Kiel est l’une des 30 plus grandes villes d’Allemagne, au nord de Hambourg, avec 247.000 habitants, grosso modo l’équivalent de Pau ou Besançon. Elle se situe en bordure de la mer Baltique, à l’entrée nord du fameux canal du même nom. La mer Baltique en fait une porte vers la Scandinavie et les ferries y sont présents en nombre.
Comme certaines villes de cette taille, Kiel dispose en Allemagne d’un réseau ferré autour de la ville et dans la zone métropolitaine. On compte aujourd’hui cinq lignes locales et régionales où plusieurs arrêts ont été créés ou rouvert ces vingt dernières années.

La question s’est posée un moment s’il n’était pas préférable d’exploiter ces lignes à l’aide de Regiotram ou tram-train. Dans le cadre d’un projet appelé Stadtregionalbahn Kiel (SRB), des trajets de démonstration eurent lieu en 2007 à l’aide d’un Regiotram de Cassel. La mise en oeuvre de ce réseau aurait coûté environ 380 millions d’euros, dont au moins 60% auraient pu être financés par des subventions fédérales. 14,6 millions d’euros de frais de fonctionnement étaient à charge de la ville de Kiel mais le Land promettait d’en prendre 40% à sa charge, soit plus de 6,1 millions d’euros. Mais en 2015, plusieurs communes de l’aire métropolitaine, qui auraient participé au financement, se retiraient et n’étaient plus en faveur du SRB. La « masse critique » nécessaire diminuant, le maire SPD Ulf Kämpfer enterra le projet, bien que la question d’un éventuel retour du tram à Kiel soit toujours ouverte, à travers l’association Tram für Kiel eV…
>>> À lire : Avantages et limites du tram-train
C’est donc plutôt la solution ferroviaire qui reste de mise. Au niveau du Land complet, c’est l’Association des transports locaux Schleswig-Holstein, NAH.SH, qui gère les transports locaux du Schleswig-Holstein en tant qu’AOT, soit 1.179 kilomètres de réseau ferroviaire et 173 gares. Six compagnies ferroviaires et une cinquantaine de compagnies de bus transportent environ 324 millions de passagers par an. L’opérateur principal – mais pas exclusif, nous sommes en Allemagne -, est DB Regionalbahn Schleswig-Holstein
Autour de Kiel et d’Husum, certains itinéraires furent exploités jusqu’en 2016 par le Nord-Ostsee-Bahn (NOB), une filiale de Transdev Deutschland. Depuis la fin de cette concession, c’est DB Regio qui couvre l’ensemble des itinéraires, où l’opérateur exploite essentiellement des autorails Coradia Alstom classés BR648. Sur le grand axe Kiel-Hambourg, DB Regio aligne des Twindexx Bombardier. Même des petites villes comme Neumunster disposent parfois de petites gares de banlieues.

Le réseau autour de Kiel est principalement non-électrifié, à l’exception de l’axe vers Hambourg. Ces dernières années, le nombre de gares et arrêts dans l’aire métropolitaine est passé de 5 en 1995 à 16 en 2020, ce qui démontre la vitalité du transport de proximité, un segment jadis abandonné par la Deutsche Bahn. Il est prévu d’arriver à 26 gares en 2023 et peut-être même 30… en 2030.


Sur une ligne comme Kiel-Husum, tout de même 101km, on compte en semaine, 21 aller-retour de bout en bout, tous cadencés, le premier partant à 3h48 quand le dernier part de la ville à 23h03. Entre ces trains directs, viennent s’insérer un omnibus également cadencé à l’heure mais limité à mi-chemin, à Rendsburg, gare qui a donc un train toutes les demi-heure, toute la journée, sans « trous horaires » après 9h00… Il en est de même sur d’autres lignes, qui comportent beaucoup de sections à voie unique.
La zone tarifaire de la région de Verkehrsverbund Kiel (VRK) est tarifée intégrée dans le tarif SH à l’échelle du Land. Cette zone comprend bien évidemment les bus et les trains. Le KVG, service de bus de la ville, compte 36 lignes, dont 5 de nuit desservant les environs 24h/24, et offre près de 9,8 millions de voyages annuels pour le bonheur 33 millions d’usagers. Les passionnés de bus pourront admirer la flotte à ce lien.
Un train pour la plage
Les plus belles plages se trouvent un peu plus au nord, du côté de Schönberger Strand, à 26 kilomètres de Kiel. Une ligne avait été ouverte en 1910 mais son exploitation fut arrêtée en 1981… par la DB, qui n’en voulait plus. Une voie ferrée que le Land du Schleswig-Holstein veut maintenant réactiver, étendant encore un peu plus le réseau autour de la ville. Le projet a été inclus dans le premier plan national de transport local LNVP en 1997 (appelé «Perspective 2010»). Comme en Bavière avec la ligne de 25km Viechtach – Gotteszell, les coûts sont cependant importants pour un trafic peut-être pas énorme. Pour réhabiliter ce tronçon fort abîmé, il faudrait en effet investir près de 50 millions d’euros et octroyer des subventions annuelles de l’ordre de 2 millions d’euros. L’itinéraire devrait en principe être parcouru à une vitesse de 80 km/h, mais descend à 70 ou 60 km/h dans certaines courbes. Les municipalités ne supportent que des coûts pour les abords de la gare – c’est-à-dire les vélos-relais, les parkings de bus et les parking autos. Le Land peut dans certain cas aider les communes jusqu’à 75% de ces coûts.
On ne sait pas encore à ce stade qui va exploiter cette ligne, ni avec quel type de matériel, d’autant qu’entre-temps le Covid-19 est venu s’insérer dans le dossier, avec la question de la réalité des 1.500 passagers par jour prévus ou espérés. Les autorails à hydrogène sont mentionnés, mais il n’y aucune certitude. Cela reste néanmoins un bel exemple d’intégration de différents acteurs autour d’un projet de réhabilitation ferroviaire.
Améliorer Kiel-Hambourg
3.500 voyageurs se rendent à Hambourg chaque jour pour le travail, quand inversément 2.000 viennent à Kiel depuis la ville hanséatique. C’est la plus grosse ligne aboutissant à Kiel. Elle est exploitée avec des Twindexx Bombardier, aux couleurs de NAH SH. Mais la ligne est coupée en deux parties, avec comme frontière Neumünster. Deux zones tarifaires s’y rejoignent.
L’entreprise DB Regio a clairement raté l’objectif de ponctualité de 93% convenu contractuellement avec le Land. « Les principales causes sont la séquence dense de trains sur l’itinéraire à proximité immédiate de la gare centrale de Hambourg et les perturbations sur l’itinéraire, » expliquait en octobre dernier Angelika Theidig, de DB Regio à Hambourg. Un comble quand on sait que la ligne et les installations de Hambourg sont gérées par DB Netz, de la même holding DB. Fin 2019, la ponctualité avait chuté à 85%. C’est tellement mieux, le rail intégré ?

Malgré cela, l’exemple de ce réseau « S-Bahn » autour d’une ville moyenne démontre que le train de proximité n’est pas un fardeau mais une chance. Reste à Kiel à régler son tarif de parking auto, jugé trop bon marché, et qui fait encore la part trop belle au mode routier. Surtout quand on estime de 100.000 personnes entrent et sortent de cette petite ville chaque jour…
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