni par la Deutsche Bahn. On trouve un peu partout en Europe des deals similaires, à divers degrés, mais tout dépend de la culture politique.

Bien entendu on ne peut pas comparer la France, ni même la Grande-Bretagne, avec des pays fédéraux comme l’Allemagne ou la Suisse. Certains pays « non-fédéraux » appliquent cependant une politique très proche des pays fédéraux avec transferts de fonds de l’État national vers les Régions ou Comtés, comme en Suède ou aux Pays-Bas. Dans la plupart des cas, les gares font toujours partie de l’entreprise publique et sont gérées soit depuis une filiale d’un holding (DB Station & Service) ou soit par le gestionnaire d’infrastructure (Adif, en Espagne).

La nouvelle gare à grande vitesse de Villafant, gérée par l’ADIF et non l’opérateur Renfe (photo Mediarail.be)

Mais les relations entre le gestionnaire de l’infrastructure et les autorités organisatrices des transports sont parfois tendues, même dans le cas d’une politique décentralisée. Dans de nombreux cas en Europe, les élus locaux n’ont aucun contrôle sur leurs gares, quelle que soit la configuration institutionnelle. Par exemple, pour l’autorité organisatrice régionale VBB (Brandebourg et Berlin), il n’est pas acceptable à long terme que la Deutsche Bahn définisse elle-même la qualité des gares. Selon le VBB, les exigences minimales de la Deutsche Bahn en matière de service et de qualité sont nettement inférieures à celles exigées par l’autorité organisatrice.

Rénovation
On peut pourtant trouver de nos jours de très belles rénovations de petites gare sans que cela ne coûte des milliards d’euros. Certaines gares sont parfois repositionnées ou même… créées, ce qui est toujours un événement, tant nous sommes habitués à des fermetures de gares et de petites lignes. On pourrait même imaginer de relocaliser les logements plus proches des gares pour éviter aux usagers de devoir utiliser une auto. Cela permettrait d’atteindre certains objectifs climatiques qui sont devenus l’urgence de ce siècle. Mais il faut pour cela qu’il y ait aussi un service de train attractif.

>>> À lire : Et si on ramenait les gens plus proches des gares ?

Certaines gares ont obtenu de très belles rénovations, souvent quand une ligne est rouverte, comme ci-dessous entre Nantes et Chateaubriand, en France, à l’occasion de la mise en service d’un train léger sous forme de tram.

Gare de Nort-sur-Erdre, rénovée par la SNCF dans le cadre du tram-train Nantes-Chateaubriand (photo Cramos via wikipedia)

D’autres petites gares ont été construites dans les années 70 mais ont pu être mise à niveau parfois de façon très simple, par un petit geste architectural, comme ici à Den-Haag Moerwijk, aux Pays-Bas. C’est propre et sans fioritures.

Den-Haag Moerwijk, aux Pays-Bas (photo Albert Koch via license flickr)

L’architecture et la convivialité ne sont pas du luxe inutile. La première impression est très importante car c’est par sa gare que les gens jaugent la qualité d’un service public d’une région, d’un Land ou d’un Comté. L’investissement dans la rénovation d’une gare peut, à son tour, apporter la confiance nécessaire en fournissant un axe de développement pour les municipalités. Les améliorations apportées aux gares peuvent apporter des avantages plus larges, par exemple en ce qui concerne le quartier de la gare. La gare ne peut plus être le coin hideux du village, que l’on évite. Elle doit redevenir le centre du village ou de la petite ville. On peut parfois oser le geste architectural, sans sombrer dans la mégalomanie. Par exemple avec cette gare des bus, devant la gare ferroviaire à Attnang-Puchheim, en Autriche.

Attnang-Puchheim, Autriche (photo Architektur Studio Gilhofer)

Les avantages de se rendre à la gare en vélo sont évidents. Mais un problème récurrent a toujours été de sécuriser le vélo pendant la journée. Trop souvent, le vélo était attaché, au mieux sous un auvent à quai, au pire en dehors de la gare. Toutes les gares reconstruites ou rénovées disposent d’un parking à vélos (photo, Autriche).

Désormais, on commence à installer de véritables garages à vélos. Par exemple, avec ses 61 stations pour vélos, la Rhénanie-du-Nord-Westphalie compte plus de garages à vélos dans les gares que le reste de l’Allemagne réunie. En un laps de temps relativement court, les municipalités et les partenaires privés ont pu créer un réseau de parkings à vélos à l’échelle du Land sous la marque « Radstation » (« Station pour vélos »), qui répondent tous à des normes minimales communes.

Une révolution dans la restauration « take away » au cours des vingt dernières années a permis dorénavant d’oublier définitivement la réputation des sandwiches rassis et du café imbuvable. La restauration n’a jamais été un métier de cheminot et il était temps que la qualité s’installe. Aujourd’hui, cette restauration comprend des points de vente d’une toute autre qualité, gérés par des détaillants indépendants dont c’est le métier comme ici, à Cuxhaven et Bad Bentheim, en Allemagne.

Cuxhaven (photo Allianz Pro Schiene)
Bad Bentheim (photo Allianz Pro Schiene)

Tous ces exemples montrent que la revitalisation de petites gares est parfaitement possible, pour autant que l’on s’en donne les moyens. Le succès de nos gares n’est possible que grâce à un effort et une ambition partagés : les partenariats du secteur public, des entreprises privées et sociales, et des entités qui font partie du chemin de fer et qui en sont extérieures. Les meilleures idées sont collectives, pas seulement issues d’une seule société étatique. Il n’y a pas une seule manière de construire une gare durable, mais des centaines de manières.

Ce n’est pas seulement une question d’argent, mais aussi une question de meilleure allocations des ressources. Rechercher l’argent disponible, coopérer avec les autorités locales, rejeter le localisme politique, ce sont là des ingrédients indispensables pour faire en sorte que les petites gares deviennent des pôles attirants et efficaces. Dans certains pays, il y a encore beaucoup de travail de persuasion…

La gare de Baarn, Pays-Bas (1874) (photo E. Dronket via license flickr)

07/06/2020 – Par Frédéric de Kemmeter – Railway signalling et rédacteur freelance
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Sources :

2011 – ec.europa.eu – Bicycle Parking at Train Stations

2011 – Tim Lehmann – Der Bahnhof der Zukunft – Alternativen zum traditionellen Bahnhofsempfangsgebäude

2015 – Campaign for Better Transport – Passenger’s Guide to Franchising

2016 – Campaign for Better Transport – Development around stations Exploring international experience and lessons for the UK

2017 – Rail Delivery Group, UK – Regenerating Britain’s railway stations: a six-point plan

2019 – Network Rail – Station Design Principles for Network Rail 

2019 – Mediarail.be – La régionalisation du rail allemand

2019 – Allianz Pro Schiene – Bahnhof des Jahres: Die besten Bahnhöfe Deutschlands

2019 – Ludwigsburger Kreiszeitung – Millionenschweres Finanzpaket für Bahnhöfe geplant

2020 – SBB Real Estate

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