Dans le cadre de la réforme du secteur ferroviaire, un nouvel organisme du secteur public baptisé Great British Railways sera propriétaire et gestionnaire de l’infrastructure ferroviaire, passera des contrats avec des entreprises privées pour faire circuler les trains, fixera la plupart des tarifs et des horaires et vendra les billets.
Le fameux livre blanc de Keith William a enfin été rendu public, même si les principaux points étaient déjà connus. Ce livre blanc exprime l’idée de confier le contrôle de l’infrastructure et des services ferroviaires à un nouvel organisme public indépendant, les franchises étant remplacées par des contrats qui inciteront les entreprises privées à la ponctualité et à l’efficacité plutôt qu’à l’augmentation des recettes. Remplir les trains n’est plus une priorité et il n’y a donc plus de risques à prendre sur les recettes. L’ADN de ce document remonte à l’examen suscité par la situation difficile lors de l’instauration de l’horaire 2018, qui fut un chaos généralisé. Beaucoup de choses ont changé depuis, et l’ampleur de la réédition a été officiellement reconnue notamment par le changement de nom, qui est passée de « Williams Review » à « Williams-Shapps Plan for Rail ».
Great British Railways (GBR), le nouveau nom de l’entité ferroviaire, gérera et planifiera le réseau, tout en fournissant des billets en ligne, des informations et des compensations aux passagers dans tout le pays. Elle rationalisera et simplifiera les tarifs, notamment en étendant les billets sans contact et de paiement à la carte à davantage de régions du pays, ce qui n’est pas le cas actuellement. Un nouvel abonnement national flexible sera mis en place à partir de la fin juin pour tenter de faire revenir les navetteurs à temps partiel, alors que le nombre de voyageurs n’atteint plus que 39 % du niveau d’avant la pandémie.
Rationalisation et simplification des tarifs. Il était temps… (photo Getty image)
On restera cependant réaliste : le Trésor sera très regardant sur les économies significatives qui pourront être réalisées grâce à la mise en œuvre du plan William-Shapps.
Keith Williams explique que « le plan est construit autour du voyageur, avec de nouveaux contrats qui donnent la priorité à d’excellentes performances et à de meilleurs services, des tarifs plus avantageux, et la création d’un leadership clair et d’une réelle responsabilité lorsque les choses vont mal. »
La réforme du modèle de franchisage ferroviaire a toujours été un élément central de l’étude, puisque bien avant la pandémie, le modèle de franchisage ferroviaire était déjà en difficulté, avec un petit nombre de soumissionnaires participant aux appels d’offre et des rapports faisant état de graves difficultés financières pour diverses franchises.
Depuis la pandémie, tous les opérateurs ont bénéficié d’accords sur les mesures d’urgence (EMA), qui ont ensuite été remplacés par des accords sur les mesures de redressement d’urgence (ERMA). Les EMA et ERMA seront désormais remplacés par des contrats directs provisoires (National Rail Contracts, ou NRC), à l’exception de trois franchises. À l’avenir, les services ferroviaires respectifs feront l’objet d’un appel d’offres et seront remplacés par des accords de concession appelés « contrats de service passagers » (PSC). Il n’y a donc pas de retour à l’ancien British Rail dont rêvaient certains jeunes militants, sans vraiment savoir de quoi il s’agissait.
(photo Getty image)
Les 40 000 travailleurs de Network Rail ne deviendront pas fonctionnaires, même si GBR absorbera l’actuel gestionnaire d’infrastructure pour assurer « un leadership unique, unifié et responsable« , en utilisant « une marque unique et familière« . Les réformes prévoient que le gouvernement définisse l’orientation stratégique globale du secteur, y compris les investissements dans les infrastructures et la politique tarifaire, par le biais d’un plan sur 30 ans destiné à garantir que les fonds sont ciblés et utilisés efficacement. Le Trésor veillera donc de toute manière à la bonne utilisation des fonds publics, un sujet que les opposants à la réforme préfèrent ne pas aborder. Le chemin de fer ne sera pas un puit sans fond, climat ou pas.
Andy Bagnall, directeur général du Rail Delivery Group, a déclaré que les opérateurs ferroviaires avaient réclamé un grand nombre des réformes promises : « Il sera crucial de régler les détails pour que le livre blanc réalise son potentiel d’amélioration, offre une supervision indépendante et une responsabilité claire, et crée une nouvelle série de tarifs plus simples et plus rentables. »
En bref, la Grande-Bretagne met fin à son expérience des franchises et de risques sur les revenus – un principe unique au monde -, et emprunte la voie explorée avec plus de succès en Europe, à savoir les contrats de service public. Le secteur du fret ferroviaire britannique, en revanche, n’est pas concerné car la libéralisation s’y est bien mieux déroulée, même s’il doit faire face à ses propres problèmes. Il n’y a d’ailleurs pas de débats concernant ce secteur.
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Dans les années qui ont suivi la fin de la Seconde Guerre mondiale, il était clair que le British Rail nouvellement nationalisé avait de graves problèmes. Les lignes et les locomotives devaient être modernisées et l’avènement du système autoroutier constituait une menace sérieuse pour le service de fret. British Rail (BR), nationalisée sous ce nom en 1948, compta rapidement des pertes importantes de trafic voyageurs alors que la voiture particulière entrait progressivement dans les mœurs de la population. En 1970, le trafic voyageurs ne représentait déjà plus qu’environ la moitié de celui d’avant la Seconde Guerre mondiale, en partie causé par le funeste plan Beeching, stoppé un peu tard par le Transport Act de 1968 qui stabilisa enfin le réseau ferré. Dans une Grande-Bretagne pratiquement en faillite, les gouvernements de l’époque n’étaient pas disposé à financer de nouvelles lignes ferroviaires et la Commission britannique des transports porta alors toute son attention sur le matériel roulant et les véhicules qui circulaient sur les lignes. Le train plutôt que l’infrastructure, un mal qui a gangrené toute l’Europe et que nous payons très cher aujourd’hui…
Une des rames Blue Pullman tirée d’une photo d’un épliant d’époque (Photo du site Railways Archive)
Le précurseur Blue Pullman Malgré les difficultés, les BR construisirent en 1960 cinq rames appelées Blue Pullman, deux rames de six voitures et trois rames de 8 voitures, toutes de première classe et flanquée d’une élégante livrée spéciale bleu et crème de Nankin. Parmi les services initialement exploités, il y eut deux nouveaux trains: le Midland Pullman (Manchester Central à Londres St Pancras) et le Birmingham Pullman (Wolverhampton Low Level à Londres Paddington), qui offrait aux voyageurs d’affaires des alternatives aux services West Coast Main Line à un moment où cet itinéraire a été soumis à de fréquentes perturbations en raison de travaux d’électrification. Les intérieurs, soignés, ont pu faire penser à ceux des Trans-Europ-Express du Continent. Ce service ne dura pas longtemps : de 1960 à 1967 sur le London-Midland Region et de 1967 à 1973 sur le Western. On retiendra principalement la conception d’une rame de 6 ou 8 voitures encadrées par deux motrices diesel, un design qui sera reconduit pour les matériels roulants ultérieurs.
Cette politique de rames blocs va alors rapidement devenir le fil conducteur pour le trafic grande ligne de British Rail. On l’oublie souvent, mais ce sont bien les anglais qui lancèrent le concept « Intercity » dès 1967, soit bien avant les allemands. C’est la ligne de la Côte Est (ECML), qui eut le privilège d’inaugurer un système d’exploitation intensif mais standardisé, à l’époque en traction diesel, avant que la même politique ne débarque sur l’autre grande ligne, celle de la Côte Ouest (WCML). La rapidité et la fréquence n’ont évidemment pu être obtenues qu’en sacrifiant certaines « habitudes », notamment ces trains qui lâchaient – ou reprenaient – tous les 50 kilomètres, des voitures directes entre Londres et diverses stations balnéaires du Devon et des Cornouailles. Une pratique que la SNCF en France fut résolue à conserver, encore de nos jours…
Comme partout en Europe, British Rail avait calculé que tout accroissement de vitesse de 1,5% engendrait de facto 1% de voyageurs supplémentaires. Les BR se lancèrent alors dans l’étude d’un train moderne tournant le dos au passé. Alors que le centre de recherche de Derby s’occupait avec l’audacieux programme Avanced Passenger Train (APT) et ses technologies radicales, British Rail, à l’instigation de Terry Miller, ingénieur en chef (Traction & Rolling Stock), se tourna pour patienter vers des techniques plus conventionnelles et plus économiques pour pratiquer rapidement des vitesses plus élevées. Des groupes d’ingénieurs proposèrent de construire des rames tractées diesel sans inclinaison, capable de vitesses allant jusqu’à 200 km/h et de rouler n’importe où sur le réseau. Objectif : pas trop de technologies disruptives et toucher le moins possible à l’infrastructure.
Le prototype HSDT Fin des années 60, les études s’orientèrent donc vers une rame de deux motrices diesel encadrant des voitures, pour former une rame bloc. La décision de conserver un design avec deux motrices encadrantes avait été prise dès début du projet par la nécessité d’avoir 3.355 kW pour atteindre les 125 milles à l’heure (201 km/h), sur les itinéraires pour lesquels elles furent conçues ( Great Western Main Line, Midland Main Line et la Route Cross Country). Un autre facteur était que deux motrices fonctionnant en formation push-pull, entraînerait moins d’usure sur les rails qu’une seule locomotive. Un premier prototype de sept voitures et deux locomotives fut livré en août 1972 et débuta ses essais à l’automne sur ligne principale.
Le prototype HST125 numéroté 252.001 en gare de Weston-super-Mare en 1975 (Photo Max Batten via wikipedia)
Il est important de rappeler à ce stade la politique de « diésélisation » du rail britannique, alors que sur le Continent le critère « vitesse » exigeait des électrifications et des redressements de voie. De multiples raisons ont retardé, voire même annulé, les électrifications promises en Grande-Bretagne, parmi lesquelles les dépassements budgétaires importants dans les années 60 sur la ligne de la Côte Ouest, dite WCML. Par ailleurs, le pays étant lui-même producteur de pétrole en Mer du Nord, une croyance voulait que l’énergie fossile serait infinie et bon marché. Tout cela retarda les programmes d’électrification et milita pour l’achat massif de rames HST (High Speed Train), après des essais fructueux et un record à 230km/h de la rame prototype 252 001.
En octobre 1973, les BR reçurent l’autorisation de commandés deux lots de HST125, puisqu’on les appellerait ainsi :
une première tranche de 27 rames destinées aux services entre Londres et Bristol ainsi que Cardiff;
une seconde tranche de 42 rames destinées à la ligne de la Côte Est, vers York, Newcastle et Edimbourg.
La première rame de production, numérotée 43002, fut livrée à la fin de 1975 avec une apparence différente du prototype. L’attelage de traction était caché sous un capot et la fenêtre avant de la cabine simple était beaucoup plus grande que celle du prototype et les fenêtres latérales étaient incluses. Cette nouvelle apparence du train était l’œuvre du designer britannique Kenneth Grange qui avait été approché avant tout pour concevoir la livrée. Mais sous sa propre impulsion, il décida de redessiner la carrosserie en collaboration avec des ingénieurs en aérodynamique, testant des modèles de sa nouvelle conception dans une soufflerie, un procédé innovant pour l’industrie ferroviaire de l’époque. Avec sa position de conduite centrale, le HST 125 fut clairement conçu pour un seul conducteur. Les syndicats mirent rapidement le nouveau train sur la liste noire parce qu’ils voulaient que deux membres du personnel soient dans la cabine. Le progrès et ceux qui le combattent…
Kenneth Grange demanda aussi à Terry Miller l’utilité des tampons (une caractéristique de pratiquement tous les trains britanniques). Pour le HST 125, la réponse était qu’ils ne servaient à rien. La rame n’était pas conçue pour tirer des voitures supplémentaires ni être exploitée en unités multiples, ni pour être régulièrement remorqué par une autre locomotive. Les tampons disparurent du design original.
À leur livraison, toutes les rames portaient la nouvelle livrée bleue et grise tandis que les motrices portaient le logo «Inter-City 125», nouvelle marque distinctive. Les motrices recevaient en outre une teinte jaune pour des raisons de visibilité.
Le 4 octobre 1976, un service partiel de HST 125 commença à être exploité sur la très rectiligne ligne du Western, entre Londres et Bristol. À l’horaire d’été de mai 1977, l’ensemble des 27 rame encore classées 253 (253001–253027) était en service sur les liaisons vers Bristol et du sud du Pays de Galles, remplaçant les trains tirés par des locomotives. La mise à jour radicale de la livrée BR standard sur ces rames avait été complétée par la marque emblématique «Inter-City 125» qui apparut sur les horaires et la documentation promotionnelle. British Rail entrait dans une nouvelle ère…
Une affiche bien de l’époque British Rail. La photo de droite représente une livrée ultérieure datant de 1985… (Photo Science & Society Picture Library/SSPL/Getty Images)
Les HST 125 furent l’occasion de renouveler le parc de voitures qui jusque là était encore exploité par un parc de 1870 véhicules Mark II des années 63-64. Les « Mark III » qui leurs succédèrent furent construites entre 1975 et 1988. Auparavant, en 1972, les dix premières voitures étaient construites pour le prototype HST 252 décrit plus haut. L’ensemble des véhicules était monocoque et monté sur bogies BT10 avec suspension pneumatique et essieux dotés de freins à disques. Les tôles étaient entièrement soudées avec un acier plus résistant. Les auxiliaires, tels que les appareillages électriques et de climatisation, avaient été regroupés en modules discrets logés derrière une plinthe aérodynamique entre les bogies.
La voiture seconde classe BR Mk.IIIa TSO n ° 12014 dans une repeinture BR Inter City bleu et gris en gare de Marylebone en 2008 (Photo Hugh Llewelyn via wikipedia)
723 voitures Mark III furent affectées à l’origine aux seuls HST 125, déclinées en 6 groupes distincts, le plus gros, classé « TS », représentant 339 exemplaires. 463 autres véhicules classés Mark IIIa furent construits sur les mêmes bases entre 1975 et 1984 mais pour rames tractées, notamment les Intercity de la Côte Ouest. Enfin 93 véhicules Mark IIIb furent encore construits entre 1985 et 1988, ce qui nous fait, hors prototype, un total de 1.279 voitures.
Les britanniques entérinaient, par ces véhicules ainsi que les Mark II précédentes, l’autre facette du concept « Intercity » : la voiture coach à couloir central, signifiant la fin du bon compartiment qui avait vécu près de 130 ans. Un concept qui sera par ailleurs repris tant en Allemagne qu’en France (Corail).
La disposition des sièges a repris le standard éprouvé avec :
en première classe une disposition en 2+1;
en seconde classe une disposition en 2+2.
La disposition en « First », avec ses couleurs bien des années 70… (Photo, autorisation et remerciements J&LittleHouse via flickr)La disposition en « second », dans les tons verdâtres (Photo, autorisation et remerciements J&LittleHouse via flickr)
L’ensemble d’une rame HST comportait à l’origine quatre distinctions pour… 7 voitures sur les services du Western vers Bristol et Cardiff :
Trailer First (TF) – voiture de première classe;
Trailer Restaurant Unclassified Kitchen (TRUK);
Trailer Second (TS) – voiture de seconde classe;
Trailer Buffet Second (TRSB).
Ce qui a donné la composition suivante pour les HST 125 entre les deux motrices : TF-TF -TRUK-TS-TRSB-TS-TS. L’accompagnateur avait sa propre cabine dans une des deux motrices, mais cela conduisit à des plaintes concernant le bruit. Du coup une cinquième distinction apparut en 1980 sous forme d’une TS modifiée et nommée Trailer Guard Second (TGS), où un local était aménagé. Les HST du Western étaient classés 253. Par la suite, les HST affectés à Londres-Pays de Galles passèrent à en configuration 2+8 avec l’appoint d’une voiture Mk III SO supplémentaire.
Sur les liaisons de la Côte Est (vers York, Newcastle, Edimbourg) et vers l’Écosse, les HST 125 comportaient 8 voitures et étaient classés 254 TF-TF-TRUK-TS-TS-TRSB-TS-TS. Les voitures TRUK ont été rapidement remplacées par une TS sur le Western puis dès 1978, des voitures TRUB (Trailer Restaurant Unclassified Buffet) furent construites pour remplacer les voitures TRUK, qui furent elles-mêmes reclassées en tant que TRFB (Trailer Restaurant First Buffet) à partir de 1985 dans les régions de l’Est et du Midland de Londres. Par la suite, les HST affectés à Londres-Edimbourg passèrent à en configuration 2+9 avec l’appoint d’une voiture Mk III SO supplémentaire.
Les observateurs de l’époque avaient noté le « grand bon en avant » en matière de voitures buffet car jusqu’à leur apparition sur les HST 125, les premiers Intercity étaient composés de voitures restaurants mal suspendues et bruyantes datant des années 50, qui faisaient tâche dans un service cadencé se voulant novateur.
Une des rames IC125 en livrée originale, du côté de Slitting mill Crossing (Photo Phil Sangwell via wikipedia)
La ligne Londres-Bristol qui fut la première à recueillir les rames HST 253 pouvait offrir 113 kilomètres de voies autorisant les 200 km/h depuis la banlieue de Londres jusqu’à Swindon, excepté une limitation à 129km/h pour traverser Reading. C’était suivi d’une autre portion accessible à 200 km/h, le tout faisant penser à la ligne française Paris-Orléans-Tours. Au pays de Galles même et sur le tronçon final vers Bristol, la ligne était – et est toujours -, limitée à 145 km/h. La fréquence pouvait faire rêver à l’époque : trois HST par heure entre Londres et Bristol, toute la journée, soit 90 fréquences, auxquelles les BR rajoutaient encore des services en heures de pointe. Dès 1979-80, les HTS 125 investirent également la ligne Londres-Plymouth-Penzance mais la sinuosité en limitait le potentiel. Le service du Western nécessitait alors une flotte de 40 rames exploitées intensivement. À noter qu’actuellement, cette ligne du Western fait l’objet d’une polémique car l’électrification prévue ne devrait pas avoir lieu intégralement.
Dès 1979 aussi, les « 254 » à 8 voitures prirent possession des lignes vers le nord, singulièrement celle de la Côte Est qui n’était pas encore électrifiée jusqu’à Edimbourg. Les BR présentèrent un service de 18 fréquences aller-retour au départ de l’emblématique gare de Londres-King Cross, nécessitant 32 rames qui arrivaient à couvrir les 431 kilomètres de Londres à Newcastle en 3h13, arrêts intermédiaires inclus. Les « 254 » se sont vues ajouter une voiture supplémentaire au fur et à mesure des livraisons de voitures Mark III, dans une configuration 2+9. Cette ligne fut finalement électrifiée en plusieurs étapes, en commençant au départ de Londres dès 1976 mais sur une quarantaine de kilomètres. L’électrification s’est poursuivie dans les années 80, atteignant Leeds en 1988, Newcastle en 1989 et finalement Edimbourg en 1991. Bien qu’il y eut l’introduction des IC225, cela n’empêcha pas la poursuite de l’exploitation de certains services en HST 125.
Un autre axe emblématique est la liaison « Cross Country », qui est une transversale ferroviaire du Royaume-Uni qui évite Londres, reliant Bristol à York via Birmingham New Street, Derby, Sheffield et Leeds. 18 rames HST ont été engagées sur certains services transversaux avec des InterCity 125, mais dotés d’une seule voiture de première classe et tandis que l’espace restaurant était remplacé par des sièges de seconde classe.
Le Nottingham-Londres St Pancras arrive à Leicester le 8 juin 1983, alors que British Rail n’est pas encore sectorisé (Photo Getty Image)
Il y a enfin la ligne des Midlands, qui démarre de la gare londonienne de St Pancras pour ensuite rejoindre Leicester, Nottingham, Derby et Sheffield dans le nord de l’Angleterre.
Epoque Intercity En 1982, les BR divisaient l’ensemble du service des trains en plusieurs secteurs (sectorisation). Le secteur qui exploitait le trafic longue distance reprit le nom d’InterCity qui avait été attribué dès 1966 à un beau nombre de trains grande ligne. Une livrée gris foncé sur la partie supérieure de la caisse et beige clair sur la partie inférieure, avec deux bandes rouges et blanches fut appliquée à titre expérimental à deux rames HST sous le nom de « InterCity Executive » car les rames utilisées étaient destinées à assurer des services matin/soir pour les hommes d’affaires. Bien que le mot « Executive » fut abandonné dès 1985, la livrée a été appliquée à l’ensemble du matériel roulant exploité sous la marque « InterCity. » Les HST 125 ont donc reçu fort logiquement ladite livrée, comme le montre la photo ci-dessous.
IC125 encadré par les motrices 43141 et 43009 en juin 1994 en gare de Swansea. Livrée Intercity (Photo Ryan Taylor via license flickr)
Epoque « privatisation » En 1996, à la privatisation de British Rail (à laquelle Thatcher était opposée mais que voulait absolument son propre parti conservateur), les HST 125 furent repris par les nouvelles Rolling Stock Companies, les Roscos. Il n’entre pas dans le cadre de cet article de détailler la ventilation du parc entre plusieurs opérateurs. Retenons qu’elles furent acquises par trois Roscos : Portebrook, Angel Train et FirstGroup.
Dans l’intervalle, les motrices recevaient de nouveaux moteurs Paxman 12VP185 ou un MTU 6V4000 R41R. Les voitures Mark III recevaient aussi une modification des sièges selon les désidératas des opérateurs. Un des plus emblématiques opérateurs, Virgin Trains, a loué ainsi 57 motrices et 199 voitures Mk III afin de former 24 rames de 7 voitures et 3 rames de 8 voitures, aptes à 200 km/h.
IC125 avec en tête la motrice 43166 de passage à Cardiff Canton sous les couleurs de Virgin, les 15 juillet 2002 (Photo Steve Jones via license flickr)
Le 6 janvier 1997, les 43063 ‘Maiden Voyager‘ et 43068, peintes dans la livrée rouge vif de l’entreprise, débutèrent un premier service Edimbourg – Penzance, ouvrant la voie à dix années de trains aux couleurs Virgin sur CrossCountry. Elles iront se répandre, en évitant Londres, jusqu’à Penzance, Plymouth, Exeter, Bristol, Birmingham, Leeds, Manchester, York, Newcastle et Edinburgh, et plus loin au nord jusqu’à Aberdeen.
La GNER – Great North Eastern Railway – , un opérateur détenu par Sea Containers, a exploité la franchise InterCity East Coast sur la East Coast Main Line entre Londres, York, Edimbourg et l’Écosse d’avril 1996 à décembre 2007. Elle exploita un certain nombre de HST 125 en dépit de l’électrification de la ligne. Ses HST furent attribués au dépôt de Craigentinny à Édimbourg tandis qu’une maintenance plus légère étaient effectuée au dépôt de Neville Hill à Leeds ainsi qu’à celui de Heaton à Newcastle.
La 43300 du défunt GNER peu avant la cessation de l’opérateur, en gare de King Cross (Mai 2007 – photo Oxyman via wikipedia)
First Great Western (FGW) est un rachat des Great Western Trains par First Group en 1998. Cette franchise comportait les services entre Londres-Paddington et Bristol, Exeter, Plymouth, Penzance ainsi que le sud du Pays de Galles, vers Cardiff et Swansea. Cette franchise impliquait de repeindre la flotte HST 125 dans la nouvelle livrée «Dynamic Lines» de First Group tant pour les services interurbains que pour ceux de banlieue. FGW utilisait 54 rames HST 125 pour exploiter la plupart de ses services longue distance dont certaines rames étaient directement de sa propriété. FGW a mis fin à l’exploitation de ses HST le 18 mai 2019.
(Photo Luxury Train Club via flickr)
CrossCountry fait partie du groupe Arriva (Deutsche Bahn), et a commencé ses activités britanniques le 11 novembre 2007, en remplacement de Virgin Rail. La franchise, qui est la plus étendue du Royaume-Uni, devait durer jusqu’au 31 mars 2016. On a pu voir ainsi des HST 125 parcourir toute la Grande-Bretagne du nord au sud sans passer par Londres. 10 rames HST 125 étaient encore en service sur cette franchise en 2015.
La 43303 en tête de cet IC125 placé sur la franchise Cross Country, le 14 avril 2010 (Photo JohnGreyTurner via licence flickr)
Terminons par le dernier opérateur qui mit récemment un terme à la carrière des HST 125. Les 30 rames de l’opérateur East Midland Trains étaient entretenues par le dépôt de Neville Hill à Leeds, un atelier qui a été notamment dévolu à la carrière complète des HST 125. East Midland Trains mettait un terme définitif à l’utilisation de « l’icone ferroviaire britannique » ce 23 mai 2021.
La 43082 en tête de cet HST 125 d’East Midland Trains de passage à Chesterfield en direction de St. Pancras en février 2014 (Photo Hugh Llewelyn via licence flickr)
Dans un reportage de la BBC le personnel de Neville Hill ressent un pincement au cœur. Certains travailleurs ont passé la majeure partie de leur carrière à réparer, améliorer et entretenir les fameux moteurs Paxman ou plus récemment MTU. On ne tarit pas d’éloge sur ce « morceau de l’histoire ferroviaire britannique ».
Simon Greaves, un technicien de maintenance de 59 ans, a travaillé plus de 30 années sur les HST : « Ils ont servi le chemin de fer à merveille et ils ont sauvé British Rail dans les années 70 et 80, alors que le BR étaient en grande difficulté (…) C’est un train brillant, une icône fantastique et un honneur aux ingénieurs britanniques qui ont conçu et construit ces trains. Ce fut donc un plaisir pour moi de travailler dessus pendant 31 ans », dit-il.
Nigel Yule, ingénieur de flotte : « Si vous vous remémorez qu’il a été construit comme un palliatif (ndlr : à l’APT), conçu en 20 mois, c’était le summum de l’expertise en ingénierie de British Rail (…) Ils sont probablement plus fiables aujourd’hui qu’ils ne l’ont jamais été par le passé. (…) C’est un train brillant. Je ne crois pas qu’il y ait un meilleur train dans ce pays même maintenant, mais je suis évidemment partial », dit-il.
Il reste encore quelques HST sur le GWR, les « Castle » en composition réduite 2+4 ainsi que sur le Scotrail en 2+4 ou 2+5, mais leur utilisation est de plus en plus réduite.
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C’est le grand engouement ces derniers mois depuis que le ministre allemand des transports a présenté à l’automne 2020 son concept de TEE 2.0, qui comprend des trains de nuit et un tas d’autres choses. C’est l’occasion de rappeler aux milléniaux ce que fut le TEE jadis, que les trains de nuit n’avaient rien à voir avec ce concept et pourquoi tout cela a changé depuis les années 2000.
Il est amusant de voir cette agitation soudaine sur un concept « européen » de trains passe-frontières. Jusqu’ici, le réseau à grande vitesse construit dans les années 90 et 2000 était censé « construire l’Europe nouvelle ». En réalité, ce ne fut qu’une vaste pompe à argent pour servir une cause nationale, laissant des « trous » importants entre les différents réseaux. L’Europe ? Pas prioritaire pour les compagnies étatiques. Mention spéciale cependant pour la Belgique qui est le seul pays à avoir construit deux lignes « sans gare frontière », en l’occurrence sur les lignes TGV L1 vers Paris/Lille et L4 vers Breda, aux Pays-Bas. La France se distingue aussi avec l’accès vers le tunnel sous la Manche et la ligne Perpignan-Figueras. L’Allemagne et l’Italie n’ont aucune liaison nouvelle transfrontière avec quiconque. A chaque fois, il faut « redescendre » sur le réseau classique et passer une gare frontière (Brennero, Modane, Forbach, Kehl…).
Rame VT11 allemande au départ à Paris-Nord, direction la Belgique et l’Allemagne, dans les années 60.
C’était quoi le Trans-Europ-Express ? En 1957, six (puis sept) réseaux ferroviaires dans une Europe apaisée mettaient en service le concept de « Trans Europ Express », année de la signature du Traité de Rome. L’objectif était – déjà -, de tenter de ramener les hommes d’affaires vers le train en leurs proposant un confort hors du commun. À l’origine, le principal promoteur de ce réseau de trains de luxe, le néerlandais Den Hollander, avait prévu dès 1954 un matériel roulant unifié géré par une société commune, séparée des entreprises d’état. Manifestement, une idée cinquante ans en avance sur son temps et rejetée par les ministres des Transports de chaque pays, qui y voyaient une menace pour l’industrie nationale. Le rail et la politique…
Le lancement de ce réseau eut donc bien lieu, mais chacun avec ses propres trains. Ne vous y trompez pas : il ne s’agissait pas de « trains citoyens traversant une Europe sans guerre », mais de la première classe pure avec un supplément. Pourquoi supplément ? Parce qu’à l’époque, la tarification nationale offrait certaines réductions même en première classe. Ainsi, vous pouviez avoir une réduction « ancien combattant » en France et en Belgique, mais pas en Allemagne. Le supplément, lui, était identique pour tout le monde. Les TEE, comme on les appela, furent un réseau important dont l’apogée eut lieu en 1974, avant un irréversible déclin. Aucun train de nuit n’en faisait partie !
Le poster des trains de nuit de la SNCF, en version TEN
La confusion avec les trains de nuit vient probablement du sigle « TEN » flanqué sur les voitures lits dès 1972. Aucun rapport avec le Trans-Europ-Express, il s’agissait d’une mise en pool des voitures lits de plusieurs réseaux européens appartenant auparavant à la Compagnie des Wagons-lits. Cette compagnie historique avait des problèmes financiers et voulait se débarrasser des aspects techniques en vendant ses voitures, tout en conservant le service à bord avec son propre personnel. La mise en pool signifiait qu’on pouvait théoriquement avoir sur un Paris-Nice une voiture-lits allemande ou suisse, et une voiture SNCF sur un Milan-Munich. Les voitures-couchettes n’étaient en revanche jamais gérées en pool.
Que s’est-il passé dans les années 80/90 ? Pas seulement l’arrivée de Margareth Thatcher comme on le répète souvent aux milleniaux, mais probablement la fin d’une certaine époque où se contentait d’injecter des subsides sans regarder ce qu’en faisaient nos chemins de fer. Mais aussi une mutation importante dans le transport longue distance, avec des autoroutes menant jusqu’en Sicile ou en Andalousie et une aviation accessible à tous.
Eurocity : un concept principalement germano-alpin. EC Verona-Munich en gare de Brennero, avril 2017 (photo Mediarail.be)
Au niveau des chemins de fer, le transport de passagers était – et est toujours – essentiellement national. Au niveau international, il existait une forte tradition de coopération et d’associations interentreprises et le déficit d’un train international était noyé dans les comptes globaux des entreprises publiques. Toutefois, les déficits publics devant être contenus par chaque État, cet arrangement n’était plus tenable et les trains internationaux devaient payer pour avoir accès aux voies du pays voisin. En outre, le trafic international de voyageurs ne représentait – et ne représente encore aujourd’hui – qu’une petite fraction du trafic de voyageurs de tous les opérateurs publics, dont la mission est de se concentrer sur le trafic national, qui constitue un besoin essentiel de la population. Ce nouvel environnement législatif, qui s’est construit dans les années 1990, a complètement modifié le trafic ferroviaire international. Il a eu pour effet d’introduire des tarifs commerciaux et de rendre les trains financièrement viables. Cela a eu pour effet d’éliminer une partie des trains internationaux, d’autant plus que l’industrie de l’aviation changeait également son modèle économique avec l’émergence des compagnies aériennes à bas prix.
Le Trans-Europ-Express déjà éliminé Pourtant, le Trans-Europ-Express avait déjà disparu dès 1987, donc bien avant ce nouvel environnement législatif. Il ne devenait plus rentable de faire circuler des trains uniquement de première classe et la clientèle ne voulait plus payer si cher le train. Les TEE furent alors remplacés par le concept Eurocity, qui était une idée essentiellement allemande et qui passait mal dans le Benelux et en France. Les trains de nuit, eux, semblaient mieux résister aux changements d’habitudes des voyageurs. Mais lorsque le tunnel sous la Manche fut inauguré en juin 1994, il devenait clair que les grands trains de nuit qui ralliait depuis toute l’Europe les ports comme Calais, Ostende ou Hoek van Holland allaient perdre leur clientèle britannique, grands utilisateurs de ces trains. Dès ce moment, on a assisté à un déclin de ces trains sur une dizaine d’année. En outre, la France et l’Allemagne se sont fortement impliqués dans un réseau national à grande vitesse qu’il fallait absolument rentabiliser au mieux. Voilà pour l’histoire.
Comment faut-il subventionner ? Le TEE 2.0 présenté l’an dernier mélange en fait les trains de jour avec les trains de nuit. Le concept du ministre allemand table aussi sur des services subventionnés, « comme on subventionne la route ». Or cet argument renforce une fausse idée. Subsidier un train revient à payer les salaires du personnel, ce qui est très différent de prendre en charge les péages ferroviaires. De plus, cela implique l’obligation d’établir un contrat entre entreprises publiques et d’y convenir qui va payer quel niveau du déficit. Il faut pour cela créer des entreprises de type Thalys ou Eurostar ou des formules juridiques similaires. Il n’est pas non plus interdit qu’une entreprise publique se lance toute seule, comme l’a fait Trenitalia avec Thello ou les ÖBB avec leurs Nightjets. Tout cela nous montre que si le TEE est un sujet vintage à la mode, sa mise en oeuvre n’aura par contre rien de vintage et devra tenir compte des législations actuelles. En attendant, deux entrepreneurs du Benelux, l’un belge et l’autre néerlandais, lanceront probablement leur train de nuit en 2022 sans avoir affaire avec ce qui précède. On leur souhaite beaucoup de chances…
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Le tunnel sous la Manche fait partie aujourd’hui du quotidien de l’Europe, malgré le Brexit. Il est mentionné comme le lien unique reliant « à sec » le Continent au Royaume-Uni. Mais on oublie souvent qu’il y eut avant ce tunnel d’autres moyens pour rejoindre la Grande Île. Les britanniques, les ferries et les trains en correspondance ont marqué près de 150 ans de transport en Mer du Nord et dans ses ports. Embarquement.
Si lointaine mais pourtant si proche : les falaises de Douvres vues du Cap Gris Nez en France (photo Rolf Süssbrich via wikipedia)
Avant même les trains… En 1366, Calais était sous domination anglaise, et ces derniers y installèrent une étape pour le transit de la laine entre l’Angleterre et la Flandre. Pour faire face au développement des échanges commerciaux, les Anglais construisirent en 1397 le bassin dit « du Grand Paradis ». Mais on n’a encore peu d’informations sur les échanges pour voyageurs. En 1649, on évoque pour la première fois un «paquebot» qui naviguait plus ou moins régulièrement entre Douvres et Calais. La plupart de ces bateaux transportaient du courrier et des colis à travers la Manche, de sorte que les voyageurs devaient partager l’étroitesse de ces cotres avec toutes les autres cargaisons dans un inconfort généralisé.
À la suite de la guerre anglo-française, les ports français furent fermés aux navires anglais en 1793. La seule liaison régulière avec le continent qui resta pour les Anglais étaient les navires maintenant une traversée quotidienne entre Douvres et le port belge d’Ostende, pendant la guerre. Calais, Ostende, deux noms qui figureront plus tard dans l’histoire ferroviaire. Mais nous n’y sommes pas encore…
La transition de la Grande-Bretagne vers la fabrication de machines à partir de la fin du 18e siècle et la révolution industrielle qui a suivit ont stimulé le commerce extérieur de la Grande-Bretagne dès le 19e siècle et ont surtout facilité le développement de la marine marchande britannique. L’avantage de la vapeur pour les courts trajets maritimes devenait indiscutable. Le premier navire à entrer en service en tant que moyen officiel de traverser la Manche fut le bateau à aubes britannique « Rob Roy », le 10 juin 1821. Ce bateau était capable de traverser la Manche en trois heures environ.
Déjà des tentatives de tunnel… Dans le même temps, relier le Royaume-Uni au Continent par un tunnel émergeait aussi. Et il est souvent le fait des européens, plus rarement des britanniques eux-mêmes. En 1802 déjà, un certain Matthieu conçut un premier projet qui ne verra jamais le jour. Dans la foulée l’ingénieur français Aimé Thomé de Gamond poursuivit des recherches intensives vingt ans durant. En 1855, il plongea au milieu du détroit de Calais sans scaphandre (inexistant à l’époque), pour y ramener des échantillons géologiques permettant d’ébaucher un premier projet ! En avril 1856, Napoléon III le soumit à une commission scientifique. Mais c’est en Angleterre que le projet de William Low rencontra le plus de succès. Dès 1870, des négociations diplomatiques sérieuses suscitèrent l’intérêt de plusieurs compagnies pour aboutir finalement à un premier début de travaux de percement en 1881. Une première galerie « privée » fut percée mais termina sa course en juillet 1882 après 1.842m lors d’une campagne visant à prévenir les invasions et à l’obligation d’obtenir l’aval de la Chambre des Communes. Un tunnel ? Ce sera dorénavant une affaire d’État, donc de politique…
L’arrivée du train dans les ports maritimes On ne peut parler de traversée de la Manche sans parler des accès aux différents ports de part et d’autre. À l’époque bien-sûr, on y accédait par des chemins ou de rares routes à pavés. C’est le port belge d’Ostende qui fut le premier port de la « Manche » a être doté du chemin de fer, le 28 août 1838, soit 3 années seulement après la première ligne belge de chemin de fer. En France, on inaugurera la ligne Paris-Amiens-Boulogne le 17 avril 1848 tandis que de son côté, Calais recevait le chemin de fer le 1er septembre 1848 avec une ligne via Arras. La seconde gare appelée Calais-Maritime n’est ouverte par la Compagnie du Nord qu’en 1849. Plus au sud, Rouen est relié à Paris en 1843 par rail puis Dieppe dès 1848.
Cette ouverture sur Dieppe permit un service transmanche via, de l’autre côté, le port de Newhaven, pour opérer un service considéré souvent comme le plus rapide entre Paris et Londres. La première gare de Douvres ouvrit le 6 février 1844. Mais contrairement à Ostende, Calais, Boulogne et Newhaven, qui étaient déjà reliées à leur capitale respective, Douvres dû attendre le 22 juillet 1861 pour être reliée à Londres. Sa rivale d’à côté, Folkestone, reçut sa première gare Folkestone-Harbour le 1er janvier 1849 avec un déménagement en 1856. On y embarquait directement sur des ferries à destination de Boulogne.
Les Pays-Bas, plus éloignés de l’Angleterre, comptèrent sur deux ports concurrents pour leurs traversées en Mer du Nord. Le premier était situé à l’embouchure de l’Escaut, à Vlissingen, où arrivait un chemin de fer privé dès 1875. En 1893, l’entreprise concurrente Staatsspoor HSM ouvrit une autre gare à Hoek van Holland, petit bourg situé tout à l’ouest de Rotterdam. La Hollande visait surtout une route plus au nord de Londres, via le port Harwich relié à la capitale anglaise par le Great Eastern Railway (GER) dès 1865. Hoek van Holland gagna rapidement en popularité en raison de sa géographie plus proche de La Haye et d’Amsterdam.
Les navires à vapeur de la RMT, la Regie voor Maritiem Transport
L’épopée des grands trains d’Europe Douvres, Folkestone, Harwich, Calais, Boulogne, Ostende et Hoek van Holland, voilà la base d’un grand trafic rail/mer qui va se développer entre Londres et le Continent. Dès les années 1870, le trajet complet train-bateau-train de Londres à Paris prenait facilement 7-8 heures. D’autres ports, comme Dieppe, Cherbourg et Portsmouth, voire Hull plus au nord de l’Angleterre, vinrent s’ajouter à cette longue liste. C’est ici que beaucoup se raccrochent lorsqu’ils nous parlent des grands trains express de jadis. Et de fait.
L’idée de traverser la Manche était de relier la capitale d’une Angleterre alors au faîte de sa puissance, régentant l’Europe et le monde. Avec le train, c’était carrément une nouvelle route de la Soie pour les anglais. Il ne s’agissait dès lors plus de relier les grandes capitales comme Paris ou Bruxelles, mais d’aller plus loin, vers l’Est. Dans le même temps, naquit la nouvelle mode des voyages vers le soleil et l’air doux, vers la Méditerranée mais aussi vers la stations thermales. Un fort tourisme se développa alors, entraînant la création d’un grand trafic ferroviaire. Nous évoquerons dans une autre chronique ces trains en particulier, mais relevons tout de même que ces flux firent la renommée de villes comme Ostende, Calais ou Hoek van Holland, car sans le trafic anglais, ces villes seraient restées certainement dans l’ombre.
En 1883 est déjà créé un Calais-Paris-Nice-Gênes-Rome, en réalité il ne s’agit bien-sûr que d’un groupe de voitures raccrochées à Paris. Mais c’est déjà un formidable bond en avant comparé aux années précédentes. En 1894, une liaison appelée « Ostende-Vienne-Orient-Express » relia Ostende et Bruxelles à Vienne où les voitures se raccrochaient à l’Orient-Express venu de Paris (train créé en 1883). D’autres développements se succédèrent, notamment cette « Malle des Indes », à l’origine un train postal, qui comporta dès 1890 un groupe de voitures-lits Calais-Turin-Bologne-Brindisi, donnant correspondance avec des paquebots vers l’Egypte.
L’Ostende-Vienne-Express avec une locomotive belge type 17. Ou comment Ostende est devenue une ville de passage international… (photo collection CIWL)
Côté anglais, on mettait également tout une série de trains prestigieux entre Londres et les ports de la Manche. Ainsi en est-il dès 1929 du Golden Arrow tracté par des locomotives du type Atlantic sur le Southern et qui, avec la traversée par bateau, était combiné côté français avec un train du même nom, La Flêche d’Or, regroupant les meilleures voitures Pullmann de la CIWL de l’époque. Durée du trajet : 6h35 dans un confort sans équivalent.
Le Golden Arrow quittant Douvres-Maritime (photo bibliothèque de Douvres)
La traversée de la Manche Nous ne nous étalerons pas sur l’historique des navires. Relevons qu’en 1928, le capitaine Stuart Townsend crée la première ligne de transport d’autos de particuliers entre la Grande-Bretagne et la France sur la ligne Calais-Douvres avec le navire « Artificer », première forme de ce qui deviendra plus tard des ferries. Les véhicules étaient alors grutés dans le navire, mais le trafic se développa néanmoins rapidement en ce début de seconde révolution industrielle, celle du pétrole. Les navires étaient dotés de turbines à vapeur. Bien évidemment, les deux grandes guerres ont largement mis à mal tout ce trafic.
Le « Princesse Joséphine-Charlotte », exploité entre 1931 et 1950 par la RMT, une régie belge (photo simplonpc.co.uk)
Le train de nuit Londres-Paris/Bruxelles Nous y consacrerons à l’avenir un post complet, tant il y a à dire sur ce train si spécial. Retenons qu’il relia Londres-Victoria à Paris et Bruxelles de 1936 à 1980, avec la grande particularité d’emprunter un train-ferry, navire spécial embarquant des trains et qui fera lui aussi l’objet d’un article séparé. Dans le cas du Night Ferry, il s’agissait du seul train de voyageurs direct reliant Paris et Londres qui offrait la particularité d’assurer le service de la « Valise diplomatique » à bord de ses fourgons. Toutes les autres liaisons imposaient des changements de mode de transport (ferry, aéroglisseur). On peut verser une petite larme en songeant aux demandes actuels de service de train de nuit à travers le tunnel sous la Manche, rendu impossible tant les coûts de passage et de sécurité sont excessifs.
Le Night Ferry en 1936, on suppose en test car ici en plein jour. À gauche, un des célèbres fourgons postaux anglais (photo The Library and Archives of the Institution of Civil Engineers)
Les rames du Night-Ferry étaient composées de voitures-lits de type F spécialement construites au gabarit britannique. Leur conception s’est inspirée de la voiture-lits de type Y mais avec neuf cabines (Single ou Double) au lieu de onze. La restauration entre Douvres et Londres fut assurée par la Pullman Car Company de 1936 à 1962, puis par un wagon-restaurant standard de British Rail jusqu’en septembre 1977. Le Night Ferry circulait non pas via Calais mais Dunkerque et Douvres en pleine nuit.
Les années 1950 à 1990 Comme le rappelle Clive Lamming, l’aviation commerciale naissante va vider les grands trains internationaux, et la SNCF, qui, pour sa part, assure sur le territoire national un grand nombre de relations internationales au départ de Paris, perd déjà beaucoup d’argent sur ce point. Le monopole de fait de la SNCF ne dura que jusqu’en 1949. Au-delà des chiffres, l’après seconde-guerre mondiale fut non seulement propice à la reconstruction mais surtout à l’innovation. Les projets d’électrification des lignes ferroviaires atteignent rapidement Ostende et Hoek van Holland. On croit encore fortement au mode ferroviaire mais on voit s’installer durablement « l’automobile pour tous. » À Calais ou Boulogne, des trains-autos de la SNCF permirent de traverser une France alors encore dépourvue d’un grand réseau d’autoroutes. Depuis le 4 juin 1957, un premier train-autos reliait Boulogne à Lyon. Il fut suivi par d’autres services vers la Provence et la Côte d’Azur.
Boulogne-Maritime. À peine sorties du ferry-boat, les autos embarquent… sur un train (juin 1957, photo Jacques Bazin)
Dans l’intervalle, les ports d’Ostende et de Hoek van Holland vont bénéficier, aux côtés des trains de nuit maintenus, d’une des créations majeures du chemin de fer d’après guerre : les Trans-Europ-Express. Les vrais, pas ceux imaginés par un récent ministre allemand…
Et il est dès lors intéressant de voir comment s’organisait, dans les années 60, un voyage entre Londres et le Continent. Nous pouvons prendre pour exemple les TEE 74 et 75 organisés entre Dortmund et Ostende à l’horaire suivant :
Un horaire qui permet d’effectuer un Allemagne-Londres dans la journée. Pour l’époque, une belle prouesse
Ostende devenait, avec cet horaire, un point de rencontre du TEE Saphir avec un seul et même navire. Provenant de Douvres, ce navire donnait correspondance à 16h pour le retour vers Bruxelles et l’Allemagne. Ce navire repartait ensuite vers Douvres avec la clientèle arrivée à 14h de l’Allemagne et de Bruxelles. Une belle synchronisation. Cela dit, une baisse du trafic fut rapidement constatée entre Bruxelles et Ostende et cette section perdit dès 1966 sa seule liaison Trans-Europ-Express, limitée dorénavant à Bruxelles. En revanche, les trains internationaux Cologne-Bruxelles-Ostende demeurèrent, et même très longtemps, jusque jusqu’au début des années 2000 !
Les fameuses rames TEE allemandes VT11 ont fréquenté Ostende. Ici dans une gare de Aachen-Hbf pas encore électrifiée (photo de l’excellent site welt-der-modelleisenbahn.com)
Pour les Pays-Bas, le plus célèbre des TEE, le Rheingold, avait une tranche destinée à Hoek van Holland, relativement courte, puisque ne comportant que 3 voitures : 2 pour Munich et une seule pour Bale et Milan, dans la grande tradition des voitures qu’on s’échangeait jadis entre différents trains.
Les fameuses rames TEE du Rheingold, dont la célèbre voiture-dôme (photo Harry Hoekstra via ce forum néerlandais)
Ostende et Hoek van Holland furent ainsi les deux seuls ports à voir arriver des Trans-Europ-Express aux pieds des ferries, ce qui ne fut jamais le cas de Boulogne ou Calais, fortement orienté sur Paris. C’est d’ailleurs à ce stade qu’une sorte de sélection s’instaure. Les ports d’Ostende et de Hoek van Holland sont clairement des passerelles internationales orientées vers l’Allemagne et l’Est de l’Europe, y compris la Russie. Calais et Boulogne furent – outre Paris, qui était une destination en soi -, plutôt le passage vers le sud de la France et l’Italie. En Angleterre, le fameux Golden Arrow était toujours d’actualité en Douvres et Victoria-Station, mais avec un engin électrique de Class 71. Ce train fut supprimé en 1972 mais bien évidemment, il restait des tas d’autres services entre Folkestone, Douvres et Londres. Ce sera d’ailleurs une constante tant à Douvres qu’à Ostende et Hoek van Holland. Le trafic ferroviaire va en partie prendre une orientation plus locale, avec des trains plus ordinaires, excepté bien évidemment les grands express.
Le Golden Arrow avec en tête une Class 71 de passage à Bromley South en juin 1961 (photo Roger Joanes via license flickr)
Vers un trafic orienté auto… Déjà à l’époque, alors que toutes les chemins de fer étaient des administrations d’État, on observait une baisse des trafics et un recours de plus en plus accru à l’automobile, les gouvernements construisant au fur et à mesure des autoroutes à tour de bras. Alors que navires transmanches étaient jusqu’ici la prolongation des trains, arriva une concurrence intense de nouvelles compagnies privées de navigation, qui tourna le dos aux chemins de fer. Les ports de la mer du Nord mutèrent rapidement vers le concept du ferry-boat, qui est un navire dont la proue ou la poupe peuvent se relever et ouvrir ainsi les cales au trafic routier, moyennant des passerelles d’accès… routiers. À Calais, une première passerelle simple-pont (le poste 3), fut mise en service le 27 juin 1951, ouvrant la voie aux « car-ferries » modernes dans lesquels les voyageurs pouvaient embarquer en conduisant leur véhicule. Ces ferries ne cesseront de se développer, en nombre et en taille. Boulogne, Ostende, Hoek van Holland, puis Zeebrugge et bien entendu Folkestone et Douvres construisirent rapidement des passerelles, faisant muter le trafic transmanche vers un trafic essentiellement routier, le train ne devenant plus qu’accessoire. Nous étions à la fin des années 60…
Le ferry ‘Free Enterprise V’. Son propriétaire privé avait à coeur de marteler que la Manche appartenait aussi aux entrepreneurs, pas seulement aux compagnies étatiques. Il est ici accosté à la passerelle de Zeebrugge, un port 100% orienté sur le trafic routier (carte postale Van Mieghem)
Pour contrer cette concurrence, la marque Sealink fut introduite par British Rail dès 1970 avec un pool de ferries de la SNCF et de la RMT belge, de conception analogue aux compagnies privées et… embarquant des autos ! Cette mutation entraîne la fin du monopole train + bateau. Désormais, le voyage est centré sur l’auto, comme le démontre tout particulièrement cette vidéo d’époque.
En 1969, la flotte Sealink avait transporté 980.000 automobiles et leurs 2,75 millions d’accompagnants, ainsi que près de 10 millions de passagers « non motorisés ». Le directeur de l’époque évoquait une progression du trafic automobile de… 10% par an, tandis que les passagers non-motorisés baissaient en volume chaque année. Manifestement, le monde changeait déjà…
La mer, trop lente à traverser Les années 60 et 70 foisonnèrent d’idées pour aller plus vite sur l’eau. Des formes d’hybridation apparurent, comme cette combinaison/avion mise en place dès 1956. Pour « aller vite », la SNCF s’associa avec la « compagnie aérienne française Air Transport », pour effectuer un vol entre Le Touquet et Gatwick, d’où les voyageurs prenaient un dernier train local pour Londres-Victoria. Pourquoi ne pas partir directement du Bourget, dans ce cas ? Les documents d’époques indiqueraient que le trajet par train entre Paris-Nord et l’arrêt spécial à l’aéroport du Touquet, tout combiné avec le trajet britannique, était moins cher que le trajet aérien pur. On couvre alors Paris – Londres en moins de 4 h.
Ce Handley Page Herald venu d’Angleterre stationne à l’aéroport du Touquet alors que passe une Rame Grand Parcours (RGP) de la SNCF, destination Paris (photo du site marsaly)
Les avions évoluèrent au fil du temps pour être exploités par la British United Airways puis dès 1972 par British Caledonian. Sur le plan ferroviaire, les rames doubles Caravelle furent remplacées par des rames à grand parcours. En 1977, après le Touquet-Gatwick et le Touquet-Southend, une 3ème correspondance fut assurée par la « Flèche d’Argent » vers Southampton et Bournemouth. Ce curieux service s’arrêta définitivement le 28 septembre 1980.
Glisser sur la mer ! À la fin des années 1950 et au début des années 1960, l’inventeur britannique Sir Christopher Cockerell avait, en coopération avec le constructeur aérospatial britannique Saunders-Roe, mis au point un nouveau moyen de transport connu sous le nom de l’aéroglisseur. La première ligne commerciale d’aéroglisseurs, démarra en 1966 entre Douvres et Boulogne. Les hovercrafts étaient propulsés par quatre turbines fonctionnant au kérosène, une sorte d’hybride de l’aérien et de l’océan. 45 minutes étaient nécessaires pour la traversée.
Embarquement à Douvres. Ce service n’avait aucun lien avec les trains…
À l’été 1969, une relation Paris-Boulogne-Maritime était mise en place avec départ de la capitale française à 8h25. La correspondance à Boulogne prenait… 14 minutes chrono mais 48 minutes à Douvres (avec un bus). L’arrivée à Londres s’effectuait à 14h20. Il fallait donc toujours une bonne demi-journée pour joindre les deux capitales. En dépit de cette présence SNCF à Boulogne-Maritime, l’hovercraft renforça encore un peu plus le business « routier » de la traversée de la Manche, en facilitant le transit des autos d’une autoroute à une autre. Cela n’était pas sans conséquence sur l’activité ferroviaire qui se marginalisait encore un peu plus. Ce type de service s’arrêta définitivement en 2000.
Toute une époque…
De nouveaux rêves de tunnel… Mais pendant que ces inventions se mettaient en place, en 1966, Harold Wilson et Georges Pompidou tranchaient en faveur d’un nouveau projet de tunnel. Un appel d’offres fut lancé en 1967 et le 20 octobre 1972, une convention était signée entre le groupement unique GTM et les deux gouvernements. Deux galeries de part et d’autre sont alors entamées dès 1973, mais le Royaume-Uni est plongé dans une crise économique et pour éviter une opinion défavorable, Harold Wilson annonce le 11 janvier 1975 la décision de la Grande-Bretagne de renoncer au tunnel, « pour des raisons économiques ». Il y avait alors 300 m de galerie ont été creusés du côté français et 400 m du côté britannique.
La descenderie de Sangatte est toujours visible (photo PierreOh via wikipedia)
Des trains directs jusqu’à Moscou… Pendant ce temps, les trains de nuit au départ des ports du Continent doivent être mentionnés car ils sont fréquemment mentionnés de nos jours, sans que les millenials actuels ne sachent pourquoi ils avaient été créés à l’époque. Ce trafic en effet avait comme justification la clientèle britannique, tout particulièrement à Ostende et Hoek van Holland, qui eurent le privilège d’être l’origine de destinations aussi diverses que Berlin, Copenhague, Varsovie, Vienne et même Split, dans ce qui s’appelait encore la Yougoslavie. Il était clair que sans l’activité des ferry-boat, Ostende et Hoek van Holland seraient restées de paisibles bourgades inconnues des indicateurs internationaux. Calais, Boulogne et Dieppe n’eurent pas le privilège de ces liaisons, si ce n’est vers l’Italie et le sud de la France, pour lequel ces trois ports avaient une spécialisation en trains-autos-couchettes. Si nous prenons l’indicateur d’été 1981, nous trouvions 4 trains de nuit au départ en soirée à Ostende :
17h07 : Exp 225, successeur de l’Orient-Express, avec voitures-lits et couchettes pour Vienne;
17h30 : Exp 1213 « Nord-Express » avec voitures-lits et couchettes pour Copenhague, voiture-couchette pour Berlin et voiture-lits pour Moscou, ainsi qu’une voiture-couchettes pour Villach, en Autriche;
21h10 : Exp 219 « Tauern Express » avec voitures-lits et couchettes pour Salzbourg, voitures-lits et couchettes pour Hambourg, voiture-couchettes complémentaire pour Villach et Klagenfurt et enfin, la très exotique voiture places assises des JZ à destination de Zagreb et Split, en Croatie. En plein été les tranches Hambourg et Salzbourg circulaient par train séparé Exp 1219 quittant Ostende à 21h14;
21h18, le dernier train de nuit avec voitures-lits et couchettes pour Milan, voitures-lits et couchettes pour Berne et Brig, voiture-couchettes pour Lausanne-Sierre (plein été) et voiture-couchettes pour Zurich-Chur.
La gare de Calais avait aussi son lot de trains de nuit, vers Milan, Port-Bou et Vintimille, complété en hiver avec des trains vers les domaines skiables des Alpes : Bourg St Maurice, Evian et Moutiers.
Voiture-couchettes SNCB dans cet Ostende-Vienne de 1985, près au départ aux pieds des ferries (photo Mediarail.be)
Un dernier coup d’hybride… En 1975, Boeing s’engageait sur la voie de l’hydroptère en construisant un peu plus d’une vingtaine de Jetfoil. Encore une fois, il fallait aller vite sur mer. En 1981, la RMT belge fut la seule sur la Manche à tenter l’aventure avec cet engin hors du commun, en exploitant deux Jetfoil entre Ostende et Douvres. L’un des services arrivait toujours vers 13h à Ostende pour correspondre avec l’EC « Saphir », désormais Eurocity à deux classes, reprenant les mêmes conceptions que son homologue TEE vingt ans plus tôt. C’était dans les années 80 le trajet le plus rapide entre Cologne, Bruxelles et Londres. Comme de coutume, tant le train Eurocity que le Jetfoil réclamaient un « supplément » pour ce service combiné rapide.
Une dernière tentative, alors que se précisait un certain tunnel sous la Manche. Le Jetfoil de la RMT arrive à Ostende dans les années 80 (photo Frank Van Hevel via license flickr)
Le Jetfoil ostendais disparut en 1997.
Le tunnel, cette fois pour de bon… À l’arrivée de François Mitterrand au pouvoir en mai 1981, le projet de tunnel est relancé. En face, Margaret Thatcher affirmait sa préférence pour un franchissement routier plutôt que ferroviaire. Cela en dit long sur les perspectives qu’on attribuait au rail, au moment d’ailleurs où British Rail entamait sa « sectorisation ». Sur quatre projets présentés en 1985, celui d’Eurotunnel fut retenu pour son impact jugé plus faible sur l’environnement et l’utilisation de techniques éprouvées. Le choix est entériné le 20 janvier 1986 par Margaret Thatcher et François Mitterrand. Le traité de Cantorbéry, concernant notamment la frontière entre la France et le Royaume-Uni, est signé le 12 février 1986. Cette décision donne aussi le coup d’envoi final à un tout autre projet ferroviaire qui sera fatal aux trains de nuit : le TGV-Nord européen, incluant donc le tunnel.
Les temps de parcours furent sans appel : de 3h au début des services Eurostar, en novembre 1994, les temps de parcours chutèrent dès novembre 2007 à 1h52 sur Bruxelles et 2h15 depuis Paris, à la faveur de la ligne à grande vitesse britannique HS1 et du déménagement vers la gare de Londres-St Pancras. On peut dès lors se remémorer tout ce qui précède, quand aller à Londres relevait encore de l’exotisme et du voyage pour une demi-journée.
Avec le recul, on peut dorénavant constater :
que la combinaison train/bateau ne survécut pas à l’arrivée d’Eurostar, unique client « ferroviaire » du tunnel sous la Manche inauguré en juin 1994;
que les grands express furent limités à Bruxelles et Paris avant une disparition progressive dès les années 2000;
et que les services de ferries furent certes malmenés et supprimés tant à Ostende, Zeebrugge que Boulogne et Folkestone, mais qu’ils conservèrent une forte présence sur Calais, indiquant finalement que le trafic auto est indéboulonnable quoiqu’on fasse, TGV ou pas. Cette capacité du monde maritime à rebondir quand advient la concurrence pourrait une leçon à prendre par un chemin de fer trop en retrait quand il s’agit de se reconvertir.
Avec le Brexit et le Covid des années 2020-2021, nous allons peut-être devoir écrire une autre page d’histoire, celle d’Eurostar…
Paris-Bruxelles : l’histoire d’une interopérabilité 08/01/2021 – La petite histoire du vendredi. On explore cette fois l’interopérabilité d’une toute grande artère internationale : Paris-St Quentin-Mons-Bruxelles. Cette ligne emblématique entre les deux capitales a été inaugurée en 1846 et a compté le plus grand nombre de Trans Europ Express…
16/04/2021 – Par Frédéric de Kemmeter – Signalisation ferroviaire et rédacteur freelance Inscrivez-vous au blog
Amsterdam Central Station, 1961 (Photo Fred ter Voort)
En 1957, sept réseaux ferroviaires dans une Europe apaisée mettaient en service le concept de « Trans Europ Express », année de la signature du Traité de Rome. L’objectif était – déjà -, de tenter de ramener les hommes d’affaires vers le train en leurs proposant un confort hors du commun. À l’origine, le principal promoteur de ce réseau de trains de luxe, le néerlandais Den Hollander, avait prévu dès 1954 un matériel roulant unifié géré par une société commune, séparée des entreprises d’état. Manifestement, une idée cinquante ans en avance sur son temps et rejetée par les ministres des Transports de chaque pays.
L’absence encore importante de lignes électrifiées en Europe dans les années 50 milita au départ pour du matériel roulant interopérable diesel. L’Allemagne, la Suisse et les Pays-Bas projetèrent un tout nouveau train climatisé avec restauration à bord. Finalement, l’industrie nationale primant sur les décisions, seuls les suisses et les néerlandais entreprirent des études de matériel, les belges et luxembourgeois ne se considérant que comme des transitaires, l’Allemagne préférant son propre train. On mesure déjà à quel point c’était difficile de faire du chemin de fer européen…
Le choix hollando-suisse porta sur une rame très courte de quatre véhicules, dont un n’était autre… que la motrice au complet, soit 25% de la rame ! Les cinq rames furent livrées en deux lots :
3 rames de série DE4 aux Pays-Bas, type NS DE 1001-1003;
2 rames aux CFF en Suisse, RAm 501-502.
L’usine hollandaise Werkspoor à Utrecht a construit les motrices d’après une conception du designer Elsebeth van Blerkom. La motrice renfermait deux moteurs diesel RUHB 1616 d’une puissance de 1 000 ch / ~ 735 kW identiques à ceux installés sur les rames diesel NS Plan U. Ils alimentaient un générateur qui fournissait l’énergie électrique de 650V aux quatre moteurs répartis sur deux bogies. Un troisième moteur diesel d’une puissance de 300 ch alimentait le groupe électrogène qui fournissait l’énergie électrique du réseau de bord, le système de climatisation et la cuisine de la voiture-restaurant. Les appareillages électriques étaient fournis par le suisse BBC (Baden, futur ABB…). Tout cela explique l’adoption de la configuration CC des bogies, ou du moins sa disposition comportant un essieu supplémentaire chacun, en disposition (A1A) (A1A). Une des extrémité de la motrice comportait bien entendu le poste de conduite, mais aussi un compartiment pour les douanes et le conducteur du train et des toilettes pour le personnel. La vitesse maximale était de 140km/h.
Le véhicule suivant avait une allure plus « CFF », avec neuf compartiments à six places et une toilette, soit une capacité de 54 places. La troisième voiture était une voiture partiellement dotée d’une salle avec 36 places en vis à vis en configuration 2+1, et un restaurant de 16 places avec la cuisine attenante. Le dernier véhicule était une voiture pilote de 42 places en configuration « coach » 2+1. A l’extrémité se trouvait le second poste de conduite et un local pour le conducteur. Ces trois voitures intermédiaires, de construction basse dérivée des voitures standardisées CFF, pouvaient difficilement masquer leur design suisse. Elles furent construites par Schweizerische Industrie Gesellschaft (SIG).
En revanche, la conception des nez de part et d’autre trahissait l’appartenance néerlandaise, un dessin sorti de l’imaginaire de la designer Elsebeth van Blerkom, et qui va marquer tout une génération de matériel roulant hollandais jusqu’aux années 70. Den Hollander voulait en effet «_des trains aux allures d’avion_», pour appâter la clientèle d’affaire. La designer raconta plus tard : « J’ai dû aller au au Laboratoire national de l’aviation parce que je savais que tout ce que je rendrais serait jugé sévèrement en ce qui concerne la faisabilité. J’ai demandé à un ingénieur du laboratoire : « Pouvez-vous m’expliquer la quintessence de l’aérodynamique en une heure? Il a dit : madame, je peux faire ça en quinze minutes! La face arrière est la plus importante à cause des turbulences; la forme de l’œuf est idéale ». Et donc je suis partie avec la forme de l’œuf lors de la conception du nez du train ». Par la suite, Van Blerkom a amené une maquette en bois au Laboratoire aéronautique: « Je l’ai fait tester pour la résistance de l’air de ma propre initiative. Seule la position de la fenêtre devait être un peu plus droite. Il fallait contrer les effets de la neige et de la pluie. »
Au total, une rame de 95,60m pour 132 places assises, mais il faut se mettre à l’époque, quand le voyage était encore un peu une exception. La livrée fut celle des couleurs TEE d’origine, violet-rouge (RAL 3004) et beige (sans RAL), avec le logo « Trans Europ Express » uiquement écrit au-dessus des vitres de la voiture-restaurant. Le numéro d’identification de chaque administration était écrit en minuscule sur les motrices. À chaque extrémité du train étaient disposés des attelages automatiques Scharfenberg, permettant d’accoupler deux rames en unité multiple, doublant ainsi la capacité du train.
Les cinq unités multiples ont été utilisées dans un plan d’itinéraire commun de cinq jours, qui a touché cinq pays:
Jour 1: TEE 30 Zurich – Bâle – Strasbourg – Luxembourg – Bruxelles – Amsterdam « Edelweiss »;
Jour 2: TEE 128 Amsterdam – Bruxelles – Paris en TEE «Étoile du Nord» , puis TEE 145 Paris – Bruxelles en TEE « L’ Oiseau bleu »;
Jour 3: TEE 108 Bruxelles – Paris «L’Oiseau bleu», puis TEE 125 Paris – Amsterdam « Étoile du Nord »;
Jour 4: TEE 31 Amsterdam – Zurich « Edelweiss », soit un total de 3.532 kilomètres parcourus;
Jour 5: entretien à Zurich.
On remarque que quatre des six trajets ne concernaient pas la Suisse, mais la relation encore non-électrifiée Amsterdam-Bruxelles-Paris.
(photo Nico Split)
En 1964, ce roulement changeait avec un unique aller-retour Amsterdam-Paris au 2ème jour durant l’été, alors que la SNCF sortait ses splendides rames inox. À l’automne de la même année, les RAm quittèrent le nord de la France pour ne se concentrer que sur Zurich-Amsterdam en 2 jours et un aller-retour Zurich-Paris Est sur les TEE 8/9 Arbalète le troisième jour. Dès septembre 1969, les RAm quittèrent définitivement la France pour le roulement suivant :
Jour 1: TEE 30 Zurich – Bâle – Strasbourg – Luxembourg – Bruxelles – Amsterdam « Edelweiss »;
Jour 2: TEE 31 Amsterdam – Zurich « Edelweiss »;
Jour 3: TEE 57 Zurich-Munich et TEE 56 Munich-Zurich « Bavaria, soit un total de 2.524 kilomètres parcourus.
Un terrible accident détruisit la rame 501, qui assurait le TEE « Bavaria », le à Aitrang près de Kempten, suite à une vitesse excessive en courbe. Elle avait 2,9 millions de kilomètres au compteur.
Le TEE Edelweiss à son arrivée à Bruxelles-Nord, à côté d’une rame SNCB Sabena. Tout une époque… (photo Jean-Paul Lescat)
Les quatre autres rames poursuivirent leur service durant encore trois ans, jusqu’en 1974, sur le seul trajet Zurich-Bruxelles-Amsterdam. Le 26 mai 1974, elles étaient retirées du service et garées à Utrecht en attendant un repreneur. Celui-ci vînt de loin puisqu’il s’agissait du canadien Ontario Northland Railway, qui les engagea sur la liaison Toronto – Cochrane dans l’Ontario. Les motrices, qui ne supportaient pas le grand froid de là-bas, furent ferraillées dans les années 80, puis les rames furent retirées du service en février 1992.
L’association suisse TEE Classics pu rapatrier cinq voitures qui rentrèrent aux Pays-Bas à la fin de 1998, sans motrices. Finalement, c’est la Stichting Trans Europ Express Nederland qui reprit l’ensemble avec comme projet la reconstruction d’une motrice neuve sur base du nez d’une voiture-pilote. Fortement vandalisée, la rame est à la recherche d’un endroit sûr…
Zwolle, en 2008 (photo Niels Karsdorp, Dh3201 via wikipedia)
Les voitures “Inox” SNCF 02/10/2020 – Dans les années 60, la SNCF sortit de ses cartons d’élégantes voitures pour leurs nouveaux Trans-Europ-Express. Particularité : ces voitures étaient construites avec une caisse en inox, un concept inédit et prometteur à l’époque.
Les voitures-dôme des TEE allemands 29/08/2020 – Dans la grande mode des années 50-60, la Deutsche Bahn entreprit de construire cinq voitures « vista-dôme » pour agrémenter notamment un de ces trains phares : le Rheingold. Évocation…
La 103, retour sur une grande dame de la traction 20/02/2021 – Il y a peu, en 2018, les grandes dames E103 prenaient une retraite bien méritée, après 6-7 millions de km au compteur et des journées de 1400km. Retour sur un moment fort du rail allemand et de la grande traction.
Paris-Bruxelles : l’histoire d’une interopérabilité 08/01/2021 – La petite histoire du vendredi. On explore cette fois l’interopérabilité d’une toute grande artère internationale : Paris-St Quentin-Mons-Bruxelles.
En 1957, sept réseaux ferroviaires dans une Europe apaisée mettaient en service le concept de « Trans Europ Express », année de la signature du Traité de Rome. L’objectif était – déjà -, de tenter de ramener les hommes d’affaires vers le train en leurs proposant un confort hors du commun. À l’origine, il était prévu un matériel roulant unifié mais le chemin de fer étant « une chose nationale », les réseaux préférèrent une formule d’association non juridique, permettant d’évoluer chacun chez soi.
Dans l’intervalle, des design audacieux naissaient sur certains réseaux du monde. Outre un soudain attrait pour les carrosseries en aluminium, on assistait à « une autre façon d’admirer le paysage ».
Ainsi en 1947 déjà aux États-Unis, le Burlington Railroad introduisait sur son Twin Cities Zephyr cinq voitures Vista-Dome tandis qu’en France, la SNCF lançait en 1959 un autorail classé X 4200 sur les lignes touristiques. Point commun de ces véhicules : une vue dégagée sur des itinéraires d’exception.
Au début des années 60, l’Allemagne était déjà dotée de nombreux grands express nord-sud, dans la gamme des « F » (Fernzug – train express). Parmi eux, plusieurs de ces F s’avérèrent éligibles au rang des Trans Europ Express qui, rappelons-le, sont des trains uniquement de première classe auquel il fallait encore ajouter « le supplément TEE ». À cette époque, la Deutsche Bahn engageait la livraison de nouvelles voitures UIC X, d’une longueur maximale de 26,40m hors tampons, permettant de prendre toutes les courbes d’aiguillages sans engager le gabarit. Afin de retrouver une place privilégiée pour deux trains phares de l’époque, le Rheingold et le Rheinpfeil, une nouvelle série de véhicules fut créée en 1962 :
voiture à compartiments Av4üm-62/63;
voiture à couloir central « coach » Ap4üm-62/63,
voiture-restaurant « à bosse » WR4üm-62/63 et,
voiture-dôme AD4üm -62/63
Cette série fut relativement en avance sur son temps, puisque nombre d’innovations furent intégrées comme le verrouillage pneumatique et automatique des portes d’intercommunication, la climatisation et les bogies équipés de freins électromagnétiques pour circuler – on est en 1962 -, à 160km/h, alors que les trains vapeur et non électriques sont encore nombreux. On le sait peut, mais jusqu’à l’introduction du règlement sur la construction et l’exploitation des chemins de fer en 1967, les vitesses allant jusqu’à 160 km/h nécessitaient une autorisation exceptionnelledu ministre fédéral des transports pour pouvoir dépasser la vitesse maximale générale de 140 km/h stipulée dans les règlements d’exploitation en vigueur.
Comme les deux trains sont à long parcours (Hoek van Holland – Bâle – Genève pour le Rheingold), et que la vallée du Rhin fait aussi partie des itinéraires d’exception, surtout entre Coblence et Mayence, la Deutsche Bahn retînt l’idée d’une voiture-panoramique, mais déclinée au sein du format UIC X de 26,40m.
La construction des « vista-dômes », confiée à Wegmann, se déroula en deux temps :
Trois voitures bleu cobalt/beige construites en 1963 pour le Rheingold, et portant l’inscription « Rheingold »;
Deux autres voitures destinées au Rheinpfeld construites en 1965 mais qui reprirent l’inscription « Deutsche Bundesbahn » sur leur flanc.
L’une des ADüm en livrée bleu/beige, quand les trains étaient encore sous label Fernzug…
En 1965, la requalification des deux trains F 9/10 Rheingold et la F 21/22 Rheinpfeld en « Trans Europ Express » demanda alors de les repeindre en rouge/beige, ce qui n’intervînt qu’en 1967. C’est cette image que l’on retient volontiers des cinq voiture-dôme AD4üm, 10551 à 10555, objet de cette fiche d’histoire.
Dans un TEE spécial historique, en 2012, de passage à Selzthal en Autriche (photo unci_narynin via license flickr)
La construction de ces véhicules particuliers nécessita un renforcement du chassis. Le dôme panoramique représente en effet un affaiblissement de la construction tubulaire de la caisse. Pour donner l’impression d’un dôme vitré très épuré, les montants furent aussi élancés que possible en ayant recours à des profilés en acier. Il a fallu aussi tenir compte de la hauteur limite de 4,50m au dessus du niveau des rails, tant en Allemagne, qu’aux Pays-Bas et en Suisse. On savait donc déjà que les « vista » n’iraient jamais ailleurs, en France ou en Belgique.
La voiture en elle-même était divisée en trois partie :
d’un côté au niveau normal du plancher, deux compartiments classiques à six places et un local secrétariat muni d’un téléphone (rappelons l’absence de wifi et de téléphones portables…);
de l’autre côté au niveau normal du plancher, un bar avec 12 places assises et 3 chaises hautes;
enfin au centre, la constitution de deux niveaux : au-dessus, le dôme en lui-même avec 22 sièges, dont 18 pivotants. Et à l’étage inférieur, un ensemble composite comprenant le local technique de climatisation, ainsi qu’un local bagage et un second éventuel pouvant servir pour la poste.
La zone de transition entre les deux parties à un étage et la partie centrale à deux étages, avec des efforts de compression de 200 tonnes, avait l’objet d’études poussés. Le plancher du dôme est une construction combinée de fer et de bois autoportante de très faible encombrement (60mm). Elle donne au véhicule la rigidité de torsion nécessaire.
Le dôme en lui-même a posé des défis en terme de climatisation : c’est la raison du local technique situé à l’étage inférieur. Long de 8,40m, il contient 22 sièges en disposition classique de première classe, 2+1, dont 18 sont pivotants pour pouvoir être orientés dans le sens de la marche du train, comme le montre les deux clichés. 48 glaces de dimensions identiques, en verre trempé réfléchissant ou absorbant la chaleur. Il n’y avait pas de pare-soleil. Les croisillons en acier sont recouverts intérieurement de moulures en aluminium anodisé et de bandes en matière plastique.
Tous les sièges dans le sens de marche
Une courte vie… Ces voitures furent donc incorporées dans les TEE 9/10 Rheingold et TEE21/22Rheinpfeld dès 1965, selon un schéma d’exploitation d’une grande complexité, puisque les deux TEE s’échangeaient des voitures dans deux gares pivot, Duisbourg et Bâle. En simplifiant, nous les trouvions de 1965 à juin 1971 sur :
Soit 4 voitures utilisées en additionnant les deux sens. Cela signifie que les deux TEE se suivaient de 5-6 minutes sur le tronçon commun entre Duisbourg et Mayence. En septembre 1971, le Rheinpfeld perdait déjà son label TEE pour s’intégrer dans le nouveau concept d’Inter City cadencé aux deux heures que la Deutsche Bahn mettait en place. Le Rheingold devenait TEE6/7 et le schéma de 1972 était le suivant :
En 1973, changement d’exploitation – encore – avec la création du TEE 24/25 Érasmus. Ce sera la seule période où les « vista » entrent aux Pays-Bas, pour un court moment. Elles sont engagées sur le parcours Den Haag – Munich (4 voitures seulement, photos ci-dessous) complété en Allemagne de plusieurs autres voitures TEE dès Emmerich, pour la suite du parcours vers Cologne, Mayence, Francfort, Nuremberg et Munich.
Au final, en Suisse, les « vista » n’auront circulé que sur Genève, alors qu’elles auraient pu offrir le spectacle grandiose de la ligne du Gothard par le biais du TEE Roland, destiné à Milan et en correspondance avec le Rheingold à Bâle. Idem en Autriche : les « vista » n’ont pas intégré le TEE Blauer Enzian quand celui-ci fut prolongé un moment de Munich à Klagenfurt, à travers la magnifique ligne montagneuse du Tauern.
De toute manière le monde évoluait déjà ! Dans les bureaux d’étude de la Deutsche Bahn, on prépare déjà le matériel roulant du futur : il prévoit des voitures seconde classe munies du confort des voitures TEE, comme la climatisation, les portes automatiques et des vitesse de pointe à 200 km/h. La DB ne veut plus non plus de ces trains comportant des tranches multiples de 2 ou 4 voitures comme sur le Rheingold. L’avion ne cessait de progresser, de même que le kilométrage d’autoroutes. L’heure est au transport industriels, aux grands volumes…
La forte spécialisation des voitures-dôme, entretenues à Munich, entraînait des frais qui dépassaient les gains escomptés à l’origine. En mai 1976, elles furent toutes retirées des TEE sur lesquels elles officiaient, remplacées par de simples voitures-bar ou restaurant. On le sentait, les TEE partaient tout doucement vers le déclin et un autre monde se préparait.
De nombreuses nouvelles vies… Les « AD vista-dôme », hors service à la DB dès décembre 1976, furent vendues au voyagiste Apfelpfeil. Après la faillite de ce dernier, elles furent reprises par l’agence de voyage suisse Mittelthurgau de 1981 à 1999, qui faisait des charters spéciaux vers les pays méditerranéens et la Scandinavie, ainsi que les pays d’Europe de l’Est. Pour l’occasion, l’atelier voitures de Raststatt a remplacé les dômes d’observation par un nouveau dôme de conception plus basse, de sorte que les voitures puissent être autorisées à travers les tunnels des Alpes et sur les ferries vers la Scandinavie.
Une longue errance reprend quand Mittelthurgau fait à son tour faillite. Les cinq voitures se retrouvent bien au nord, en 1999, chez le suédois Tåg-kompaniet (TKAB). Les voitures sont alors utilisées dans le train Stockholm-Luleå de Tågkompaniet et sur Malmbanan jusqu’en 2003, date à laquelle Connex/Veolia reprit le trafic.
Ces services furent arrêtés rapidement et en 2005, Tågkompaniet revendait quatre des cinq voitures à diverses associations et musées en Allemagne. La cinquième voiture était quant à elle vendue à un autre suédois, TGOJ Trafik, puis NetRail qui la loua à Veolia, devenu Transdev, sur son service en open access Malmö-Stockholm. Au printemps 2013, Netrail revendait la cinquième « vista » à un acheteur néerlandais, mettant fin à cette période suédoise.
Où sont-elles de nos jours ? Contrairement à d’autres réseaux d’Europe qui se débarrassent très (trop) vite de leur vieux matériel roulant, aucune « vista » ne fut mise à la casse, et c’est heureux. En Allemagne, l’une d’entre elles est dorénavant utilisée sur le nouveau train charter Touristik TEE Rheingold, dont la traction est confiée à une locomotive mythique, elle aussi préservée, la E 103 :
Une autre voiture, la 10552, appartient à l’association Freundeskreis Eisenbahn Köln (FEK) qui propose des charters dans un Rheingold bleu/beige, période courte précédent la livrée TEE.
L’AD4üm-62 en livrée originale, reprise par le FEK, vue ici en 2011 à Königswinter (photo Tohma (talk) via wikipedia)
Un autre exemplaire semble avoir trouver une nouvelle vie de luxe, auprès de Luxon, un projet commun entre Rail Adventure (Siemens) et Geisel Privathotels, né en mars 2019. Un train ultra-court qui ne comporte que la « vista » et une E 103 de Rail Adventure. Jusqu’à 22 passagers peuvent louer le train de luxe pour voyager dans toute l’Europe – partout où le réseau ferroviaire le permet. Vous pouvez le réserver « simplement » pour votre famille (photos). Menu gastronomique à bord : le chef du Werneckhof, Tohru Nakamura, récompensé de deux étoiles au Guide Michelin, est responsable de la gastronomie du Luxon. Jusqu’à sept menus sont encore possibles dans le train de luxe, ainsi que toutes sortes d’autres commodités.
Il vous faudra cependant débourser au minimum 11.000 euros si vous voulez avoir votre train privé deux étoiles Michelin pour aller à Venise, Nice ou Prague. C’est le retour du Trans Europ Express, mais dans une version de luxe XXL et sans horaire « commerciaux ». Ce train peut aussi convenir pour un gentil team building…
On se réjouit : contrairement aux voitures-lits T2 ou bar-dancing SNCB dont il ne reste hélas rien, les voitures « vista-dôme » sont toujours en vie dans des formes diverses et continueront de parcourir les voies.
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