Proposition pour des trains de nuit (1) : au départ de Belgique et des Pays-Bas


09/09/2020 – Par Frédéric de Kemmeter – Signalisation ferroviaire et rédacteur freelance
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Nous entamons ici une petite série de propositions totalement libres sur les relations par trains de nuit qui nous semble le plus plausible. Elles ne manqueront pas de susciter débats et controverses. Aujourd’hui, quelles relations au départ de Belgique et des Pays-Bas ?

Contexte
La Belgique et les Pays-Bas concernent à eux seuls un bassin de population d’environ 28,92 millions d’habitants. La position géographique et l’attractivité diffère cependant entre les deux villes capitales :

  • Amsterdam est une destination mondiale axée sur le tourisme et les affaires;
  • Bruxelles est la capitale de l’Europe et un carrefour central entre Paris, Londres, l’Allemagne et les Pays-Bas.

Ces éléments basiques, qu’il faut agrémenter avec d’autres arguments, montrent dès lors que de manière globale :

  • Amsterdam est une origine/destination à elle seule du fait de sa forte attractivité;
  • Bruxelles est plutôt un hub vers le nord de la France, Paris, et le Royaume-Uni.

Si on additionne la zone de chalandise avec le Nord de la France, Paris, le Kent et Londres, on couvre un potentiel de voyageurs parmi près de 50 millions d’habitants produisant un PIB.

L’idée
Relier quotidiennement le Nord, l’Est et le Sud-Est de l’Europe pour atteindre un maximum de destinations en moins de 24 heures. C’est la raison d’être des destinations soigneusement choisies et visibles sur la carte ci-dessous :

  • Hambourg donne accès à la Scandinavie, à tout le moins au Danemark et au sud de la Suède. Ceux qui ont vraiment le temps prendront le ferry qui relie Lübeck/Travemünde à Helsinki. On sait que les gens « du sud » détestent aller au Nord. On peut vous affirmer que c’est une grande erreur…;
  • Berlin, qu’on ne présente plus, est une destination à elle seule. La capitale allemande permet aisément de rejoindre des joyaux touristiques majeurs comme Dresde, Prague ou Cracovie. La Pologne entière, et forcément Varsovie, est accessible depuis Berlin.
  • Munich est un nœud important de correspondances ferroviaires. On y compte trois courants de destinations : le duo Vienne/Budapest, le moins connu Tauern donnant accès à Klagenfurt, à la Slovénie (Koper) et surtout au nord de la Croatie, dont Rijeka sur la côte adriatique. Et enfin le très connu Tyrol, suivi du Trento italien qui mène à Vérone, Venise et Bologne, entre autres.
  • Zurich, ville de finances, pourrait aussi être une destination à elle seule. C’est principalement une passerelle ferroviaire donnant d’abord sur les fantastiques Grisons, mais aussi sur le Gothard, le Tessin et l’ensemble Lugano/Locarno puis la Lombardie, qui comprend non seulement Milan mais aussi les fameux lacs italiens.

Notons au passage que le train de Bruxelles fait arrêt à Liège, et celui d’Amsterdam à Utrecht et Arnhem. La destination « Berlin » desservirait Potsdam, celle de « Munich » la ville de Augsbourg et pour Zurich, on a un arrêt d’office à Bâle, autre grand carrefour ferroviaire (Lausanne, Genève, le Valais…)

L’ensemble de ces villes comporte aussi des pôles universitaires et des sièges sociaux de grandes sociétés. L’attrait conjoint des origines et des destinations permettent d’espérer de former de gros paquets de touristes ou de clientèle individuelle pouvant justifier les trains de nuit que nous allons maintenant décortiquer. (cliquer sur l’image pour agrandir)

La carte ci-dessus est un scénario « moyen ». On considère que les flux entre le Benelux et les quatre destinations demeurent insuffisants pour former des trains complets, un format qui présenterait dix voitures par destinations. On a donc recours aux traditionnelles « tranches » de 3 à 5 voitures, ce qui nous donne le schéma d’exploitation visible ci-dessus :

  • Bruxelles serait un train « quadri-tranches » vers Hambourg, Berlin, Munich et Zurich;
  • Amsterdam serait un train « tri-tranches » vers Berlin, Munich et Zurich. L’absence de la destination Hambourg se justifie par le trop grand détour que feraient les voitures et par la proximité relative des deux villes (470km).

On obtient donc deux trains de nuit quittant en soirée vers 21h30, les deux villes du Benelux. Si on compte un minimum de trois voitures par destinations, dans la tradition Nightjet, le train de Bruxelles aurait déjà 12 voitures quand celui d’Amsterdam en aurait au minimum 9. Mais Amsterdam étant la destination – et l’origine que l’on sait -, il ne serait pas surprenant que chaque tranche ait 4 voitures, ce qui nous ferait dès lors aussi un train de 12 voitures.

Vers minuit, ces deux trains arrivent à Cologne ou aux alentours. Un premier tri est déjà opéré :

  • Groupage des Berlin et Hambourg en un seul train;
  • Groupage des Munich et Zurich en un second train.

Le premier train se dirige vers Dortmund et Hanovre avec trois tranches. Le second descend sur Mannheim avec 4 tranches. Un second tri, vers 3h30/4h00 du matin s’opère :

  • aux environs d’Hanovre pour séparer les Hambourg et Berlin. Les voitures Bruxelles-Hambourg profiteront du Zurich-Hambourg qui passe juste à ce moment-là… Les voitures pour Berlin ne forment plus qu’un train, 6 à 7 voitures;
  • à Mannheim, on sépare les flux Zurich et ceux de Munich. Les voitures pour Munich ne forment plus qu’un train de 6 à 7 voitures. Idem pour les voitures destinées à Bâle et Zurich, sauf qu’elles profitent aussi du Hambourg-Zurich qui passe juste à ce moment-là.

Les quatre destinations sont toutes atteintes entre 7h30 et 8h30 d’après une brève comparaisons avec les temps de parcours grande ligne classique. Au retour, scénario identique mais inversé, avec les mêmes regroupement à Hanovre et à Mannheim.

Au niveau traction, six locomotives devraient suffire en théorie :

  • par exemple la première sur Amsterdam-Mannheim-Munich et la seconde sur Bruxelles-Hanovre-Berlin;
  • Les troisième et quatrième exploitent les trains Hambourg-Hanovre-Mannheim-Bâle et retour. Vu le demi-tour dans cette gare suisse, il faudra la traction CFF pour compléter sur Zurich;
  • les cinquième et sixième sont celles faisant le chemin inverse, vers Amsterdam et vers Bruxelles.

Chaque rame bloc rentre en atelier après deux allers-retours, soit à peu près 4.000 kilomètres, pour entretien.

Les trains ne comportent que des places couchées. Une voiture-bar pourrait être incorporée tant d’Amsterdam que de Bruxelles, mais elle risque de limiter la capacité lorsqu’il sera nécessaire d’augmenter d’une ou deux voitures les jours d’affluence. La présence d’une authentique voiture-restaurant ne s’impose certainement pas ici, vu les heures tardives de départ (21h30) et les petits déjeuners généralement servis en compartiment, que ce soit couchettes ou voiture-lits.

Ces trains seraient gérés comme des hôtels. Ils sont fermés de 23h00 à 5h00 (c’est à dire sans service sauf celui du bar, ouvert jusqu’à minuit), et aucun accès n’est permis en route, et c’est tant mieux pour la sécurité. Le catering du matin serait effectué lors des groupages/dégroupages à Hanovre et Mannheim dans le sens Ouest-Est, à Cologne dans le sens retour. Pain frais garanti, café, thé et céréales et yaourt pour celles et ceux qui préfèrent…

Nightjet, l’exemple à suivre en matière de service. Mais on peut encore faire mieux… (photo Nightjet)

Une des trois ou quatre voitures par tranche comporterait un espace pour 12 à 16 places vélos. On n’ira pas plus loin, parce que chaque mètre carré compte et on perd 12 couchettes à la vente. On nous dit par ailleurs que le « monde d’après » ne serait plus celui de la possession mais de l’usage, de la location. Or les quatre destinations – tout comme les deux origines -, ont toutes des systèmes très complets de bike-sharing, de vélo à l’usage. L’occasion de passer de la théorie à la pratique et de ne plus encombrer un train avec ses lourds objets perso…

Chaque gare origine/destination dispose d’un salon d’accueil et de facilités pour les « longs voyages » : échange de ticket, eau gratuite, salon de repos avant d’embarquer, refuge quand il pleut, la gare doit être un lieu qui vous fait oublier le chemin de fer d’hier. Évidemment tout dépend du bon vouloir des gares de destination et des possibilités d’occuper quelques dizaines de mètres carrés.

>>> À lire : Comment le train peut-il reconquérir la clientèle d’affaires ?

Qui va gérer cela ?
L’opérateur qui en aurait la capacité et l’audace. Ce ne sera pas nécessairement un service public puisqu’il s’agit d’un service hôtelier commercial. Une vieille idée ? C’est clair qu’on reprend ici ce qui a déjà existé jadis. Mais en faisant mieux. Exemple : voiture-lits pour toutes les destinations, possibilité d’occupé un compartiment couchettes à quatre ou cinq. Prix globaux basés sur l’âge et billetterie par QR Code sur smartphone ou impression chez soi. La particularité de ces trains fait qu’il faut un marketing agressif car l’hôtellerie sur rail est plus difficile à vendre. Beaucoup de gens comptent encore « en heures », quand une nuit reste une nuit pour tout le monde, soit de 22h00 à 6h00.

Ces trains devraient cependant à terme obtenir un équilibre, mais cela dépend de nombreux facteurs agissant sur les coûts et la commercialisation. Un train de nuit est un marché de niche et rarement une affaire de volume. Le mélange voitures-lits/voitures-couchettes offre théoriquement 156 places par tranche de trois voitures, 216 pour quatre voitures. On tourne donc autour des 620/640 places par train au départ de Bruxelles et Amsterdam, bien loin du débit volumique des TGV ou ICE, mais chaque train, c’est l’équivalent de cinq Airbus A320. Quelques firmes de catering ont comme métier de fournir du personnel de bord formé à la fois pour le service et pour les particularités ferroviaires.

Au-delà de la destination
Mais surtout, il importe d’obtenir, enfin, de vrais accords commerciaux avec d’autres chemin de fer à destination pour poursuivre le voyage, que ce soit de « grands établis » (CFF, ÖBB, DB, PKP, Thalys, Eurostar) ou des privés régionaux. En étendant la billetterie et les billets globaux au-delà des six origines/destinations, c’est win-win pour tout le monde : l’aire de chalandise qui s’étale au-delà de Zurich, Munich, Berlin, Hambourg ou Bruxelles remplit non seulement les trains de nuit, mais aussi les trains de jours des opérateurs concernés.

Les Intercity polonais n’ont rien à envier à ceux d’Allemagne. L’un d’eux en gare de Berlin-Hbf, venant de Varsovie (phot Rob Dammers via wikipedia)

Au final, on couvre une grande façade de l’Europe avec seulement deux trains de nuit qui par extension, permettent dans la (bonne) demi-journée de relier une douzaine de villes d’art, de Copenhague à Gênes en passant par Dresde, Salzbourg et Vérone. L’espoir futur : une clientèle qui grandit et qui impose bientôt des trains à deux tranches (2x 6 voitures) voire, rêvons, des trains complets mono destination, à l’image de l’ancien Thello Paris-Venise. Mais chaque chose en son temps, commençons par le début…

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Publié par

Frédéric de Kemmeter

Cliquez sur la photo pour LinkedIn Analyste ferroviaire & Mobilité - Rédacteur freelance - Observateur ferroviaire depuis plus de 30 ans. Comment le chemin de fer évolue-t-il ? Ouvrons les yeux sur des réalités plus complexes que des slogans faciles http://mediarail.be/index.htm

2 réflexions au sujet de “Proposition pour des trains de nuit (1) : au départ de Belgique et des Pays-Bas”

  1. un peu moins loin dans le futur :

    le prolongement du parcours vers Amsterdam demande une accélération du nj de Vienne et Innsbruck vers la Ruhr. En conséquent le train arrive une heure plus tôt le matin et parte une heure plus tard le soir à Cologne, qui améliore les correspondances de/vers la Belgique.

    Autre coté, le train pour Innsbruck (08:15), qui dessert très bien Munich à 07:10 le matin permette de voyager exactement vers les directions décrit dessus, notamment avec la correspondance du EC Munich – Bologna, 15 minutes plus tard.

    voici les horaires prévues :
    https://schienenweg.at/index.php?thread/39414-fahrplan-2021/&pageNo=1

    Selon toutes les infos disponibles, le nj pour Bruxelles serra maintenu comm maintenant quelques jours avec des voitures attachés à ces trains et également accéléré, donc, il arrivera plus tôt à Bruxelles et partira plus tard. Détails encore inconnu. Selon mes calculs et comparaisons, le potentiel de l’accélération est jusqu’à 2h, si ce train roule indépendant et le plus rapide possible à partir de Nuremberg et s’il est tracté par une Vectron avec package BeNeLux + 200km/h (ou équivalent) pour parcourir cette distance sans changer la loco à Aix. Les Vectron BeNeLux existent déjà chez les ÖBB, peut-être il faut un contrat de location SNCB-ÖBB pour louer deux et installer le package 200km/h?

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  2. Pour un train de nuit dans le futur un peu plus loin, j’avais une idée moins conventionnel :

    Deux demi-trains Vienne – Bruxelles / Paris et (Varsovie? -) Berlin – Bruxelles / Paris

    Entre (Varsovie,) Berlin et Paris ce train pourrait prendre le sillon du train de nuit Moscou Paris.

    https://www.vagonweb.cz/razeni/vlak.php?zeme=DB&kategorie=EN&cislo=PKPIC:452/17012/17013|DB:452|SNCF:&nazev=&rok=2020

    Ce train s’arrête à Forbach pour plus d’une heure, si on décale cette arrête à Sarrebruck, on peut faire l’échange des voitures avec le train Vienne – Bruxelles et Berlin – Paris.

    Luxembourg serra desservie vers 06:00 Bruxelles vers 09:00, entre-eux

    Appart de Vienne (dep. vers 19.00), ce train desserte également Salzburg, Munich et son départ à Munich vers minuit permette d’ajouter des voitures directes de Prague et Innsbruck. Dans l’autre sens il arrivera vers 04.00 à Munich et la distribution de ces voitures vers Prague et Innsbruck serra également possible. Les voyageurs pour Munich peuvent rester dans la voiture lit/couchette jusqu’à 07.00h en prenant une voiture pour Innsbruck.

    Après, sure et certain, la logistique pour ranger les voitures est un propre casse-tête. 🙂

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