Intermodal : l’importance croissante du gabarit P400


26/04/2021 – Par Frédéric de Kemmeter – Signalisation ferroviaire et rédacteur freelance
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Les trains intermodaux ont représenté la moitié du trafic ferroviaire de marchandises de l’UE en 2019, seule « vraie » année de référence. Cela signifie qu’une attention particulière doit être accordée à ce mode de transport, qui combine le rail pour la majeure partie du trajet et le camion pour les trajets terminaux avant et après le transport. Plutôt que d’éparpiller l’argent dans toute l’Union européenne, l’accent a été mis sur un réseau dédié où des investissements majeurs sont réalisés en matière de capacité, de modernisation et de signalisation. Ce réseau transeuropéen de transport (RTE-T) a été formalisé par 9 corridors à travers l’Europe. Le règlement RTE-T est l’instrument juridique par lequel les États membres de l’UE conviennent des paramètres techniques du réseau ferroviaire et reçoivent des fonds de l’UE.

Parmi les paramètres techniques importants, le fameux gabarit P400 est une demande criante des opérateurs intermodaux. La référence P400 est la norme de mesure utilisée pour les semi-remorques chargées sur un wagon-poche. Cette nomenclature indique que la hauteur maximale à laquelle une semi-remorque peut être transportée par rail est limitée à 4 mètres. Cette limite est fixée de la base du wagon au sommet de la semi-remorque, la suspension étant sans air pour respecter cette hauteur.

Les origines du P400 : une demande routière

Cette hauteur de 4m est évidemment une demande de l’industrie routière qui veut utiliser au maximum les cotes officielles des routes et autoroutes européennes, qui fixent la hauteur des camions à 4m. Le Megatrailer, par exemple, est un type de semi-remorque développé dans les années 1990 par Ewals Cargo Care en coopération et en consultation avec l’industrie automobile européenne.  L’objectif était de développer une remorque capable de transporter 100 mètres cubes de marchandises. Cela représentait une augmentation d’environ 25% par rapport aux remorques conventionnelles de l’époque.  Ces semi-remorques permettent de charger 33 europalettes avec une hauteur libre à bord de 2,70m.

Si cette hauteur peut correspondre à une demande particulière, il n’en est pas de même pour tous les transports, comme le montre la photo ci-dessous. De nombreuses palettes ont rarement besoin de toute la hauteur disponible, du fait du poids des sacs et de la résistance des emballages. Il est donc courant d’avoir des camions qui transportent entre 10 et 30% d’espace libre, parfois bien plus ! On peut alors se demander pourquoi il fallait impérativement à ce que tous les camions fassent 4m de haut. Malheureusement, ces dimensions sont devenues des arguments de vente et de promotion : plus il y a des m³, plus le transport est écologique. Comme souvent, le chemin de fer n’a pas d’autre choix que de s’adapter s’il veut prendre des parts de marché dans le transport intermodal. Une adaptation très lourde…

Pas toujours remplis jusqu’au plafond, nos camions… (photo Ewals Cargo Care via wikipedia)

Or ce gabarit Megatrailer demande, dans certains pays, des travaux importants de mise à niveau de la voie et des passages sous ponts et tunnels. C’est ici que l’appartenance de telle ou telle ligne au réseau RTE-T est d’une importance capitale, car l’Europe peut aider. Le gabarit P400 est en revanche impossible dans certains pays comme par exemple la Grande-Bretagne, du fait de son réseau ferré qui dispose d’un gabarit historiquement plus restrictif. Ce pays, qui est aussi tourné vers le transport maritime à courte distance, préfère alors utiliser les caisses mobiles, qui est une unité semblable au conteneur mais adaptée aux cotes plus larges du transport routier.

Le gabarit P400 oblige à effectuer de nombreuses adaptations, parfois coûteuses. C’est là qu’on trouve tout l’intérêt d’inscrire une ligne ferroviaire nationale dans un corridor européen, car l’Europe peut intervenir selon certains mécanismes. Cependant, outre qu’il y a des choix à faire, il existe de nombreuses lignes reliant par exemple des zones industrielles ou portuaires qui sont en dehors des RTE-T, et ne bénéficient pas des fonds européens. C’est pour cela que des organismes comme l’UIRR ou RNE demandent que l’on considère le gabarit P400 de bout en bout, pas seulement sur les lignes principales d’un pays.

Hupac, l’un des plus grands opérateurs d’Europe, a présenté quelques chiffres sur le réseau P400 et son expansion en Suisse et en Europe centrale et du Nord, qui est son objectif actuel. La Suisse dispose aujourd’hui de 2 corridors – Lötschberg/Simplon et Gothard/Ceneri -, avec leurs tunnels adaptés qui permettent un gabarit de chargement P400. Selon Hupac, cela pourrait générer un transfert de plus de 80 % du trafic routier vers le rail. De même, l’ouverture du tunnel de base du Ceneri peut avoir un impact sur le transfert modal dans le corridor entre Rotterdam et Gênes.

Les tunnels suisses adaptés d’emblée pour le P400 (photo Kecko via license flickr)

Arcese et TX Logistik, par exemple, ont lancé un nouveau service de fret intermodal entre l’Interporto de Bologne (Italie) et le terminal nord TKN de Cologne (Allemagne). Ce service est ouvert aux semi-remorques P400, grâce aux corridors suisses et à l’ouverture du nouveau tunnel de base du Ceneri l’année dernière. Les ports et les centres logistiques italiens sont les premiers à bénéficier de ces améliorations, d’autant que le gabarit P400 est désormais disponible sur certains itinéraires italiens, notamment jusqu’à Bari, dans le sud du pays, permettant des liaisons vers la Grèce et la Turquie.

Dans le traité de Lugano de 1996, la Suisse et l’Allemagne avaient convenu de moderniser leurs chemins de fer. Les Suisses ont tenu parole avec deux corridors et les Pays-Bas ont également une ligne de fret dédiée de Rotterdam à la frontière allemande. Malheureusement, il semblerait que les mises à jour du réseau ferroviaire allemand se fassent attendre. Vu des Pays-Bas et de la Suisse, le potentiel de la route Rotterdam-Gênes ne pourra pas être pleinement exploité tant que les Allemands n’auront pas suivis pas le mouvement. Selon les informations de la Deutsche Bahn, la dernière étape du Rheintalbahn ne serait prête qu’en 2035. Presque 40 ans après le traité de Lugano. Heureusement, le gabarit de chargement P400 est déjà disponible.

(photo press Hupac)

La France promotionne de son côté un système hybride et plus onéreux d’autoroutes ferroviaires conçue par l’industrie nationale, le système Lohr-Industrie, qui impose des terminaux très particuliers où les remorques ne sont pas grutées mais embarquées latéralement. De nombreux acteurs du transport combiné ne souhaitent cependant pas en faire un usage exclusif et veulent conserver la technique traditionnelle du wagon poche et des semi-remorques grutées, jugée moins chère et plus facile à implanter.

Les circulations P400 « classiques » en France sont encore soumises à une Autorisation de Transport Exceptionnel (ATE), ce qui signifie que le trafic ne peut pas être garanti sur la durée, ce qui est néfaste pour la planification et le développement du transport intermodal. Ainsi, ECR a pu faire circuler des trains P400 entre la frontière espagnole et Saarbrucken au prix d’une lourde gestion de demandes d’ATE pour chaque train, soit environ 1000 demandes par an rien que sur le corridor Méditerranée. CFL Cargo doit également demander des ATE entre Bettembourg et Lyon Port Édouard Herriot. Elles ne sont valables que 6 mois. Ceci dit, la prise de conscience en France est réelle et les choses évoluent.

Beaucoup d’opérateurs veulent la solution technique classique du wagon-poche et semi-remorque préhensible par pince (photo Leci trailers)

Cette demande de gabarit P400 coïncide aussi avec une demande pour des trains plus longs, de 750m voire 1000m, qui poserait quelques problèmes avec les voies d’évitements et certaines gares, pas conçues pour de telles longueurs. L’objectif est d’avoir des trains intermodaux de 2.000 tonnes et d’accroître le transfert modal avec les Megatrailers. Tout ceci démontre une fois encore la grande importance de la qualité des infrastructures ferroviaires. Cela coûte cher, mais une fois adaptée, une ligne ferroviaire est ainsi valable pour les 30 prochaines années au moins. Il faut donc, pour se faire une idée, diviser le prix des travaux par 30. Cela donne une autre perspective…

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Intermodal_Mediarail(photo Stena Line)

Stena Line, LKW Walter, le port de Rostock et CFL Multimodal ont conclu un accord de partenariat pour élargir leur offre de services respective. Cette nouvelle connexion intermodale fonctionnera en 3 allers-retours par semaine, transportant des semi-remorques ainsi que des conteneurs. L’occasion de présenter ces quatre acteurs au business différent, mais qui ont des points communs et ont tous un intérêt à s’unir.

Lors de la libéralisation du marché ferroviaire en 2007 au Luxembourg, le Groupe CFL a créé, pour ce qui concerne le fret ferroviaire, la société CFL cargo. La société CFL multimodal, une filiale de CFL Cargo, propose des services de transport combiné rail-route longue distance et offre une gamme de services diversifiée : solutions de transport routier, maritime et aérien, entreposage, dédouanement, ainsi que toutes les autres prestations de la chaîne logistique. Le groupe utilise au Grand Duché le centre intermodal de Bettembourg-Dudelange, situé sur le Rail Freight Corridor 2 (Mer du Nord-Méditerranée) et au carrefour de la Lorraine, du Luxembourg belge et de la Sarre. Ce terminal d’une capacité annuelle de 600.000 unités intermodales (semi-remorques ou conteneurs) est relié par trains intermodaux réguliers aux principaux ports et régions industrielles d’Europe. En août dernier, CFL Intermodal, une autre filiale opérationnelle cette fois, élargissait encore sa flotte avec une commande de 50 wagons-poche T3000e de type Sdggmrss chez le slovaque Tatravagónka, pour augmenter ses capacités en transport de semi-remorques. Ces wagons sont équipés de capteurs qui fournissent des données de localisation GPS en temps réel. Le Track & trace de la solution intégrée de CFL intermodal, baptisée Mirabelle, est donc disponible sur les portails des clients et des fournisseurs. CFL Intermodal est le véritable opérateur des solutions ferroviaires, quand CFL Multimodal est plutôt une société de services logistiques. L’une et l’autre travaillent évidemment main dans la main.

CFL_Cargo_Mediarail(photo CFL Cargo)

Le « petit luxembourgeois » a ainsi réussit à se hisser au rang des grands du monde ferroviaire grâce précisément à la libéralisation, sans laquelle nous n’en aurions jamais entendu parlé. Le trafic enregistré à Bettembourg était encore de 208.660 UTI pour l’année 2019, ce qui indique qu’il reste un beau potentiel pour l’avenir. Maintenir la place de Luxembourg au milieu des grands flux européens est la stratégie même de CFL Multimodal et de son terminal.

CFL_Multimodal_Mediarail

Le port de Rostock fêtait en 2020 ses 60 ans de façon particulière. Créé en 1957 et ouvert en avril 1960, il a vécu 30 ans dans l’ancienne RDA et… 30 ans dans l’actuelle Allemagne réunifiée. Avec la réunification allemande, un repositionnement du port était nécessaire et le trafic de ferry a été étendu dans toute la Baltique. Le trafic roll-on / roll-off a alors gagné en importance, notamment pour le transport des produits forestiers en provenance de Scandinavie, ce qui justifie de nos jours Rostock comme destination importante pour les trains intermodaux.

Green_Deal_Mediarail(photo Rostock Hafen)

Green_Deal_Mediarail(photo Rostock Hafen)

En 2019, le seul secteur des ferry engloutissait un trafic de 16,2 millions de tonnes sur les 25,68 au total. Le Rostock Trimodal Terminal est une joint-venture entre Euroports, Kombiverkehr Deutsche Gesellschaft für kombinierten Güterverkehr mbH et Hafen- Entwicklungsgesellschaft Rostock mbH. Il exploite plus de 40 liaisons directes entrantes et sortantes par semaine avec des horaires de trains et de navires fixes. C’est ce terminal qui est maintenant relié à Bettembourg.

Voilà pour les terminaux, qui ont bénéficié de tas de subsides de la part des institutions politiques, municipales, nationales et européennes. Cela montre toute l’importance de l’État stratège : aider à la conception des infrastructures et laisser les gens de métiers construire eux-mêmes les trafics. La preuve par l’exemple : outre le secteur ferroviaire représenté ici par CFL Multimodal, nous retrouvons deux autres acteurs qui pouvaient à priori ne pas se sentir concernés. Et pourtant…

IntermodalLKW Walter est aussi présent dans un autre port allemand : Kiel (photo Kiel Hafen)

LKW Walter est un transporteur routier qui naquit déjà en 1924, et qui opère ses transport par camions complets dans toute l’Europe et ainsi que vers la Russie, l’Asie centrale, le Moyen-Orient et même l’Afrique du Nord. Elle fait partie des 50 premières entreprises autrichiennes. Son principal business concerne le transport de marchandises emballées non dangereuses – principalement des biens de consommation, du bois et du papier, des produits chimiques, des métaux, de l’automobile et de l’électronique. Les transports sont effectués en partie à l’aide du transport combiné rail/route et short sea Shipping. LKW Walter est en réalité un des plus gros utilisateurs du transport combiné et ses remorques sont présentes sur un grand nombre de trains intermodaux dans toute l’Europe. En 2020, LKW Walter a traité plus de 446.000 transports intermodaux, économisant ainsi plus de 382.000 tonnes de CO2.

Stena Line est l’une des principales compagnies de ferry de Scandinvie et d’Europe avec 36 navires et 18 liaisons exploitées en Europe du Nord. Stena Line est un élément crucial du réseau logistique maritime nord-européen et qu’elle développe en combinant le transport ferroviaire, routier et maritime. Fondée en 1962 et basée à Göteborg, cette entreprise « familiale » fait partie du groupe Stena AB qui compte à ce jour environ 16.000 employés et un chiffre d’affaires annuel d’environ 37 milliards de SEK (3,67 milliards d’euros). Ce qui, on en conviendra, nous éloigne de l’aimable PME… A priori on pourrait croire que Stena Line se contente de déposer les semi-remorques à terre, mais l’entreprise a vite perçu les avantages de la massification du train. « Nous avons constaté une forte demande chez nos clients pour un service intermodal régulier entre le sud de l’Europe occidentale, y compris la France et l’Espagne, et la Scandinavie. Nous voyons un grand potentiel de développement dans les deux sens avec des produits tels que le bois, le papier et l’acier venant du nord et les aliments frais, les fruits et légumes et les produits de consommation venant du sud », explique Fredrik Johansson, Shipping Logistics Sales & Business Development Manager chez Stena Line Group. Stena Line est présent au Danemark ainsi qu’entre la France et le Benelux avec la Grande-Bretagne et l’Irlande.

Stena_Line_map_Mediarail(photo Stena Line)

Stena_Line_ship_Mediarail(photo Stena Line)

Ce sont donc ces quatre acteurs qui mettent leur spécialisation en commun pour créer un nouveau flux intermodal. On réussit ainsi à connecter toute la région Moselle/Ardennes/Luxembourg/Sarre que l’on sentait jadis un peu à l’écart des grands flux nord-sud. On crée un hub dans un miniscule pays qui n’était pas appelé à cela. C’est ce qu’on appelle une stratégie à long terme. Une stratégie payante : «le lancement de cette nouvelle connexion intermodale est une autre étape importante dans l’expansion de notre réseau, reliant le terminal intermodal de Bettembourg-Dudelange aux principaux ports et pôles économiques d’Europe. CFL multimodal s’engage à proposer au marché des solutions de transport durable pour les remorques et conteneurs avec ou sans grue et à accompagner ses clients dans leurs projets de transfert modal », déclare Alain Krecké, directeur commercial de CFL multimodal.

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L’engorgement des ports britanniques désorganise les flux ferroviaires

15/12/2020 – Par Frédéric de Kemmeter – Signalisation ferroviaire
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Le plus grand port à conteneurs du Royaume-Uni est tellement encombré qu’il peut avoir une influence sur les flux ferroviaires à l’intérieur du pays. Explications.

Mais que se passe-t-il dans les ports britanniques ? A l’origine, un nouveau système informatique de gestion portuaire installé à Felixstowe en 2018 et qui a eu un impact négatif sur les transporteurs qui opèrent dans l’hinterland, tant pour les routiers que les trains. Il faut comprendre le système des conteneurs maritimes pour se faire une idée du problème. Quand vous emmenez à l’intérieur des terres un conteneur, il faut le ramener le plus rapidement au terminal portuaire d’origine, sous peine de pénalités appelés « surestaries  » (indemnités dues lorsque l’affréteur dépasse les délais impartis de location du conteneur). Le conteneur doit donc au plus vite revenir au port d’arrivée et au passage, ce système provoque des milliers de parcours à vide particulièrement anti-écologiques. La rotation ainsi que la collecte des conteneurs « import » (d’Asie ou autre), est géré à Felixstowe par le logiciel Vehicle Boarding System, apparemment contesté par beaucoup. A cela se sont ajoutés divers facteurs propres à 2020, liés au retard des navires et aux dockers qu’il a fallu confiner lors de la première vague.

Logistics UK, l’association professionnelle britannique de la logistique, a déclaré qu’il y avait eu récemment un énorme pic du volume de conteneurs entrant dès l’été, lorsque le premier déconfinement du Royaume-Uni fut enclenché et que les entreprises ont augmenté leurs commandes. Plus récemment, les entreprises se sont focalisées sur le 1er janvier et son incertitude liée à la fin de la période de transition du Brexit. Ces incertitudes ont provoqué un surabondance de conteneurs sur les quais de Felixstowe, à un point tel que des navires prévus doivent compter une attente de… 10 jours ! L’impact sur les petits commerçants, déjà durement touchés par la pandémie, est considérable : «nous sommes en rupture de stock de nos produits les plus vendus et nous n’avons pas été en mesure de lancer les promotions pour Noël (…) Nous avons commandé à temps – mais nous ne pouvons pas accéder au stock car le navire ne peut pas entrer dans le port.»

La situation de Felixstowe a provoqué un détournement de certains flux maritimes vers Southampton, au sud du pays, où la congestion a là aussi rapidement commencé à faire des ravages. Or le chemin de fer est très mauvais dans les situations d’urgence et les adaptations soudaines de flux. Rejoindre Southampton quand ce n’est pas prévu est un problème car, contrairement à la route qui peut réorienter ses chauffeurs où que ce soit, il est plus difficile de le faire avec des conducteurs de trains, ne fusse déjà que pour les rotations du personnel et la connaissance de ligne.

Mais il y a encore pire en terme de gaspillages. Jusqu’à 36 trains intermodaux partent quotidiennement de Felixstowe pour une dizaine de destinations au Royaume-Uni. Certains terminaux, comme East Midlands Gateway, situé à Castle Donington dans le Leicestershire, peuvent accueillir jusqu’à 16 trains de marchandises de 775 mètres de long par jour. 

Cela démontre toute l’importance du trafic ferroviaire de Felixstowe qui atteint des villes comme Glasgow, Manchester, Liverpool, Leeds, Teesport, Birmingham, Birch Coppice, Doncaster, Selby, Hams Hall, Wakefield, Ditton (Widnes), Rotherham, iPort Rossington ou encore Cardiff.

Vu que le logiciel de Felixstowe n’arrive pas à faire sortir les conteneurs dédouanés à temps, ces trains intermodaux sont contraints de quitter le port avec des wagons vides et des trains « plus légers », ce qui est une double perte de ressources financières. Une première perte par l’absence de conteneur, forcément pas payés. Et une seconde perte car le système britannique incite à respecter strictement les plages horaires allouées sous peine d’amendes de « contre-performance ». Pas question donc de faire attendre les trains et de chambouler les roulements du personnel et du matériel roulant ! Par ailleurs, des trains moyennement remplis ont un effet d’entraînement sur le retail du centre et du nord de la Grande-Bretagne, qui dépend davantage du rail pour livrer les marchandises alors que le sud de Londres. Tout cela signifie des perturbations majeures dans les chaînes d’approvisionnement signifiant que les détaillants britanniques pourraient être confrontés à des semaines de retard pour mettre leur stock à temps sur les étagères avant Noël. Ces problèmes d’organisation, renforcés par la crise du Covid, sont encore aggravés par les négociations sur le Brexit, ce qui pourrait entraîner de graves pénuries industrielles et de commerce au détail dès janvier. Mais malgré tout, d’après Railfreight.com, sur la première semaine de novembre, 18.000 EVP sur les 76.000 ont pu sortir de Felixstowe par train, représentant une part de marché de 25%.

Un exemple de perturbation relaté par le Guardian est l’arrêt de l’usine automobile Honda de Swindon, qui a suspendu la production de véhicules en raison d’une pénurie de pièces en « import » ce qui, par ricochet, affecte tous les trains « export » vers Southampton. Les chaînes d’approvisionnement sont clairement rompues. Un autre exemple est le détournement de portes-conteneurs vers les ports du Continent. En arrivant aux Pays-Bas ou à Anvers, des milliers de conteneurs doivent alors repartir vers la Grande-Bretagne, soit par navires feeder, soit par le tunnel sous la Manche. Or sur le Continent, rares sont les opérateurs ferroviaires qui peuvent créer vite fait des flux au quart de tour, d’autant qu’Eurotunnel impose aussi une certaine « prévisibilité » et que le sud de l’Angleterre dispose d’un réseau très encombré.

Mais dans les crises, il y en a toujours qui tirent leur épingle du jeu. Ainsi en est-il de Liverpool, à l’Ouest du pays mais traditionnellement à l’écart des grandes routes maritimes. Bingo ! Début décembre, l’Alliance 2M qui regroupe les numéros un et deux mondiaux, Maersk et MSC, a annoncé qu’«après une évaluation minutieuse de notre réseau couvrant l’Europe du Nord vers / depuis Amérique du Nord, nous changerons notre escale de Felixstowe vers Liverpool.» Avec un probable impact sur le rail qu’il est encore trop tôt de mesurer…

Ce paysage perturbé met en lumière l’impact que provoque, non seulement la pandémie, mais aussi des décisions aussi désastreuses que le Brexit sur les chaînes logistiques. L’incertitude est très mauvaise conseillère et rompt la confiance des chargeurs et, in fine, des citoyens qui contemplent des rayons vides. Lesquels seraient amenés à adhérer plus facilement aux discours populistes réclamant encore plus de relocalisations, ce qui n’est pas une bonne nouvelle pour les trains. La boucle est bouclée !

Il reste maintenant à espérer un rapide sursaut pour remettre de l’ordre dans ces flux perturbés, d’autant qu’au 1er janvier 2021, nous saurons exactement ce que le Brexit signifie…

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Warsteiner Brauerei, la brasserie qui aime le train

Par Frédéric de Kemmeter – Signalisation ferroviaire et rédacteur freelance – Inscrivez-vous au blog
27/08/2020
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(Texte du même auteur, déjà paru en 2017 sur le blog Global Rail Network, et réactualisé)

Cette brasserie datant de…1753 brasse environ 2,25 millions d’hectolitres par an. Elle est située dans une cuvette à la lisière des belles forêts du parc naturel de l’Arnsberger Wald, à 70 kilomètres à l’Est de Dortmünd, en Allemagne. Sa taille impressionnante montre l’importance de cette entreprise qui fait travailler quelques 800 personnes au fin fond d’une vallée dans les environs de la petite ville de Warstein.

(Photo de Petra Klawikowski via Wikipedia CC BY-SA 3.0)

Le propriétaire Albert Cramer repéra qu’un potentiel significatif d’environ 200.000 tonnes par an pouvait être transféré par rail, permettant de soulager la ville de Warstein de quelque 15.000 voyages de camions (y compris les trajets à vide), signifiant aussi une réduction confortable du CO2, dès l’instant où on est voisin d’un parc naturel. Depuis le 5 avril 2005, la brasserie Warsteiner est reliée par une petite ligne de 4,3 kilomètres à la gare même de la ville. Au passage, la ligne dessert aussi une carrière qui utilise le rail pour ses expéditions, renforçant son activité et son attractivité.

Les fortes déclivités de cette « ligne de la bière » ont accouché, sur le site même de la brasserie, d’une solution originale. Un portique à conteneur a été installé sur un pont, qui enjambe un petit faisceau de réception des rames. Les rames doivent elles-mêmes évoluer sous le pont, seul point de chargement des conteneurs, alors qu’habituellement c’est le portique qui se déplace tout le long d’un train. La ligne et les installations sur site ont coûté près de 30 millions d’euros. Bien que des fonds furent apportés par le Land de Rhénanie du Nord-Westphalie ainsi que par la ville de Warstein elle-même, le volume principal du financement a été porté par la brasserie elle-même.

C’est la société privée WLE (Westfälische Landeseisenbahn), un OFP local, qui s’occupe des prestations ferroviaires, du regroupement/dégroupement des rames et du transfert jusqu’à Warstein, puis, via Lippstadt, jusqu’à Neubeckum. En principe, trois trains hebdomadaires quittent la brasserie : deux destinés à Munich-Riem et le dernier pour Berlin. Complété en 2017 par un nouveau train multi-client vers Hambourg. Le terminal dispose d’une capacité d’extension l’amenant à transférer 400.000 tonnes, soit un total de 30.000 camions en moins, mais ce n’est pas encore à l’ordre du jour. Par ailleurs, le malt est importé également par train, mais par wagons trémie qui doivent retourner à vide. De même que les trains de conteneurs, ainsi que des camions – car il en reste –  reviennent à la brasserie…également à vide.

Du côté développement durable, l’entreprise a reçu en 2014 le premier prix du Global Reporting Initiative (GRI) pour son premier rapport de développement durable. « Cela nous rend très fier d’être la première entreprise dans le secteur de la brasserie allemande à répondre à ces exigences élevées en matière de développement durable », explique Peter Himmelsbach, directeur technique de la brasserie Warsteiner. Qui poursuit : « Grâce à notre rapport de développement durable, nous voulons donner l’exemple dans l’industrie alimentaire et des boissons qu’une gestion responsable des entreprises et une position significative sur le marché ne s’excluent pas mutuellement, mais peuvent utilement faire un ensemble ».

(photo Warsteiner Brauerei)

Fort de ce succès ferroviaire, un véhicule de manœuvre à batterie TeleTrac RW60AEM était réceptionné, remplaçant les lourdes DE ou G2000 fonctionnant au diesel. La batterie embarquée pèse 2,5 tonnes et fournit suffisamment d’énergie pendant plusieurs jours ouvrables. La charge de la batterie est effectuée via un câble à partir de n’importe quelle prise secteur 400V. C’est le constructeur Windhoff qui a livré cet engin particulier, qui peut déplacer jusqu’à 12 wagons porte-conteneurs chargés.

(photo Windhoff)
(photo Windhoff)

En 2017, la brasserie, qui vend dans 60 pays, constatait des flux contrastés selon les destinations, notamment une baisse vers l’Italie, qui pouvait compromettre le train de Munich. Avec des trains parfois moins remplis, il fallait trouver une solution pour rentabiliser davantage le terminal privé. Un contrat est passé avec le logisticien Fr. Meyer’s Sohn, une société de transport internationale familiale, dont les services englobent l’importation et l’exportation d’envois LCL (envois Less than Container Load, où les marchandises de plusieurs expéditeurs sont transportées dans un seul conteneur), les envois FCL (Full Container Load) ou les envois en vrac. Les trains deviennent alors multi-clients et le terminal est ouvert aux expéditeurs de la région.

En 2018, cette TRAXX AC3 187 010 de WLE en tête d’un « Warsteiner » du côté de Fulda (photo Manfred Steffen via flickr)

Ulrich Brendel, directeur technique de la brasserie Warsteiner, déclarait alors : « Avec nos partenaires, nous avons pu organiser une logistique de transport de marchandises orientée vers l’avenir et ainsi relier notre région au port de Hambourg à des conditions favorables, avec un haut niveau de service et un faible impact environnemental. Avec les liaisons ferroviaires déjà existantes Munich et Berlin, nous sommes ravis de la nouvelle destination portuaire, qui sert bien sûr également nos activités d’exportation de bière dans 60 pays du monde entier ».

(photo Warsteiner Brauerei)

Le train de Hambourg ne sert pas uniquement pour la brasserie. Il est complété par des conteneurs maritimes et des caisses mobiles d’autres expéditeurs en trafic combiné entre leur propre terminal Warsteiner KV et le terminal Eurogate du port de Hambourg. Westfälische Landes-Eisenbahn GmbH (WLE) est toujours responsable de la traction ainsi que de l’exploitation technique ferroviaire du train de conteneurs. La brasserie rentabilise ainsi un actif lourd et partage les frais ferroviaires.

Comment maintenir les petites lignes
La particularité de cet exemple tient aussi au fait que la petite ligne Lippstadt – Warstein (30,88 km) est ce qu’on appelle en Allemagne une « NE-Bahn », c’est à dire une infrastructure ferroviaire n’appartenant pas au gouvernement fédéral, autrement dit non-gérée par la Deutsche Bahn. À ce titre, ce sont les Länder qui prennent leur entretien en charge. En juin dernier, le « gouvernement » de Rhénanie du Nord-Westphalie a mis sur la table 2 millions d’euros à répartir dans sept entreprises de transport, de logistique et de chemin de fer. Cet argent provient du programme du Land visant à maintenir et à améliorer l’infrastructure ferroviaire des chemins de fer publics « non fédéraux » pour le transport de marchandises. Une partie de cet argent ira donc à l’opérateur WLE qui se chargera de remplacer les rails et les traverses entre Lippstadt et Warstein, pérennisant ainsi les trafics de la brasserie.

Cet exemple, où plusieurs acteurs se rassemblent, démontre qu’il est parfaitement possible de créer des conditions de transfert route-rail, moyennant un environnement politique accueillant et une bonne complicité entre le privé et le public.

>>> voir l’album photos

Train entier de conteneurs… (photo Warsteiner Brauerei)

27/08/2020 – Par Frédéric de Kemmeter – Signalisation ferroviaire et rédacteur freelance
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