29/07/2021 – Par Frédéric de Kemmeter – Signalisation ferroviaire
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Il y a 30 ans jour pour jour, était publiée la directive 91/440, point de départ d’un vaste renouvellement de la politique ferroviaire européenne. Cette directive a depuis été amendée et remplacée par quatre paquets législatifs ferroviaires qui ont eu un impact important sur le paysage du rail européen.
En 1986, les chefs d’Etat et de gouvernement de douze États, formant alors ce qui s’appelait la CEE, adoptaient une proposition de la Commission pour créer enfin ce que le traité de Rome s’était déjà engagé à bâtir en 1957 : un marché unique, c’est à dire « un espace sans frontières intérieures assurant la libre circulation des marchandises, des personnes, des services et des capitaux ». Au total, pas moins de 300 textes européens et des milliers de textes de transposition furent adoptés dans chacun des douze Etats membres. Ce cheminement marqua le point de départ de l’implication des Directives européennes dans les législations nationales.
Le développement important de la réglementation européenne atteindra rapidement le secteur ferroviaire de chaque pays. La Commission européenne, renforcée dans ses pouvoirs, était persuadée à l’époque que le meilleur remède était l’introduction de la concurrence dans un mode de transport protégé, presque partout, par un quasi-monopole national.
Plusieurs facteurs expliquent cette ligne de conduite de la Commission : les résultats positifs apportés par l’ouverture à la concurrence dans d’autres secteurs en monopole, la volonté d’un marché unique du transport « sans frontières », la montée des préoccupations environnementales ou encore les préoccupations liées aux dettes et aux financements des services publics. Mais surtout, le constat d’une chute drastique de ses parts de marché (entre 1970 et 1993, la part du ferroviaire est passée de 31,7 % à 15,4 % dans le transport de marchandises, et de 10,4 % à 6,4 % dans le transport de voyageurs) démontrait qu’il y avait clairement un problème de compétitivité par rapport aux autres modes de transport, dont la libéralisation naissante était très rapide et fournissait déjà ses premiers résultats.
La directive 91/440 CEE du 29 juillet 1991 est le texte fondateur d’une longue suite législative qui transforma le rail européen. Elle visait à faciliter l’adaptation des chemins de fer à la grande idée du marché unique et à accroître leur efficacité. Pour atteindre cet objectif, la directive imposait l’indépendance de gestion des entreprises ferroviaires par rapport à l’État. Elle prescrivait également la séparation comptable entre l’infrastructure et de l’exploitation des trains, dans le but d’accueillir d’autres opérateurs alternatifs. La séparation de ces deux activités pouvait également être organique ou institutionnelle, mais cela restait facultatif. Elle imposait aussi l’assainissement de la structure financière des entreprises ferroviaires dans le cadre d’une maîtrise plus générale des finances publiques de chaque pays.
La transposition de cette directive s’est souvent fait attendre et a du être précisée par les directives de 1995 qui mettaient en œuvre les principes établis par la directive 91/440 CEE. Elles ne concernaient que les entreprises ferroviaires établies dans la Communauté, ainsi que leurs regroupements internationaux, lorsque ces entreprises et regroupements effectuaient les services visés à l’article 10 de la directive 91/440 CEE.

Le 30 juillet 1996 la Commission européenne publiait un premier Livre blanc, titré « Une stratégie pour revitaliser les chemins de fer communautaires », qui annonçait une nouvelle stratégie législative de l’Union européenne. Au lieu de directives éparpillées au fil des ans, dorénavant les directives seraient proposées par paquet. Ce traitement par bloc permet d’empêcher que le Parlement et/ou le Conseil de l’Union européenne, codécideur, ne déforment les projets en n’adoptant pas ou en enterrant certains aspects.
Les mesures contenues dans ce Livre blanc annonçaient surtout un virage vers davantage de précisions dans l’arsenal législatif. La directive 91/440/CEE était en effet trop vague et très critiquée pour sa non-application. L’objectif, pour qu’une entreprise ferroviaire nouvelle puisse rouler sur des réseaux conçus différemment, est de rendre le plus homogène possible en favorisant notamment l’interopérabilité et l’harmonisation technique.
La suite, ce sera donc les quatre paquets législatifs dont le dernier peut être considéré comme un aboutissement. Cet arsenal législatif important a permis à la SNCF d’opérer son Ouigo en Espagne, à Trenitalia d’opérer bientôt en France et à NTV-Italo de prendre une place dans le marché du transport ferroviaire italien. Ailleurs des initiatives ont pu être prises pour lancer des trains de nuit. Le fret ferroviaire a pu stabiliser son hémorragie.
On retiendra tout de même qu’alors qu’il n’a fallu que quelques années pour libéraliser le secteur routier et aérien, trente années furent nécessaires pour obtenir quelques résultats au niveau ferroviaire. Le bilan est mitigé et sauver le train ne pourrait se faire que par une politique de fortes contraintes à l’égard des autres modes. Ce n’est assurément pas la voie qui sera suivie et l’arsenal législatif actuel devrait suffire pour mettre en pratique une revitalisation ferroviaire. Mais pour cela, il faudra peut-être aussi cesser de faire du train un jouet idéologique. Ce n’est pas gagné…

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