L’Interporto, un outil pour créer les conditions du transfert modal

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06/12/2021 –
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Il est trompeur de penser que la simple construction d’une infrastructure ferroviaire dans une zone économique peut générer un processus de croissance économique. Il faut des installations plus complètes et un tissu industriel tout autour. C’est ce que nous montre l’exemple italien avec son concept Interporto.

Le modèle régional italien a longtemps été original en Europe, car à mi-chemin entre le modèle centraliste et le modèle fédéral des Länder allemands. Dans les divisions territoriales officielles, les régions du nord de l’Italie par exemple sont très différentes les unes des autres, notamment en ce qui concerne les caractéristiques des institutions locales et sociales. 

La particularité italienne en matière d’organisation logistique du territoire est qu’il s’agit d’une politique nationale décidée au travers de plusieurs lois édictées entre 1990 et 2002.  Mais le développement économique particulier de l’Italie a en réalité débuté après la Seconde Guerre mondiale, avec un agencement des structures sociales et institutionnelles, une répartition du capital physique et humain et leur évolution ultérieure qui ont déterminé dans les années 80 la consolidation d’un modèle aux caractéristiques particulières et au potentiel de croissance élevé même en l’absence de grandes entreprises « leaders » dans la région.

Le cas italien, atypique, avec ses régions « à statut spécial » dotées d’un solide réseau bancaire régional, nous montre un modèle puissant et créatif, où les PME dominent l’espace économique.

Un environnement complet
Les Italiens ont également fait preuve d’une certaine maturité intellectuelle. Par exemple, il ne suffit pas d’investir dans le rail pour générer du trafic. Le développement des infrastructures doit nécessairement répondre aux besoins exprimés par l’industrie locale et le contexte dans lequel l’infrastructure est située. A ce titre, les régions italiennes révèlent souvent de grandes différences entre elles, ce qui stimule leur compétitivité. 

C’est un aspect très intéressant lorsqu’on analyse l’écart entre le sud de l’Italie et le centre-nord de l’Italie, en ce qui concerne les installations « interporto », dont les causes sont beaucoup plus profondes et complexes que le déficit d’investissements ferroviaires qui caractérise la région.  Il est trompeur de penser que la simple construction d’une infrastructure ferroviaire dans une zone économique faible peut générer un processus de croissance économique en l’absence d’un contexte productif « fertile » sur lequel fonder le développement. Pour remplir des trains, il faut des acteurs, des investisseurs et des usines.

startup

L’une des caractéristiques concrètes de cette politique est l’implantation de nombreux ‘Interporto’ (ports secs), sur tout le territoire italien.

Actuellement, l’Etat définit la planification générale, les règles de financement et de gestion tout en laissant aux acteurs locaux (administrations territoriales, CCI) la mise en oeuvre. Une politique qui montre toute sa souplesse et un extraordinaire dynamisme. Un vaste mouvement public/privé soutient fermement une économie régionale exportant dans toute l’Europe.

Le rôle et la fonction des ‘Interporto’ ont été interprétés de différentes manières au cours des années, malgré le fait que la loi 240/1990 (art. 1) donne une définition explicite du « village de fret ».

Le village de marchandises à l’italienne est une infrastructure complexe couvrant des surfaces allant de milliers de mètres carrés à des millions de mètres carrés, dont la fonction est d’accueillir des entreprises de logistique et de transformation qui ont besoin d’effectuer des traitements finaux à petite échelle (emballage, personnalisation, etc.), d’intégrer, au moyen d’infrastructures et d’infostructures, différents modes de transport, et d’offrir une large gamme de services.

Ces ‘interporti’ doivent de facto, selon la loi, comporter une gare intermodale. Le cadre réglementaire établit en effet certaines exigences comme les liaisons ferroviaires directes avec le réseau ferroviaire national grande ligne et l’existence d’un terminal ferroviaire intermodal, apte à former ou à recevoir des trains complets, conformément aux normes européennes, capable de fonctionner avec un nombre d’au moins dix paires de trains par semaine. Ils ont aussi différentes zones destinées, respectivement, aux fonctions de transport intermodal, de logistique d’approvisionnement, de logistique industrielle, de logistique de distribution et de logistique de distribution urbaine. Le village de fret peut donc être considéré comme une sorte de « port » à l’intérieur du territoire, d’où ne partent et n’arrivent pas les navires, mais les trains et/ou les camions.

Développements
Ces dernières années, la réalité interportuaire, principalement due au fait que le développement de l’intermodalité est devenu la règle et non plus l’exception, a connu des changements qui ont permis aux ‘Interporti’ de développer une large gamme de services qui leur ont permis d’atteindre une plus grande compétitivité, leur permettant dans de nombreux cas d’acquérir un haut niveau de spécialisation dans leur offre.

Le plus grand ‘Interporto’ est celui Vérone-Quadrante Europa. En 2019, environ 28 millions de tonnes de marchandises y ont transité, dont 8 millions par train (28,6% de part modale), dont la plupart étaient des flux intermodaux. Cela a représenté 15.950 trains comptabilisés, soit une moyenne de 53 trains/jour.

Voilà comment l’état devient stratège, sans se mêler de la nature du béton ou des propriétaires d’entrepôts. Ces structures et services sont financés par des capitaux publics et privés locaux et régionaux. Il va de soi que l’activité ferroviaire n’est pas réservée à l’unique entreprise étatique nationale, Mercitalia, mais à une variété d’opérateurs ferroviaires selon la demande et la construction des flux logistiques.

L’exemple italien nous montre donc que par des lois formellement établies, une économie peut bifurquer vers le transfert modal, pourvu qu’on lui en donne les moyens. Il ne s’agit pas de décider au travers du centralisme politique mais de transférer les responsabilités aux autorités régionales, qui connaissent mieux que quiconque l’environnement politique et économique de leur région. L‘Interporto’ est ouvert à tous les opérateurs de fret ferroviaire, ce qui est une preuve de maturité pour transférer davantage de volumes de marchandises vers le rail.

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06/12/2021 – Par Frédéric de Kemmeter – Signalisation ferroviaire et rédacteur freelance
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26/11/2020 – Le fret ferroviaire peut aussi montrer qu’une bonne organisation logistique ainsi que des nouveautés technologiques permettent de lui faire gagner des clients. Démonstration.


Chemin de fer : plus de technologie et moins de procédures

Par Frédéric de Kemmeter – Signalisation ferroviaire et rédacteur freelance – Inscrivez-vous au blog
29/11/2021 –
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Il existe une tendance « naturelle » à considérer la technologie ferroviaire comme arriérée, consanguine et à la fois résistante et lente à adopter les innovations des autres industries. En réalité, au-delà de la technologie, le rail doit aussi faire un saut qualitatif en éliminant cette tendance à étouffer le progrès par une montagne de procédures, mettant parfois en péril les attentes que l’on attendait d’une innovation.

C’est un fait : la voiture électrique existe depuis 130 ans… au travers du métro, du tramway puis du train électrique. L’utilisation de l’énergie verte n’est plus un défi pour le chemin de fer depuis longtemps. Aujourd’hui des trains roulent à 320 km/h de manière régulière grâce à un fil suspendu à plus de 5m au-dessus des voies. De même, des trains de 3.000 tonnes sont régulièrement mis en circulation en Europe avec une seule locomotive électrique, n’émettant pas les milliers de tonnes de CO2 de nos amis américains, brésiliens ou australiens.

La production d’électricité est évidemment à prendre en compte, car il y a une différence majeure entre des pays d’industrie nucléaire comme la France et des pays « charbon » comme l’Allemagne ou la Pologne.

Mais le sujet le plus important n’est pas de savoir si le train est plus vert que ses concurrents de l’aviation ou de la route. Le vrai sujet, c’est l’accélération des progrès technologiques des concurrents, boostés par des milliards en recherche et développement que le rail n’a pas.

Des milliards en recherche et développement
Selon l’Association des constructeurs européens d’automobiles (ACEA), le secteur automobile est le premier investisseur de l’UE dans la recherche et le développement (R&D), dépensant 62 milliards d’euros par an pour l’innovation. Dans le top 10, on trouve également les secteurs du matériel et des équipements technologiques et des équipements électroniques et électriques qui dépensent ensemble plus de 27 milliards en R&D, tandis que le secteur de l’aérospatiale et de la défense dépense 8 milliards d’euros. Mauvaises comparaisons ?

Oui, si on tient compte que ces secteurs atteignent indifféremment 100% de la population d’une manière ou d’une autre, par le biais de nos appareils ménagers, nos smartphones, de notre consommation mais aussi pour nos déplacements quotidiens. Il est donc fatal que le train ne soit qu’une réponse partielle à nos besoins, ce qui indique qu’on ne le retrouve pas dans le top 10.

Mais cette comparaison peut prendre tout son sens quand on analyse d’un peu plus près le fonctionnement de ces secteurs. La principale chose est leur internationalisation. Aviation et automobile parlent une seule langue et partagent des valeurs communes à l’échelle de la planète, tout en se faisant concurrence au niveau de leurs réseaux de vente et de leurs produits.

De l’usine à l’entreprise digitale
Dans un monde où le développement agile, le déploiement rapide et l’échelle illimitée sont la nouvelle normalité, de nombreux constructeurs automobiles sont en passe de transformer leur culture d’entreprise, passant du statut d’usine métallurgique à celui d’entreprise technologique axée sur les logiciels. La digitalisation peut aider les constructeurs automobiles à réussir leur parcours de transformation numérique.

Le secteur est fortement aidé par une nuée de petite startups plus innovantes les unes que les autres, ce qui manque cruellement aux chemins de fer. Armé d’un lobbying de très haut niveau, le secteur automobile est donc en passe de faire valoir ses atouts et de démonter son aptitude à être une des solutions pour atteindre les objectifs climatiques nationaux.

Le risque est grand de voir apparaître des solutions décarbonées automobiles plutôt que ferroviaires. On se retrouverait alors dans la même situation que les années 1950, quand le rail fut relégué dans son petit coin alors que l’automobile répandait au sein de la population son nouveau way of life.

Alléger les procédures
Il est clair que le chemin de fer évolue en ordre dispersé et n’a pas toujours des ressources dont disposent l’aviation et l’automobile. Le fait d’être un transport utilisant en partie l’énergie verte (l’électricité) et d’être un transport guidé (charges lourdes, grande vitesse), milite pour qu’on donne au transport ferroviaire une priorité majeure. On trouve cependant des raisons d’espérer.

Une première avancée nous vient par exemple de l’Agence ferroviaire de l’Union européenne (ERA), qui est désormais l’organisme de certification unique de l’Europe pour l’autorisation des véhicules, la certification de sécurité et l’approbation ERTMS au sol, en remplacement des anciennes agences de certification nationales de l’UE.

Ce changement vise à simplifier les processus et à réduire les coûts administratifs pour l’industrie ferroviaire en offrant un « guichet unique » aux fabricants ferroviaires et aux opérateurs internationaux, leur permettant de demander l’approbation dans chaque État membre simultanément, plutôt que pays par pays.

Pour obtenir les certificats de sécurité uniques (CSU) par exemple, un nouveau formulaire est prescrit par l’Agence ferroviaire européenne (ERA) et est reconnu par les autorités nationales (méthode de sécurité commune). Récemment, grâce à ce nouveau formulaire, l’opérateur suisse BLS Cargo a obtenu son CSU pour les cinq prochaines années, en coopération avec les autorités nationales de Suisse, d’Allemagne, d’Autriche et d’Italie, ce qui constitue un grand pas en avant et répond à une demande forte des opérateurs ferroviaires.

Il s’agit donc d’un progrès rendu possible par l’élimination des procédures, qui est devenu le point focal dans deux autres domaines.

Le premier concerne l’installation à bord d’une locomotive des systèmes de sécurité nécessaires pour évoluer dans un groupe de pays donné. Jusqu’ici cette installation est toujours très lourde et immobilise inutilement une locomotive en atelier pendant des jours, si pas des semaines.

Pour aller plus vite, la startup belge The Signalling Company tente de mettre au point le « téléchargement » à bord (en une nuit), d’un système de sécurité complet d’un pays. Cela permettrait à la locomotive louée d’être prête à l’emploi le lendemain pour une nouvelle mission. Ce téléchargement serait prévu sous forme d’une « app » aussi simple que celles sur votre smartphone. On attend les résultats pour 2022.

Il sera surtout intéressant de voir quel accueil cette innovation recevra au sein des organismes de sécurité.

Le second exemple est l’ETCS, dont on parle depuis 20 ans. Son implantation est coûteuse de sorte qu’on n’utilise pas ces nouvelles technologies sur les lignes qui en ont le plus besoin : les petites lignes à faible trafic.

L’idée d’éliminer un maximum de câbles et d’actifs à entretenir a produit le concept de blocs virtuels fixes (environ 5km) associé avec la technologie bien maîtrisée des compteurs d’essieux dans les petites gares où les voies se croisent. Cet ETCS de niveau 3 « régional » fait l’objet de tests en Italie en vue d’écrire les spécifications techniques valables pour tout le monde en Europe. Là aussi les résultats sont attendus prochainement. Le but est d’accélérer l’implantation du système et d’éliminer les lourdeurs traditionnelles.

Tout cela montre que même s’il semble improbable que le chemin de fer soit inondé à l’avenir de milliards en recherche et développement, une première démonstration de son efficacité serait d’éliminer les procédures inutiles ainsi que les égos nationaux, et de prouver que les innovations citées ci-dessus (il y a encore d’autres exemples), répondent tout aussi valablement aux critères de sécurité.

Il faudra cependant que le chemin de fer puisse lui aussi bénéficier d’un environnement de startup actives dans de nombreux domaines pour faire reculer l’horizon technologique et se montrer à la hauteur des autres transports.

Il faudra que les chemins de fer fassent davantage confiance à certaines propositions technologiques qui pourraient s’avérer prometteuses à moyen terme. Même si ce n’est pas une idée cheminote à la base…

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29/11/2021 – Par Frédéric de Kemmeter – Signalisation ferroviaire et rédacteur freelance
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Pour approfondir :

ETCS Niveau 3 régional : expériences en Italie
04/10/2021 – On parle depuis longtemps de l’ETCS et de son implémentation. Jusqu’ici, le sol et le bord ont bénéficié de l’ETCS niveau 2. Mais pour des lignes régionales, une formule allégée de l’ETCS de niveau 3 pourrait être une solution.



Télécharger la mise à jour de l’ETCS ou l’interface nationale comme une application ?
30/08/2021 – C’est ce qu’envisage sérieusement The Signalling Company, une joint-venture créée en 2019 entre deux sociétés belges – ERTMS Solutions et l’opérateur fret Lineas. Elle met au point une nouvelle application mobile qui déclinera le système belge de classe B (TBL1+) à télécharger selon les besoins d’un opérateur ferroviaire. Mais aussi des mises à jour de l’ETCS…


Numérique : l’indispensable adaptation du rail avec l’humain comme objectif
05/07/2021 – Prenons le temps de la pause et réfléchissons. Le vieux chemin de fer est entré dans un XXIème siècle technologique et de plus en plus digital. Personne n’y croyait dans les années 70 et 80, persuadé qu’une technique du XIXème siècle était vouée au déclin irréversible. Il y a pourtant toutes les raisons de croire que ce secteur peut parfaitement accaparer les bouleversements en cours. Mais sans oublier d’y inclure la dimension humaine.


FRMCS-GSM-RFRMCS, une clé pour l’ERTMS et la numérisation du rail
29/03/2021 – Devenu obsolète, le GSM-R n’est plus l’avenir de la transmission des données ferroviaires. Le FRMCS devra le remplacer en tenant compte des dernières normes mondiales des transmissions de données.


Grande-Bretagne : le projet HS2 amputé de sa branche Est

Par Frédéric de Kemmeter – Signalisation ferroviaire et rédacteur freelance – Inscrivez-vous au blog
22/11/2021 –
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Le projet britannique de réseau à grande vitesse HS2 subit une cure d’amaigrissement importante dans la partie vers les Midlands. Les autorités entendent édifier la politique ferroviaire vers le transport local et régional de cette région. Mais avec quel argent ?

Commençons par planter le décor de cette saga ferroviaire britannique. HS2, le projet d’infrastructure le plus important et le plus controversé du Royaume-Uni, est un ensemble de lignes nouvelles ferroviaires à grande vitesse entre Londres et les grandes villes des Midlands et du nord de l’Angleterre, pour rejoindre des villes comme Birmingham, Manchester et Leeds. Les travaux ont déjà commencé sur la première phase, qui relie Londres et Birmingham.

L’étape suivante, appelée 2a, prolongera la ligne jusqu’à Crewe. Et la dernière phase devait amener HS2 à Manchester et Leeds. Malheureusement, à ce stade, le HS2 a dû faire face à des retards et à des inquiétudes croissantes concernant la spirale des coûts, ce qui a créé une grande incertitude politique sur le projet.

Le coût de HS2 était initialement estimé à 39 milliards d’euros, mais en 2013, cette estimation fût revue pour la première fois avec une hausse de 12 milliards d’euros. À l’époque, le ministère des transports avait déclaré qu’il n’aurait pas nécessairement besoin d’utiliser la totalité du budget de 51 milliards d’euros. Depuis lors, les coûts n’ont cessé d’augmenter. Une étude commandée par le gouvernement en 2019 a estimé que la dépense finale pour le réseau HS2 pourrait atteindre la somme astronomique de 126 milliards d’euros, soit plus de trois fois le budget initial.

HS2
Les travaux entre Londres et Birmingham sont entamés (photo Bob Walters via licence on geograph.org.uk)

Pourquoi une telle spirale des coûts ?
Essentiellement en raison de problèmes de gestion et d’évaluations foncières irréalistes qui ont fait exploser les coûts. Selon certaines sources, un grand nombre de propriétés n’avaient même pas été évaluées à leur juste valeur. En outre, des études approfondies du sol n’ont pas été réalisées, ce qui a entraîné de gros coûts additionnels dû à des problèmes de creusement et d’excavation.

Alors qu’on entend souvent que des efforts importants sont faits en matière d’investissements ferroviaires, les Britanniques devaient en réalité constater que le Trésor a toujours cherché à freiner les dépenses d’infrastructure dans un contexte d’inquiétude générale quant aux coûts de HS2. L’examen Oakervee a déclaré en 2018 que HS2 devrait être construit dans son intégralité, mais a averti que la facture finale pour l’ensemble du réseau pourrait atteindre 106 milliards de livres sterling.

Dans une interview accordée en octobre, le secrétaire d’État aux Transports Grant Shapps enfonçait le clou en déclarant qu’il n’avait pas l’intention de « suivre aveuglément des plans élaborés il y a 20 ans ». Il a ainsi suggéré qu’il faudrait peut-être repenser le projet de train à grande vitesse entre Birmingham et Leeds.

Cela a conduit à la réalisation d’un nouveau plan appelé Integrated Rail Plan (IRP), qui est basé sur un document antérieur appelé Oakervee Review of HS2 publié en février 2020, et qui appelait à une révision d’ensemble pour s’assurer que HS2 et d’autres grands projets ferroviaires soient évalués, conçus, livrés et exploités comme un réseau intégré. L’IRP a tenu compte du rapport qualité-prix, du concept de « nivellement par le haut » voulu par le gouvernement, de l’accessibilité financière et de la faisabilité.

Les principaux éléments de l’IRP publié jeudi, d’un montant de 114 milliards €, peuvent être résumés comme suit :

  • Le projet Northern Powerhouse Rail (NRP – une ligne transversale nouvelle pour le nord de l’Angleterre entre Leeds et Manchester), devient en fait un ensemble de nouvelles voies et d’améliorations de l’infrastructure existante.
  • La TransPennine Main Line sera électrifiée et modernisée, avec des sections plus longues comportant 3 ou 4 voies et des voies de garage plus longues pour le fret. Ce projet sera géré comme étant la première phase du Northern Powerhouse Rail.
  • mais surtout, l’extension du HS2 des East Midlands à Leeds est abandonnée. Les trains HS2 à grande vitesse circuleront sur les lignes existantes, comme souvent en France.
HS2
(wikipedia)
HS2
Le projet tel que prévu aujourd’hui

Le gouvernement déclare qu’il « étudiera la manière la plus efficace de faire circuler les trains HS2 vers Leeds, y compris la solution la plus optimale pour la capacité de la gare de Leeds« . Cela pourrait inclure un embranchement vers le sud de Leeds, mais sans liaison directe avec HS2.

Ce nouveau plan a évidemment été accueilli avec beaucoup d’enthousiasme par de nombreux opposants au projet HS2, même si le tronçon entre Londres et Manchester est bel et bien maintenu. En revanche, de nombreux élus et chambres de commerce des Midlands ont vivement critiqué ce revirement. Au contraire, le DfT affirme que les bénéfices du rail arriveront avec 10 années d’avance.

Rouler sur les voies existantes
La branche vers Leeds n’est pas totalement avortée mais largement raccourcie. Un tronçon Est de HS2 sera construit entre Birmingham et East Midlands Parkway, les trains continuant vers Nottingham, Derby et Sheffield sur une Midland Main Line électrifiée. Les trains HS2 desserviraient directement les centres-villes de Nottingham et de Derby, remplaçant une gare prévue pour desservir une zone de régénération à Toton, située entre les deux. Cela signifie que les trains HS2 s’arrêtera dans les gares existantes plutôt que dans de nouveaux hubs extérieurs, ce qui est plutôt bénéfique pour les connexions avec les transports publics et les autres trains régionaux.

Le problème est de savoir ce que signifie « continuer sur les voies existantes ». Alors que les nouvelles lignes HS2 sont construites selon le gabarit UIC et les STI européennes, le réseau britannique existant n’a pas ce gabarit. Les trains britanniques ont en effet un gabarit un peu plus étroit que le gabarit UIC, particulièrement dans les bas de caisses. Quels trains devront être construits alors que l’intention initiale était de faire enfin circuler des trains « comme en Europe » ? Hitachi Rail et Siemens ne pourront pas présenter dans leurs offres un Frecciarossa ou un ICE tels que construit sur le Continent.

Une autre politique ferroviaire
L’analyse que l’on peut faire de tout cela est que le gouvernement vise à élever les Midlands au même niveau économique (et politique ?) que le riche Sud-Est de l’Angleterre. Par le biais de l’IRP, la politique gouvernementale pour les Midlands est donc orientée vers les déplacements régionaux entre les grandes villes du centre de l’Angleterre (Manchester, Leeds, Sheffield, Birmingham,…) plutôt que des liaisons avec Londres.

Autre preuve de cet engagement en faveur du centre du pays, cette précédente communication du gouvernement britannique qui annonçait l’introduction de la billetterie sans contact dans plus de 700 stations sur l’ensemble du territoire, dont 400 sur les réseaux de banlieue des Midlands, avec l’introduction de plafonds tarifaires à la londonienne et une plus grande intégration avec les réseaux locaux de bus et de tram.

Il reste maintenant encore de nombreuses zones d’ombre dans cet IRP et les incertitudes financières demeurent quant aux fonds disponibles. Le Trésor a déjà enclenché le frein pour l’autre grand chantier ferroviaire britannique, le Great British Railway qui mettait fin à certaines formes de privatisation. Le gouvernement devait prendre l’initiative pour améliorer les choses. On en voit les résultats : le rail n’aura pas tout l’argent qu’on croyait pouvoir lui donner…

Intermodal
(photo HS2)

22/11/2021 – Par Frédéric de Kemmeter – Signalisation ferroviaire et rédacteur freelance
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Pour approfondir :

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08/11/2021 – On croit parfois que le train intelligent suffirait à résoudre certains des problèmes de l’exploitation ferroviaire. Cependant, ce train n’aura aucun impact s’il n’y a pas d’infrastructures top niveau, ce qui suppose que demain il y aura encore du béton…


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19/11/2020 – Le modal shift ne signifie pas le train lent mais le train au devant de la scène. Pour cela, la grande vitesse ferroviaire reste largement nécessaire pour le GreenDeal et épargner un maximum de CO2


HS2-UKExtension approuvée de la ligne à grande vitesse HS2 en Grande-Bretagne
16/02/2021 – La deuxième phase du projet de ligne à grande vitesse HS2 vers le nord du Royaume-Uni a reçu le 11 février l’autorisation pour la construction du tronçon « 2a » de 58 km entre Fradley (Birmingham) et Crewe.


ERA_Europe_RailwaysLe train écolo, c’est aussi des travaux !
16/11/2020 – 2021 sera l’Année du Rail en Europe. Cela implique pas seulement des trains modernes mais aussi de bonnes infrastructures ferroviaires. Certains estiment que ce n’est pas toujours nécessaire. Vraiment ?




Le train peut-il réellement remplacer l’avion ?
28/06/2021 – Le train pourrait remplacer certains vols de 500 à 1000 km. Les mentalités semblent évoluer dans ce sens et la durée moyenne des voyages augmenterait. Mais il y a encore un certain nombre de conditions pour ce remplacement. xxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxx xxxxx xxxxxxxxxx xxxxxxxxxx xxxxxxxxxxx


economie_circulaireVous voulez sauver l’environnement ? Alors vous devriez arrêter de voyager !
02/11/2020 – Pourquoi un verrouillage climatique et l’économie locale peuvent-ils mettre le train en danger. S’il n’y a plus de voyages, il n’y a plus de trains. Si l’économie est locale, il n’y a plus de trains de fret


Se montrer fort et utile pour décarboner la planète : un défi pour le rail

Par Frédéric de Kemmeter – Signalisation ferroviaire et rédacteur freelance – Inscrivez-vous au blog
15/11/2021 –
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La COP26 de Glasgow est terminée, mais la course à la décarbonisation du secteur des transports est lancée depuis longtemps. Dans ce grand jeu, le train peut trouver sa place s’il parvient à démontrer sa pertinence.

La pression exercée sur les gouvernements et les entreprises pour qu’ils adoptent des technologies à faible émission de carbone ne fera qu’augmenter. Dans le secteur des transports, la volonté de décarbonisation se manifeste par une poussée de plus en plus frénétique en faveur du déploiement de la technologie des piles à hydrogène et des batteries pour remplacer la combustion interne dans tous les types de véhicules, y compris les avions. La Commission européenne s’est même lancée dans un vaste plan hydrogène qui a aiguisé l’appétit de nombreuses industries, voyant arriver de bonnes affaires, notamment Alstom.

Le rail semble avoir le grand avantage d’être déjà partiellement électrifié. Cependant, 45% du réseau ferroviaire européen n’est pas encore électrifié. En outre, la traction diesel et les niveaux de bruit élevés qu’elle engendre sont devenus le visage inacceptable du rail, en particulier au Royaume-Uni, en Irlande, au Canada et aux États-Unis. Pour certains riverains, il est de plus en plus difficile de promouvoir le train comme une alternative à faible émission de carbone dans de telles circonstances. Le problème est que ce message est reçu 5/5 par les élus politiques. En même temps, ils reçoivent d’autres propositions de décarbonisation, principalement du secteur automobile. Un lobbying intense tente de maintenir le secteur routier, principal concurrent du rail, dans les starting-blocks de l’avenir décarboné.

Nouvelles technologies
Le rail peut-il rester dans la course ? Aujourd’hui, les trains bimodes électro-diesel et électriques à batterie réduisent déjà l’utilisation du diesel sur les lignes partiellement électrifiées, tandis que les batteries et les supercondensateurs font des progrès dans les applications ferroviaires urbaines. Il ne fait aucun doute que le poids des batteries, principal problème technique lorsqu’on les ajoute à un train existant, diminuera à mesure que la technologie s’améliorera.

L’enthousiasme pour l’hydrogène est tempéré par la façon dont le carburant est créé. Le processus de création d’un « hydrogène vert » par électrolyse peut être considéré comme un « gaspillage d’électricité ». Selon certains experts, un train à hydrogène consomme 3,5 fois plus d’électricité en raison des inefficacités du processus d’électrolyse et des piles à combustible. Cependant, il ne fait aucun doute que l’hydrogène fonctionnera à l’avenir dans certains cas particuliers.

Mais la décarbonation des transports signifie aussi que le secteur ferroviaire va devoir mettre les bouchées doubles pour accélérer sa modernisation s’il veut paraitre comme la meilleure solution face aux politiciens. Actuellement, le constat est amer de voir que chaque avancée technologique sur un train s’accompagne d’une montagne de procédures qui peuvent parfois ralentir le progrès qu’on espérait obtenir. Le chemin de fer est encore trop souvent présenté comme un outil dangereux à exploiter par rapport aux autres modes. Pourtant, combien de morts fait la route chaque année ?

De plus on constate encore de nos jours des prises de position nationales qui peuvent handicaper le train. Il en est ainsi des fameuses semelles de freins de wagons de marchandises, conçues pour faire moins de bruit mais qui deviennent soudainement un objet à risques dans certains pays. On peut s’attendre aussi à une belle pile de barrières procédurales en vue de l’exploitation à venir de l’attelage automatique pour wagons de marchandises. Il y a encore quantité d’autres exemples qui font que le rail peine à avancer. Cela fait 30 ans que le concept ERTMS a été mis en route. On manque encore de recul pour faire un premier bilan des trains à hydrogène d’Alstom en Allemagne, lancés en 2018 grâce aussi à un fort soutien des autorités publiques. Cette technologie serait-elle viable avec moins de subsides ? Rappellons-nous le débat sur les éoliennes et la forte subsidiation de ce secteur comparé aux résultats attendus…

Service et infrastructure
Bien entendu, la technologie ne résoudra pas tous les problèmes. La décarbonation, c’est aussi attirer les gens vers le train plutôt que de les laisser utiliser un mode polluant. Il faut donc aussi investir dans le service à fournir aux voyageurs, et leurs demander ce qu’ils veulent vraiment pour utiliser le train. Le wifi à bord et les facilités dans la billetterie semblent être en tête du classement. Faire du voyage en train un moment utile pour le travail est aussi un critère fort demandé, tout particulièrement par une clientèle avec un bon pouvoir d’achat. Cependant, assurer à bord des trains une connexion mobile sans coupures nous ramène une fois de plus à la technologie, et on voit là aussi émerger des solutions diverses.

La décarbonation, c’est aussi une fluidité du trafic mieux assurée, qui nous mène plutôt sur le terrain des infrastructures. On n’est peut-être pas obligé de faire de grands travaux luxueux, mais en certains endroits, une reconstruction complète s’impose… et impose d’avoir d’importants fonds publics. N’oublions pas que des investissements qui paraissent coûteux aujourd’hui nous préservent d’autres dépenses tout aussi coûteuses pour les 50 prochaines années.

Un juste milieu
La décarbonation, c’est enfin et surtout la qualité des opérateurs qui exploitent les trains. Si on peut dénoncer les montagnes de procédures, il ne faut cependant pas oublier qu’elles sont apparues suite à des manquements parfois importants chez certains. La qualité et le suivi des procédures ne doivent pas être une question d’argent mais le fil conducteur de tout transporteur. Il n’y a pas de place ni pour le dumping technique ni pour la montagne de procédure, mais un juste équilibre à trouver entre ces deux extrêmes.

Ce sont toutes ces conditions réunies qui feront du train une solution pour atteindre les objectifs climatiques de chaque pays. Prions pour qu’il y ait moins de montagnes de procédures et davantage de mises en bonnes pratiques. Le train ne peut pas être « un outil dangereux à exploiter » mais un outil de décarbonation exemplaire.

Intermodal
(photo Network Rail)

15/11/2021 – Par Frédéric de Kemmeter – Signalisation ferroviaire et rédacteur freelance
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Pour approfondir :

Le train intelligent n’existe pas sans infrastructures
08/11/2021 – On croit parfois que le train intelligent suffirait à résoudre certains des problèmes de l’exploitation ferroviaire. Cependant, ce train n’aura aucun impact s’il n’y a pas d’infrastructures top niveau, ce qui suppose que demain il y aura encore du béton…


Décarboner les transports : tout ne dépend pas du rail
21/09/2021 – Le chemin de fer ne fera jamais de transfert modal seul, par le fait de sa simple existence. Il faut d’autres atouts qui sont du ressort de l’État. Par exemple l’aménagement du territoire et la configuration des lieux de vie



CFL_LuxembourgQuel avenir pour les trains à hydrogène ?
08/02/2021 – Les trains à hydrogène peuvent-ils permettre d’éviter l’électrification des lignes ? Tout dépend et de nombreuses questions doivent être encore résolues. Petit tour d’horizon


ERA_Europe_RailwaysLe train écolo, c’est aussi des travaux !
16/11/2020 – 2021 sera l’Année du Rail en Europe. Cela implique pas seulement des trains modernes mais aussi de bonnes infrastructures ferroviaires. Certains estiment que ce n’est pas toujours nécessaire. Vraiment ?




Quoi de neuf du côté des opérateurs longue distance ?
23/08/2021 – Cela bouge pas mal du côté des opérateurs grande ligne en Europe. C’est l’occasion d’une petite synthèse alors qu’on entame bientôt le dernier trimestre de l’année 2021. Au menu : Ouigo, Trenitalia, Renfe et RegioJet



Le train peut-il réellement remplacer l’avion ?
28/06/2021 – Le train pourrait remplacer certains vols de 500 à 1000 km. Les mentalités semblent évoluer dans ce sens et la durée moyenne des voyages augmenterait. Mais il y a encore un certain nombre de conditions pour ce remplacement. xxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxx xxxxx xxxxxxxxxx xxxxxxxxxx xxxxxxxxxxx


Passer du produit au client : le rail peut-il s’inspirer des Gafam ?
21/06/2021 – Passer de la politique « produit » à la politique « client » est un vrai défi pour le rail. Le poids des actifs (trains-infrastructure) et les habitudes culturelles façonnent encore largement la politique ferroviaire, mais il y a pourtant quelques raisons d’espérer.


Chemin de fer : disruption ou simple innovation ?
01/01/2018 – L’innovation est dans la nature même de l’être humain. Le chemin de fer ne peut y échapper sous peine d’être minorisé dans le secteur des transports.




Le train intelligent n’existe pas sans infrastructures

Par Frédéric de Kemmeter – Signalisation ferroviaire et rédacteur freelance – Inscrivez-vous au blog
08/11/2021 –
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Se battre, tous les jours. Ces derniers temps, des tests importants en matière de train autonome ont été entrepris, avec succès comme sur une très courte section à Hambourg. Si le train intelligent est l’avenir, cela ne signifie pas qu’il faut faire l’impasse sur la modernisation de l’infrastructure et la construction des lignes nouvelles.

Au cours des cinq dernières décennies, les chemins de fer du monde entier ont subi d’importantes réductions budgétaires de la part des gouvernements, ce qui a limité leur capacité à investir dans les infrastructures ou à maintenir des normes de service élevées. La concurrence féroce de la route, qui a l’avantage de la livraison porte-à-porte, a rajouté davantage de peine.

Se passer des infras ?
Les infrastructures ferroviaires ont toujours fait l’objet d’une attention particulière, à cause de ses coûts. On peut prendre comme exemple le gouvernement néerlandais qui explique que les problèmes de mobilité doivent être abordés là où ils ont la plus grande valeur économique. Les investissements doivent également être « intelligents » : l’expansion des infrastructures n’est pas le seul moyen d’améliorer la mobilité. Une meilleure utilisation des routes principales, des voies ferrées et des voies navigables existantes peut également accroître la capacité de transport.

Au Royaume-Uni, le ministère des transports (Dft) explique que toute demande de financement doit se concentrer sur l’analyse stratégique et économique du projet, ainsi que sur une définition claire des défis à relever. Il s’agit notamment de démontrer les avantages socio-économiques des travaux ferroviaires, de décrire les services proposés et d’estimer les coûts d’exploitation.

En Suède, les chambres de commerces constatent « qu’une transformation sociétale unique est en cours, mais qu’un manque d’infrastructures menace de bouleverser son évolution. » On ne veut pas miser uniquement sur le train intelligent mais sur la nécessité d’infrastructures. « À l’heure actuelle, nous constatons une situation très préoccupante où les processus d’autorisation et de planification menacent d’arrêter le verdissement [du transport de fret]. Trafikverket lui-même estime qu’il est difficile de répondre aux évolutions rapides d’aujourd’hui en conservant les procédures de travail habituelles. »

Dans ces exemples choisis parmi d’autres, on voit très bien que toute construction ou reconstruction de l’infrastructure ferroviaire se heurte parfois à des réticences d’ordre budgétaire, voire idéologique. La nouvelle philosophie du radicalisme écologique suggère même de stopper toute forme de travaux et de ne se contenter que de l’existant. L’idée derrière cela est qu’il vaudrait mieux concentrer les investissements sur le train intelligent plutôt que sur les infrastructures. Une erreur de point de vue : il n’y a pas de trains intelligents sans un minimum de travaux, et parfois même de constructions nouvelles. La fin du béton n’est pas pour demain…

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Le Koralmbahn au sud de l’Autriche, un raccourci de 127 km entre Graz et Klagenfurt (photo ÖBB Infrastruktur)

Certains veulent prouver que les infrastructures ferroviaires à construire émettent aussi beaucoup de CO2. Ce n’est peut-être pas faux, sauf qu’une infrastructure ferroviaire est faite pour durer. Et souvent très longtemps, cela atténue le bilan carbone de la construction quand on calcule le nombre de trains qui en bénéficient sur 50 ans. On tente alors de pousser le débat vers de nouveaux types de propulsions, réputés moins émetteur de CO2.

Maintenir le train au centre du débat
Un des meilleurs exemples est l’engouement pour l’hydrogène : il permettrait – selon ses promoteurs -, d’éviter à l’avenir les coûteuses électrifications de lignes par caténaires. Cela peut être le cas sur des lignes à trafic moyen, mais cela ne remplacera jamais la nécessité d’électrifier encore davantage le réseau ferroviaire. L’hydrogène fait actuellement consensus grâce surtout aux plans et aux subsides gouvernementaux, mais on oublie un peu que cet hydrogène doit être accompagné d’un réseau de distribution. Un sujet non-ferroviaire mais que serait le train à hydrogène sans ce réseau ?

L’électrification de pans entiers de la mobilité, notamment le secteur automobile, par des milliers d’éoliennes ou d’hectares de photovoltaïque va aussi nécessiter des investissements colossaux en infrastructures électriques. Le réseau actuel est insuffisant pour nos rêves de décarbonation futurs, mais il n’y a pas grand monde pour en parler. Le risque est grand de voir les gouvernements porter leurs investissements sur ce volet-là, qui encourage très largement le secteur automobile décarboné, plutôt que le ferroviaire.

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(photo Adif, Espagne)

L’intelligence, c’est aussi une bonne infrastructure
Il ne faut pas non plus croire que le véhicule ferroviaire intelligent résoudra rapidement tous les problèmes ferroviaires. Bon nombre des nouvelles technologies qui amélioreront l’exploitation ferroviaire future, telles que la 5G, l’IA et les véhicules autonomes, sont étudiées à coup de milliards et mises au point chez les concurrents directs du chemin de fer. Le rail, comme toujours, sélectionnera les meilleures technologies et les adaptera. Le fait notable est que les autres transports sont bien plus créatifs et pourraient exercer un lobbying intensif pour faire évoluer les politiques publiques et les subventions en leur faveur, au détriment du rail.

Malgré ses nombreuses promesses, la numérisation du rail s’accompagne d’un certain nombre de défis, allant des préoccupations en matière de confidentialité et de sécurité à la réglementation, en passant par les questions liées à la propriété des données et des systèmes propriétaires, l’acceptabilité publique, l’impact sur l’emploi et la crainte d’investir dans des actifs obsolètes.

La répartition des capacités, par exemple, est une question très importante qui implique une révision de la gestion du trafic par blocs pour passer à une gestion du trafic par « blocs mobiles ».  Cependant, cela impliquerait de reconstruire entièrement le système de signalisation et d’équiper tout le matériel roulant, ce que la plupart des opérateurs refusent de faire car les avantages d’un tel système sont jusqu’à présent théoriques. Il semble également que l’industrie ait vendu ces équipements de signalisation à des prix très élevés, ce qui a provoqué des réticences chez de nombreux opérateurs. Avec comme résultat qu’on circule aujourd’hui encore toujours avec des systèmes de signalisation de classe B.

L’Italie par exemple utilise l’ERTMS depuis 2005 sur les lignes à grande vitesse. Au cours des quatre dernières années, le gestionnaire d’infrastructure RFI a lancé un programme d’ERTMS chevauchant le système de classe B existant. Cependant, les italiens ont eu « d’extrêmes difficultés à utiliser les systèmes en parallèle et à avoir une double certification« , explique Fabio Senesi, responsable du programme national ERTMS de RFI. « Nous avons ouvert une ligne ERTMS il y a 3 ans, mais aucun train ETCS n’y circule. Comme vous avez deux systèmes, il n’y a aucune incitation à utiliser la nouvelle technologie. » Le train intelligent dont personne ne veut, alors que l’infrastructure est déjà prête ! Matthias Ruete, coordinateur européen de l’ERTMS, a déclaré lors d’un événement numérique organisé par l’UNIFE que pour une stratégie ERTMS complète, il faudrait au moins 30 000 véhicules équipés de l’ETCS d’ici 2030.

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(photo ÖBB Infrastruktur)

Il est exact qu’il n’est pas toujours nécessaire de construire des installations luxueuses pour améliorer la fluidité du trafic ferroviaire. Le programme européen TimeTable Redesign (TTR) pour une gestion intelligente des capacités peut être une des solutions : une vue numérisée de l’ensemble du réseau européen afin que les gestionnaires d’infrastructure puissent réduire les goulets d’étranglement grâce à une gestion intelligente des données, mettre plus de trains sur l’infrastructure existante, les faire circuler de manière fluide, mieux planifier leurs travaux de maintenance et harmoniser les trains de marchandises et de passagers interopérables.

Cependant, ni l’ERTMS ni le TTR ne pourront améliorer le trafic s’ils n’ont pas suffisamment de voies et d’aiguillages à disposition. Rapprocher les trains est une belle idée, mais on arrive rapidement à la limite de cette solution quand le réseau n’est pas assez fluidifié et qu’il manque des capacités. Il y a un moment où les trains doivent s’arrêter et être garés. Cela aussi demande des capacités physiques d’accueil si on veut augmenter le débit en ligne avec l’ETCS de niveau 3 (bloc mobile).

Heureusement, il y a des raisons d’espérer. De nombreux travaux de reconstruction des sections de lignes ferroviaires selon de nouvelles normes de durabilité sont en cours. Les gares sont également reconstruites pour mieux séparer les flux de trafic, une demande imposée par les exigences de ponctualité du trafic voyageurs, ce qu’aucun train intelligent ne pourrait entreprendre sans une infrastructure suffisante.

En outre, de grands progrès sont réalisés pour éliminer les centaines de petits postes d’aiguillage et concentrer la gestion des trains dans de grands centres de contrôle du trafic qui ont une vision beaucoup plus large de la circulation des trains. Cela nécessite beaucoup d’argent, la numérisation et les travaux de génie civil prennent du temps, mais cela démontre qu’une infrastructure moderne est indispensable au bon fonctionnement des futurs trains intelligents. Quand un pont est rouillé, qu’une sous-couche de la voie est gorgée d’eau ou qu’une sous-station électrique est obsolète, vous n’avez aucune alternative : il faut tout remplacer et mettre un paquet d’argent sur la table…

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(photo ÖBB Infrastruktur)

08/11/2021 – Par Frédéric de Kemmeter – Signalisation ferroviaire et rédacteur freelance
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Pour approfondir :

InfrastructureLe train écolo, c’est aussi des travaux !
16/11/2020 – 2021 sera l’Année du Rail en Europe. Cela implique pas seulement des trains modernes mais aussi de bonnes infrastructures ferroviaires. Certains estiment que ce n’est pas toujours nécessaire. Vraiment ?



Et si l’immobilier finançait le rail ?
28/09/2020 – Le chemin de fer est un secteur qui apporte très peu de rendements. D’autres domaines adjacents pourraient lui rapporter des revenus supplémentaires, mais pas en vendant à tour de bras. Explications.


Italie : des procédures accélérées pour les chantiers ferroviaires
25/10/2021 – Un plan de relance ferroviaire et une autre façon de gérer les travaux publics par procédures accélérées. C’est le défi de l’Italie avec 16 projets ferroviaires grandes lignes, un projet métro et une dotation de 60,8 Mds d’euros



DeutschlandtaktD-Takt : le grand défi de l’horaire cadencé intégral 2/2
10/05/2021 – Un train toutes les demi-heures de ville à ville et de village à village. Des correspondances pratiques pas trop longues, même en province. Prendre le train partout dans le pays devrait être aussi facile que de prendre le S-Bahn en zone urbaine. Cette seconde partie va détailler l’implication du service cadencé sur les temps de parcours entre les grandes villes allemandes et la place réservée aux nouveaux entrants.


DeutschlandtaktD-Takt : le grand défi de l’horaire cadencé intégral 1/2
03/05/2021 – Un train toutes les demi-heures de ville à ville et de village à village. Des correspondances pratiques pas trop longues, même en province. Prendre le train partout dans le pays devrait être aussi facile que de prendre le S-Bahn en zone urbaine. C’est le principe du Deutschlandtakt.


train_de_nuitOù en est le projet de Stuttgart 21 ?
29/10/2020 – Le projet Stuttgart 21. Un chantier énorme pour une ville de 630.000 hab et qui avance. Ou comment mettre la 6ème ville allemande au top ferroviaire, avec en prime une ligne nouvelle vers Ulm


L’infrastructure ferroviaire, ce bien commun destiné à tous

02/08/2021 – Par Frédéric de Kemmeter – Signalisation ferroviaire et rédacteur freelance
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Récemment, la Commission allemande des monopoles a formulé des recommandations pour séparer davantage l’infrastructure de l’exploitation des trains. Il ne s’agit pas de renforcer un dogme de libéralisation mais de s’assurer que les 7,5 milliards d’euros en faveur de DB Group bénéficient à l’infrastructure et ne soit pas destinés à maximiser les bénéfices de toutes les sociétés du groupe. Une inquiétude qui soulève des débats plus larges.

Où va donc l’argent ?
Le défi de verser des subsides dans un groupe ferroviaire intégré est de savoir où va réellement l’argent des contribuables. Il y a certes une révision des comptes, des rapports annuels et des contrats sous forme diverses avec l’État ou des Régions selon chaque pays, mais il est souvent difficile pour un État d’imposer une volonté, par exemple sur la rénovation de gares ou d’infrastructure. L’indépendance des entreprises publiques ferroviaires, qui ne sont plus des administrations de type militaire comme jadis, rend le contrôle plus difficile. Cet obstacle a pu être évité dans les pays – peu nombreux -, qui ont complètement séparé l’infrastructure de l’exploitation (Belgique, Pays-Bas, Danemark, Espagne, Suède…). Dans ce cas, ces États sont en mesure de vérifier les flux financiers publics grâce à deux groupes de subsides et d’investissements bien distincts : ceux du service des trains et ceux de l’infrastructure.

Cela permet aussi de mieux distinguer les subsides d’investissements des dépenses de fonctionnement, souvent liées à l’organisation du travail en interne. Cela permet aussi d’imprimer sa marque sans faire l’objet de freins. Exemple : c’est bien le gouvernement espagnol et l’Adif, le gestionnaire d’infra, qui ont mis en œuvre la libéralisation du marché grande ligne espagnol, sous une forme encadrée. C’eut été plus compliqué en cas d’entreprise intégrée où une opposition forte aurait pu apparaître.

De nombreux arguments sont apparus depuis la directive 91/440 d’il y a trente ans pour contredire la séparation de l’infra de l’exploitation des trains. Beaucoup ont tenté d’argumenter par le biais technologique, le « train et la voie ne faisant qu’un ». Or cet argument ne tient plus de nos jours, pour plusieurs raisons :

  • Les constructeurs ont pris le lead depuis les années 2000 en recherche et développement et ont pu faire la synthèse des technologies en vendant du matériel roulant valable dans toute l’Europe. La locomotive TRAXX ou l’expansion du suisse Stadler en sont les meilleurs exemples ;
  • Le matériel vendu est forcément « adapté » au réseau où il roulera sans quoi il n’y aurait… pas de ventes possibles. Alstom vend ainsi des Coradia « sur mesure », par exemple un peu plus large en Suède ;
  • Pour une cabine de signalisation, un train X ou Y n’est rien d’autre qu’un numéro d’identification et les conducteurs, tant de X que d’Y, obéissent aux mêmes procédures, quelle que soit leur fiche de paie.
  • De manière globale, l’infrastructure, autrefois en minorité au sein de grands groupes étatiques, a pu s’émanciper tout en démontrant quel était le vrai prix du maintien de l’infrastructure ferroviaire. Le secteur est en recherche permanente pour rénover les procédures et tenter de contenir les coûts d’exploitation.
Europorte, un opérateur autorisé en Belgique par Infrabel, et non la SNCB (Photo Mediarail.be)

Entreprise fourre-tout ou dédicacée ?
La Commission des Monopoles en Allemagne souligne certaines évidences plus générales : « les gros machins », ou champions nationaux, qui font « un peu de tout en occupant au maximum le terrain » ne sont pas toujours les entreprises les plus dynamiques. En transport, aucune compagnie aérienne ne dispose de son propre aéroport ni de son propre contrôle aérien. Avions, aéroports et contrôle du ciel sont trois choses bien distinctes, et il en est de même pour le secteur routier, maritime et fluvial.

Certes, il y a le côté économies d’échelle, comme les locomotives qu’on s’échange entre service voyageurs et fret. Mais cela a souvent été contredit par les faits jadis, chaque secteur ferroviaire, et même certains arrondissements d’exploitation vivant « leur propre vie » au sein même d’un groupe intégré. Ce système d’échange de locos est d’ailleurs largement caduque de nos jours par l’usage massif d’automotrices et de rames blocs à grande vitesse, incompatibles avec les fonctions de fret ferroviaire. On voit mal Thalys transporter des conteneurs ou de l’acier. Contradiction aussi avec les fonctions longue distance et banlieue : ce ne sont pas les mêmes clientèles. En fin de compte, infrastructure, trafic local, trains longue distance et fret ferroviaire sont quatre métiers distincts, et ce depuis la naissance du chemin de fer…

D’autre part, la dépendance aux seuls deniers publics (et des politiques gouvernementales) peut handicaper tous les secteurs d’un grand groupe, y compris les plus vaillants. On sait ainsi que le trafic régional, par exemple, a bien plus besoin de subsides publics que le fret ou certains trains grande ligne, qui peuvent vivre avec une politique marketing dynamique. On sait aussi que l’infrastructure a toujours été gourmande en deniers publics, alors que les investissements s’inscrivent le plus souvent dans le long terme. Mais on sait aussi que la péréquation entre secteurs vaillants et moins vaillants enlève des capacités d’investissements et n’aide finalement pas les moins vaillants à faire mieux.

Dans le cas allemand, une des craintes manifestées est que les déboires de l’infrastructure percolent sur le dynamisme du secteur ferroviaire au complet, handicapant tous les opérateurs. Une autre crainte est de voir d’éventuels investissements être dirigés principalement pour faciliter l’exploitation des seuls trains du groupe public, par exemple avec de nouveaux faisceaux et ateliers de maintenance dédiés.

Subsidier davantage les secteurs en besoin relève d’une bonne politique de support au transport public, rôle parfaitement logique et légitime de tout État en Europe et dans le monde. Laisser les autres secteurs « se débrouiller » (fret, longue distance…) permet de mieux faire rentrer des sous et de s’épargner une montagne de subsides supplémentaires pour se consacrer aux besoins essentiels.

Une fois encore, c’est par des lois claires et un contrôle précis – sans étouffer les entreprises publiques -, qu’un État sera en mesure de mener une politique ferroviaire en adéquation avec les objectifs climatiques. Bien entendu, chaque État doit avoir les moyens du contrôle et c’est en principe le rôle du régulateur, pourvu qu’il dispose du personnel ad-hoc.

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L’importance de la multiplicité des opérateurs n’est possible qu’avec une infrastructure largement soutenue par des investissements publics (Photo iStock)

Pour approfondir :

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11/01/2021 – La libéralisation du rail reste toujours quelque chose de mal expliqué, ce qui engendre slogans et croyances diverses. On tente ici de faire modestement le tour de la question.



KRRI Autonomous railChemin de fer : il faudra progresser avec l’existence des autres modes
12/10/2020 – Le transfert modal vers le rail ne sera pas favorisé en interdisant aux autres modes de transport de progresser, mais en répondant aux demandes des usagers, qu’ils soient citoyens ou industriels



OBB_WorkshopDavantage d’opérateurs pour contribuer à un véritable transfert modal
16/08/2020 – Le chemin de fer n’est pas en capacité de couvrir un maximum de nos besoins en mobilité. Pas seulement parce qu’il existe d’autres modes de transport, mais parce qu’il n’y a pas assez d’opérateurs et d’innovation.



train_de_nuitTrenitalia veut aller à Paris, Berlin et Bruxelles
19/10/2020 – Le groupe ferroviaire étatique FS compte faire une offensive sur le marché de la grande vitesse en Europe, sur Paris, Berlin et Bruxelles. Plus que jamais, l’italien veut étendre ses parts de marché et sortir de ses frontières



Digital-5Ces vingt dernières années qui ont changé le train
11-09-2017 – Alors qu’on assiste encore à quelques agitations revendiquant un utopique retour en arrière, il n’est pas inutile de regarder ces vingt dernières années qui ont changé le train : mutation du service au public, mutation de la société, leadership de l’industrie et nouveaux acteurs de terrain ont indéniablement fait bouger les lignes. Voyons cela plus en détail.



La directive 91/440 a déjà trente ans !

29/07/2021 – Par Frédéric de Kemmeter – Signalisation ferroviaire
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Il y a 30 ans jour pour jour, était publiée la directive 91/440, point de départ d’un vaste renouvellement de la politique ferroviaire européenne. Cette directive a depuis été amendée et remplacée par quatre paquets législatifs ferroviaires qui ont eu un impact important sur le paysage du rail européen.

En 1986, les chefs d’Etat et de gouvernement de douze États, formant alors ce qui s’appelait la CEE, adoptaient une proposition de la Commission pour créer enfin ce que le traité de Rome s’était déjà engagé à bâtir en 1957 : un marché unique, c’est à dire « un espace sans frontières intérieures assurant la libre circulation des marchandises, des personnes, des services et des capitaux ». Au total, pas moins de 300 textes européens et des milliers de textes de transposition furent adoptés dans chacun des douze Etats membres. Ce cheminement marqua le point de départ de l’implication des Directives européennes dans les législations nationales.

Le développement important de la réglementation européenne atteindra rapidement le secteur ferroviaire de chaque pays. La Commission européenne, renforcée dans ses pouvoirs, était persuadée à l’époque que le meilleur remède était l’introduction de la concurrence dans un mode de transport protégé, presque partout, par un quasi-monopole national.

Plusieurs facteurs expliquent cette ligne de conduite de la Commission : les résultats positifs apportés par l’ouverture à la concurrence dans d’autres secteurs en monopole, la volonté d’un marché unique du transport « sans frontières », la montée des préoccupations environnementales ou encore les préoccupations liées aux dettes et aux financements des services publics. Mais surtout, le constat d’une chute drastique de ses parts de marché (entre 1970 et 1993, la part du ferroviaire est passée de 31,7 % à 15,4 % dans le transport de marchandises, et de 10,4 % à 6,4 % dans le transport de voyageurs) démontrait qu’il y avait clairement un problème de compétitivité par rapport aux autres modes de transport, dont la libéralisation naissante était très rapide et fournissait déjà ses premiers résultats.

La directive 91/440 CEE du 29 juillet 1991 est le texte fondateur d’une longue suite législative qui transforma le rail européen. Elle visait à faciliter l’adaptation des chemins de fer à la grande idée du marché unique et à accroître leur efficacité. Pour atteindre cet objectif, la directive imposait l’indépendance de gestion des entreprises ferroviaires par rapport à l’État. Elle prescrivait également la séparation comptable entre l’infrastructure et de l’exploitation des trains, dans le but d’accueillir d’autres opérateurs alternatifs. La séparation de ces deux activités pouvait également être organique ou institutionnelle, mais cela restait facultatif. Elle imposait aussi l’assainissement de la structure financière des entreprises ferroviaires dans le cadre d’une maîtrise plus générale des finances publiques de chaque pays.

La transposition de cette directive s’est souvent fait attendre et a du être précisée par les directives de 1995 qui mettaient en œuvre les principes établis par la directive 91/440 CEE. Elles ne concernaient que les entreprises ferroviaires établies dans la Communauté, ainsi que leurs regroupements internationaux, lorsque ces entreprises et regroupements effectuaient les services visés à l’article 10 de la directive 91/440 CEE.

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La directive 91/440 a permis l’apparition d’opérateurs alternatifs, comme cet Europorte de passage à Jurbise, BE (Photo Mediarail.be)

Le 30 juillet 1996 la Commission européenne publiait un premier Livre blanc, titré « Une stratégie pour revitaliser les chemins de fer communautaires », qui annonçait une nouvelle stratégie législative de l’Union européenne. Au lieu de directives éparpillées au fil des ans, dorénavant les directives seraient proposées par paquet. Ce traitement par bloc permet d’empêcher que le Parlement et/ou le Conseil de l’Union européenne, codécideur, ne déforment les projets en n’adoptant pas ou en enterrant certains aspects.

Les mesures contenues dans ce Livre blanc annonçaient surtout un virage vers davantage de précisions dans l’arsenal législatif. La directive 91/440/CEE était en effet trop vague et très critiquée pour sa non-application. L’objectif, pour qu’une entreprise ferroviaire nouvelle puisse rouler sur des réseaux conçus différemment, est de rendre le plus homogène possible en favorisant notamment l’interopérabilité et l’harmonisation technique.

La suite, ce sera donc les quatre paquets législatifs dont le dernier peut être considéré comme un aboutissement. Cet arsenal législatif important a permis à la SNCF d’opérer son Ouigo en Espagne, à Trenitalia d’opérer bientôt en France et à NTV-Italo de prendre une place dans le marché du transport ferroviaire italien. Ailleurs des initiatives ont pu être prises pour lancer des trains de nuit. Le fret ferroviaire a pu stabiliser son hémorragie.

On retiendra tout de même qu’alors qu’il n’a fallu que quelques années pour libéraliser le secteur routier et aérien, trente années furent nécessaires pour obtenir quelques résultats au niveau ferroviaire. Le bilan est mitigé et sauver le train ne pourrait se faire que par une politique de fortes contraintes à l’égard des autres modes. Ce n’est assurément pas la voie qui sera suivie et l’arsenal législatif actuel devrait suffire pour mettre en pratique une revitalisation ferroviaire. Mais pour cela, il faudra peut-être aussi cesser de faire du train un jouet idéologique. Ce n’est pas gagné…

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Le groupe ferroviaire MTR en concurrence su Stockholm-Göteborg en Suède. Une conséquence des paquets législatifs qui ont suivi la directive 91/440

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Des conteneurs frigorifiques pour transporter… des laptops

27/07/2021 – Par Frédéric de Kemmeter – Signalisation ferroviaire
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On imagine souvent que les conteneurs frigorifiques – reefer en anglais -, sont remplis de fruits et légumes ou produis surgelés destinés à vos magasins préférés. C’est souvent le cas. Mais on connait moins l’utilisation de ces mêmes reefer pour… des produits informatiques.

Lorsqu’une nouvelle option ferroviaire a été ouverte en 2011 entre l’Europe et la Chine, Hewlett-Packard via son équipe logistique EMEA souhaitait utiliser ce nouveau lien toute l’année afin de bénéficier d’un délai de transit terrestre plus court (16-18 jours contre 40-45 jours pour le fret maritime) et d’une chaîne de transport plus rationnelle, en chargeant directement depuis Chongqing jusqu’au gigantesque port intérieur de Duisburg en Allemagne. HP a donc commencé à tester la viabilité de l’expédition de produits finis par voie terrestre sur 11.000 km plutôt que de les envoyer à 1.700 km jusqu’à la côte chinoise suivi d’un long trajet par voie maritime vers l’Europe. Mais il y avait un problème sur la voie terrestre.

Un ordinateur portable ne peut pas descendre en dessous d’une température de -20°C sans risquer d’endommager ses performances et d’invalider sa garantie. Or, les températures ambiantes sur certaines parties de la longue route ferroviaire qui serpente à travers la Chine, le Kazakhstan, la Russie, le Belarus peuvent descendre à -40°C en hiver. HP avait besoin d’un moyen de maintenir la température de ses ordinateurs portables au-dessus de -20°C dans des conditions hivernales extrêmes. La société hollandaise Unit45 a trouvé la solution en utilisant la technologie des conteneurs frigorifiques non pas pour refroidir la cargaison, mais pour assurer un transport « conditionné » afin de maintenir la température souhaitée.

« À l’époque, nous disposions d’une version européenne de notre unité frigorifique intermodale dieselelectric de 45 pieds avec un réservoir de carburant de 250 litres », se souvient Jan Koolen, managing director chez Unit45. Contrairement aux conteneurs frigorifiques maritimes, la conception du reefer Unit45 intègre un groupe électrogène diesel pour fournir de l’énergie là où il n’y a pas d’électricité, ce qui le rend idéal pour les longs trajets ferroviaires. « Mais le transport de marchandises par rail du centre de la Chine vers l’Europe prend environ 16 jours de porte à porte. Nous devions donc fournir un volume plus important de diesel, car faire le plein à une température de -40°C n’est pas l’idée la plus géniale, surtout si vous avez 40 conteneurs ou plus dans le même train qui ont tous besoin de faire le plein. »

Unit45-Reefer
La version utilisée en Europe Continentale (Photo Unit45)

Jan Nouwen, directeur technique de Unit45, a donc été chargé de créer une unité frigorifique de 45 pieds dédicacée pour les « Nouvelles routes de la soie », dotée cette fois d’un réservoir de carburant de 900 litres – suffisant pour 20 à 24 jours – et capable de charger 33 europalettes côte à côte sur 3 rangées de 11, pour une capacité et une stabilité maximale de la cargaison. « La partie technique était bien sûr essentielle, mais nous devions également tenir compte des réalités opérationnelles », explique Jan Koolen. « En Europe, la plupart des marchandises sont encore transportées par route accompagnée, il y a donc un chauffeur sur place pour s’occuper de tout. Mais ce n’est pas le cas sur les Nouvelles routes de la soie. Ce dont nous avions besoin, c’était d’un système avancé de suivi et de localisation qui nous permettrait de voir l’emplacement de nos unités – y compris le géofencing, » (ndlr : une technologie de géolocalisation qui permet de surveiller les déplacements de véhicules ou de personnes dans une zone virtuelle autour d’un emplacement spécifique).

Il fallait aussi surveiller l’état des marchandises, notamment la température du conteneur, le volume de diesel et les performances de la machine. « Nous voulions pouvoir contrôler l’unité à distance, par exemple pour régler la température, arrêter et démarrer le frigo, etc. Et nous avions besoin d’avoir toutes ces informations, y compris les alertes et les alarmes, directement sur nos écrans d’ordinateur au bureau. » Tout cela a été rendu possible avec la société américaine Orbcomm, qui est l’un des principaux fournisseurs mondiaux de solutions de communication industrielle pour l’Internet des objets (IoT) et machine – machine (M2M) pour suivre, surveiller et contrôler à distance des actifs fixes et mobiles, comme ici les conteneurs frigorifiques.

Depuis, Unit45 a largement développé ce qu’elle appelle sa « CoolBox » de 45 pieds, qui est un progrès notable par rapport aux « CoolBox » du train frigorifique Valencia-Rotterdam, un trajet bien plus court que la Nouvelle route de la Soie.

Dans un partenariat entre le transitaire KLG Europe et l’entreprise routière et logistique néerlandaise H.Essers, il fut décidé que les Coolbox vers la Chine emmèneraient du biocarburant arctique renouvelable. « Un type de carburant qui ne gèle pas lorsqu’il est soumis à des températures extrêmement basses, » s’enthousiasme Erik Loijen, de KLG Europe. Le nouveau moteur est plus puissant, tout en consommant moins de carburant par rapport aux modèles précédents. H.Essers ne transporte pas de laptops mais du « périssable classique » comme le saumon, la crème pâtissière, le fromage et le lait, qui ont besoin d’une température stable de 5 degrés tout au long de la route vers la Chine.  

Unit45-Reefer
Les exportateurs ont le choix et peuvent amener d’usine leurs cargaisons sous température dirigée (Photo Unit45)

D’autres acteurs veulent mettre fin au diesel – bio ou pas -, en recherchant des solutions « plus intelligentes et meilleures », telles que les wagons câblés avec groupes électrogènes et/ou batteries lithium-ion pour alimenter les fameuses Coolbox ou assimilé. Mais un acteur bien au fait de ce type de dossier pestait dans le Loadstar sur la lenteur des autorisations, nécessaires à la moindre nouveauté, pays par pays : « les décisions de chaque réseau ferroviaire, et il y en a un paquet entre la Chine et l’Europe, prennent de nombreuses années. Ensuite, vous avez la politique de chaque pays qui traite le problème sous l’angle géopolitique, ce qui est un énorme obstacle. » On ne perd pas de vue que l’Europe – et ses prescriptions techniques unifiées -, s’arrête à la frontière polonaise. Au-delà, c’est chacun pour soi…

En attendant ses « nouveautés intelligentes », le reefer Coolbox du hollandais Unit45 et d’autres entreprises continuent de traverser les continents avec ses 900 litres de biocarburant, transportant sur 11.000km du lait en poudre, du fromage à raclette, des puces informatiques, ou encore du vin et de la bière de France et d’Italie sous température contrôlée à distance. Rien que cela, c’est déjà un immense progrès.

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La version conçue pour les Nouvelles routes de la Soie (Photo Unit45)

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Que peut attendre le rail du plan de l’Europe ‘Fit for 55’ ?


26/07/2021 – Par Frédéric de Kemmeter – Signalisation ferroviaire et rédacteur freelance
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Note : article complété en octobre 2022 pour plus de visibilité et précisions

Le paquet « Fit for 55 » tant attendu de la Commission européenne, destiné à faciliter la réduction des émissions de gaz à effet de serre de l’Union européenne de 55 % d’ici 2030 par rapport à 1990, a pour mission principale de faire des années 2020 une décennie de transformation pour l’action climatique. De quoi s’agit-il exactement et quel impact sur les transports ?

Il est essentiel de parvenir à réduire ces émissions au cours de la prochaine décennie pour que l’Europe devienne le premier continent neutre sur le plan climatique d’ici à 2050 et que le « Green Deal » européen devienne une réalité.

La communication sur le Pacte vert pour l’Europe (11 décembre 2019) plaçait la lutte contre le changement climatique au cœur de ses priorités d’action de la nouvelle Commission von der Leyen, avec l’objectif d’atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2050.

Compte tenu du poids des émissions dues au secteur des transports dans le volume global des émissions de l’UE, l’accélération de la transition vers une mobilité durable constitue l’un des volets les plus importants du pacte vert, qui met en avant la nécessité de réduire de 90 % d’ici 2050 (par rapport aux niveaux de 1990) les émissions du secteur des transports.

La Commission développait dans la foulée une stratégie en trois axes :

  1. Un nouvel objectif climatique contraignant à l’horizon 2030, validé par les chefs d’État et de gouvernement les 10 et 11 décembre 2020 : réduction de 55 % des GES par rapport aux niveaux de 1990;
  2. «Stratégie de mobilité durable et intelligente», publiée en décembre 2020, destinée à relever le défi de la transition climatique du secteur des transports;
  3. Et enfin, publication du paquet «fit for 55» ou «ajustement à l’objectif 55 » le 14 juillet 2021. Ce paquet constitue l’ensemble le plus complet de propositions jamais présenté en matière de climat et d’énergie.

Un rôle essentiel pour le rail ?

Selon l’UE, le nouveau plan « Fit for 55 » présenté le 14 juillet 2021 est un ensemble d’outils législatifs permettant d’atteindre les objectifs fixés dans la loi européenne sur le climat et de transformer fondamentalement notre économie et notre société pour un avenir équitable, vert et prospère.

Le paquet «fit for 55 » se compose de 8 actes législatifs révisés et renforcés, et de 5 nouvelles initiatives législatives. Ces textes combinent, dans un « équilibre soigneusement dosé entre tarification, objectifs, normes et mesures de soutien », le renforcement du système actuel d’échange de quotas d’émission de l’UE (SEQE-UE) et son extension à de nouveaux secteurs, dont le transport maritime et routier; un recours accru aux énergies renouvelables; une amélioration de l’efficacité énergétique ; un déploiement plus rapide de modes de transport à faibles émissions soutenu par des mesures appropriées en matière d’infrastructures et de carburants; une mise en adéquation des politiques fiscales dans le domaine de l’énergie avec les objectifs du pacte vert pour l’Europe ; un dispositif visant à prévenir les fuites de carbone et des outils destinés à préserver et étendre la capacité des puits de carbone naturels.

Ce vaste paquet, qui contient des centaines de pages de propositions législatives, prévoit la création d’un nouveau système communautaire d’échange de quotas d’émission (SCEQE) pour les bâtiments et le transport routier, une restructuration profonde de la fiscalité énergétique en Europe, des objectifs accrus en matière d’énergies renouvelables et d’efficacité énergétique, l’introduction d’un mécanisme d’ajustement aux limites du carbone et la révision des normes d’émission de CO2 pour les voitures neuves.

Les chemins de fer peuvent évidemment se réjouir d’être déjà sur le bon chemin dès l’instant où c’est notamment le secteur des transports qui est le plus visé par les mesures à venir. Mais attention tout de même à la réalité des choses.

Le transport ferroviaire est déjà conforme au « Green Deal » dans la perspective de 2030. Il n’est responsable que de 0,4 % des émissions de CO2 dues aux transports, alors qu’il ne représente que 8 % du transport de passagers et 19 % du transport de marchandises en Europe. Malgré sa solution à faible émission de carbone, le rail n’est pas spécifiquement mentionné dans les propositions publiées le 14 juillet. Le président de l’Association européenne du fret ferroviaire (ERFA), Dirk Stahl, s’en inquiète : « Il n’est pas surprenant que le rail ne figure pas de manière prédominante dans le paquet, étant donné les références écologiques existantes du rail, mais nous ne devons pas perdre de vue que le rail reste un élément clé de la solution ».

Cela pourrait paraître encore plus surprenant si l’on se rappelle que 2021 est l’année européenne du rail. Mais cette célébration ne signifie pas que les autres modes de transport sont mis en veilleuse. Il ne fait aucun doute que des dizaines de bureaux de lobbying très organisés continuent de travailler dur pour garantir les intérêts des secteurs automobile et aérien. Ces secteurs développent des arguments imparables pour perpétuer leur business, même s’il y a une conscience à propos de l’utilisation des énergies fossiles.

Fit-for-55
(photo Katerinavulcova via pixabay)

Le directeur exécutif du CER, Alberto Mazzola, reste optimiste : « Les chemins de fer sont déjà sur la voie d’une réduction de 55 % de leurs émissions d’ici à 2030 et d’un taux d’émission nul avant 2050. Le transfert modal accélérera encore la réduction des émissions européennes. Les principes du pollueur-payeur ne fonctionneront que si un prix du carbone solide est appliqué à tous les modes de transport. Et les recettes de la tarification du carbone doivent être affectées à la poursuite du développement de systèmes de transport à faible émission de carbone et à la protection des citoyens européens contre la pauvreté énergétique« .

L’idée de mieux taxer les transports polluants pour opérer un transfert modal vers le rail pose de nombreuses questions. D’un côté, il y a en effet la nécessité de mieux réguler le secteur routier car on a clairement atteint un point limite dans le « laissez-faire ». La route a engendré un éparpillement fatal des implantations logistiques et une guerre des prix qui nuit au métier de routier. L’overdose de camions nuit également à la santé des citoyens. Ce sont pourtant ces mêmes citoyens qui réclament de pouvoir consommer à moindre prix. Pourtant, le secteur de la logistique est très clair : toute augmentation de la fiscalité routière se répercutera de facto dans les rayons des magasins, jusqu’à doubler le prix du simple yaourt. Les précarisés en seront les premières victimes.

De l’autre côté, il ne faudrait pas que le transfert modal vers le rail soit analysé comme une bénédiction pour le secteur ferroviaire de ne rien changer concernant ses méthodes de travail ni d’infléchir les coûts de production. Car là aussi la logistique sortira son argument principal de hausse des prix dans les magasins si on l’oblige à prendre le train. Faire du train moins cher doit rester une priorité pour le secteur, quelle que soit la fiscalité routière.  N’oublions pas que la route est indispensable pour les derniers kilomètres. Aucun train au monde ne mène directement vers une grande ou moyenne surface, et encore moins vers les magasins d’une rue piétonne…

Le plan Fit for 55 est une occasion de changements radicaux dans notre façon de consommer et de nous déplacer. Mais c’est aussi l’occasion pour le rail de faire son introspection et de revoir ses méthodes de travail, sans sombrer dans le dumping constaté dans le secteur routier. Il s’agit de trouver le bon équilibre, en taxant par exemple les longues distances routières plutôt que les courtes. Mais aussi en se mettant plus à l’écoute des utilisateurs du rail, que l’on ne doit plus considérer comme de simples usagers qui doivent se contenter de ce que l’État daigne leurs offrir. L’écologie doit être qualitative, pas uniquement coercitive…

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(photo Tom Parnell via license flickr)

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05/07/2021 – Par Frédéric de Kemmeter – Signalisation ferroviaire et rédacteur freelance
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L’actualité récente nous le montre : le numérique se répand partout et le chemin de fer n’y échappe pas. Le sujet a de surcroit une dimension presque politique puisqu’il impacte la définition même du service à offrir au public.

Le vieux chemin de fer est entré dans un XXIème siècle technologique et de plus en plus digital. Personne n’y croyait dans les années 70 et 80, persuadé qu’une technique du XIXème siècle était vouée au déclin irréversible. Deux facteurs prouvent l’inverse :

• le chemin de fer est bien passé de la première révolution industrielle (charbon), à la seconde (énergie fossile et électrique)

• le chemin de fer, globalement en retrait depuis les années 60, redevient une option pour un futur décarboné et, moyennant une profonde mutation de son exploitation, il est capable de répondre aux nouvelles donnes sociétales.

Parmi les nouvelles donnes, celle du numérique est la plus révolutionnaire. Elle correspond à la troisième révolution industrielle, celle des données, des datas. Qui détient les données numériques sera roi du monde. C’est déjà le cas des GAFAM (Google, Amazon, Facebook, Apple et Microsoft), ces géants qui savent tout de votre vie privée.

Les exemples ne manquent pas sur les possibilités offertes par la digitalisation. Alors qu’au XIXème siècle, chaque petit groupe d’aiguillages avait pratiquement son poste et son « aiguilleur » (en stand-by permanent, qu’il y ait des trains ou non), aujourd’hui, la Belgique est passée de 200 anciens postes à 31 cabines de signalisation, pour gérer près de 4000 circulations par jour (hors Covid-19). Cela n’a pu être possible que par l’implantation de la fibre optique, un câble qui envoient de signaux digitaux sans aucunes limites de distance. À terme, 10 centres de contrôles seront suffisants sur le réseau Infrabel. Le personnel est évidemment formé à cet environnement nouveau.

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Comment surveiller la végétation et anticiper les problèmes là où c’est nécessaire

Les défauts du réseau ferré sont une autre pierre angulaire de la digitalisation. Le terrain peut parfois bouger, de quelques millimètres, puis finalement céder sous les forces de dame Nature. Network Rail, le gestionnaire britannique, gère ainsi le changement climatique et les phénomènes météorologiques extrêmes de plusieurs manières. L’un des projets consiste à installer 60 stations météorologiques Findlay Irvine à des points stratégiques de la région Nord-Ouest et Centre de l’Angleterre. Ces stations digitales envoient en permanence leurs données vers des centrales et permettent, le cas échéant, l’envoi des bonnes personnes au bon endroit et au bon moment.

La mort du wagon isolé, souvent programmée, n’aura peut-être pas lieu, et on ne peut que s’en réjouir. Mais il fallait revoir de fond en comble les manières de procéder. La collecte manuelle d’informations « à l’œil » n’est pas toujours parfaite et peut être source d’erreur et de lenteur. Au triage de Munich-Nord, DB Cargo tente le tout en un en faisant passer les wagons triés en bosse par un portique munis de multiples caméras. Objectifs : pas seulement comptabiliser les wagons, mais détecter les défauts de chargements éventuels, surtout au-dessus, une zone inaccessible pour les travailleurs du rail (besoin d’échelle, de mise à terre de la caténaire, lourdeur des processus,…)

>>> À lire : Munich-Nord devient le premier triage numérique d’Allemagne

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Des wagons automatiquement scannés à Munich-Nord (photo DB Cargo)

Le plus grand triage des Pays-Bas, Kijfhoek au sud de Rotterdam, va bénéficier de la solution Trackguard Cargo MSR32 de Siemens, un système permettant d’automatiser tous les cycles d’opérations de tris. Objectifs là aussi : rationaliser les séquences opérationnelles à tous les niveaux, de l’arrivée du train jusqu’au départ du train, et permettre l’automatisation maximale possible de tous les cycles de travail et des opérations de tris. Le système prend en charge de manière entièrement automatique la définition des itinéraires pour toutes les coupes.

>>> À lire : Pays-Bas – Siemens remporte la modernisation du triage de Kijfhoek

Le numérique est à la fois une opportunité et un immense défi pour ramener les clients vers le rail : le risque de ne pas exister dans la galaxie internet. Or, si on veut décarboner le monde, l’internaute doit connaître votre existence, vos offres de services et quel prix il est demandé pour se déplacer de A vers B. Sur ce thème, la concurrence est extrêmement rude car l’accumulation des données de tous les types de transport et leur analyse rapide en quelques secondes sur les serveurs des GAFAM peut se traduire par des offres de transport qui évitent le train. Le train doit donc être présent sur internet de manière multiple :

• en faisant mieux et moins cher (exploitation rationnelle avec les outils numériques) ;

• en promotionnant des offres rapidement compréhensibles et en distillant en temps réel l’info trafic ;

• en construisant du matériel fiable, moins lourd, moins agressif pour la voie grâce à de nouvelles technologies ;

• en fiabilisant l’exploitation par une surveillance en temps réel des éléments techniques (usures, dégradations,)

On peut ergoter des siècles sur les inégalités de traitement que procure le digital dans la sphère privée au travers de l’utilisation que chacun fait d’un smartphone – ou pas. Mais on ne comprendrait pas pourquoi le chemin de fer ne devrait pas tenir compte de l’immense majorité possédant le précieux joujou en poche. Le digital est un outil magistral pour connaître les goûts des gens… dont ceux qui ne prennent jamais le train !

>>> À lire : Passer du produit au client – Le rail peut-il s’inspirer des Gafam ?

Le digital offre aujourd’hui des services comme celui de réserver son sandwich ou autres gâteries au bar TGV sans de voir faire la file. Il permet ainsi à la SNCF de voir ce qui est le plus commandé et de prévoir – ou revoir le cas échéant –, la carte proposée.

Et l’humain dans tout cela ?

Débat éternel depuis l’apparition de l’homme et la femme sur terre. Les progrès font peur à eux qui estiment – souvent à tort -, ne pas être à la hauteur. Mais surtout, il fait peur à ceux que l’on a enrôlé dans des filières métiers avec de nombreuses promesses sociales à la clé. La diffusion d’une innovation dans une économie provoque toujours la disparition de certains métiers et en fait émerger de nouveaux. Ainsi, la locomotive électrique a certes fait disparaître le « duo de copains » qui était titulaire de « sa » locomotive à vapeur, mais il a rehaussé le métier de conducteur de train et fait disparaître du chemin de fer l’un des combustibles les plus polluants de la planète. Le deuxième conducteur n’a plus non plus aucune nécessité dans une locomotive moderne, surtout avec la mise en service progressive (certes trop lente…) de l’ETCS qui indique au conducteur les ordres de mouvements en cabine.

L’attelage automatique – enfin en cours de développement et de tests en ce moment -, est un gain sérieux pour la sécurité du personnel, qui sera amené à faire un métier plus valorisant que la simple tâche d’atteleur.

>>> À lire : L’attelage automatique sur wagon de fret va-t-il devenir une réalité ?

Le QR Code plutôt que l’annotation manuelle des wagons. Une évidence (photo VTG)

Et puis il y a des métiers qui disparaissent sans que ce soit la faute du digital. C’est notamment le cas des porteurs à bagages depuis l’avènement des valises à roulettes. Celui des bureaux d’information depuis que chaque citoyen connait encore mieux les astuces de voyage depuis son smartphone.

La pyramide des âges, assez élevées aux chemins de fer, a fait que beaucoup de ces personnes sont parties à la pension et n’ont pas été remplacées.

Comme il se doit, le sujet de l’emploi a été englouti dans le traditionnel tourbillon idéologique qui pose souvent mal les bonnes questions : faut-il un service public pour les travailleurs ou pour ses usagers ? Les deux dira-t-on. Réponse facile qui trahit l’esquive. Le maintien d’une armée de cheminots dans des petites cabines de signalisation n’est pas plus sécuritaire que les grands centres concentrés. Le maintien d’au moins une personne en petite gare est en revanche plus discutable, ne fusse que pour la sécurisation des lieux.

>>> À lire : L’édito de la semaine – Comment remettre de la vie dans nos gares

L’avenir du chemin de fer ne passe pas par des cohortes de travailleurs dont certains risquent à terme de se demander ce qu’ils font là. Le rail ne doit pas non plus être le refouloir d’un État social incapable de trouver de l’activité à ses sans grades. La dangerosité et la technicité du rail ne permettent plus aujourd’hui ce qu’on faisait jadis, en allant « pêcher » les fils d’agriculteurs en quête d’une vie meilleure totalement à charge de l’État. C’était beau, mais c’était jadis.

Le maître mot de la digitalisation est d’anticiper, de prévoir les métiers qui disparaîtront, comme celui des nombreux aiguilleurs ou atteleurs. Les nouvelles recrues du XXIème siècle sont des « digital native » qui ne s’étonnent guère de voir des automates dans les gares et qui ne conçoivent plus vraiment le métier de cheminot comme celui d’hier.

La digitalisation d’une entreprise ferroviaire ne se limite cependant pas à automatiser et optimiser toutes les tâches sous l’angle financier. Car le cœur de toute entreprise se révèle toujours au travers de ses collaborateurs, pour qui il faut prioritairement déployer les moyens nécessaires à une facilitation d’utilisation des outils digitaux tout en créant l’indispensable sens du métier. Certains peuvent travailler tout seul en autonomie quand d’autres ont une fibre pour le lien avec la clientèle, comme chez les accompagnateurs de trains. D’autres encore ont une préférence pour le travail en équipe. Ces valeurs là ne sont pas digitalisables…

La large digitalisation du rail peut faire naître des vocations, comme ce dessinateur CAD qui est devenu pilote de drones pour surveiller et inspecter des actifs du réseau Infrabel qu’il couchait lui-même sur plan. Une vraie revalorisation du job. Tout l’enjeu porté sur l’humain est dans la formation, même si une base est obligatoire, comme en Belgique, de terminer sa scolarité à 18 ans. Tant Infrabel que la SNCB ont investi dans une « Académie du rail » pour compléter cette petite couche spécifique qui fait qu’il faut donner un complément d’information ferroviaire quel que soit le niveau de sortie des études. Tant SNCF que Deutsche Bahn et bien d’autres ont initié la même démarche.

Cependant, pour arriver à intégrer les collaborateurs dans ce renouveau digital, les opérateurs publics doivent peut-être faire le deuil de l’ancienne gestion administrative et quasi militaire du personnel, et bifurquer vers de nouvelles trajectoires plus proches des aspirations de chacun et chacune. Ce n’est pas une mission impossible…

Munich-Nord-Digital
Des drones pour une surveillance approfondie des actifs (photo Infrabel)

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Et plus globalement :

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Le train peut-il réellement remplacer l’avion ?

28/06/2021 – Par Frédéric de Kemmeter – Signalisation ferroviaire et rédacteur freelance
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Depuis la vague verte et la pandémie, l’idée de remplacer certains vols par le train en Europe a fait son chemin. Ce dossier a même pris une ampleur particulière quand en 2020, la plupart des pays furent amenés à intervenir pour soutenir leur compagnie aérienne. En outre, la crise du Covid-19 a mis en évidence les avantages d’un ciel et d’autoroutes vides sur la qualité de l’air et a relancé le débat sur l’opportunité pour les gouvernements d’utiliser l’argent public pour renflouer les industries polluantes, y compris l’aviation. Malheureusement, comme toujours quand la politique s’en mêle, on entre dans le champ irrationnel en décalage complet avec la réalité.

Selon une étude de Deloitte, à l’échelle mondiale, la transport aérien est un puissant moteur de la croissance économique, de l’emploi, du commerce et de la mobilité. Dans le même temps, la croissance de la demande de trafic aérien doit aller de pair avec la réduction de l’empreinte environnementale de l’aviation. L’industrie de l’aviation est l’une des nombreuses industries qui ont un impact important sur les émissions mondiales d’origine humaine. Alors que l’aviation représente aujourd’hui 2 à 3 % des émissions mondiales de carbone, si aucun changement n’est opéré dans le secteur, ce chiffre atteindra 27 % d’ici 2050.

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(photo Peter Gudella/Shutterstock)

Les arguments actuels tentent de démontrer que la décarbonation des transports passe, notamment, par l’électrification de la motorisation des véhicules. Or les trains sont déjà des véhicules électriques depuis des décennies et peuvent tirer un grand avantage de cette situation. On sait par avance qu’il y a très peu de chances à ce que les avions disposent d’une motorisation électrique, les contraintes étant énormes. En revanche, l’industrie aérienne travaille déjà sur de nouveaux carburants zéro carbone et fait un lobbying intense auprès des gouvernements du monde entier. Le « grand remplacement » de l’avion vers le train, dont rêvent certains, risque de prendre l’eau.  Entre les croyances des uns et les études diverses des autres, il est difficile de s’y retrouver. Il est essentiel de bien distinguer plusieurs éléments.

Tout d’abord, le retour à une « vie normale » peut en effet défier les meilleures enquêtes téléphoniques. L’impression domine que la pensée de 2021 peut fortement différer de celle de 2020. Les gens ont beaucoup appris de la pandémie et dès qu’une occasion d’ouverture se précise, les mentalités changent. Le fait qu’en ce mois de juin les embouteillages redevenaient la norme dans les grandes villes et qu’il n’y avait plus une seule place dans les restaurants le soir indique clairement que la population souhaite ardemment retrouver à son mode de vie d’avant 2020. Il peut en être de même pour les voyages. Début juin 2021, Eurocontrol rapportait une forte hausse des vols avec plus de 11.000 par jour, des chiffres certes inférieurs à juin 2019 mais bien supérieurs aux 7.000 vols quotidiens comptabilisés en avril 2021. La vaccination massive et les assouplissements progressifs ne sont pas étrangers à ce redémarrage. Le directeur général d’Eurocontrol, Eamonn Brennan, expliquait justement que « si davantage d’États assouplissent leurs restrictions et mettent pleinement en œuvre des procédures telles que le certificat Digital Covid de l’UE, [nous] pourrions voir le secteur aérien gérer 69 % des niveaux de trafic de 2019 en août. » Des prédictions correctes ? Eamonn Brennan justifie ses prévisions en démontrant que fin janvier « nous avions prévu que le nombre de vols traités par le réseau européen serait d’environ 39% des niveaux de 2019 en mai, ce qui s’est précisément produit. Nous élaborons ces chiffres en étroite concertation avec les différentes compagnies aériennes sur un large échantillon de compagnies et de segments de marché. » Pour beaucoup, la mode ‘flygskam’ n’est pas un « grand remplacement » en faveur du train, mais est destiné à maintenir une forte pression sur l’industrie aéronautique pour qu’elle se réforme et réduise considérablement son empreinte carbone.

Deuxièmement, prendre la problématique du transport au travers de l’idéologie va clairement poser des problèmes d’images. On crée des camps, avec ses bons et ses mauvais, ce qui polarise la société. Des chercheurs qui étudient les profils des consommateurs sur différents marchés en ont récemment identifié un nouveau type : le « voyageur environnemental ». Actuellement, un militantisme écolo intense est en faveur du train. C’est évidemment une bonne chose mais ce militantisme risque de heurter tout une franche de voyageurs qui n’ont que faire des thèses politiques. Affirmer le chemin de fer comme outil politique et idéologique, c’est s’assurer l’échec du transfert modal. Les mêmes chercheurs ont constaté que la sensibilisation à la crise environnementale ne se traduit pas automatiquement par des changements de comportement, comme le fait de préférer d’autres modes de transport à l’avion. Le plus souvent, la distance ou le coût sont des motivations plus puissantes, en particulier pour les vols court et moyen-courriers. Il est donc essentiel que le rail montre un visage le plus attractif possible si on veut que le climat « soit l’affaire de tous », et pas seulement un combat de quelques militants. Il y a encore, sur ce plan, beaucoup de pédagogie à faire d’un côté comme de l’autre.

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(photo Flystock/Shutterstock)

Troisièmement, les attitudes semblent changer en ce qui concerne la longueur des trajets en train. Selon le groupe bancaire suisse UBS, la tolérance générale pour des voyages plus longs est en hausse, les données d’UBS montrant que les voyageurs d’affaires ne seraient pas contre des voyages de quatre heures et que les voyageurs de loisirs seraient prêts à passer jusqu’à six heures dans le train. UBS pense que l’Europe verra son réseau ferroviaire à grande vitesse croître de 10 % par an au cours de la prochaine décennie. On pourrait même espérer qu’en regardant moins au temps de trajet, les trains de nuit puissent redevenir une nouvelle mode de voyage. Pourquoi pas ? Après tout, s’il est bien conçu, le train de nuit n’est jamais qu’un hôtel roulant. Interviewée par la BBC, Diana Oliveira, une doctorante portugaise qui gère les comptes de médias sociaux The Nerdy Globetrotters, rappelle le problème du port du masque dans les trains. « Si vous voulez être protégé autant que possible, alors un vol semble être une bonne option, puisque le temps d’exposition aux autres est réduit, » argumente-t-elle. « Ensuite, c’est une question de commodité – porter un masque pendant deux heures de vol ou pendant 10 heures dans un train. » Là aussi, le train doit encore montrer son meilleur côté.

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(photo Thalys press room)

En définitive, ce qui frappe le plus dans ce dossier train vs avion, c’est la polarisation, jusqu’aux cercles académiques. Ainsi de nombreuses recherches universitaires semblent vouloir interpréter le mouvement flygskam comme quelque chose de « planétaire ». Elles disent se baser sur des entretiens approfondis avec « beaucoup de monde ». Mais aucune de ces études n’indique le profil socio-économique des personnes sondées, ni la pluralité du panel.  L’impression domine qu’on sonde un public déjà militant et partisan de la cause climatique. Combien sont-ils réellement en regard à la population totale ? Nuls chiffres ni mentions. Parfois en cherchant bien, on peut remarquer que certains chercheurs sont plus engagés que d’autres. Méfiance donc. Entre souhait politique et réalité du monde, seule la vente des tickets pourra nous indiquer l’ampleur exacte du transfert modal.

Il faudra aussi s’attaquer aux coûts de production. Le tableau ci-dessous, provenant d’une étude Deloitte, montre clairement que le train est plus cher que certains vols sur 1000km. Faire du train cher à cause d’un tas d’habitudes industrielles rend un très mauvais service au transfert modal. Il est de plus anti-social car le train devient ainsi un moyen de transport pour ceux qui peuvent se le payer. La structure des coûts de l’aérien fait certes débat – notamment au niveau de la taxation du kérosène ou de la TVA sur les billets. Mais on peut difficilement croire qu’en taxant les concurrents du rail, le chemin de fer serait soudainement revigoré. Sur ce sujet, il n’y a pas non plus de consensus entre chercheurs, académiciens et économistes.

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(photo Deloitte)

Le train, c’est déjà un véhicule électrique dont les émissions de GES sont bien en deçà des autres transports à carburants fossiles. Il convient donc de l’encourager et d’en faire un transport de référence. Cela ne peut se faire que par des acteurs multiples car des sociétés étatiques seules, soumises aux aléas de la politique, n’y parviendront jamais, et l’histoire du rail l’a largement démontré. Faisons en sorte qu’il soit un transport plus utilisé à l’avenir et qu’il plaise à un maximum de personnes.

28/06/2021 – Par Frédéric de Kemmeter – Signalisation ferroviaire et rédacteur freelance
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Passer du produit au client : le rail peut-il s’inspirer des Gafam ?

21/06/2021 – Par Frédéric de Kemmeter – Signalisation ferroviaire et rédacteur freelance
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Je viens de terminer le livre « Gafanomics » *. Vivifiant. L’ouvrage nous fait réfléchir à l’évolution du modèle économique dominant. Alors que la société industrielle repose toujours sur le produit, les Gafam (Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft) ont comme seul objectif le client. Une définition qu’il faut prendre dans le sens de l’usage. Pour les Gafam en effet, la technicité a peu d’importance. C’est le temps passé et l’appréciation du produit qui compte par-dessus tout. En somme, c’est tout le contraire du chemin de fer. Comparaison farfelue ?

Bien évidemment, la première chose qui vient à l’esprit est que la souplesse du numérique – objet par essence immatériel – facilite grandement l’offre d’une expérience optimale, souvent formellement gratuite, personnalisable à grande échelle. Les Gafam n’ont quasi pas d’actifs, hormis les coûteux serveurs. Impossible à réaliser dans un environnement ferroviaire ? A voir. L’allemand Flixmobility fait partie – au travers de Flixtrain -, de ces start-ups voulant disrupter le business model ferroviaire à l’aide de puissants serveurs et d’une armée de développeurs plutôt qu’une armée de cheminots. Mais attention aux comparaisons trop rapides. Guillaume Gombert un des auteurs du livre, explique surtout qu’un grand nombre d’entreprises pourrait s’inspirer de certains éléments qui font vivre les Gafam : « on peut s’en inspirer pour améliorer la qualité d’exécution de son business, améliorer la vie des employés et ses relations avec des partenaires ».

Bien sûr, les Gafam fascinent, étonnent et inquiètent les structures établies, comme les taxis (Uber), le commerce de détail (Amazon), les hôtels (Trip Advisor) et… les chemins de fer (souvent éjectés des comparateurs de voyages). Assis sur des montagnes de données, les Gafam construisent peu à peu ce dont tous les grands dirigeants ont rêvé : un accès global, couvrant toute la planète et s’étendant à n’importe quel endroit où l’on vit. Cet accès instantané et immédiat offre un pouvoir phénoménal. Chaque nouveauté, produit ou innovation permet aux Gafam de consolider leur pouvoir et d’étendre leur influence.

Mais malgré la perception simple qu’on a d’elles en tant qu’entreprises « technologiques », leurs principales sources de revenus sont clairement différentes. En fait, ces entreprises n’exercent pas les mêmes activités : elles ne sont pas en concurrence les unes avec les autres, ni avec qui que ce soit. Apple est considérée comme une référence mondiale en matière de matériel électronique haut de gamme et de divertissement. Elle a réalisé beaucoup de croissance externe par acquisition de nombreuses entreprises dans le domaine de l’automatisation des logiciels, des assistants virtuels ou des capteurs de santé. Google et Facebook tirent l’essentiel de leurs revenus de la publicité grâce au moteur de recherche et aux médias sociaux. Microsoft et Amazon sont dans le domaine de la vente au détail, de l’informatique et des médias. En d’autres termes, ces cinq géants occupent des espaces différents mais qui englobent la quasi-totalité de nos activités sociales et professionnelles. Les chemins de fer n’ont donc aucune chance d’échapper à cette emprise. Mais en quoi ces acteurs sont-ils perçus comme une menace plutôt qu’une opportunité pour les chemins de fer ?

D’abord par leur nationalité clairement américaine, provoquant comme toujours en Europe des vagues de suspicions quand il s’agit du monde anglo-saxon. Cette suspicion est accentuée par la culture européenne qui associe encore largement le rail à un service social, où le business digital n’aurait pas sa place. L’histoire sociale du rail qui compte aussi pour beaucoup : la culture cheminote est l’exact contraire du monde des start-ups planétaires (filière métier, évolution de carrière basée sur le droit, barèmes officiels, échelle hiérarchique, territoire national, etc). Ensuite, la disruption des Gafam porte sur la mobilité au sens large. Quand on agrège des milliers de demandes de covoiturage ou de lignes de bus longue distance à grande échelle, c’est clairement pour éviter le train. Enfin, il y a l’accès aux sources de financement. Les chemins de fer ont toujours été – et demeurent -, des variables d’ajustement des finances publiques. La libéralisation tente de redonner du souffle financier pour l’exploitation des trains, avec un succès mitigé. Le ticket d’entrée pour de nouveaux opérateurs reste encore trop élevé et les priorités sont rarement dans le digital. Tout cela explique pourquoi il est difficile pour le rail de retirer du positif des Gafam. Il y a pourtant quelques raisons d’espérer.

Le monde politique a changé, il est plus jeune et plus attentif (la première ministre finlandaise a actuellement 36 ans). Il ne veut plus signer des déficits à l’aveugle ni encourager de coûteuses situations de rente. Les nouvelles recrues du rail ont aussi changé : ce sont des « digital native » qui comprennent mieux pourquoi il y a des automates dans les gares. Mais qui exigent aussi nettement plus de places pour ranger le vélo…

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Là où les chemins de fer peuvent faire de sérieux progrès et tirer quelques leçons des Gafam, c’est dans les pratiques de mobilité de ses propres clients. La digitalisation des tickets est l’option rêvée pour enfin connaître avec davantage de finesse les taux de remplissage des trains, et les jours et heures de plus grande utilisation. Aujourd’hui, les applis du rail se limitent au seul périmètre ferroviaire. Une situation dictée par les contrats avec l’Autorité et l’absence d’incitants pour aller au-delà de la gare. « Pourquoi se donner tant de mal, on est de toute façon payé », justifie un cadre anonyme. Pourtant l’enjeu pour l’avenir, c’est aussi de savoir ce que font les gens en dehors de la gare. Une analyse complète de leurs déplacements permettrait de tirer les meilleures conclusions.

Pour en arriver là, le rail doit offrir une application qui va au-delà des besoins ferroviaires. Ce sont les fameuses options périphériques, qui semblent sans rapport avec le cœur de métier, mais qui permettent en fait de scruter l’utilisation des choses par ses propres clients. Apple utilise abondamment cette technique pour « retenir » ses clients dans son écosystème, avec iTunes, ses App Stores, iBooks Store, Apple Music et d’autres ventes encore plus annexes qui ne représentent que 11% des revenus de l’entreprise. Les entreprises numériques prennent toutes ces données « brutes » de faible valeur et les transforment en avantage concurrentiel de grande valeur : un meilleur produit ou un processus plus efficace. Dans le secteur ferroviaire, il s’agirait de créer une appli… où ne voit pas trop de trains, mais attrayante et utilisée pour beaucoup d’autres usages, afin de fournir suffisamment de datas pour alimenter de grosses bases de données clients. On évite ainsi les peu fiables comptages à bord ou en gares, toujours très approximatifs.

Ainsi, il est possible de voir quelles gares sont plus fréquentées que d’autres et comment les voyageurs se répartissent (souvent mal) le long d’un quai. Cela permettrait également de connaître les réalités de l’utilisation des trains certains soirs (vendredi et week-end). Peut-être qu’en milieu de semaine, ces trains tardifs sont moins nécessaires. Cela permettrait aussi de savoir combien de clients voyagent seuls, la vente de tickets ne disant rien puisque chaque membre d’un groupe peut acheter son ticket séparément. Les lieux de restauration fréquentés en ville pourraient donner une idée de ce qu’il faut mettre dans les grandes gares, avec tel choix et telle qualité. Il en est de même quand les habitants du quartier utilisent les commerces de gare. Ils ne prennent pas le train mais font tourner la gare.

Passer de la politique « produit » à la politique « client » est un vrai défi pour le rail. Le poids des actifs (trains-infrastructure) et les habitudes culturelles façonnent encore largement la politique ferroviaire, tandis que l’automobile et l’aviation progressent dans un environnement plus ouvert aux nouvelles technologies. Ne dit-on pas que Tesla est un « iPhone sur roues » ?

* « Gafanomics, comprendre les superpouvoirs des Gafa pour jouer à armes égales », ouvrage collectif Fabernovel, coordonné par François Druel et Guillaume Gombert, éd. Eyrolles, 242 pages.

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Par Frédéric de Kemmeter – Signalisation ferroviaire et rédacteur freelance – Inscrivez-vous au blog
14/06/2021 –
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Il n’y a plus vraiment de débat sur l’importance de transférer le fret de la route vers le rail. Ce transfert est une stratégie clé pour contribuer à l’objectif de l’accord vert européen de diminuer les émissions de CO2 du fret. Trop de marchandises voyagent encore par la route et, comme on le voit en Suisse malgré sa bonne volonté, aucune loi ne peut circonscrire le trafic routier avec des objectifs chiffrés, à moins d’en revenir au contingentement des années 60-70. Mais cette solution reviendrait à anesthésier le tissu économique dont les flux logistiques sont aujourd’hui très largement internationalisés, voire même mondialisés. Alors que peut faire le rail ?

Le rail représente actuellement 16,5 % de l’ensemble du fret transporté sur le continent, tout en ne consommant que 2 % de l’énergie utilisée par les transports. L’Europe s’est fixé pour objectif de porter la part de marché du secteur à 30 % d’ici à 2030. Lors d’un webinaire en ligne organisé en novembre 2020, un certain nombre de diagnostics ont été posés, dont celui-ci : « Vous devez réaliser que vos clients traditionnels – l’industrie sidérurgique, l’industrie chimique, etc. – utilisent déjà le rail », a expliqué le secrétaire général du Conseil des chargeurs européens, M. Godfried Smit. Il mettait le doigt sur un des problèmes pour réellement opérer le transfert modal : aller chercher les clients qui ne prennent jamais le train. On a alors deux solutions qui émergent : les fans du futur qui imaginent résoudre l’entièreté des problèmes ferroviaires par la technologie et la digitalisation. Et puis les pragmatiques qui se rendent compte qu’il faut englober d’autres dimensions pour opérer un transfert modal important. En réalité, on peut s’attendre à un mélange de ces deux solutions.

Il est bien clair que la technologie et la digitalisation vont aider le fret ferroviaire. Le webinaire retenait notamment les cinq thèmes suivants : ERTMS, exploitation automatique des trains (ATO), attelages automatiques numériques (DAC), plates-formes numériques et gestion numérique des capacités. Tous ces thèmes font l’objet actuellement d’études poussées, et certains sont même en phase de test, comme l’attelage automatique. Shift2Rail (S2R), avec un consortium dirigé par la DB ainsi que les membres de Rail Freight Forward et sept associations industrielles, ont signé un protocole d’accord en septembre, exprimant leur soutien à la mise en œuvre du DAC sur tous les trains de marchandises européens d’ici 2030. Avec le DAC, les lignes de frein, d’alimentation électrique et de données numériques sont couplés automatiquement dans un seul ensemble, ce qui supprime le travail physique lourd du couplage manuel, mais pas seulement.

Ce couplage à la fois technologique mais aussi mécanique procure un autre avantage de taille, lié à l’ERTMS : l’intégrité du train. La détection d’une perte de wagon est en effet un point capital. Après une perte d’intégrité, il est grandement nécessaire d’informer le conducteur, qui doit pouvoir prendre les mesures appropriées selon des procédures opérationnelles définies. L’information pourrait alors être affichée au conducteur via le DMI (Driving Machine Interface), mais cela implique un changement dans les spécifications actuelles de l’ETCS. Cela montre qu’il est nécessaire d’avoir une vue d’ensemble lorsque l’on veut numériser le fret ferroviaire.

Dans le même ordre d’idée, des améliorations sont attendues dans le secteur des wagons isolés, qui demeure un point noir du transport de fret ferroviaire. Actuellement, l’encodage des wagons, leurs caractéristiques et leurs trajets sont encore effectués de manière manuelle, ce qui signifie pertes de temps et risques d’erreurs de transcription. On tente alors d’améliorer les processus, mais les solutions sont encore loin d’être répandues de manière universelle. RailCube, par exemple, est une application simple et intégrée pour téléphone mobile destinée au personnel sur le terrain. Cette application multilingue, multi-IM, multiréférentielle est déjà compatible avec les standards d’interopérabilité pour l’échange de données entre systèmes respectant les normes UIC (TAF/TAP TSI). Capable de s’interfacer avec les outils informatiques existants et les systèmes tiers, l’application privilégie la simplicité plutôt que le « tout automatique ». Elle offre un équilibre entre l’automatisation des tâches et l’intervention humaine, avec flexibilité et liberté.

D’un autre côté, il y a aussi le tri automatique des wagons. DB Cargo est occupé à transformer la gare de triage de Munich-Nord comme premier triage numérique d’Allemagne. Les wagons de marchandises passent sous un portique caméras, qui prend des photos des wagons de tous les côtés. DB Cargo a développé des algorithmes en collaboration avec l’Université de Wuppertal, la Hochschule Fresenius et les experts en IA de DB, qui permettent de détecter automatiquement les dommages et de les signaler. Cette technologie présente l’avantage supplémentaire de pouvoir inspecter les wagons de marchandises par le haut.

Au triage de Kijfhoek, aux Pays-Bas, Siemens Mobility a remporté un contrat de 110 millions d’euros pour la fourniture d’un système entièrement automatisé appelé Trackguard Cargo MSR32, qui est un système qui prend en charge de manière entièrement automatique la définition des itinéraires pour toutes les coupes entre la bosse et les voies de triage. Pour cela, il faut connaître l’emplacement et les mouvements de tous les wagons dans la zone de tri. Tous les mouvements de wagons sont suivis à l’aide de détecteurs de roues. Le micro-ordinateur de contrôle du routage peut également être utilisé pour définir les itinéraires de manœuvre. Le nombre et le tracé des itinéraires de manœuvre sont librement configurables. 

Toutes ces solutions numériques ne vont peut-être pas faire gagner des clients, mais avant tout améliorer la fiabilité du fret ferroviaire, qui est le grand grief souvent adressé par les non-utilisateurs du rail.

L’autre volet qui encouragera le transfert modal est peut-être encore plus important : coller aux flux logistiques des clients. On en a déjà parlé.

>>> À lire : Comment le rail devrait se reconnecter à la logistique

Le train éprouve toujours autant de difficultés à intégrer des flux logistiques, qui sont pourtant à la base de notre économie et au ravitaillement quotidiens de nos commerces. En Allemagne, selon l’Office fédéral de la statistique, 72% de tous les colis, palettes et conteneurs roulent sur les autoroutes et les routes allemandes (avant la pandémie). Le potentiel est donc immense. En Suisse, la tentative chiffrée de faire descendre en 2018 le trafic à maximum 650.000 poids-lourds sur l’axe du Gothard est un échec, malgré les très bonnes parts de marché du rail sur le même axe. Cela démontre toute la difficulté de modifier des flux logistiques construits sur base de la flexibilité du transport routier.

Le digital peut-il renverser le cours des choses ? À voir. Au-delà des applis et de toutes les formes de suivis possibles, le rail doit améliorer sa fiabilité et respecter ses délais. Les délais ne sont cependant pas toujours imputables aux transporteurs, mais parfois aussi à la propension des cabines de signalisation à mettre systématiquement les trains de marchandises sur le côté. En cause : des priorités de trafic imposées par les indices de ponctualité négociés entre les opérateurs de trains de voyageurs et leur gouvernement, qui ne laissent aucune marge pour le fret ferroviaire et le trafic « aléatoire ». On voit donc tout de suite qu’au-delà des travaux d’infrastructures et des options digitales, il est nécessaire de revoir le cadre complet de la gestion du trafic pour améliorer les choses. Cela demande des négociations à tous les niveaux.

Doubler la part de marché du fret ferroviaire est donc un objectif très ambitieux, pas seulement en termes de moyens mais surtout dans la nécessité de s’attaquer à l’écosystème tout entier. Il y a du travail…

14/06/2021 – Par Frédéric de Kemmeter – Signalisation ferroviaire et rédacteur freelance
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17/05/2021 – Par Frédéric de Kemmeter – Signalisation ferroviaire
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Cela fait près de 30 ans que la Commission européenne a lancé diverses initiatives pour booster le transport de fret ferroviaire, qui reste éternellement à la traîne. Parmi les actions, l’instauration de corridors européens où l’on concentre les investissements et la digitalisation. Quelles leçons peut-on en tirer jusqu’ici ?

Le programme RTE-T se compose de centaines de projets – définis comme études ou travaux – dont le but ultime est d’assurer la cohésion, l’interconnexion et l’interopérabilité du réseau transeuropéen de transport, ainsi que l’accès à celui-ci. Les projets RTE-T, qui sont situés dans chaque État membre de l’UE, incluent tous les modes de transport.

30 projets prioritaires (ou axes) ont été identifiés sur la base de propositions des États membres et sont inclus dans les orientations de l’Union pour le développement des RTE-T en tant que projets d’intérêt européen. Ces projets ont été choisis à la fois en fonction de leur valeur ajoutée européenne et de leur contribution au développement durable des transports.

Sur ces 30 projets clés, 18 sont des projets ferroviaires, 3 sont des projets mixtes rail-route, 2 sont des projets de transport fluvial et un concerne les autoroutes de la mer. Certains projets, comme le tunnel sous la Manche, le TGV-Nord européen ou le lien Perpignan-Figueras, sont terminés depuis plusieurs années. D’autres sont en cours de construction, comme le tunnel Lyon-Turin, le tunnel du Brenner, la liaison Rail Baltica ou encore le lien fixe Fehmarn Belt. Ce choix reflète une priorité élevée à des modes de transport plus respectueux de l’environnement, contribuant à la lutte contre le changement climatique.

Ce mélange de différents transports n’était cependant pas suffisant pour assurer l’interconnexion ferroviaire, qui est la plus difficile à mettre en œuvre à cause du système d’exploitation des trains basé sur des sillons horaires et des critères techniques très strictes. Des contraintes que la route n’a pas…

De plus, il a fallu faire la différence entre des flux marchandises, généralement plus lents mais plus lourds, et les flux voyageurs basés sur la grande vitesse et les volumes quotidiens. Les 30 projets TEN-T ne reflétaient pas toujours ces spécificités. Cela démontre déjà que le chemin de fer unifié, où on mélange tous les trafics et toutes les politiques ferroviaires, n’est pas la bonne solution. Une distinction entre trafic fret et trafic voyageurs est obligatoire dans une politique de mobilité.

Plutôt que d’éparpiller l’argent des contribuables sur des centaines de petites lignes – ce qui aurait donné lieu à de longs marchandages politiques -, l’idée fut de répertorier les axes qui génèrent de grand flux de trains et de les harmoniser au niveau technologique et d’attribution des horaires. Le concept de corridor de fret ferroviaire était né.

Des routes pour le fret ferroviaire
Les corridors de fret ferroviaires ne sont qu’une partie du concept de RTE-E (TEN-T). Ils peuvent donner lieu à de multiples travaux mais visent plutôt à l’efficacité opérationnelle sur le réseau existant, en utilisant les actifs déjà disponibles. C’est donc une initiative plus ferroviaire que les 30 projets RTE-E.

En 2005, une approche internationale de la gestion des corridors a été promue auprès des gestionnaires d’infrastructures (GI) et des organismes de répartition (OR). En 2010, l’Union européenne adoptait un Règlement relatif au réseau ferroviaire européen pour un fret compétitif (Règlement N° 913/2010 du 22 septembre 2010). Ce règlement demande aux États membres d’établir des corridors internationaux orientés vers le marché afin de relever trois séries de défis. Il s’agit notamment de renforcer la coopération entre les gestionnaires d’infrastructure (GI) sur des aspects essentiels, tels que l’attribution des sillons, le déploiement de systèmes interopérables et le développement de l’infrastructure ; de trouver un juste équilibre entre le trafic de marchandises et le trafic de passagers le long des corridors, tout en garantissant une capacité adéquate et une priorité pour le fret conformément aux besoins du marché et en veillant à ce que les objectifs communs de ponctualité des trains de marchandises soient atteints ; et enfin, de promouvoir l’intermodalité en intégrant les terminaux dans la gestion et le développement des corridors.

L’annexe de ce règlement, telle que modifiée par le règlement (UE) n° 1316/2013, énumère 9 corridors de fret, qui devaient être mis en service par les pays concernés de l’Union européenne (UE) pour novembre 2013, novembre 2015 ou novembre 2020. Siim Kallas, alors vice-président de la commission européenne chargé des transports, dévoilait le 17 octobre 2013 la carte des 9 corridors d’infrastructures prioritaires qui devaient être financés par l’Union européenne, soit environ 26 milliards € par cofinancement pour aider à la construction des maillons manquants transfrontaliers, à résorber les goulets d’étranglement et à accroître « l’intelligence » du réseau.

Ces corridors de fret (appelés RFC en anglais – Rail Freight Corridor), établis en coopération entre les gestionnaires d’infrastructure et les organismes d’allocation de capacité, permettent une circulation internationale harmonisée des trains de marchandises sur un axe transfrontalier. Ils visent à améliorer la qualité de service offert aux opérateurs, en plaçant ceux-ci au centre des préoccupations. L’instauration de ces corridors vise deux aspects :

  • d’une part, le client ne s’adresse qu’à un seul bureau pour réserver ses sillons horaires, ce qui simplifie l’administration et les délais de réponse;
  • d’autre part, ces corridors vont faire l’objet d’une rénovation technique, notamment au travers de travaux destinés à améliorer la fluidité du trafic, à rehausser le gabarit au maximum, mais surtout, à implanter le système de signalisation ERTMS, de niveau 1 ou 2, ce qui est tout bénéfice pour l’ensemble du trafic y compris voyageurs.

Chaque corridor de fret ferroviaire est constitué d’une structure de gouvernance à 2 niveaux :  

  • Un Comité exécutif composé de représentants des autorités des états membres concernés ;  
  • Un Comité de gestion composé de représentants des gestionnaires d’infrastructure et des organismes d’allocation de capacité concernés.

Le Comité de gestion crée aussi deux sous-groupes consultatifs : 

  • Un groupe composé de gestionnaires et de propriétaires de terminaux situés le long du corridor ; 
  • Un groupe composé d’entreprises ferroviaires intéressées par l’utilisation du corridor.

Les gestionnaires d’infrastructure et les organismes d’allocation de capacité concernés élaborent ensemble, pour chaque corridor, un catalogue de sillons préétablis proposant une offre de sillons internationaux. Ces sillons préétablis sont coordonnés et peuvent être combinés en une seule demande internationale pour pouvoir mieux répondre aux besoins du marché. 

Ces sillons sont protégés contre d’éventuels changements majeurs. Outre les entreprises ferroviaires qui disposent d’une licence et d’un certificat de sécurité, d’autres candidats (chargeurs, expéditeurs, …) peuvent demander de la capacité sur les corridors. Pour l’activité de transport proprement dite, le candidat doit désigner une entreprise ferroviaire exécutante, publique ou privée.

Tout nouveau corridor dispose d’un Corridor One Stop Shop (C-OSS). Ce C-OSS est physiquement installé au siège d’un seul manager d’infrastructure désigné pour en assurer la gestion quotidienne. Ce C-OSS simplifie les demandes de sillons pour le transport international par rail. La création de ces C-OSS permet aux demandeurs d’effectuer les demandes de capacité en une seule opération à partir du moment où un train international de marchandises traverse au moins une frontière dans un corridor. Le Document d’Information du Corridor (CID) donne des informations relatives à chaque corridor. Le Path Coordination System (PCS) est l’unique logiciel permettant de passer les commandes de sillons préétablis sur le corridor, via le site web RailNetEurope (RNE).

L’article 18 du règlement (UE)913/2010 relatif au réseau ferroviaire européen pour un fret compétitif exige que les conseils de gestion des RFC publient des documents d’information sur les corridors, en fournissant des informations sur l’infrastructure ferroviaire de chaque corridor de fret ferroviaire, notamment en ce qui concerne les conditions d’accès commerciales et légales, facilitant ainsi la tâche des candidats.

Corridor-ERTMS

Un modèle à revoir
Toutefois, si l’on constate des progrès en matière de corridors de fret ferroviaire, de fret ferroviaire et de chemins de fer en général, ces progrès semblent toujours trop lents par rapport aux autres modes de transport, à savoir la route, où nous assistons, depuis peu, à des innovations perturbatrices en termes d’automatisation et de numérisation. Bien entendu, cela accroît à nouveau la concurrence entre les modes de transport. Le secteur de la logistique lui-même est sujet à des cycles d’innovation courts, ce qui est un défi pour le transport ferroviaire. Comme l’explique l’association européenne du fret ERFA (European Rail Freight Association), la mise en place des RFC n’a pas encore donné l’élan escompté pour accroître la compétitivité du fret ferroviaire. Peu ou pas de résultats ont été obtenus dans les domaines pourtant prévus par le règlement :

  • la coordination des travaux d’entretien et de renouvellement;
  • capacité allouée aux trains de marchandises;
  • gestion du trafic;
  • gestion du trafic en cas de panne;
  • suivi de la qualité par le biais d’indicateurs clés de performance.

L’interaction entre les différentes parties prenantes au sein d’un même corridor ne semble pas toujours coordonnée, sans parler de la coordination entre les différents corridors, car de nombreux trains de marchandises circulent sur plus d’un corridor et de nombreux opérateurs utilisent plusieurs corridors.

Dans plusieurs cercles ferroviaires, on reproche une fois encore l’approche trop nationale dans certaines décisions, notamment en ce qui concerne le calendrier des travaux. Or ces travaux ont une teneur politique multiple car cela impacte le trafic voyageur. En politique régionale, on n’est jamais tenté de voir plus loin que l’horizon de son électorat. Le trafic voyageur est prioritaire précisément à cause des objectifs de ponctualité assigné par la tutelle politique. La législation sur les corridors ne peut pas grand-chose contre cela.

Pour prendre comme exemple l’Allemagne, ces corridors seront par ailleurs intégrés dans le système Deutschland-Takt (D-Takt), l’horaire cadencé allemand, qui est un concept exclusivement centré sur le transport voyageur. Il fait l’objet de questions concernant la place laissée au fret ferroviaire dans des horaires figés annuellement et prioritaires pour les taux de ponctualité. Le D-Takt est un projet typiquement national et n’est pas pensé au travers des corridors.

Mais il n’y a pas que des travaux. La maintenance est un point essentiel. Or celle-ci est gérée par des entités locale de chaque manager d’infrastructure. Ce sont ces entités qui élaborent un planning de travail très en amont. Elles doivent décider parfois deux ans à l’avance qu’on va renouveler la caténaire sur 20 kilomètres à telle période de 2023 ou 2024. Or cette période peut ne pas correspondre à l’usure supposée d’un aiguillage, qui devra être renouveler à une autre période sur la même ligne. Cela induit alors un calendrier de travaux qui parait permanent et sans fin. Comme chaque entité ne gère que 100 ou 150 kilomètres d’un même corridor, on peut compter combien il y a d’entités régionales entre Rotterdam et Bâle ou Anvers et Marseille. Chacune avec leur propre planning !

La lente implémentation de l’ERTMS est un autre sujet. Cette implémentation varie d’un pays à l’autre et des objectifs qui sont assignés aux gestionnaires d’infrastructure. Mais d’un autre côté, il y a encore des réticences chez certains opérateurs d’équiper leur matériel roulant, pour des raisons de coûts. L’ERFA n’hésite pas à dire que le coût de la conversion du matériel roulant à l’ERTMS est une menace qui réduira la compétitivité du fret ferroviaire dans toute l’Europe tant qu’il n’y aura pas de solutions de financement en place (sauf au Royaume-Uni). Il semble certain que de nombreux opérateurs ne voient pas encore la plus-value de l’ERTMS alors qu’il s’agit pourtant de la digitalisation du rail que ces mêmes opérateurs appellent de leurs vœux. Comme l’explique Matthias Finger, professeur à l’École Polytechnique Fédérale de Lausanne (EPFL), il s’agit d’un problème typique de la poule et de l’œuf : les investissements ne viendront que si des progrès sont réalisés en termes d’interopérabilité et, inversement, les progrès en termes d’interopérabilité nécessitent davantage d’investissements. Et il s’agit d’un problème beaucoup plus large qui ne peut être traité par les corridors et l’approche par corridor.

Il devenait donc indispensable de voir quelles pourraient être les mesures d’amélioration, d’autant qu’entre-temps, la nouvelle Commission von der Leyen a été installée, laquelle a produit un plan nommé ‘Green Deal’, qui est une chance unique pour le chemin de fer de retrouver une partie de la place qu’il a perdu.

La Commission est actuellement en train de finaliser son évaluation de la mise en œuvre du règlement (UE) 913/2010. La révision du règlement, qui constitue une condition préalable importante pour un fret compétitif et un transfert modal, est l’occasion de passer d’un corridor unique à une approche de réseau européen de corridors de fret ferroviaire.

On peut s’inspirer de l’expérience du secteur de l’énergie : l’intégration solide du réseau de lignes à haute tension aurait été réalisée grâce à une combinaison de facteurs incluant notamment l’existence d’un mandat juridique clair, l’utilisation intensive d’outils numériques (c’est-à-dire la modélisation, les plateformes numériques communes), l’adoption d’outils et de plans communs, ainsi que l' »intention de partager » exprimée sous la forme de résultats clairs. Les principaux défis auxquels sont confrontés les secteurs du rail et de l’énergie semblent être similaires en ce qui concerne la recherche d’un équilibre adéquat entre les niveaux supranational et national.

On peut concrètement s’inspirer aussi d’Eurocontrol et tirer des enseignements du REGRT-E (association regroupant 42 gestionnaires de réseaux électriques dans 35 pays de l’UE), même si le modèle de gouvernance des RFC devra être adapté spécifiquement aux besoins du secteur ferroviaire. Dans une présentation récente à la Florence School of Regulation, l’idée fut émise de mettre en œuvre une approche « descendante » de la gouvernance des RFC, en confiant à une entité supranationale permanente le soin de faciliter l’échange d’informations et la coordination entre les trains de marchandises, qui sont essentiellement de nature transfrontalière. Le coordinateur supranational du réseau ferroviaire serait chargé d’assurer une coordination intégrée et holistique du trafic à un niveau supérieur, ainsi que l’amélioration de la capacité et de la connectivité avec les terminaux qui font partie de l’infrastructure. Ce qui se fait à Eurocontrol serait-il impossible dans le domaine ferroviaire ?

Le 19 octobre 2020, la Commission européenne a publié son programme de travail pour 2021. Dans son annexe I, la Commission a annoncé une initiative appelée ‘Corridor ferroviaire UE 2021’. Elle comprend la révision du règlement 913/2010 et des actions visant aussi à stimuler le transport ferroviaire de voyageurs. L’initiative est prévue pour le troisième trimestre 2021.

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L’Europe veut un transport zéro carbone d’ici 2050. Une opportunité pour le rail

14/12/2020 – Par Frédéric de Kemmeter – Signalisation ferroviaire et rédacteur freelance
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L’Europe présente sa stratégie de mobilité par le biais de dix mesures dont cinq concernent le secteur ferroviaire.

« Après le mois de novembre le plus chaud jamais enregistré, il est clair que la nécessité de s’attaquer à cette crise climatique est plus forte que jamais. Le transport est l’un des trois secteurs où des efforts supplémentaires sont nécessaires. » C’est en ces termes que Frans Timmermans, chef de file des travaux de la Commission sur le « Green Deal » européen, a introduit la stratégie durable de l’Union pour les trente prochaines années.

En décembre 2019, deux semaines après sa prise de fonction, la présidente de la Commission Européenne Ursula von der Leyen, présentait la feuille de route du ‘Green Deal’, le pacte vert pour l’Europe. Un plan d’investissement de 750 milliards d’euros au minimum est prévu pour ce pacte vert. Il mobilisera des investissements publics et aidera à débloquer les fonds privés via des outils financiers de l’Europe. On attendait donc des détails plus précis concernant la mise en oeuvre de ce green deal.

Le document de travail intitulé « Sustainable and Smart Mobility Strategy – putting European transport on track for the future », rendu public un an plus tard par la Commission européenne, est une action concrète de ce Green Deal. Le plan présenté la semaine dernière comprend 82 mesures organisées en 10 domaines d’action clés, et détaille les politiques que l’administration de Bruxelles compte mettre en œuvre pour transformer le secteur des transports en un secteur décarboné, ce qui est un défi de taille.

Il y aura plusieurs étapes, la prochaine étant 2030 où :

  • Au moins 30 millions de voitures zéro émission seront en service sur les routes européennes;
  • 100 villes européennes seront climatiquement neutres;
  • Le trafic ferroviaire à grande vitesse va doubler en Europe;
  • Les déplacements collectifs réguliers pour les trajets inférieurs à 500 km devraient être neutres en carbone;
  • La mobilité automatisée sera déployée à grande échelle;
  • Les navires zéro émission seront prêts pour le marché.

Puis viendra l’année 2035 avec :

  • Les grands avions sans émission seront prêts à être commercialisés ;

Et enfin, en 2050 :

  • Presque toutes les voitures, camionnettes, bus ainsi que les nouveaux véhicules utilitaires lourds seront à zéro émission ;
  • Le trafic de fret ferroviaire doublera ;
  • Un réseau transeuropéen de transport (RTE-T) multimodal et pleinement opérationnel pour un transport durable et intelligent avec une connectivité à haut débit.

Pour satisfaire cette grande « écologisation de la mobilité », les investissements pour 2021-2030 dans les véhicules (y compris matériels roulants, navires et avions) et le déploiement d’infrastructures pour les carburants renouvelables sont estimés à 130 Md€ par an tandis que le parachèvement du réseau central du RTE-T pour en faire un système véritablement multimodal exigerait encore 300 Md€ au cours des dix prochaines années.

L’innovation et la numérisation détermineront la façon dont les passagers et le fret se déplaceront à l’avenir si les conditions adéquates sont mises en place. C’est ce que prévoit la stratégie :

  • de faire de la mobilité multimodale connectée et automatisée une réalité, par exemple en permettant aux passagers d’acheter des billets pour des voyages multimodaux afin de passer d’un mode à l’autre de manière transparente, et
  • la stimulation de l’innovation et l’utilisation des données et de l’intelligence artificielle (IA) pour une mobilité plus intelligente.

Les lignes directrices de cet immense projet mettent en avant le chemin de fer, mais montre aussi que les autres secteurs, l’automobile et l’aviation, font aussi pleinement partie de la solution pour une Europe décarbonée en 2050. Pas question donc de lourdement sanctionner un secteur pour en sauver un autre.

Les craintes du secteur pétrolier
Le plan suscite déjà des commentaires en sens divers, comme l’International Road Transport Union (IRU), qui l’attaque déjà en déclarant que « ce plan repose sur un calcul des émissions de CO2 au tuyau d’échappement du véhicule, et ne tient pas compte de l’origine de l’énergie ». Et l’organisation tente de faire croire que « les autocars diesel sont nettement plus propres que le rail déjà électrifié, on ne comprend donc pas pourquoi la Commission ignore la contribution unique du transport de masse de passagers par route ». En fait, l’IRU insinue que l’électricité ferroviaire serait produite par le charbon, une situation allemande qui ne reflète pas du tout le reste de l’Europe.

Cela signifie que le rail devra s’organiser de façon intensive et avec moins de divisions au niveau de lobbying pour contrer ce genre d’argument. Ce qui passe notamment par prendre en compte toutes les entités ferroviaires, pas seulement les opérateurs historiques.

Il est clair que le secteur pétrolier voit le vent tourner, ce qui implique pour les constructeurs de motorisations basées sur l’énergie fossile d’entamer une dure transition qui peut remettre en cause l’ensemble de cette industrie.

La stratégie de l’UE identifie dix domaines clés avec des actions pour guider sa politique verte, dont cinq concernent directement le secteur ferroviaire.

(photo Alstom)

Le plan hydrogène
Parmi les menaces – ou opportunités, c’est selon -, la place grandissante de l’hydrogène dans le futur. Le 8 juillet dernier, la Commission européenne dévoilait ses plans pour promouvoir l’hydrogène. Dans un premier temps, l’hydrogène à faible teneur en carbone dérivé des combustibles fossiles serait soutenu afin d’augmenter la production à court terme. Le secteur ferroviaire, grâce en particulier à la société Alstom, s’est très rapidement emparé de ce nouveau sujet énergétique. Malheureusement aujourd’hui, 99 % de l’hydrogène est produit à partir de combustibles fossiles ou d’électricité produite à partir de combustibles fossiles, et l’empreinte CO2 est considérable.

Par la suite cependant, ce carburant du futur devrait être produit entièrement à partir d’énergies renouvelables. De vastes infrastructures sont nécessaires pour soutenir les objectifs de la Commission européenne visant à ce que les véhicules routiers à zéro émission prennent le relais. Un plan prévoit d’installer 1 000 stations d’hydrogène et 1 million de points de recharge publics d’ici 2025. D’ici 2030, 2 millions de stations de recharge supplémentaires seraient ajoutées. Cela indique que la Commission européenne prévoit l’adoption rapide de véhicules électriques et à hydrogène au cours de la prochaine décennie. L’hydrogène reste donc une des clés de la décarbonisation pour atteindre les objectifs de en 2050.

La grande vitesse est un axe majeur
L’un des dix domaines clés consiste à rendre la mobilité interurbaine et urbaine plus durable et plus saine. La Commission propose la construction d’un plus grand nombre de lignes ferroviaires à grande vitesse sur des trajets courts afin que les passagers aient le choix entre des trajets de moins de 500 km sans émission de carbone. Lorsque la ligne à grande vitesse entre Barcelone et Madrid a été ouverte, la répartition modale est passée de 85 % d’avions / 15 % de trains en 2008 à 38 % d’avions / 62 % de trains en 2016. La construction de lignes à grande vitesse tourne le dos à l’idée de certains groupes politique d’opter pour un chemin de fer sans béton et sans travaux. La poursuite des projets de Stuttgart-Ulm en Allemagne et de HS2 en Grande-Bretagne le démontre. D’autres lignes sont à l’étude dans toute l’Europe.

>>> À lire : Où en est le projet de Stuttgart 21 ?

>>> À lire : La grande vitesse reste nécessaire pour le modal shift

Une grande partie du fret sur le rail
Le « Green Deal » européen prévoit qu’une grande partie des 75 % du fret terrestre actuellement transporté par la route soit transférée vers le rail et les voies navigables intérieures. C’est un sujet dont on parle depuis longtemps et pour lequel aucun progrès notable n’a été enregistré jusqu’à présent. La Commission européenne s’oriente maintenant vers l’élaboration d’un cadre juridique qui réponde aux besoins du secteur du fret ferroviaire. La révision du règlement sur les corridors de fret ferroviaire et du règlement RTE-T, qui sont inclus dans la stratégie, est la bonne démarche car les deux règlements devaient être traités ensemble étant donné leur importance mutuelle. L’association européenne de fret ERFA a également demandé une législation pour garantir que les corridors de fret ferroviaire répondent à des paramètres clés tels que la compatibilité avec le gabarit de chargement P400 et la facilitation des trains de 740m de long sur tous les corridors.

Ce concept de RTE-T ne semble pas avoir donné entièrement satisfaction, particulièrement en ce qui concerne le « guichet unique » et la demande de sillons horaires internationaux, très difficiles à satisfaire actuellement. Certains pays sont plus avancés dans les travaux que d’autres, et des considérations politiques nationales (élections diverses, changement de coalition,…) sont souvent des freins à l’adoption des budgets et au respect du calendrier. Le corridor de fret ferroviaire ne fait rêver aucun politicien national…

Mobilité multimodale connectée et automatisée
Un autre secteur mis en avant est le digital, qui associe beaucoup d’outils. Parmi eux, la fameuse 5G qui fait l’objet actuellement de débats parfois irrationnels. Elle est pourtant incontournable pour le futur, parce que si l’Europe n’y prend pas part, d’autres continents le feront à notre place. Nous avons fréquemment discuté dans nos articles de la nécessité de digitaliser le secteur ferroviaire, qui est en retard par rapport à d’autres modes de transport.  La Commission a réaffirmé que des efforts supplémentaires sont nécessaires pour développer l’automatisation des trains, par exemple par le biais d’entreprises communes comme Shift2Rail. La Commission veut déjà mettre à jour les spécifications techniques d’interopérabilité (STI) pour permettre l’automatisation des trains et la gestion du trafic sur les grandes lignes transfrontalières. En fait, ces STI doivent couvrir des technologies telles que la 5G et les données satellitaires, ce qui nous ramène à ce que nous disions plus tôt. Tout cela sera également utile pour le futur système de communication mobile ferroviaire (FRMCS), la nouvelle référence en matière de communication ferroviaire. En revanche, il sera probablement nécessaire de rendre l’ERTMS/ETCS plus accessible en termes de coûts d’installation, tout particulièrement chez les opérateurs ferroviaires qui actuellement ne voient pas la plus-value du système. La Commission n’a rien précisé sur ce thème important qui nous mène au cinquième domaine clé.

>>> À lire : La 5G, une technologie clé pour l’avenir de nos chemins de fer

>>> À lire : notre page digitale

Renforcer le marché unique
La Commission n’abandonne pas son concept de marché unique et compte même sur le quatrième paquet ferroviaire pour dynamiser le marché ferroviaire, jugé trop cloisonné et encore trop peu attractif. Selon elle, cela permettra aux opérateurs ferroviaires de mieux répondre aux besoins des autorités de transport.  Cela dépend toutefois de l’approbation rapide et pas trop coûteuse du matériel roulant unifié dans chaque pays. L’harmonisation des homologations de véhicules à l’échelle européenne est depuis septembre la mission de l’Agence ferroviaire européenne (ERA), ce qui accélérerait l’homologation des trains transfrontaliers, malgré certaines réticences politiques que cela suscite encore en termes de souveraineté nationale. La Commission déclare également qu’elle examinera les règles actuelles sur les redevances d’accès aux voies ferrées et qu’elle déterminera si elles offrent les incitations appropriées pour stimuler la concurrence sur les marchés et l’attrait du rail.

Il va maintenant être très intéressant de suivre ces différents dossiers dans les années qui vont suivre. Dans l’immédiat, nous entrons dans 2021, qui a été déclarée « Année du rail », et pour laquelle une nouvelle communication de la Commission européenne est attendue en mars. Les choses bougent et c’est le moment pour idéal nos chemins de fer et nos élus de changer de logiciel et d’appréhender le monde qui vient, plutôt que de s’enfermer sur des recettes du passé…

Pour approfondir :

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14/12/2020 – Par Frédéric de Kemmeter – Signalisation ferroviaire et rédacteur freelance
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