Le groupe FS rassemble ses activités internationales sous un pôle unique


05/09/2022 – Par Frédéric de Kemmeter – Signalisation ferroviaire et rédacteur freelance
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Les activités européennes et mondiales de Ferrovie dello Stato reposeront sur une structure d’entreprise unique, un nouveau département international. C’est l’une des initiatives stratégiques introduites par le business plan 2022-2031 du groupe FS, présenté en mai dernier par le CEO Luigi Ferraris, et qui prévoit de fortes hausses des revenus à l’international.

Les Italiens n’en finissent pas de faire parler d’eux. Le regroupement de toutes les activités internationales du groupe sous une structure unique a pour but d’augmenter les revenus internationaux du groupe de 1,8 milliard d’euros en 2019 à environ 5 milliards d’euros en 2031.

Les concepts de « chemin de fer » à l’italienne met en évidence l’engagement de l’entreprise non seulement à intégrer de plus en plus le transport ferroviaire dans une mobilité plus large et plus partagée, collective plutôt que privée, mais aussi à exporter son savoir-faire, reconnu et – dit-on -, apprécié aux quatre coins du globe, au-delà des frontières géographiques imposées par les Alpes et la Méditerranée.

« Il y a maintenant un support européen en faveur du rail, de et vers des destinations qui dépassent les frontières des États. Nous sommes présents dans un certain nombre de pays, où nous voulons consolider notre présence, avec attention et investissements, tant dans le transport de voyageurs que de marchandises. En dehors de l’Europe, nous allons exporter notre savoir-faire » explique Luigi Ferraris.

Et c’est précisément sur le Vieux Continent que le Groupe FS, partant d’une présence déjà établie dans différents pays, concentrera son attention dans un avenir proche, pour donner vie à l’étranger à « une nouvelle ère ».

La libéralisation réglementée par le quatrième paquet ferroviaire européen a en effet ouvert le marché toutes les entreprises, y compris donc les entreprises historiques. Celles-ci peuvent donc opérer des services ferroviaires dans d’autres états, que ce soit en open access ou sous un contrat de délégation de service public. C’est cette opportunité que saisit le groupe FS.

Un groupe multipôle

Le groupe FS (Ferrovie dello Stato) est aujourd’hui un holding comportant plusieurs pôles exécutant leur business propre : Infrastructures, Voyageurs, Logistique et Urbain. Un cinquième pôle est donc créé pour regrouper des activités très disparates à l’étranger. Quelles sont-elles ?

France – Le 18 décembre 2021 est devenu une date historique pour le transport ferroviaire français et européen : la filiale Trenitalia France, qui remplace la défunte Thello, lançait la liaison Milan-Paris avec son TGV Frecciarossa 1000. Le 5 avril 2022, la même filiale inaugurait la première liaison à grande vitesse « purement » française entre Paris et Lyon, sans lien avec le trafic vers l’Italie. Actuellement, ce sont donc cinq allers-retours Paris-Lyon qui sont opérer par le groupe FS en France, dont deux poursuivent vers Milan.

c2c
Inauguration des liaisons Paris-Lyon purement françaises

Espagne – L’ouverture du marché ferroviaire ibérique aux opérateurs privés a permis de créer ILSA , un consortium composé de Trenitalia et d’Air Nostrum, lequel s’est vu attribuer des services à grande vitesse pendant 10 ans pour un total de 74 liaisons quotidiennes sur les lignes Madrid-Barcelone, Madrid-Valence/Alicante et Madrid-Malaga/Séville. Le démarrage de ces services est prévu par étapes le 25 novembre 2022, puis en décembre et en mars 2023, avec aussi des rames Frecciarossa 1000 configurées pour l’Espagne, mais sous la marque commerciale iryo.

Grèce – À l’Est de la Méditerranée, le groupe FS est actif au sein de Trainose, nouveau nom de l’ancien opérateur historique ferroviaire grec, et qui est contrôlé directement par Trenitalia depuis 2017. Un véritable défi quand on connait hélas l’état des finances de ce pays qui a fait l’actualité il y a quelques années. Le 14 avril dernier, un contrat de service de dix ans (avec une extension possible de cinq ans supplémentaires) était signé à Athènes pour assurer des services de transport de passagers sur toutes les lignes grecques. Le dimanche 15 mai, des rames ETR470 (anciennement utilisés entre Milan et la Suisse), ont commencé à circuler sur la ligne Athènes-Thessalonique. Le contrat, d’un montant de 50 millions d’euros par an, prévoit des investissements substantiels pour améliorer et moderniser la flotte dans une perspective écologique et pour doter les gares, à commencer par celles de la capitale et de Thessalonique, d’un système de mobilité électrique destiné à soutenir le transport ferroviaire, pour les liaisons du premier et du dernier kilomètre.

Allemagne – Pas de grande vitesse ici, où domine encore la seule Deutsche Bahn. Le groupe FS gère deux filiales distinctes. Netinera Deutschland, acquise en 2011, est le troisième opérateur de délégation de service public après DB Regio et Transdev. Le contexte post-pandémique déterminera peut-être aussi comment les contrats devront être exécutés, compte tenu de la baisse généralisée des trafics et des risques financiers y afférant. TX Logistik, quant à elle, est l’une des plus grandes entreprises de fret ferroviaire du pays, et opère également en Suisse, en Autriche, en Suède et au Danemark. Elle est maintenant sous contrôle de l’autre pôle, Mercitalia Logistics, une entreprise qui se refait une santé après des décennies de pertes et de manque de qualité.

c2c
Une rame c2c de la classe 357 Electrostar Bombardier (photo superalbes via wikipedia)

Grande-Bretagne – Un morceau plus dur, car le contexte britannique a fortement évolué ces derniers temps. D’une part le Brexit qui a pas mal compliqué les choses au niveau juridique, et d’autre part avec la fin du système des franchises qui est actuellement remplacé par des accords directs temporaires avec le gouvernement. Le groupe FS est présent sur l’île via Trenitalia UK, qui a acquis il y a cinq ans la société NXET (National Express Essex Thameside), laquelle exploite des liaisons entre Londres et Shoeburyness dans la région du sud de l’Essex sous la marque c2c (City to Coast). Cette même filiale a repris à Virgin fin 2019 l’exploitation de la West Coast Main Line (Londres-Manchester-Écosse), sous la marque Avanti. Trenitalia ne s’y trouve que pour 30% tandis que 70% appartiennent à FirstGroup. L’avenir des activités britanniques dépendra clairement de la politique adoptée, dans un contexte actuel de surenchères politico-sociales où chacun compte ses points. Il faudra aussi voir qu’elle sera la définition exacte du futur Great British Railways dont on connait peu choses jusqu’ici.

États-Unis – Contrairement à ce que l’on pourrait croire, le marché américain de la mobilité (transport de masse, trains à grande vitesse et fret) offre d’intéressantes possibilités de croissance, en particulier dans les grandes métropoles, grâce à une augmentation des investissements dans les chemins de fer. Le 13 mai 2019, FS Italian Railways USA Inc. a été créée en tant que société par actions de droit américain, dont l’activité principale est la gestion et le développement des transports – et des travaux connexes – sur le marché nord-américain. La société a notamment pour mission de participer à des appels d’offres organisés sur ce marché, dans le but d’exporter également le savoir-faire du groupe FS en Amérique du Nord et d’assurer la croissance du chiffre d’affaires international.

Finalement, la libéralisation, c’est bien ou pas ?

Il y a peu de personnes qui auraient pu parier il y a une vingtaine d’années sur un tel dynamisme de l’opérateur public italien. On peut d’ailleurs s’en étonner car il y a un paradoxe. Les Italiens, les allemands et les français sont des poids lourds du rail européen et mènent à Bruxelles un lobbying intense pour que les législations représentent au mieux leurs intérêts, dans un sens « protecteur ».

Mais d’un autre côté, la libéralisation offre à ces grands groupes des perspectives de revenus qu’ils n’auraient pas en restant sur le seul marché national. Toute augmentation de revenus doit forcément plaire aux gouvernements car cela soulage les finances publiques nationales. Le paradoxe est donc de se défendre contre la concurrence tout en l’encourageant ailleurs.

Pour l’Italie, il n’y a plus de paradoxe. Le groupe FS dépasse ses frontières mais il est lui-même confronté à un redoutable concurrent sur le marché domestique. Les Italiens ont appris la leçon et l’appliquent maintenant à grande échelle. Une inspiration pour d’autres opérateurs historiques ? 🟧

Netinera
Alstom Coradia Continental d’Enno, en gare de Hanovre, qui fait partie du groupe Netinera (photo Clic via wikipedia)

05/09/2022 – Par Frédéric de Kemmeter – Signalisation ferroviaire et rédacteur freelance
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Publié par

Frédéric de Kemmeter

Cliquez sur la photo pour LinkedIn Analyste ferroviaire & Mobilité - Rédacteur freelance - Observateur ferroviaire depuis plus de 30 ans. Comment le chemin de fer évolue-t-il ? Ouvrons les yeux sur des réalités plus complexes que des slogans faciles http://mediarail.be/index.htm

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