Transmashholding, le russe qui se lance dans la maintenance en Europe

(Photo ci-dessus : Go-Ahead)
Par Frédéric de Kemmeter – Signalisation ferroviaire et rédacteur freelance – Inscrivez-vous au blog
24/01/2022 –
(English version)
🟧 Nos brèves quotidiennes 🟧 Notre lexique ferroviaire 🟧 Nos newsletters 🟧 Nos fiches thématiques

Note : cet article est évidemment obsolète suite aux mesures prises après l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Voir le dernier paragraphe rajouté fin 2022.

Transmashholding, principal fournisseur ferroviaire en Russie, s’étend en Europe et a comme ambition de développer le marché de la maintenance des automotrices et autorails exploités par les opérateurs dans toute l’Europe. Quelque soit le constructeur…

Transmashholding est le plus grandconstructeur russe de locomotives électriques, diesel et de rames voyageurs électriques. Les usines appartenant à Transmashholding produisent également des wagons de marchandises et industriels, ainsi que des voitures de métro. À titre d’exemple, tous les véhicules du métro de Moscou et de certaines autres sociétés de métro en Russie sont produits par l’usine Metrowagonmash, qui fait partie du groupe Transmashholding.

Le seul concurrent de Transmashholding en Russie en termes de production de matériel roulant pour le transport ferroviaire serait le groupe Sinara. Il n’est pas surprenant que le client le plus important de TMH soit la compagnie ferroviaire d’État russe RZD, qui en est par ailleurs le copropriétaire.

Sur le plan financier, la holding TMH basée à Moscou est une société par actions dont le paquet majoritaire est détenu nominalement par la société d’investissement néerlandaise The Breakers Investments B. V., elle-même contrôlée par la société minière russe Kusbassrasresugol (Кузбассразрезуголь) et la société de transport TransGroup.

En décembre 2007, Alstom Transport et Transmashholding signaient un accord qui prévoyait une coopération technique entre les deux sociétés et éventuellement l’acquisition par Alstom de 25% plus une action dans TMH. En 2015, Alstom portait sa participation dans Transmashholding à 33% par l’achat de 8% d’actions supplémentaires pour 54 millions d’euros. De son côté, les chemins de fer russes RZD vendaient leurs 25% de parts au hollandais The Breakers Investments BV.

Cette transaction a conduit à un renforcement de la collaboration entre les deux partenaires, qui s’est poursuivie depuis. Les deux partenaires souhaitaient développer conjointement une gamme de trains performants, la livraison de projets ferroviaires clés en main, des infrastructures et des équipements de signalisation, ainsi que l’exportation de produits et de pièces. C’est ainsi qu’Alstom a notamment participé au projet russe de locomotive EP20.

Expansion en Europe
Le constructeur russe souhaitait développer ses activités en Europe en dépit d’un contexte géopolitique souvent difficile, comme chacun sait. En 2018, les actionnaires décidaient de changer la forme juridique de l’entreprise, la holding devenant une société par actions (JSC en russe).

En juin 2020, Transmashholding faisait l’acquisition d’une première installation en Europe, en prenant l’atelier de réparation de wagons de Dunakeszi en Hongrie. L’installation à Dunakeszi établissait ainsi une base pour TMH sur le lucratif marché européen. Le soutien de TMH à cette installation a été ratifié par le client de longue date de Dunakeszi, MAV-Start, l’opérateur ferroviaire public hongrois.

Terence Watson, premier vice-président Europe de TMH, expliquait alors à Railway Journal que « nous voulons faire de Dunakeszi notre principale installation pour l’Europe (…) L’emplacement du site signifie également des contrats à venir en République tchèque, en Slovaquie, en Pologne, en Autriche et en Slovénie, qui« , selon Watson, « n’ont généralement pas été particulièrement bien servis par les acteurs publics« .

L’un des arguments de vente de TMH, selon Watson, est la polyvalence de l’entreprise. Contrairement à d’autres fabricants européens, TMH n’est pas liée à un chemin de fer public, ce qui, selon lui, lui permet de répondre aux besoins de tous les clients, y compris les opérateurs privés à la recherche de matériel roulant abordable ou de services de réparation et de maintenance.

(photo Go-Ahead)

Contrat en Allemagne
C’est ainsi que l’entreprise a cherché d’autres marchés et a travaillé attentivement pour voir comment le marché se développe. En 2020, TMH a signé son premier contrat en Allemagne pour entretenir deux nouvelles grandes flottes d’automotrices régionales pour Go-Ahead en Bavière, qui seront entretenues dans une nouvelle installation près d’Augbourg.

Rappelons que dans le cadre des appels d’offres de service public en Allemagne, Go-Ahead a remporté plusieurs contrats en Bavière pour lesquels il doit fournir le matériel roulant. La société de transport international basée au Royaume-Uni a un contrat de 12 ans portant sur environ 2,7 millions de trains-kilomètres par an entre Munich Hbf et Buchloe, qui a débuté l’année dernière en décembre. Le service est assuré par une toute nouvelle flotte de 22 trains électriques Stadler. 

Les activités de Go-Ahead en Bavière vont encore s’étendre en décembre 2022, lorsque la société reprendra le service régional sur les lignes à haute fréquence Munich – Augsbourg – Ulm, Augsbourg – Donauwörth — Würzburg et Donauwörth – Aalen. Il restait à décider qui assurerait la maintenance de ce parc de matériel roulant, qui comprend également des wagons Siemens.

En décembre 2020, Go-Ahead attribuait à TMH International un contrat pour la maintenance de 22 rames Stadler Flirt3 commandées pour être utilisées sur les services E-Netz Allgäu, ainsi que de 56 rames Siemens Mobility. Mais en mai 2021, Stadler s’inquiéta vivement de cette arrivée avec la crainte d’un potentiel d’espionnage industriel. Stadler estimait que Go-Ahead n’avait pas respecté une condition contractuelle qui interdisait de sous-traiter la maintenance à un concurrent. Le différend fut finalement résolu.

Augsbourg
TMHI se chargera donc de la maintenance de 78 unités multiples de Stadler et Siemens à partir de 2022 et construit à cet effet un atelier à Langweid am Lech, près d’Augsbourg.

Avant même d’attribuer le contrat de maintenance à TMHI, Go-Ahead avait entamé le processus de développement du dépôt de Langweid am Lech, en réaffectant une friche industrielle à usage militaire abandonnée depuis plus de 20 ans. Le terrain nécessaire acheté par Go-Ahead a été transféré à TMHI et la construction de l’atelier est maintenant bien avancée.

Le site de construction de Langweid am Lech représente un investissement de plus de 45 millions d’euros. Au-delà du contrat de maintenance pour Go-Ahead Bavière, le dépôt de Langweid dispose d’autres capacités de maintenance gratuite pour tous les types de véhicules ferroviaires – quel que soit le fabricant. Ceci démontre la politique de TMH en Europe.

Alors que Go-Ahead souhaitait un simple point de maintenance, l’arrivée de TMH a permis d’aller bien au-delà. TMH estime qu’il existe une forte demande pour les opérations de routine, comme le reprofilage des roues, un élément important de la disponibilité des trains. C’est sur ce créneau que TMH veut se positionner en offrant ses services à tout type d’opérateur.

Cela montre combien il est nécessaire de disposer d’un environnement ferroviaire complet pour exploiter des contrats ferroviaires en Allemagne ou en Europe avec des objectifs de qualité élevés.

Complément rajouté fin 2022
Suite à l’invasion de l’Ukraine par la Russie et les mesures prises en Europe excluant les investissements russes, cet atelier a depuis été vendu à la société Euco Rail, laquelle y est active depuis janvier 2023. Cela pouvait au passage soulager Stadler devant la menace de transfert de technologie, qui n’a plus lieu d’être à ce jour. Issu d’une start-up fondée en octobre 2022, Euco Rail a désormais son siège social à Zoug, en Suisse. En très peu de temps, Euco Rail a gagné plusieurs contrats avec des opérateurs ferroviaires et équipementiers allemands. 🟧

(photo Go-Ahead)

24/01/2022 – Par Frédéric de Kemmeter – Signalisation ferroviaire et rédacteur freelance
Inscrivez-vous au blog

Pour approfondir :

Incontournables : les ateliers de maintenance soignent nos trains
17/09/2023 – La mauvaise blague que Trenitalia-France a eu récemment concernant la maintenance de ses trains – résolue depuis -, est l’occasion de jeter un oeil sur un monde peu connu. On ne peut opérer de trains sans qu’il y ait les inspection d’usage. La multiplicité des opérateurs a forcément multiplié les formules, entre l’atelier d’un constructeur, celui d’un gestionnaire d’infrastructure ou…


Créer un environnement ferroviaire complet et indépendant
10/01/2022 – Les difficultés auxquelles font face les nouveaux entrants sont caractérisées entre autres par le manque de facilités essentielles comme les ateliers de maintenance, un parc de matériel roulant grande ligne abondant et disponible en leasing et du personnel spécifiquement formé.


Siemens nimmt RRX-Instandhaltungswerk offiziell in Betrieb / Siemens officially opens RRX maintenance depotDortmund : Siemens construit son propre atelier d’entretien à l’ère des datas
06/09/2018 – après un an et demi de construction, Siemens Mobility inaugurait officiellement le nouveau dépôt de maintenance du Rhin-Ruhr Express (RRX). Cet atelier assurera la maintenance des 82 Desiro HC du RRX pour une période de 32 ans. L’atelier fait surtout entrer le rail dans l’ère numérique, avec sa maintenance prédictive, ses bons de travail numériques et son imprimante 3D pour les pièces plastiques urgentes.


Go-Ahead_Bade-WurtembergUn deuxième anglais en Allemagne : Go-Ahead pour 13 ans dans le Bade-Wurtemberg
17/11/2018 – Le groupe britannique Go-Ahead, qui dispose d’une filiale en Allemagne, va prendre en charge 8,1 millions de trains/kilomètres sur deux lignes autour de Stuttgart et un investissement de 45 rames Stadler.


Télécharger la mise à jour de l’ETCS ou l’interface nationale comme une application ?
30/08/2021 – C’est ce qu’envisage sérieusement The Signalling Company, une joint-venture créée en 2019 entre deux sociétés belges – ERTMS Solutions et l’opérateur fret Lineas. Elle met au point une nouvelle application mobile qui déclinera le système belge de classe B (TBL1+) à télécharger selon les besoins d’un opérateur ferroviaire. Mais aussi des mises à jour de l’ETCS…


La 5G, une technologie clé pour l’avenir de nos chemins de fer
21/09/2020 – La 5G est une technologie sans fil qui pourrait grandement aider nos chemins de fer à se moderniser. Maintenance prédictive, surveillance de la voie, occupation des trains en temps réel et même concept de signalisation, de nombreux domaines pourraient être impactés.


Quand les Régions reprennent la main sur le train du quotidien
11/10/2021 – La régionalisation de l’Europe est un fait, quoiqu’avec des formules diverses d’un pays à l’autre. On peut s’en rendre compte au travers de la gestion du transport par rail, qu’explique cet article.



Publié par

Frédéric de Kemmeter

Cliquez sur la photo pour LinkedIn Analyste ferroviaire & Mobilité - Rédacteur freelance - Observateur ferroviaire depuis plus de 30 ans. Comment le chemin de fer évolue-t-il ? Ouvrons les yeux sur des réalités plus complexes que des slogans faciles http://mediarail.be/index.htm

Merci pour votre commentaire. Il sera approuvé dès que possible

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.