L’Allemagne investira 86 milliards € dans le rail d’ici 2030


15/01/2020 – Par Frédéric de Kemmeter – Signalisation ferroviaire et rédacteur freelance
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Avec 62 milliards d’euros du gouvernement fédéral et 24 milliards d’euros de fonds propres de la Deutsche Bahn, un total de 86 milliards d’euros sur 10 ans est désormais disponible, pour un réseau de 33.000 kilomètres. Cela signifie qu’une moyenne de 8,6 milliards d’euros par an est disponible pour l’infrastructure ferroviaire, confirmant la haute importance de l’un des quatre secteurs du rail. C’est 54% de plus que lors de la période de planification précédente. Ce programme d’investissement doit promouvoir « une mobilité moderne et respectueuse de l’environnement grâce au rail » justifie le ministre fédéral des Finances Olaf Scholz.

Une partie de ce montant est investie dans la rénovation et la modernisation de 2.000 ponts ferroviaires. « Un montant record et un signal important pour le transfert modal tant nécessaire en Allemagne », a déclaré Ronald Pofalla, directeur des infrastructures chez DB. Grands, petits, jeunes, vieux, en béton ou en acier, de quelques mètres ou de quelques kilomètres: DB Netz AG entretient plus de 25.000 ponts ferroviaires de différents types en Allemagne. Certains demandent manifestement un remplacement…

La Deutsche Bahn avait déjà démarré en 2015 avec un programme de modernisation de trois milliards d’euros dans le cadre de la loi de  financement (LuFV II). Fin 2019, près de 900 de ces ouvrages avaient déjà été rénovés ou remplacés sur ce programme. Le 900e était un pont situé près de la gare de Zepernick dans le Pankedal au nord-est de Berlin, rénové pour 30 millions d’euros.

Chaque jour ouvrable, près de 40.000 trains de voyageurs et de marchandises sont en circulation, usant la voie d’année en année. Vu leur coût et les coupures de ligne nécessaires pour leur rénovation, les ponts ferroviaires sont souvent laissés aux limites d’usure pour éviter trop de chantiers. Or ces ouvrages d’art son le garant de la fluidité du réseau et évitent les passages à niveau très accidentogènes avec le réseau routier. Le revers de la médaille est le coût de ces infrastructures, bien qu’un pont ferroviaire à deux voies soit moins cher que son homologue autoroutier à quatre bandes de circulation.

La convention de service et de financement III (LuFV III)
Le financement du rail en Allemagne se fait via la Leistungs- und Finanzierungsvereinbarung, (abréviation LuFV ) est un contrat entre l’État et la Deutsche Bahn pour la maintenance de l’infrastructure ferroviaire. Cette loi réglemente notamment les investissements de remplacement dans le réseau ferroviaire existant, détermine les indicateurs de qualité et sanctionne les non-conformités. La durée du LuFV III est de dix ans, le double de la précédente LuFV II.

Outre les ponts évoqués ci-dessus, les investissements se traduisent aussi par le renouvellement d’environ 2.000 kilomètres de voies et 2.000 aiguillages chaque année. Environ sept milliards d’euros sont consacrés à la seule technologie des enclenchements, qui subit une forte informatisation. Les investissements bénéficieront aussi aux gares moyennes et petites, par exemple par une meilleure accessibilité et une protection supplémentaire contre les intempéries à quais. Il y a aussi plus d’argent disponible pour que les chantiers de construction/rénovation aient le moins d’impact possible sur le trafic ferroviaire et les voyageurs. Côté courant de traction, de nouvelles sous-stations de conversion devront à l’avenir garantir que l’électricité produite se fera à partir d’énergies renouvelables.

La loi de financement LuFV III fait suite au deux précédentes et on peut dire en effet que les montants sont à la hausse, sauf que les LuFV I et II ne présentaient pas la même durée. Une réalité cependant : le gouvernement fédéral a annoncé que l’augmentation significative de la LUFV III permettra de compenser la hausse des prix de la construction. De plus, la DB devra apporter 41% de fonds propres par rapport à précédemment, ce qui signifie que le geste du gouvernement fédéral est à nuancer si l’on tient compte de tous les paramètres financiers annexes. Il n’empêche que comparé à l’année, la LuFV III offre bien 54% de fonds supplémentaires par rapport à la période 2015-2019.

La durée de dix ans de cette LuFV III crée une plus grande sécurité pour la planification des travaux chez DB Netze. Comme chacun sait, le chemin de fer demande du long terme, là où l’horizon politique ne dépasse souvent pas les quatre ans d’une législature. Cela permet aussi de mieux planifier les capacités des entreprises de construction dans la durée, sur des accords à long terme qui donnent aussi plus d’amplitude aux fournisseurs. Le gouvernement y voit aussi une incitation à accroître l’innovation dans l’industrie de la construction ferroviaire, notamment pour améliorer le planning des travaux.

L’accord de service et de financement est basé à la fois sur une transparence mais aussi un contrôle de ce que fait DB Netze avec l’argent public, car il s’agit d’argent du contribuable. L’Autorité fédérale des chemins de fer (EBA) contrôlera la mise en œuvre de l’accord. Le LuFV III a introduit 17 nouveaux indicateurs de qualité.  Si DB ne remplit pas les conditions contractuelles, des amendes pourraient être dues. Les indicateurs de qualité documentent l’état du réseau, le nombre de ponts renouvelés, le montant des fonds consacrés à la maintenance et bien d’autres choses. Des modifications du LuFV III sont possibles à tout moment, a précisé le secrétaire d’État parlementaire au ministère fédéral des Transports et de l’Infrastructure numérique, Enak Ferlemann (CDU), permettant des ajustements si nécessaires, ce qui fait peur à certains membres de la coalition actuelle, qui craignent des retournements de situation.

Des critiques ont aussi émané du Bundesrechnungshof, le bureau d’audit fédéral, qui aurait préféré des tranches à durée plus courte. Ce à quoi la DB répondit que « un doublement du nombre de passagers souhaité par la politique ne peut être mis en œuvre qu’avec des programmes planifiés à long terme et financièrement sûrs. Si vous voulez rendre les budgets d’infrastructure ferroviaire disponibles sur des fenêtres de deux ans, vous ne faites qu’une chose : nuire au secteur ferroviaire » aurait sèchement répondu Deutsche Bahn par communiqué. Le Bundestag n’a donc pas suivi le bureau d’audit. On notera avec intérêt que les Verts allemands se sont abstenus lors du vote de la LuFV III.

Restons positif, au-delà de ces querelles banales de la politique intérieure. Le réseau ferroviaire a clairement besoin de renouvellement et, là où c’est nécessaire, de reconstruction. Un pont, c’est normalement cinquante ans. Cela donne une autre perspective des choses…

(photo Julian Stratenschulte)

 

15/01/2020 – Par Frédéric de Kemmeter – Signalisation ferroviaire et rédacteur freelance
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Frédéric de Kemmeter

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