C’est l’homme du rail, à l’origine « chemineau », terme qui définissait autrefois le vagabond puis l’ouvrier terrassier qui parcourait les chemins à la recherche du travail. Depuis les nationalisations au début des années 1900, les cheminots se sont sentis dépositaires de la culture de l’Etat, le rail étant à cette époque le transport dominant. Une législation du travail particulière leur fût attribuée, mettant un personnel essentiellement ouvrier à l’abris des turpitudes sociales. Mais les temps ont changé, et la transformation sociale est rude. A lire à ce lien
Articles / Analyses
Numérique : l’indispensable adaptation du rail avec l’humain comme objectif 05/07/2021 – Prenons le temps de la pause et réfléchissons. Le vieux chemin de fer est entré dans un XXIème siècle technologique et de plus en plus digital. Personne n’y croyait dans les années 70 et 80, persuadé qu’une technique du XIXème siècle était vouée au déclin irréversible. Il y a pourtant toutes les raisons de croire que ce secteur peut parfaitement accaparer les bouleversements…
Pourquoi les trains japonais sont-ils si ponctuels ? 08/03/2020 – Les japonais sont clairement les champions du monde de la ponctualité, pour tous les trains. Mais pourquoi cela et comment y arrivent-ils ? Explications.
Le train sans accompagnateur : un débat sans fin… 22/04/2019 – Le train sans accompagnateur fait partie des thèmes émotionnels, parce qu’il est à la fois social, culturel et donc, politique. De nombreux commentaires ont paru ces dernières années dans la presse, dans les magazines ferroviaires, dans les programmes de radio et de télévision et des questions ont été posées au niveau politique. L’occasion de remettre les choses en ordre.
Réforme du rail : cinq slogans à démonter 23/04/2018 – « On se bat pour le bien commun », c’est le triomphe du libéralisme, le statut est responsable de la dette du rail, l’ouverture au privé menace sur la sécurité, la réforme, c’est la mort du rail à la française, voilà les principaux slogans qui animent la chaude ambiance ferroviaire qui règne en France. L’occasion de tordre le cou à ces fausses évidences.
Europe du rail : une vision syndicale éclatée – 14/06/2015 La déréglementation de pans entiers du service public keynésien a considérablement modifié le paysage des cheminots en Europe. Cela a bouleversé les représentations des cheminots et des organisations syndicales, au travers des réactions politiques et syndicales qui partent en sens divers face à cette nouvelle donne politique européenne. L’incapacité des organisations syndicales européennes à adopter une lecture commune des enjeux européens démontre que l’Europe n’est pas unifiable culturellement ! Cette analyse emprunte en grande partie aux travaux de Nadia Hilal
On lit souvent dans les médias et les forums des craintes plus ou moins avérées d’une « privatisation » des chemins de fer. Il semble que le terme « privé » ou « privatisation » soit un slogan utilisé à tort et à travers sans qu’aucun n’en connaisse la réelle définition. Voyons cela en détail sous forme de questions/réponses.
A ne jamais confondre : qui détient le capital ?
Toute société de transport a un capital de départ, qui évolue au fil du temps. Le détenteur du capital peut être une personne privée, une banque mais aussi…une autorité publique, une commune, une province ou une région, voire l’Etat lui-même. La SRWT, qui gère les 5 sociétés TEC en Wallonie (bus et tram), est détenue à 100% par la Région Wallonne. La RATP parisienne est un Établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC) détenu à 100% par l’Etat français, et non la ville de Paris. Ce sont donc toutes les deux desentreprises publiques dans leur forme juridique vu le caractère étatique de leur capital.
Ryanair est détenue par six sociétés d’investissement, sans aucun lien avec les deniers publics ni aucun management public. Il s’agit donc bien d’une entreprise privée. Elle paie des taxes pour l’utilisation des services publics : le contrôle aérien et les aéroports.
L’infrastructure ferroviaire peut-elle être privatisée ?
Comme les routes, pratiquement jamais ! Les anglais y ont cru et se sont cassé les dents. Ils en sont revenus à un réseau ferré détenu par l’Etat. L’infra coûte très cher comme on l’a vu à cet exposé et le trop long retour sur investissement n’attire pas les investisseurs privés. Et l’entretien ? Ça c’est autre chose : on peut bénéficier de technologies et de concepts d’une entreprise privée pour l’entretien de la voie, offrant le même degré de sécurité pour moins d’argent dépensé. Par ailleurs, il faut un très gros trafic sûr et certain sur le long terme pour envisager une infrastructure privatisée. Un seul exemple : Eurotunnel…
Une confusion facile : service public ou service social ?
Il y a là une confusion savamment entretenue. Le service public est une activité exercée directement par l’autorité publique dans le but de satisfaire un besoin d’intérêt général. La définition qui entoure ce concept « d’intérêt général » est soumise à interprétation politique, les besoins des uns pouvant être contraire à ceux des autres, et vice-versa. S’agissant du chemin de fer, on confond toujours service public avec « service social. »
Un service social est une activité directement liée à l’aide aux personnes, en l’occurrence les plus vulnérables, dans les missions essentielles telles qu’avoir un toit, se chauffer, manger, se soigner et vivre dignement. Le chemin de fer et les sociétés de transport ne relèvent clairement pas de ces missions de premières nécessités. Le chemin de fer n’est qu’un service public, pas une bourse à l’emploi ni un prestataire social.
La délégation de service public (ou la concession)
Certains services publics sont dits régaliens : il s’agit des services essentiels comme la justice ou le maintien de l’ordre public, qui ne peuvent être fournis que par des agents de l’Etat. D’autres services ne sont en revanche pas essentiels à l’Etat de droit, comme les transports publics car ils ne sont pas régaliens. L’Etat, la Région ou la Commune peut alors gérer ce service de transport soit directement (en régie), soit le déléguer à un prestataire. Ce prestataire est soit une entreprise publique (SNCF, SNCB, CFF,…), soit une entreprise privée. C’est là que se focalise le débat…
Quel est le statut du travail ?
Au 20ième siècle, les personnes incorporant une entreprise publique se voyaient attribuées le qualificatif « d’agent de l’Etat », pour lequel un régime particulier hors du droit commun a été créé car la mission de ce personnel était basée sur les ordres de l’Etat, un peu comme à l’armée. Son concept de base repose sur une gestion fonctionnaliste et hiérarchisée avec une montée en grade sanctionnée par un examen d’aptitude. Les choses ont depuis, fortement changé, notamment lorsqu’on se mit à calculer les coûts par agents, faisant apparaître d’énorme gaspillages en ressources, avec des métiers anciens devenus inutiles ou lorsqu’on constate que certains agents travaillent bien plus que d’autres. En réalité, le statut ne poserait pas de problèmes si la réorganisation des entreprises ferroviaires s’avéraient plus faciles pour coller à la demande des clients/usagers. En Europe, certaines entreprises l’on bien compris, d’autres non…
Faut-il être de facto agent de l’Etat dans un service public ?
C’est toute la question. Tout repose sur la tâche à effectuer : régalienne ou non ? Agent assermenté ou pas ? Avec un pouvoir d’autorité, de police ? Les choses ont beaucoup évolué depuis les années trente avec le rôle de l’Etat. Faut-il être agent de l’Etat pour exploiter un chemin de fer ? Pas obligatoirement. Car l’exploitation ferroviaire repose sur l’application ferme d’une série de réglementations et de procédures. N’importe qui, quel que soit son statut de travail, moyennant des aptitudes complètes et reconnues, peut conduire un train ou gérer le trafic en respectant la totalité des règles de conduite et d’exploitation. Tel est le cas des conducteurs de train d’Eurotunnel, société entièrement privée. Il n’y a donc aucune différence dans la conduite d’un train selon que l’on soit de statut privé ou agent de l’Etat. C’est le respect des procédures qui garantit la sécurité, pas la fiche de paie…
L’entreprise publique DBAG, les chemins de fer allemands au capital détenu à 100% aux mains de l’Etat allemand, dispose actuellement de 230.000 cheminots dont seulement 34.000 statutaires qui sont « gérés » par un organisme externe prenant en charge les « extras et les surcoûts » du statut.
(photo de Kbrookes via flickr CC-BY-NC-ND 2.0)
Mais alors, pourquoi tant de fièvre chez les cheminots ?
Jadis, le corps cheminot était composé – hors ingénieurs – de personnes faiblement, voire pas du tout diplômées. Le statut, comparé aux règles du travail de droit commun d’époque, leurs offrait l’avantage absolu de la garantie de l’emploi ainsi que des avantages en termes d’heures hebdomadaires prestées, de jour de congé, de prestations différenciées en soins de santé, de crédit hypothécaire avantageux, et in fine, en matière de pension. Mais l’indice socio-économique du personnel a grandement évolué de nos jours et on n’entre plus aux chemins de fer comme jadis, sans un diplôme minimal. Du coup, le maintien de telles dispositions statutaires anciennes, alors que le rôle de l’Etat s’est lui aussi modifié, est régulièrement jugé excessif de nos jours par rapport à la majorité de la population active, qui n’en bénéficie pas…
En clair : statut ou pas, un service public ferroviaire est-il faisable ?
Absolument ! Un service public, c’est deux choses : un contenu et de l’argent public pour le payer. L’équilibre entre les deux est une responsabilité politique. Qui doit rendre le service au public avec le budget convenu ? Là se situe la bagarre idéologique. En France, en Belgique et au Luxembourg, il n’est admis que le seul le service public avec personnel statutaire national. En Suisse, on admet du personnel statutaire cantonal dans leurs trains dits « privés » (qui sont en réalité des compagnies publiques détenues par les cantons…). Ailleurs, ce sont les provinces ou régions qui gèrent et payent une délégation de service public, comme expliqué plus haut, sans s’occuper du statut du personnel utilisé ou alors avec des agents de statut régional plus proche du droit commun. Côté finances, les clauses contractuelles définissent souvent un cadre budgétaire stricte. Dans les meilleures configurations institutionnelles, tout dépassement de budget est à charge du prestataire et pas du contribuable. Sur ce point, les Etats de l’Union européenne proposent des solutions très diversifiées…ou ne proposent rien !
Les entreprises publiques sont mieux armées pour la sécurité…
On repasse sans cesse le syndrome de l’Angleterre (Paddington, en octobre 1999), pour masquer une triste suite : Eschede (DE), Zoufftgen (LU), Buizingen (BE), Brétigny (FR) et St Jacques de Compostelle (ES) furent des catastrophes du service public ! Liste complète à ce lien. La réalité : un personnel bien formé et des règles parfaitement respectées, c’est ce qui garantit avant tout la sécurité du personnel et des voyageurs. Rien d’autre à dire…
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