Allemagne : 86 milliards pour maintenir le réseau ferré en bon état !

La convention de performance et de financement (en abrégé LuFV) est un contrat entre la République fédérale d’Allemagne et Deutsche Bahn pour la maintenance de l’infrastructure ferroviaire. La troisième édition de cette LuFV vient d’être présentée fin juillet. Elle concerne un plan de financement de DB Netz pour 10 ans, au lieu de 5 précédemment.

Depuis 2015, le précédent contrat de performance et de financement obligeait la Deutsche Bahn à dépenser au moins 1,50 milliard d’euros par an et au moins 8,00 milliards d’euros en maintenance. Avec le troisième LuFV, on passe à une autre dimension. Dorénavant, les montants grimpent à 86,2 milliards d’euros sur 10 ans, soit une moyenne de 8,6 milliards par an, rien que pour l’infrastructure. Cela représente une augmentation de 59% par rapport au précédent LuFV II qui arrive à échéance fin 2019. L’effort est considérable, mais on a envie de dire : enfin !

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Le ministre fédéral des Transports, Andreas Scheuer (CSU), s’est félicité de la signature de ce contrat LufV 3 : « Nous avons convenu avec Deutsche Bahn le programme de modernisation du rail le plus vaste jamais réalisé en Allemagne. Un réseau ferroviaire performant et de haute qualité est la base pour une protection active du climat. » L’État allemand ne fera cependant pas tout le travail : il ne donnera que 62 milliards, tandis que les 24,2 milliards seront à fournir par l’entreprise elle-même, soit 41% de plus qu’actuellement. Un détail qui agite déjà le milieu, quant à savoir comment la Deutsche Bahn va pouvoir financer sa propre part.

Alexander Kirchner, un ténor du syndicalisme cheminot, a d’ailleurs critiqué les montants : « Les 86 milliards d’euros mentionnés paraissent gigantesques, mais ils tentent de dissimuler la véritable situation ». « C’est une bonne nouvelle pour les voyageurs en train en Allemagne que le réseau ferroviaire gagne maintenant plus d’argent », a déclaré Dirk Flege, membre du conseil d’administration de l’Allianz Pro-Schiene dans une interview accordée à la télé ZDF. « Selon toute vraisemblance, toutefois, ce ne sera pas suffisant d’obtenir une amélioration significative de la qualité car nous progressons avec un arriéré d’investissement gigantesque », confirmant ainsi les propos de Kirchner. « La Suisse investit cinq fois plus que nous en Allemagne par habitant pour l’ensemble du réseau ferroviaire. Le Danemark, l’Autriche, la Suède, les Pays-Bas et la Grande-Bretagne investiraient également davantage dans le réseau ferroviaire », rappelle-t-il.

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Dans le projet de budget fédéral en préparation pour 2020, un total de 51,4 milliards d’euros a été réservé pour le nouvel accord financier, tandis que les 10 autres milliards du fédéral « proviendraient d’autres pots », sans plus de précisions. Ce qui peut sous-entendre de solides négociations au sein de gouvernement Merkel pour piocher… dans les bons pots !

L’importance de l’infra

Répondant aux préoccupations croissantes de la détérioration des 33.000 km du réseau, la LuFV III est destiné à financer l’entretien et la rénovation. Beaucoup de voies, de points sensibles et près de 2.000 ponts sont délabrés. 875 de ces ponts sont déjà en cours de rénovation, ce qui fait autant de chantiers qui ralentissent le trafic, souvent dense, de nos amis allemands. La Deutsche Bahn – ou plutôt l’État allemand, restons honnête -, doit en réalité résorber un immense arriéré de travaux de restauration pour maintenir le réseau ferroviaire allemand. Chose importante, l’accord n’inclut pas les travaux d’extension de la capacité qui seront financés séparément. Il ne s’agit donc ici que d’un budget de maintien du réseau, ce qui indique l’ampleur de la tâche.

Les montants iraient crescendo. Selon les informations fournies par l’Agence allemande de la presse, une moyenne de 7,9 milliards d’euros d’investissements par an est prévue pour la période 2020 –  2024, puis une moyenne de 9,2 milliards d’euros pour la période 2025 – 2028. Pour l’année 2029, le montant serait le plus élevé, soit 9,6 milliards, est fourni. Mais il faut évidemment tenir compte de l’inflation, ce qui atténue la hausse de période en période.

Précision utile, cet accord doit maintenant encore passer le cap du Bundestag, le parlement allemand.

Le rail est coûteux à ce point ? Il était temps que nos élus s’en rendent compte. L’exécutif est en effet le seul habilité à délier les cordons de la bourse. Oui, le coût de l’infra au kilomètre peut faire peur, mais il faut tout de suite se mettre en tête qu’une bonne infra, avec une bonne signalisation, sont les ingrédients incontournables pour plus de trains sur les voies et davantage de personnes en moins sur les routes. Alors cela vaut la peine de mettre le paquet. Le passage de la LuFV de 5 à 10 ans témoigne aussi – et enfin – de la nécessaire obligation d’avoir une vue à moyen terme qui dépasse plusieurs législatures gouvernementales.

Pas de bons services trains sans bonnes infrastructures, cette évidence devra être continuellement martelée…

 

Publié par

Frédéric de Kemmeter

Cliquez sur la photo pour LinkedIn Analyste ferroviaire & Mobilité - Rédacteur freelance - Observateur ferroviaire depuis plus de 30 ans. Comment le chemin de fer évolue-t-il ? Ouvrons les yeux sur des réalités plus complexes que des slogans faciles http://mediarail.be/index.htm

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