Grande-Bretagne : le projet HS2 amputé de sa branche Est

Par Frédéric de Kemmeter – Signalisation ferroviaire et rédacteur freelance – Inscrivez-vous au blog
22/11/2021 –
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Le projet britannique de réseau à grande vitesse HS2 subit une cure d’amaigrissement importante dans la partie vers les Midlands. Les autorités entendent édifier la politique ferroviaire vers le transport local et régional de cette région. Mais avec quel argent ?

Commençons par planter le décor de cette saga ferroviaire britannique. HS2, le projet d’infrastructure le plus important et le plus controversé du Royaume-Uni, est un ensemble de lignes nouvelles ferroviaires à grande vitesse entre Londres et les grandes villes des Midlands et du nord de l’Angleterre, pour rejoindre des villes comme Birmingham, Manchester et Leeds. Les travaux ont déjà commencé sur la première phase, qui relie Londres et Birmingham.

L’étape suivante, appelée 2a, prolongera la ligne jusqu’à Crewe. Et la dernière phase devait amener HS2 à Manchester et Leeds. Malheureusement, à ce stade, le HS2 a dû faire face à des retards et à des inquiétudes croissantes concernant la spirale des coûts, ce qui a créé une grande incertitude politique sur le projet.

Le coût de HS2 était initialement estimé à 39 milliards d’euros, mais en 2013, cette estimation fût revue pour la première fois avec une hausse de 12 milliards d’euros. À l’époque, le ministère des transports avait déclaré qu’il n’aurait pas nécessairement besoin d’utiliser la totalité du budget de 51 milliards d’euros. Depuis lors, les coûts n’ont cessé d’augmenter. Une étude commandée par le gouvernement en 2019 a estimé que la dépense finale pour le réseau HS2 pourrait atteindre la somme astronomique de 126 milliards d’euros, soit plus de trois fois le budget initial.

HS2
Les travaux entre Londres et Birmingham sont entamés (photo Bob Walters via licence on geograph.org.uk)

Pourquoi une telle spirale des coûts ?
Essentiellement en raison de problèmes de gestion et d’évaluations foncières irréalistes qui ont fait exploser les coûts. Selon certaines sources, un grand nombre de propriétés n’avaient même pas été évaluées à leur juste valeur. En outre, des études approfondies du sol n’ont pas été réalisées, ce qui a entraîné de gros coûts additionnels dû à des problèmes de creusement et d’excavation.

Alors qu’on entend souvent que des efforts importants sont faits en matière d’investissements ferroviaires, les Britanniques devaient en réalité constater que le Trésor a toujours cherché à freiner les dépenses d’infrastructure dans un contexte d’inquiétude générale quant aux coûts de HS2. L’examen Oakervee a déclaré en 2018 que HS2 devrait être construit dans son intégralité, mais a averti que la facture finale pour l’ensemble du réseau pourrait atteindre 106 milliards de livres sterling.

Dans une interview accordée en octobre, le secrétaire d’État aux Transports Grant Shapps enfonçait le clou en déclarant qu’il n’avait pas l’intention de « suivre aveuglément des plans élaborés il y a 20 ans ». Il a ainsi suggéré qu’il faudrait peut-être repenser le projet de train à grande vitesse entre Birmingham et Leeds.

Cela a conduit à la réalisation d’un nouveau plan appelé Integrated Rail Plan (IRP), qui est basé sur un document antérieur appelé Oakervee Review of HS2 publié en février 2020, et qui appelait à une révision d’ensemble pour s’assurer que HS2 et d’autres grands projets ferroviaires soient évalués, conçus, livrés et exploités comme un réseau intégré. L’IRP a tenu compte du rapport qualité-prix, du concept de « nivellement par le haut » voulu par le gouvernement, de l’accessibilité financière et de la faisabilité.

Les principaux éléments de l’IRP publié jeudi, d’un montant de 114 milliards €, peuvent être résumés comme suit :

  • Le projet Northern Powerhouse Rail (NRP – une ligne transversale nouvelle pour le nord de l’Angleterre entre Leeds et Manchester), devient en fait un ensemble de nouvelles voies et d’améliorations de l’infrastructure existante.
  • La TransPennine Main Line sera électrifiée et modernisée, avec des sections plus longues comportant 3 ou 4 voies et des voies de garage plus longues pour le fret. Ce projet sera géré comme étant la première phase du Northern Powerhouse Rail.
  • mais surtout, l’extension du HS2 des East Midlands à Leeds est abandonnée. Les trains HS2 à grande vitesse circuleront sur les lignes existantes, comme souvent en France.
HS2
(wikipedia)
HS2
Le projet tel que prévu aujourd’hui

Le gouvernement déclare qu’il « étudiera la manière la plus efficace de faire circuler les trains HS2 vers Leeds, y compris la solution la plus optimale pour la capacité de la gare de Leeds« . Cela pourrait inclure un embranchement vers le sud de Leeds, mais sans liaison directe avec HS2.

Ce nouveau plan a évidemment été accueilli avec beaucoup d’enthousiasme par de nombreux opposants au projet HS2, même si le tronçon entre Londres et Manchester est bel et bien maintenu. En revanche, de nombreux élus et chambres de commerce des Midlands ont vivement critiqué ce revirement. Au contraire, le DfT affirme que les bénéfices du rail arriveront avec 10 années d’avance.

Rouler sur les voies existantes
La branche vers Leeds n’est pas totalement avortée mais largement raccourcie. Un tronçon Est de HS2 sera construit entre Birmingham et East Midlands Parkway, les trains continuant vers Nottingham, Derby et Sheffield sur une Midland Main Line électrifiée. Les trains HS2 desserviraient directement les centres-villes de Nottingham et de Derby, remplaçant une gare prévue pour desservir une zone de régénération à Toton, située entre les deux. Cela signifie que les trains HS2 s’arrêtera dans les gares existantes plutôt que dans de nouveaux hubs extérieurs, ce qui est plutôt bénéfique pour les connexions avec les transports publics et les autres trains régionaux.

Le problème est de savoir ce que signifie « continuer sur les voies existantes ». Alors que les nouvelles lignes HS2 sont construites selon le gabarit UIC et les STI européennes, le réseau britannique existant n’a pas ce gabarit. Les trains britanniques ont en effet un gabarit un peu plus étroit que le gabarit UIC, particulièrement dans les bas de caisses. Quels trains devront être construits alors que l’intention initiale était de faire enfin circuler des trains « comme en Europe » ? Hitachi Rail et Siemens ne pourront pas présenter dans leurs offres un Frecciarossa ou un ICE tels que construit sur le Continent.

Une autre politique ferroviaire
L’analyse que l’on peut faire de tout cela est que le gouvernement vise à élever les Midlands au même niveau économique (et politique ?) que le riche Sud-Est de l’Angleterre. Par le biais de l’IRP, la politique gouvernementale pour les Midlands est donc orientée vers les déplacements régionaux entre les grandes villes du centre de l’Angleterre (Manchester, Leeds, Sheffield, Birmingham,…) plutôt que des liaisons avec Londres.

Autre preuve de cet engagement en faveur du centre du pays, cette précédente communication du gouvernement britannique qui annonçait l’introduction de la billetterie sans contact dans plus de 700 stations sur l’ensemble du territoire, dont 400 sur les réseaux de banlieue des Midlands, avec l’introduction de plafonds tarifaires à la londonienne et une plus grande intégration avec les réseaux locaux de bus et de tram.

Il reste maintenant encore de nombreuses zones d’ombre dans cet IRP et les incertitudes financières demeurent quant aux fonds disponibles. Le Trésor a déjà enclenché le frein pour l’autre grand chantier ferroviaire britannique, le Great British Railway qui mettait fin à certaines formes de privatisation. Le gouvernement devait prendre l’initiative pour améliorer les choses. On en voit les résultats : le rail n’aura pas tout l’argent qu’on croyait pouvoir lui donner…

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(photo HS2)

22/11/2021 – Par Frédéric de Kemmeter – Signalisation ferroviaire et rédacteur freelance
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Se montrer fort et utile pour décarboner la planète : un défi pour le rail

Par Frédéric de Kemmeter – Signalisation ferroviaire et rédacteur freelance – Inscrivez-vous au blog
15/11/2021 –
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La COP26 de Glasgow est terminée, mais la course à la décarbonisation du secteur des transports est lancée depuis longtemps. Dans ce grand jeu, le train peut trouver sa place s’il parvient à démontrer sa pertinence.

La pression exercée sur les gouvernements et les entreprises pour qu’ils adoptent des technologies à faible émission de carbone ne fera qu’augmenter. Dans le secteur des transports, la volonté de décarbonisation se manifeste par une poussée de plus en plus frénétique en faveur du déploiement de la technologie des piles à hydrogène et des batteries pour remplacer la combustion interne dans tous les types de véhicules, y compris les avions. La Commission européenne s’est même lancée dans un vaste plan hydrogène qui a aiguisé l’appétit de nombreuses industries, voyant arriver de bonnes affaires, notamment Alstom.

Le rail semble avoir le grand avantage d’être déjà partiellement électrifié. Cependant, 45% du réseau ferroviaire européen n’est pas encore électrifié. En outre, la traction diesel et les niveaux de bruit élevés qu’elle engendre sont devenus le visage inacceptable du rail, en particulier au Royaume-Uni, en Irlande, au Canada et aux États-Unis. Pour certains riverains, il est de plus en plus difficile de promouvoir le train comme une alternative à faible émission de carbone dans de telles circonstances. Le problème est que ce message est reçu 5/5 par les élus politiques. En même temps, ils reçoivent d’autres propositions de décarbonisation, principalement du secteur automobile. Un lobbying intense tente de maintenir le secteur routier, principal concurrent du rail, dans les starting-blocks de l’avenir décarboné.

Nouvelles technologies
Le rail peut-il rester dans la course ? Aujourd’hui, les trains bimodes électro-diesel et électriques à batterie réduisent déjà l’utilisation du diesel sur les lignes partiellement électrifiées, tandis que les batteries et les supercondensateurs font des progrès dans les applications ferroviaires urbaines. Il ne fait aucun doute que le poids des batteries, principal problème technique lorsqu’on les ajoute à un train existant, diminuera à mesure que la technologie s’améliorera.

L’enthousiasme pour l’hydrogène est tempéré par la façon dont le carburant est créé. Le processus de création d’un « hydrogène vert » par électrolyse peut être considéré comme un « gaspillage d’électricité ». Selon certains experts, un train à hydrogène consomme 3,5 fois plus d’électricité en raison des inefficacités du processus d’électrolyse et des piles à combustible. Cependant, il ne fait aucun doute que l’hydrogène fonctionnera à l’avenir dans certains cas particuliers.

Mais la décarbonation des transports signifie aussi que le secteur ferroviaire va devoir mettre les bouchées doubles pour accélérer sa modernisation s’il veut paraitre comme la meilleure solution face aux politiciens. Actuellement, le constat est amer de voir que chaque avancée technologique sur un train s’accompagne d’une montagne de procédures qui peuvent parfois ralentir le progrès qu’on espérait obtenir. Le chemin de fer est encore trop souvent présenté comme un outil dangereux à exploiter par rapport aux autres modes. Pourtant, combien de morts fait la route chaque année ?

De plus on constate encore de nos jours des prises de position nationales qui peuvent handicaper le train. Il en est ainsi des fameuses semelles de freins de wagons de marchandises, conçues pour faire moins de bruit mais qui deviennent soudainement un objet à risques dans certains pays. On peut s’attendre aussi à une belle pile de barrières procédurales en vue de l’exploitation à venir de l’attelage automatique pour wagons de marchandises. Il y a encore quantité d’autres exemples qui font que le rail peine à avancer. Cela fait 30 ans que le concept ERTMS a été mis en route. On manque encore de recul pour faire un premier bilan des trains à hydrogène d’Alstom en Allemagne, lancés en 2018 grâce aussi à un fort soutien des autorités publiques. Cette technologie serait-elle viable avec moins de subsides ? Rappellons-nous le débat sur les éoliennes et la forte subsidiation de ce secteur comparé aux résultats attendus…

Service et infrastructure
Bien entendu, la technologie ne résoudra pas tous les problèmes. La décarbonation, c’est aussi attirer les gens vers le train plutôt que de les laisser utiliser un mode polluant. Il faut donc aussi investir dans le service à fournir aux voyageurs, et leurs demander ce qu’ils veulent vraiment pour utiliser le train. Le wifi à bord et les facilités dans la billetterie semblent être en tête du classement. Faire du voyage en train un moment utile pour le travail est aussi un critère fort demandé, tout particulièrement par une clientèle avec un bon pouvoir d’achat. Cependant, assurer à bord des trains une connexion mobile sans coupures nous ramène une fois de plus à la technologie, et on voit là aussi émerger des solutions diverses.

La décarbonation, c’est aussi une fluidité du trafic mieux assurée, qui nous mène plutôt sur le terrain des infrastructures. On n’est peut-être pas obligé de faire de grands travaux luxueux, mais en certains endroits, une reconstruction complète s’impose… et impose d’avoir d’importants fonds publics. N’oublions pas que des investissements qui paraissent coûteux aujourd’hui nous préservent d’autres dépenses tout aussi coûteuses pour les 50 prochaines années.

Un juste milieu
La décarbonation, c’est enfin et surtout la qualité des opérateurs qui exploitent les trains. Si on peut dénoncer les montagnes de procédures, il ne faut cependant pas oublier qu’elles sont apparues suite à des manquements parfois importants chez certains. La qualité et le suivi des procédures ne doivent pas être une question d’argent mais le fil conducteur de tout transporteur. Il n’y a pas de place ni pour le dumping technique ni pour la montagne de procédure, mais un juste équilibre à trouver entre ces deux extrêmes.

Ce sont toutes ces conditions réunies qui feront du train une solution pour atteindre les objectifs climatiques de chaque pays. Prions pour qu’il y ait moins de montagnes de procédures et davantage de mises en bonnes pratiques. Le train ne peut pas être « un outil dangereux à exploiter » mais un outil de décarbonation exemplaire.

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(photo Network Rail)

15/11/2021 – Par Frédéric de Kemmeter – Signalisation ferroviaire et rédacteur freelance
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21/06/2021 – Passer de la politique « produit » à la politique « client » est un vrai défi pour le rail. Le poids des actifs (trains-infrastructure) et les habitudes culturelles façonnent encore largement la politique ferroviaire, mais il y a pourtant quelques raisons d’espérer.


Chemin de fer : disruption ou simple innovation ?
01/01/2018 – L’innovation est dans la nature même de l’être humain. Le chemin de fer ne peut y échapper sous peine d’être minorisé dans le secteur des transports.




Le train intelligent n’existe pas sans infrastructures

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08/11/2021 –
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Se battre, tous les jours. Ces derniers temps, des tests importants en matière de train autonome ont été entrepris, avec succès comme sur une très courte section à Hambourg. Si le train intelligent est l’avenir, cela ne signifie pas qu’il faut faire l’impasse sur la modernisation de l’infrastructure et la construction des lignes nouvelles.

Au cours des cinq dernières décennies, les chemins de fer du monde entier ont subi d’importantes réductions budgétaires de la part des gouvernements, ce qui a limité leur capacité à investir dans les infrastructures ou à maintenir des normes de service élevées. La concurrence féroce de la route, qui a l’avantage de la livraison porte-à-porte, a rajouté davantage de peine.

Se passer des infras ?
Les infrastructures ferroviaires ont toujours fait l’objet d’une attention particulière, à cause de ses coûts. On peut prendre comme exemple le gouvernement néerlandais qui explique que les problèmes de mobilité doivent être abordés là où ils ont la plus grande valeur économique. Les investissements doivent également être « intelligents » : l’expansion des infrastructures n’est pas le seul moyen d’améliorer la mobilité. Une meilleure utilisation des routes principales, des voies ferrées et des voies navigables existantes peut également accroître la capacité de transport.

Au Royaume-Uni, le ministère des transports (Dft) explique que toute demande de financement doit se concentrer sur l’analyse stratégique et économique du projet, ainsi que sur une définition claire des défis à relever. Il s’agit notamment de démontrer les avantages socio-économiques des travaux ferroviaires, de décrire les services proposés et d’estimer les coûts d’exploitation.

En Suède, les chambres de commerces constatent « qu’une transformation sociétale unique est en cours, mais qu’un manque d’infrastructures menace de bouleverser son évolution. » On ne veut pas miser uniquement sur le train intelligent mais sur la nécessité d’infrastructures. « À l’heure actuelle, nous constatons une situation très préoccupante où les processus d’autorisation et de planification menacent d’arrêter le verdissement [du transport de fret]. Trafikverket lui-même estime qu’il est difficile de répondre aux évolutions rapides d’aujourd’hui en conservant les procédures de travail habituelles. »

Dans ces exemples choisis parmi d’autres, on voit très bien que toute construction ou reconstruction de l’infrastructure ferroviaire se heurte parfois à des réticences d’ordre budgétaire, voire idéologique. La nouvelle philosophie du radicalisme écologique suggère même de stopper toute forme de travaux et de ne se contenter que de l’existant. L’idée derrière cela est qu’il vaudrait mieux concentrer les investissements sur le train intelligent plutôt que sur les infrastructures. Une erreur de point de vue : il n’y a pas de trains intelligents sans un minimum de travaux, et parfois même de constructions nouvelles. La fin du béton n’est pas pour demain…

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Le Koralmbahn au sud de l’Autriche, un raccourci de 127 km entre Graz et Klagenfurt (photo ÖBB Infrastruktur)

Certains veulent prouver que les infrastructures ferroviaires à construire émettent aussi beaucoup de CO2. Ce n’est peut-être pas faux, sauf qu’une infrastructure ferroviaire est faite pour durer. Et souvent très longtemps, cela atténue le bilan carbone de la construction quand on calcule le nombre de trains qui en bénéficient sur 50 ans. On tente alors de pousser le débat vers de nouveaux types de propulsions, réputés moins émetteur de CO2.

Maintenir le train au centre du débat
Un des meilleurs exemples est l’engouement pour l’hydrogène : il permettrait – selon ses promoteurs -, d’éviter à l’avenir les coûteuses électrifications de lignes par caténaires. Cela peut être le cas sur des lignes à trafic moyen, mais cela ne remplacera jamais la nécessité d’électrifier encore davantage le réseau ferroviaire. L’hydrogène fait actuellement consensus grâce surtout aux plans et aux subsides gouvernementaux, mais on oublie un peu que cet hydrogène doit être accompagné d’un réseau de distribution. Un sujet non-ferroviaire mais que serait le train à hydrogène sans ce réseau ?

L’électrification de pans entiers de la mobilité, notamment le secteur automobile, par des milliers d’éoliennes ou d’hectares de photovoltaïque va aussi nécessiter des investissements colossaux en infrastructures électriques. Le réseau actuel est insuffisant pour nos rêves de décarbonation futurs, mais il n’y a pas grand monde pour en parler. Le risque est grand de voir les gouvernements porter leurs investissements sur ce volet-là, qui encourage très largement le secteur automobile décarboné, plutôt que le ferroviaire.

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(photo Adif, Espagne)

L’intelligence, c’est aussi une bonne infrastructure
Il ne faut pas non plus croire que le véhicule ferroviaire intelligent résoudra rapidement tous les problèmes ferroviaires. Bon nombre des nouvelles technologies qui amélioreront l’exploitation ferroviaire future, telles que la 5G, l’IA et les véhicules autonomes, sont étudiées à coup de milliards et mises au point chez les concurrents directs du chemin de fer. Le rail, comme toujours, sélectionnera les meilleures technologies et les adaptera. Le fait notable est que les autres transports sont bien plus créatifs et pourraient exercer un lobbying intensif pour faire évoluer les politiques publiques et les subventions en leur faveur, au détriment du rail.

Malgré ses nombreuses promesses, la numérisation du rail s’accompagne d’un certain nombre de défis, allant des préoccupations en matière de confidentialité et de sécurité à la réglementation, en passant par les questions liées à la propriété des données et des systèmes propriétaires, l’acceptabilité publique, l’impact sur l’emploi et la crainte d’investir dans des actifs obsolètes.

La répartition des capacités, par exemple, est une question très importante qui implique une révision de la gestion du trafic par blocs pour passer à une gestion du trafic par « blocs mobiles ».  Cependant, cela impliquerait de reconstruire entièrement le système de signalisation et d’équiper tout le matériel roulant, ce que la plupart des opérateurs refusent de faire car les avantages d’un tel système sont jusqu’à présent théoriques. Il semble également que l’industrie ait vendu ces équipements de signalisation à des prix très élevés, ce qui a provoqué des réticences chez de nombreux opérateurs. Avec comme résultat qu’on circule aujourd’hui encore toujours avec des systèmes de signalisation de classe B.

L’Italie par exemple utilise l’ERTMS depuis 2005 sur les lignes à grande vitesse. Au cours des quatre dernières années, le gestionnaire d’infrastructure RFI a lancé un programme d’ERTMS chevauchant le système de classe B existant. Cependant, les italiens ont eu « d’extrêmes difficultés à utiliser les systèmes en parallèle et à avoir une double certification« , explique Fabio Senesi, responsable du programme national ERTMS de RFI. « Nous avons ouvert une ligne ERTMS il y a 3 ans, mais aucun train ETCS n’y circule. Comme vous avez deux systèmes, il n’y a aucune incitation à utiliser la nouvelle technologie. » Le train intelligent dont personne ne veut, alors que l’infrastructure est déjà prête ! Matthias Ruete, coordinateur européen de l’ERTMS, a déclaré lors d’un événement numérique organisé par l’UNIFE que pour une stratégie ERTMS complète, il faudrait au moins 30 000 véhicules équipés de l’ETCS d’ici 2030.

Intermodal
(photo ÖBB Infrastruktur)

Il est exact qu’il n’est pas toujours nécessaire de construire des installations luxueuses pour améliorer la fluidité du trafic ferroviaire. Le programme européen TimeTable Redesign (TTR) pour une gestion intelligente des capacités peut être une des solutions : une vue numérisée de l’ensemble du réseau européen afin que les gestionnaires d’infrastructure puissent réduire les goulets d’étranglement grâce à une gestion intelligente des données, mettre plus de trains sur l’infrastructure existante, les faire circuler de manière fluide, mieux planifier leurs travaux de maintenance et harmoniser les trains de marchandises et de passagers interopérables.

Cependant, ni l’ERTMS ni le TTR ne pourront améliorer le trafic s’ils n’ont pas suffisamment de voies et d’aiguillages à disposition. Rapprocher les trains est une belle idée, mais on arrive rapidement à la limite de cette solution quand le réseau n’est pas assez fluidifié et qu’il manque des capacités. Il y a un moment où les trains doivent s’arrêter et être garés. Cela aussi demande des capacités physiques d’accueil si on veut augmenter le débit en ligne avec l’ETCS de niveau 3 (bloc mobile).

Heureusement, il y a des raisons d’espérer. De nombreux travaux de reconstruction des sections de lignes ferroviaires selon de nouvelles normes de durabilité sont en cours. Les gares sont également reconstruites pour mieux séparer les flux de trafic, une demande imposée par les exigences de ponctualité du trafic voyageurs, ce qu’aucun train intelligent ne pourrait entreprendre sans une infrastructure suffisante.

En outre, de grands progrès sont réalisés pour éliminer les centaines de petits postes d’aiguillage et concentrer la gestion des trains dans de grands centres de contrôle du trafic qui ont une vision beaucoup plus large de la circulation des trains. Cela nécessite beaucoup d’argent, la numérisation et les travaux de génie civil prennent du temps, mais cela démontre qu’une infrastructure moderne est indispensable au bon fonctionnement des futurs trains intelligents. Quand un pont est rouillé, qu’une sous-couche de la voie est gorgée d’eau ou qu’une sous-station électrique est obsolète, vous n’avez aucune alternative : il faut tout remplacer et mettre un paquet d’argent sur la table…

Intermodal
(photo ÖBB Infrastruktur)

08/11/2021 – Par Frédéric de Kemmeter – Signalisation ferroviaire et rédacteur freelance
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Danemark-Suède : trois projets pour une seconde traversée de l’Öresund
23/04/2024 – La région Öresund-Malmö-Copenhague est l’une des plus prospère avec des centres économiques importants. Mais le futur tunnel du Fehmarn Belt risque de congestionner le pont de l’Öresund. Trois projets de nouvelles traversées se disputent le soutien politique : le tunnel HH, le métro…


Et si l’immobilier finançait le rail ?
28/09/2020 – Le chemin de fer est un secteur qui apporte très peu de rendements. D’autres domaines adjacents pourraient lui rapporter des revenus supplémentaires, mais pas en vendant à tour de bras. Explications.


Italie : des procédures accélérées pour les chantiers ferroviaires
25/10/2021 – Un plan de relance ferroviaire et une autre façon de gérer les travaux publics par procédures accélérées. C’est le défi de l’Italie avec 16 projets ferroviaires grandes lignes, un projet métro et une dotation de 60,8 Mds d’euros



DeutschlandtaktD-Takt : le grand défi de l’horaire cadencé intégral 2/2
10/05/2021 – Un train toutes les demi-heures de ville à ville et de village à village. Des correspondances pratiques pas trop longues, même en province. Prendre le train partout dans le pays devrait être aussi facile que de prendre le S-Bahn en zone urbaine. Cette seconde partie va détailler l’implication du service cadencé sur les temps de parcours entre les grandes villes allemandes et la place réservée aux nouveaux entrants.


DeutschlandtaktD-Takt : le grand défi de l’horaire cadencé intégral 1/2
03/05/2021 – Un train toutes les demi-heures de ville à ville et de village à village. Des correspondances pratiques pas trop longues, même en province. Prendre le train partout dans le pays devrait être aussi facile que de prendre le S-Bahn en zone urbaine. C’est le principe du Deutschlandtakt.


train_de_nuitOù en est le projet de Stuttgart 21 ?
29/10/2020 – Le projet Stuttgart 21. Un chantier énorme pour une ville de 630.000 hab et qui avance. Ou comment mettre la 6ème ville allemande au top ferroviaire, avec en prime une ligne nouvelle vers Ulm


Le TGV français fête ses 40 ans

19/09/2021 – Par Frédéric de Kemmeter – Signalisation ferroviaire et rédacteur freelance
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Le TGV en France (Train à grande vitesse), est un indéniable succès. Rouler de manière continue à 300km/h était quelque chose qui paraissait encore utopique au début des années 70, malgré de nombreuses recherches en Europe. À cette époque, la France devait encore faire le choix entre la « vieille » technique rail-roue de la SNCF et d’Alsthom (avec un « h »), ou une technologie plus disruptive promotionnée au travers de l’aérotrain de Bertin. Il y a encore des controverses de nos jours sur le lobbying intense qu’aurait mené la SNCF pour éviter cette concurrence technologique qui menaçait la technique rail-roue, mais il est difficile de faire la part des choses. C’est en tout état de cause le « train » qui fut choisi par le président Pompidou, qui n’était pourtant pas un grand fan du chemin de fer.

Infrastructure
Très rapidement, il est apparu que pour rouler à 300km/h, il était nécessaire d’avoir une infrastructure en propre, tout en conservant l’essentiel de la technique ferroviaire : des rails, du ballast et une énergie distribuée par caténaire. Le TGV était ainsi l’occasion de reconstruire un nouveau réseau et de contourner les multiples handicaps de « l’ancien chemin de fer », avec ses courbes serrées, ses tunnels, ses ponts vieillissants, ses multiples gares et une grande quantité d’aiguillages. Les lignes nouvelles à grande vitesse remettaient du neuf dans cette façon de faire du génie civil.

Rouler à 300km/h demandait cependant d’adoucir les courbes à 4000m de rayon, de supprimer les gares intermédiaires et les passages à niveau, mais aussi d’opter pour un profil en long plus généreux avec des dénivelés de 35m par kilomètres (au lieu de 20m sur une ligne classique), ce qui spécialisait une ligne TGV pour les seuls trains automoteurs. La conception différait aussi au niveau du tonnage maximal admissible : 17 tonnes par essieux au lieu des 22,5 tonnes sur le réseau classique, pour ne pas abimer ni trop user la voie.

Enfin, comme il est impossible de réagir à temps avec une signalisation lumineuse latérale, le TGV était d’office doté d’une signalisation en cabine, ancêtre de ce qui est aujourd’hui l’ETCS.

Le 22 septembre 1981, François Mitterrand, fraîchement élu président de la République, inaugurait le premier service de train à grande vitesse entre Paris et Lyon. Le service commercial ouvert au public débuta réellement, cinq jours plus tard, le 27 septembre. L’aventure du TGV « à la française » commençait. Il a fait la part belle aux idées de la SNCF mais aussi d’Alsthom.

Concurrencer l’avion
Le TGV avait avant tout pour objectif de concurrencer l’industrie aérienne plutôt que la route. Avec sa livrée orange destinée à faire oublier le dépressif vert militaire caractéristique du chemin de fer, le TGV a redessiné la carte des voyages en France et les trains orange ont petit à petit dépassé Lyon, vers Genève, Lausanne, Grenoble, Marseille, Montpellier et Nice. Pendant une quinzaine d’années, il bénéficia d’une aura inégalée dans le monde entier. Puis vînt d’autres TGV en Europe : ICE en Allemagne et TAV en Italie, inaugurés au début des années 90, mais pas avec les conceptions d’Alsthom.

Après le sud-est, le réseau à grande vitesse français s’étendit d’abord vers Tours (septembre 1990) puis Arras et Lille (mai 1993). En décembre 1997, pour la première fois en Europe, une ligne à grande vitesse traversait la frontière pour atteindre Bruxelles. Le TGV devenait une vitrine internationale pour Alsthom et la SNCF. Puis il y eut la ligne à grande vitesse vers la Méditerranée, connectant Montpellier et Marseille (2001), le TGV-Est européen, reliant dès 2007 Paris à Strasbourg et le TGV Rhin-Rhône, inauguré en 2011 entre le sud de Belfort et les environs de Dijon. Enfin, la ligne Tours-Bordeaux ainsi des branches vers Rennes, également dénommée « LGV L’Océane » par la SNCF, furent inaugurées en juillet 2017.

Déception à l’export
Alstom a tenté de vendre son produit dans le monde entier, avec un succès plus mitigé que prévu. La Corée du Sud, l’Espagne, l’Italie (AGV) et le Maroc sont les seuls pays à avoir acheté le TGV articulé « à la française ». L’AGV d’Alstom, dont ne voulait pas la SNCF, n’est exploité que grâce à un contrat avec l’opérateur privé italien NTV-Italo.

Le concept de rame articulée n’a pas toujours convaincu et il se dit en coulisses qu’Alstom a parfois sous-estimé le poids de ses concurrents dans certaines parties du monde, croyant la partie gagnée d’avance. Côté technique, tant Siemens, que l’ancien consortium italien Trevi (qui a construit l’ETR500), ainsi que Bombardier (aujourd’hui Hitachi Rail Europe), ont préféré en rester à la rame classique à bogies, qui ont aussi fait leurs preuves en matière de confort que de stabilité. Seul Talgo a conservé également sa rame articulée, mais selon sa célèbre conception historique. Talgo a d’ailleurs réussi à vendre sa rame à grande vitesse sur base de cette technologie à l’Arabie Saoudite.

Quels résultats après 40 ans ?
Quand on regarde aujourd’hui la carte du TGV, force est de constater que la SNCF a repris l’idée ancienne de ce qu’on appelle en France « l’Étoile de Legrand », c’est à dire un réseau entièrement centré sur Paris. La culture d’une capitale forte qui relie « les villes province » demeure vivace dans le pays. La SNCF considérait – et considère toujours -, que les flux parisiens sont économiquement les plus porteurs.

A la lumière des résultats sur près de 40 années, on constate tout de même que le TGV n’a jamais réussi, en France comme partout ailleurs en Europe -, à vider les autoroutes. Cela tient au fait que le TGV s’adresse à une clientèle de ville à ville qui n’a pas besoin de véhicule à destination. Mais cette option exclut dès lors toutes les destinations en dehors des villes, bien plus nombreuses qu’on ne le croit, tout particulièrement durant les vacances d’été. Le TGV français est clairement un produit destiner à abattre l’aviation courte-distance, et on peut dire que cela a réussi partiellement, même s’il reste encore de nos jours des vols intérieurs destinés à alimenter les correspondances aériennes internationales et intercontinentales, principalement sur l’aéroport parisien de Charles de Gaulle.

Le TGV a aussi permis de renouveler l’image du train à l’international, et on peut dire que dans le cas de Thalys, Eurostar ou Lyria, c’est une réussite pour le savoir-faire français.

Nouvelle génération
Les rames PSE (Paris Sud-Est), devenues obsolètes au fil du temps avec leurs moteurs à courant continu, n’ont finalement quitté la scène ferroviaire qu’après 35 années de service, démontrant le succès technique de ce train très novateur en 1981. Les rames TGV-Atlantique, qui ont été lancées dès 1990, prennent aussi le chemin de la retraite. Elles sont désormais remplacées par le TGV « L’Océane » bien différentes des précédentes.

Les 40 années de grande vitesse ferroviaire montrent une indéniable réussite du TGV français, resté fidèle à la conception technique de la rame articulée, avec de nos jours près de 400 rames en service. La prochaine série de TGV-M d’Alstom renouvellera le concept de rame articulée et la SNCF en a commandé près de 100 rames. Bon anniversaire, TGV. Et bon vent pour la suite…

Pour approfondir :

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Quoi de neuf du côté des opérateurs longue distance ?

23/08/2021 – Par Frédéric de Kemmeter – Signalisation ferroviaire et rédacteur freelance
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Cela bouge pas mal du côté des opérateurs grande ligne en Europe. C’est l’occasion d’une petite synthèse alors qu’on entame bientôt le dernier trimestre de l’année 2021.

Commençons par deux projets devenus réalité dès cet été. Le premier a commencé le 6 mai avec le lancement du service Ouigo España, un TGV à bas tarifs de la SNCF, opérateur public, et qui semble donc parfaitement s’accommoder de la libéralisation du marché espagnol. La fréquentation semble un beau succès, avec pour les trois premiers mois d’exploitation des taux d’occupation moyens de 95% entre Madrid-Barcelone. La SNCF a placé en Espagne 14 rames TGV Duplex Alstom pour couvrir son contrat qui devrait s’étendre bientôt vers Valence et Alicante, avant d’aller vers Séville après homologation sur la première ligne TGV d’Espagne, construite en 1992 et dotée encore de la signalisation allemande LZB.

Ouigo España doit se frotter à l’opérateur historique espagnol Renfe qui décline dorénavant deux types de trains à grande vitesse : les traditionnels AVE, mais aussi au travers d’une nouveauté, devenue réalité en juin dernier : l’Avlo.

Avlo-Renfe

L’Avlo, pour « AVE low cost », a été lancé le 23 juin sur le même parcours que Ouigo España entre Madrid et Barcelone. La Renfe utilise en fait des rames S-112 transformées en une seule classe, pouvant emporter 438 passagers. Si nous devions résumer la situation actuelle sur cette liaison Madrid-Barcelone, nous avons en réalité deux opérateurs mais trois types de trains :

  • AVE de la Renfe
  • Avlo de la Renfe
  • Ouigo España de la SNCF
Frecciarossa-Trenitalia

Il y a ensuite des projets, dont certains se concrétiseront bientôt. Commençons par l’opérateur public Trenitalia, qui se prépare à opérer sur deux fronts en dehors de l’Italie.

Le premier concerne justement l’Espagne. Trenitalia, en consortium avec ILSA, est en effet le troisième opérateur qui viendra concurrencer la Renfe et Ouigo España/SNCF sur trois liaisons à grande vitesse en Espagne dont… Madrid-Barcelone ! L’italien vient avec ces rames Frecciarossa dont 2 rames sont en Espagne pour homologation. Cela fera beaucoup de monde sur le réseau espagnol.

Le second concerne la France. Fin juin, on apprenait que la rame Frecciarossa était homologuée sur le réseau français, avec quelques limites techniques. Comme on le sait, Trenitalia utilise des rames de feu-Bombardier officiellement dénommée V300Zefiro, qui sont maintenant dans l’escarcelle de Hitachi Rail (Alstom ayant dû se séparer de cette branche lors du rachat de Bombardier).

Trenitalia compte opérer 3 allers-retours à l’aide de ces rames entre Milan et Paris, en open access et sous la marque Thello, qui n’a donc pas disparu. Les sillons ont déjà été demandés et accordés. La date de début d’exploitation a été repoussée en raison de la pandémie, mais au printemps dernier, on observait sur les réseaux sociaux des annonces d’emplois de conducteurs à Paris et à Lyon.

On pouvait croire que la Renfe allait rester les bras croiser et « subir ». Il n’en est rien. Comme d’autres, l’opérateur public espagnol recherche des relais de croissance. Outre des projets en France entre Lyon et Marseille, la Renfe vient de bénéficier du feu vert du ministère des Finances espagnol pour acquérir 50% des parts de Leo-Express, un opérateur privé tchèque qui fait plus de 2 millions de voyageurs par an.

Leo-Express

Leo-Express est le plus petit des trois opérateurs longue distance en République tchèque, avec Ceske drahy et l’opérateur privé RegioJet. Ces opérateurs sont par exemple présents sur la ligne Prague-Ostrava. L’entrée de Renfe en tant qu’actionnaire principal de Leo Express présente un avantage direct pour la société espagnole, comme le fait d’avoir une activité dans trois pays européens supplémentaires (République tchèque, Slovaquie et Pologne) et de disposer des ressources et des licences pour accéder au marché allemand.

De même, il permet un accès immédiat aux appels d’offres OSP en Allemagne, en République tchèque et en Pologne, avec une capacité de mise en œuvre locale, une expérience, des équipements ou des références dans ces pays, qui sont souvent essentiels pour pouvoir soumissionner. Renfe serait également mieux placée pour accéder aux projets à grande vitesse prévus dans la région. La République tchèque, la Slovaquie et la Pologne sont trois pays qui ont encore beaucoup de potentiel pour le développement de leurs infrastructures de transport.

C’est aussi ce que pense RegioJet, l’autre opérateur privé de la République tchèque, qui est le plus grand d’Europe centrale. Les ambitions de RegioJet sont très supérieures à Leo-Express. RegioJet est déjà sorti de son pays et exploite des trains vers Bratislava, Vienne et Budapest. En 2020, cet opérateur a lancé un train de nuit estival à succès entre Prague et Rijeka, répétant l’opération cette année en étendant la destination croate jusqu’à Split, avec le même succès. Tout cela sans subsides et en acquérant des voitures vendues par les opérateurs publics ÖBB (Autriche) et Deutsche Bahn (Allemagne).

RegioJet compte maintenant entrer en Pologne avec l’intention d’exploiter toutes les deux heures la lucrative liaison Cracovie-Varsovie-Gdansk-Gdynia, une transversale Nord-Sud. Mais RegioJet s’apprête aussi à se lancer en partenariat dans des trains de nuit toute l’année. C’est le cas pour le projet conclus avec les hollandais d’European Sleeper pour exploiter un train de nuit entre Prague, Berlin, Amsterdam et Bruxelles. Un train de nuit Varsovie-Berlin-Bruxelles est aussi dans les cartons de RegioJet, train qui ne concerne donc pas la Tchéquie et qui prouve l’internationalisation du groupe.

RegioJet-Czech-Republic

Les exemples ci-dessus montrent à quel point les opérateurs publics sont intéressés par l’ouverture du marché longue distance, même s’ils sont souvent très réticents à accepter cette réalité dans leur propre pays. Rechercher des marchés hors du pays peut poser diverses questions. Est-ce le rôle des entreprises publiques nationales d’opérer au-delà des frontières ? On peut en fait retourner la question : le chemin de fer est-il appelé à rester un éternel tombeau à déficits ? Au nom de quoi ?

La libéralisation du rail n’est évidemment pas une fin en soi, et certains arguments, comme le transfert modal, ne semblent pas vraiment tenir la route. En effet, on observe assez souvent que les nouveaux services sont créés sur des liaisons déjà lucratives, alors que de nombreuses liaisons longue distance nécessitent encore un soutien de l’État. Dans quelle mesure les trains de nuit détourneraient-ils la clientèle de l’avion ou même des bus longue distance ? Personne ne le parierait, mais il en faudra plus pour détourner les voyageurs des avions, car ils ne sont pas prêts à passer 10 heures dans un train avec un masque…

Du côté de la grande vitesse, Avlo, Thello et Ouigo sont avant tout destinés à lutter contre l’aviation low-cost et les autocars libéralisés. Il n’est pas certain que cela fasse sortir les automobilistes de leur voiture. En 40 ans d’existence, le TGV Paris-Lyon n’a jamais réussi à vider l’A6.

Il y a donc beaucoup d’initiatives ferroviaires pour renouveler le secteur, et voir des opérateurs même étatiques opérer en dehors de leurs frontières pourrait être un signe de dynamisme. Mais pour un vrai transfert modal, il faut aussi s’attaquer au prix de la mobilité concurrente de manière raisonnée si on veut que le train longue distance libéralisé ne soit pas juste « quelque chose de plus » à la mobilité existante…

23/08/2021 – Par Frédéric de Kemmeter – Railway signalling
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Pour approfondir :

Offensive de Regiojet en Pologne
05/08/2021 – Rien ne semble arrêter l’opérateur privé tchèque Regiojet qui compte maintenant s’attaquer au marché intérieur grande ligne polonais.



TrenitaliaTrenitalia, une entreprise qui regarde l’Europe et le monde
15/02/2021 – Pour la plupart d’entre nous, Trenitalia est plutôt inconnu et très peu de personnes connaissent l’internationalisation de cet opérateur étatique italien. L’occasion d’un petit tour d’horizon. xxxxx xxxx xxxxxxxxx xxxxxxxxx xxxxxxxxxx


Passer du produit au client : le rail peut-il s’inspirer des Gafam ?
21/06/2021 – Passer de la politique « produit » à la politique « client » est un vrai défi pour le rail. Le poids des actifs (trains-infrastructure) et les habitudes culturelles façonnent encore largement la politique ferroviaire, mais il y a pourtant quelques raisons d’espérer.


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28/06/2021 – Le train pourrait remplacer certains vols de 500 à 1000 km. Les mentalités semblent évoluer dans ce sens et la durée moyenne des voyages augmenterait. Mais il y a encore un certain nombre de conditions pour ce remplacement. xxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxx xxxxx xxxxxxxxxx xxxxxxxxxx xxxxxx xxxxxxx xxxxxxxxxxx


Thalys : 25 ans et un futur à consolider

07/06/2021 – Par Frédéric de Kemmeter – Signalisation ferroviaire
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Depuis les années 1980, un projet de train international à grande vitesse était en gestation. En octobre 1987, une décision politique a été prise à Bruxelles de construire un réseau à grande vitesse entre la France et l’Europe du Nord, notamment les Pays-Bas, l’Allemagne et le Royaume-Uni. C’est de là qu’est né le Thalys, qui fête ses 25 ans ce mois de juin.

Avant le TGV
Le trafic entre Paris et le Benelux ainsi que vers Cologne s’effectuait par des rames tractées, la plupart du temps à l’aide de locomotives interopérables françaises CC40100 ou belges de série 15, 16 et 18. Au milieu des années 90, jusqu’à douze paires de trains circulaient entre Paris et Bruxelles via Mons, sur la ligne L96. Une poignée de ces trains continuaient vers Anvers, Rotterdam et Amsterdam. Une autre poignée de trains empruntaient la dorsale wallonne vers Charleroi, Namur et Liège, avant de rejoindre Aix-la-Chapelle et Cologne.

Trans-Europ-Express
(photo wikipedia)

Le grand projet de TGV-Nord Europe
Pendant ce temps, dans les années 80, un projet de TGV international commençait à s’élaborer :

  • 26 octobre 1987 : Décision politique à Bruxelles de la construction d’un réseau à grande vitesse entre la France et le nord de l’Europe;
  • 1993 : Création du premier groupe de travail international IPM, ayant pour mission de définir le mode d’organisation de la future entreprise ferroviaire à créer.
  • Janvier 1995 : Adoption du logo et d’un nom pour le futur service à grande vitesse du TGV-Nord Europe : ce sera Thalys, un nom qui n’a aucune signification. Le TGV Nord avait besoin de son propre nom, car il ne s’agissait pas d’un train « comme les autres ».  Thalys est un nom à la consonance particulièrement française, mais facile à prononcer au niveau international.
  • Mai 1995 : Naissance de Westrail International en tant que société coopérative de droit belge, filiale commune de la SNCF et de la SNCB, à laquelle s’associent les chemins de fer néerlandais (NS) et les chemins de fer allemands (DB). Cette société avait pour mission de créer et de gérer un service de trains à grande vitesse sur l’ensemble du réseau TGV-Nord.

Le projet de TGV en Belgique a suscité des passions politiques comme jamais, à un moment où le pays devenait fédéral (1989). Il a fallu de fortes doses de talents en négociations pour que quatre lignes nouvelles totalisant 220 km soient construites sur le territoire belge. Les premiers travaux débutèrent en 1993.

Aux Pays-Bas, le projet présenté au parlement néerlandais en 1991 fût d’abord rejeté. C’était avant que la LGV-Zuid soit approuvée en 1996 comme un grand projet, et qu’un accord soit conclu avec la Belgique sur un tracé via Breda, et non via Roosendaal. L’Allemagne, quant à elle, n’a pas opté pour une nouvelle ligne entre Aix-la-Chapelle et Cologne, mais pour une section de voie rénovée à 250 kilomètres par heure uniquement entre Duren et Cologne.

Bruxelles-Midi (photo Mediarail.be)

Le dimanche 2 juin 1996, tous les trains entre Paris, Bruxelles et Amsterdam passaient au TGV. Quelques trains en rames tractées subsistaient néanmoins sur la dorsale wallonne ainsi que le fameux train de nuit Paris-Amsterdam transitant par Bruxelles. Le Thalys ne circulait que quatre fois par jour vers Amsterdam et Cologne, mais beaucoup plus entre Bruxelles et Paris. L’ensemble du trafic était – et est toujours -, géré au moyen de rames TGV du constructeur Alstom, car dans les études des années 90, il n’y avait pas d’autres alternatives en matériel roulant. Les ICE que Siemens construisait pour la Deutsche Bahn étaient uniquement conçus pour l’Allemagne.

Ouverture complète du réseau
La première ligne TGV en Belgique fût inaugurée en décembre 1997, vers la France. Au fil des années, le réseau fût agrandi conformément à l’accord de 1987, pour aboutir aux quatre lignes nouvelles dont la dernière fut mise en service en décembre 2009. Dans l’intervalle, les Pays-Bas mettaient eux aussi en service leur ligne à grande vitesse entre la frontière belge, Breda, Rotterdam et Amsterdam, en passant par l’aéroport de Schiphol. L’Allemagne se contenta quant à elle de ne mettre à 250km/h le tronçon plat entre Düren et Cologne, tandis que la sinueuse section entre Aix-la-Chapelle et Düren demeure contrainte à une vitesse de maximum 160km/h là où c’est possible. Depuis 2009, il y a donc une ligne à grande vitesse complète entre Paris et Amsterdam, à l’exception d’un hiatus de 45 kilomètres entre le nord de Bruxelles et Anvers, où Thalys circule sur une ligne existante. Le voyage complet entre les deux capitales prend 3 heures et 19 minutes au lieu de 5 heures et 18 minutes par le meilleur Trans-Europ-Express. Sur la route vers l’Allemagne, le voyage complet de Paris à Cologne prenait 3 heures et 23 minutes au lieu de 5 heures et 10 minutes par le meilleur express via Namur.

Le service TGV a été progressivement étendu jusqu’à son état actuel. En 2019, il y avait 26 paires de trains entre Paris et Bruxelles, quatorze entre Bruxelles et Amsterdam et cinq entre Bruxelles et Cologne, la plupart étant prolongées jusqu’à Essen ou Dortmund. L’ensemble du trafic était – et est toujours – géré par 27 rames TGV du constructeur Alstom. À ce jour, Thalys n’a pas prévu de renouveler son matériel roulant.

2015 : une compagnie à part entière
Pendant une vingtaine d’années, Thalys a été avant tout une marque commerciale. La gestion des trains, la distribution et la vente des billets restaient l’apanage de ses deux principaux actionnaires, la SNCF et la SNCB. Fin 2015, elle a repris l’ensemble des opérations ferroviaires et s’est transformée en une entreprise ferroviaire à part entière sous le nom de THI Factory. Le changement de propriétaire s’est traduit par une augmentation des effectifs de Thalys de 200 à 550 salariés. Pour la première fois, Thalys pouvait communiquer directement avec son propre personnel à bord de ses trains en France et en Belgique au lieu de passer par la SNCF ou la SNCB. Les conducteurs de train qui devaient avoir une tablette par réseau recevaient dorénavant une tablette unique. Le fait que Thalys soit un opérateur ferroviaire signifie aussi que c’est Thalys qui doit faire elle-même la demande des sillons horaires aux quatre gestionnaires d’infrastructure chez qui roulent ses TGV (SNCF Réseau, Infrabel, Pro Rail et DB Netz).

En 2020, Thalys a opéré un virage stratégique majeur en reprenant la distribution et la vente directe des billets. Elle ajoutait ainsi la dernière pièce au puzzle et devenait son propre distributeur de ventes de billets de train directement sur ses propres canaux numériques (sites web, applications mobiles). 

ISY
ISY au départ de Bruxelles-Midi, composé d’une rame TGV-Réseau en livrée particulière (photo Mediarail.be)

Aujourd’hui, elle dispose de deux marques de trains et de deux sites internet dédiés à la réservation : Thalys et son petit frère low-cost IZY. IZY fut lancé en avril 2016, avec un seul aller-retour par jour entre Bruxelles et Paris, afin de prendre des parts du marché croissant des bus et du covoiturage. Ce TGV quitte le réseau à grande vitesse près d’Arras, en France, et circule sur le réseau français classique jusqu’à Paris.

Survivre à la pandémie
En 2019, dernière année « normale » de référence, Thalys affichait plus de 7,8 millions de voyageurs. Dans l’intervalle, un projet de fusion avec Eurostar avait émergé mais reste pour le moment suspendu à la suite des événements. En 2020, Thalys n’a transporté que 2,5 millions de voyageurs, par rapport à 2019. « La pandémie que nous vivons est la crise la plus grave de notre histoire. Depuis plus d’un an, les restrictions de voyage font payer un lourd tribut aux voyageurs et, bien sûr, aux personnes de notre entreprise », a déclaré le PDG Bertrand Gosselin. En mai, la société a obtenu un prêt d’un montant total de 120 millions d’euros auprès de cinq banques afin d’assurer sa survie. « Cette opération permet de sécuriser l’avenir de Thalys », a déclaré l’entreprise à propos de l’accord de financement. Le 25e anniversaire de Thalys se déroule donc dans un contexte difficile, mais aussi avec une reprise progressive de la circulation des trains et la saison estivale qui s’annonce.

Thalys-on-board-service
(photo Thalys pressroom)

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(Ci-dessus – Un beau parallèle d’ICE 3 – photo Deutsche Bahn)

31/05/2021 – Par Frédéric de Kemmeter – Signalisation ferroviaire
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10 ans après le lancement du premier train à grande vitesse en France, l’Allemagne mettait en service son propre train à grande vitesse nommé « InterCity Express » (ICE). L’occasion de revenir sur le concept allemand qui diffère un peu des options françaises. L’arrivée de l’ICE aura permis à la Deutsche Bahn – et à Siemens -, de se hisser dans le top mondial de la grande vitesse ferroviaire.

La chronologie historique montre que ce sont les Japonais qui ont commencé à exploiter ce type de train en 1964, suivis par les Italiens, qui construisirent le premier train à grande vitesse européen Florence-Rome (également appelé « Direttissima »), ouvert par étapes entre 1978 et 1992. 

La directive 96/48/CE de l’Union européenne, annexe 1, définit le train à grande vitesse en termes d’infrastructure, de limite de vitesse minimale et de conditions d’exploitation. Pour l’Union Internationale des Chemins de fer (UIC), un train à grande vitesse est considéré comme un train circulant à plus de 250km/h, sur une ligne dédiée à cette vitesse (catégorie 1). Cette définition est importante car certains qualifient encore de « grande vitesse » les trains dépassant 200km/h. Ce n’est pas vraiment le cas. Ainsi, le HST 125 britannique, bien que décrit comme un « train à grande vitesse », n’a jamais été un TGV au sens de l’UIC.

Ces précisions permettent de montrer qu’en Allemagne, la grande vitesse signifiait de toute manière la construction de lignes nouvelles à travers le pays, récemment réunifié. La Deutsche Bahn a cependant pris des options différentes de celle de la SNCF.

Il y a d’abord le maillage des villes : il est plus important en Allemagne, où la géographie nous montre des villes importantes implantées tous les 100 kilomètres, voire moins. Cela implique des arrêts plus fréquents qu’en France, pays où les villes sont plus distantes. Une autre différence majeure est qu’il n’y a pas en Allemagne le centralisme sur une seule grande ville, où le réseau à grande vitesse rejoint prioritairement Paris.

Dans les années 80, il était d’usage que ce soit les bureaux d’études des chemins de fer qui étudient et conçoivent le matériel roulant. Les industriels n’étaient alors que de simples sous-traitants fabriquant un train sur mesure. C’est la raison pour laquelle les ICE de la Deutsche Bahn sont de purs produits de l’industrie nationale allemande, à une époque où l’Europe sans frontières n’existait pas.

En France, en Italie et en Allemagne, l’histoire de la grande vitesse ferroviaire a d’abord été celle d’un soutien de l’État par le biais de programmes de recherche scientifique. En 1979, alors que l’Allemagne étudie son célèbre train à sustentation magnétique Transrapid, le ministère fédéral de la recherche et de la technologie commande le développement d’un concept de « véhicule d’essai et de démonstration roue/rail » pour la grande vitesse. On préférait alors repousser les limites de la technologie traditionnelle roue/rail plutôt que de s’engager dans des technologies trop disruptives à l’époque.

Great-British-Railways
(photo Deutsche Bahn pressroom)

La DB, avec l’industrie nationale, construisit alors l’InterCity Experimental (également appelé ICE/V pour Versuch = essai). Ce train conçu à partir de fin 1979 fut construit entre 1983 à 1985 et servit pour divers tests jusqu’à sa mise hors service le 1er janvier 2000. Il s’agissait d’une rame courte de deux motrices encadrant trois voitures. Sa vitesse maximale autorisée était de 350 km/h. Ce train fut aussi une vitrine de la filière industrielle allemande, comprenant notamment Krupp, Henschel, Krauss-Maffei, Siemens, AEG, BBC et Thyssen-Henschel.

En 1985, le premier trajet d’essai est effectué de Munich Freimarn à Ingolstadt et retour en septembre. Le 26 novembre, l’ICE/V établit un nouveau record ferroviaire allemand : sur la ligne Bielefeld-Hamm, elle dépasse pour la première fois les 300 km/h. En 1988, l’ICE/V établit un record mondial de 406,9 km/h sur la nouvelle ligne à grande vitesse Fulda-Würzburg. La conception du train montre une différence majeure avec le TGV français. Les Allemands, comme les Japonais et les Italiens, ont préféré conserver la solution classique de voitures à deux bogies conventionnels pouvant être éventuellement dételées (en atelier), permettant ainsi de jouer sur la longueur des trains. Cette architecture sera celle de tous les ICE produits ensuite par l’industrie allemande.

Le 2 juin 1991, le concept ICE était mis en service avec 19 rames ICE1 disponibles. Le premier ICE fut celui de 5h58 entre Hambourg et Munich. La seule portion à grande vitesse se situait entre Hanovre et Wurtzbourg, une ligne de 327 kilomètres avec 63 tunnels et plus de 34 ponts, construite à partir de 1973 et mise en service par étapes entre 1988 et 1991. Une autre ligne de 99km était mise en service à la même date, entre Mannheim et Stuttgart, comprenant 12 tunnels et 6 ponts.

Deutsche-Bahn-ICE
(photo Deutsche Bahn pressroom)

Nous trouvons ici une autre différence avec la France. En Allemagne, les lignes nouvelles accueillent aussi des trains classiques ainsi que des trains de marchandises la nuit. Il a alors fallu concevoir une infrastructure avec un minimum de pentes, ce qui impliquait beaucoup d’ouvrages d’art. La ligne nouvelle de 177 kilomètres entre Cologne et Francfort, mise en service en 2002, est la seule à être spécifiquement conçue uniquement pour le train à grande vitesse, avec des pentes allant jusqu’à 40 pour mille.

Le matériel roulant utilisé en 1991 comportait 58 rames appelées ICE 1, composées de 12 voitures encadrées par deux motrices, soit 365m au total pour une capacité de 649 places. Elles furent construites entre 1988 et 1993 par Siemens, KM, Henschel, AEG, Krupp, Düwag, WU, BBC, LHB, MAN et MBB. Le 27 septembre 1992, un ICE arrivait pour la première fois en gare de Zürich. La Suisse devient ainsi le premier pays à compter sur son réseau ferroviaire deux types de train à grande vitesse : l’ICE et le TGV-PSE. 

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(photo Deutsche Bahn pressroom)

L’une des demandes des clients allemands était le maintien à bord du nouvel Intercity d’un « vrai » restaurant. La voiture-restaurant, également appelée Bordrestaurant, compte au total 40 places assises. La voiture-restaurant est facilement reconnaissable à son toit surélevé, qui est 450 mm plus haut que le reste du train. Cela était nécessaire pour que tous les équipements de cuisine puissent entrer dans la voiture. Contrairement à toutes les autres voitures intermédiaires, la voiture-restaurant n’a pas de portes latérales permettant aux passagers d’entrer ou de sortir de la voiture depuis le quai. Il y a cependant une porte dans la zone de la cuisine qui ne peut être ouverte que de l’intérieur.

Au niveau du service des trains, les ICE étaient intégrés dans l’horaire cadencé longue distance qui faisait la réputation de la Deutsche Bahn depuis 1979. C’est d’ailleurs pour cette raison – et c’est encore une différence avec la SNCF -, que la DB continua d’exploiter de nombreux Intercity en rames tractées classiques, les deux types de trains cohabitant dans un vaste service national.

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ICE BR401 à Francfort-Hauptbahnhof aux côtés de « l’ancien » InterCity tracté par la 103 132 (juillet 1992, photo K. Jähne via wikipedia)

Cinquième place mondiale
La suite, ce sont près de 1.571km de lignes construites au total et parcourues à au moins 250km/h, ce qui met l’Allemagne à la cinquième place mondiale. Entre 2005 et 2008, les rames ICE 1 ont fait l’objet d’une refonte ar l’installation de sièges plus minces, augmentant la capacité d’accueil d’environ 10%. Avec l’arrivée de l’ICE 2 entre 1995 et 1997, la DB voulut mieux coller à la demande sur certaines sections Intercity, où une rame de 7 voitures suffisait amplement. Le raccourcissement des rames ne nécessitait plus qu’une seule motrice, d’où l’apparition de la voiture-pilote à l’autre bout. Enfin, le fruit de l’expérience acquise avec l’exploitation des ICE 1 avait permis aux ICE 2 de bénéficier d’un certain nombre d’améliorations. Le poids des voitures bénéficia d’une réduction de 5 tonnes, grâce notamment aux sièges plus légers, par utilisation de l’aluminium, aux parois isolantes mais moins épaisses ainsi qu’aux bogies.

La fin des années 90-début 2000 coïncida aussi avec une très forte restructuration de l’industrie ferroviaire en Allemagne, avec le rachat de nombreuses entreprises moyennes par Siemens, Bombardier et Alstom. Il est alors devenu d’usage d’estampiller les ICE comme un « produit Siemens », tout comme les TGV français restent estampillés « Alstom ». Ce « marquage national » demeure encore de nos jours une barrière incontournable : il n’y a aucun TGV à la Deutsche Bahn ni d’ICE à la SNCF. Bombardier, qui concevait son propre train à grande vitesse en Chine sous le nom de Zefiro, n’aura jamais pu intégrer le marché allemand et a dû se contenter de Trenitalia.

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Bruxelles-Midi (photo Mediarail.be)

Dans une optique d’exportation, Siemens se lança dans l’étude d’un nouveau train différent des deux premières séries d’ICE. La caractéristique fondamentale de l’ICE 3, qui arriva sur le marché de la grande vitesse entre 2000 et 2006, est la motorisation répartie tout au long de la rame, ce qui en fait une véritable automotrice à grande vitesse. Siemens, à l’inverse d’Alstom, tournait ainsi le dos à la conception motrice + voitures, une option toujours défendue par Alstom. Ces rames de 8 voitures et d’une capacité de 454 places devenaient la plateforme « Velaro » de Siemens. 50 rames monocourant 15kV et 17 rames multicourant furent ainsi construites. Elles furent – et certaines le sont encore -, engagées sur les relations Francfort-Paris, Francfort-Bruxelles et Francfort-Amsterdam.

La Renfe en Espagne ainsi que la Russie optèrent pour l’achat d’ICE 3. Il y eut par la suite une version redessinée de l’ICE 3 sous forme du Velaro UK (Eurostar), Velaro-D (Allemagne) et même Velaro-TK (Turquie). Dans l’intervalle Siemens mettait en service l’ICE-T (tilting – caisse inclinable) et deux ans plus tard, l’ICE TD (inclinable mais en traction diesel), spécialement conçus pour être utilisés sur des itinéraires sinueux. Les trains s’inclinaient jusqu’à 8° dans les courbes mais ce matériel fut largement sujet aux pannes diverses.

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Le dernier né : l’ICE 4 (photo Siemens)

La version la plus récente est à présent l’ICE 4. Le contrat initial avec Siemens, signé en 2011, spécifiait une conception permettant une composition flexible des trains (entre 5 et 14 unités), avec 24 variantes différentes, chacune composée de voitures motrices et de voitures remorques. Le 26 septembre 2018, le conseil d’administration de la DB a approuvé l’achat de 18 rames supplémentaires de sept voitures et de 50 voitures à ajouter aux rames alors en commande. En 2020, il a été annoncé que jusqu’à 50 rames de 13 voitures seraient mises en service à partir de 2021. Ces trains plus longs feront 374 mètres de long et pourront transporter jusqu’à 918 passagers. Leur vitesse de pointe sera également plus élevée que les autres modèles, à 265 km/h.

Et maintenant ?
Hors pandémie, environ 100 millions de voyageurs étaient comptabilisés chaque année sur les ICE, sur un total de 140 millions de voyageurs grande ligne. Près de 200 gares sont touchées par un service ICE en Allemagne, ainsi qu’une cinquantaine dans les pays voisins. 330 rames sont disponibles pour le service quotidien. En trente années, l’ICE a maintenu la Deutsche Bahn – et l’Allemagne -, au coeur du système ferroviaire à grande vitesse, aux côtés de la France, de l’Italie, de l’Espagne, du Benelux et bientôt, de la Grande-Bretagne. Bon anniversaire !

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(photo Deutsche Bahn pressroom)

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Et si le voyage en train devenait un lieu de vie

08/03/2021 – Par Frédéric de Kemmeter – Signalisation ferroviaire et rédacteur freelance
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Les chemins de fer s’accrochent à l’espoir qu’un jour les gens considéreront leur service non pas comme quelque chose à craindre et détester, mais comme quelque chose qui est agréable et dont on retient une bonne expérience. Et c’est possible. Le patron de Trenitalia racontait dans une interview que c’est grâce au marketing orchestré par son concurrent NTV-Italo qu’une clientèle, qui ne jurait que par l’avion, s’est présentée dans les gares. Cette clientèle a alors soudainement découvert que les trains italiens de 2015 n’avaient rien à voir avec les récits apocalyptiques de leurs parents ou grands-parents, qui racontaient leurs voyages vers la Sicile dans des poubelles sur rails….

(photo Getty image)

Le problème principal réside dans le fait que le chemin de fer a souvent été associé au public pauvre ou sans grands moyens financiers. Il y avait dans les années 60-70 de grandes différences de classes, à tel point qu’on avait créé, en Europe continentale, des trains considérés à l’époque comme luxueux, les Trans-Europ-Express. Ils étaient destinés à ceux qui mettent tous les jours une cravate et un costume trois pièces. De nos jours, la sociologie a évolué et plusieurs réseaux ferrés d’Europe présentent trois classes de confort et de service, et même quatre en Italie. Mais il y a encore beaucoup de réflexions à faire pour amener les habitués de l’avion dans nos trains…

On oublie souvent que le défi de demain n’est pas seulement de retenir les clients qui sont déjà habitués et convaincus de voyager en train, mais aussi d’amener dans les trains des personnes habituées aux services aériens et à la conception des voitures. Ce qui est très difficile ! La tentation est grande d’imiter l’avion. Pour de courts voyages aériens, chaque passager se voit offrir son petit jardin d’enfants sous forme de jus et de biscuits, comme si la majorité des adultes étaient incapables de passer 90 minutes sans ces dispositions. Le rail devrait-il faire la même chose, ou plutôt se différencier de l’aviation ? Comment faire en sorte que le voyage en train soit un élément de lieu de vie, et non un moment perdu dans la journée ?

Design
Sur le plan du design, on peut dire que l’aviation et l’automobile ont clairement mis le train bien loin derrière. Il n’existe pas à ce jour de train dont le design intérieur est aussi soigné qu’une BMW. Une des causes sont les mesures de sécurité, qui imposent de voir des autocollants plaqués partout sur les parois, agrémentés d’extincteurs et de petits marteaux rouges casse-vitres du plus bel effet. Les toilettes des trains ressemblent très souvent à un cabinet médical. Il y a un public qui peut se contenter de cela, mais d’autres sont habitués à plus de qualité dans les matériaux et les coloris. « Le train est souvent considéré comme le parent pauvre par rapport au transport aérien », explique à la BBC Paul Priestman, co-fondateur du studio de design londonien PriestmanGoode, spécialisé dans les transports. « Il y a beaucoup moins d’investissements dans la conception des trains ». Parmi les facteurs qui rendent les voyages en train plus agréables, il y a une plus grande intimité, des matériaux plus luxueux, une signalisation attrayante, un éclairage réfléchi, un voyage doux et tranquille et, surtout, de l’espace. « Un aspect qui peut être grandement amélioré dans nos trains surchargés est de donner plus d’espace aux passagers », explique M. Priestman.

Proposition pour les voitures-lits Nightjet (photo PriestmanGoode)

C’est l’agence Priestman qui a proposé une partie du design des futurs Railjets et Nightjets des ÖBB. Le confort des passagers peut être pris en compte jusque dans les moindres détails ; par exemple, une rampe est incorporée dans les marches utilisées pour entrer dans le train, afin que les bagages à roulettes, majoritaires, puissent être facilement transportés à bord.

Donner de l’espace est un véritable défi économique : chaque mètre compte dans une voiture qui peut coûter entre 600.000 et 2 millions d’euros selon les cas. Les 72 voitures du Caledonian-Sleeper britannique ont coûté 150 millions de £ (2,41 millions €), ce qui n’est pas rien. Dans un humour tout britannique, une étude publiée par Loco2 a mis en évidence en 2018 comment les trains et les avions allouent moins d’espace aux passagers que la loi n’en donne au bétail sur le chemin de l’abattage. Un veau de taille moyenne de 75 kg aurait légalement droit à 0,5m² alors que les avions ne fournissent que 0,35m² par passager. Cette statistique a amené 60% des voyageurs à envisager le train pour leurs voyages, mais en comparaison, les trains ne fournissent que 0,39m².

Il faut donc des trésors d’ingéniosité pour tenter de trouver l’équilibre économique. C’est une des raisons qui explique l’absence d’espace pour vélo : ce sont des m² perdus, d’autant plus « invendables » que les cyclistes en réclament la gratuité du transport !

Le service à bord
Le service à bord est une priorité si on vise un public qui rechigne à prendre le train. C’est ce qu’ont fait les nouveaux opérateurs comme Regiojet en Tchéquie, Virgin en Grande-Bretagne ou NTV-Italo en Italie. Le prix n’est pas tout. Le confort a une grande importance. 

Il est prouvé qu’investir dans l’expérience du client est synonyme de réussite commerciale. Les clients comparent et prennent des décisions en fonction de ce qui est dit de votre service sur les médias sociaux. Il est donc important de connaître les canaux et les applications où les clients partagent leurs points de vue. Une autre tendance intéressante est le besoin de Wi-Fi et de recharge des batteries. Comme nous vivons à l’ère de l’Internet des objets, nous nous attendons à être connectés en permanence 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, même dans un train !

(photo Avanti West Coast)

Bob Powell, directeur expérience client chez Avanti West Coast, a récemment déclaré qu’environ 90 % des clients d’Avanti déclarent que le Wi-Fi est « important » ou « très important » pour leur voyage. « Nous savons à quoi les gens l’utilisent – principalement pour vérifier et écrire des mails, consulter les médias sociaux, suivre l’actualité, écouter de la musique et suivre leur voyage ».

Pour Avanti West Coast, qui gère la plus belle franchise sur la West Coast Main Line entre Londres, Manchester et l’Écosse, une connectivité fiable est primordiale pour les personnes qui se déplacent pour leur travail et qui souhaitent un temps de trajet productif.  Pour les voyageurs de loisirs, rester en contact avec les médias sociaux et naviguer sur l’internet peut être important pour un voyage relaxant et agréable.  « Une bonne connectivité à bord encourage les gens à utiliser le train et à revenir vers le rail. Par exemple, si une personne a le choix entre voyager en voiture ou en train, nous savons que la qualité du Wi-Fi est un facteur important en faveur de l’utilisation du train », explique Bob Powell.

Le wifi, indispensable dans les Avanti britanniques (photo Avanti West Coast)

Il ne faut cependant jamais croire que le wifi – ou une technologie analogue -, restera impossible dans l’aviation. Un jour, on aura inventé un nouveau mode de communication, et ce qui est aujourd’hui un argument du train pourrait très bien être mis en route à 10.000m d’altitude. Une fois encore, il faudra que le rail se réinvente et trouve de nouveaux arguments, autres que ceux liés au climat.

Faire disparaître le temps mort du voyage, c’est malgré tout une priorité dans les mœurs actuelles et le train a tous les atouts pour fournir du temps utile.

L’autre grand atout est le service presté à bord. Beaucoup de trains grande ligne ont un bar. Pour certains clients, manger ou boire est d’une importance capitale. Mais le catering est coûteux. On peut alors mesurer en Europe différentes formules, très variables car elles sont liées à la culture sociale de chaque pays. Dans les pays alpins (Suisse, Autriche, Allemagne), on tient à manger si possible dans de la porcelaine. Dans d’autres pays, on en reste au classique sandwich garni ou aux salades emballées.

Certains réseaux ferroviaires ont adopté une offre à bord en trois classes. Elle est destinée à faire payer ceux qui veulent véritablement manger à bord et avoir un service complet. La Renfe en Espagne a ainsi toujours proposé sa ‘Preferente’ tandis que les ÖBB ont une classe appelée aujourd’hui ‘Business’, où on peut être quasi seul dans un compartiment. En matière de catering, le petit-déjeuner a été un critère prépondérant dans le marketing des Nightjets autrichiens.

Business Class chez les ÖBB (photo ÖBB)

Le petit déjeuner autrichien dans un Railjet (photo wikipedia)

En Allemagne, la Deutsche Bahn n’a pratiquement rien changé en 30 ans d’ICE. Il y a toujours deux classes et un bar qui les sépare. Récemment, Thalys et Lyria ont aussi adopté les trois classes dont la plus chère, la ‘Premium’, permet de manger avec un repas du chef. Il ne faut pas trop regarder le portefeuille. Sur l’Eurostar, les tarifs Standard Premier et Business Premier comprennent un repas léger avec du vin (ou le petit déjeuner, pour les départs avant 11 heures). L’Italie est probablement le pays où l’offre est la plus segmentée. Les trains Frecciarossa ont quatre classes. Les classes Premium et Business comprennent des collations et des boissons non alcoolisées, tandis que la classe Executive comprend des repas chauds ou froids et des boissons non alcoolisées ainsi qu’un service personnalisé. Le concurrent NTV-Italo offre des services similaires mais avec trois classes.

Le petit déjeuner à bord du Lyria (photo SNCF InOui)

Il est difficile de dire si toutes ces prestations culinaires permettent de tuer le temps mort du voyage, mais il est certain que cela a pris une grande importance dans l’expérience client.

Objet de certaines critiques plus philosophiques qu’objectives, les TGV Ouigo en France, et bientôt en Espagne, offrent le train sans chichis, à petits prix. Ces trains mono classe sont une réponse à une clientèle qui n’a besoin de grand-chose, juste se déplacer sans vider son compte en banque.

Toutefois, il faut bien garder à l’esprit que les facteurs qui influent sur l’emploi du temps en train des voyageurs d’affaires et des voyageurs non professionnels diffèrent parfois grandement. Le service à bord des TGV devrait faciliter la participation des voyageurs à diverses activités et l’amélioration de leur expérience de voyage. Une connexion internet stable, des prises de courant adéquates et un environnement sans bruit favorisent à la fois le travail et les loisirs en train grande ligne, qu’il soit à grande vitesse ou non.

Il y a un facteur très difficile à intégrer : la psychologie de chaque voyageur. Il y en a qui ne supporte pas la voix d’un enfant quand d’autres n’ont aucune gêne à parler fort au téléphone ou à se déplacer tout le temps dans le train. Sur ce plan-là, l’expérience client peut vite tourner au vinaigre. Les technologies digitales pourraient permettre, en remplissant au préalable certaines préférences lors de la réservation, de regrouper les personnes « de même pedigree » dans la même voiture. Avec le risque de ségrégation sociale ? Ah mais si c’est demandé par les clients, pourquoi contourner leurs demandes. Cela permettrait de séparer des fans de rugby des lecteurs de Maupassant. Qu’y aurait-il de mal ?

Mais ce qui peut aussi faire revenir les clients au rail, ce sont les facilités d’obtention des billets et surtout leur échange au dernier moment. En lien avec ce qui précède, une place réservée selon les demandes du client devrait être garantie au moment de l’achat, mais le numéro du siège ne serait indiqué que 10 à 15 minutes avant le départ, par SMS ou une borne à quai pour ceux qui ont un billet en papier. Cela permettrait de gérer les dernières minutes et de reporter au train suivant quand un premier train choisi est plein à 100%. Design, wifi, catering et ticketing digital devraient permettre au rail de faire mieux que l’aviation. Il convient alors de mieux aménager les gares, mais cela, on en a déjà parlé…

Le petit déjeuner à bord du Nightjet (photo ÖBB)

08/03/2021 – Par Frédéric de Kemmeter – Signalisation ferroviaire et rédacteur freelance
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Pour appronfondir :

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17/07/2020 – La clientèle d’affaires a des attentes importantes en matière de voyages. Le train peut conquérir cette clientèle mais sous certaines conditions.


train_de_nuitOuigo España démarrera son offre le 10 mai 2021
09/12/2020 – Ouigo España, par le biais de Rielsfera, devrait lancer cinq A/R sur la liaison Madrid-Saragosse-Barcelone dès le 10 mai 2021, si les restrictions gouvernementales sont levées.


train_de_nuitEmbarquez à bord des Lyria
Créée en 1999, mais apparue seulement en 2002, Lyria est une marque attribuée aux liaisons ferroviaires par TGV entre la France et la Suisse.


train_de_nuitEmbarquez à bord des NTV-Italo
Lancés en avril 2012, NTV-Italo a pu se faire un nom dans le petit monde ferroviaire italien. L’opérateur privé détient grosso-modo un tiers des parts de marché de la grande vitesse.


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Nightjet_Pascal Hartmann flickrNightjet, la renaissance du train de nuit
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train_de_nuitEmbarquez à bord des Railjet
Railjet est – depuis 2005 – une marque déposée appartenant à ÖBB Personenverkher, la filiale voyageurs du groupe autrichien ÖBB. L’idée de base était de renouveler le matériel roulant des Intercity et Eurocity, trains grande ligne cadencés à l’heure avec de nouvelles rames de très grand confort.


Il y a 40 ans : l’opération TGV 100

C’était il y a quarante ans. Déjà…

C’est un beau morceau de l’histoire ferroviaire française que nous vous proposons aujourd’hui. Il y a 40 ans jour pour jour, la rame TGV n°16 battait le record du monde de vitesse sur rail. Retour sur ce moment.

Quelles pouvaient être les limites de la technique rail/roue alors que la France s’apprêtait à lancer ses TGV commerciaux à l’automne 1981 ? C’est la question que se posaient les différents corps d’ingénieurs tant à la SNCF que chez Alsthom, avec « h » à l’époque. Les derniers records de la SNCF en la matière dataient des années 50, avec dans un premier temps la CC 7121 et trois voitures Dev montant à 243km/h en 1954, puis le fameux exploit du 29 mars 1955 avec la CC 7107 atteignant les 331 km/h au milieu des Landes. Verdict : beaucoup d’enseignements techniques, et notamment l’absolue nécessité de revoir la conception de la voie (celle des Landes était dans un triste état après ce record). Mais surtout : le rail à grande vitesse demande une sécurisation accrue ce qui impliquait :

  • une signalisation déclinée dans le poste de conduite et non plus à l’extérieur;
  • une ligne entièrement sécurisée sans aucun passages ni intrusion de tiers.

C’est de là que viendra l’idée de la nécessité d’une « ligne nouvelle dédiée », car avec le poids de l’histoire, aucune ligne du réseau existant n’offrait les exigences minimales de la grande vitesse. Un sujet toujours incompris de nos jours chez certains…

Tant la SNCF que Alsthom désiraient voir jusqu’où on pouvait aller, la technologie des TGV n’étant plus du tout celle de la CC 7107. Il s’agissait de pousser au maximum les limites de divers paramètres, comme le contact pantographe/caténaire, la rotation maximale des moteurs, la tenue du transformateur, l’aérodynamisme et, bien-sûr, la tenue de voie. Les nouveaux tests avaient cette fois lieu sur une ligne nouvelle, et non sur une ligne existante comme en 1955. Nom de code : « Opération TGV 100« .

Une différence fondamentale avec le record de 1955 est qu’en 1981, c’était l’aboutissement de 25 années de recherches et d’essais, menés tant par la SNCF que par l’industrie française. Décidée le 15 février 1980, cette nouvelle opération était destinée, selon Jacques Pélissier, alors président du CA de la SNCF, «à souligner la valeur de matériel ferroviaire et la maîtrise technique des constructeurs français. » Mais il s’agissait aussi de démontrer les possibilités de marches au dessus de 250km/h, qui était un peu le « plafond » de l’époque.

Côté technique, il avait été décidé de n’utiliser qu’une rame de série, excluant tout type de prototype. La SNCF visait 350km/h sans rame spéciale mais avec quelques modifications. La rame TGV-PSE n°16, sortie d’usine en octobre 1980, fut la candidate désignée à cet essai. Elle eut droit néanmoins à :

  • un allègement à 302 t, par retrait de trois remorques intermédiaires ;
  • une légère surcharge mécanique pour atteindre le « chiffre rond » de 100m/seconde ;
  • une modification des ailerons des pantographes après des tests à 400 km/h en soufflerie à Modane-Arvieux ;
  • une modification des rapports d’engrenage – 1,159 au lieu de 1,317 -, de façon à donner la même vitesse de rotation aux moteurs de traction et aux tripodes, éléments mécaniques de transmission à coulissement ;
  • des moteurs de traction alimentés en 1.270 V au lieu des 1.070 habituels ;
  • des modifications des roues motrices dont le diamètre fut porté de 920 à 1.050mm.
  • une transposition des remorques d’extrémités : la « 16 » pris en effet les remorques 123 001 et 123 033 de deux autres rames.

Ainsi constituée, la « rame spéciale n°16 » fut soumises à des tests en Alsace, avec le constructeur Alsthom. «Les meilleurs ingénieurs de notre maison ont été employés à cette préparation, afin d’éviter d’éventuels ennuis mécaniques ou électriques lors des essais », rappelait un cadre SNCF dans La Vie du Rail.

Côté infrastructure, la caténaire voyait la tension mécanique du fil passer à 2000 daN au lieu de 1500daN, ainsi qu’un renforcement de la section du cuivre jusqu’à 150mm² au lieu des 120mm² usuels. Contrairement aux essais de 1955, il était impératif ici d’avoir le courant alternatif 25kV. Vu qu’il n’y avait qu’une seule rame en ligne pour ces essais, la SNCF disposait d’une marge pour faire monter la tension à 29 ou 30kV a départ de la sous-station de Sarry. C’était nécessaire pour obtenir les 1.270 V aux bornes du moteur. La voie, neuve, n’avait été mise sous tension que le 23 janvier 1981, et n’avait été parcourue que cinq fois, la rame n°21, tout juste sortie d’usine, permettant déjà d’atteindre 314km/h le 4 février.

Préparations… (photo CAV SNCF)

L’essai se déroula donc sur la ligne nouvelle LN1 entre les points kilométriques 130 et 192, dans les environs de Tonnerre (89), à l’Est d’Auxerre. Au sol, 31 points de mesure de la vitesse étaient répartis entre les PK 146 et 179 avec concentration tous les 500 ms entre les PK 152 et 162 (à tous les km + 200 et + 700). Ils étaient constitués par deux pédales distantes de 10 m dont la mise en place avait été réalisée par télémétrie. Il y avait aussi des limites à ne pas dépasser, comme le soulèvement des pantographes, les efforts horizontaux sur les rails, l’accélération transversale des bogies et des caisses ainsi que la température des boîtes d’essieux.

Le 25 février 1981, les premiers essais de montée en puissance avaient fait atteindre la rame n°16 à 371km/h, battant de facto celui des Landes 26 ans plus tôt. Cette journée de préparation permettait aussi de tester tous les appareillages de mesures en vue d’un « record incontestable ». «En 1955, la vitesse maximale n’ayant pas été atteinte là où l’on pensait, on s’était fié aux indications de bord », rappelait un cadre SNCF dans La Vie du Rail. «Nous avons donc utilisé dans ce cas-ci un essieu porteur sur lequel était branché un capteur à dents qui se déroulait devant une bobine ; les signaux ainsi reçus dans la bobine étaient décodés pour donner une mesure de la vitesse. Au cours des marches préliminaires avec la rame n° 16, nous avons pu vérifier que cette mesure était parfaite

Après une marche d’approche dans le sens impair, le record était battu à 340 km/h en sixième parcours sur la voie 2. Au huitième parcours, les diodes grimpaient jusqu’à 355 km/h, et au dixième, la réalité dépassait l’espérance : 371 km/h ! Tout était donc prêt pour le lendemain…

La fameuse journée du 26 février 1981
Dans l’après-midi de cette journée, le terrain d’essais était prêt. Le système de signalisation ne pouvait pas jouer son rôle, car il n’est pas encore opérationnel. À 15h28, le départ est donné à la rame n°16, sous 29kV et un plafonnement à 340km/h jusqu’au PK 165, début du parcours où la caténaire est renforcée. Les infos diffusées par le dispositif de surveillance permirent d’aller plus vite. 360, 370, à 15h41, la vitesse de 380 km/h était atteinte. Record battu, le contrat V100 était rempli.

Mission accomplie… (photo CAV SNCF)

Pour l’anecdote, ce fut le dernier record dont la conduite fut assurée par des cadres chefs de traction SNCF. Ce 26 février, c’était Henri Dejeux, chef de traction principal à Strasbourg, qui était aux commandes de la rame. Aboutissement d’une carrière, la symbolique n’était jamais très loin à la SNCF… Le jeudi 5 mars 1981, six marches aller-retour à des vitesses de 280 à 334 km/h eurent lieu avec la rame 16 sur la zone d’essais pour des prises de vue depuis un Transall de l’Armée de l’Air. Ces images diffusées n’étaient donc pas, contrairement à ce que beaucoup pensaient, celles du record.

La rame n°16 fut par la suite ramenée « au type » et intégrée dans le service commercial.

On n’oublie pas… (photo CAV SNCF)

Qu’est-ce qu’on en retient ?
Il fut ainsi prouvé que la sécurité d’un TGV roulant à 260km/h n’était pas inférieure à celle d’un Corail à 160km/h. La stabilité du train sur la voie à 380km/h fut remarquable. Les services de la Voie n’avaient d’ailleurs pas constaté d’écart ni de conséquences sur le terrain d’essais. «Au retour à Villeneuve, nous avons constaté que rien, absolument rien, n’avait été altéré ; nous avons conservé le même archet de pantographe ! », rappelait un cadre SNCF dans La Vie du Rail.

Ces essais ont évidemment permis d’enregistrer des milliers de données, dont la limite des moteurs à courant continu, les premiers et les derniers à être montés sur un train à grande vitesse, car sur l’Atlantique, quelques années plus tard, ce sera une tout autre technologie. Les conditions de captage du courant ainsi que l’envolée constatée de la consommation d’énergie au-delà des 350-360km/h militaient temporairement pour une barrière à 300km/h en vitesse commerciale « durable financièrement ».

Le 22 septembre 1981, François Mitterrand, fraîchement élu président de la République, inaugurait le service commercial TGV Paris-Lyon, départ d’une ère ferroviaire nouvelle en France qui débuta concrètement le 27 septembre. Combien de voyageurs sont passés depuis par Tonnerre sans même s’apercevoir de l’importance des lieux…

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La semaine de Rail Europe News – Newsletter 021

Du 10 au 16 février 2021

L’actualité ferroviaire de ces 7 derniers jours.

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L’édito de la semaine

La grande vitesse, un caprice dépassé ? Allons donc ! Plusieurs éléments démontrent au contraire que la grande vitesse a toute sa place dans les déplacements à venir. Prenons l’exemple du concept de Deutschland Takt, « l’Allemagne cadencée ». Pour faire arriver des trains à des heures ou demi-heures piles, certaines sections de lignes ferroviaires devront obtenir une sérieuse augmentation des temps de parcours, au cas par cas selon le terrain. Il faudra donc parfois recourir à des constructions nouvelles comme ce devrait être le cas entre Hanovre, Bielefeld et Dortmund, de même qu’entre le sud de Francfort et Mannheim. En France, il était temps d’alimenter le sud du pays où les lignes à grande vitesse manquent cruellement. En novembre dernier, SNCF Réseau annonçait le début de la concertation publique sur la première phase du projet reliant Montpellier à Béziers. La LGV Montpellier-Perpignan représente 150 km de nouvelles voies ferroviaires  à réaliser, auxquelles s’ajoutent 30 kms de raccordement au réseau existant et la construction de deux gares supplémentaires à Narbonne Ouest et Béziers Est. 

En Grande-Bretagne, la grande vitesse est un élément national de politique économique (voir ci-dessous). La construction du premier tronçon est maintenant bien lancée et la nécessaire couverture législative pour une prolongation vers Crewe est désormais une réalité. HS2, le nom du projet britannique, pourrait avoir comme exploitant Trenitalia et un partenaire (voir à ce lien). En Espagne, à Madrid, un tunnel ferroviaire au gabarit UIC a été terminé entre les gares d’Atocha et de Chamartin. Objectif : relier deux réseaux à grande vitesse qui actuellement se tournent le dos (Atocha pour la sud du pays, Chamartin pour le nord). Renfe et Adif compte donc faire de Madrid un « passage nord-sud » plutôt que des cul-de-sac à la parisienne. Ce tunnel pourrait booster les trafics et aiguiser les appétits de futurs nouveaux opérateurs, tout bénéfice pour rentabiliser l’énorme réseau espagnol. On y retrouve d’ailleurs encore Trenitalia, qui s’est allié avec Air Nostrum pour former ILSA, un concurrent qui utilisera des rames Hitachi Frecciarossa 1000 dans le courant de 2022.

Enfin il y a Alstom qui pourrait bousculer… la Deutsche Bahn ! Une édition du journal Wirtschafts Woche contenait la semaine dernière l’interview d’un cadre allemand qui relatait des négociations avec certains opérateurs – non cités -, voulant concurrencer l’entreprise historique allemande à l’aide… du TGV-Duplex. Un séisme dans le pré-carré de Siemens, mais ce ne sont pour le moment que des intentions. L’excellente revue Railway Today Europe mentionnait cependant que le fameux projet de Deutschland Takt cité plus haut contenait des sillons… réservés à la concurrence. Il n’est donc pas impossible de voir à l’avenir des trains à grande vitesse autres que des ICE en Allemagne. Qui a dit que la grande vitesse, c’était du passé ?

Politique des transports

CO2Europe – La taxe CO2 des camions pour subventionner le chemin de fer ? L’un des fers de lance de la nouvelle stratégie de mobilité de l’Union européenne est la tarification du CO2, incluant celui émis par les transports. Une idée serait que le produit d’une redevance kilométrique pour les camions puisse être utilisé pour améliorer le transport durable, par exemple par des investissements dans les chemins de fer. C’est ce que pense Elisabeth Werner, directrice des transports terrestres de la direction européenne des transports (DG Move). « Au cours de la pandémie de Covid-19, le trafic de passagers s’est complètement arrêté, mais nous avons soudainement vu une augmentation significative du transport de marchandises par chemin de fer grâce à la capacité supplémentaire disponible. Nous savons donc que le rail peut croître considérablement, à condition que les conditions soient réunies. Nous allons nous concentrer sur cela dans les années à venir. Par exemple, l’UE donne la priorité à l’amélioration des corridors de fret ferroviaire européens via le réseau RTE-T», explique la directrice. Qui rappelle tout de même que pour un transfert modal, la qualité, la fiabilité et la ponctualité du transport ferroviaire de marchandises doivent être améliorées.
>>> Railtech.com – Elisabeth Werner (DG Move): invest revenues of truck kilometre charge in railways

HS2-UKGrande-Bretagne – Extension approuvée de la ligne à grande vitesse HS2 – La deuxième phase du projet de ligne à grande vitesse HS2 vers le nord du Royaume-Uni, a reçu l’autorisation pour la construction du tronçon « 2a » de 58 km entre Fradley, près de Lichfield et Crewe. Cette phase a reçu la précieuse « sanction royale » le 11 février 2021, concrétisant dans la loi l’engagement du gouvernement à amener ce projet au nord du pays. Cet acte législatif important permet à HS2 Ltd, la société qui gère la construction, de commencer les travaux de construction entre Crewe et Birmingham (plans détaillés, acquisition de terrains,…). Actuellement, la phase 1 est en pleine construction et les 240 chantiers procureraient désormais plus de 15.000 emplois. La construction de la section 2a débutera d’ici 2024 et devrait permettre de créer environ 5.000 emplois. L’espoir britannique dans ce projet HS2 est de remodelé le paysage socio-économique du centre de l’Angleterre, une région en déclin.
>>> Mediarail.be – Extension approuvée de la ligne à grande vitesse HS2 en Grande-Bretagne

Trafic grande ligne

Renfe-ILSAEspagne – L’opérateur ILSA veut plus de part de marché que prévu – L’opérateur Ilsa, auquel participent les actionnaires d’ Air Nostrum (55%) et de Trenitalia (45%), aspire à une part de marché de 30% dans les trois corridors qu’il a obtenu dans le cadre de la libéralisation régulée du marché ferroviaire grande ligne espagnol : Madrid-Barcelone, Madrid-Levante et Madrid-Sud. Ce tiers de volume de passagers représente une capacité supérieure à ce qui était initialement prévu après avoir remporté le package B mis en appel d’offre l’an dernier. Rappelons que l’Espagne a opté pour trois opérateurs se partageant dans un premier temps trois « packages » de trafic définis. La SNCF est actionnaire de Rielfsera et a obtenu le package C, le moins gros, mais qui sera exploité dès le mois de mai 2021 sous la marque Ouigo España. La Renfe, l’opérateur historique, a remporté le « package » A, le plus gros, soit les 2/3 du trafic. Mathématiquement, comment ILSA compte s’accaparer un tier du marché, sachant que Ouigo España est là aussi ? ILSA entend en fait modéliser une offre réussie basée sur des services à valeur ajoutée et un réseau d’alliances avec d’autres opérateurs de mobilité. «Nous ne promettons pas seulement le meilleur prix, mais la meilleure qualité au juste prix, et c’est là notre différence», explique Fabrizio Favara, le CEO d’ILSA. La vente de billets et de voyages est un élément clé des efforts de l’ILSA pour devenir une entreprise numérique. L’opérateur offrira aux passagers la possibilité d’intégrer leur voyage en train à d’autres modes de transport, tels que l’avion, le taxi et le vélo en libre-service, afin de proposer des options de premier et de dernier kilomètre. Des négociations avec des partenaires potentiels sont en cours et Favara espère que ces accords seront en place au début de l’année prochaine. Le CEO ajoute que l’expérience d’Air Nostrum sur le marché espagnol des transports s’avère essentielle pour le développement de ces relations ainsi que pour le marketing commercial et la conception du produit, qui sera officiellement annoncé d’ici la fin de l’année ou au début de 2022. Par ailleurs, le ministère des transports espagnol teste l’appétit des opérateurs potentiels pour les services subventionnés (OSP). Un pourcentage d’ouverture ou un package pertinent ? Rien n’est encore décidé. Ce sera entre 2023 et 2026. On verra alors plus clair sur les effets de la libéralisation des grandes lignes.
>>> Cinco Dias/El Pais – ILSA irá a por un 30% de cuota en la alta velocidad frente a Renfe y Ouigo

Leasing

Railpool-EuropeRailpool rachète un centre d’entretien à Hambourg – Railpool, un loueur de Munich qui possède une flotte de plus de 400 locomotives électriques, dont une bonne moitié concerne le type TRAXX Bombardier (BR186 et BR187), étend ses activités de maintenance. Elle a racheté la société d’entretien de locomotives ajax Loktechnik GmbH basée à Hambourg. Cette extension de la capacité de maintenance opérationnelle marque une nouvelle étape dans le parcours de croissance de l’entreprise. Railpool a déclaré qu’Ajax Loktechnik apporterait son expertise dans la maintenance mobile flexible, car ajax fait aussi de la maintenance hors site, et même à l’étranger. Cette acquisition offre ainsi à Railpool un deuxième atelier dans l’important hub de fret de Hambourg, le loueur ayant déjà un autre dépôt existant. Christoph Engel, qui dirige Railpool Lokservice GmbH & Co KG, reprend la direction d’ajax Loktechnik GmbH à Maja Halver et Tim Müller. Maja Halver, qui a fondé l’entreprise ajax avec son associé en 2010, restera associée à l’entreprise dans un rôle de conseil. «Nous sommes très heureux que Maja Halver continue de nous soutenir en tant que consultante. Elle a développé ajax Loktechnik et est une source importante de connaissances», explique Ingo Wurzer, directeur financier de Railpool. Torsten Lehnert, PDG de Railpool GmbH, explique aussi que «la continuité [du service] est au cœur de nos priorités en ce qui concerne notre compétence [qui consiste à offrir] un service complet, ce qui constitue un critère de valeur essentiel pour nos clients». La maintenance fait partie d’un grand nombre de contrats de leasing, ce qui permet aux opérateurs de petite taille à ne pas devoir s’en préoccuper, car c’est un secteur assez lourd au niveau capitalistique. Par ailleurs, la sophistication des engins de traction est telle q’elle requiert un personnel spécialisé, ce que n’ont pas les petits opérateurs. La neutralité d’Ajax permet une bonne relation de confiance avec tous les opérateurs, quels qu’ils soient, et on sait toute la difficulté qu’ont les nouveaux entrants en ce qui concerne les facilités essentielles, un problème que des offres comme Railpool permettent de contourner. In fine, des loueurs comme Railpool deviennent de véritables chemin de fer à part entière, bien que n’opérant pas de réseau en tant que tel. Le pool de matériel roulant est un secteur d’avenir et pourrait s’étendre vers les voitures, ce que Railpool fait déjà pour Flixtrain, avec l’usine Talbot de Aix-la-Chapelle.
>>> Railpool press room – Leading locomotive leasing company RAILPOOL takes over ajax Loktechnik GmbH

Trafic fret

VTG/REtrack-EuroDualRéception réussie des deux premières EuroDuals pour VTG/Retrack – L’année dernière, VTG Rail Logistics Deutschland avec sa filiale Retrack ont signé un contrat de location à long terme avec European Loc Pool (ELP) pour un maximum de quatre locomotives EuroDual, construites en Espagne par Stadler. Les deux premières locomotives ont été testées avec succès par ELP et Retrack au cours de la semaine 5/2021. Les essais et la réception des deux premières locomotives, baptisées Lena et Nina, ont eu lieu au dépôt de Braunschweig. La journée a commencé par la réception statique et l’inspection, suivie l’après-midi d’un essai réussi pendant lequel les locomotives ont été testées tant en mode électrique que diesel. La locomotive hybride EuroDual, d’une puissance de 2,8 MW en fonctionnement diesel et de 6 MW sous caténaire 15kV, est parfaitement adaptée à l’utilisation dans le service de trains de marchandises lourds. L’effort de traction élevé combiné à une consommation d’énergie optimisée signifie une forte augmentation des performances et de l’efficacité. Les nouvelles locomotives peuvent tirer jusqu’à 30 % de tonnage en plus que les locomotives électriques et diesel existantes. Le mode hybride permet également de réduire les émissions de CO². Pour ceux qui n’ont pas tout suivi, les wagons de VTG sont pour beaucoup utilisés par de nombreux clients en tant que trafic diffus, appelé « wagon isolé ». Une prestation dont on sait qu’elle souffre de nombreux manquements chez les opérateurs historiques, et qui n’intéresse pas vraiment les nouveaux entrants. Sur ce créneau, VTG s’était mis en tête avec d’autres partenaires en 2007 d’offrir lui-même des prestations de transports au-delà de la simple location, ce qui supposait la création d’une entreprise de traction munie d’une licence et de personnel de conduite. Après s’être appelée Bräunert, la filiale traction de VTG a été rebaptisée Retrack en 2017 et a recherché du matériel roulant plus en phase avec la notion de « derniers kilomètres ». C’est ainsi qu’arrivent les deux Eurodual de Stadler, locomotives permettant d’amener les wagons jusque dans la cour des usines, souhait des clients, sans avoir besoin de machines de manoeuvres comme jadis, ce qui est un gain de temps et d’argent. En parallèle, après un audit réussi par le TÜV Rheinland, VTG Rail Logistics est désormais également certifiée en tant qu’entreprise spécialisée dans l’élimination des déchets dangereux conformément à l’EfbV et est donc autorisée à transporter des déchets dangereux en Allemagne avec effet immédiat. Cela s’applique à toutes les classes de marchandises dangereuses, à l’exception des classes 1, 6.2 et 7 (matières explosives, infectieuses et radioactives).
>>> Bahn Manager – Erfolgreiche Abnahme von den ersten 2 EuroDual für VTG/Retrack

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Prochaine livraison : le 24 février 2021

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Extension approuvée de la ligne à grande vitesse HS2 en Grande-Bretagne

16/02/2021 – Par Frédéric de Kemmeter – Signalisation ferroviaire et rédacteur freelance
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La deuxième phase du projet de ligne à grande vitesse HS2 vers le nord du Royaume-Uni, a reçu l’autorisation pour la construction du tronçon « 2a » de 58 km entre Fradley, près de Lichfield et Crewe. Cette phase a reçu la précieuse « sanction royale » le 11 février 2021, concrétisant dans la loi l’engagement du gouvernement à amener ce projet au nord du pays. Cet acte législatif important permet à HS2 Ltd, la société qui gère la construction, de commencer les travaux de construction entre Crewe et Birmingham (plans détaillés, acquisition de terrains,…).

Comme l’indique son indice, cette phase 2a est la suite logique de la phase 1 Londres-Birmingham/Fradley, dont les travaux sont déjà en cours. Une phase « 2b », qui part plus à l’Est vers Sheffield et Leeds, devrait aussi obtenir sa « sanction royale » (carte ci-dessous).

La branche « 2a » qui vient d’avoir son approbation(photo HS2)

Dans les semaines à venir, le gouvernement britannique devrait publier son plan ferroviaire intégré, qui détaillera l’intégration de la HS2 dans les plans ferroviaires existants pour amener la grande vitesse dans les East Midlands, le Yorkshire et dans d’autres régions. Le plan décrira comment HS2 interagira avec Northern Powerhouse Rail et d’autres projets et sera crucial pour déterminer exactement comment HS2 se connecte avec le nord de l’Angleterre au travers du réseau existant, qui est une demande de nombreuses autorités locales.

Concernant la phase 1 en cours, le conseil municipal de Birmingham a approuvé les projets de HS2 Ltd de rénover l’ancienne bâtisse de la gare de Curzon Street, datant de 1841 et fermée depuis 1965, ouvrant ainsi la prochaine phase des travaux autour du site du nouveau terminus à grande vitesse dans le centre de Birmingham. La rue Curzon Street originale fera l’objet d’un vaste réaménagement urbanistique de 57 hectares. Les belges ne pourront s’empêcher de comparer cette vision urbaine britannique avec le « dossier du Midi » qui agite Bruxelles depuis près de trente années…

Les attributions de contrats et les premiers ponts apparaissent déjà dans le paysage. En octobre dernier, HS2 Ltd a attribué un contrat de 260 millions de £ (298 millions d’euros), pour la fourniture d’un système de voies sur dalles utilisant le système de construction Slab Track d’origine autrichienne. Ces dalles seront fournies par un partenariat entre PORR UK Ltd et Aggregate Industries UK. Cette attribution est l’un des premiers grands contrats attribués pour les phases 1 et 2a, couvrant l’ensemble de la voie entre Londres et Crewe, à l’exception des tunnels et des structures spécialisées. Les segments de voie de dalle seront fabriqués par le consortium PORR dans une nouvelle usine près de Shepton Mallet dans le Somerset, construite sur un site existant d’Aggregate Industries.

Il y a aussi des tunnels à creuser. Et non des moindres ! Deux tunneliers, Florence et Cecilia, sont arrivés sur site de lancement du tunnel de Chiltern, à l’ouest de Londres. Ces engins de 170m de long ont nécessité 300 expéditions séparées en deux mois, en provenance du fabricant Herrenknecht en Allemagne. On mesure l’impact du Brexit sur un tel transfert…

(photo Herrenknecht)

Soyons de bon compte, ce projet ferroviaire décrié pour son coût astronomique, est devenue « un salut économique, créant des emplois et des opportunités pour aider à compenser les pertes dévastatrices apparues avec le coronavirus. C’est un projet qui remodèle la société ». Les politiciens se joignent en cœur pour présenté HS2 de cette manière. Au dernier décompte de janvier dernier, il y aurait actuellement 240 sites en chantier sur l’ensemble du projet qui procureraient désormais plus de 15.000 emplois. La construction de la section 2a débutera d’ici 2024 et devrait permettre de créer environ 5.000 emplois. Mais c’est la rehausse de l’activité économique au-delà de la construction qui motive aussi le projet. Les britanniques ont l’obsession de renverser près de cinquante années de politique économique qui auraient, selon certains, « vidé le centre de l’Angleterre pour enrichir Londres et le sud du pays ». Jadis fierté industrielle du Royaume-Uni, le centre est aujourd’hui un bastion travailliste en déclin et est à l’origine d’un score élevé en faveur du Brexit, mais c’est un autre sujet…

16/02/2021 – Par Frédéric de Kemmeter – Signalisation ferroviaire et rédacteur freelance
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Paris-Bruxelles : l’histoire d’une interopérabilité


08/01/2021 – Par Frédéric de Kemmeter – Signalisation ferroviaire et rédacteur freelance
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De notre série « Aah, les trains d’hier… »

C’est de technique dont il sera question ici, plus que de service. L’artère internationale Paris-Bruxelles est certainement une des plus anciennes d’Europe. Le réseau belge, créé dès 1835 avec la ligne de Bruxelles à Malines, n’a cessé de progresser avec dynamisme et d’avoir des visées internationalistes. Des lignes la reliant à la France et à l’Allemagne sont inscrites en priorité dès 1840  : l’ingénieur belge Masui est envoyé dans ces deux pays pour prendre contact avec les gouvernements et activer les choses. Construites par tronçons nationaux, les lignes belges et françaises furent connectées le 14 juin 1846, permettant de joindre les deux capitales. Dès septembre, l’itinéraire se fit par Douai, Valenciennes, Quiévrain et Mons. Deux trains quotidiens, dont un de nuit, abattent respectivement les 370 kilomètres en… 12 heures et demi et 14 heures de voyage. Il était déjà possible de rejoindre Cologne, moyennant 12 heures de plus, soit 24 heures de voyage depuis Paris. Ces chiffres peuvent faire sourire mais avant cela, c’était les voitures cochères publiques et… six jours de calvaire !

En février 1852, la Compagnie du Nord accepte de prendre à sa charge une autre ligne menant de St Quentin à la frontière belge, mais via Maubeuge et Erquelinnes. Les locomotives Crampton, les séries 111 pour la Belgique. Cela permit en 1853 de faire tomber le trajet Bruxelles-Quiévrain-Paris à 8 heures, une belle performance de… 46,3km/h mais avec un train express uniquement de première classe. Déjà ! En 1857, est mis en service le tronçon Mons-Quévy-Feignies en prolongement de la ligne de Bruxelles à Mons ouverte par les Chemins de fer de l’État belge en 1840 et 1841, reprise à bail en 1858 par la Compagnie du Nord – Belge. Ce sera la grande artère Paris-Bruxelles par la suite comme le montre la carte ci-dessous (cliquer pour agrandir).

Paris-Bruxelles-1858

(document AFAC Chemin de Fer n°498, 2006)

Le nouvel itinéraire par Quévy permet d’éviter le rebroussement à Valenciennes. En 1896, il y avait déjà douze paires de trains entre les deux capitales, cinq via Valenciennes, très lents, et sept via Quévy, beaucoup plus rapides. Le meilleur « express » avalait alors le parcours en 4h59, soit une moyenne de 62km/h en dépit des 15 minutes d’arrêt à Quévy. L’artère est alors parcourue avec trains de prestige remorqués par des Atlantic Nord puis plus tard des Pacific, avec notamment le « Nord-Express » vers l’Allemagne du Nord, « l’Etoile du Nord » vers Bruxelles ou encore « l’Oiseau Bleu » destiné à Amsterdam. Voilà pour l’histoire.

Premières interopérabilités
Dans les années 1920, des accords d’échange de machines aboutissèrent à l’admission de locomotives belges sur le réseau Nord français. De puissantes Super-Pacifics du Nord, des compound à 4 cylindres et surchauffe de la série 3.1201 à 3.1240, vont couvrir jusqu’à trois allers-retours entre les deux capitales, en 3h45 min pour les trains sans arrêt. Dix ans plus tard, le diesel commença à parsemer le matériel roulant SNCF grande ligne, alors que la vapeur domine encore largement. Construites de 1934 à 1938 par la société franco-belge, les TAR (Train Automoteur Rapide) sont mis en service à partir de juillet 1934 ce qui encore les chemins de fer du Nord, assurant des liaisons express de prestige prioritairement entre Paris et Lille. Dotées d’un profil aérodynamique et d’une décoration sobre, ces rames très moderne à l’époque étoffèrent leurs services au départ de Paris-Nord vers Bruxelles, vers Liège puis Maastricht et Amsterdam.

TAR-36-rail

Une des rames TAR en gare Centrale à Amsterdam, au début des années 50, ce qui explique la présence de la caténaire, très précoce aux Pays-Bas (photo Schaik, W.P.F.M. via wikipedia)

Après la Seconde guerre mondiale, le besoin de voyage en Europe prend de l’ampleur, mais avec cette fois la concurrence, encore timide mais déterminée, de l’aviation. Les trafics sur Paris-Bruxelles-Amsterdam étaient alors clairement à la hausse à une époque où, rappelons-nous, la douane rendait visite à chaque voyageur. Côté opérationnel, certaines machines à vapeur continuèrent de rouler de bout en bout entre Paris et Bruxelles, à peu près jusqu’en 1956. Dans l’intervalle, les allemands alignaient sur le Dortmund-Paris leur autorails VT08, rapidement passé de trois à quatre caisses pour répondre à la demande.

VT08-ParsifalCe à quoi ressemblait ce matériel roulant, vu ici en 2011 (photo DB Museum)

Le trafic transfrontalier, encore marqué par un manque d’électrification, notamment lors du lancement des Trans-Europ-Express en mai 1957, obligeait les réseaux à fournir dans un premier temps des éléments automoteurs, comme les rames RGP de la SNCF ou les rames hollando-suisse RAm, soit 20 ans après les TAR, qui furent d’ailleurs retirés du service dans la foulée. Les VT08 allemandes furent remplacées par les élégantes VT11 de plus grandes capacités.

TEE-RGP-SNCFUne des rames RGP de la SNCF dans sa configuration Trans-Europ-Express, au tout début des années 60, avec l’absence de caténaires en gare du Nord à Paris

VT11-TEE-Parsifal

Une VT11 prête au départ à Paris-Nord, mais la caténaire 25kV est déjà là…

Les interpénétrations d’engins diesel ne s’arrêtaient pas à la Deutsche Bahn puisque la SNCB mettait en service dès 1957, dans le cadre des Trans-Europ-Express vers Paris et Cologne, quatre locomotives diesel du type 204 (plus tard série 54), équipées d’un rapport d’engrenage différent de leurs congénères 201 et 202, les autorisant à 140km/h.

Les 204 étaient analogues aux 202, dont on voit ici un exemplaire préservé au patrimoine historique, exposé à Ath en 2013 (photo Mediarail.be)

Dès les années 60, la hausse sensible du trafic milita pour des rames tractées et bien plus lourdes, avec des trains de plus en plus longs, requérant d’autres moyens de traction. Mais nous n’étions pas à l’époque dans un régime comme aujourd’hui, avec des contrats et des péages ferroviaires. Du côté de l’exploitation, des conventions multilatérales RIV et RIC réglait les interpénétrations internationales, mais il ne s’agissait que des voitures et des wagons, le côté « le plus facile ». Car en matière de traction, c’est autre chose : pas d’interopérabilité (ou alors très timide), avec des métiers de conduite avant tout formatés sur le seul territoire national et une hausse importante des techniques de signalisation aux normes strictement nationales, véritable barrage à un réseau ferré unique. L’ensemble de l’exploitation internationale était réglée sous un régime de « compensations » des heures prestées et du matériel fournit, une sorte de vaste troc international. La réciprocité était « la règle » autant que possible sur des itinéraires très différents et aux charges différentes. Ce modus operandi s’est arrêté… en 1999, lorsqu’il a fallu mettre nos chemins de fer en conformité avec le droit…

En cette époque où on pense encore très « industrie nationale », chaque pays choisi le courant de traction qui lui convient. La Belgique avait opté pour le 3000V continu, tandis que la France choisissait pour le Nord et l’Est le 25kV alternatif. Le 9 septembre 1963, les « deux courants » se rejoignaient à Quévy, faisant de cette gare belge frontalière une gare commutable. Une section de séparation 3 kV-CC – 25 kV-50 Hz située sur les voies principales permettait aux trains remorqués par des locomotives équipées pour les deux types de courant de franchir la gare sans arrêt et sans restriction de vitesse, ramenant le temps de parcours Bruxelles-Paris en dessous des 3 heures. Une locomotive était-elle capable de circuler sous deux, trois voire quatre courants ? La réponse fût oui. Et l’artère Paris-Bruxelles va devenir alors l’une des plus technologique et interopérable d’Europe.

Des engins électriquement interopérables
Pour cette relation la SNCF fit modifier deux locomotives BB9400 bicourant en BB 20004 et 20005, renumérotée par la suite 30001 et 30002, tri-courant 1500V-3000V-25kV. Le tableau de bord était identique aux 9400/9500 mais ces machines étaient équipées du frein électro-pneumatique. Les BB 30001 et 30002 étaient à moteurs directs à collecteurs et équipés de bogies Jacquemin, alors que les BB 30003 et 30004 étaient montées sur bogies monomoteurs avec moteurs à courant continu alimentés par des redresseurs excitron.

BB30001-SNCF

La 30001, en 1967, prête au départ à Bruxelles-Midi (photo Michel Broigniez).

La SNCB n’est pas non plus inactive et va occuper le devant de la scène européenne avec l’internationalisation du trafic belge, centré sur Bruxelles. Le programme Belgique-Paris étant dorénavant « tout électrique », tout comme vers Amsterdam, la SNCB entreprit de construire rapidement une BB légère dotée d’un nouveau bogie BN avec guidage des boîtes par bielles à silentblocs et des moteurs entièrement suspendus avec transmission Alsthom à anneaux dansants et biellettes. Ce sera les cinq engins de la série 15 dotée d’un pont redresseur de diodes au silicium, une première à l’époque en Belgique.

BB15-TEE-SNCB

La 1503 dans sa livrée bleue originale de passage à St Quentin en 1975 en tête du TEE Parsifal doté de voitures allemandes (photo Jean-Paul Lescat).

Les 15 et les 30000 permettent d’assurer maintenant le trajet Bruxelles-Paris en 2h35, avec l’arrivée rapide de nouvelles voitures

Sur Ostende-Cologne, la SNCB se fit livrer en 1966 encore huit machines à l’origine quadricourant, de série 16. Amélioration des 15 précédentes, ces machines alourdies à cause du transformateur acceptant le 15kV allemand, ont aussi été vues à Paris, même si ce n’était pas leur artère favorite. Entretemps, les voitures inox étaient bel et bien livrées pour l’exploitation des TEE Paris-Bruxelles-Amsterdam.

La SNCF, qui préfère une politique du train lourd, quite à en faire moins sur une journée, avait besoin de puissance. Prenant la suite des BB 30000, elle commande à Alsthom de puissantes CC40100, véritables icônes du Nord international. Les quatre premières machines produite en 1964 furent soumises à de nombreuses mise au point. Leur silhouette inédite avec le profil caractéristique français du « nez cassé » et du pare-brise inversé était une oeuvre du designer Paul Arzens (1901-1990). Les six exemplaires suivants sortirent plus tard en 1969-1970 et bénéficièrent de différentes améliorations. CC40100 et voitures Inox, Paris-Bruxelles tenait désormais son look si particulier et si prestigieux.

CC40100

Passage de la 40109 en gare d’Aulnoye, en tête d’un corail Bruxelles-Paris le 20 juillet 1988 (photo Renaud Cornu-Emieux via licence flickr).

Les 40100, avec leurs 107 tonnes, étaient fort logiquement des CC. Elles étaient équipées pour circuler sous 2 tensions (continu et alternative) et 4 courants (1500V, 3kV, 15kV et 25kV). Elles reprirent la conception très française du bogie monomoteur à bi-réduction en vigueur à l’époque sur près de 400 machines, mais il s’agissait selon les critiques d’un compromis mécanique compliqué, tenant compte de l’électromécanique et de l’électronique des années 60. Des considérations de prix et de délais dictèrent le choix, par la SNCB, de six machines identiques de série 18. Alsthom apportant les mêmes bogies monomoteurs et l’appareillage entier, c’est l’entreprise BN qui construisit les chaudrons et fournissait le montage final. Le rouge bordeaux de Paul Arzens est remplacé en Belgique par du bleu acier. Les 18 arrivèrent sur le réseau en 1973 et circulèrent en pool sur le trafic vers Paris, mais aussi sur Cologne. Or, les 40100, qui devaient de toute manière opérer un tête-à-queue à Liège-Guillemins, ne se rendirent jamais en Allemagne au contraire des 18 belges. Pour le coup, l’appareillages 15kV fut alors démonté. Par contre, tant les 40100 et 18 n’urent l’aval de circuler aux Pays-Bas, officiellement pour leur poids trop élevé sur les rares ponts-levis encore existants. Ces considérations techniques n’ont pas toujours convaincus les plus fins observateurs qui ont surtout remarqué la vivacité de la « souveraineté nationale » et une internationalisation à minima de la traction. Rappelons que les réseaux pratiquaient le troc, et non la facturation des prestations…

Un graphique hebdomadaire de La Vie du Rail d’avril 1973 montre que les CC40100 du dépôt de la Chapelle fournissait près de 6.900 kilomètres de prestation chaque semaine, variable bien-sûr d’un engin à l’autre. Ce lot devait assurer une douzaine d’allers-retours en semaine, incluant 4 à 5 paires qui circulaient directement via Maubeuge, Charleroi et Liège. Avec les 15 et les 16 de la SNCB, le parc de traction interopérable était ainsi soumis à un rythme important.

CC40100

Les 1601 et 1805 côte à côte à Bruxelles-Midi, dans leur livrée originale (photo SNCB).

>>> À lire : Bref panorama de la traction électrique à la SNCB

On a souvent associé Paris-Bruxelles avec les Trans-Europ-Express. C’était en effet l’artère la plus exploitée avec ces trains de prestige. En 1974, après réception du second lot de voitures Inox SNCF, le service Trans-Europe-Express compta jusqu’à six paires quotidiennes ce qui n’avait d’équivalent nulle part ailleurs en Europe. À cela s’ajoutaient les deux paires de TEE filant sur Charleroi, Liège et Cologne, de sorte que nous avions durant cinq années, jusqu’en 1979, les 8 TEE suivant entre Paris et Aulnoye :

  • Etoile du Nord (Paris-Bruxelles-Amsterdam – 57/84);
  • Île-de-France (Paris-Bruxelles-Amsterdam – 57/84);
  • Parsifal (Paris-Dortmund-Hambourg – 57/79)
  • Molière (Paris-Cologne – 57/79)
  • Oiseau Bleu (Paris-Bruxelles – 57/84);
  • Brabant (Paris-Bruxelles – 63/84)
  • Memling (Paris-Bruxelles – 74/84)
  • Rubens (Paris-Bruxelles – 74/84)

  • Dès 1979 le Molière et le Parsifal devenaient des Intercity 1ère/2ème classe tandis que les six paires de TEE « inox » vers Bruxelles (dont deux vers Amsterdam), survécurent au passage vers les années 80 aux horaires suivants :

    CC40100Extrait de l’indicateur international 1980/1981 (scan Mediarail.be)

    Dans l’intervalle, la fin des années 70 voyait aussi l’apparition des voitures au gabarit UIC Z : les Corails en France, les VSE « Eurofima » en Belgique. Jusque là, les rames express non-TEE étaient diversement garnies par des voitures UIC-X SNCF et diverses Apm/Bpm allemandes sur les trains vers… Amsterdam, les Pays-Bas n’ayant jamais vraiment eu un vrai parc international. En 1984, quatre des six TEE perdent leurs étoiles pour devenir des « trains comme les autres », ou presque. Certaines voitures Inox furent en effet transformées en seconde classe pour correspondre à la mutation de la clientèle, qui voulait du train moins cher.

    SNCF-Inox-1985

    En étant très attentif, on constate que la seconde voiture dispose d’une bande verte, signe distinctif français de la deuxième classe « façon Corail ».

    Il ne reste alors à l’été 1984 que les deux paires de TEE au sens de la définition de 1957, c’est à dire des « purs première classe avec supplément » : les 81/84 Rubens et 80/85 Île de France. Pour encore trois années : en mai 1987, le groupement Trans-Europ-Express était officiellement dissout, non pas à cause de l’Europe mais bien par les réseaux partenaires eux-mêmes.

    Quel impact sur l’interopérabilité des locomotives ? Aucun ! CC40100 françaises et séries 15, 16, 18 et même… 12 belges SNCB continuèrent un service Paris-Bruxelles via St Quentin et Mons tournant autour des 2h40 à trois heures de trajet. À la fin des années 80 et au début des années 90, on était encore et toujours sous le régime des « compensations » des prestations des conducteurs des dépôts de la Chapelle, d’Aulnoye et de Forest. De toute manière, on n’en avait plus pour très longtemps alors que le Thalys se préparait à tout changer le 2 juin 1996…

    On retiendra de tout cela que l’artère Paris-St Quentin-Mons-Bruxelles fut une artère les plus interopérables d’Europe. On retient encore que cette même artère a vu transféré son trafic sur ligne nouvelle avec, selon les années et hors pandémie, jusqu’à 25 paires de TGV, même si Londres-Paris/Bruxelles a fini par la détrôner en nombre de voyageurs. L’ancien tronçon Paris-St Quentin-Maubeuge est aujourd’hui un axe principalement TER, tout comme Mons-Bruxelles qui, grâce à la libération des anciens sillons, a permis d’instaurer deux trains par heure sur le service intérieur SNCB. Pour le reste, Mons-Quévy est devenue une petite artère omnibus quand la courte section transfrontalière Quévy-Aulnoye est aujourd’hui sans trafic commercial voyageur. Quelle déchéance…

    Pour le dernier baroud d’honneur, le COPEF français et le GTF belge organisaient le 1er juin 1996 un ultime voyage en « Inox » et CC40100, première… et seule fois qu’elle fut autorisée jusqu’à Amsterdam. C’est ce que vous raconte cette vidéo de votre serviteur, qui a vécu ce voyage.

    08/01/2021 – Par Frédéric de Kemmeter – Signalisation ferroviaire et rédacteur freelance
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    Jadis, le matériel roulant TEE :

    Trans-Europ-Express_Edelweiss

    Les rames TEE diesel RAm hollando-suisses
    23/11/2020 – Retour sur de belles rames qui marquèrent un pan de l’histoire du Trans-Europ-Express : les rames hollando-suisses RAm


    Trans-Europ-Express

    Les voitures “Inox” SNCF
    02/10/2020 – Dans les années 60, la SNCF sortit de ses cartons d’élégantes voitures pour leurs nouveaux Trans-Europ-Express. Particularité : ces voitures étaient construites avec une caisse en inox, un concept inédit et prometteur à l’époque.


    La_Poste-train

    La 103, retour sur une grande dame de la traction
    20/02/2021 – Il y a peu, en 2018, les grandes dames E103 prenaient une retraite bien méritée, après 6-7 millions de km au compteur et des journées de 1400km. Retour sur un moment fort du rail allemand et de la grande traction.


    ADüm DB vista-dôme

    Les voitures-dôme des TEE allemands
    29/08/2020 – Dans la grande mode des années 50-60, la Deutsche Bahn entreprit de construire cinq voitures « vista-dôme » pour agrémenter notamment un de ces trains phares : le Rheingold. Évocation…


    Le rail après le Covid : entre défis et opportunités

    Amsterdam

    28/12/2020 – Par Frédéric de Kemmeter – Signalisation ferroviaire
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    Est-il encore nécessaire de parler du Covid-19 au risque d’avoir un geste de lassitude ? Il est pourtant nécessaire de faire le point et de prendre de la hauteur. Le secteur ferroviaire, qui est déjà si difficile à gérer à tous les niveaux, va devoir une fois de plus faire face à de nombreux défis. Lesquels pourraient aussi être des opportunités si on prend la peine d’entreprendre dans certains cas un « mental shift ».

    Il est bien clair que la pandémie de 2020 a provoqué un désastre. Comme l’expliquait l’International Railway journal l’été dernier, partout dans le monde, les opérateurs de transport en commun et de chemins de fer ont été confrontés à un manque de financement considérable, malgré les fonds de relance reçus pour maintenir leurs activités dans les premières semaines de la pandémie. Les opérateurs européens de transport de passagers ont fait état de baisses de recettes pouvant atteindre 90 %. Un groupe d’opérateurs européens de transport en commun prévoit un manque à gagner global de 40 milliards d’euros de recettes. L’éloignement social, le confinement, l’isolement et le travail à domicile sont bien sûr les principaux responsables de cette situation.

    Les gens ont été invités à occuper un siège sur quatre et les trains roulent à vide. Certaines critiques se sont demandés pourquoi tous les ICE allemands sont restés en service alors qu’il n’y avait que 10 % de personnes à bord. L’argument était qu’il fallait maintenir des capacités pré-pandémiques pour justement garantir la distanciation sociale. Cela a provoqué de vifs débats, car cette thèse veut faire croire que les gens prendront un autre train quand le premier est rempli. Cela peut s’avérer correct pour les trains avec réservation obligatoire. Mais c’était faux pour le trafic régional, car les horaires de travail ne changeant pas, il n’était donc pas question de changer de train et d’arriver en retard sur le lieu de travail. C’est donc tout une réorganisation de la société qui est apparue, avec beaucoup de gens en télétravail et d’autres qui devaient être sur place mais avec des horaires plus adaptés. Le secteur ferroviaire a ainsi été confronté à des défis qui remettent en cause son business. Les heures de pointe sont allégées, il y a moins de rentrées financières et la notion d’abonnement prend une tout autre tournure puisque certains personnes ne vont physiquement au travail que quelques fois par mois, au lieu de tous les jours. C’est toute la tarification qu’il va falloir revoir et cela renforce encore un peu plus les difficultés de financement du transport public, que ce soit en train, en bus ou en métro.

    Covid-19

    Un autre problème, plus politique, est apparu : les opérateurs privés, qui ne peuvent vivre que des recettes de la billetterie. Des opposants de longue date aux opérateurs privés en ont profité pour affirmer que ces entreprises, déjà considérées comme « coupables de venir manger dans l’assiette des cheminots », n’avaient qu’à se débrouiller avec leurs actionnaires. Mais ces entreprises ont vite rétorquer que ce sont les gouvernements qui leur ont retiré « leur pain », en confinant les gens chez eux. C’est comme si on interdisait les livraisons de farine chez le boulanger en l’obligeant malgré tout à faire du pain ! Dans le cadre de délégation de service public, les décisions gouvernementales ont été considérées par certains juristes comme des ruptures de contrat, car ceux-ci impliquaient des ratios de croissance du nombre de voyageurs, brutalement stoppée.

    Dans certains pays, cela s’est traduit par de vifs débats sur la responsabilité des uns et des autres. L’Autriche semble avoir trouvé une voie apaisée en octroyant tant chez ÖBB qu’à WESTbahn un contrat de service public temporaire sous forme d’un quota de trains à exploiter entre Vienne et Salzbourg, avec une aide financière à la clé. En Grande-Bretagne, la pandémie a achevé définitivement le système de franchises qui ne se portait déjà pas bien depuis plusieurs années. Mais au lieu de nationaliser, ce qui aurait coûté une fortune à l’État à cause des contrats en cours, la Grande-Bretagne se dirige vers une nouvelle forme de concession qui se rapproche plus de ce qui se fait en Europe du Nord.

    Franchise-rail

    Les défis de demain sont de redessiner les contours du secteur ferroviaire. La pandémie change complètement le paysage et accélère les transformations. Plusieurs questions demandent des réponses rapides :

    • jusqu’à quel point l’État doit intervenir dans le secteur ferroviaire et les transports publics, dans ce contexte nouveau du télétravail et de moins de déplacements;
    • y-a-t-il un mental shift auprès des décideurs pour admettre que le secteur ferroviaire est pluriel, et non plus mono-administré comme jadis ?
    • Quelles sont les perceptions du public face à ces restrictions de voyage, et quelle est son attitude face à un autre sujet un peu oublié : l’urgence climatique ?

    On peut déjà rapidement contredire certains courants d’idées qui percolent chez des groupes très actifs sur les réseaux sociaux :

    • On ne reviendra pas au monde ancien avec des idées basées sur la conservation d’un héritage social et industriel. La société change, donc le social changera aussi. Le monde post-covid ne signifie pas la fin des autres transports concurrents ni l’instauration de politiques autoritaires favorisant le contrôle social ni l’arrêt des progrès technologiques;
    • Il n’y aura pas de retour au collectivisme. La pratique du vélo, en très forte hausse, montre au contraire que les gens veulent contrôler eux-mêmes leurs déplacements et ne plus dépendre des offres et restrictions gérées au niveau politique;
    • Il n’y aura pas de décroissance mais une « croissance différente ». On peut prévoir une forte accélération de la digitalisation tout en promouvant une baisse des voyages et des trajets inutiles.
    • À l’heure actuelle, personne ne peut dire avec certitude en quoi le comportement des voyageurs sera différent une fois la pandémie passée. À long terme, une fois que des mesures sanitaires efficaces auront été mises en place, il est probable que les voyages aériens reprendront, ce qui ne provoquera une demande ferroviaire que pour certaines tranches d’âge qui y trouvent avantage.

    C’est donc l’occasion pour le rail d’intégrer tous ces défis mais en les transformant en opportunités. Le futur du rail dépendra de deux facteurs clés : un mélange de service et de technologie.

    L’importance du service
    Comment dépasser le confort individuel de la voiture et la vitesse de l’avion ? Par le service rendu ! On en est encore loin. Le train à grande vitesse a certes permit d’éliminer l’usage de l’avion sur 300 à 600 kilomètres. Mais le confort de ces trains n’atteint pas encore celui que l’on trouve dans les véhicules privés. Pour éliminer cette sensation de « perte de temps en train », il faut distraire le voyageur. Cela passe par le wifi à bord, lequel permet aux voyageurs d’avoir des occupations, d’occuper le « temps mort du voyage » par du temps utile.

    Voyage-train

    Mais le wifi embarqué est aussi un business, en permettant non seulement une meilleure connaissance interne des lignes et de leur fréquence d’utilisation, mais aussi de collecter des données précieuses et de connaître les goûts des clients, ce qui est essentiel pour l’expérience client. Les datas, c’est le nouvel or noir, le carburant des entreprises de demain. Même dans un simple bus, collecter des datas permet de créer un nouveau business. Par exemple, depuis juillet 2020, Transport for London recueille des « données dépersonnalisées » dans 260 stations de métro équipées de Wi-Fi afin d’étudier les flux de personnes voyageant sur le réseau, ce qui permettrait d’améliorer le fonctionnement du métro et de fournir davantage d’informations sur le placement des publicités, comme les zones où le nombre de passagers est le plus élevé et où la durée de séjour est la plus longue.

    Un meilleur service passe aussi par l’utilisation des « temps morts ». Et la nuit en fait partie. C’est donc sur le service que doivent être basés les trains de nuit, en en faisant de véritables hôtels roulants. On utilise donc la « perte de temps voyage » en l’intercalant dans le temps mort que représente le sommeil. La capacité de la majorité des trains de nuit d’arriver à destination, au centre-ville, vers 8h du matin, permet d’éviter un maximum d’avion sur des distances de 700 à 1000 kilomètres. De plus, le train de nuit, avec ses cabines et ses compartiments, répond parfaitement à la distanciation sociale.

    Train-de-nuit
    (photo ÖBB Nightjet)

    Mais ce qui est fortement recherché, c’est la cohérence de la billetterie. Les systèmes informatiques de toutes les sociétés de transport sont parfois « des objets faits maison », certes avec l’aide de sociétés extérieures, mais dont les données deviennent « intraduisibles » sur d’autres systèmes informatiques. Il y a parfois là derrière une politique voulue de protection du business. Mais tout ne dépend pas que de l’informatique. Dans certains pays, un enfant peut être classé de manière variable comme moins de 12 ans, moins de 14 ans, moins de 16 ans, selon les politiques sociales, qui restent une compétence nationale. Les compagnies aériennes ne se préoccupent pas de ces aspects car elles ne sont pas redevables du service public et des tarifs sociaux imposés, au contraire des chemins de fer locaux et régionaux. Les voyages aériens sont mieux organisés grâce à une association mondiale qui promeut un système de tarification mondial standardisé tel qu’Amadeus ou Sabre pour voir en temps réel la disponibilité et les prix des opérateurs. Il n’y a pas d’équivalent pour le secteur ferroviaire, qui reste un «objet national». En effet, il incombe dans le cas du chemin de fer de savoir si la personne qui commande un ticket local fait partie des usagers qui ont droit à une réduction en tant que résident permanent pouvant bénéficier d’une politique sociale. Certains billets pour jeunes, comme le Go-Pass belge, ignorent la nationalité mais dans d’autres pays, c’est plus compliqué ! Au niveau technologique, avec l’accès aux API des opérateurs ferroviaires, «il n’y a pas de standardisation de données à travers l’Europe, et dans de nombreux cas, il est très difficile d’accéder à ces informations», explique Mark Holt, directeur technique de Trainline, au magazine Wired.

    On peut encore discuter longtemps sur d’autres thèmes, mais ceux déjà décrits ci-dessus permettent déjà de se faire une idée de ce qui attend le secteur ferroviaire. Le futur sera différent d’hier, les concurrents ne resteront pas les bras croisés, la technologie augmentera et il faudra convaincre les nombreux voyageurs encore réticents. Tout cela avec des objectifs climatiques. En deux mots : défis et opportunités.

    Je vous souhaite une année 2021 pleine d’enthousiasme et de renouveau.

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    L’Europe veut un transport zéro carbone d’ici 2050. Une opportunité pour le rail

    14/12/2020 – Par Frédéric de Kemmeter – Signalisation ferroviaire et rédacteur freelance
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    L’Europe présente sa stratégie de mobilité par le biais de dix mesures dont cinq concernent le secteur ferroviaire.

    « Après le mois de novembre le plus chaud jamais enregistré, il est clair que la nécessité de s’attaquer à cette crise climatique est plus forte que jamais. Le transport est l’un des trois secteurs où des efforts supplémentaires sont nécessaires. » C’est en ces termes que Frans Timmermans, chef de file des travaux de la Commission sur le « Green Deal » européen, a introduit la stratégie durable de l’Union pour les trente prochaines années.

    En décembre 2019, deux semaines après sa prise de fonction, la présidente de la Commission Européenne Ursula von der Leyen, présentait la feuille de route du ‘Green Deal’, le pacte vert pour l’Europe. Un plan d’investissement de 750 milliards d’euros au minimum est prévu pour ce pacte vert. Il mobilisera des investissements publics et aidera à débloquer les fonds privés via des outils financiers de l’Europe. On attendait donc des détails plus précis concernant la mise en oeuvre de ce green deal.

    Le document de travail intitulé « Sustainable and Smart Mobility Strategy – putting European transport on track for the future », rendu public un an plus tard par la Commission européenne, est une action concrète de ce Green Deal. Le plan présenté la semaine dernière comprend 82 mesures organisées en 10 domaines d’action clés, et détaille les politiques que l’administration de Bruxelles compte mettre en œuvre pour transformer le secteur des transports en un secteur décarboné, ce qui est un défi de taille.

    Il y aura plusieurs étapes, la prochaine étant 2030 où :

    • Au moins 30 millions de voitures zéro émission seront en service sur les routes européennes;
    • 100 villes européennes seront climatiquement neutres;
    • Le trafic ferroviaire à grande vitesse va doubler en Europe;
    • Les déplacements collectifs réguliers pour les trajets inférieurs à 500 km devraient être neutres en carbone;
    • La mobilité automatisée sera déployée à grande échelle;
    • Les navires zéro émission seront prêts pour le marché.

    Puis viendra l’année 2035 avec :

    • Les grands avions sans émission seront prêts à être commercialisés ;

    Et enfin, en 2050 :

    • Presque toutes les voitures, camionnettes, bus ainsi que les nouveaux véhicules utilitaires lourds seront à zéro émission ;
    • Le trafic de fret ferroviaire doublera ;
    • Un réseau transeuropéen de transport (RTE-T) multimodal et pleinement opérationnel pour un transport durable et intelligent avec une connectivité à haut débit.

    Pour satisfaire cette grande « écologisation de la mobilité », les investissements pour 2021-2030 dans les véhicules (y compris matériels roulants, navires et avions) et le déploiement d’infrastructures pour les carburants renouvelables sont estimés à 130 Md€ par an tandis que le parachèvement du réseau central du RTE-T pour en faire un système véritablement multimodal exigerait encore 300 Md€ au cours des dix prochaines années.

    L’innovation et la numérisation détermineront la façon dont les passagers et le fret se déplaceront à l’avenir si les conditions adéquates sont mises en place. C’est ce que prévoit la stratégie :

    • de faire de la mobilité multimodale connectée et automatisée une réalité, par exemple en permettant aux passagers d’acheter des billets pour des voyages multimodaux afin de passer d’un mode à l’autre de manière transparente, et
    • la stimulation de l’innovation et l’utilisation des données et de l’intelligence artificielle (IA) pour une mobilité plus intelligente.

    Les lignes directrices de cet immense projet mettent en avant le chemin de fer, mais montre aussi que les autres secteurs, l’automobile et l’aviation, font aussi pleinement partie de la solution pour une Europe décarbonée en 2050. Pas question donc de lourdement sanctionner un secteur pour en sauver un autre.

    Les craintes du secteur pétrolier
    Le plan suscite déjà des commentaires en sens divers, comme l’International Road Transport Union (IRU), qui l’attaque déjà en déclarant que « ce plan repose sur un calcul des émissions de CO2 au tuyau d’échappement du véhicule, et ne tient pas compte de l’origine de l’énergie ». Et l’organisation tente de faire croire que « les autocars diesel sont nettement plus propres que le rail déjà électrifié, on ne comprend donc pas pourquoi la Commission ignore la contribution unique du transport de masse de passagers par route ». En fait, l’IRU insinue que l’électricité ferroviaire serait produite par le charbon, une situation allemande qui ne reflète pas du tout le reste de l’Europe.

    Cela signifie que le rail devra s’organiser de façon intensive et avec moins de divisions au niveau de lobbying pour contrer ce genre d’argument. Ce qui passe notamment par prendre en compte toutes les entités ferroviaires, pas seulement les opérateurs historiques.

    Il est clair que le secteur pétrolier voit le vent tourner, ce qui implique pour les constructeurs de motorisations basées sur l’énergie fossile d’entamer une dure transition qui peut remettre en cause l’ensemble de cette industrie.

    La stratégie de l’UE identifie dix domaines clés avec des actions pour guider sa politique verte, dont cinq concernent directement le secteur ferroviaire.

    (photo Alstom)

    Le plan hydrogène
    Parmi les menaces – ou opportunités, c’est selon -, la place grandissante de l’hydrogène dans le futur. Le 8 juillet dernier, la Commission européenne dévoilait ses plans pour promouvoir l’hydrogène. Dans un premier temps, l’hydrogène à faible teneur en carbone dérivé des combustibles fossiles serait soutenu afin d’augmenter la production à court terme. Le secteur ferroviaire, grâce en particulier à la société Alstom, s’est très rapidement emparé de ce nouveau sujet énergétique. Malheureusement aujourd’hui, 99 % de l’hydrogène est produit à partir de combustibles fossiles ou d’électricité produite à partir de combustibles fossiles, et l’empreinte CO2 est considérable.

    Par la suite cependant, ce carburant du futur devrait être produit entièrement à partir d’énergies renouvelables. De vastes infrastructures sont nécessaires pour soutenir les objectifs de la Commission européenne visant à ce que les véhicules routiers à zéro émission prennent le relais. Un plan prévoit d’installer 1 000 stations d’hydrogène et 1 million de points de recharge publics d’ici 2025. D’ici 2030, 2 millions de stations de recharge supplémentaires seraient ajoutées. Cela indique que la Commission européenne prévoit l’adoption rapide de véhicules électriques et à hydrogène au cours de la prochaine décennie. L’hydrogène reste donc une des clés de la décarbonisation pour atteindre les objectifs de en 2050.

    La grande vitesse est un axe majeur
    L’un des dix domaines clés consiste à rendre la mobilité interurbaine et urbaine plus durable et plus saine. La Commission propose la construction d’un plus grand nombre de lignes ferroviaires à grande vitesse sur des trajets courts afin que les passagers aient le choix entre des trajets de moins de 500 km sans émission de carbone. Lorsque la ligne à grande vitesse entre Barcelone et Madrid a été ouverte, la répartition modale est passée de 85 % d’avions / 15 % de trains en 2008 à 38 % d’avions / 62 % de trains en 2016. La construction de lignes à grande vitesse tourne le dos à l’idée de certains groupes politique d’opter pour un chemin de fer sans béton et sans travaux. La poursuite des projets de Stuttgart-Ulm en Allemagne et de HS2 en Grande-Bretagne le démontre. D’autres lignes sont à l’étude dans toute l’Europe.

    >>> À lire : Où en est le projet de Stuttgart 21 ?

    >>> À lire : La grande vitesse reste nécessaire pour le modal shift

    Une grande partie du fret sur le rail
    Le « Green Deal » européen prévoit qu’une grande partie des 75 % du fret terrestre actuellement transporté par la route soit transférée vers le rail et les voies navigables intérieures. C’est un sujet dont on parle depuis longtemps et pour lequel aucun progrès notable n’a été enregistré jusqu’à présent. La Commission européenne s’oriente maintenant vers l’élaboration d’un cadre juridique qui réponde aux besoins du secteur du fret ferroviaire. La révision du règlement sur les corridors de fret ferroviaire et du règlement RTE-T, qui sont inclus dans la stratégie, est la bonne démarche car les deux règlements devaient être traités ensemble étant donné leur importance mutuelle. L’association européenne de fret ERFA a également demandé une législation pour garantir que les corridors de fret ferroviaire répondent à des paramètres clés tels que la compatibilité avec le gabarit de chargement P400 et la facilitation des trains de 740m de long sur tous les corridors.

    Ce concept de RTE-T ne semble pas avoir donné entièrement satisfaction, particulièrement en ce qui concerne le « guichet unique » et la demande de sillons horaires internationaux, très difficiles à satisfaire actuellement. Certains pays sont plus avancés dans les travaux que d’autres, et des considérations politiques nationales (élections diverses, changement de coalition,…) sont souvent des freins à l’adoption des budgets et au respect du calendrier. Le corridor de fret ferroviaire ne fait rêver aucun politicien national…

    Mobilité multimodale connectée et automatisée
    Un autre secteur mis en avant est le digital, qui associe beaucoup d’outils. Parmi eux, la fameuse 5G qui fait l’objet actuellement de débats parfois irrationnels. Elle est pourtant incontournable pour le futur, parce que si l’Europe n’y prend pas part, d’autres continents le feront à notre place. Nous avons fréquemment discuté dans nos articles de la nécessité de digitaliser le secteur ferroviaire, qui est en retard par rapport à d’autres modes de transport.  La Commission a réaffirmé que des efforts supplémentaires sont nécessaires pour développer l’automatisation des trains, par exemple par le biais d’entreprises communes comme Shift2Rail. La Commission veut déjà mettre à jour les spécifications techniques d’interopérabilité (STI) pour permettre l’automatisation des trains et la gestion du trafic sur les grandes lignes transfrontalières. En fait, ces STI doivent couvrir des technologies telles que la 5G et les données satellitaires, ce qui nous ramène à ce que nous disions plus tôt. Tout cela sera également utile pour le futur système de communication mobile ferroviaire (FRMCS), la nouvelle référence en matière de communication ferroviaire. En revanche, il sera probablement nécessaire de rendre l’ERTMS/ETCS plus accessible en termes de coûts d’installation, tout particulièrement chez les opérateurs ferroviaires qui actuellement ne voient pas la plus-value du système. La Commission n’a rien précisé sur ce thème important qui nous mène au cinquième domaine clé.

    >>> À lire : La 5G, une technologie clé pour l’avenir de nos chemins de fer

    >>> À lire : notre page digitale

    Renforcer le marché unique
    La Commission n’abandonne pas son concept de marché unique et compte même sur le quatrième paquet ferroviaire pour dynamiser le marché ferroviaire, jugé trop cloisonné et encore trop peu attractif. Selon elle, cela permettra aux opérateurs ferroviaires de mieux répondre aux besoins des autorités de transport.  Cela dépend toutefois de l’approbation rapide et pas trop coûteuse du matériel roulant unifié dans chaque pays. L’harmonisation des homologations de véhicules à l’échelle européenne est depuis septembre la mission de l’Agence ferroviaire européenne (ERA), ce qui accélérerait l’homologation des trains transfrontaliers, malgré certaines réticences politiques que cela suscite encore en termes de souveraineté nationale. La Commission déclare également qu’elle examinera les règles actuelles sur les redevances d’accès aux voies ferrées et qu’elle déterminera si elles offrent les incitations appropriées pour stimuler la concurrence sur les marchés et l’attrait du rail.

    Il va maintenant être très intéressant de suivre ces différents dossiers dans les années qui vont suivre. Dans l’immédiat, nous entrons dans 2021, qui a été déclarée « Année du rail », et pour laquelle une nouvelle communication de la Commission européenne est attendue en mars. Les choses bougent et c’est le moment pour idéal nos chemins de fer et nos élus de changer de logiciel et d’appréhender le monde qui vient, plutôt que de s’enfermer sur des recettes du passé…

    Pour approfondir :

    TEE2.0Signature d’un accord sur les trains de nuit européens
    08/12/2020 – L’Allemagne, qui préside l’Union européenne, tente de se refaire une place en instaurant 4 trains de nuit d’ici 2024. Enfin du concret ?



    ERA_Europe_RailwaysL’ERA devient la seule autorité de certification de l’Union européenne
    12/11/2020 – L’Agence pour les chemins de fer (ERA), sise à Valenciennes, est devenue la seule autorité chargée de la certification et de l’autorisation du matériel roulant dans toute l’Union européenne depuis le 1er novembre.


    SNCB_siege_2Comment les satellites et l’intelligence artificielle surveillent la végétation
    24/08/2020 – La technologie permettant de comprendre la végétation peut sembler incongrue, mais elle peut contribuer à réduire les coûts sur un réseau ferroviaire. Connaître la végétation, c’est anticiper des problèmes à venir


    train_de_nuitUn pool de véhicules pour faciliter l’accès aux opérateurs de rames tractées
    26/10/2020 – Un des problèmes qui s’imposent aux nouveaux entrants est l’acquisition de matériel roulant. Des formules de leasing existent pour le matériel de traction mais moins pour le matériel tracté. Or, cela peut parfois être un obstacle, notamment pour les trains de nuit.


    SNCF_Nort-sur-ErdreL’importance des gares, petites ou grandes
    07/06/2020 – Comment on peut transformer nos petites gares en lieux conviviaux et axés sur la durabilité. Il y a partout de bonnes idées de revitalisation.



    train_de_nuitLe wagon modulaire est-il l’avenir du fret ferroviaire ?
    19/10/2020 – Les wagons de fret répondent à un secteur industriel précis. Mais leur spécialisation entraîne des retours à vide. Le wagon modulaire peut changer cela


    train_de_nuitEt si les gestionnaires d’infrastructure faisaient eux-mêmes les horaires ?
    16/10/2020 – L’horaire, qui fait partie de l’essence même du chemin de fer, est devenu un enjeu crucial de marketing pour les opérateurs. Or, n’est-ce pas plutôt la tâche des gestionnaire d’infrastructure ?


    KRRI Autonomous railChemin de fer : il faudra progresser avec l’existence des autres modes
    12/10/2020 – Le transfert modal vers le rail ne sera pas favorisé en interdisant aux autres modes de transport de progresser, mais en répondant aux demandes des usagers, qu’ils soient citoyens ou industriels


    14/12/2020 – Par Frédéric de Kemmeter – Signalisation ferroviaire et rédacteur freelance
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    La grande vitesse reste nécessaire pour le modal shift

    19/11/2020 – Par Frédéric de Kemmeter – Signalisation ferroviaire et rédacteur freelance
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    🟧 Nos brèves quotidiennes 🟧 Notre lexique ferroviaire

    Combien de fois n’avons-nous pas lu ce genre d’articles «Le rêve des trains à grande vitesse déraille déjà», «Les trains à grande vitesse tuent le réseau ferroviaire européen», «Les États devraient-ils investir dans le train à grande vitesse» ? Beaucoup d’énergie est déployée pour nous faire croire que les petits trains de nos grands-parents sont bien plus nécessaires que la grande vitesse « qui essouffle le monde et entretient la frénésie des voyages ». C’est faire preuve d’une belle myopie car en faisant cela, le risque est grand de voir le chemin de fer devenir un transport musée. Pendant ce temps, les autres transports déploient eux-aussi une grande énergie, mais pour se faire accepter par le monde politique en présentant leurs progrès technologiques. Or, chaque progrès engendré par l’aviation et surtout l’automobile est une mauvaise nouvelle pour le train. Nous avions déjà écrit que le train sans infrastructure moderne risque tout simplement de tuer le train. Il n’y aura jamais de protection de la planète si on n’opère pas un modal shift important. Or on ne fera pas cela avec un chemin de fer du temps passé.

    >>> À lire : Le train écolo, c’est aussi des travaux !

    Dans nos sociétés démocratiques, il est d’usage que les citoyens puissent choisir ce qui convient le mieux pour voyager, selon le rythme de vie et l’espace familial de chacun d’entre nous. Beaucoup de personnes ont des proches très éloignés les uns des autres, tout particulièrement dans les grands pays comme la France, l’Italie, l’Allemagne ou la Grande-Bretagne, par exemple. Tout cela implique une demande de transport longue-distance importante. Sur la plupart des marchés, les passagers disposent de diverses options pour voyager entre les villes, notamment les bus, les voitures particulières et les compagnies aériennes. Quelques militants radicaux voudraient que ce choix n’existe plus, ou soit fortement taxé afin de rabattre toute la clientèle uniquement vers le train sous une forme de service public, à des fins de contrôle social. C’est évidemment la meilleure manière de tuer le train ! Pour que chacun puisse rejoindre sa famille, l’université ou un lieu éloigné, il est nécessaire de : 

    • rendre le train plus attractif, ce qui suppose de progresser en technologie et en confort offert à bord (wifi, restauration,…);
    • de relier les grandes villes nationales par au moins 8 à 10 trains par jour, ou par un service de train cadencé à l’heure;
    • d’offrir des facilités de réservation et d’échange de tickets avec un minimum de frais;
    • d’offrir une combinaison de trains classiques et de trains à grande vitesse.

    >>> À lire : Comment le train peut-il reconquérir la clientèle d’affaires ?

    Parmi ses avantages économiques, le train à grande vitesse peut contribuer à relever les grands défis climatiques auxquels sont confrontés l’Europe et les pays modernes, en offrant une alternative attrayante à l’aviation et à l’automobile sur de courtes distances, modes de transport qui dépendent des combustibles fossiles. Un réseau national de TGV peut réduire les émissions de carbone de millions de tonnes par an et constitue une option écologique pour notre système de transport national et international. Bien entendu, le problème majeur auquel sont confrontés les différents projets de trains à grande vitesse est la nécessité de construire une ligne spécialisée plutôt que d’utiliser le réseau ferroviaire existant. Ces défis environnementaux devront être pleinement pris en compte lors des étapes plus détaillées de la planification.

    Sauver la planète ne signifie pas qu’il faille faire de longs trajets en perdant des heures en train, mais au contraire en diminuant les temps de trajet. Au lieu de voir leur famille deux fois par an, certains seraient alors tentés de voir leur famille une fois par mois, ce qui est aussi une forme de développement durable personnel, particulièrement pour ceux qui souffrent de l’éloignement familial. Voilà donc un second argument en faveur du train à grande vitesse.

    Le troisième argument est que le train à grande vitesse permet au rail de se maintenir dans la modernité. Les pays qui savent qu’ils n’auront jamais de train à grande vitesse comme en France ont malgré tout construit des portions de lignes qui permettent de circuler à plus de 200km/h. Prenons par exemple l’Autriche qui a construit une ligne à 230km/h entre Vienne et Linz et la Suisse qui a défini le profil de ces deux derniers tunnels pour circuler à 250km/h. C’est la preuve que l’augmentation de vitesse demeure un élément clé de l’attractivité ferroviaire, même dans des pays où c’est plus difficile.

    Le dernier argument est que la construction de ligne nouvelle permet de soulager les lignes anciennes qui peuvent se consacrer au trafic local, lequel est lui aussi en demande constante. Pourquoi vouloir faire passer inutilement de grands trains express à travers des petites gares où ils ne s’arrêtent de toute façon pas ? C’est un gaspillage de ressources qui empêche le développement des trains omnibus. Il est donc parfois nécessaire de mettre au maximum le trafic grande ligne sur des lignes dédiées.

    Ne pas oublier l’Intercity
    L’argument principal qu’agitent les opposants est que le train à grande vitesse semble avoir mis de côté le train classique sur d’autres liaisons. C’est généralement vrai en France, où on ne comprend pas pourquoi un service par train classique sur l’axe Paris-Dijon-Lyon n’a pas été maintenu. Il est difficile pour la SNCF d’argumenter que le maintien d’un tel service ordinaire par trains Corail (ou autre), qui prend près de 5 heures sur le trajet total, aurait été une concurrence au TGV ! L’Allemagne n’a pas fait l’erreur, si on regarde cet exemple de Coblence, capté avant le Covid-19 (cliquer sur l’image pour agrandir) :

    La grande vitesse ferroviaire n’oublie pas le train de nuit
    Il en est de même pour le train de nuit, qui ne peut pas être perçu comme le remplaçant du train à grande vitesse sur des distances de 300 à 700 kilomètres, trop courtes (si on excepte Londres-Edimbourg/Glasgow, Londres-Penzance ou Vienne-Bregenz). Le train de nuit est un marché de niche pour des distances plus longues et a l’avantage de vous faire arriver en ville avant n’importe quel premier avion, ce qui est son but. Le train de nuit est un hôtel roulant et doit être géré comme tel.

    Et pourtant, la grande vitesse pourrait aussi être une nécessité pour certains trains de nuit, bien qu’il ne faut pas croire que l’avion courte distance sur 1.500 kilomètres va disparaître. L’utilisation des trains de nuit est dominée par les voyages privés, dont une proportion croissante est effectuée par des passagers qui rendent visite à des amis et des parents et logent chez eux, ce qui invalide l’argument des économies réalisées sur les frais d’hôtel. Il faut donc fournir de solides arguments à cette clientèle pour choisir le train de nuit plutôt que l’avion low cost. Car il faut être sérieux : peu de personnes se lève un matin pour dire « aujourd’hui, je sauve la planète et je voyage lentement » !

    Une proposition de «Train de nuit à très longue distance» (VLDNT) exploitant jusqu’à 2 000 kilomètres sur des lignes à grande vitesse est étudiée, mais on ne sait pas qui en Europe serait prêt à construire ou à financer une flotte. L’UIC, par exemple, a examiné un large éventail de mesures destinées à transformer le service de train de nuit, y compris une mesure examinant la façon dont les services de train de nuit traditionnels pourraient utiliser le réseau TGV pour atteindre des vitesses moyennes beaucoup plus élevées avec le matériel roulant conventionnel existant. Cela permettrait des heures de départ plus tardives, des arrivées plus tôt et / ou un horaire plus robuste. Cependant, une idée plus intéressante est de développer un nouveau matériel roulant à grande vitesse pour les trains de nuit et d’utiliser ce matériel roulant sur le réseau TGV. Ce nouveau service pourrait couvrir des distances beaucoup plus longues dans la fenêtre horaire traditionnelle des trains de nuit. Cela signifie qu’avec la grande vitesse, le train de nuit élargit sa zone de pertinence et peut concurrencer l’aviation et les autocars longue distance. Cela est un argument supplémentaire pour la poursuite du programme de ligne à grande vitesse, même si on sait que le trafic de jour continuera de dominer le marché. Pour le moment, il faut reconnaitre que ce dossier n’est pas encore très avancé.

    Nous avons déjà souvent soutenu qu’il ne faut pas opposer les modes de transport entre eux, car ils ont chacun leur pertinence. Le train doit donner beaucoup de gages pour attirer des clients habitués à l’avion ou l’auto. Ce n’est donc pas en s’opposant à la grande vitesse ni en ne promotionnant que les trains de nuit qu’on pourra opérer un transfert modal important. Tous les trains longue distance ont leur pertinence propre et c’est cela qui doit être la conduite politique des prochaines années. Le train musée ne sauvera pas la planète…

    19/11/2020 – Par Frédéric de Kemmeter – Signalisation ferroviaire et rédacteur freelance
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