Proposition pour des trains de nuit (1) : au départ de Belgique et des Pays-Bas


09/09/2020 – Par Frédéric de Kemmeter – Signalisation ferroviaire et rédacteur freelance
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Nous entamons ici une petite série de propositions totalement libres sur les relations par trains de nuit qui nous semble le plus plausible. Elles ne manqueront pas de susciter débats et controverses. Aujourd’hui, quelles relations au départ de Belgique et des Pays-Bas ?

Contexte
La Belgique et les Pays-Bas concernent à eux seuls un bassin de population d’environ 28,92 millions d’habitants. La position géographique et l’attractivité diffère cependant entre les deux villes capitales :

  • Amsterdam est une destination mondiale axée sur le tourisme et les affaires;
  • Bruxelles est la capitale de l’Europe et un carrefour central entre Paris, Londres, l’Allemagne et les Pays-Bas.

Ces éléments basiques, qu’il faut agrémenter avec d’autres arguments, montrent dès lors que de manière globale :

  • Amsterdam est une origine/destination à elle seule du fait de sa forte attractivité;
  • Bruxelles est plutôt un hub vers le nord de la France, Paris, et le Royaume-Uni.

Si on additionne la zone de chalandise avec le Nord de la France, Paris, le Kent et Londres, on couvre un potentiel de voyageurs parmi près de 50 millions d’habitants produisant un PIB.

L’idée
Relier quotidiennement le Nord, l’Est et le Sud-Est de l’Europe pour atteindre un maximum de destinations en moins de 24 heures. C’est la raison d’être des destinations soigneusement choisies et visibles sur la carte ci-dessous :

  • Hambourg donne accès à la Scandinavie, à tout le moins au Danemark et au sud de la Suède. Ceux qui ont vraiment le temps prendront le ferry qui relie Lübeck/Travemünde à Helsinki. On sait que les gens « du sud » détestent aller au Nord. On peut vous affirmer que c’est une grande erreur…;
  • Berlin, qu’on ne présente plus, est une destination à elle seule. La capitale allemande permet aisément de rejoindre des joyaux touristiques majeurs comme Dresde, Prague ou Cracovie. La Pologne entière, et forcément Varsovie, est accessible depuis Berlin.
  • Munich est un nœud important de correspondances ferroviaires. On y compte trois courants de destinations : le duo Vienne/Budapest, le moins connu Tauern donnant accès à Klagenfurt, à la Slovénie (Koper) et surtout au nord de la Croatie, dont Rijeka sur la côte adriatique. Et enfin le très connu Tyrol, suivi du Trento italien qui mène à Vérone, Venise et Bologne, entre autres.
  • Zurich, ville de finances, pourrait aussi être une destination à elle seule. C’est principalement une passerelle ferroviaire donnant d’abord sur les fantastiques Grisons, mais aussi sur le Gothard, le Tessin et l’ensemble Lugano/Locarno puis la Lombardie, qui comprend non seulement Milan mais aussi les fameux lacs italiens.

Notons au passage que le train de Bruxelles fait arrêt à Liège, et celui d’Amsterdam à Utrecht et Arnhem. La destination « Berlin » desservirait Potsdam, celle de « Munich » la ville de Augsbourg et pour Zurich, on a un arrêt d’office à Bâle, autre grand carrefour ferroviaire (Lausanne, Genève, le Valais…)

L’ensemble de ces villes comporte aussi des pôles universitaires et des sièges sociaux de grandes sociétés. L’attrait conjoint des origines et des destinations permettent d’espérer de former de gros paquets de touristes ou de clientèle individuelle pouvant justifier les trains de nuit que nous allons maintenant décortiquer. (cliquer sur l’image pour agrandir)

La carte ci-dessus est un scénario « moyen ». On considère que les flux entre le Benelux et les quatre destinations demeurent insuffisants pour former des trains complets, un format qui présenterait dix voitures par destinations. On a donc recours aux traditionnelles « tranches » de 3 à 5 voitures, ce qui nous donne le schéma d’exploitation visible ci-dessus :

  • Bruxelles serait un train « quadri-tranches » vers Hambourg, Berlin, Munich et Zurich;
  • Amsterdam serait un train « tri-tranches » vers Berlin, Munich et Zurich. L’absence de la destination Hambourg se justifie par le trop grand détour que feraient les voitures et par la proximité relative des deux villes (470km).

On obtient donc deux trains de nuit quittant en soirée vers 21h30, les deux villes du Benelux. Si on compte un minimum de trois voitures par destinations, dans la tradition Nightjet, le train de Bruxelles aurait déjà 12 voitures quand celui d’Amsterdam en aurait au minimum 9. Mais Amsterdam étant la destination – et l’origine que l’on sait -, il ne serait pas surprenant que chaque tranche ait 4 voitures, ce qui nous ferait dès lors aussi un train de 12 voitures.

Vers minuit, ces deux trains arrivent à Cologne ou aux alentours. Un premier tri est déjà opéré :

  • Groupage des Berlin et Hambourg en un seul train;
  • Groupage des Munich et Zurich en un second train.

Le premier train se dirige vers Dortmund et Hanovre avec trois tranches. Le second descend sur Mannheim avec 4 tranches. Un second tri, vers 3h30/4h00 du matin s’opère :

  • aux environs d’Hanovre pour séparer les Hambourg et Berlin. Les voitures Bruxelles-Hambourg profiteront du Zurich-Hambourg qui passe juste à ce moment-là… Les voitures pour Berlin ne forment plus qu’un train, 6 à 7 voitures;
  • à Mannheim, on sépare les flux Zurich et ceux de Munich. Les voitures pour Munich ne forment plus qu’un train de 6 à 7 voitures. Idem pour les voitures destinées à Bâle et Zurich, sauf qu’elles profitent aussi du Hambourg-Zurich qui passe juste à ce moment-là.

Les quatre destinations sont toutes atteintes entre 7h30 et 8h30 d’après une brève comparaisons avec les temps de parcours grande ligne classique. Au retour, scénario identique mais inversé, avec les mêmes regroupement à Hanovre et à Mannheim.

Au niveau traction, six locomotives devraient suffire en théorie :

  • par exemple la première sur Amsterdam-Mannheim-Munich et la seconde sur Bruxelles-Hanovre-Berlin;
  • Les troisième et quatrième exploitent les trains Hambourg-Hanovre-Mannheim-Bâle et retour. Vu le demi-tour dans cette gare suisse, il faudra la traction CFF pour compléter sur Zurich;
  • les cinquième et sixième sont celles faisant le chemin inverse, vers Amsterdam et vers Bruxelles.

Chaque rame bloc rentre en atelier après deux allers-retours, soit à peu près 4.000 kilomètres, pour entretien.

Les trains ne comportent que des places couchées. Une voiture-bar pourrait être incorporée tant d’Amsterdam que de Bruxelles, mais elle risque de limiter la capacité lorsqu’il sera nécessaire d’augmenter d’une ou deux voitures les jours d’affluence. La présence d’une authentique voiture-restaurant ne s’impose certainement pas ici, vu les heures tardives de départ (21h30) et les petits déjeuners généralement servis en compartiment, que ce soit couchettes ou voiture-lits.

Ces trains seraient gérés comme des hôtels. Ils sont fermés de 23h00 à 5h00 (c’est à dire sans service sauf celui du bar, ouvert jusqu’à minuit), et aucun accès n’est permis en route, et c’est tant mieux pour la sécurité. Le catering du matin serait effectué lors des groupages/dégroupages à Hanovre et Mannheim dans le sens Ouest-Est, à Cologne dans le sens retour. Pain frais garanti, café, thé et céréales et yaourt pour celles et ceux qui préfèrent…

Nightjet, l’exemple à suivre en matière de service. Mais on peut encore faire mieux… (photo Nightjet)

Une des trois ou quatre voitures par tranche comporterait un espace pour 12 à 16 places vélos. On n’ira pas plus loin, parce que chaque mètre carré compte et on perd 12 couchettes à la vente. On nous dit par ailleurs que le « monde d’après » ne serait plus celui de la possession mais de l’usage, de la location. Or les quatre destinations – tout comme les deux origines -, ont toutes des systèmes très complets de bike-sharing, de vélo à l’usage. L’occasion de passer de la théorie à la pratique et de ne plus encombrer un train avec ses lourds objets perso…

Chaque gare origine/destination dispose d’un salon d’accueil et de facilités pour les « longs voyages » : échange de ticket, eau gratuite, salon de repos avant d’embarquer, refuge quand il pleut, la gare doit être un lieu qui vous fait oublier le chemin de fer d’hier. Évidemment tout dépend du bon vouloir des gares de destination et des possibilités d’occuper quelques dizaines de mètres carrés.

>>> À lire : Comment le train peut-il reconquérir la clientèle d’affaires ?

Qui va gérer cela ?
L’opérateur qui en aurait la capacité et l’audace. Ce ne sera pas nécessairement un service public puisqu’il s’agit d’un service hôtelier commercial. Une vieille idée ? C’est clair qu’on reprend ici ce qui a déjà existé jadis. Mais en faisant mieux. Exemple : voiture-lits pour toutes les destinations, possibilité d’occupé un compartiment couchettes à quatre ou cinq. Prix globaux basés sur l’âge et billetterie par QR Code sur smartphone ou impression chez soi. La particularité de ces trains fait qu’il faut un marketing agressif car l’hôtellerie sur rail est plus difficile à vendre. Beaucoup de gens comptent encore « en heures », quand une nuit reste une nuit pour tout le monde, soit de 22h00 à 6h00.

Ces trains devraient cependant à terme obtenir un équilibre, mais cela dépend de nombreux facteurs agissant sur les coûts et la commercialisation. Un train de nuit est un marché de niche et rarement une affaire de volume. Le mélange voitures-lits/voitures-couchettes offre théoriquement 156 places par tranche de trois voitures, 216 pour quatre voitures. On tourne donc autour des 620/640 places par train au départ de Bruxelles et Amsterdam, bien loin du débit volumique des TGV ou ICE, mais chaque train, c’est l’équivalent de cinq Airbus A320. Quelques firmes de catering ont comme métier de fournir du personnel de bord formé à la fois pour le service et pour les particularités ferroviaires.

Au-delà de la destination
Mais surtout, il importe d’obtenir, enfin, de vrais accords commerciaux avec d’autres chemin de fer à destination pour poursuivre le voyage, que ce soit de « grands établis » (CFF, ÖBB, DB, PKP, Thalys, Eurostar) ou des privés régionaux. En étendant la billetterie et les billets globaux au-delà des six origines/destinations, c’est win-win pour tout le monde : l’aire de chalandise qui s’étale au-delà de Zurich, Munich, Berlin, Hambourg ou Bruxelles remplit non seulement les trains de nuit, mais aussi les trains de jours des opérateurs concernés.

Les Intercity polonais n’ont rien à envier à ceux d’Allemagne. L’un d’eux en gare de Berlin-Hbf, venant de Varsovie (phot Rob Dammers via wikipedia)

Au final, on couvre une grande façade de l’Europe avec seulement deux trains de nuit qui par extension, permettent dans la (bonne) demi-journée de relier une douzaine de villes d’art, de Copenhague à Gênes en passant par Dresde, Salzbourg et Vérone. L’espoir futur : une clientèle qui grandit et qui impose bientôt des trains à deux tranches (2x 6 voitures) voire, rêvons, des trains complets mono destination, à l’image de l’ancien Thello Paris-Venise. Mais chaque chose en son temps, commençons par le début…

Les autres propositions : 

MilanComment connecter 51 millions d’Allemands à 26 millions d’italiens
12/12/2020 – Nous poursuivons ici une petite série de propositions totalement libres sur les relations par trains de nuit qui nous semble le plus plausible. Aujourd’hui, il s’agit de connecter la moitié nord de l’Allemagne au nord de l’Italie.


train_de_nuitProposition pour des trains de nuit (2) : au départ de Belgique et des Pays-Bas
15/10/2020 – Nous poursuivons ici une petite série de propositions totalement libres sur les relations par trains de nuit qui nous semble le plus plausible. Aujourd’hui, voyons ce qu’on pourrait faire entre le Benelux et l’arc méditerranéen.


Écologie et train à tout prix ? La Bavière questionne…


04/09/2020 – Par Frédéric de Kemmeter – Signalisation ferroviaire et rédacteur freelance
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Mettons tout de suite les choses au point : la Bavière n’a rien à se reprocher sur un réseau local plutôt dense et bien fournit en services cadencés. Simplement, il y a des cas où après cinq années de tests, « la réactivation permanente d’une ligne ferroviaire peu utilisée n’aidera ni le climat ni le contribuable, » explique la ministre bavaroise des Transports, Kerstin Schreyer (CSU). Et évidemment, cela crée une mini-tempête. 

Écologie et train à tout prix ? Telle est l’équation de cet exemple très local. Il ne fera pas les gros titres de la presse mais peut par contre nous permettre de nous interroger sur la valeur des choses et les buts recherchés. Pour cela plantons d’abord le décors.

La réactivation des petites lignes ferroviaires fait toujours l’objet de débats intenses : la technologie ferroviaire, voie, signalisation et les véhicules ont un prix pour la collectivité : de 3 à 8 millions par an, voire plus, hors achats et travaux de réhabilitation. Comme il y a des coûts incompressibles, la politique allemande a tenté, avec un certain succès, de s’attaquer à ce qui peut « être lus facilement compressible », à savoir :

  • certains coûts d’exploitation (personnel, rotation et besoins réels en matériel);
  • acquisition du matériel roulant par leasing ou autre formules analogues plutôt qu’achats purs.

L’organisation de la Deutsche Bahn étant jadis truffée de lourdeurs, il est apparu que des opérateurs alternatifs plus petits pouvaient fournir un service à un prix par kilomètre plus acceptable pour la collectivité. Cette politique comporte deux avantages :

  • Les Lander sont maître de leurs lignes locales et en connaissent les coûts. Ils ne peuvent plus accuser Berlin ni déposer des demandes irrationnelles…;
  • Berlin se « débarrasse du fardeau local » et laisse chacun à ses popotes politiques du crû.

C’est le cas de notre petit exemple bavarois. Gotteszell-Viechtach est une petite ligne de la région de Regensburg (Ratisbonne en français). Elle fait partie d’un groupe de quatre lignes récemment réouvertes sous le nom de Waldbahn :

  • 15 décembre 2013 – Bayerisch Eisenstein – Zwiesel (Baie) – Gotteszell – Plattling, 72km, 11 gares;
  • 15 décembre 2013 – Bodenmais – Zwiesel (Bay), 15km, 5 gares;
  • 15 décembre 2013 – Zwiesel (Bay) – Grafenau, 32km, 9 gares;
  • 12 septembre 2016 – Viechtach – Gotteszell, 25km, 8 gares.

Fermée en 1991, soit bien avant la régionalisation du rail allemand, la ligne Viechtach – Gotteszell fut l’objet, pour sa réouverture, d’un référendum le 8 février 2015, avec une majorité de 63,9% des suffrages exprimés, mais sur un taux de participation de 20,9%, ce qui en dit long sur l’engouement local. Précision d’importance : le district de Regen, où se trouve la ligne, devait renflouer 10% des éventuels déficits encourus durant le test, en cas de nombre insuffisant des voyageurs. Un montant qui a pu peser sur les finances fragiles des communes associées…

La ligne fut donc réactivée en 2016 et soutenue par le Land de Bavière pour 650.000 euros par an. Elle portait le numéro 908 mais était clairement identifiée comme un projet. Techniquement c’est une ligne secondaire à voie unique de 24,7 km, qui est limitée à 50km/h dans le meilleur des cas, et est exploitée à l’aide d’un système de sécurité à clé (Schlüsi) avec sécurité PZB. Pour le trafic ferroviaire, cinq autorail régionaux Regio Shuttle construits par Stadler en 2004 ont été achetées pour la filiale Netinera Ostdeutsche Eisenbahn (ODEG) en 2016. Ceux-ci ont été adaptés au design Waldbahn sur les côtés, mais ont toujours l’ancien design ODEG sur la partie avant et sur les portes. Contrairement aux autres véhicules Waldbahn, ceux de Viechtach – Gotteszell sont climatisés, disposent de toilettes accessibles aux personnes handicapées, offrent un espace pour 10 vélos au lieu de 6, sont principalement équipés de sièges en rangée, n’ont pas de système d’information passagers et ont 72 sièges au lieu de 77, en configuration classique 2 + 2 sièges. Tout était mis en oeuvre pour réussir le test.

L’engouement des débuts, et l’activisme local -, ont fait croire à une renaissance. En 2018, bien que dépendant des méthodes de comptage, l’association comptait certains jours plus de 1.000 voyageurs au terme des deux années de test. Lequel fut ensuite prolongé de trois années supplémentaires, pour prendre fin en octobre 2021. D’où l’agitation actuelle…

Viechtach – Gotteszell, une ligne d’importance capitale ? Tout dépend des points de vue. Elle relie deux bourgades, Viechtach avec 8.370 habitants et Gotteszell, modeste village de 1.200 habitants. Mais surtout, sa clientèle est majoritairement composée de promeneurs, complété par un public poursuivant son trajet vers Passing ou Regensburg, sur la grande ligne Nuremberg-Linz-Vienne. La région traversée est surnommée le « Canada bavarois » et est avant tout une destination « du tourisme paisible », ce qui classerait ce chemin de fer plutôt dans la gamme des trains touristiques. Malgré des offres alléchantes comme le Bayerwald-Ticket à 9,00 euros par jour pour 1.000 km de réseau train/bus, malgré la gratuité pour les moins de 14 ans, les chiffres ont montré qu’il y avait moins de 500 voyageurs par jour malgré aussi un copieux service d’un train par heure. Des photos nous montrent des autorails en triplette et des foules à quai, mais il s’agit souvent des promeneurs du matin, « rare moment où il y une vraie vie sur les quais » ironise un observateur local. Alors quoi, tout ça pour ça ?

(photo Waldbahn – Christina Wibmer)

La fermeture définitive n’est cependant pas encore actée et la nouvelle en ce début septembre 2020 tient au fait qu’un préavis de 13 mois est sollicité pour arrêter de tels projets et trouver un remplacement, d’ici octobre 2021. Mais cette petite histoire locale nous mène vers un questionnement plus général, valable pour toutes les régions d’Europe. Train touristique ou train de service public ? Telle est l’honnête question qu’on peut se poser sur ce type de ligne, après cinq années de tests, qui permettent d’avoir du recul. Les écoliers le long du parcours sont déjà pris en charge par le bus scolaire qui les mène quasiment devant leur domicile et le trafic domicile-travail est majoritairement routier dans une région peu industrialisée, rurale et sans grandes ressources tertiaires. Il est dès lors douteux – et par ailleurs reconnu -, que cette ligne soit d’une grande aide pour les habitants.

Récemment, une carte de la grande association Allianz Pro Schiene, particulièrement active sur le créneau des lignes locales à travers toute l’Allemagne, a pointé précisément Viechtach – Gotteszell dans son projet « Comment reconnecter trois millions d’allemands au train », dont voici un extrait :

On constate que les trois autres lignes de la Waldbahn semblent pérennes, puisque ne figurant pas sur cette carte. Allianz Pro Schiene sait donc déjà que la ligne Viechtach – Gotteszell est menacée et l’inscrit dans la liste des reconnexions.

>>> À lire : Comment reconnecter trois millions d’allemands au train

Des règles et des constats
Martin Geilhufe, le président du Bund Naturschutz Bayern, une association environnementale, expliquait lors d’une visite des lieux à l’automne 2019 que « les lois [de Bavière] ne font pas du train l’unique épine dorsale de la mobilité du futur. » Traduction : pour la Bavière, un brin prudente, le rail doit rester viable, cause climatique ou pas. Sinon d’autres alternatives moins onéreuses peuvent être mise sur la table. D’où une crainte qu’en appliquant strictement les critères bavarois des 1000 voyageurs par jour sur toute la longueur du parcours, certains projets ferroviaires deviennent caduques, comme le très (trop) touristique Viechtach – Gotteszell. «_Il manque un facteur d’évaluation spécial qui reflète les particularités et les besoins de la Bavière rurale, » se plaint Martin Geilhufe. Une élue socialiste du district de Regen ne dit pas autre chose : « il est clair qu’une région comme la nôtre n’atteindra jamais le critère des 1000 voyageurs. » D’où l’idée de différencier ces chiffres qualifiés d’arbitraires. Le problème est que le coût du rail, lui, est bel et bien uniforme sur les coûts fixes et ne change pas selon qu’on soit en péri-urbain ou en milieu rural. Et pour alourdir la note, certaines petites lignes collectionnent des tunnels et des ponts souvent dégradés…

« Jadis les lignes riches renflouaient les lignes pauvres, » s’indignent les anciens. Sauf que cette péréquation forcée – souvent très théorique et vécue comme une contrainte par un opérateur unique qui n’en fait qu’à sa tête -, n’amenait aucune modernité ni sur la voie, ni sur le matériel roulant, quand dégradations et végétations s’amoncelaient au fil du temps. Les « lignes riches » avaient – et ont toujours -, des demandes importantes en matière de modernisation, pompant un peu plus les moyens disponibles pour le réseau secondaire. Toute l’Europe a vécu cela…

Que retenir de tout cela ? 
D’abord que l’échec d’une petite ligne ne fait pas l’échec d’une politique globale. Loin s’en faut. Entre 24 kilomètres (peut-être) perdus et les lignes rouvertes dans toute l’Allemagne, il faut pouvoir faire preuve de discernement. Viechtach – Gotteszell n’a pas de fortes populations utilisatrices du train, à l’inverse des environs d’autres villes moyennes plus importantes. 

Un point noir concerne la vitesse en ligne : des chutes à 20km/h sont introduites ça et là, et la vitesse est de toute manière plafonnée à 50km/h, ce qui n’en fait pas un outil attractif, même à l’heure d’un soi-disant slow travel. Or le BEG, qui est l’autorité de transport ferré en Bavière, indique bien que les coûts du test s’élèvent à plus de 3 millions d’euros par an. Mais cela n’inclut pas la modernisation des infrastructures, comme par exemple la reconstruction des quais à hauteur du train et la sécurisation des passages à niveau. Bien entendu, investir un bon million en 2020, ce n’est jamais qu’investir 50.000 euros/an sur vingt ans. L’urgence écologique ne signifie pas évaporation des charges, quand un chemin de fer a toujours autant besoin d’acier et de ballast pour rouler, sans compter le cuivre ! 

Tout cela donne de bonnes indications sur le coût d’une ligne locale, le vrai coût du train, quand certains réclament le transport gratuit. Les Lander, comme les autres régions en Europe, sont très regardantes sur les sous. L’affaire se corse quand un Kreis – équivalent à une collectivité -, doit mettre la main au portefeuille pour un outil qui ne va pas forcément décarboner la région, surtout qu’à côté, les routes locales sont toujours aussi remplies d’autos et d’engins agricoles…

Cela démontre la dangerosité des utopies, quand elles sont confrontées aux réalités du terrain. L’offre ne fait pas toujours la demande, tout dépend de l’environnement dans lequel « vit » une ligne ferroviaire. La Bavière questionne et elle a raison. Car au-delà du rail, une politique d’aménagement du territoire et un repeuplement adéquat des bourgades le long d’une ligne ferrée pourraient accélérer « le dépassement des 1000 voyageurs » par jour. Le train lourd reste une affaire de volume, ou alors on s’invente un taxi rail

>>> À lire : Et si on ramenait les gens plus proches des gares ?

Terminons par une petite visite des lieux, avec le Waldbahn, bien-sûr…

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Les voitures-dôme des TEE allemands

De notre série « Aah, les trains d’hier… »

En 1957, sept réseaux ferroviaires dans une Europe apaisée mettaient en service le concept de « Trans Europ Express », année de la signature du Traité de Rome. L’objectif était – déjà -, de tenter de ramener les hommes d’affaires vers le train en leurs proposant un confort hors du commun. À l’origine, il était prévu un matériel roulant unifié mais le chemin de fer étant « une chose nationale », les réseaux préférèrent une formule d’association non juridique, permettant d’évoluer chacun chez soi.

Dans l’intervalle, des design audacieux naissaient sur certains réseaux du monde. Outre un soudain attrait pour les carrosseries en aluminium, on assistait à « une autre façon d’admirer le paysage ».

Ainsi en 1947 déjà aux États-Unis, le Burlington Railroad introduisait sur son Twin Cities Zephyr cinq voitures Vista-Dome tandis qu’en France, la SNCF lançait en 1959 un autorail classé X 4200 sur les lignes touristiques. Point commun de ces véhicules : une vue dégagée sur des itinéraires d’exception.

Au début des années 60, l’Allemagne était déjà dotée de nombreux grands express nord-sud, dans la gamme des « F » (Fernzug – train express). Parmi eux, plusieurs de ces F s’avérèrent éligibles au rang des Trans Europ Express qui, rappelons-le, sont des trains uniquement de première classe auquel il fallait encore ajouter « le supplément TEE ». À cette époque, la Deutsche Bahn engageait la livraison de nouvelles voitures UIC X, d’une longueur maximale de 26,40m hors tampons, permettant de prendre toutes les courbes d’aiguillages sans engager le gabarit. Afin de retrouver une place privilégiée pour deux trains phares de l’époque, le Rheingold et le Rheinpfeil, une nouvelle série de véhicules fut créée en 1962 :

  • voiture à compartiments Av4üm-62/63;
  • voiture à couloir central « coach » Ap4üm-62/63,
  • voiture-restaurant « à bosse » WR4üm-62/63 et,
  • voiture-dôme AD4üm -62/63

Cette série fut relativement en avance sur son temps, puisque nombre d’innovations furent intégrées comme le verrouillage pneumatique et automatique des portes d’intercommunication, la climatisation et les bogies équipés de freins électromagnétiques pour circuler – on est en 1962 -, à 160km/h, alors que les trains vapeur et non électriques sont encore nombreux. On le sait peut, mais jusqu’à l’introduction du règlement sur la construction et l’exploitation des chemins de fer en 1967, les vitesses allant jusqu’à 160 km/h nécessitaient une autorisation exceptionnelle du ministre fédéral des transports pour pouvoir dépasser la vitesse maximale générale de 140 km/h stipulée dans les règlements d’exploitation en vigueur.

Comme les deux trains sont à long parcours (Hoek van Holland – Bâle – Genève pour le Rheingold), et que la vallée du Rhin fait aussi partie des itinéraires d’exception, surtout entre Coblence et Mayence, la Deutsche Bahn retînt l’idée d’une voiture-panoramique, mais déclinée au sein du format UIC X de 26,40m.

La construction des « vista-dômes », confiée à Wegmann, se déroula en deux temps :

  • Trois voitures bleu cobalt/beige construites en 1963 pour le Rheingold, et portant l’inscription « Rheingold »;
  • Deux autres voitures destinées au Rheinpfeld  construites en 1965 mais qui reprirent l’inscription « Deutsche Bundesbahn » sur leur flanc.
L’une des ADüm en livrée bleu/beige, quand les trains étaient encore sous label Fernzug…

En 1965, la requalification des deux trains F 9/10 Rheingold et la F 21/22 Rheinpfeld  en « Trans Europ Express » demanda alors de les repeindre en rouge/beige, ce qui n’intervînt qu’en 1967. C’est cette image que l’on retient volontiers des cinq voiture-dôme AD4üm, 10551 à 10555, objet de cette fiche d’histoire.

Dans un TEE spécial historique, en 2012, de passage à Selzthal en Autriche (photo unci_narynin via license flickr)

La construction de ces véhicules particuliers nécessita un renforcement du chassis. Le dôme panoramique représente en effet un affaiblissement de la construction tubulaire de la caisse. Pour donner l’impression d’un dôme vitré très épuré, les montants furent aussi élancés que possible en ayant recours à des profilés en acier. Il a fallu aussi tenir compte de la hauteur limite de 4,50m au dessus du niveau des rails, tant en Allemagne, qu’aux Pays-Bas et en Suisse. On savait donc déjà que les « vista » n’iraient jamais ailleurs, en France ou en Belgique.

La voiture en elle-même était divisée en trois partie :

  • d’un côté au niveau normal du plancher, deux compartiments classiques à six places et un local secrétariat muni d’un téléphone (rappelons l’absence de wifi et de téléphones portables…);
  • de l’autre côté au niveau normal du plancher, un bar avec 12 places assises et 3 chaises hautes;
  • enfin au centre, la constitution de deux niveaux : au-dessus, le dôme en lui-même avec 22 sièges, dont 18 pivotants. Et à l’étage inférieur, un ensemble composite comprenant le local technique de climatisation, ainsi qu’un local bagage et un second éventuel pouvant servir pour la poste.

La zone de transition entre les deux parties à un étage et la partie centrale à deux étages, avec des efforts de compression de 200 tonnes, avait l’objet d’études poussés. Le plancher du dôme est une construction combinée de fer et de bois autoportante de très faible encombrement (60mm). Elle donne au véhicule la rigidité de torsion nécessaire.

TEE-Dome

 

Le dôme en lui-même a posé des défis en terme de climatisation : c’est la raison du local technique situé à l’étage inférieur. Long de 8,40m, il contient 22 sièges en disposition classique de première classe, 2+1, dont 18 sont pivotants pour pouvoir être orientés dans le sens de la marche du train, comme le montre les deux clichés. 48 glaces de dimensions identiques, en verre trempé réfléchissant ou absorbant la chaleur. Il n’y avait pas de pare-soleil. Les croisillons en acier sont recouverts intérieurement de moulures en aluminium anodisé et de bandes en matière plastique.

Tous les sièges dans le sens de marche

Une courte vie…
Ces voitures furent donc incorporées dans les TEE 9/10 Rheingold et TEE 21/22 Rheinpfeld dès 1965, selon un schéma d’exploitation d’une grande complexité, puisque les deux TEE s’échangeaient des voitures dans deux gares pivot, Duisbourg et Bâle. En simplifiant, nous les trouvions de 1965 à juin 1971 sur :

  • Dortmund – Duisbourg (Train F321) – Cologne – Mannheim – Bâle – Genève et retour (TEE 9/10 Rheingold);
  • Dortmund – Duisbourg – Cologne – Francfort – Nuremberg – Munich et retour (TEE 21/22 Rheinpfeld)

Soit 4 voitures utilisées en additionnant les deux sens. Cela signifie que les deux TEE se suivaient de 5-6 minutes sur le tronçon commun entre Duisbourg et Mayence. En septembre 1971, le Rheinpfeld perdait déjà son label TEE pour s’intégrer dans le nouveau concept d’Inter City cadencé aux deux heures que la Deutsche Bahn mettait en place. Le Rheingold devenait TEE 6/7 et le schéma de 1972 était le suivant :

  • Hanovre – Dortmund – Duisbourg (IC 107) – Cologne – Mannheim – Bâle – Genève et retour (TEE 6/7 Rheingold);
  • Dortmund – Duisbourg – Cologne – Francfort – Nuremberg – Munich et retour (IC 107)

En 1973, changement d’exploitation – encore – avec la création du TEE 24/25 Érasmus. Ce sera la seule période où les « vista » entrent aux Pays-Bas, pour un court moment. Elles sont engagées sur le parcours Den Haag – Munich (4 voitures seulement, photos ci-dessous) complété en Allemagne de plusieurs autres voitures TEE dès Emmerich, pour la suite du parcours vers Cologne, Mayence, Francfort, Nuremberg et Munich.

(photo Harry Hoekstra via forum.beneluxspoor.net)

Au final, en Suisse, les « vista » n’auront circulé que sur Genève, alors qu’elles auraient pu offrir le spectacle grandiose de la ligne du Gothard par le biais du TEE Roland, destiné à Milan et en correspondance avec le Rheingold à Bâle. Idem en Autriche : les « vista » n’ont pas intégré le TEE Blauer Enzian quand celui-ci fut prolongé un moment de Munich à Klagenfurt, à travers la magnifique ligne montagneuse du Tauern.

De toute manière le monde évoluait déjà ! Dans les bureaux d’étude de la Deutsche Bahn, on prépare déjà le matériel roulant du futur : il prévoit des voitures seconde classe munies du confort des voitures TEE, comme la climatisation, les portes automatiques et des vitesse de pointe à 200 km/h. La DB ne veut plus non plus de ces trains comportant des tranches multiples de 2 ou 4 voitures comme sur le Rheingold. L’avion ne cessait de progresser, de même que le kilométrage d’autoroutes. L’heure est au transport industriels, aux grands volumes…

La forte spécialisation des voitures-dôme, entretenues à Munich, entraînait des frais qui dépassaient les gains escomptés à l’origine. En mai 1976, elles furent toutes retirées des TEE sur lesquels elles officiaient, remplacées par de simples voitures-bar ou restaurant. On le sentait, les TEE partaient tout doucement vers le déclin et un autre monde se préparait.

De nombreuses nouvelles vies…
Les « AD vista-dôme », hors service à la DB dès décembre 1976, furent vendues au voyagiste Apfelpfeil. Après la faillite de ce dernier, elles furent reprises par l’agence de voyage suisse Mittelthurgau de 1981 à 1999, qui faisait des charters spéciaux vers les pays méditerranéens et la Scandinavie, ainsi que les pays d’Europe de l’Est. Pour l’occasion, l’atelier voitures de Raststatt a remplacé les dômes d’observation par un nouveau dôme de conception plus basse, de sorte que les voitures puissent être autorisées à travers les tunnels des Alpes et sur les ferries vers la Scandinavie.

Une longue errance reprend quand Mittelthurgau fait à son tour faillite. Les cinq voitures se retrouvent bien au nord, en 1999, chez le suédois Tåg-kompaniet (TKAB). Les voitures sont alors utilisées dans le train Stockholm-Luleå de Tågkompaniet et sur Malmbanan jusqu’en 2003, date à laquelle Connex/Veolia reprit le trafic.

>>> Photos de la « période suédoise » à ce lien

Ces services furent arrêtés rapidement et en 2005, Tågkompaniet revendait quatre des cinq voitures à diverses associations et musées en Allemagne. La cinquième voiture était quant à elle vendue à un autre suédois, TGOJ Trafik, puis NetRail qui la loua à Veolia, devenu Transdev, sur son service en open access Malmö-Stockholm. Au printemps 2013, Netrail revendait la cinquième « vista » à un acheteur néerlandais, mettant fin à cette période suédoise.

Où sont-elles de nos jours ?
Contrairement à d’autres réseaux d’Europe qui se débarrassent très (trop) vite de leur vieux matériel roulant, aucune « vista » ne fut mise à la casse, et c’est heureux. En Allemagne, l’une d’entre elles est dorénavant utilisée sur le nouveau train charter Touristik TEE Rheingold, dont la traction est confiée à une locomotive mythique, elle aussi préservée, la E 103 :

Une autre voiture, la 10552, appartient à l’association Freundeskreis Eisenbahn Köln (FEK) qui propose des charters dans un Rheingold bleu/beige, période courte précédent la livrée TEE.

L’AD4üm-62 en livrée originale, reprise par le FEK, vue ici en 2011 à Königswinter (photo Tohma (talk) via wikipedia)

Un autre exemplaire semble avoir trouver une nouvelle vie de luxe, auprès de Luxon, un projet commun entre Rail Adventure (Siemens) et Geisel Privathotels, né en mars 2019. Un train ultra-court qui ne comporte que la « vista » et une E 103 de Rail Adventure. Jusqu’à 22 passagers peuvent louer le train de luxe pour voyager dans toute l’Europe – partout où le réseau ferroviaire le permet. Vous pouvez le réserver « simplement » pour votre famille (photos). Menu gastronomique à bord : le chef du Werneckhof, Tohru Nakamura, récompensé de deux étoiles au Guide Michelin, est responsable de la gastronomie du Luxon. Jusqu’à sept menus sont encore possibles dans le train de luxe, ainsi que toutes sortes d’autres commodités.

Il vous faudra cependant débourser au minimum 11.000 euros si vous voulez avoir votre train privé deux étoiles Michelin pour aller à Venise, Nice ou Prague. C’est le retour du Trans Europ Express, mais dans une version de luxe XXL et sans horaire « commerciaux ». Ce train peut aussi convenir pour un gentil team building

On se réjouit : contrairement aux voitures-lits T2 ou bar-dancing SNCB dont il ne reste hélas rien, les voitures « vista-dôme » sont toujours en vie dans des formes diverses et continueront de parcourir les voies.

Voir les autres voitures de jadis :

Corail_Lunéa_André Marques_wikiLa voiture-couchettes : comment on a démocratisé le train de nuit (2)
30/10/2020 – Deuxième et dernière partie de notre historique sur les voitures-couchettes. 1975-2000, une seconde période assez riche…


train_de_nuitLa voiture-couchettes : comment on a démocratisé le train de nuit (1)
23/10/2020 – Les voitures-couchettes sont nées de la volonté de démocratiser les trains de nuit, jusqu’ici dominés par les voitures-lits, nettement plus chère pour la classe moyenne. Première partie qui nous mène jusqu’aux années 70


Train_airplaneLes voitures “Inox” SNCF
02/10/2020 – Dans les années 60, la SNCF sortit de ses cartons d’élégantes voitures pour leurs nouveaux Trans-Europ-Express. Particularité : ces voitures étaient construites avec une caisse en inox, un concept inédit et prometteur à l’époque.


BackOnTrack_07La fameuse voiture-lits T2 : histoire d’une belle réussite
25/06/2020 – Ce fut l’une des reines des trains de nuit des années 70 à 2000. La voiture-lits T2, et sa consœur “germanique” T2S, répondaient à une évolution de la société. Explications


SNCB_siege_2Quand jadis, les belges dansaient sur les rails en partant vers le Sud…
21/08/2020 – Les belges ont toujours été friands de vacances. Du coup, dans les années 70, la société Railtour créa des trains pas comme les autres, histoire d’agrémenter le voyage : la voiture bar-dancing


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Hitachi Rail modernise le rail autour de Naples

Le projet Hitachi

La Circumvesuviana, fort peu connue en Europe mais pourtant si touristique, montre comment un petit régional privé sous contrat peut survivre grâce à de bons investissements bien ciblés.

Inutile de hurler ! Hitachi Rail en Italie, c’est tout simplement les parts de l’ancien Ansaldo rachetées en 2015. À l’époque, Hitachi avait décidé de reprendre les activités ferroviaires de l’italien Finmeccanica moyennant 809 millions d’euros, signant là sa plus importante acquisition à l’étranger dans ce domaine. Il avait alors acheté à Finmeccanica la part qu’il détenait à l’époque dans Ansaldo STS, ce qui lui avait permis de détenir plus de 50% de cette entreprise spécialisée dans les système de signalisation. Et donc de mettre la main sur le juteux marché futur de la signalisation embarquée, ETCS.

Parallèlement, le japonais avait décidé de reprendre l’intégralité d’une autre filiale de Finmeccanica en piteux état, AnsaldoBreda (matériel ferroviaire), pour la somme symbolique de 36 millions d’euros. Cette entreprise fut fortement médiatisée en Europe du Nord à cause des déboires des fameuses rames Fyra, qui opérèrent durant trois mois un service chaotique entre Amsterdam et Bruxelles (2012-2013). Hitachi a depuis lors remis de l’ordre en terres latines et c’est de cette usine dont il est question ici pour le Circumvesuviana. Ce n’est donc pas un vilain japonais « qui vient manger les tartines des italiens, » mais bien l’inverse, puisque l’usine de Pistoia (Florence) existe toujours bel et bien…

La Circumvesuviana, fort peu connue en Europe mais pourtant si touristique, est un réseau de chemin de fer suburbain situé dans l’agglomération et la périphérie de Naples et autour du Vésuve en Campanie (Italie). Il est exploité par la EAV, Ente Autonomo Volturno srl (une holding régionale). Le réseau ferroviaire comporte six lignes à voie étroite de 95 cm, en grande partie à double voie. Il est entièrement électrifié en courant continu 1500 V. C’est une entreprise privée faisant office de service public, indique son site.

Le 23 septembre, le Commission d’Ente Autonomo Volturno srl (EAV) a sélectionné l’appel d’offres d’Hitachi Rail pour la conclusion d’un contrat-cadre relatif à la fourniture et à la maintenance de 40 rames neuves d’une valeur totale d’environ 314 millions d’euros. La Commission a proposé un contrat avec Hitachi Rail SpA, qui offrait 18,57%, de réduction sur le montant de base de l’offre pour la livraison de trains. Cette réduction des coûts permettrait d’augmenter la quantité minimum garantie de véhicules prévue dans les documents de mise en œuvre. Le premier train devrait être livré dans les 24 mois suivant la signature du contrat.

Selon la région de Campanie, pour six nouveaux trains, l’appel d’offres sera lancé d’ici octobre pour la section Piscinola-Aversa, grâce à un investissement de 40 millions d’euros. Le même financement pour cinq nouveaux trains est destiné à la ligne Naples-Piedimonte Matese. Trois autres trains destinés aux lignes Phlegraean sont déjà en production avec un investissement supplémentaire de 15 millions d’euros. Les économies de coûts identifiées dans l’appel d’offres que vient de lancer EAV permettront d’accroître davantage l’offre en véhicules supplémentaires. Dans le même temps, un programme de modernisation des trains EAV est en cours  sur les 37 trains existants.

Il était temps de remplacer les rames (photo Chris Sampson via license flickr)

(photo Chris Sampson via license flickr)

La Circumvesuviana revient de loin : en 2014, ce chemin de fer régional clôturait avec une dette de 600 millions d’euros. L’entreprise de transport régional a réalisé un bénéfice de 34 millions d’euros en 2017. Le président De Luca explique : « Un travail gigantesque qui fait aujourd’hui de EAV l’une des plus importantes entreprises de transport en commun en Italie: nous avons rouvert des chantiers de construction fermés depuis des années, nous avons requalifié et étendu nos services à la région de Cumana et vers la côte jusqu’à Sorrento avec même des trains de nuit le week-end, nous avons surtout lancé un achat de véhicules, de trains et d’autobus, qui dans les mois et les années à venir seront au service des citoyens. La société, que la région Campanie a sauvée, investit ainsi dans 40 nouveaux trains, en plus de ceux déjà achetés et de ceux déjà mis en service. Un engagement extraordinaire pour améliorer la qualité de service et la sécurité ».

En plus des nouveaux trains EAV, l’opérateur public national Trenitalia met en service des rames « Jazz » destinées à être utilisées dans la région. La flotte comprendra un total de 24 rames dotées d’un système de vidéosurveillance moderne pour lutter contre la criminalité. « En juillet , sept autres trains seront livrés, soit un total de 24 nouveaux trains. Celles-ci réduiront la moyenne d’âge de nos trains, qui se situent aujourd’hui autour de 30 ans, et nous placeront à l’avant-garde en Italie », indique Vincenzo De Luca, président de la région de Campanie.

Les nouvelles rames Jazz de l’opérateur national Trenitalia

Des modernisations bienvenues dans cette région du sud de l’Italie, où aboutissent depuis 2012 les rames à grande vitesse de l’opérateur privé NTV-Italo, mais aussi bine-sûr les Frecciarossa de Trenitalia. L’occasion d’aller à Naples et de parcourir toute sa région… en train moderne.

Au fin fond de la Circumvesuviana : Sarno (photo Phil Richards via license flickr)