Le tunnel sous la Manche fête ses trente ans


06/05/2024 – Par Frédéric de Kemmeter – Signalisation ferroviaire et rédacteur freelance
Inscrivez-vous au blog

🟧 Nos brèves quotidiennes 🟧 Notre lexique ferroviaire 🟧 Nos newsletters 🟧 Nos fiches thématiques

Le tunnel sous la Manche, inauguré en 1994, relie la France et le Royaume-Uni par voie ferroviaire sous la mer. Long de 50 km, il est un symbole d’ingénierie et de coopération européenne qui permet de rejoindre la Grande-Bretagne sans prendre le bateau. Ce projet colossal fête ses 30 années de service.

Cela faisait deux siècles que l’on rêvait de relier les rives françaises à celles du Royaume-Uni, sous le détroit de Calais, où la distance est la plus courte. Une première tentative avait eu lieu au début des années 70, avant d’être stoppée en janvier 1975, lorsque Harold Wilson annonça la décision de la Grande-Bretagne de renoncer au tunnel, « pour des raisons économiques ».

En juin 1981, Michel Rocard, Ministre socialiste du Plan en France, lance une étude préliminaire auprès des sociétés d’ingénierie internationales ayant pour objet une liaison ferroviaire à grande vitesse France-Angleterre en spécifiant – et c’est à souligner – que l’ingénierie financière devra être assurée sans le concours de fonds publics. Un « détail » qui a sûrement dû plaire à Margaret Thatcher, fraîchement élue et initiatrice d’un changement de paradigme mondial…

Six années de travaux pour trois tubes de 50 kilomètres chacun, ainsi que deux terminaux.

Le 20 janvier 1986, François Mitterrand et Margaret Thatcher, réunis à Lille, annonçaient le choix de tunnel proposé par France Manche et Channel Tunnel Group, parmi quatre projets concurrents. Ce sera un tunnel à trois tubes, dont un pour le service, exclusivement ferroviaire. L’option ferroviaire, par rapport à d’autres projets autoroutiers, est surprenante et met fin à l’hégémonie de la route en matière de grands travaux de génie civil. Avec le tunnel, le train revenait au-devant de la scène.

Le tunnel, qui s’étend sur 38 km jusqu’à 75 m sous le fond marin, a été construit par un consortium du secteur privé composé de 5 entreprises de construction britanniques et de 5 entreprises françaises, nécessitant 15,400 milliards d’euros (13,650 M £ – prix 2018) et 6 ans de travaux. Le tunnel fut officiellement inauguré le 6 mai 1994 avec François Mitterrand et Elisabeth II, tous deux venus… par train.

Eurotunnel

Le tunnel concrètement

Le tunnel sous la Manche est un tunnel ferroviaire de 50,5 km de long sous la Manche, reliant Coquelles dans le Pas-de-Calais (France) à Folkestone dans le Kent (Royaume-Uni), exploité par Eurotunnel sous concession du gouvernement britannique et du gouvernement français jusqu’en 2086. 

En réalité, il y a 3 « tubes » : 2 extérieurs qui possèdent chacun une voie ferroviaire électrifiée en 25kV et un tube central de diamètre plus petit (non représenté sur le schéma), pour le service. Des rameaux de communication réguliers permettent de rejoindre ce tube de service avec les tubes « ferroviaires ».

Une concession jusqu’en 2086

Comme les navettes embarquent autos, camions et autocars, il a fallu créer de véritable terminaux de part et d’autre pour fluidifier le trafic : l’un à Coquelles à l’ouest de Calais et un au nord de Folkestone. Elles font des allers-retours 24 h sur 24 dans les deux tubes dédiés à cette fin. « On » insère les Eurostar entre deux navettes, tout simplement. Eurotunnel dispose de deux cabines de signalisation en propre, une en France et une en Grande-Bretagne, qui gère tout le trafic de l’ensemble des installations. 

Eurotunnel

Il ne faut pas confondre les navettes d’Eurotunnel/Getlink, qui ont un gabarit très large, avec le TGV Eurostar qui relie Londres à Paris, Bruxelles et Amsterdam. Aucune navette d’Eurotunnel ne va à Londres ou Paris non plus : leur taille XXL les confine dans le stricte périmètre des installations du tunnel, à Coquelles en France et à côté de Folkestone, en Grande-Bretagne. Ces navettes doivent d’ailleurs être entretenues sur place, faute de pouvoir aller ailleurs dans un autre atelier.

Aujourd’hui

Le principe de concession du tunnel sous la Manche implique qu’une entité privée obtient le droit exclusif d’exploiter et de gérer l’infrastructure pendant une période déterminée. En vertu de cette concession, Eurotunnel a la responsabilité de financer, de construire, de maintenir et d’exploiter le tunnel, tout en respectant les réglementations de sécurité et les exigences opérationnelles convenues avec les gouvernements français et britannique. En retour, Eurotunnel a le droit de percevoir des péages des utilisateurs du tunnel, tels que les passagers et les sociétés de transport de marchandises.

Le tunnel sous la Manche restera cependant un lourd morceau d’histoire dans le financement par les voies privées. Il s’est retrouvé lourdement endetté. Malgré une restructuration financière en 1998 et une autre en 2007, impliquant une remise de dette de 3,4 milliards de livres et une réduction de la participation des actionnaires à seulement 13%, de nombreux petits investisseurs ont été lésés. Certains avaient été promis un accès illimité au tunnel jusqu’en 2042, mais en 2007, des milliers d’entre eux ont perdu ce droit.

Eurotunnel

Actuellement, Eurotunnel est devenu depuis 2017 le groupe Getlink qui chapeaute les activités des marques commerciales Eurotunnel, Europorte, premier opérateur privé de fret ferroviaire en France, ElecLink, interconnexion électrique entre la Grande-Bretagne et la France via le tunnel sous la Manche, ainsi que CIFFCO, premier centre de formation privé dédié aux métiers du ferroviaire.

Eurotunnel est aujourd’hui le groupe multiactivités Getlink

À l’heure du Brexit

Le Brexit devînt officiel le 31 janvier 2020, marquant la sortie formelle du Royaume-Uni de l’Union européenne. Cela mettait fin à une période de plus de 47 ans d’adhésion du Royaume-Uni à l’UE.

Le Brexit a entraîné la mise en place de nouveaux contrôles douaniers entre le Royaume-Uni et l’Union européenne, ce qui a augmenté les formalités administratives pour le transport de marchandises à travers le tunnel. Getlink a dû s’adapter à ces changements en mettant en place des infrastructures et des procédures pour faciliter le passage des marchandises et minimiser les perturbations.

Les derniers chiffres

Le chiffre d’affaires consolidé du groupe pour l’exercice 2023 s’élève à 1,829 milliard d’euros. L’EBITDA courant consolidé s’élève à 979 millions d’euros, en hausse de 11% par rapport à 2022 grâce à l’augmentation de la contribution d’ElecLink. Le résultat commercial s’élève à 735 millions d’euros, en hausse de 12% par rapport à 2022.

Les camions
Eurotunnel enregistrait 1,207 million de camions transportés (-17%), un trafic en baisse pénalisé par un environnement économique morose et par une concurrence accrue des compagnies de ferries s’écartant des modèles sociaux applicables aux navires battant pavillon français et britannique. La part de marché est de 36% sur le trafic transmanche, prouvant que les ferries sont loin d’être à l’agonie.

Eurotunnel

Les voitures
Via les navettes « Le Shuttle ». Près de 2,255 millions de véhicules de tourisme transportés en 2023 (+6% par rapport à 2022), soit une part de marché automobile de 58,4%.

Europorte
C’est la filiale ferroviaire fret de Getlink. Europorte est un opérateur de fret circulant en France et en Belgique avec ses propres locomotives et son propre personnel. Le chiffre d’affaires annuel d’Europorte a augmenté de 9 % pour atteindre 150 millions d’euros. L’EBITDA s’est stabilisé à 29 millions d’euros.

Le TGV Eurostar
Le TGV Eurostar, sans lien avec Getlink, est juste un client d’Eurotunnel et paie un péage. Son trafic a augmenté de 29 %, avec 10,7 millions de passagers transportés, faisant oublié les sombres perspectives qui suivirent la pandémie. Eurostar a absorbé Thalys en octobre 2023 mais ce sont toujours les rames bleues et jaunes qui vont jusqu’à Londres. Petit bémol : les gares TGV de Calais-Fréthun, Ashford et Ebbsfleet ne voient plus aucun Eurostar s’arrêter pour le moment. Mais ceci n’a rien à voir avec Getlink/Eurotunnel…

Rechercher d’autres sources de revenus

Le groupe Getlink n’a pas attendu l’arrivée du Brexit pour entreprendre des initiatives afin d’augmenter ses revenus. En décembre 2023, Yann Leriche, le CEO du groupe franco-britannique, détaillait les opportunités de croissance que voyait l’entreprise. Et cela passe par une ligne électrique et de nouvelles liaisons à grande vitesse.

ElecLink fait partie de ces opportunités de croissance. Il s’agit d’une interconnexion électrique à courant continu haute tension de 1.000 MW entre le Royaume-Uni et la France. ElecLink a commencé ses opérations le 25 mai 2022.

Eurotunnel
(Source : ElecLink)

L’idée derrière ElecLink est de profiter de l’infrastructure existante du tunnel sous la Manche pour créer un lien direct entre les réseaux électriques français et britannique. Cela permettrait d’optimiser l’utilisation des capacités de production et de répondre à la demande fluctuante en électricité dans les deux pays.

Le projet ElecLink représente un investissement important dans l’avenir de l’énergie en Europe, en favorisant la diversification des sources d’approvisionnement et en renforçant la stabilité des réseaux électriques. Il illustre également la manière dont les infrastructures existantes peuvent être adaptées et réutilisées pour répondre aux défis contemporains, tels que la transition vers des systèmes énergétiques plus durables et résilients.

Plus de concurrents traversant le tunnel ?
C’est le souhait ardent du groupe Getlink, conscient du prix des choses (le tunnel est cher) mais aussi des exigences techniques particulières pour opérer des TGV dans les deux tubes. Eurotunnel souhaite accélérer la mobilité à faible émission de carbone entre le Royaume-Uni et l’Europe continentale en doublant le nombre de nouvelles destinations directes au départ de Londres via le tunnel sous la Manche au cours des dix prochaines années.

Augmenter le nombre d’opérateurs vers Londres

 Pour ce faire, Eurotunnel cherche également de nouvelles destinations autres que Paris, Bruxelles ou Amsterdam. L’entreprise envisage à nouveau de créer une liaison ferroviaire express entre Londres et Cologne. L’idée est même d’atteindre à terme Francfort.

Plus récemment, la société espagnole Evolyn a déclaré vouloir emprunter le tunnel sous la Manche dès 2026 et a annoncé en octobre avoir commandé 12 trains à Alstom, ce qui n’a pas été confirmé par le constructeur français. La société néerlandaise Heuro a également indiqué qu’elle souhaitait concurrencer la ligne Londres-Amsterdam, sans donner plus de détails. D’autres noms de concurrents potentiels ont également circulé, mais rien de concret n’a été dit à ce jour.

Yann Leriche expliquait qu’Eurotunnel travaillait avec les autorités pour uniformiser la réglementation des tunnels et poursuivait les discussions avec les opérateurs ferroviaires européens. Il précise que des études de marché ont déjà été réalisées, ainsi que des études sur les travaux nécessaires dans les gares et sur les itinéraires. Sur cette base, il a estimé le potentiel de la ligne Londres-Cologne-Francfort à deux millions de passagers par an.

Sur ces bonnes perspectives, bon anniversaire… 🟧

Eurotunnel

Articles similaires :

Danemark-Suède : trois projets pour une seconde traversée de l’Öresund
23/04/2024 – La région Öresund-Malmö-Copenhague est l’une des plus prospère avec des centres économiques importants. Mais le futur tunnel du Fehmarn Belt risque de congestionner le pont de l’Öresund. Trois projets de nouvelles traversées se disputent le soutien politique : le tunnel HH, le métro…


Autriche : vision d’avenir en trois tunnels et lignes nouvelles
18/03/2024 – La division ÖBB-Infrastruktur travaille actuellement sur plus de 100 projets le long de ce qu’on appelle en Autriche la ligne sud, qui fait partie du corridor Baltique-Adriatique. Près de 200 kilomètres de lignes ferroviaires sont modernisés tandis que 170 kilomètres sont construits. Cette route comportera dans le…


Le réseau ferré européen ? Un vrai patchwork de technologies…
12/09/2022 – Si vous pensez que le chemin de fer, c’est juste de la politique et des finances, alors vous allez souffrir. Car l’infrastructure ferroviaire, c’est avant tout de la technique nationale, laquelle est un frein à la standardiasation et au rêve européen de trains sans frontière. On vous explique tout cela très succinctement.


Quelques bénéfices des grandes infrastructures souterraines
31/01/2022 – Les infrastructures souterraines en ville pour le rail font souvent débat. Certains prônent la rupture de charge, d’autres la continuité. Tout dépend de beaucoup de facteurs qu’on explique ici en examinant les arguments des uns et des autres.


RFC-Corridor-fret-ferroviaireCorridors de fret ferroviaire : quels résultats jusqu’ici ?
25/05/2021 – Cela fait près de 30 ans que la Commission européenne a lancé diverses initiatives pour booster le transport de fret ferroviaire, qui reste éternellement à la traîne. Parmi les actions, l’instauration de corridors européens où l’on concentre les investissements et la digitalisation. Quelles leçons peut-on en tirer jusqu’ici ?


Trafic international : comment on en est arrivé à la situation actuelle


30/04/2024 – Par Frédéric de Kemmeter – Signalisation ferroviaire et rédacteur freelance
Inscrivez-vous au blog

🟧 Nos brèves quotidiennes 🟧 Notre lexique ferroviaire 🟧 Nos newsletters 🟧 Nos fiches thématiques

Le trafic international fait l’objet ces derniers temps de nombreux commentaires, en référence au temps de jadis où il y avait une couverture plus prononcée des réseaux d’Europe. L’occasion de faire le point et de revenir sur ce qui se faisait hier, et qui ne se fait plus aujourd’hui.

Les chemins de fer, autrefois des entités étatiques, ont nécessité des règles administratives complexes pour coordonner les opérations entre les administrations. La première Convention internationale, signée à Berne en 1890, établit des normes pour le transport ferroviaire international, harmonisant les pratiques et réglementations entre administrations. Chaque État adhérant à la Convention restait responsable de son propre réseau ferroviaire, garantissant l’indépendance tout en facilitant la coopération internationale.

Les États adhérant à la Convention étaient responsables de leurs chemins de fer respectifs, établissant ainsi des règles pour le transport ferroviaire international, protégeant les droits et intérêts des parties impliquées. Chaque administration maintenait son indépendance dans la gestion ferroviaire nationale, favorisant une coopération où chacun opérait selon ses propres normes. Les règles internationales visaient à garantir une compréhension commune, notamment pour la délivrance des billets internationaux et l’admission des véhicules sur des territoires étrangers. Les conventions initialement définissaient les dispositions pour les transports internationaux de passagers et de marchandises sur des périodes limitées, sujettes à renouvellement et révision.

Ceci explique pourquoi le trafic international ferroviaire fut longtemps géré sous cet angle administratif. Et cela explique aussi pourquoi nombreux sont ceux qui se réfèrent encore à cette époque pour comparer avec la situation actuelle.

Concrètement c’était comment jadis ?

C’était du lourd. Du droit administratif international dans toute sa splendeur. Preuve que le rail était avant tout une affaire d’état, pas nécessairement un outil pour attirer le citoyen.

Il y avait d’abord un système d‘inscription des lignes : la plupart des tronçons transfrontaliers était répertorié sur une liste officielle sur laquelle les règles COTIF s’appliquaient. De même, ces règles devaient s’appliquer sur un maximum du kilométrage réseau de chaque pays. Les lignes non-inscrites étaient hors-jeu.

Le droit de transport uniforme créé par la COTIF s’appliquait ainsi sur environ 243.000 km de lignes de chemins de fer ainsi qu’à plusieurs milliers de km de lignes routières (520 en trafic marchandises, 7 000 en trafic voyageurs). Quelques lignes maritimes ont fait partie de la COTIF, vers l’Irlande ou la Grèce notamment.

Un autre critère était la construction d’un trafic international par le biais de deux conférences européennes des horaires chaque année (horaire d’été, horaire d’hiver). Au sein de ces instances, qui se réunissaient 2-3 jours dans un hôtel, « on » décidait de l’ensemble des détails opérationnels : quel type de train, quelle longueur, quel horaire, quelles gares de dessertes. Chaque réseau « signait » chaque train et devait alors mettre en œuvre, sur son propre territoire, toutes les dispositions nécessaires à la bonne exécution du train international : quelle locomotive, quel conducteur, quel accompagnement, etc. C’était donc de la coopération avec libre choix de chacun d’œuvrer sur « son » territoire.

COTIF

Chaque réseau « signait » chaque train et devait alors mettre en œuvre, sur son propre territoire, toutes les dispositions nécessaires à la bonne exécution du train international

Dans les faits

À certaines exceptions près (TEE, Eurocity, TAC), le train international n’était en réalité qu’une addition de trajets nationaux combiné à un « morceau » de tronçon international, ce qui permettait de vendre ces trains comme » internationaux », et ce qui permettait de vendre des billets complets plutôt que multiples. 

Cela donnait concrètement le schéma suivant :

  • Ostende – Hergenrath pour la Belgique ;
  • Hergenrath – Aix-la-Chapelle en tant que tronçon international repris dans la COTIF ;
  • Aix-la-Chapelle-Cologne pour l’Allemagne.

Il en est de même sur Bruxelles-Paris :

  • Bruxelles – Mons – Quévy pour la Belgique ;
  • Quévy – Feignies en tant que tronçon international repris dans la COTIF ;
  • Feignies – Paris Nord pour la France.

Chaque opérateur historique choisissait le type de locomotive à placer et le personnel à fournir. Des dispositions étaient prévues pour rajouter des voitures en période estivales ou de pointe : souvent des voitures vieillottes.

Chaque administration (on ne parlait d’entreprise publique à l’époque), pouvait aussi permettre l’accès – ou non -, des voyageurs nationaux à de tels trains. Les anciens se souviennent que les Bruxelles-Paris étaient interdits aux abonnés domicile travail entre Bruxelles et Mons. Ce n’était pas le cas des Ostende-Cologne, bondés en heure de pointe. En Allemagne, un simple billet permettait d’emprunter « un inter » entre Aix et Cologne. En Suisse, un train international devenait « national » dès son entrée et était intégré dans le cadencement horaire des CFF.

COTIF
Des compositions parfois un peu fourre-tout. Ici le hellas-Express Athènes-Dortmund

Avantage : ce système garantissait la politique sociale de chaque État avec ses multiples réductions de type famille nombreuse, seniors ou encore ancien combattant. Or la définition de ces critères pouvait grandement différer d’un État à l’autre. Trouver un consensus était difficile : c’est ainsi qu’il fut décidé qu’un enfant n’aurait une réduction de 50% que jusqu’à l’âge de 11 ans inclus. Les scandinaves visaient plus haut.

Rien pour les « jeunes », en dehors d’Interrail, dont la répartition des recettes se faisait au prorata… du kilométrage de lignes. Grande gagnante : l’Irlande qui gagnait des sous sans recevoir des masses de jeunes. Grande perdante : l’Italie qui devait digérer toute l’Europe du Nord qui lui tombait dessus. Un exemple flagrant où l’égalité ne signifie pas équité…

Des restrictions diverses sont aussi apparues au fil du temps : il fallait un billet 1ère classe + un supplément spécial pour emprunter le Trans Europ Express. Certains trains qualifiés d’Eurocity dès 1987 n’étaient accessibles aux voyageurs nationaux qu’avec supplément. La Deutsche Bahn appliquait un supplément pour la réservation des places. On trouvait davantage de voitures-restaurant dans certains coins d’Europe que dans d’autres, etc.

Avantages de cette belle époque :

  • Des trains internationaux tout au long de l’année ;
  • Les voitures à long parcours – principalement de nuit -, passaient d’un train à l’autre tout au long de leur trajet ;
  • Des tarifs uniformes toute l’année (mais parfois onéreux) ;
  • Une certaine facilité d’obtention des billets (jadis via des guichets spécialisés) ;
  • Intégration du trafic international dans le trafic national, certes pas partout ;
  • Libre choix opérationnel de l’opérateur historique sur « son » territoire ;
  • Mais par dessus tout : le déficit de ces trains internationaux était internalisé dans le déficit national.

Le déficit de ces trains internationaux était internalisé dans le déficit national.

Les désavantages :

  • Des saisons où on roule quasi à vide sur le tronçon international ;
  • Des trains parfois plein de navetteurs le matin, et un voyage debout avec les valises pour le voyageur international qui s’attend tout de même à autre chose, d’où des plaintes (1) ;
  • Le choix du matériel roulant avec parfois des compositions un peu fourre-tout mais aussi du matériel roulant trop confortable pour les prestations nationales (2) ;
  • Le libre choix de l’opérateur historique en matière de matériel roulant pouvait handicaper l’opérateur voisin sans qu’il n’y ait de recours ou responsabilités.

Et aujourd’hui ?

En 1985, on créait l’Organisation intergouvernementale pour les transports internationaux ferroviaires (OTIF), dont le siège est à Berne. Ce secrétariat très officiel gère la fameuse convention. L’OTIF n’a pas de restriction quant à son champ géographique, et comprend donc des pays bien au-delà du périmètre de l’Europe. De nombreux domaines traités par l’OTIF sont, au cours du temps, devenus de compétence exclusivement communautaire. Le droit communautaire prenant le dessus dès les années 1990-2000, s’est alors posée la question de savoir quel droit primait sur l’autre.

5da15-thalys-nl_nik_morris_cc2bby-nc-sa2b2-0

L’introduction du principe de la liberté contractuelle a changé la donne

Une révision de la COTIF aboutit en 1999 au protocole de Vilnius. De nombreux changements sont apparus, parmi lesquels :

  • L’introduction du principe de la liberté contractuelle comme un fil conducteur dans la révision de la COTIF ;
  • L’application des Règles uniformes indépendamment d’un système de lignes inscrites. Il n’est donc plus nécessaire d’inscrire les lignes ferroviaires pour qu’elles tombent sous l’application des Règles uniformes CIV. Désormais, l’ensemble du réseau ferroviaire est visé sauf exceptions demandées par certains États membres ;
  • La suppression de l‘obligation de transporter, de publier les tarifs, chaque EF pouvant décider librement avec quelles EF (dans son propre pays et au niveau international) et sous quelle forme elle veut coopérer.

Ce sont donc des changements majeurs qui pouvaient faire craindre la fin des subsides en trafic grande ligne et un recentrage des opérateurs publics sur leur coeur de métier. Et c’est ce qui arriva, du moins sur la partie Ouest de l’Europe.

Liberté contractuelle

Preuve de ce changement, la COTIF s’est adaptée au nouveau monde ferroviaire et a remplacé le terme « chemin de fer » par « gestionnaire d’infrastructure » (GI) et « entreprise ferroviaire » (EF). Les Règles uniformes CIV n’imposent plus de transporter ou de publier des tarifs, offrant une liberté contractuelle accrue. Les articles sur les réductions obligatoires pour les enfants sont par exemple supprimés, tout comme les dispositions sur les titres de transport et leur contrôle.

Eurostar et l’ex-Thalys sont par exemple nés de cette flexibilité, formant des groupements selon leurs préférences. La construction des horaires repose désormais sur les demandes des GI (3).

Ce cadre contractuel suscite certaines critiques, notamment sur les effets néfastes comme la fonte du trafic international et la disparition d’une bonne partie des trains de nuit, un trafic plus couvert par des déficits nationaux. Il a incité à envisager un service public européen, mais sa faisabilité juridique est discutable en raison de la nature même de l’Union européenne.

L’UE n’est en effet pas un État et ne peut pas posséder d’entreprises commerciale, ce qui contreviendrait à ses propres directives. C’est quelque chose qui est mal compris par le grand public.

En dehors de ces éléments de droit, la tarification changea aussi. Interrail par exemple, fut transformée en « zones » pour mieux refléter les flux réels d’interrailistes. Cette fois, l’Irlande n’aurait l’argent que si on voyage chez elle. Et l’Italie engrangeait davantage de recettes avec les fros flux venant du Nord. Aujourd’hui, le pass est digitalisé et tout est réparti voyage par voyage.

Mais c’est surtout l’appartion d’une tarification globale qui fut le plus grand changement. Thalys, Eurostar, TGV Lyria, Thello et d’autres proposèrent des tarifs basés sur le yield management qui ne reprenaient plus les critères « famille nombreuse » ou « ancien combattant », jugé obsolète en ces temps bien loin de la Seconde guerre mondiale.

Prié de faire mieux avec moins d’argent public, les opérateurs doivent désormais jouer sur deux tableaux :

  • mieux couvrir les coûts des grands trains, puisqu’ils ne sont plus subsidiés (c’est d’ailleurs une demande des États eux-mêmes) ;
  • proposer des tarifs susceptibles d’atténuer l’impact de l’aviation low cost sur un large public.

Quelles solutions ?

La politique de volume, nécessaire pour retirer des voyageurs des avions, n’incite plus à faire gambader quelques modestes voitures-couchettes d’un train à l’autre comme jadis à l’autre bout de l’Europe, jusqu’à Stockholm ou Athènes. Coûteux et sans incidence notoire sur l’aviation. Il faut de gros flux et, là où c’est pertinent, de la grande vitesse comme sur Paris-Bruxelles-Amsterdam, Paris-Londres, Berlin-Munich, Milan-Rome ou encore Barcelone-Madrid.

Il faut aussi de la qualité à tous les étages, de la billetterie facile au confort et service à bord. De la flexibilité aussi pour échanger, avec quelques limites. Le public est diversifié et une partie – probablement majoritaire -, n’entend pas se déplacer en camping sur rail au nom du sauvetage de la planète. Le train doit faire mieux que l’avion. On voudrait y croire, mais…

La simplification de la billetterie est un chantier indispensable mais pour cela, il faudrait un cadre législatif qui – à la fois -, incite à partager les données tout en les protégeant des vautours mondiaux. Pas simple. Pourtant l’aviation y arrive sans réels problèmes, y compris au travers de vendeurs alternatifs.

Et puis il faut concentrer les coûts, un vilain mot chez beaucoup de personnes. Ouigo a montré la voie, même si ce n’est pas le train rêvé de tous. Flixtrain fait de même en Allemagne. Comment on y arrive ? En revoyant toute le processus d’exploitation, en éliminant les temps mort, avec des trains qui roulent beaucoup plus de la journée, en opérant la maintenance de nuit. 

Enfin et surtout, le trafic international n’étant plus « une addition de trains nationaux », ce trafic n’est plus subsidié comme jadis. Faut-il justement y revenir ? Qu’on ne s’y trompe pas : ce sont les États qui n’en veulent pas, estimant que leur rôle, c’est le transport au quotidien, les RER et TER, pas les chipettes à Prague ou scéances bronzette au fin fond de l’Europe. La discours a le mérite de la clarté : les loisirs, vous les payer vous-mêmes !

Pessimiste ? Non. Aujourd’hui, rien n’empêche des opérateurs de conclure des accords de trains internationaux. Pour les opérateurs publics, il faut juste convaincre la tutelle et trouver « le bon produit ». Les ÖBB l’ont fait. Trenitalia aussi… 🟧

__________

(1) Cas des Ostende-Bruxelles-Cologne le matin en heure de pointe, avec des voitures I6 à compartiments pas du tout conçus pour les pointes matinales ! Inversement, l’auteur de ces lignes se souvient de ces voyageurs domicile-travail autrichiens debout dans le couloir d’une voiture-couchette Venise-Vienne. Le règlement intérieur ÖBB le permettait…

(2) Un décalage important pouvait apparaître pour les voyageurs du quotidien en matière de confort, selon qu’on prenne un train régional national ou un « inter » plus confortable, d’où une politique de restriction d’accès très variée et quelque peu illisible. L’auteur de ces lignes se souvient avoir voyagé dans une voiture-couchettes Nice-Amsterdam quasi vide le matin entre Mons et Bruxelles : ce n’était pas interdit, mais pas non plus vraiment permis !

(3) Eurostar (en 2010) et Thalys (en 2017), étaient devenues des EF qui devaient demander elles-mêmes leurs propres sillons horaires à SNCF Réseau ou Infrabel par exemple. C’est toujours le cas actuellement.

COTIF

Articles similaires :

Questionnement à propos de la coopération ferroviaire
21/02/2022 – Le retrait de la SNCF de la coopération Elipsos avec son voisin Renfe fait ressurgir un sujet qui agite depuis longtemps le milieu ferroviaire, dans une Europe qui promeut un espace unique pour faire circuler ses trains. Comme souvent, il y a lieu de bien distinguer les choses avant de tirer des conclusions.


Comment le train a raté Barcelone
07/01/2024 – 70 vols, 9.200 places et 8 villes desservies en direct rien que pour la France un dimanche d’hiver, on comprend à quel point l’aviation se régale de la destination Barcelone. Où est le train à l’international dans cette ville classée au top 10 mondial ? On tente de comprendre…


Les vraies recettes pour un bon train de nuit
21/01/2024 – Le train de nuit s’invite un peu partout dans les médias. Il serait, dit-on, la recette à un transfert modal réussi. Vraiment ? Tout dépend de l’approche développée. C’est ce qu’explique cet article où il est question d’un hôtel qui roule et d’un tas de petites choses auxquelles il faut penser pour réussir.


Usager ou client ? L’éternelle dichotomie
18/02/2024 – Le monde d’après-guerre fut en partie reconstruit avec les idées d’avant, où une certaine forme de soumission des citoyens par rapports à leurs services publics était la norme. Mais dans une société contemporaine qui valorise l’individualisme, l’entre-soi et le choix de sa consommation, ce pacte tacite a…


Qu’est-ce qui fait l’attractivité d’une ville ?
16/04/2024 – Qu’est-ce qui fait réellement l’attractivité d’une ville ? Avant tout pour ce qu’elle représente, pour son rayonnement international, pour ses offres diversifiées, sa qualité de vie. Mais surtout grâce à un transport en particulier. Explications


Danemark-Suède : trois projets pour une seconde traversée de l’Öresund


23/04/2024 – Par Frédéric de Kemmeter – Signalisation ferroviaire et rédacteur freelance
Inscrivez-vous au blog

🟧 Nos brèves quotidiennes 🟧 Notre lexique ferroviaire 🟧 Nos newsletters 🟧 Nos fiches thématiques

La région Öresund-Malmö-Copenhague est l’une des plus prospère avec des centres économiques importants. Mais le futur tunnel du Fehmarn Belt risque de congestionner le pont de l’Öresund. Trois projets de nouvelles traversées se disputent le soutien politique : le tunnel HH, le métro Malmö-Copenhague et Europaspåret.

La région d’Öresund (Malmö-Helsingör-Copenhague), avec ses 4,1 millions d’habitants, est l’une des plus dynamiques et des plus prospères de la région nordique. Copenhague et Malmö sont toutes deux des centres économiques majeurs qui comptent de nombreuses entreprises dans divers secteurs, notamment la technologie, la médecine, le design et la finance. Les deux villes disposent également de ports importants, ce qui en fait d’importantes plaques tournantes pour le commerce et la logistique.

Le pont de l’Öresund, inauguré en juillet 2000, relie Malmö et Copenhague et joue un rôle clé dans le renforcement de l’intégration et de la coopération entre les deux villes et les régions environnantes. Le pont, à la fois routier et ferroviaire, a également favorisé la mobilité de la main-d’œuvre et les relations commerciales de part et d’autre du détroit, ce qui a renforcé le développement économique de la région.

Trafic explosif à la suite du Fehmarn Belt ?

Le tunnel du Fehmarn Belt entre le Danemark et l’Allemagne est un projet en cours et sensé être ouvert en 2029. Si ce projet a toutes les faveurs du Danemark et de la Scandinavie, il a été reconnu que cela nécessiterait davantage de capacité et de redondance pour le trafic ferroviaire à travers l’Öresund. Depuis son inauguration il y a 24 ans, le trafic automobile et ferroviaire sur le pont de l’Öresund se déroule sans réels encombres. Mais lorsque le tunnel du Fehmarn Belt sera achevé dans cinq ans, le pont risque de devenir un goulet d’étranglement, notamment pour le trafic de marchandises, qui devrait fortement augmenter.

Öresund

Lorsque le tunnel du Fehmarn Belt sera achevé, le pont de l’Öresund risque de devenir un goulet d’étranglement

Il y a aussi des considérations sécuritaires. « « Il n’y a pas d’alternative si quelque chose devait arriver sur le pont de l’Öresund, ce qui nous amène bien sûr à des considérations de politique de sécurité, qui sont devenues de plus en plus importantes ces derniers temps » explique Stina Nilsson, responsable de l’aménagement du territoire à l’administration suédoise des transports.

Une inquiétude s’est donc fait jour quant au fait que la Suède et le Danemark ne sont pas encore parvenus à s’entendre sur la manière de faire face à l’augmentation du trafic ferroviaire à travers l’Öresund à l’avenir. Prochainement, l’Administration suédoise des Transports déposera ses conclusions dans une enquête sur la capacité de l’actuel pont de l’Öresund. Le rapport indique qu’il est nécessaire d’augmenter la capacité de la traversée de l’Öresund pour faire face à l’augmentation attendue du trafic dû à la construction du tunnel du Fehmarn Belt.

Trois projets différents ont été proposés pour répondre à ce besoin : le tunnel HH entre Helsingborg et Elseneur, un tunnel entre Malmö et Copenhague et la voie Europa entre Landskrona et Copenhague. Deux projets sont principalement portés par trois municipalités de la région de Scanie, en Suède.

Öresund
Carte conçue par Anna Byström, du quotidien Dagens Industri

Au Danemark en revanche, le débat sur une deuxième liaison est plus modéré et moins enthousiaste. En effet, le pays veut s’assurer que tout nouveau projet soit respectueux de l’environnement et soit durable au plan financier. Des considérations politiques et des priorités différentes font qu’il est difficile pour le Danemark de soutenir aujourd’hui pleinement une nouvelle liaison. Entre autres craintes : le passage d’un grand flux de fret n’apportant que des nuisances à la région de Copenhague. Et puis, entre le Danemark et la Suède, on tient à marquer sa différence…

Le projet HH

La liaison HH, envisagée depuis les années 1960 (voir 1866 selon certains…), est le plus ancien projet de tunnel routier et ferroviaire entre Helsingborg (Suède) et Elseneur (Helsingør, Danemark). HH est un réseau de plus de 40 municipalités, régions, entreprises et organisations commerciales et d’intérêt qui travaillent à promouvoir un nouveau lien sec. Ses partisans soulignent que la distance entre les deux pays est ici la plus courte, ce qui signifie que le coût de construction serait le plus bas.

La carte ci-dessous montre le projet routier (en bleu) et le projet ferroviaire (en vert).

Öresund

HH a fait l’objet de nombreux rapports depuis 1967 mais lors d’une réunion en mai 2022 entre les deux ministre des Transports, le Danemark a rejeté la proposition HH. Le veto danois serait justifié par le fait qu’une telle solution nécessiterait d’importants investissements ferroviaires entre Copenhague et Helsingør, avec un gros charrois marchandises qui aurait beaucoup d’impact au nord de Copenhague. Et qui forcément suscite des craintes.

La différence d’approche entre le Danemark et la Suède est très claire ici. Le Danemark envisagerait plutôt un pur tunnel autoroutier « éventuellement » complété par un tunnel plus petit uniquement pour les trains régionaux du S-Tog, le RER danois. Le train semble côté danois une option plutôt qu’un premier choix, et cette option serait locale plutôt qu’internationale. La preuve avec le second projet.

Öresund Metro

C’est un projet plus récent et de plus en plus populaire : un tunnel « ferroviaire » entre Malmö et Copenhague, reliant Malmö au réseau de métro de la capitale danoise. Selon ses promoteurs, c’est une aire de 2,3 millions d’habitants qui bénéficierait d’un temps de trajet d’environ 20 minutes entre Malmö et Copenhague et des départs toutes les 90 secondes. Un métro international qui ne peut  donc servir qu’au transport de personnes, et qui libérerait davantage de capacité sur le pont pour le transport de marchandises.

Öresund

« Il s’agit d’une option qui a été spécifiquement mentionnée dans des décisions et des études danoises. Un embranchement possible de la future ligne de métro de Copenhague vers Malmö figure sur l’une des cartes« , explique Johan Wessman, directeur général de l’Institut de l’Öresund.

Ce projet répond davantage aux préoccupations danoises et singulièrement de la ville de Copenhague

La ville de Copenhague devrait prendre en effet une décision sur la préparation d’une nouvelle ligne de métro avec un embranchement « vers la mer », afin de pouvoir construire la ligne vers la Suède à l’avenir. Ce projet répond davantage aux préoccupations danoises et singulièrement de la ville de Copenhague, bien plus étendue que ses consœurs de Malmö et Helsingborg. Il n’est cependant pas clair comment Malmö pourrait accueillir ce métro, ni comment il serait financé côté suédois.

Un premier coup d’œil montre que les projets HH et Öresund Métro excluent d’emblée le fret, prié de ne traverser le détroit que par l’actuel pont de 2001. Mais l’opérateur ferroviaire suédois SJ n’est pas non plus favorable à ses deux projets sous l’angle du trafic grande ligne : « Il n’est pas possible que des trains longue distance ou des trains de marchandises circulent dans un métro ou le projet de tunnel HH sous l’Öresund« , souligne-t-on au NewsØresund. Or le train est censé être une alternative à l’avion, alors que les projets HH et Öresund Métro ne sont que locaux.

Europaspåret

Ce troisième projet est soutenu par une ville un peu oubliée et pourtant située juste en face de Copenhague : Landskrona. Ce projet comporte une liaison routière et ferroviaire fixe entre les deux villes et est principalement porté par des politiciens locaux. Il est généralement considéré comme le projet le moins probable, notamment parce qu’il nécessite d’importants investissements du côté danois, sous la forme d’un nouveau tunnel sous Copenhague dont on peut douter qu’il ait les faveurs de la ville.

Öresund

Mais même si le projet n’est pas considéré comme bénéficiant d’un soutien politique suffisant, il s’agit de la seule alternative qui inclut actuellement le trafic marchandises et qui répond à la modernisation du corridor européen RTE-T Scandinavie-Allemagne. Or ce type de travaux pourrait bénéficier de fonds européens, ce qui serait moins le cas avec les projets locaux HH et Métro.

Malmö, de son côté, observe les débats et se contente d’absorber le trafic du pont actuel. La ville dispose d’un contournement ferroviaire lui permettant de faire transiter le trafic fret, ce que Copenhague n’a pas.

Les trois alternatives pour une nouvelle liaison fixe procèdent donc d’initiatives de la région de Skåne (Scanie), et ont un support important en Suède. La prochaine enquête de l’administration suédoise des transports devrait fournir une perspective nationale sur la nécessité de nouvelles connexions à travers l’Öresund. Une enquête très attendue, tout comme la réaction danoise… 🟧

Öresund

Articles similaires :

Autriche : vision d’avenir en trois tunnels et lignes nouvelles
18/03/2024 – La division ÖBB-Infrastruktur travaille actuellement sur plus de 100 projets le long de ce qu’on appelle en Autriche la ligne sud, qui fait partie du corridor Baltique-Adriatique. Près de 200 kilomètres de lignes ferroviaires sont modernisés tandis que 170 kilomètres sont construits. Cette route comportera dans le…


InterCity Oslo : tunnels, ponts et grande vitesse pour gagner jusqu’à une heure de trajet
09/01/2023 – La Norvège, où beaucoup de lignes sont à voie unique, compte dédoubler 3 axes majeurs au départ d’Oslo. Dans un environnement serré et tourmenté, on va rectifier des tracés avec plusieurs ponts et tunnels et rouler à 250km/h là où c’est possible. Des travaux à milliards pour parfois gagner…


Un chantier ferroviaire pas comme les autres : le Y-Basque en Espagne
12/02/2023 – La nouvelle ligne à grande vitesse Vitoria – Bilbao – Saint-Sébastien – frontière française, en réalité appelé Y-Basque, fait partie de la branche atlantique du projet prioritaire n° 3 de l’Union européenne, et concerne en territoire espagnol la ligne Madrid – Valladolid – Vitoria – frontière française. L’occasion de faire le point sur ce long chantier.


Le train intelligent n’existe pas sans infrastructures
08/11/2021 – On croit parfois que le train intelligent suffirait à résoudre certains des problèmes de l’exploitation ferroviaire. Cependant, ce train n’aura aucun impact s’il n’y a pas d’infrastructures top niveau, ce qui suppose que demain il y aura encore du béton…


Copenhague : le RER fête déjà ses 90 ans
09/04/2024 – Copenhague, capitale du Danemark d’1,3 million d’habitants, est doté d’un réseau RER de 170 km de double voie et de près de 84 gares. Les sept lignes fournissent un trafic de plus de 1000 trains transportant 357.000 voyageurs par jour de semaine. Ce RER fête ses 90 ans et c’est l’occasion d’y jeter un oeil.


InfrastructureLe train écolo, c’est aussi des travaux !
16/11/2020 – 2021 sera l’Année du Rail en Europe. Cela implique pas seulement des trains modernes mais aussi de bonnes infrastructures ferroviaires. Certains estiment que ce n’est pas toujours nécessaire. En 2017, 27 % des émissions totales de gaz à effet de serre de l’UE-28 provenaient du secteur des transports (22 % si l’on exclut les émissions de l’aviation et du transport maritime internationaux).


L’Interporto, un outil pour créer les conditions du transfert modal

Par Frédéric de Kemmeter – Signalisation ferroviaire et rédacteur freelance – Inscrivez-vous au blog
06/12/2021 –
(English version)
🟧 Nos brèves quotidiennes 🟧 Notre lexique ferroviaire 🟧 Nos newsletters 🟧 Nos fiches thématiques

Il est trompeur de penser que la simple construction d’une infrastructure ferroviaire dans une zone économique peut générer un processus de croissance économique. Il faut des installations plus complètes et un tissu industriel tout autour. C’est ce que nous montre l’exemple italien avec son concept Interporto.

Le modèle régional italien a longtemps été original en Europe, car à mi-chemin entre le modèle centraliste et le modèle fédéral des Länder allemands. Dans les divisions territoriales officielles, les régions du nord de l’Italie par exemple sont très différentes les unes des autres, notamment en ce qui concerne les caractéristiques des institutions locales et sociales. 

La particularité italienne en matière d’organisation logistique du territoire est qu’il s’agit d’une politique nationale décidée au travers de plusieurs lois édictées entre 1990 et 2002.  Mais le développement économique particulier de l’Italie a en réalité débuté après la Seconde Guerre mondiale, avec un agencement des structures sociales et institutionnelles, une répartition du capital physique et humain et leur évolution ultérieure qui ont déterminé dans les années 80 la consolidation d’un modèle aux caractéristiques particulières et au potentiel de croissance élevé même en l’absence de grandes entreprises « leaders » dans la région.

Le cas italien, atypique, avec ses régions « à statut spécial » dotées d’un solide réseau bancaire régional, nous montre un modèle puissant et créatif, où les PME dominent l’espace économique.

Un environnement complet
Les Italiens ont également fait preuve d’une certaine maturité intellectuelle. Par exemple, il ne suffit pas d’investir dans le rail pour générer du trafic. Le développement des infrastructures doit nécessairement répondre aux besoins exprimés par l’industrie locale et le contexte dans lequel l’infrastructure est située. A ce titre, les régions italiennes révèlent souvent de grandes différences entre elles, ce qui stimule leur compétitivité. 

C’est un aspect très intéressant lorsqu’on analyse l’écart entre le sud de l’Italie et le centre-nord de l’Italie, en ce qui concerne les installations « interporto », dont les causes sont beaucoup plus profondes et complexes que le déficit d’investissements ferroviaires qui caractérise la région.  Il est trompeur de penser que la simple construction d’une infrastructure ferroviaire dans une zone économique faible peut générer un processus de croissance économique en l’absence d’un contexte productif « fertile » sur lequel fonder le développement. Pour remplir des trains, il faut des acteurs, des investisseurs et des usines.

startup

L’une des caractéristiques concrètes de cette politique est l’implantation de nombreux ‘Interporto’ (ports secs), sur tout le territoire italien.

Actuellement, l’Etat définit la planification générale, les règles de financement et de gestion tout en laissant aux acteurs locaux (administrations territoriales, CCI) la mise en oeuvre. Une politique qui montre toute sa souplesse et un extraordinaire dynamisme. Un vaste mouvement public/privé soutient fermement une économie régionale exportant dans toute l’Europe.

Le rôle et la fonction des ‘Interporto’ ont été interprétés de différentes manières au cours des années, malgré le fait que la loi 240/1990 (art. 1) donne une définition explicite du « village de fret ».

Le village de marchandises à l’italienne est une infrastructure complexe couvrant des surfaces allant de milliers de mètres carrés à des millions de mètres carrés, dont la fonction est d’accueillir des entreprises de logistique et de transformation qui ont besoin d’effectuer des traitements finaux à petite échelle (emballage, personnalisation, etc.), d’intégrer, au moyen d’infrastructures et d’infostructures, différents modes de transport, et d’offrir une large gamme de services.

Ces ‘interporti’ doivent de facto, selon la loi, comporter une gare intermodale. Le cadre réglementaire établit en effet certaines exigences comme les liaisons ferroviaires directes avec le réseau ferroviaire national grande ligne et l’existence d’un terminal ferroviaire intermodal, apte à former ou à recevoir des trains complets, conformément aux normes européennes, capable de fonctionner avec un nombre d’au moins dix paires de trains par semaine. Ils ont aussi différentes zones destinées, respectivement, aux fonctions de transport intermodal, de logistique d’approvisionnement, de logistique industrielle, de logistique de distribution et de logistique de distribution urbaine. Le village de fret peut donc être considéré comme une sorte de « port » à l’intérieur du territoire, d’où ne partent et n’arrivent pas les navires, mais les trains et/ou les camions.

Développements
Ces dernières années, la réalité interportuaire, principalement due au fait que le développement de l’intermodalité est devenu la règle et non plus l’exception, a connu des changements qui ont permis aux ‘Interporti’ de développer une large gamme de services qui leur ont permis d’atteindre une plus grande compétitivité, leur permettant dans de nombreux cas d’acquérir un haut niveau de spécialisation dans leur offre.

Le plus grand ‘Interporto’ est celui Vérone-Quadrante Europa. En 2019, environ 28 millions de tonnes de marchandises y ont transité, dont 8 millions par train (28,6% de part modale), dont la plupart étaient des flux intermodaux. Cela a représenté 15.950 trains comptabilisés, soit une moyenne de 53 trains/jour.

Voilà comment l’état devient stratège, sans se mêler de la nature du béton ou des propriétaires d’entrepôts. Ces structures et services sont financés par des capitaux publics et privés locaux et régionaux. Il va de soi que l’activité ferroviaire n’est pas réservée à l’unique entreprise étatique nationale, Mercitalia, mais à une variété d’opérateurs ferroviaires selon la demande et la construction des flux logistiques.

L’exemple italien nous montre donc que par des lois formellement établies, une économie peut bifurquer vers le transfert modal, pourvu qu’on lui en donne les moyens. Il ne s’agit pas de décider au travers du centralisme politique mais de transférer les responsabilités aux autorités régionales, qui connaissent mieux que quiconque l’environnement politique et économique de leur région. L‘Interporto’ est ouvert à tous les opérateurs de fret ferroviaire, ce qui est une preuve de maturité pour transférer davantage de volumes de marchandises vers le rail.

Digital

06/12/2021 – Par Frédéric de Kemmeter – Signalisation ferroviaire et rédacteur freelance
Inscrivez-vous au blog

Pour approfondir :

LogistiqueComment le rail devrait se reconnecter à la logistique
09/11/2020 – Comment le rail peut-il augmenter ses parts de marché ? En optant davantage pour une orientation logistique



OBORComment une région peut dynamiser une économie favorable au train. L’exemple du nord italien
22/07/2020 – Comment les ports et les régions du nord de l’Italie peuvent-ils être aussi dynamiques ? Grâce à une régionalisation de la politique économique qui porte ses fruits dans une des régions les plus riches d’Europe.


RCAComment le train peut s’adapter à la logistique contemporaine
23/10/2017 – Depuis des années, le fret ferroviaire se bat pour sa survie. Il a décliné en France, il remonte ou se stabilise ailleurs. En ligne de mire : la logistique de distribution d’aujourd’hui qui demande une politique centrée sur le client et une réactivité pour laquelle le rail est mal adapté. Décryptage et propositions de remèdes…


Containers trainFret ferroviaire : pose-t-on les bonnes questions ?
19/08/2018 – David Briginshaw, éditorialiste de renom à l’International Railway Journal, signe un éditorial pessimiste dans l’édition du mois d’août. Il n’a pas tort. Intitulé « Les temps ne sont plus du côté des opérateurs de fret ferroviaire », cette chronique est un compte rendu de la Conférence de juin à Gênes. Qu’avons-nous appris lors de cette grande messe ?


ERA_Europe_RailwaysCinq exemples qui font gagner des clients au fret ferroviaire
26/11/2020 – Le fret ferroviaire peut aussi montrer qu’une bonne organisation logistique ainsi que des nouveautés technologiques permettent de lui faire gagner des clients. Démonstration.


Chemin de fer : plus de technologie et moins de procédures

Par Frédéric de Kemmeter – Signalisation ferroviaire et rédacteur freelance – Inscrivez-vous au blog
29/11/2021 –
(English version)
🟧 Nos brèves quotidiennes 🟧 Notre lexique ferroviaire 🟧 Nos newsletters

Il existe une tendance « naturelle » à considérer la technologie ferroviaire comme arriérée, consanguine et à la fois résistante et lente à adopter les innovations des autres industries. En réalité, au-delà de la technologie, le rail doit aussi faire un saut qualitatif en éliminant cette tendance à étouffer le progrès par une montagne de procédures, mettant parfois en péril les attentes que l’on attendait d’une innovation.

C’est un fait : la voiture électrique existe depuis 130 ans… au travers du métro, du tramway puis du train électrique. L’utilisation de l’énergie verte n’est plus un défi pour le chemin de fer depuis longtemps. Aujourd’hui des trains roulent à 320 km/h de manière régulière grâce à un fil suspendu à plus de 5m au-dessus des voies. De même, des trains de 3.000 tonnes sont régulièrement mis en circulation en Europe avec une seule locomotive électrique, n’émettant pas les milliers de tonnes de CO2 de nos amis américains, brésiliens ou australiens.

La production d’électricité est évidemment à prendre en compte, car il y a une différence majeure entre des pays d’industrie nucléaire comme la France et des pays « charbon » comme l’Allemagne ou la Pologne.

Mais le sujet le plus important n’est pas de savoir si le train est plus vert que ses concurrents de l’aviation ou de la route. Le vrai sujet, c’est l’accélération des progrès technologiques des concurrents, boostés par des milliards en recherche et développement que le rail n’a pas.

Des milliards en recherche et développement
Selon l’Association des constructeurs européens d’automobiles (ACEA), le secteur automobile est le premier investisseur de l’UE dans la recherche et le développement (R&D), dépensant 62 milliards d’euros par an pour l’innovation. Dans le top 10, on trouve également les secteurs du matériel et des équipements technologiques et des équipements électroniques et électriques qui dépensent ensemble plus de 27 milliards en R&D, tandis que le secteur de l’aérospatiale et de la défense dépense 8 milliards d’euros. Mauvaises comparaisons ?

Oui, si on tient compte que ces secteurs atteignent indifféremment 100% de la population d’une manière ou d’une autre, par le biais de nos appareils ménagers, nos smartphones, de notre consommation mais aussi pour nos déplacements quotidiens. Il est donc fatal que le train ne soit qu’une réponse partielle à nos besoins, ce qui indique qu’on ne le retrouve pas dans le top 10.

Mais cette comparaison peut prendre tout son sens quand on analyse d’un peu plus près le fonctionnement de ces secteurs. La principale chose est leur internationalisation. Aviation et automobile parlent une seule langue et partagent des valeurs communes à l’échelle de la planète, tout en se faisant concurrence au niveau de leurs réseaux de vente et de leurs produits.

De l’usine à l’entreprise digitale
Dans un monde où le développement agile, le déploiement rapide et l’échelle illimitée sont la nouvelle normalité, de nombreux constructeurs automobiles sont en passe de transformer leur culture d’entreprise, passant du statut d’usine métallurgique à celui d’entreprise technologique axée sur les logiciels. La digitalisation peut aider les constructeurs automobiles à réussir leur parcours de transformation numérique.

Le secteur est fortement aidé par une nuée de petite startups plus innovantes les unes que les autres, ce qui manque cruellement aux chemins de fer. Armé d’un lobbying de très haut niveau, le secteur automobile est donc en passe de faire valoir ses atouts et de démonter son aptitude à être une des solutions pour atteindre les objectifs climatiques nationaux.

Le risque est grand de voir apparaître des solutions décarbonées automobiles plutôt que ferroviaires. On se retrouverait alors dans la même situation que les années 1950, quand le rail fut relégué dans son petit coin alors que l’automobile répandait au sein de la population son nouveau way of life.

Alléger les procédures
Il est clair que le chemin de fer évolue en ordre dispersé et n’a pas toujours des ressources dont disposent l’aviation et l’automobile. Le fait d’être un transport utilisant en partie l’énergie verte (l’électricité) et d’être un transport guidé (charges lourdes, grande vitesse), milite pour qu’on donne au transport ferroviaire une priorité majeure. On trouve cependant des raisons d’espérer.

Une première avancée nous vient par exemple de l’Agence ferroviaire de l’Union européenne (ERA), qui est désormais l’organisme de certification unique de l’Europe pour l’autorisation des véhicules, la certification de sécurité et l’approbation ERTMS au sol, en remplacement des anciennes agences de certification nationales de l’UE.

Ce changement vise à simplifier les processus et à réduire les coûts administratifs pour l’industrie ferroviaire en offrant un « guichet unique » aux fabricants ferroviaires et aux opérateurs internationaux, leur permettant de demander l’approbation dans chaque État membre simultanément, plutôt que pays par pays.

Pour obtenir les certificats de sécurité uniques (CSU) par exemple, un nouveau formulaire est prescrit par l’Agence ferroviaire européenne (ERA) et est reconnu par les autorités nationales (méthode de sécurité commune). Récemment, grâce à ce nouveau formulaire, l’opérateur suisse BLS Cargo a obtenu son CSU pour les cinq prochaines années, en coopération avec les autorités nationales de Suisse, d’Allemagne, d’Autriche et d’Italie, ce qui constitue un grand pas en avant et répond à une demande forte des opérateurs ferroviaires.

Il s’agit donc d’un progrès rendu possible par l’élimination des procédures, qui est devenu le point focal dans deux autres domaines.

Le premier concerne l’installation à bord d’une locomotive des systèmes de sécurité nécessaires pour évoluer dans un groupe de pays donné. Jusqu’ici cette installation est toujours très lourde et immobilise inutilement une locomotive en atelier pendant des jours, si pas des semaines.

Pour aller plus vite, la startup belge The Signalling Company tente de mettre au point le « téléchargement » à bord (en une nuit), d’un système de sécurité complet d’un pays. Cela permettrait à la locomotive louée d’être prête à l’emploi le lendemain pour une nouvelle mission. Ce téléchargement serait prévu sous forme d’une « app » aussi simple que celles sur votre smartphone. On attend les résultats pour 2022.

Il sera surtout intéressant de voir quel accueil cette innovation recevra au sein des organismes de sécurité.

Le second exemple est l’ETCS, dont on parle depuis 20 ans. Son implantation est coûteuse de sorte qu’on n’utilise pas ces nouvelles technologies sur les lignes qui en ont le plus besoin : les petites lignes à faible trafic.

L’idée d’éliminer un maximum de câbles et d’actifs à entretenir a produit le concept de blocs virtuels fixes (environ 5km) associé avec la technologie bien maîtrisée des compteurs d’essieux dans les petites gares où les voies se croisent. Cet ETCS de niveau 3 « régional » fait l’objet de tests en Italie en vue d’écrire les spécifications techniques valables pour tout le monde en Europe. Là aussi les résultats sont attendus prochainement. Le but est d’accélérer l’implantation du système et d’éliminer les lourdeurs traditionnelles.

Tout cela montre que même s’il semble improbable que le chemin de fer soit inondé à l’avenir de milliards en recherche et développement, une première démonstration de son efficacité serait d’éliminer les procédures inutiles ainsi que les égos nationaux, et de prouver que les innovations citées ci-dessus (il y a encore d’autres exemples), répondent tout aussi valablement aux critères de sécurité.

Il faudra cependant que le chemin de fer puisse lui aussi bénéficier d’un environnement de startup actives dans de nombreux domaines pour faire reculer l’horizon technologique et se montrer à la hauteur des autres transports.

Il faudra que les chemins de fer fassent davantage confiance à certaines propositions technologiques qui pourraient s’avérer prometteuses à moyen terme. Même si ce n’est pas une idée cheminote à la base…

Digital

29/11/2021 – Par Frédéric de Kemmeter – Signalisation ferroviaire et rédacteur freelance
Inscrivez-vous au blog

Pour approfondir :

ETCS Niveau 3 régional : expériences en Italie
04/10/2021 – On parle depuis longtemps de l’ETCS et de son implémentation. Jusqu’ici, le sol et le bord ont bénéficié de l’ETCS niveau 2. Mais pour des lignes régionales, une formule allégée de l’ETCS de niveau 3 pourrait être une solution.



Télécharger la mise à jour de l’ETCS ou l’interface nationale comme une application ?
30/08/2021 – C’est ce qu’envisage sérieusement The Signalling Company, une joint-venture créée en 2019 entre deux sociétés belges – ERTMS Solutions et l’opérateur fret Lineas. Elle met au point une nouvelle application mobile qui déclinera le système belge de classe B (TBL1+) à télécharger selon les besoins d’un opérateur ferroviaire. Mais aussi des mises à jour de l’ETCS…


Numérique : l’indispensable adaptation du rail avec l’humain comme objectif
05/07/2021 – Prenons le temps de la pause et réfléchissons. Le vieux chemin de fer est entré dans un XXIème siècle technologique et de plus en plus digital. Personne n’y croyait dans les années 70 et 80, persuadé qu’une technique du XIXème siècle était vouée au déclin irréversible. Il y a pourtant toutes les raisons de croire que ce secteur peut parfaitement accaparer les bouleversements en cours. Mais sans oublier d’y inclure la dimension humaine.


FRMCS-GSM-RFRMCS, une clé pour l’ERTMS et la numérisation du rail
29/03/2021 – Devenu obsolète, le GSM-R n’est plus l’avenir de la transmission des données ferroviaires. Le FRMCS devra le remplacer en tenant compte des dernières normes mondiales des transmissions de données.


Grande-Bretagne : le projet HS2 amputé de sa branche Est

Par Frédéric de Kemmeter – Signalisation ferroviaire et rédacteur freelance – Inscrivez-vous au blog
22/11/2021 –
(English version)
🟧 Nos brèves quotidiennes 🟧 Notre lexique ferroviaire 🟧 Nos newsletters

Le projet britannique de réseau à grande vitesse HS2 subit une cure d’amaigrissement importante dans la partie vers les Midlands. Les autorités entendent édifier la politique ferroviaire vers le transport local et régional de cette région. Mais avec quel argent ?

Commençons par planter le décor de cette saga ferroviaire britannique. HS2, le projet d’infrastructure le plus important et le plus controversé du Royaume-Uni, est un ensemble de lignes nouvelles ferroviaires à grande vitesse entre Londres et les grandes villes des Midlands et du nord de l’Angleterre, pour rejoindre des villes comme Birmingham, Manchester et Leeds. Les travaux ont déjà commencé sur la première phase, qui relie Londres et Birmingham.

L’étape suivante, appelée 2a, prolongera la ligne jusqu’à Crewe. Et la dernière phase devait amener HS2 à Manchester et Leeds. Malheureusement, à ce stade, le HS2 a dû faire face à des retards et à des inquiétudes croissantes concernant la spirale des coûts, ce qui a créé une grande incertitude politique sur le projet.

Le coût de HS2 était initialement estimé à 39 milliards d’euros, mais en 2013, cette estimation fût revue pour la première fois avec une hausse de 12 milliards d’euros. À l’époque, le ministère des transports avait déclaré qu’il n’aurait pas nécessairement besoin d’utiliser la totalité du budget de 51 milliards d’euros. Depuis lors, les coûts n’ont cessé d’augmenter. Une étude commandée par le gouvernement en 2019 a estimé que la dépense finale pour le réseau HS2 pourrait atteindre la somme astronomique de 126 milliards d’euros, soit plus de trois fois le budget initial.

HS2
Les travaux entre Londres et Birmingham sont entamés (photo Bob Walters via licence on geograph.org.uk)

Pourquoi une telle spirale des coûts ?
Essentiellement en raison de problèmes de gestion et d’évaluations foncières irréalistes qui ont fait exploser les coûts. Selon certaines sources, un grand nombre de propriétés n’avaient même pas été évaluées à leur juste valeur. En outre, des études approfondies du sol n’ont pas été réalisées, ce qui a entraîné de gros coûts additionnels dû à des problèmes de creusement et d’excavation.

Alors qu’on entend souvent que des efforts importants sont faits en matière d’investissements ferroviaires, les Britanniques devaient en réalité constater que le Trésor a toujours cherché à freiner les dépenses d’infrastructure dans un contexte d’inquiétude générale quant aux coûts de HS2. L’examen Oakervee a déclaré en 2018 que HS2 devrait être construit dans son intégralité, mais a averti que la facture finale pour l’ensemble du réseau pourrait atteindre 106 milliards de livres sterling.

Dans une interview accordée en octobre, le secrétaire d’État aux Transports Grant Shapps enfonçait le clou en déclarant qu’il n’avait pas l’intention de « suivre aveuglément des plans élaborés il y a 20 ans ». Il a ainsi suggéré qu’il faudrait peut-être repenser le projet de train à grande vitesse entre Birmingham et Leeds.

Cela a conduit à la réalisation d’un nouveau plan appelé Integrated Rail Plan (IRP), qui est basé sur un document antérieur appelé Oakervee Review of HS2 publié en février 2020, et qui appelait à une révision d’ensemble pour s’assurer que HS2 et d’autres grands projets ferroviaires soient évalués, conçus, livrés et exploités comme un réseau intégré. L’IRP a tenu compte du rapport qualité-prix, du concept de « nivellement par le haut » voulu par le gouvernement, de l’accessibilité financière et de la faisabilité.

Les principaux éléments de l’IRP publié jeudi, d’un montant de 114 milliards €, peuvent être résumés comme suit :

  • Le projet Northern Powerhouse Rail (NRP – une ligne transversale nouvelle pour le nord de l’Angleterre entre Leeds et Manchester), devient en fait un ensemble de nouvelles voies et d’améliorations de l’infrastructure existante.
  • La TransPennine Main Line sera électrifiée et modernisée, avec des sections plus longues comportant 3 ou 4 voies et des voies de garage plus longues pour le fret. Ce projet sera géré comme étant la première phase du Northern Powerhouse Rail.
  • mais surtout, l’extension du HS2 des East Midlands à Leeds est abandonnée. Les trains HS2 à grande vitesse circuleront sur les lignes existantes, comme souvent en France.
HS2
(wikipedia)
HS2
Le projet tel que prévu aujourd’hui

Le gouvernement déclare qu’il « étudiera la manière la plus efficace de faire circuler les trains HS2 vers Leeds, y compris la solution la plus optimale pour la capacité de la gare de Leeds« . Cela pourrait inclure un embranchement vers le sud de Leeds, mais sans liaison directe avec HS2.

Ce nouveau plan a évidemment été accueilli avec beaucoup d’enthousiasme par de nombreux opposants au projet HS2, même si le tronçon entre Londres et Manchester est bel et bien maintenu. En revanche, de nombreux élus et chambres de commerce des Midlands ont vivement critiqué ce revirement. Au contraire, le DfT affirme que les bénéfices du rail arriveront avec 10 années d’avance.

Rouler sur les voies existantes
La branche vers Leeds n’est pas totalement avortée mais largement raccourcie. Un tronçon Est de HS2 sera construit entre Birmingham et East Midlands Parkway, les trains continuant vers Nottingham, Derby et Sheffield sur une Midland Main Line électrifiée. Les trains HS2 desserviraient directement les centres-villes de Nottingham et de Derby, remplaçant une gare prévue pour desservir une zone de régénération à Toton, située entre les deux. Cela signifie que les trains HS2 s’arrêtera dans les gares existantes plutôt que dans de nouveaux hubs extérieurs, ce qui est plutôt bénéfique pour les connexions avec les transports publics et les autres trains régionaux.

Le problème est de savoir ce que signifie « continuer sur les voies existantes ». Alors que les nouvelles lignes HS2 sont construites selon le gabarit UIC et les STI européennes, le réseau britannique existant n’a pas ce gabarit. Les trains britanniques ont en effet un gabarit un peu plus étroit que le gabarit UIC, particulièrement dans les bas de caisses. Quels trains devront être construits alors que l’intention initiale était de faire enfin circuler des trains « comme en Europe » ? Hitachi Rail et Siemens ne pourront pas présenter dans leurs offres un Frecciarossa ou un ICE tels que construit sur le Continent.

Une autre politique ferroviaire
L’analyse que l’on peut faire de tout cela est que le gouvernement vise à élever les Midlands au même niveau économique (et politique ?) que le riche Sud-Est de l’Angleterre. Par le biais de l’IRP, la politique gouvernementale pour les Midlands est donc orientée vers les déplacements régionaux entre les grandes villes du centre de l’Angleterre (Manchester, Leeds, Sheffield, Birmingham,…) plutôt que des liaisons avec Londres.

Autre preuve de cet engagement en faveur du centre du pays, cette précédente communication du gouvernement britannique qui annonçait l’introduction de la billetterie sans contact dans plus de 700 stations sur l’ensemble du territoire, dont 400 sur les réseaux de banlieue des Midlands, avec l’introduction de plafonds tarifaires à la londonienne et une plus grande intégration avec les réseaux locaux de bus et de tram.

Il reste maintenant encore de nombreuses zones d’ombre dans cet IRP et les incertitudes financières demeurent quant aux fonds disponibles. Le Trésor a déjà enclenché le frein pour l’autre grand chantier ferroviaire britannique, le Great British Railway qui mettait fin à certaines formes de privatisation. Le gouvernement devait prendre l’initiative pour améliorer les choses. On en voit les résultats : le rail n’aura pas tout l’argent qu’on croyait pouvoir lui donner…

Intermodal
(photo HS2)

22/11/2021 – Par Frédéric de Kemmeter – Signalisation ferroviaire et rédacteur freelance
Inscrivez-vous au blog

Pour approfondir :

Le train intelligent n’existe pas sans infrastructures
08/11/2021 – On croit parfois que le train intelligent suffirait à résoudre certains des problèmes de l’exploitation ferroviaire. Cependant, ce train n’aura aucun impact s’il n’y a pas d’infrastructures top niveau, ce qui suppose que demain il y aura encore du béton…


ERA_Europe_RailwaysLa grande vitesse reste nécessaire pour le modal shift
19/11/2020 – Le modal shift ne signifie pas le train lent mais le train au devant de la scène. Pour cela, la grande vitesse ferroviaire reste largement nécessaire pour le GreenDeal et épargner un maximum de CO2


HS2-UKExtension approuvée de la ligne à grande vitesse HS2 en Grande-Bretagne
16/02/2021 – La deuxième phase du projet de ligne à grande vitesse HS2 vers le nord du Royaume-Uni a reçu le 11 février l’autorisation pour la construction du tronçon « 2a » de 58 km entre Fradley (Birmingham) et Crewe.


ERA_Europe_RailwaysLe train écolo, c’est aussi des travaux !
16/11/2020 – 2021 sera l’Année du Rail en Europe. Cela implique pas seulement des trains modernes mais aussi de bonnes infrastructures ferroviaires. Certains estiment que ce n’est pas toujours nécessaire. Vraiment ?




Le train peut-il réellement remplacer l’avion ?
28/06/2021 – Le train pourrait remplacer certains vols de 500 à 1000 km. Les mentalités semblent évoluer dans ce sens et la durée moyenne des voyages augmenterait. Mais il y a encore un certain nombre de conditions pour ce remplacement. xxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxx xxxxx xxxxxxxxxx xxxxxxxxxx xxxxxxxxxxx


economie_circulaireVous voulez sauver l’environnement ? Alors vous devriez arrêter de voyager !
02/11/2020 – Pourquoi un verrouillage climatique et l’économie locale peuvent-ils mettre le train en danger. S’il n’y a plus de voyages, il n’y a plus de trains. Si l’économie est locale, il n’y a plus de trains de fret


Se montrer fort et utile pour décarboner la planète : un défi pour le rail

Par Frédéric de Kemmeter – Signalisation ferroviaire et rédacteur freelance – Inscrivez-vous au blog
15/11/2021 –
(English version)
🟧 Nos brèves quotidiennes 🟧 Notre lexique ferroviaire 🟧 Nos newsletters 🟧 Nos fiches thématiques

La COP26 de Glasgow est terminée, mais la course à la décarbonisation du secteur des transports est lancée depuis longtemps. Dans ce grand jeu, le train peut trouver sa place s’il parvient à démontrer sa pertinence.

La pression exercée sur les gouvernements et les entreprises pour qu’ils adoptent des technologies à faible émission de carbone ne fera qu’augmenter. Dans le secteur des transports, la volonté de décarbonisation se manifeste par une poussée de plus en plus frénétique en faveur du déploiement de la technologie des piles à hydrogène et des batteries pour remplacer la combustion interne dans tous les types de véhicules, y compris les avions. La Commission européenne s’est même lancée dans un vaste plan hydrogène qui a aiguisé l’appétit de nombreuses industries, voyant arriver de bonnes affaires, notamment Alstom.

Le rail semble avoir le grand avantage d’être déjà partiellement électrifié. Cependant, 45% du réseau ferroviaire européen n’est pas encore électrifié. En outre, la traction diesel et les niveaux de bruit élevés qu’elle engendre sont devenus le visage inacceptable du rail, en particulier au Royaume-Uni, en Irlande, au Canada et aux États-Unis. Pour certains riverains, il est de plus en plus difficile de promouvoir le train comme une alternative à faible émission de carbone dans de telles circonstances. Le problème est que ce message est reçu 5/5 par les élus politiques. En même temps, ils reçoivent d’autres propositions de décarbonisation, principalement du secteur automobile. Un lobbying intense tente de maintenir le secteur routier, principal concurrent du rail, dans les starting-blocks de l’avenir décarboné.

Nouvelles technologies
Le rail peut-il rester dans la course ? Aujourd’hui, les trains bimodes électro-diesel et électriques à batterie réduisent déjà l’utilisation du diesel sur les lignes partiellement électrifiées, tandis que les batteries et les supercondensateurs font des progrès dans les applications ferroviaires urbaines. Il ne fait aucun doute que le poids des batteries, principal problème technique lorsqu’on les ajoute à un train existant, diminuera à mesure que la technologie s’améliorera.

L’enthousiasme pour l’hydrogène est tempéré par la façon dont le carburant est créé. Le processus de création d’un « hydrogène vert » par électrolyse peut être considéré comme un « gaspillage d’électricité ». Selon certains experts, un train à hydrogène consomme 3,5 fois plus d’électricité en raison des inefficacités du processus d’électrolyse et des piles à combustible. Cependant, il ne fait aucun doute que l’hydrogène fonctionnera à l’avenir dans certains cas particuliers.

Mais la décarbonation des transports signifie aussi que le secteur ferroviaire va devoir mettre les bouchées doubles pour accélérer sa modernisation s’il veut paraitre comme la meilleure solution face aux politiciens. Actuellement, le constat est amer de voir que chaque avancée technologique sur un train s’accompagne d’une montagne de procédures qui peuvent parfois ralentir le progrès qu’on espérait obtenir. Le chemin de fer est encore trop souvent présenté comme un outil dangereux à exploiter par rapport aux autres modes. Pourtant, combien de morts fait la route chaque année ?

De plus on constate encore de nos jours des prises de position nationales qui peuvent handicaper le train. Il en est ainsi des fameuses semelles de freins de wagons de marchandises, conçues pour faire moins de bruit mais qui deviennent soudainement un objet à risques dans certains pays. On peut s’attendre aussi à une belle pile de barrières procédurales en vue de l’exploitation à venir de l’attelage automatique pour wagons de marchandises. Il y a encore quantité d’autres exemples qui font que le rail peine à avancer. Cela fait 30 ans que le concept ERTMS a été mis en route. On manque encore de recul pour faire un premier bilan des trains à hydrogène d’Alstom en Allemagne, lancés en 2018 grâce aussi à un fort soutien des autorités publiques. Cette technologie serait-elle viable avec moins de subsides ? Rappellons-nous le débat sur les éoliennes et la forte subsidiation de ce secteur comparé aux résultats attendus…

Service et infrastructure
Bien entendu, la technologie ne résoudra pas tous les problèmes. La décarbonation, c’est aussi attirer les gens vers le train plutôt que de les laisser utiliser un mode polluant. Il faut donc aussi investir dans le service à fournir aux voyageurs, et leurs demander ce qu’ils veulent vraiment pour utiliser le train. Le wifi à bord et les facilités dans la billetterie semblent être en tête du classement. Faire du voyage en train un moment utile pour le travail est aussi un critère fort demandé, tout particulièrement par une clientèle avec un bon pouvoir d’achat. Cependant, assurer à bord des trains une connexion mobile sans coupures nous ramène une fois de plus à la technologie, et on voit là aussi émerger des solutions diverses.

La décarbonation, c’est aussi une fluidité du trafic mieux assurée, qui nous mène plutôt sur le terrain des infrastructures. On n’est peut-être pas obligé de faire de grands travaux luxueux, mais en certains endroits, une reconstruction complète s’impose… et impose d’avoir d’importants fonds publics. N’oublions pas que des investissements qui paraissent coûteux aujourd’hui nous préservent d’autres dépenses tout aussi coûteuses pour les 50 prochaines années.

Un juste milieu
La décarbonation, c’est enfin et surtout la qualité des opérateurs qui exploitent les trains. Si on peut dénoncer les montagnes de procédures, il ne faut cependant pas oublier qu’elles sont apparues suite à des manquements parfois importants chez certains. La qualité et le suivi des procédures ne doivent pas être une question d’argent mais le fil conducteur de tout transporteur. Il n’y a pas de place ni pour le dumping technique ni pour la montagne de procédure, mais un juste équilibre à trouver entre ces deux extrêmes.

Ce sont toutes ces conditions réunies qui feront du train une solution pour atteindre les objectifs climatiques de chaque pays. Prions pour qu’il y ait moins de montagnes de procédures et davantage de mises en bonnes pratiques. Le train ne peut pas être « un outil dangereux à exploiter » mais un outil de décarbonation exemplaire.

Intermodal
(photo Network Rail)

15/11/2021 – Par Frédéric de Kemmeter – Signalisation ferroviaire et rédacteur freelance
Inscrivez-vous au blog

Pour approfondir :

Le train intelligent n’existe pas sans infrastructures
08/11/2021 – On croit parfois que le train intelligent suffirait à résoudre certains des problèmes de l’exploitation ferroviaire. Cependant, ce train n’aura aucun impact s’il n’y a pas d’infrastructures top niveau, ce qui suppose que demain il y aura encore du béton…


Décarboner les transports : tout ne dépend pas du rail
21/09/2021 – Le chemin de fer ne fera jamais de transfert modal seul, par le fait de sa simple existence. Il faut d’autres atouts qui sont du ressort de l’État. Par exemple l’aménagement du territoire et la configuration des lieux de vie



CFL_LuxembourgQuel avenir pour les trains à hydrogène ?
08/02/2021 – Les trains à hydrogène peuvent-ils permettre d’éviter l’électrification des lignes ? Tout dépend et de nombreuses questions doivent être encore résolues. Petit tour d’horizon


ERA_Europe_RailwaysLe train écolo, c’est aussi des travaux !
16/11/2020 – 2021 sera l’Année du Rail en Europe. Cela implique pas seulement des trains modernes mais aussi de bonnes infrastructures ferroviaires. Certains estiment que ce n’est pas toujours nécessaire. Vraiment ?




Quoi de neuf du côté des opérateurs longue distance ?
23/08/2021 – Cela bouge pas mal du côté des opérateurs grande ligne en Europe. C’est l’occasion d’une petite synthèse alors qu’on entame bientôt le dernier trimestre de l’année 2021. Au menu : Ouigo, Trenitalia, Renfe et RegioJet



Le train peut-il réellement remplacer l’avion ?
28/06/2021 – Le train pourrait remplacer certains vols de 500 à 1000 km. Les mentalités semblent évoluer dans ce sens et la durée moyenne des voyages augmenterait. Mais il y a encore un certain nombre de conditions pour ce remplacement. xxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxx xxxxx xxxxxxxxxx xxxxxxxxxx xxxxxxxxxxx


Passer du produit au client : le rail peut-il s’inspirer des Gafam ?
21/06/2021 – Passer de la politique « produit » à la politique « client » est un vrai défi pour le rail. Le poids des actifs (trains-infrastructure) et les habitudes culturelles façonnent encore largement la politique ferroviaire, mais il y a pourtant quelques raisons d’espérer.


Chemin de fer : disruption ou simple innovation ?
01/01/2018 – L’innovation est dans la nature même de l’être humain. Le chemin de fer ne peut y échapper sous peine d’être minorisé dans le secteur des transports.




Le train intelligent n’existe pas sans infrastructures

Par Frédéric de Kemmeter – Signalisation ferroviaire et rédacteur freelance – Inscrivez-vous au blog
08/11/2021 –
(English version)
🟧 Nos brèves quotidiennes 🟧 Notre lexique ferroviaire 🟧 Nos newsletters

Se battre, tous les jours. Ces derniers temps, des tests importants en matière de train autonome ont été entrepris, avec succès comme sur une très courte section à Hambourg. Si le train intelligent est l’avenir, cela ne signifie pas qu’il faut faire l’impasse sur la modernisation de l’infrastructure et la construction des lignes nouvelles.

Au cours des cinq dernières décennies, les chemins de fer du monde entier ont subi d’importantes réductions budgétaires de la part des gouvernements, ce qui a limité leur capacité à investir dans les infrastructures ou à maintenir des normes de service élevées. La concurrence féroce de la route, qui a l’avantage de la livraison porte-à-porte, a rajouté davantage de peine.

Se passer des infras ?
Les infrastructures ferroviaires ont toujours fait l’objet d’une attention particulière, à cause de ses coûts. On peut prendre comme exemple le gouvernement néerlandais qui explique que les problèmes de mobilité doivent être abordés là où ils ont la plus grande valeur économique. Les investissements doivent également être « intelligents » : l’expansion des infrastructures n’est pas le seul moyen d’améliorer la mobilité. Une meilleure utilisation des routes principales, des voies ferrées et des voies navigables existantes peut également accroître la capacité de transport.

Au Royaume-Uni, le ministère des transports (Dft) explique que toute demande de financement doit se concentrer sur l’analyse stratégique et économique du projet, ainsi que sur une définition claire des défis à relever. Il s’agit notamment de démontrer les avantages socio-économiques des travaux ferroviaires, de décrire les services proposés et d’estimer les coûts d’exploitation.

En Suède, les chambres de commerces constatent « qu’une transformation sociétale unique est en cours, mais qu’un manque d’infrastructures menace de bouleverser son évolution. » On ne veut pas miser uniquement sur le train intelligent mais sur la nécessité d’infrastructures. « À l’heure actuelle, nous constatons une situation très préoccupante où les processus d’autorisation et de planification menacent d’arrêter le verdissement [du transport de fret]. Trafikverket lui-même estime qu’il est difficile de répondre aux évolutions rapides d’aujourd’hui en conservant les procédures de travail habituelles. »

Dans ces exemples choisis parmi d’autres, on voit très bien que toute construction ou reconstruction de l’infrastructure ferroviaire se heurte parfois à des réticences d’ordre budgétaire, voire idéologique. La nouvelle philosophie du radicalisme écologique suggère même de stopper toute forme de travaux et de ne se contenter que de l’existant. L’idée derrière cela est qu’il vaudrait mieux concentrer les investissements sur le train intelligent plutôt que sur les infrastructures. Une erreur de point de vue : il n’y a pas de trains intelligents sans un minimum de travaux, et parfois même de constructions nouvelles. La fin du béton n’est pas pour demain…

Intermodal
Le Koralmbahn au sud de l’Autriche, un raccourci de 127 km entre Graz et Klagenfurt (photo ÖBB Infrastruktur)

Certains veulent prouver que les infrastructures ferroviaires à construire émettent aussi beaucoup de CO2. Ce n’est peut-être pas faux, sauf qu’une infrastructure ferroviaire est faite pour durer. Et souvent très longtemps, cela atténue le bilan carbone de la construction quand on calcule le nombre de trains qui en bénéficient sur 50 ans. On tente alors de pousser le débat vers de nouveaux types de propulsions, réputés moins émetteur de CO2.

Maintenir le train au centre du débat
Un des meilleurs exemples est l’engouement pour l’hydrogène : il permettrait – selon ses promoteurs -, d’éviter à l’avenir les coûteuses électrifications de lignes par caténaires. Cela peut être le cas sur des lignes à trafic moyen, mais cela ne remplacera jamais la nécessité d’électrifier encore davantage le réseau ferroviaire. L’hydrogène fait actuellement consensus grâce surtout aux plans et aux subsides gouvernementaux, mais on oublie un peu que cet hydrogène doit être accompagné d’un réseau de distribution. Un sujet non-ferroviaire mais que serait le train à hydrogène sans ce réseau ?

L’électrification de pans entiers de la mobilité, notamment le secteur automobile, par des milliers d’éoliennes ou d’hectares de photovoltaïque va aussi nécessiter des investissements colossaux en infrastructures électriques. Le réseau actuel est insuffisant pour nos rêves de décarbonation futurs, mais il n’y a pas grand monde pour en parler. Le risque est grand de voir les gouvernements porter leurs investissements sur ce volet-là, qui encourage très largement le secteur automobile décarboné, plutôt que le ferroviaire.

Intermodal
(photo Adif, Espagne)

L’intelligence, c’est aussi une bonne infrastructure
Il ne faut pas non plus croire que le véhicule ferroviaire intelligent résoudra rapidement tous les problèmes ferroviaires. Bon nombre des nouvelles technologies qui amélioreront l’exploitation ferroviaire future, telles que la 5G, l’IA et les véhicules autonomes, sont étudiées à coup de milliards et mises au point chez les concurrents directs du chemin de fer. Le rail, comme toujours, sélectionnera les meilleures technologies et les adaptera. Le fait notable est que les autres transports sont bien plus créatifs et pourraient exercer un lobbying intensif pour faire évoluer les politiques publiques et les subventions en leur faveur, au détriment du rail.

Malgré ses nombreuses promesses, la numérisation du rail s’accompagne d’un certain nombre de défis, allant des préoccupations en matière de confidentialité et de sécurité à la réglementation, en passant par les questions liées à la propriété des données et des systèmes propriétaires, l’acceptabilité publique, l’impact sur l’emploi et la crainte d’investir dans des actifs obsolètes.

La répartition des capacités, par exemple, est une question très importante qui implique une révision de la gestion du trafic par blocs pour passer à une gestion du trafic par « blocs mobiles ».  Cependant, cela impliquerait de reconstruire entièrement le système de signalisation et d’équiper tout le matériel roulant, ce que la plupart des opérateurs refusent de faire car les avantages d’un tel système sont jusqu’à présent théoriques. Il semble également que l’industrie ait vendu ces équipements de signalisation à des prix très élevés, ce qui a provoqué des réticences chez de nombreux opérateurs. Avec comme résultat qu’on circule aujourd’hui encore toujours avec des systèmes de signalisation de classe B.

L’Italie par exemple utilise l’ERTMS depuis 2005 sur les lignes à grande vitesse. Au cours des quatre dernières années, le gestionnaire d’infrastructure RFI a lancé un programme d’ERTMS chevauchant le système de classe B existant. Cependant, les italiens ont eu « d’extrêmes difficultés à utiliser les systèmes en parallèle et à avoir une double certification« , explique Fabio Senesi, responsable du programme national ERTMS de RFI. « Nous avons ouvert une ligne ERTMS il y a 3 ans, mais aucun train ETCS n’y circule. Comme vous avez deux systèmes, il n’y a aucune incitation à utiliser la nouvelle technologie. » Le train intelligent dont personne ne veut, alors que l’infrastructure est déjà prête ! Matthias Ruete, coordinateur européen de l’ERTMS, a déclaré lors d’un événement numérique organisé par l’UNIFE que pour une stratégie ERTMS complète, il faudrait au moins 30 000 véhicules équipés de l’ETCS d’ici 2030.

Intermodal
(photo ÖBB Infrastruktur)

Il est exact qu’il n’est pas toujours nécessaire de construire des installations luxueuses pour améliorer la fluidité du trafic ferroviaire. Le programme européen TimeTable Redesign (TTR) pour une gestion intelligente des capacités peut être une des solutions : une vue numérisée de l’ensemble du réseau européen afin que les gestionnaires d’infrastructure puissent réduire les goulets d’étranglement grâce à une gestion intelligente des données, mettre plus de trains sur l’infrastructure existante, les faire circuler de manière fluide, mieux planifier leurs travaux de maintenance et harmoniser les trains de marchandises et de passagers interopérables.

Cependant, ni l’ERTMS ni le TTR ne pourront améliorer le trafic s’ils n’ont pas suffisamment de voies et d’aiguillages à disposition. Rapprocher les trains est une belle idée, mais on arrive rapidement à la limite de cette solution quand le réseau n’est pas assez fluidifié et qu’il manque des capacités. Il y a un moment où les trains doivent s’arrêter et être garés. Cela aussi demande des capacités physiques d’accueil si on veut augmenter le débit en ligne avec l’ETCS de niveau 3 (bloc mobile).

Heureusement, il y a des raisons d’espérer. De nombreux travaux de reconstruction des sections de lignes ferroviaires selon de nouvelles normes de durabilité sont en cours. Les gares sont également reconstruites pour mieux séparer les flux de trafic, une demande imposée par les exigences de ponctualité du trafic voyageurs, ce qu’aucun train intelligent ne pourrait entreprendre sans une infrastructure suffisante.

En outre, de grands progrès sont réalisés pour éliminer les centaines de petits postes d’aiguillage et concentrer la gestion des trains dans de grands centres de contrôle du trafic qui ont une vision beaucoup plus large de la circulation des trains. Cela nécessite beaucoup d’argent, la numérisation et les travaux de génie civil prennent du temps, mais cela démontre qu’une infrastructure moderne est indispensable au bon fonctionnement des futurs trains intelligents. Quand un pont est rouillé, qu’une sous-couche de la voie est gorgée d’eau ou qu’une sous-station électrique est obsolète, vous n’avez aucune alternative : il faut tout remplacer et mettre un paquet d’argent sur la table…

Intermodal
(photo ÖBB Infrastruktur)

08/11/2021 – Par Frédéric de Kemmeter – Signalisation ferroviaire et rédacteur freelance
Inscrivez-vous au blog


Pour approfondir :

InfrastructureLe train écolo, c’est aussi des travaux !
16/11/2020 – 2021 sera l’Année du Rail en Europe. Cela implique pas seulement des trains modernes mais aussi de bonnes infrastructures ferroviaires. Certains estiment que ce n’est pas toujours nécessaire. Vraiment ?



Danemark-Suède : trois projets pour une seconde traversée de l’Öresund
23/04/2024 – La région Öresund-Malmö-Copenhague est l’une des plus prospère avec des centres économiques importants. Mais le futur tunnel du Fehmarn Belt risque de congestionner le pont de l’Öresund. Trois projets de nouvelles traversées se disputent le soutien politique : le tunnel HH, le métro…


Et si l’immobilier finançait le rail ?
28/09/2020 – Le chemin de fer est un secteur qui apporte très peu de rendements. D’autres domaines adjacents pourraient lui rapporter des revenus supplémentaires, mais pas en vendant à tour de bras. Explications.


Italie : des procédures accélérées pour les chantiers ferroviaires
25/10/2021 – Un plan de relance ferroviaire et une autre façon de gérer les travaux publics par procédures accélérées. C’est le défi de l’Italie avec 16 projets ferroviaires grandes lignes, un projet métro et une dotation de 60,8 Mds d’euros



DeutschlandtaktD-Takt : le grand défi de l’horaire cadencé intégral 2/2
10/05/2021 – Un train toutes les demi-heures de ville à ville et de village à village. Des correspondances pratiques pas trop longues, même en province. Prendre le train partout dans le pays devrait être aussi facile que de prendre le S-Bahn en zone urbaine. Cette seconde partie va détailler l’implication du service cadencé sur les temps de parcours entre les grandes villes allemandes et la place réservée aux nouveaux entrants.


DeutschlandtaktD-Takt : le grand défi de l’horaire cadencé intégral 1/2
03/05/2021 – Un train toutes les demi-heures de ville à ville et de village à village. Des correspondances pratiques pas trop longues, même en province. Prendre le train partout dans le pays devrait être aussi facile que de prendre le S-Bahn en zone urbaine. C’est le principe du Deutschlandtakt.


train_de_nuitOù en est le projet de Stuttgart 21 ?
29/10/2020 – Le projet Stuttgart 21. Un chantier énorme pour une ville de 630.000 hab et qui avance. Ou comment mettre la 6ème ville allemande au top ferroviaire, avec en prime une ligne nouvelle vers Ulm


L’infrastructure ferroviaire, ce bien commun destiné à tous

02/08/2021 – Par Frédéric de Kemmeter – Signalisation ferroviaire et rédacteur freelance
Inscrivez-vous au blog

🟧 Nos brèves quotidiennes 🟧 Notre lexique ferroviaire

Récemment, la Commission allemande des monopoles a formulé des recommandations pour séparer davantage l’infrastructure de l’exploitation des trains. Il ne s’agit pas de renforcer un dogme de libéralisation mais de s’assurer que les 7,5 milliards d’euros en faveur de DB Group bénéficient à l’infrastructure et ne soit pas destinés à maximiser les bénéfices de toutes les sociétés du groupe. Une inquiétude qui soulève des débats plus larges.

Où va donc l’argent ?
Le défi de verser des subsides dans un groupe ferroviaire intégré est de savoir où va réellement l’argent des contribuables. Il y a certes une révision des comptes, des rapports annuels et des contrats sous forme diverses avec l’État ou des Régions selon chaque pays, mais il est souvent difficile pour un État d’imposer une volonté, par exemple sur la rénovation de gares ou d’infrastructure. L’indépendance des entreprises publiques ferroviaires, qui ne sont plus des administrations de type militaire comme jadis, rend le contrôle plus difficile. Cet obstacle a pu être évité dans les pays – peu nombreux -, qui ont complètement séparé l’infrastructure de l’exploitation (Belgique, Pays-Bas, Danemark, Espagne, Suède…). Dans ce cas, ces États sont en mesure de vérifier les flux financiers publics grâce à deux groupes de subsides et d’investissements bien distincts : ceux du service des trains et ceux de l’infrastructure.

Cela permet aussi de mieux distinguer les subsides d’investissements des dépenses de fonctionnement, souvent liées à l’organisation du travail en interne. Cela permet aussi d’imprimer sa marque sans faire l’objet de freins. Exemple : c’est bien le gouvernement espagnol et l’Adif, le gestionnaire d’infra, qui ont mis en œuvre la libéralisation du marché grande ligne espagnol, sous une forme encadrée. C’eut été plus compliqué en cas d’entreprise intégrée où une opposition forte aurait pu apparaître.

De nombreux arguments sont apparus depuis la directive 91/440 d’il y a trente ans pour contredire la séparation de l’infra de l’exploitation des trains. Beaucoup ont tenté d’argumenter par le biais technologique, le « train et la voie ne faisant qu’un ». Or cet argument ne tient plus de nos jours, pour plusieurs raisons :

  • Les constructeurs ont pris le lead depuis les années 2000 en recherche et développement et ont pu faire la synthèse des technologies en vendant du matériel roulant valable dans toute l’Europe. La locomotive TRAXX ou l’expansion du suisse Stadler en sont les meilleurs exemples ;
  • Le matériel vendu est forcément « adapté » au réseau où il roulera sans quoi il n’y aurait… pas de ventes possibles. Alstom vend ainsi des Coradia « sur mesure », par exemple un peu plus large en Suède ;
  • Pour une cabine de signalisation, un train X ou Y n’est rien d’autre qu’un numéro d’identification et les conducteurs, tant de X que d’Y, obéissent aux mêmes procédures, quelle que soit leur fiche de paie.
  • De manière globale, l’infrastructure, autrefois en minorité au sein de grands groupes étatiques, a pu s’émanciper tout en démontrant quel était le vrai prix du maintien de l’infrastructure ferroviaire. Le secteur est en recherche permanente pour rénover les procédures et tenter de contenir les coûts d’exploitation.
Europorte, un opérateur autorisé en Belgique par Infrabel, et non la SNCB (Photo Mediarail.be)

Entreprise fourre-tout ou dédicacée ?
La Commission des Monopoles en Allemagne souligne certaines évidences plus générales : « les gros machins », ou champions nationaux, qui font « un peu de tout en occupant au maximum le terrain » ne sont pas toujours les entreprises les plus dynamiques. En transport, aucune compagnie aérienne ne dispose de son propre aéroport ni de son propre contrôle aérien. Avions, aéroports et contrôle du ciel sont trois choses bien distinctes, et il en est de même pour le secteur routier, maritime et fluvial.

Certes, il y a le côté économies d’échelle, comme les locomotives qu’on s’échange entre service voyageurs et fret. Mais cela a souvent été contredit par les faits jadis, chaque secteur ferroviaire, et même certains arrondissements d’exploitation vivant « leur propre vie » au sein même d’un groupe intégré. Ce système d’échange de locos est d’ailleurs largement caduque de nos jours par l’usage massif d’automotrices et de rames blocs à grande vitesse, incompatibles avec les fonctions de fret ferroviaire. On voit mal Thalys transporter des conteneurs ou de l’acier. Contradiction aussi avec les fonctions longue distance et banlieue : ce ne sont pas les mêmes clientèles. En fin de compte, infrastructure, trafic local, trains longue distance et fret ferroviaire sont quatre métiers distincts, et ce depuis la naissance du chemin de fer…

D’autre part, la dépendance aux seuls deniers publics (et des politiques gouvernementales) peut handicaper tous les secteurs d’un grand groupe, y compris les plus vaillants. On sait ainsi que le trafic régional, par exemple, a bien plus besoin de subsides publics que le fret ou certains trains grande ligne, qui peuvent vivre avec une politique marketing dynamique. On sait aussi que l’infrastructure a toujours été gourmande en deniers publics, alors que les investissements s’inscrivent le plus souvent dans le long terme. Mais on sait aussi que la péréquation entre secteurs vaillants et moins vaillants enlève des capacités d’investissements et n’aide finalement pas les moins vaillants à faire mieux.

Dans le cas allemand, une des craintes manifestées est que les déboires de l’infrastructure percolent sur le dynamisme du secteur ferroviaire au complet, handicapant tous les opérateurs. Une autre crainte est de voir d’éventuels investissements être dirigés principalement pour faciliter l’exploitation des seuls trains du groupe public, par exemple avec de nouveaux faisceaux et ateliers de maintenance dédiés.

Subsidier davantage les secteurs en besoin relève d’une bonne politique de support au transport public, rôle parfaitement logique et légitime de tout État en Europe et dans le monde. Laisser les autres secteurs « se débrouiller » (fret, longue distance…) permet de mieux faire rentrer des sous et de s’épargner une montagne de subsides supplémentaires pour se consacrer aux besoins essentiels.

Une fois encore, c’est par des lois claires et un contrôle précis – sans étouffer les entreprises publiques -, qu’un État sera en mesure de mener une politique ferroviaire en adéquation avec les objectifs climatiques. Bien entendu, chaque État doit avoir les moyens du contrôle et c’est en principe le rôle du régulateur, pourvu qu’il dispose du personnel ad-hoc.

Libéralisation-rail-europe
L’importance de la multiplicité des opérateurs n’est possible qu’avec une infrastructure largement soutenue par des investissements publics (Photo iStock)

Pour approfondir :

TRAXX_RegiojetQu’a apporté la libéralisation du rail en Europe ?
11/01/2021 – La libéralisation du rail reste toujours quelque chose de mal expliqué, ce qui engendre slogans et croyances diverses. On tente ici de faire modestement le tour de la question.



KRRI Autonomous railChemin de fer : il faudra progresser avec l’existence des autres modes
12/10/2020 – Le transfert modal vers le rail ne sera pas favorisé en interdisant aux autres modes de transport de progresser, mais en répondant aux demandes des usagers, qu’ils soient citoyens ou industriels



OBB_WorkshopDavantage d’opérateurs pour contribuer à un véritable transfert modal
16/08/2020 – Le chemin de fer n’est pas en capacité de couvrir un maximum de nos besoins en mobilité. Pas seulement parce qu’il existe d’autres modes de transport, mais parce qu’il n’y a pas assez d’opérateurs et d’innovation.



train_de_nuitTrenitalia veut aller à Paris, Berlin et Bruxelles
19/10/2020 – Le groupe ferroviaire étatique FS compte faire une offensive sur le marché de la grande vitesse en Europe, sur Paris, Berlin et Bruxelles. Plus que jamais, l’italien veut étendre ses parts de marché et sortir de ses frontières



Digital-5Ces vingt dernières années qui ont changé le train
11-09-2017 – Alors qu’on assiste encore à quelques agitations revendiquant un utopique retour en arrière, il n’est pas inutile de regarder ces vingt dernières années qui ont changé le train : mutation du service au public, mutation de la société, leadership de l’industrie et nouveaux acteurs de terrain ont indéniablement fait bouger les lignes. Voyons cela plus en détail.



La directive 91/440 a déjà trente ans !

29/07/2021 – Par Frédéric de Kemmeter – Signalisation ferroviaire
Inscrivez-vous au blog

Il y a 30 ans jour pour jour, était publiée la directive 91/440, point de départ d’un vaste renouvellement de la politique ferroviaire européenne. Cette directive a depuis été amendée et remplacée par quatre paquets législatifs ferroviaires qui ont eu un impact important sur le paysage du rail européen.

En 1986, les chefs d’Etat et de gouvernement de douze États, formant alors ce qui s’appelait la CEE, adoptaient une proposition de la Commission pour créer enfin ce que le traité de Rome s’était déjà engagé à bâtir en 1957 : un marché unique, c’est à dire « un espace sans frontières intérieures assurant la libre circulation des marchandises, des personnes, des services et des capitaux ». Au total, pas moins de 300 textes européens et des milliers de textes de transposition furent adoptés dans chacun des douze Etats membres. Ce cheminement marqua le point de départ de l’implication des Directives européennes dans les législations nationales.

Le développement important de la réglementation européenne atteindra rapidement le secteur ferroviaire de chaque pays. La Commission européenne, renforcée dans ses pouvoirs, était persuadée à l’époque que le meilleur remède était l’introduction de la concurrence dans un mode de transport protégé, presque partout, par un quasi-monopole national.

Plusieurs facteurs expliquent cette ligne de conduite de la Commission : les résultats positifs apportés par l’ouverture à la concurrence dans d’autres secteurs en monopole, la volonté d’un marché unique du transport « sans frontières », la montée des préoccupations environnementales ou encore les préoccupations liées aux dettes et aux financements des services publics. Mais surtout, le constat d’une chute drastique de ses parts de marché (entre 1970 et 1993, la part du ferroviaire est passée de 31,7 % à 15,4 % dans le transport de marchandises, et de 10,4 % à 6,4 % dans le transport de voyageurs) démontrait qu’il y avait clairement un problème de compétitivité par rapport aux autres modes de transport, dont la libéralisation naissante était très rapide et fournissait déjà ses premiers résultats.

La directive 91/440 CEE du 29 juillet 1991 est le texte fondateur d’une longue suite législative qui transforma le rail européen. Elle visait à faciliter l’adaptation des chemins de fer à la grande idée du marché unique et à accroître leur efficacité. Pour atteindre cet objectif, la directive imposait l’indépendance de gestion des entreprises ferroviaires par rapport à l’État. Elle prescrivait également la séparation comptable entre l’infrastructure et de l’exploitation des trains, dans le but d’accueillir d’autres opérateurs alternatifs. La séparation de ces deux activités pouvait également être organique ou institutionnelle, mais cela restait facultatif. Elle imposait aussi l’assainissement de la structure financière des entreprises ferroviaires dans le cadre d’une maîtrise plus générale des finances publiques de chaque pays.

La transposition de cette directive s’est souvent fait attendre et a du être précisée par les directives de 1995 qui mettaient en œuvre les principes établis par la directive 91/440 CEE. Elles ne concernaient que les entreprises ferroviaires établies dans la Communauté, ainsi que leurs regroupements internationaux, lorsque ces entreprises et regroupements effectuaient les services visés à l’article 10 de la directive 91/440 CEE.

libéralisation-rail-Europe
La directive 91/440 a permis l’apparition d’opérateurs alternatifs, comme cet Europorte de passage à Jurbise, BE (Photo Mediarail.be)

Le 30 juillet 1996 la Commission européenne publiait un premier Livre blanc, titré « Une stratégie pour revitaliser les chemins de fer communautaires », qui annonçait une nouvelle stratégie législative de l’Union européenne. Au lieu de directives éparpillées au fil des ans, dorénavant les directives seraient proposées par paquet. Ce traitement par bloc permet d’empêcher que le Parlement et/ou le Conseil de l’Union européenne, codécideur, ne déforment les projets en n’adoptant pas ou en enterrant certains aspects.

Les mesures contenues dans ce Livre blanc annonçaient surtout un virage vers davantage de précisions dans l’arsenal législatif. La directive 91/440/CEE était en effet trop vague et très critiquée pour sa non-application. L’objectif, pour qu’une entreprise ferroviaire nouvelle puisse rouler sur des réseaux conçus différemment, est de rendre le plus homogène possible en favorisant notamment l’interopérabilité et l’harmonisation technique.

La suite, ce sera donc les quatre paquets législatifs dont le dernier peut être considéré comme un aboutissement. Cet arsenal législatif important a permis à la SNCF d’opérer son Ouigo en Espagne, à Trenitalia d’opérer bientôt en France et à NTV-Italo de prendre une place dans le marché du transport ferroviaire italien. Ailleurs des initiatives ont pu être prises pour lancer des trains de nuit. Le fret ferroviaire a pu stabiliser son hémorragie.

On retiendra tout de même qu’alors qu’il n’a fallu que quelques années pour libéraliser le secteur routier et aérien, trente années furent nécessaires pour obtenir quelques résultats au niveau ferroviaire. Le bilan est mitigé et sauver le train ne pourrait se faire que par une politique de fortes contraintes à l’égard des autres modes. Ce n’est assurément pas la voie qui sera suivie et l’arsenal législatif actuel devrait suffire pour mettre en pratique une revitalisation ferroviaire. Mais pour cela, il faudra peut-être aussi cesser de faire du train un jouet idéologique. Ce n’est pas gagné…

Libéralisation-Rail-Europe
Le groupe ferroviaire MTR en concurrence su Stockholm-Göteborg en Suède. Une conséquence des paquets législatifs qui ont suivi la directive 91/440

Articles similaires :

91/440Tout savoir sur les régulations ferroviaires
Jadis en circuit fermé, jusqu’à créer ses propres boulons, le chemin de fer moderne est aujourd’hui soumis à un tas de contraintes extérieures. C’est l’objet de cette page.xxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxx xxxxx xxxxxxxxxx xxxxxxxxxx xxxxxxx xxxxxxxxxxxxxx xxxxxx xxxxxxxxxx



EuropeLe rail, ce secteur multiple
Une série de fiches qui résument dans les grandes lignes l’environnement et la gouvernance de nos chemins de fer aujourd’hui. Il est important en effet d’avoir une vue globale du secteur ferroviaire si on veut par la suite comprendre toutes les interactions dans les détails. xxxxx xxxxxxxxxx xxxxxxxxxx xxxxxxxxxxxxxx


Digital-5Ces vingt dernières années qui ont changé le train
11-09-2017 – Alors qu’on assiste encore à quelques agitations revendiquant un utopique retour en arrière, il n’est pas inutile de regarder ces vingt dernières années qui ont changé le train : mutation du service au public, mutation de la société, leadership de l’industrie et nouveaux acteurs de terrain ont indéniablement fait bouger les lignes. Voyons cela plus en détail.


LibéralisationAlternatives économiques
Une page qui montre des exemples multiples de revitalisation ferroviaire. Elle met en lumière les différentes solutions trouvées par les États membres pour mettre en oeuvre les principes de libéralisationxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxx xxxxx xxxxxxxxxx xxxxxxxxxx xxxxxxxxxxx


LogistiqueComment le rail devrait se reconnecter à la logistique
09/11/2020 – Comment le rail peut-il augmenter ses parts de marché ? En optant davantage pour une orientation logistique xxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxx xxxxxxx xxxxxxxxxxxxxxxxxx xxxxxxxxxxxxxxxxxxx xxxxxxxxxxxxxxxxxxx xxxxx xxxxxxxxxxxxxxx xxxxxxxxxxxxxxxxxxx xxxxxxxxxxxxxxx xxxxxxxxxxxxxx xxxxxxxxxxxxxxx xxxxxxxxxxxx


TRAXX_RegiojetComment l’Europe améliore le fret ferroviaire en Espagne et au Portugal
05/01/2021 – Puisque c’est l’Année du rail, montrons déjà à quoi sert l’Europe. Exemple ici avec la revitalisation de 2 lignes ferroviaires pour connecter les ports et plateformes logistiques de la Méditerranée de l’Ouest et de l’Atlantiquexxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxx xxxxx xxxxxxxxxx xxxxxxxxxx xxxxxxxxxxx


InfrastructureLe train écolo, c’est aussi des travaux !
16/11/2020 – 2021 sera l’Année du Rail en Europe. Cela implique pas seulement des trains modernes mais aussi de bonnes infrastructures ferroviaires. Certains estiment que ce n’est pas toujours nécessaire. Vraiment ?xxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxx xxxxxxx xxxxxxxxxxxxxxxxxx xxxxxxxxxxxxxxxxxxx xxxxxxxxxxxxxxxxxxx


>>> D’autres news sur nos newsletters hebdomadaires.
Souscrivez par mail pour être tenu informé des derniers développements ferroviaires

Des conteneurs frigorifiques pour transporter… des laptops

27/07/2021 – Par Frédéric de Kemmeter – Signalisation ferroviaire
Inscrivez-vous au blog

On imagine souvent que les conteneurs frigorifiques – reefer en anglais -, sont remplis de fruits et légumes ou produis surgelés destinés à vos magasins préférés. C’est souvent le cas. Mais on connait moins l’utilisation de ces mêmes reefer pour… des produits informatiques.

Lorsqu’une nouvelle option ferroviaire a été ouverte en 2011 entre l’Europe et la Chine, Hewlett-Packard via son équipe logistique EMEA souhaitait utiliser ce nouveau lien toute l’année afin de bénéficier d’un délai de transit terrestre plus court (16-18 jours contre 40-45 jours pour le fret maritime) et d’une chaîne de transport plus rationnelle, en chargeant directement depuis Chongqing jusqu’au gigantesque port intérieur de Duisburg en Allemagne. HP a donc commencé à tester la viabilité de l’expédition de produits finis par voie terrestre sur 11.000 km plutôt que de les envoyer à 1.700 km jusqu’à la côte chinoise suivi d’un long trajet par voie maritime vers l’Europe. Mais il y avait un problème sur la voie terrestre.

Un ordinateur portable ne peut pas descendre en dessous d’une température de -20°C sans risquer d’endommager ses performances et d’invalider sa garantie. Or, les températures ambiantes sur certaines parties de la longue route ferroviaire qui serpente à travers la Chine, le Kazakhstan, la Russie, le Belarus peuvent descendre à -40°C en hiver. HP avait besoin d’un moyen de maintenir la température de ses ordinateurs portables au-dessus de -20°C dans des conditions hivernales extrêmes. La société hollandaise Unit45 a trouvé la solution en utilisant la technologie des conteneurs frigorifiques non pas pour refroidir la cargaison, mais pour assurer un transport « conditionné » afin de maintenir la température souhaitée.

« À l’époque, nous disposions d’une version européenne de notre unité frigorifique intermodale dieselelectric de 45 pieds avec un réservoir de carburant de 250 litres », se souvient Jan Koolen, managing director chez Unit45. Contrairement aux conteneurs frigorifiques maritimes, la conception du reefer Unit45 intègre un groupe électrogène diesel pour fournir de l’énergie là où il n’y a pas d’électricité, ce qui le rend idéal pour les longs trajets ferroviaires. « Mais le transport de marchandises par rail du centre de la Chine vers l’Europe prend environ 16 jours de porte à porte. Nous devions donc fournir un volume plus important de diesel, car faire le plein à une température de -40°C n’est pas l’idée la plus géniale, surtout si vous avez 40 conteneurs ou plus dans le même train qui ont tous besoin de faire le plein. »

Unit45-Reefer
La version utilisée en Europe Continentale (Photo Unit45)

Jan Nouwen, directeur technique de Unit45, a donc été chargé de créer une unité frigorifique de 45 pieds dédicacée pour les « Nouvelles routes de la soie », dotée cette fois d’un réservoir de carburant de 900 litres – suffisant pour 20 à 24 jours – et capable de charger 33 europalettes côte à côte sur 3 rangées de 11, pour une capacité et une stabilité maximale de la cargaison. « La partie technique était bien sûr essentielle, mais nous devions également tenir compte des réalités opérationnelles », explique Jan Koolen. « En Europe, la plupart des marchandises sont encore transportées par route accompagnée, il y a donc un chauffeur sur place pour s’occuper de tout. Mais ce n’est pas le cas sur les Nouvelles routes de la soie. Ce dont nous avions besoin, c’était d’un système avancé de suivi et de localisation qui nous permettrait de voir l’emplacement de nos unités – y compris le géofencing, » (ndlr : une technologie de géolocalisation qui permet de surveiller les déplacements de véhicules ou de personnes dans une zone virtuelle autour d’un emplacement spécifique).

Il fallait aussi surveiller l’état des marchandises, notamment la température du conteneur, le volume de diesel et les performances de la machine. « Nous voulions pouvoir contrôler l’unité à distance, par exemple pour régler la température, arrêter et démarrer le frigo, etc. Et nous avions besoin d’avoir toutes ces informations, y compris les alertes et les alarmes, directement sur nos écrans d’ordinateur au bureau. » Tout cela a été rendu possible avec la société américaine Orbcomm, qui est l’un des principaux fournisseurs mondiaux de solutions de communication industrielle pour l’Internet des objets (IoT) et machine – machine (M2M) pour suivre, surveiller et contrôler à distance des actifs fixes et mobiles, comme ici les conteneurs frigorifiques.

Depuis, Unit45 a largement développé ce qu’elle appelle sa « CoolBox » de 45 pieds, qui est un progrès notable par rapport aux « CoolBox » du train frigorifique Valencia-Rotterdam, un trajet bien plus court que la Nouvelle route de la Soie.

Dans un partenariat entre le transitaire KLG Europe et l’entreprise routière et logistique néerlandaise H.Essers, il fut décidé que les Coolbox vers la Chine emmèneraient du biocarburant arctique renouvelable. « Un type de carburant qui ne gèle pas lorsqu’il est soumis à des températures extrêmement basses, » s’enthousiasme Erik Loijen, de KLG Europe. Le nouveau moteur est plus puissant, tout en consommant moins de carburant par rapport aux modèles précédents. H.Essers ne transporte pas de laptops mais du « périssable classique » comme le saumon, la crème pâtissière, le fromage et le lait, qui ont besoin d’une température stable de 5 degrés tout au long de la route vers la Chine.  

Unit45-Reefer
Les exportateurs ont le choix et peuvent amener d’usine leurs cargaisons sous température dirigée (Photo Unit45)

D’autres acteurs veulent mettre fin au diesel – bio ou pas -, en recherchant des solutions « plus intelligentes et meilleures », telles que les wagons câblés avec groupes électrogènes et/ou batteries lithium-ion pour alimenter les fameuses Coolbox ou assimilé. Mais un acteur bien au fait de ce type de dossier pestait dans le Loadstar sur la lenteur des autorisations, nécessaires à la moindre nouveauté, pays par pays : « les décisions de chaque réseau ferroviaire, et il y en a un paquet entre la Chine et l’Europe, prennent de nombreuses années. Ensuite, vous avez la politique de chaque pays qui traite le problème sous l’angle géopolitique, ce qui est un énorme obstacle. » On ne perd pas de vue que l’Europe – et ses prescriptions techniques unifiées -, s’arrête à la frontière polonaise. Au-delà, c’est chacun pour soi…

En attendant ses « nouveautés intelligentes », le reefer Coolbox du hollandais Unit45 et d’autres entreprises continuent de traverser les continents avec ses 900 litres de biocarburant, transportant sur 11.000km du lait en poudre, du fromage à raclette, des puces informatiques, ou encore du vin et de la bière de France et d’Italie sous température contrôlée à distance. Rien que cela, c’est déjà un immense progrès.

Unit45-Reefer
La version conçue pour les Nouvelles routes de la Soie (Photo Unit45)

Articles similaires :

Silk-road-OBORTout savoir sur la Route de la Soie ferroviaire
« Belt and Road » est un projet d’infrastructure et de commerce de grande envergure visant à relier la Chine – physiquement et financièrement – à des dizaines d’économies en Asie, en Europe, en Afrique et en Océanie. Il se compose de deux parties : la « ceinture », qui reconstitue un ancien itinéraire terrestre de la route de la soie, et la « route », qui n’est pas réellement une route, mais un itinéraire traversant divers océans.


OBOR+48% pour le seul mois de mai entre la Chine et l’Europe
10/06/2020 – Le trafic Europe-Chine prend maintenant une ampleur importante et vient de dépasser pour la première fois la barre des 1000 trains mensuels. xxxxx xxxxxxxxxx xxxxxxxxxx xxxxxxxxxxxxxx


Intermodal-P400Intermodal : l’importance croissante du gabarit P400
26/04/2021 – Les trains intermodaux ont représenté la moitié du trafic de fret ferroviaire 2019. Cela signifie qu’une attention particulière doit être accordée à ce mode de transport et au gabarit P400. Explications.xxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxx xxxxx xxxxxxxxxx xxxxxxxxxx xxxxxxxxxxx


CFL_LuxembourgLiège : le futur Duisbourg wallon ?
02/02/2021 – La Wallonie se dote d’un outil majeur à Liège au travers du Trilogiport. La multimodalité est au coeur du Green Deal européen et Liège montre la voie.xxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxx xxxxx xxxxxxxxxx xxxxxxxxxx xxxxxxxxxxx xxxxxxxxxxxxxx xxxxxxxxxxxxxxxxxx xxxxxxxxxxxxxxx


CFL_LuxembourgPorts maritimes : un potentiel que le rail doit mieux exploiter
25/01/2021 – Le rail dessert depuis longtemps les ports européens mais il n’a pas encore des parts de marché très élevées. Cet article montre différentes manières de doper les flux ferroviaires vers ces grandes zones industriellesxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxx xxxxx xxxxxxxxxx xxxxxxxxxx xxxxxxxxxxx


LogistiqueComment le rail devrait se reconnecter à la logistique
09/11/2020 – Comment le rail peut-il augmenter ses parts de marché ? En optant davantage pour une orientation logistique xxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxx xxxxxxx xxxxxxxxxxxxxxxxxx xxxxxxxxxxxxxxxxxxx xxxxxxxxxxxxxxxxxxx xxxxx xxxxxxxxxxxxxxx xxxxxxxxxxxxxxxxxxx xxxxxxxxxxxxxxx xxxxxxxxxxxxxx xxxxxxxxxxxxxxx xxxxxxxxxxxx


TRAXX_RegiojetComment l’Europe améliore le fret ferroviaire en Espagne et au Portugal
05/01/2021 – Puisque c’est l’Année du rail, montrons déjà à quoi sert l’Europe. Exemple ici avec la revitalisation de 2 lignes ferroviaires pour connecter les ports et plateformes logistiques de la Méditerranée de l’Ouest et de l’Atlantiquexxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxx xxxxx xxxxxxxxxx xxxxxxxxxx xxxxxxxxxxx


InfrastructureLe train écolo, c’est aussi des travaux !
16/11/2020 – 2021 sera l’Année du Rail en Europe. Cela implique pas seulement des trains modernes mais aussi de bonnes infrastructures ferroviaires. Certains estiment que ce n’est pas toujours nécessaire. Vraiment ?xxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxx xxxxxxx xxxxxxxxxxxxxxxxxx xxxxxxxxxxxxxxxxxxx xxxxxxxxxxxxxxxxxxx


>>> D’autres news sur nos newsletters hebdomadaires.
Souscrivez par mail pour être tenu informé des derniers développements ferroviaires

Que peut attendre le rail du plan de l’Europe ‘Fit for 55’ ?


26/07/2021 – Par Frédéric de Kemmeter – Signalisation ferroviaire et rédacteur freelance
Inscrivez-vous au blog

🟧 Nos brèves quotidiennes 🟧 Notre lexique ferroviaire 🟧 Nos newsletters 🟧 Nos fiches thématiques

Note : article complété en octobre 2022 pour plus de visibilité et précisions

Le paquet « Fit for 55 » tant attendu de la Commission européenne, destiné à faciliter la réduction des émissions de gaz à effet de serre de l’Union européenne de 55 % d’ici 2030 par rapport à 1990, a pour mission principale de faire des années 2020 une décennie de transformation pour l’action climatique. De quoi s’agit-il exactement et quel impact sur les transports ?

Il est essentiel de parvenir à réduire ces émissions au cours de la prochaine décennie pour que l’Europe devienne le premier continent neutre sur le plan climatique d’ici à 2050 et que le « Green Deal » européen devienne une réalité.

La communication sur le Pacte vert pour l’Europe (11 décembre 2019) plaçait la lutte contre le changement climatique au cœur de ses priorités d’action de la nouvelle Commission von der Leyen, avec l’objectif d’atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2050.

Compte tenu du poids des émissions dues au secteur des transports dans le volume global des émissions de l’UE, l’accélération de la transition vers une mobilité durable constitue l’un des volets les plus importants du pacte vert, qui met en avant la nécessité de réduire de 90 % d’ici 2050 (par rapport aux niveaux de 1990) les émissions du secteur des transports.

La Commission développait dans la foulée une stratégie en trois axes :

  1. Un nouvel objectif climatique contraignant à l’horizon 2030, validé par les chefs d’État et de gouvernement les 10 et 11 décembre 2020 : réduction de 55 % des GES par rapport aux niveaux de 1990;
  2. «Stratégie de mobilité durable et intelligente», publiée en décembre 2020, destinée à relever le défi de la transition climatique du secteur des transports;
  3. Et enfin, publication du paquet «fit for 55» ou «ajustement à l’objectif 55 » le 14 juillet 2021. Ce paquet constitue l’ensemble le plus complet de propositions jamais présenté en matière de climat et d’énergie.

Un rôle essentiel pour le rail ?

Selon l’UE, le nouveau plan « Fit for 55 » présenté le 14 juillet 2021 est un ensemble d’outils législatifs permettant d’atteindre les objectifs fixés dans la loi européenne sur le climat et de transformer fondamentalement notre économie et notre société pour un avenir équitable, vert et prospère.

Le paquet «fit for 55 » se compose de 8 actes législatifs révisés et renforcés, et de 5 nouvelles initiatives législatives. Ces textes combinent, dans un « équilibre soigneusement dosé entre tarification, objectifs, normes et mesures de soutien », le renforcement du système actuel d’échange de quotas d’émission de l’UE (SEQE-UE) et son extension à de nouveaux secteurs, dont le transport maritime et routier; un recours accru aux énergies renouvelables; une amélioration de l’efficacité énergétique ; un déploiement plus rapide de modes de transport à faibles émissions soutenu par des mesures appropriées en matière d’infrastructures et de carburants; une mise en adéquation des politiques fiscales dans le domaine de l’énergie avec les objectifs du pacte vert pour l’Europe ; un dispositif visant à prévenir les fuites de carbone et des outils destinés à préserver et étendre la capacité des puits de carbone naturels.

Ce vaste paquet, qui contient des centaines de pages de propositions législatives, prévoit la création d’un nouveau système communautaire d’échange de quotas d’émission (SCEQE) pour les bâtiments et le transport routier, une restructuration profonde de la fiscalité énergétique en Europe, des objectifs accrus en matière d’énergies renouvelables et d’efficacité énergétique, l’introduction d’un mécanisme d’ajustement aux limites du carbone et la révision des normes d’émission de CO2 pour les voitures neuves.

Les chemins de fer peuvent évidemment se réjouir d’être déjà sur le bon chemin dès l’instant où c’est notamment le secteur des transports qui est le plus visé par les mesures à venir. Mais attention tout de même à la réalité des choses.

Le transport ferroviaire est déjà conforme au « Green Deal » dans la perspective de 2030. Il n’est responsable que de 0,4 % des émissions de CO2 dues aux transports, alors qu’il ne représente que 8 % du transport de passagers et 19 % du transport de marchandises en Europe. Malgré sa solution à faible émission de carbone, le rail n’est pas spécifiquement mentionné dans les propositions publiées le 14 juillet. Le président de l’Association européenne du fret ferroviaire (ERFA), Dirk Stahl, s’en inquiète : « Il n’est pas surprenant que le rail ne figure pas de manière prédominante dans le paquet, étant donné les références écologiques existantes du rail, mais nous ne devons pas perdre de vue que le rail reste un élément clé de la solution ».

Cela pourrait paraître encore plus surprenant si l’on se rappelle que 2021 est l’année européenne du rail. Mais cette célébration ne signifie pas que les autres modes de transport sont mis en veilleuse. Il ne fait aucun doute que des dizaines de bureaux de lobbying très organisés continuent de travailler dur pour garantir les intérêts des secteurs automobile et aérien. Ces secteurs développent des arguments imparables pour perpétuer leur business, même s’il y a une conscience à propos de l’utilisation des énergies fossiles.

Fit-for-55
(photo Katerinavulcova via pixabay)

Le directeur exécutif du CER, Alberto Mazzola, reste optimiste : « Les chemins de fer sont déjà sur la voie d’une réduction de 55 % de leurs émissions d’ici à 2030 et d’un taux d’émission nul avant 2050. Le transfert modal accélérera encore la réduction des émissions européennes. Les principes du pollueur-payeur ne fonctionneront que si un prix du carbone solide est appliqué à tous les modes de transport. Et les recettes de la tarification du carbone doivent être affectées à la poursuite du développement de systèmes de transport à faible émission de carbone et à la protection des citoyens européens contre la pauvreté énergétique« .

L’idée de mieux taxer les transports polluants pour opérer un transfert modal vers le rail pose de nombreuses questions. D’un côté, il y a en effet la nécessité de mieux réguler le secteur routier car on a clairement atteint un point limite dans le « laissez-faire ». La route a engendré un éparpillement fatal des implantations logistiques et une guerre des prix qui nuit au métier de routier. L’overdose de camions nuit également à la santé des citoyens. Ce sont pourtant ces mêmes citoyens qui réclament de pouvoir consommer à moindre prix. Pourtant, le secteur de la logistique est très clair : toute augmentation de la fiscalité routière se répercutera de facto dans les rayons des magasins, jusqu’à doubler le prix du simple yaourt. Les précarisés en seront les premières victimes.

De l’autre côté, il ne faudrait pas que le transfert modal vers le rail soit analysé comme une bénédiction pour le secteur ferroviaire de ne rien changer concernant ses méthodes de travail ni d’infléchir les coûts de production. Car là aussi la logistique sortira son argument principal de hausse des prix dans les magasins si on l’oblige à prendre le train. Faire du train moins cher doit rester une priorité pour le secteur, quelle que soit la fiscalité routière.  N’oublions pas que la route est indispensable pour les derniers kilomètres. Aucun train au monde ne mène directement vers une grande ou moyenne surface, et encore moins vers les magasins d’une rue piétonne…

Le plan Fit for 55 est une occasion de changements radicaux dans notre façon de consommer et de nous déplacer. Mais c’est aussi l’occasion pour le rail de faire son introspection et de revoir ses méthodes de travail, sans sombrer dans le dumping constaté dans le secteur routier. Il s’agit de trouver le bon équilibre, en taxant par exemple les longues distances routières plutôt que les courtes. Mais aussi en se mettant plus à l’écoute des utilisateurs du rail, que l’on ne doit plus considérer comme de simples usagers qui doivent se contenter de ce que l’État daigne leurs offrir. L’écologie doit être qualitative, pas uniquement coercitive…

Europe-Fit-for-55
(photo Tom Parnell via license flickr)

Pour approfondir :

Le train peut-il réellement remplacer l’avion ?
28/06/2021 – Le train pourrait remplacer certains vols de 500 à 1000 km. Les mentalités semblent évoluer dans ce sens et la durée moyenne des voyages augmenterait. Mais il y a encore un certain nombre de conditions pour ce remplacement. xxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxx xxxxx xxxxxxxxxx xxxxxxxxxx xxxxxxxxxxx


Passer du produit au client : le rail peut-il s’inspirer des Gafam ?
21/06/2021 – Passer de la politique « produit » à la politique « client » est un vrai défi pour le rail. Le poids des actifs (trains-infrastructure) et les habitudes culturelles façonnent encore largement la politique ferroviaire, mais il y a pourtant quelques raisons d’espérer.


Doubler le fret ferroviaire : un objectif très ambitieux
14/06/2021 – Il n’y a plus vraiment de débat sur l’importance de transférer le fret de la route vers le rail. Ce transfert est une stratégie clé pour contribuer à l’objectif de l’accord vert européen de diminuer les émissions de CO2 du fret. L’Europe s’est fixé pour objectif de porter la part de marché du secteur à 30 % d’ici à 2030. Réaliste ?


RFC-Corridor-fret-ferroviaireCorridors de fret ferroviaire : quels résultats jusqu’ici ?
18/05/2021 – Cela fait près de 30 ans que la Commission européenne a lancé diverses initiatives pour booster le transport de fret ferroviaire, qui reste éternellement à la traîne. Parmi les actions, l’instauration de corridors européens où l’on concentre les investissements et la digitalisation. Quelles leçons peut-on en tirer jusqu’ici ?


Intermodal-P400Intermodal : l’importance croissante du gabarit P400
26/04/2021 – Les trains intermodaux ont représenté la moitié du trafic de fret ferroviaire 2019. Cela signifie qu’une attention particulière doit être accordée à ce mode de transport. Cependant, la majorité des semi-remorques en circulation sont aujourd’hui au gabarit ferroviaire P400, ce que toutes les lignes ferrées ne proposent pas nécessairement. Or ce gabarit est essentiel si on veut réaliser des objectifs de transfert modal.


Regiojet-CroatiaAppel pour un chemin de fer fort et unifié
22/03/2021 – Le rail est un outil de transport important dans tous les pays d’Europe. Mais il reste une chose très « nationale » par rapport à l’aviation ou l’automobile. Il y a 2 domaines où il doit impérativement faire un saut qualitatif


Numérique : l’indispensable adaptation du rail avec l’humain comme objectif

05/07/2021 – Par Frédéric de Kemmeter – Signalisation ferroviaire et rédacteur freelance
Inscrivez-vous au blog

🟧 Nos brèves quotidiennes 🟧 Notre lexique ferroviaire

L’actualité récente nous le montre : le numérique se répand partout et le chemin de fer n’y échappe pas. Le sujet a de surcroit une dimension presque politique puisqu’il impacte la définition même du service à offrir au public.

Le vieux chemin de fer est entré dans un XXIème siècle technologique et de plus en plus digital. Personne n’y croyait dans les années 70 et 80, persuadé qu’une technique du XIXème siècle était vouée au déclin irréversible. Deux facteurs prouvent l’inverse :

• le chemin de fer est bien passé de la première révolution industrielle (charbon), à la seconde (énergie fossile et électrique)

• le chemin de fer, globalement en retrait depuis les années 60, redevient une option pour un futur décarboné et, moyennant une profonde mutation de son exploitation, il est capable de répondre aux nouvelles donnes sociétales.

Parmi les nouvelles donnes, celle du numérique est la plus révolutionnaire. Elle correspond à la troisième révolution industrielle, celle des données, des datas. Qui détient les données numériques sera roi du monde. C’est déjà le cas des GAFAM (Google, Amazon, Facebook, Apple et Microsoft), ces géants qui savent tout de votre vie privée.

Les exemples ne manquent pas sur les possibilités offertes par la digitalisation. Alors qu’au XIXème siècle, chaque petit groupe d’aiguillages avait pratiquement son poste et son « aiguilleur » (en stand-by permanent, qu’il y ait des trains ou non), aujourd’hui, la Belgique est passée de 200 anciens postes à 31 cabines de signalisation, pour gérer près de 4000 circulations par jour (hors Covid-19). Cela n’a pu être possible que par l’implantation de la fibre optique, un câble qui envoient de signaux digitaux sans aucunes limites de distance. À terme, 10 centres de contrôles seront suffisants sur le réseau Infrabel. Le personnel est évidemment formé à cet environnement nouveau.

Network-digital
Comment surveiller la végétation et anticiper les problèmes là où c’est nécessaire

Les défauts du réseau ferré sont une autre pierre angulaire de la digitalisation. Le terrain peut parfois bouger, de quelques millimètres, puis finalement céder sous les forces de dame Nature. Network Rail, le gestionnaire britannique, gère ainsi le changement climatique et les phénomènes météorologiques extrêmes de plusieurs manières. L’un des projets consiste à installer 60 stations météorologiques Findlay Irvine à des points stratégiques de la région Nord-Ouest et Centre de l’Angleterre. Ces stations digitales envoient en permanence leurs données vers des centrales et permettent, le cas échéant, l’envoi des bonnes personnes au bon endroit et au bon moment.

La mort du wagon isolé, souvent programmée, n’aura peut-être pas lieu, et on ne peut que s’en réjouir. Mais il fallait revoir de fond en comble les manières de procéder. La collecte manuelle d’informations « à l’œil » n’est pas toujours parfaite et peut être source d’erreur et de lenteur. Au triage de Munich-Nord, DB Cargo tente le tout en un en faisant passer les wagons triés en bosse par un portique munis de multiples caméras. Objectifs : pas seulement comptabiliser les wagons, mais détecter les défauts de chargements éventuels, surtout au-dessus, une zone inaccessible pour les travailleurs du rail (besoin d’échelle, de mise à terre de la caténaire, lourdeur des processus,…)

>>> À lire : Munich-Nord devient le premier triage numérique d’Allemagne

Munich-Nord-Digital
Des wagons automatiquement scannés à Munich-Nord (photo DB Cargo)

Le plus grand triage des Pays-Bas, Kijfhoek au sud de Rotterdam, va bénéficier de la solution Trackguard Cargo MSR32 de Siemens, un système permettant d’automatiser tous les cycles d’opérations de tris. Objectifs là aussi : rationaliser les séquences opérationnelles à tous les niveaux, de l’arrivée du train jusqu’au départ du train, et permettre l’automatisation maximale possible de tous les cycles de travail et des opérations de tris. Le système prend en charge de manière entièrement automatique la définition des itinéraires pour toutes les coupes.

>>> À lire : Pays-Bas – Siemens remporte la modernisation du triage de Kijfhoek

Le numérique est à la fois une opportunité et un immense défi pour ramener les clients vers le rail : le risque de ne pas exister dans la galaxie internet. Or, si on veut décarboner le monde, l’internaute doit connaître votre existence, vos offres de services et quel prix il est demandé pour se déplacer de A vers B. Sur ce thème, la concurrence est extrêmement rude car l’accumulation des données de tous les types de transport et leur analyse rapide en quelques secondes sur les serveurs des GAFAM peut se traduire par des offres de transport qui évitent le train. Le train doit donc être présent sur internet de manière multiple :

• en faisant mieux et moins cher (exploitation rationnelle avec les outils numériques) ;

• en promotionnant des offres rapidement compréhensibles et en distillant en temps réel l’info trafic ;

• en construisant du matériel fiable, moins lourd, moins agressif pour la voie grâce à de nouvelles technologies ;

• en fiabilisant l’exploitation par une surveillance en temps réel des éléments techniques (usures, dégradations,)

On peut ergoter des siècles sur les inégalités de traitement que procure le digital dans la sphère privée au travers de l’utilisation que chacun fait d’un smartphone – ou pas. Mais on ne comprendrait pas pourquoi le chemin de fer ne devrait pas tenir compte de l’immense majorité possédant le précieux joujou en poche. Le digital est un outil magistral pour connaître les goûts des gens… dont ceux qui ne prennent jamais le train !

>>> À lire : Passer du produit au client – Le rail peut-il s’inspirer des Gafam ?

Le digital offre aujourd’hui des services comme celui de réserver son sandwich ou autres gâteries au bar TGV sans de voir faire la file. Il permet ainsi à la SNCF de voir ce qui est le plus commandé et de prévoir – ou revoir le cas échéant –, la carte proposée.

Et l’humain dans tout cela ?

Débat éternel depuis l’apparition de l’homme et la femme sur terre. Les progrès font peur à eux qui estiment – souvent à tort -, ne pas être à la hauteur. Mais surtout, il fait peur à ceux que l’on a enrôlé dans des filières métiers avec de nombreuses promesses sociales à la clé. La diffusion d’une innovation dans une économie provoque toujours la disparition de certains métiers et en fait émerger de nouveaux. Ainsi, la locomotive électrique a certes fait disparaître le « duo de copains » qui était titulaire de « sa » locomotive à vapeur, mais il a rehaussé le métier de conducteur de train et fait disparaître du chemin de fer l’un des combustibles les plus polluants de la planète. Le deuxième conducteur n’a plus non plus aucune nécessité dans une locomotive moderne, surtout avec la mise en service progressive (certes trop lente…) de l’ETCS qui indique au conducteur les ordres de mouvements en cabine.

L’attelage automatique – enfin en cours de développement et de tests en ce moment -, est un gain sérieux pour la sécurité du personnel, qui sera amené à faire un métier plus valorisant que la simple tâche d’atteleur.

>>> À lire : L’attelage automatique sur wagon de fret va-t-il devenir une réalité ?

Le QR Code plutôt que l’annotation manuelle des wagons. Une évidence (photo VTG)

Et puis il y a des métiers qui disparaissent sans que ce soit la faute du digital. C’est notamment le cas des porteurs à bagages depuis l’avènement des valises à roulettes. Celui des bureaux d’information depuis que chaque citoyen connait encore mieux les astuces de voyage depuis son smartphone.

La pyramide des âges, assez élevées aux chemins de fer, a fait que beaucoup de ces personnes sont parties à la pension et n’ont pas été remplacées.

Comme il se doit, le sujet de l’emploi a été englouti dans le traditionnel tourbillon idéologique qui pose souvent mal les bonnes questions : faut-il un service public pour les travailleurs ou pour ses usagers ? Les deux dira-t-on. Réponse facile qui trahit l’esquive. Le maintien d’une armée de cheminots dans des petites cabines de signalisation n’est pas plus sécuritaire que les grands centres concentrés. Le maintien d’au moins une personne en petite gare est en revanche plus discutable, ne fusse que pour la sécurisation des lieux.

>>> À lire : L’édito de la semaine – Comment remettre de la vie dans nos gares

L’avenir du chemin de fer ne passe pas par des cohortes de travailleurs dont certains risquent à terme de se demander ce qu’ils font là. Le rail ne doit pas non plus être le refouloir d’un État social incapable de trouver de l’activité à ses sans grades. La dangerosité et la technicité du rail ne permettent plus aujourd’hui ce qu’on faisait jadis, en allant « pêcher » les fils d’agriculteurs en quête d’une vie meilleure totalement à charge de l’État. C’était beau, mais c’était jadis.

Le maître mot de la digitalisation est d’anticiper, de prévoir les métiers qui disparaîtront, comme celui des nombreux aiguilleurs ou atteleurs. Les nouvelles recrues du XXIème siècle sont des « digital native » qui ne s’étonnent guère de voir des automates dans les gares et qui ne conçoivent plus vraiment le métier de cheminot comme celui d’hier.

La digitalisation d’une entreprise ferroviaire ne se limite cependant pas à automatiser et optimiser toutes les tâches sous l’angle financier. Car le cœur de toute entreprise se révèle toujours au travers de ses collaborateurs, pour qui il faut prioritairement déployer les moyens nécessaires à une facilitation d’utilisation des outils digitaux tout en créant l’indispensable sens du métier. Certains peuvent travailler tout seul en autonomie quand d’autres ont une fibre pour le lien avec la clientèle, comme chez les accompagnateurs de trains. D’autres encore ont une préférence pour le travail en équipe. Ces valeurs là ne sont pas digitalisables…

La large digitalisation du rail peut faire naître des vocations, comme ce dessinateur CAD qui est devenu pilote de drones pour surveiller et inspecter des actifs du réseau Infrabel qu’il couchait lui-même sur plan. Une vraie revalorisation du job. Tout l’enjeu porté sur l’humain est dans la formation, même si une base est obligatoire, comme en Belgique, de terminer sa scolarité à 18 ans. Tant Infrabel que la SNCB ont investi dans une « Académie du rail » pour compléter cette petite couche spécifique qui fait qu’il faut donner un complément d’information ferroviaire quel que soit le niveau de sortie des études. Tant SNCF que Deutsche Bahn et bien d’autres ont initié la même démarche.

Cependant, pour arriver à intégrer les collaborateurs dans ce renouveau digital, les opérateurs publics doivent peut-être faire le deuil de l’ancienne gestion administrative et quasi militaire du personnel, et bifurquer vers de nouvelles trajectoires plus proches des aspirations de chacun et chacune. Ce n’est pas une mission impossible…

Munich-Nord-Digital
Des drones pour une surveillance approfondie des actifs (photo Infrabel)

05/07/2021 – Par Frédéric de Kemmeter – Signalisation ferroviaire et rédacteur freelance
Inscrivez-vous au blog

Pour approfondir :

Maintenance_DigitalLa digitalisation du rail : c’est déjà du concret chez Infrabel
23/06/2019 – Aujourd’hui, le monde digital n’est plus une lubie, mais une réalité. Il est intéressant d’observer ce qui se fait dans le secteur ferroviaire.xxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxx xxxxx xxxxxxxxxx


SNCB_siege_2Comment les satellites et l’intelligence artificielle surveillent la végétation
24/08/2020 – La technologie permettant de comprendre la végétation peut sembler incongrue, mais elle peut contribuer à réduire les coûts sur un réseau ferroviaire. Connaître la végétation, c’est anticiper des problèmes à venir


Cloud_computingNumérisation : ÖBB veut entrer dans le cloud
10/09/2020 – La numérisation du rail n’est plus de la science-fiction. Ce qui est plus novateur, en revanche, c’est d’utiliser des solutions cloud. Les ÖBB ont fait un test de décentralisation d’une cabine de signalisation


DataDatas et applications smartphone : des nouvelles armes pour dominer
01/02/2021 – Comment les applis smartphone sont devenues si importantes pour le rail et le business des opérateurs. Facilité et choix de paiement devrait être le motif n°1 pour que les gens retournent au train. Mais…


Et plus globalement :

Digital-RailLa page digitalisation de Mediarail.be
Le vieux chemin de fer est entré dans un XXIème siècle technologique et de plus en plus digital. Personne n’y croyait dans les années 70 et 80, persuadé qu’une technique du XIXème siècle était vouée au déclin irréversible. Il y a pourtant toutes les raisons de croire que ce secteur peut parfaitement accaparer les bouleversements en cours. Mais sans oublier d’y inclure la dimension humaine.


>>> D’autres news sur nos newsletters hebdomadaires.
Souscrivez par mail pour être tenu informé des derniers développements ferroviaires

Le train peut-il réellement remplacer l’avion ?

28/06/2021 – Par Frédéric de Kemmeter – Signalisation ferroviaire et rédacteur freelance
Inscrivez-vous au blog
(English version)
🟧 Nos brèves quotidiennes 🟧 Notre lexique ferroviaire

Depuis la vague verte et la pandémie, l’idée de remplacer certains vols par le train en Europe a fait son chemin. Ce dossier a même pris une ampleur particulière quand en 2020, la plupart des pays furent amenés à intervenir pour soutenir leur compagnie aérienne. En outre, la crise du Covid-19 a mis en évidence les avantages d’un ciel et d’autoroutes vides sur la qualité de l’air et a relancé le débat sur l’opportunité pour les gouvernements d’utiliser l’argent public pour renflouer les industries polluantes, y compris l’aviation. Malheureusement, comme toujours quand la politique s’en mêle, on entre dans le champ irrationnel en décalage complet avec la réalité.

Selon une étude de Deloitte, à l’échelle mondiale, la transport aérien est un puissant moteur de la croissance économique, de l’emploi, du commerce et de la mobilité. Dans le même temps, la croissance de la demande de trafic aérien doit aller de pair avec la réduction de l’empreinte environnementale de l’aviation. L’industrie de l’aviation est l’une des nombreuses industries qui ont un impact important sur les émissions mondiales d’origine humaine. Alors que l’aviation représente aujourd’hui 2 à 3 % des émissions mondiales de carbone, si aucun changement n’est opéré dans le secteur, ce chiffre atteindra 27 % d’ici 2050.

aviation-rail
(photo Peter Gudella/Shutterstock)

Les arguments actuels tentent de démontrer que la décarbonation des transports passe, notamment, par l’électrification de la motorisation des véhicules. Or les trains sont déjà des véhicules électriques depuis des décennies et peuvent tirer un grand avantage de cette situation. On sait par avance qu’il y a très peu de chances à ce que les avions disposent d’une motorisation électrique, les contraintes étant énormes. En revanche, l’industrie aérienne travaille déjà sur de nouveaux carburants zéro carbone et fait un lobbying intense auprès des gouvernements du monde entier. Le « grand remplacement » de l’avion vers le train, dont rêvent certains, risque de prendre l’eau.  Entre les croyances des uns et les études diverses des autres, il est difficile de s’y retrouver. Il est essentiel de bien distinguer plusieurs éléments.

Tout d’abord, le retour à une « vie normale » peut en effet défier les meilleures enquêtes téléphoniques. L’impression domine que la pensée de 2021 peut fortement différer de celle de 2020. Les gens ont beaucoup appris de la pandémie et dès qu’une occasion d’ouverture se précise, les mentalités changent. Le fait qu’en ce mois de juin les embouteillages redevenaient la norme dans les grandes villes et qu’il n’y avait plus une seule place dans les restaurants le soir indique clairement que la population souhaite ardemment retrouver à son mode de vie d’avant 2020. Il peut en être de même pour les voyages. Début juin 2021, Eurocontrol rapportait une forte hausse des vols avec plus de 11.000 par jour, des chiffres certes inférieurs à juin 2019 mais bien supérieurs aux 7.000 vols quotidiens comptabilisés en avril 2021. La vaccination massive et les assouplissements progressifs ne sont pas étrangers à ce redémarrage. Le directeur général d’Eurocontrol, Eamonn Brennan, expliquait justement que « si davantage d’États assouplissent leurs restrictions et mettent pleinement en œuvre des procédures telles que le certificat Digital Covid de l’UE, [nous] pourrions voir le secteur aérien gérer 69 % des niveaux de trafic de 2019 en août. » Des prédictions correctes ? Eamonn Brennan justifie ses prévisions en démontrant que fin janvier « nous avions prévu que le nombre de vols traités par le réseau européen serait d’environ 39% des niveaux de 2019 en mai, ce qui s’est précisément produit. Nous élaborons ces chiffres en étroite concertation avec les différentes compagnies aériennes sur un large échantillon de compagnies et de segments de marché. » Pour beaucoup, la mode ‘flygskam’ n’est pas un « grand remplacement » en faveur du train, mais est destiné à maintenir une forte pression sur l’industrie aéronautique pour qu’elle se réforme et réduise considérablement son empreinte carbone.

Deuxièmement, prendre la problématique du transport au travers de l’idéologie va clairement poser des problèmes d’images. On crée des camps, avec ses bons et ses mauvais, ce qui polarise la société. Des chercheurs qui étudient les profils des consommateurs sur différents marchés en ont récemment identifié un nouveau type : le « voyageur environnemental ». Actuellement, un militantisme écolo intense est en faveur du train. C’est évidemment une bonne chose mais ce militantisme risque de heurter tout une franche de voyageurs qui n’ont que faire des thèses politiques. Affirmer le chemin de fer comme outil politique et idéologique, c’est s’assurer l’échec du transfert modal. Les mêmes chercheurs ont constaté que la sensibilisation à la crise environnementale ne se traduit pas automatiquement par des changements de comportement, comme le fait de préférer d’autres modes de transport à l’avion. Le plus souvent, la distance ou le coût sont des motivations plus puissantes, en particulier pour les vols court et moyen-courriers. Il est donc essentiel que le rail montre un visage le plus attractif possible si on veut que le climat « soit l’affaire de tous », et pas seulement un combat de quelques militants. Il y a encore, sur ce plan, beaucoup de pédagogie à faire d’un côté comme de l’autre.

digital-rail
(photo Flystock/Shutterstock)

Troisièmement, les attitudes semblent changer en ce qui concerne la longueur des trajets en train. Selon le groupe bancaire suisse UBS, la tolérance générale pour des voyages plus longs est en hausse, les données d’UBS montrant que les voyageurs d’affaires ne seraient pas contre des voyages de quatre heures et que les voyageurs de loisirs seraient prêts à passer jusqu’à six heures dans le train. UBS pense que l’Europe verra son réseau ferroviaire à grande vitesse croître de 10 % par an au cours de la prochaine décennie. On pourrait même espérer qu’en regardant moins au temps de trajet, les trains de nuit puissent redevenir une nouvelle mode de voyage. Pourquoi pas ? Après tout, s’il est bien conçu, le train de nuit n’est jamais qu’un hôtel roulant. Interviewée par la BBC, Diana Oliveira, une doctorante portugaise qui gère les comptes de médias sociaux The Nerdy Globetrotters, rappelle le problème du port du masque dans les trains. « Si vous voulez être protégé autant que possible, alors un vol semble être une bonne option, puisque le temps d’exposition aux autres est réduit, » argumente-t-elle. « Ensuite, c’est une question de commodité – porter un masque pendant deux heures de vol ou pendant 10 heures dans un train. » Là aussi, le train doit encore montrer son meilleur côté.

digital-rail
(photo Thalys press room)

En définitive, ce qui frappe le plus dans ce dossier train vs avion, c’est la polarisation, jusqu’aux cercles académiques. Ainsi de nombreuses recherches universitaires semblent vouloir interpréter le mouvement flygskam comme quelque chose de « planétaire ». Elles disent se baser sur des entretiens approfondis avec « beaucoup de monde ». Mais aucune de ces études n’indique le profil socio-économique des personnes sondées, ni la pluralité du panel.  L’impression domine qu’on sonde un public déjà militant et partisan de la cause climatique. Combien sont-ils réellement en regard à la population totale ? Nuls chiffres ni mentions. Parfois en cherchant bien, on peut remarquer que certains chercheurs sont plus engagés que d’autres. Méfiance donc. Entre souhait politique et réalité du monde, seule la vente des tickets pourra nous indiquer l’ampleur exacte du transfert modal.

Il faudra aussi s’attaquer aux coûts de production. Le tableau ci-dessous, provenant d’une étude Deloitte, montre clairement que le train est plus cher que certains vols sur 1000km. Faire du train cher à cause d’un tas d’habitudes industrielles rend un très mauvais service au transfert modal. Il est de plus anti-social car le train devient ainsi un moyen de transport pour ceux qui peuvent se le payer. La structure des coûts de l’aérien fait certes débat – notamment au niveau de la taxation du kérosène ou de la TVA sur les billets. Mais on peut difficilement croire qu’en taxant les concurrents du rail, le chemin de fer serait soudainement revigoré. Sur ce sujet, il n’y a pas non plus de consensus entre chercheurs, académiciens et économistes.

digital-rail
(photo Deloitte)

Le train, c’est déjà un véhicule électrique dont les émissions de GES sont bien en deçà des autres transports à carburants fossiles. Il convient donc de l’encourager et d’en faire un transport de référence. Cela ne peut se faire que par des acteurs multiples car des sociétés étatiques seules, soumises aux aléas de la politique, n’y parviendront jamais, et l’histoire du rail l’a largement démontré. Faisons en sorte qu’il soit un transport plus utilisé à l’avenir et qu’il plaise à un maximum de personnes.

28/06/2021 – Par Frédéric de Kemmeter – Signalisation ferroviaire et rédacteur freelance
Inscrivez-vous au blog

Pour appronfondir :

TGV-Alstom-recordEt si le voyage en train devenait un lieu de vie
08/03/2021 – Comment faire en sorte que le voyage ferroviaire se transforme en temps utile ? Le train comme votre salon ? Il y a encore beaucoup de travail mais le rail a des atouts pour y parvenir


FlygskramSuède, la “honte de prendre l’avion” fait le bonheur du train
04/04/2019 – Un nombre grandissant de Suédois se sentiraient coupables de prendre l’avion à cause des émissions de CO2 que ce moyen de transport produit. Ce phénomène est apparu en Suède à la fin de 2018 et a conquis plusieurs milliers de personnes à travers le monde (Courrier International)


Le train plutôt que l’avion sur courte distance ?
11/03/2019 – L’avion est-il encore pertinent quand on doit parcourir 600 à 800 kilomètres ? Au-delà des slogans, tout dépend des circonstances, du plan transport, de la géographie et du temps disponible de chacun.


e6a3e-train_adacioMobilité : le citoyen est-il écolo ? Oui, quand ça l’arrange – 04/09/2015
Tous le proclament sur les réseaux sociaux : ils sont adeptes de l’écologie et participent au mouvement pour une planète plus durable. Demain sera un autre monde, pour certains sans pétrole, sans capitalisme et plus humain. Qu’en est-il de la théorie à la pratique ? Petite ballade éclairante du côté de la mobilité.


ccOn prend très peu le train pour aller en vacances – 16/04/2015
Chaque année le même scénario : bouchons en vue les samedis d’été. Et le train là-dedans ? Il affiche complet, mais n’arrive pas à enrayer l’écrasante supériorité des vacances en voiture. Le citoyen a fait son choix. Explicationsxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxx xxxxx xxxxxxxxxx xxxxxxxxxx xxxxxxxxxxx


DataDatas et applications smartphone : des nouvelles armes pour dominer
01/02/2021 – Comment les applis smartphone sont devenues si importantes pour le rail et le business des opérateurs. Facilité et choix de paiement devrait être le motif n°1 pour que les gens retournent au train. Mais…


OBB_WorkshopComment le train peut-il reconquérir la clientèle d’affaires ?
17/07/2020 – La clientèle d’affaires a des attentes importantes en matière de voyages. Le train peut conquérir cette clientèle mais sous certaines conditions.xxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxx xxxxx xxxxxxxxxx xxxxxxxxxx xxxxxxxxxxx


Train-de-nuitLe train de nuit pourrait être un atout pour le rail
18/01/2021 – Le train de nuit peut être un atout pour le rail, plutôt qu’une contrainte. A condition de le prendre en tant que segment particulier doté d’un business model solide.


FRMCS-GSM-RQu’avez-vous fait du chemin de fer ces dernières décennies ?
05/04/2021 – « La part de marché du rail n’a pas augmenté malgré la libéralisation », déclarait le ministre portugais. Oui mais il faut bien lire le pourquoi et le comment. Analyser sans concessions.


Passer du produit au client : le rail peut-il s’inspirer des Gafam ?

21/06/2021 – Par Frédéric de Kemmeter – Signalisation ferroviaire et rédacteur freelance
Inscrivez-vous au blog
(English version)
🟧 Nos brèves quotidiennes 🟧 Notre lexique ferroviaire

Je viens de terminer le livre « Gafanomics » *. Vivifiant. L’ouvrage nous fait réfléchir à l’évolution du modèle économique dominant. Alors que la société industrielle repose toujours sur le produit, les Gafam (Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft) ont comme seul objectif le client. Une définition qu’il faut prendre dans le sens de l’usage. Pour les Gafam en effet, la technicité a peu d’importance. C’est le temps passé et l’appréciation du produit qui compte par-dessus tout. En somme, c’est tout le contraire du chemin de fer. Comparaison farfelue ?

Bien évidemment, la première chose qui vient à l’esprit est que la souplesse du numérique – objet par essence immatériel – facilite grandement l’offre d’une expérience optimale, souvent formellement gratuite, personnalisable à grande échelle. Les Gafam n’ont quasi pas d’actifs, hormis les coûteux serveurs. Impossible à réaliser dans un environnement ferroviaire ? A voir. L’allemand Flixmobility fait partie – au travers de Flixtrain -, de ces start-ups voulant disrupter le business model ferroviaire à l’aide de puissants serveurs et d’une armée de développeurs plutôt qu’une armée de cheminots. Mais attention aux comparaisons trop rapides. Guillaume Gombert un des auteurs du livre, explique surtout qu’un grand nombre d’entreprises pourrait s’inspirer de certains éléments qui font vivre les Gafam : « on peut s’en inspirer pour améliorer la qualité d’exécution de son business, améliorer la vie des employés et ses relations avec des partenaires ».

Bien sûr, les Gafam fascinent, étonnent et inquiètent les structures établies, comme les taxis (Uber), le commerce de détail (Amazon), les hôtels (Trip Advisor) et… les chemins de fer (souvent éjectés des comparateurs de voyages). Assis sur des montagnes de données, les Gafam construisent peu à peu ce dont tous les grands dirigeants ont rêvé : un accès global, couvrant toute la planète et s’étendant à n’importe quel endroit où l’on vit. Cet accès instantané et immédiat offre un pouvoir phénoménal. Chaque nouveauté, produit ou innovation permet aux Gafam de consolider leur pouvoir et d’étendre leur influence.

Mais malgré la perception simple qu’on a d’elles en tant qu’entreprises « technologiques », leurs principales sources de revenus sont clairement différentes. En fait, ces entreprises n’exercent pas les mêmes activités : elles ne sont pas en concurrence les unes avec les autres, ni avec qui que ce soit. Apple est considérée comme une référence mondiale en matière de matériel électronique haut de gamme et de divertissement. Elle a réalisé beaucoup de croissance externe par acquisition de nombreuses entreprises dans le domaine de l’automatisation des logiciels, des assistants virtuels ou des capteurs de santé. Google et Facebook tirent l’essentiel de leurs revenus de la publicité grâce au moteur de recherche et aux médias sociaux. Microsoft et Amazon sont dans le domaine de la vente au détail, de l’informatique et des médias. En d’autres termes, ces cinq géants occupent des espaces différents mais qui englobent la quasi-totalité de nos activités sociales et professionnelles. Les chemins de fer n’ont donc aucune chance d’échapper à cette emprise. Mais en quoi ces acteurs sont-ils perçus comme une menace plutôt qu’une opportunité pour les chemins de fer ?

D’abord par leur nationalité clairement américaine, provoquant comme toujours en Europe des vagues de suspicions quand il s’agit du monde anglo-saxon. Cette suspicion est accentuée par la culture européenne qui associe encore largement le rail à un service social, où le business digital n’aurait pas sa place. L’histoire sociale du rail qui compte aussi pour beaucoup : la culture cheminote est l’exact contraire du monde des start-ups planétaires (filière métier, évolution de carrière basée sur le droit, barèmes officiels, échelle hiérarchique, territoire national, etc). Ensuite, la disruption des Gafam porte sur la mobilité au sens large. Quand on agrège des milliers de demandes de covoiturage ou de lignes de bus longue distance à grande échelle, c’est clairement pour éviter le train. Enfin, il y a l’accès aux sources de financement. Les chemins de fer ont toujours été – et demeurent -, des variables d’ajustement des finances publiques. La libéralisation tente de redonner du souffle financier pour l’exploitation des trains, avec un succès mitigé. Le ticket d’entrée pour de nouveaux opérateurs reste encore trop élevé et les priorités sont rarement dans le digital. Tout cela explique pourquoi il est difficile pour le rail de retirer du positif des Gafam. Il y a pourtant quelques raisons d’espérer.

Le monde politique a changé, il est plus jeune et plus attentif (la première ministre finlandaise a actuellement 36 ans). Il ne veut plus signer des déficits à l’aveugle ni encourager de coûteuses situations de rente. Les nouvelles recrues du rail ont aussi changé : ce sont des « digital native » qui comprennent mieux pourquoi il y a des automates dans les gares. Mais qui exigent aussi nettement plus de places pour ranger le vélo…

digital-rail

Là où les chemins de fer peuvent faire de sérieux progrès et tirer quelques leçons des Gafam, c’est dans les pratiques de mobilité de ses propres clients. La digitalisation des tickets est l’option rêvée pour enfin connaître avec davantage de finesse les taux de remplissage des trains, et les jours et heures de plus grande utilisation. Aujourd’hui, les applis du rail se limitent au seul périmètre ferroviaire. Une situation dictée par les contrats avec l’Autorité et l’absence d’incitants pour aller au-delà de la gare. « Pourquoi se donner tant de mal, on est de toute façon payé », justifie un cadre anonyme. Pourtant l’enjeu pour l’avenir, c’est aussi de savoir ce que font les gens en dehors de la gare. Une analyse complète de leurs déplacements permettrait de tirer les meilleures conclusions.

Pour en arriver là, le rail doit offrir une application qui va au-delà des besoins ferroviaires. Ce sont les fameuses options périphériques, qui semblent sans rapport avec le cœur de métier, mais qui permettent en fait de scruter l’utilisation des choses par ses propres clients. Apple utilise abondamment cette technique pour « retenir » ses clients dans son écosystème, avec iTunes, ses App Stores, iBooks Store, Apple Music et d’autres ventes encore plus annexes qui ne représentent que 11% des revenus de l’entreprise. Les entreprises numériques prennent toutes ces données « brutes » de faible valeur et les transforment en avantage concurrentiel de grande valeur : un meilleur produit ou un processus plus efficace. Dans le secteur ferroviaire, il s’agirait de créer une appli… où ne voit pas trop de trains, mais attrayante et utilisée pour beaucoup d’autres usages, afin de fournir suffisamment de datas pour alimenter de grosses bases de données clients. On évite ainsi les peu fiables comptages à bord ou en gares, toujours très approximatifs.

Ainsi, il est possible de voir quelles gares sont plus fréquentées que d’autres et comment les voyageurs se répartissent (souvent mal) le long d’un quai. Cela permettrait également de connaître les réalités de l’utilisation des trains certains soirs (vendredi et week-end). Peut-être qu’en milieu de semaine, ces trains tardifs sont moins nécessaires. Cela permettrait aussi de savoir combien de clients voyagent seuls, la vente de tickets ne disant rien puisque chaque membre d’un groupe peut acheter son ticket séparément. Les lieux de restauration fréquentés en ville pourraient donner une idée de ce qu’il faut mettre dans les grandes gares, avec tel choix et telle qualité. Il en est de même quand les habitants du quartier utilisent les commerces de gare. Ils ne prennent pas le train mais font tourner la gare.

Passer de la politique « produit » à la politique « client » est un vrai défi pour le rail. Le poids des actifs (trains-infrastructure) et les habitudes culturelles façonnent encore largement la politique ferroviaire, tandis que l’automobile et l’aviation progressent dans un environnement plus ouvert aux nouvelles technologies. Ne dit-on pas que Tesla est un « iPhone sur roues » ?

* « Gafanomics, comprendre les superpouvoirs des Gafa pour jouer à armes égales », ouvrage collectif Fabernovel, coordonné par François Druel et Guillaume Gombert, éd. Eyrolles, 242 pages.

digital-rail
(photo Getty image)

21/06/2021 – Par Frédéric de Kemmeter – Signalisation ferroviaire et rédacteur freelance
Inscrivez-vous au blog

Pour approfondir

TGV-Alstom-recordEt si le voyage en train devenait un lieu de vie
08/03/2021 – Comment faire en sorte que le voyage ferroviaire se transforme en temps utile ? Le train comme votre salon ? Il y a encore beaucoup de travail mais le rail a des atouts pour y parvenir


DataDatas et applications smartphone : des nouvelles armes pour dominer
01/02/2021 – Comment les applis smartphone sont devenues si importantes pour le rail et le business des opérateurs. Facilité et choix de paiement devrait être le motif n°1 pour que les gens retournent au train. Mais…


OBB_WorkshopComment le train peut-il reconquérir la clientèle d’affaires ?
17/07/2020 – La clientèle d’affaires a des attentes importantes en matière de voyages. Le train peut conquérir cette clientèle mais sous certaines conditions.xxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxx xxxxx xxxxxxxxxx xxxxxxxxxx xxxxxxxxxxx


Train-de-nuitLe train de nuit pourrait être un atout pour le rail
18/01/2021 – Le train de nuit peut être un atout pour le rail, plutôt qu’une contrainte. A condition de le prendre en tant que segment particulier doté d’un business model solide.


FRMCS-GSM-RQu’avez-vous fait du chemin de fer ces dernières décennies ?
05/04/2021 – « La part de marché du rail n’a pas augmenté malgré la libéralisation », déclarait le ministre portugais. Oui mais il faut bien lire le pourquoi et le comment. Analyser sans concessions.