Quelques principes de base pour un RER métropolitain réussi


12/12/2023 – Par Frédéric de Kemmeter – Signalisation ferroviaire et rédacteur freelance
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Récemment, la délégation française ‘Objectif RER métropolitains’ était accueillie en Suisse par les CFF, chemins de fer fédéraux suisses, pour découvrir les RER de Zürich et de Bâle. L’association française tenait, au travers de ces visites, à appréhender l’approche de ses voisins helvètes qui exploitent 14 réseaux RER. L’occasion de se pencher sur les conditions de base pour un bon RER métropolitain.

Ils s’appellent RER à Paris, S-Bahn en Allemagne, S-Tog à Copenhague, Cercanias en Espagne ou encore Réseau S à Bruxelles. Londres a carrément « baptisé » trois lignes : Overground, Thameslink et Elisabeth Line (ex Crossrail). Qu’ont de commun toutes ces appellations ? Il s’agit d’un service de trains « omnibus » géré autour des grandes villes, dans un style qui s’apparente au métro mais avec les critères du chemin de fer « lourd ».

En vrac, cela signifie :

  • Un réseau parfois exploité sur une infrastructure dédiée ;
  • Matériel roulant identique tout au long de la journée ;
  • Systématisation de la cadence horaire, souvent à la demi-heure, au quart d’heure voire plus ;
  • Horaire identique toute la journée et en principe 7 jours sur 7 ;
  • Gares et arrêts assez rapprochés, connectés avec le transport public local et/ou régional ;
  • Tarification locale/régionale sur une aire donnée, souvent avec des zones spécifiques.

En principe, ces RER/S-Bahn sont gérés par un entité unique. C’est souvent le cas pour la tarification mais c’est rarement le cas pour la technique. En effet, comme le matériel roulant relève des spécifications ferroviaires – et donc des autorisations ad-hoc -, le véritable propriétaire demeure souvent l’opérateur historique qui se charge de l’entretien, des achats et du renouvellement. Les rames de Zurich appartiennent aux CFF, celles de Copenhague aux DSB et celles circulant autour de Bruxelles sont gérées par la SNCB. Les opérateurs urbains n’interviennent pas sur ces sujets et sont plutôt propriétaires des trams, bus et métros, relevant d’une autre série de spécifications.

Il est donc important au départ de considéré le RER/S-Bahn, soit sur son seul côté ferroviaire, soit comme faisant partie d’un tout, transports publics et/ou urbains inclus. Voyons plus en détails ce que cela implique.

Une infrastructure dédiée

Oui et non. Tout dépend du service demandé, de la cadence voulue, de l’histoire aussi. Les S-Bahn de Berlin et Hambourg restent des exemples emblématiques de par leur conception d’époque, dans les années 30, où le troisième rail « électrique » fut installé au milieu d’un environnement ferroviaire encore entièrement dominé par la traction à vapeur. C’était donc forcément dédié et révolutionnaire.

Plus tard, les RER de Paris, S-Bahn d’Allemagne ou services « Commuters » de Londres, créés dès les années 1960-70, ont demandé, avec des accents variés, une infrastructure dédiée pour se différencier « du reste » du réseau. Et pour cause : la Elisabeth Line de Londres, par exemple, ne peut arriver à ses 24 trains par heure et par sens que si ce service est seul sur ses voies, ce qui n’est pas difficile à comprendre.

Il faut donc, là où c’est nécessaire, creuser la terre et faire couler le béton

Paris-Nord a sa propre gare RER, jouxtant les halls grande ligne. Cologne a ses propres quais dédiés au S-Bahn. Zurich a aussi ouvert en 1991 une nouvelle jonction centrale grâce à la construction du Hirschengrabentunnel, exclusivement utilisé par le S-Bahn, permettant de remplacer un tracé original ancien beaucoup plus long. Il faut donc, là où c’est nécessaire, creuser la terre et faire couler le béton malgré les réticences de certains cercles qui professent sans s’y connaître « qu’on peut bricoler quelque chose à moindre frais… »

Bien évidemment, il ne faut peut-être pas comparer des RER du style Paris ou Londres avec des villes plus petites, où rapidement on sort des quartiers urbains pour se retrouver dans des aires plus aérées, bâties ou non. C’est le cas de nombreuses villes du genre Nuremberg, Brême, Stuttgart, Bordeaux, Dijon, Bologne ou Vérone, pour ne citer que quelques exemples.

RER de Fribourg, Suisse…

Côté rural, des petites lignes fermées jadis ont pu être réouverte et rénovées avec pour seul trafic, un RER/S-Bahn local. Ces réouvertures ou renforcements de service permettent de classer ses lignes en RER/S-Bahn, bien qu’il s’agisse d’un retour aux services omnibus d’antan, mais dans une version modernisée. Le Schönbuchbahn près de Stuttgart, dans le Bade-Wurtemberg, a ainsi vu son trafic voyageurs a été rétabli en 1996. Après cinq années d’exploitation, le service transportait 6.000 voyageurs par jour, alors que les prévisions tablaient sur seulement 2.500.

Matériel roulant identique tout au long de la journée 

Adieu variété, train tracté par-ci, autorails à d’autres heures. Le fourre-tout, c’est terminé. Maintenant c’est « tout pareil toute la journée », et dans de nombreux cas il s’agit d’automotrices. Ici aussi les spécificités du service mettent l’accent sur plus de portes pour la fluidité, et un accès (rêvons un peu) de plein pied, c’est-à-dire des quais hauts. Le principe des RER/S-Bahn est aussi d’avoir des arrêts rapprochés, ce qui induit des accélérations/décélérations fréquentes, et donc une chaîne de traction conçue comme tel.

Ce matériel systématique a son propre programme de maintenance. L’unification éventuelle, quand elle est possible, permet de ne former le personnel qu’à un seul type de matériel et d’avoir le moins de pièces de rechange possible. La SNCB a, par exemple, pour seul type de RER que les automotrices AM08 Desiro Siemens, bien qu’il y ait encore des AM86 en circulation sur certaines lignes. La nouvelle ligne Elisabeth Line de Londres n’utilise que des Class 345 Aventra de l’ex-Bombardier, aujourd’hui Alstom (photo ci-dessous).

Les Aventra sur l’Elisabeth Line, à Londre. Systématisme et toute la journée pareil…

Cadence horaire, 7 jours sur 7, et tarification simplifiée

Dès l’instant où on a à la fois les infrastructures dédiées – ou réservées -, et le matériel roulant ad-hoc, il « ne reste plus » qu’à exploiter le service. Le choc d’offre est le seul susceptible de faire réussir un RER/S-Bahn. La cadence est donc un sujet qui n’en est pas un, tant cela parait évident. Cela impose évidemment une autre façon de travailler, sans qu’il y ait dès 9h des trous dans l’horaire pour la pause matinale…

La cadence horaire de chaque ligne peut vite devenir, là où elles convergent, un embouteillage dès qu’on s’approche d’une gare centrale. Sur ce plan, on est content que la ville de Copenhague soit traversée par une infrastructure dédiée : dans sa gare centrale, le S-Tog passe à une cadence de 3 minutes ! Pas question donc de venir se mélanger avec d’autres Intercity. Cadence horaire et infrastructures sont donc intimement liées, ce qui a motivé la reconstruction complète à quatre voies, toujours en cours, de deux lignes wallonnes autour de Bruxelles (vers Ottignies et Nivelles). Les RER parisiens ont leurs propres infrastructures, sans quoi il serait impossible d’obtenir la cadence et le choc d’offre dans le contexte francilien.

La cadence, c’est aussi la sérénité. Plus besoin de consulter un horaire, si ce n’est sur smartphone pour voir le prochain départ. Si vos trains partent à l’heure 10, 25, 40 et 55 (soit au quart d’heure), de préférence toute la semaine y compris le weekend, toute la journée, c’est facile à mémoriser et c’est pas grave si vous en avez raté un. L’autre arrive dans pas longtemps…

Multi transports et transporteurs multiples pour un seul billet

La tarification est tout autre chose. C’est en général l’AOT qui gère cela. Il s’agit parfois d’un difficile équilibre entre les recettes urbaines et les recettes ferroviaires qui faut répartir sur plusieurs opérateurs. On peut certes gérer le RER/S-Bahn en solo, avec tarification propre, mais ce n’est pas quelque chose à recommander.

Le billet unique de type Navigo (Paris) ou Oyster Card (Londres) sont des exemples d’intégration tarifaire indispensable. Train, tram, bus, métro : on ne fait plus la différence. Malheureusement, ces offres s’adressent trop aux voyageurs quotidiens locaux et moins aux occasionnels et aux étrangers des lieux. Or un transfert modal réussi ne pourra s’opérer que si les occasionnels bénéficient eux aussi d’une simplification automatique, sans se casser la tête. Il y a de la résistance dans certaines AOT qui considèrent que c’est trop de misères (informatiques) pour peu d’apport, les « occasionnels » ne formant qu’une petite minorité. Pourtant, l’attrait d’une ville se mesure aussi par sa facilité en transports publics internes pour des gens extérieurs qui, s’ils sont contents, sont susceptibles d’en parler sur les réseaux sociaux et de revenir sur les lieux…

Il est clair qu’en coulisse, il y a une volonté de chacun de gérer – et conserver son business. Cela se traduit par des automates multiples selon les opérateurs. À Berlin, obtenir un billet valable 24h ne peut se faire que via les automates du VBB, pas ceux de la DB, pourtant incluse dans l’offre. Or ce n’est pas explicitement mentionné.

Voies, matériel et service, le tout doit être conçu dans un ensemble complet afin de faire d’un RER métropolitain une vraie réussite. 🟧

12/12/2023 – Par Frédéric de Kemmeter – Signalisation ferroviaire et rédacteur freelance
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Publié par

Frédéric de Kemmeter

Cliquez sur la photo pour LinkedIn Analyste ferroviaire & Mobilité - Rédacteur freelance - Observateur ferroviaire depuis plus de 30 ans. Comment le chemin de fer évolue-t-il ? Ouvrons les yeux sur des réalités plus complexes que des slogans faciles http://mediarail.be/index.htm

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