Se montrer fort et utile pour décarboner la planète : un défi pour le rail

Par Frédéric de Kemmeter – Signalisation ferroviaire et rédacteur freelance – Inscrivez-vous au blog
15/11/2021 –
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La COP26 de Glasgow est terminée, mais la course à la décarbonisation du secteur des transports est lancée depuis longtemps. Dans ce grand jeu, le train peut trouver sa place s’il parvient à démontrer sa pertinence.

La pression exercée sur les gouvernements et les entreprises pour qu’ils adoptent des technologies à faible émission de carbone ne fera qu’augmenter. Dans le secteur des transports, la volonté de décarbonisation se manifeste par une poussée de plus en plus frénétique en faveur du déploiement de la technologie des piles à hydrogène et des batteries pour remplacer la combustion interne dans tous les types de véhicules, y compris les avions. La Commission européenne s’est même lancée dans un vaste plan hydrogène qui a aiguisé l’appétit de nombreuses industries, voyant arriver de bonnes affaires, notamment Alstom.

Le rail semble avoir le grand avantage d’être déjà partiellement électrifié. Cependant, 45% du réseau ferroviaire européen n’est pas encore électrifié. En outre, la traction diesel et les niveaux de bruit élevés qu’elle engendre sont devenus le visage inacceptable du rail, en particulier au Royaume-Uni, en Irlande, au Canada et aux États-Unis. Pour certains riverains, il est de plus en plus difficile de promouvoir le train comme une alternative à faible émission de carbone dans de telles circonstances. Le problème est que ce message est reçu 5/5 par les élus politiques. En même temps, ils reçoivent d’autres propositions de décarbonisation, principalement du secteur automobile. Un lobbying intense tente de maintenir le secteur routier, principal concurrent du rail, dans les starting-blocks de l’avenir décarboné.

Nouvelles technologies
Le rail peut-il rester dans la course ? Aujourd’hui, les trains bimodes électro-diesel et électriques à batterie réduisent déjà l’utilisation du diesel sur les lignes partiellement électrifiées, tandis que les batteries et les supercondensateurs font des progrès dans les applications ferroviaires urbaines. Il ne fait aucun doute que le poids des batteries, principal problème technique lorsqu’on les ajoute à un train existant, diminuera à mesure que la technologie s’améliorera.

L’enthousiasme pour l’hydrogène est tempéré par la façon dont le carburant est créé. Le processus de création d’un « hydrogène vert » par électrolyse peut être considéré comme un « gaspillage d’électricité ». Selon certains experts, un train à hydrogène consomme 3,5 fois plus d’électricité en raison des inefficacités du processus d’électrolyse et des piles à combustible. Cependant, il ne fait aucun doute que l’hydrogène fonctionnera à l’avenir dans certains cas particuliers.

Mais la décarbonation des transports signifie aussi que le secteur ferroviaire va devoir mettre les bouchées doubles pour accélérer sa modernisation s’il veut paraitre comme la meilleure solution face aux politiciens. Actuellement, le constat est amer de voir que chaque avancée technologique sur un train s’accompagne d’une montagne de procédures qui peuvent parfois ralentir le progrès qu’on espérait obtenir. Le chemin de fer est encore trop souvent présenté comme un outil dangereux à exploiter par rapport aux autres modes. Pourtant, combien de morts fait la route chaque année ?

De plus on constate encore de nos jours des prises de position nationales qui peuvent handicaper le train. Il en est ainsi des fameuses semelles de freins de wagons de marchandises, conçues pour faire moins de bruit mais qui deviennent soudainement un objet à risques dans certains pays. On peut s’attendre aussi à une belle pile de barrières procédurales en vue de l’exploitation à venir de l’attelage automatique pour wagons de marchandises. Il y a encore quantité d’autres exemples qui font que le rail peine à avancer. Cela fait 30 ans que le concept ERTMS a été mis en route. On manque encore de recul pour faire un premier bilan des trains à hydrogène d’Alstom en Allemagne, lancés en 2018 grâce aussi à un fort soutien des autorités publiques. Cette technologie serait-elle viable avec moins de subsides ? Rappellons-nous le débat sur les éoliennes et la forte subsidiation de ce secteur comparé aux résultats attendus…

Service et infrastructure
Bien entendu, la technologie ne résoudra pas tous les problèmes. La décarbonation, c’est aussi attirer les gens vers le train plutôt que de les laisser utiliser un mode polluant. Il faut donc aussi investir dans le service à fournir aux voyageurs, et leurs demander ce qu’ils veulent vraiment pour utiliser le train. Le wifi à bord et les facilités dans la billetterie semblent être en tête du classement. Faire du voyage en train un moment utile pour le travail est aussi un critère fort demandé, tout particulièrement par une clientèle avec un bon pouvoir d’achat. Cependant, assurer à bord des trains une connexion mobile sans coupures nous ramène une fois de plus à la technologie, et on voit là aussi émerger des solutions diverses.

La décarbonation, c’est aussi une fluidité du trafic mieux assurée, qui nous mène plutôt sur le terrain des infrastructures. On n’est peut-être pas obligé de faire de grands travaux luxueux, mais en certains endroits, une reconstruction complète s’impose… et impose d’avoir d’importants fonds publics. N’oublions pas que des investissements qui paraissent coûteux aujourd’hui nous préservent d’autres dépenses tout aussi coûteuses pour les 50 prochaines années.

Un juste milieu
La décarbonation, c’est enfin et surtout la qualité des opérateurs qui exploitent les trains. Si on peut dénoncer les montagnes de procédures, il ne faut cependant pas oublier qu’elles sont apparues suite à des manquements parfois importants chez certains. La qualité et le suivi des procédures ne doivent pas être une question d’argent mais le fil conducteur de tout transporteur. Il n’y a pas de place ni pour le dumping technique ni pour la montagne de procédure, mais un juste équilibre à trouver entre ces deux extrêmes.

Ce sont toutes ces conditions réunies qui feront du train une solution pour atteindre les objectifs climatiques de chaque pays. Prions pour qu’il y ait moins de montagnes de procédures et davantage de mises en bonnes pratiques. Le train ne peut pas être « un outil dangereux à exploiter » mais un outil de décarbonation exemplaire.

Intermodal
(photo Network Rail)

15/11/2021 – Par Frédéric de Kemmeter – Signalisation ferroviaire et rédacteur freelance
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Pour approfondir :

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08/11/2021 – On croit parfois que le train intelligent suffirait à résoudre certains des problèmes de l’exploitation ferroviaire. Cependant, ce train n’aura aucun impact s’il n’y a pas d’infrastructures top niveau, ce qui suppose que demain il y aura encore du béton…


Décarboner les transports : tout ne dépend pas du rail
21/09/2021 – Le chemin de fer ne fera jamais de transfert modal seul, par le fait de sa simple existence. Il faut d’autres atouts qui sont du ressort de l’État. Par exemple l’aménagement du territoire et la configuration des lieux de vie



CFL_LuxembourgQuel avenir pour les trains à hydrogène ?
08/02/2021 – Les trains à hydrogène peuvent-ils permettre d’éviter l’électrification des lignes ? Tout dépend et de nombreuses questions doivent être encore résolues. Petit tour d’horizon


ERA_Europe_RailwaysLe train écolo, c’est aussi des travaux !
16/11/2020 – 2021 sera l’Année du Rail en Europe. Cela implique pas seulement des trains modernes mais aussi de bonnes infrastructures ferroviaires. Certains estiment que ce n’est pas toujours nécessaire. Vraiment ?




Quoi de neuf du côté des opérateurs longue distance ?
23/08/2021 – Cela bouge pas mal du côté des opérateurs grande ligne en Europe. C’est l’occasion d’une petite synthèse alors qu’on entame bientôt le dernier trimestre de l’année 2021. Au menu : Ouigo, Trenitalia, Renfe et RegioJet



Le train peut-il réellement remplacer l’avion ?
28/06/2021 – Le train pourrait remplacer certains vols de 500 à 1000 km. Les mentalités semblent évoluer dans ce sens et la durée moyenne des voyages augmenterait. Mais il y a encore un certain nombre de conditions pour ce remplacement. xxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxx xxxxx xxxxxxxxxx xxxxxxxxxx xxxxxxxxxxx


Passer du produit au client : le rail peut-il s’inspirer des Gafam ?
21/06/2021 – Passer de la politique « produit » à la politique « client » est un vrai défi pour le rail. Le poids des actifs (trains-infrastructure) et les habitudes culturelles façonnent encore largement la politique ferroviaire, mais il y a pourtant quelques raisons d’espérer.


Chemin de fer : disruption ou simple innovation ?
01/01/2018 – L’innovation est dans la nature même de l’être humain. Le chemin de fer ne peut y échapper sous peine d’être minorisé dans le secteur des transports.




Bon anniversaire, InterCity Express !

(Ci-dessus – Un beau parallèle d’ICE 3 – photo Deutsche Bahn)

31/05/2021 – Par Frédéric de Kemmeter – Signalisation ferroviaire
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10 ans après le lancement du premier train à grande vitesse en France, l’Allemagne mettait en service son propre train à grande vitesse nommé « InterCity Express » (ICE). L’occasion de revenir sur le concept allemand qui diffère un peu des options françaises. L’arrivée de l’ICE aura permis à la Deutsche Bahn – et à Siemens -, de se hisser dans le top mondial de la grande vitesse ferroviaire.

La chronologie historique montre que ce sont les Japonais qui ont commencé à exploiter ce type de train en 1964, suivis par les Italiens, qui construisirent le premier train à grande vitesse européen Florence-Rome (également appelé « Direttissima »), ouvert par étapes entre 1978 et 1992. 

La directive 96/48/CE de l’Union européenne, annexe 1, définit le train à grande vitesse en termes d’infrastructure, de limite de vitesse minimale et de conditions d’exploitation. Pour l’Union Internationale des Chemins de fer (UIC), un train à grande vitesse est considéré comme un train circulant à plus de 250km/h, sur une ligne dédiée à cette vitesse (catégorie 1). Cette définition est importante car certains qualifient encore de « grande vitesse » les trains dépassant 200km/h. Ce n’est pas vraiment le cas. Ainsi, le HST 125 britannique, bien que décrit comme un « train à grande vitesse », n’a jamais été un TGV au sens de l’UIC.

Ces précisions permettent de montrer qu’en Allemagne, la grande vitesse signifiait de toute manière la construction de lignes nouvelles à travers le pays, récemment réunifié. La Deutsche Bahn a cependant pris des options différentes de celle de la SNCF.

Il y a d’abord le maillage des villes : il est plus important en Allemagne, où la géographie nous montre des villes importantes implantées tous les 100 kilomètres, voire moins. Cela implique des arrêts plus fréquents qu’en France, pays où les villes sont plus distantes. Une autre différence majeure est qu’il n’y a pas en Allemagne le centralisme sur une seule grande ville, où le réseau à grande vitesse rejoint prioritairement Paris.

Dans les années 80, il était d’usage que ce soit les bureaux d’études des chemins de fer qui étudient et conçoivent le matériel roulant. Les industriels n’étaient alors que de simples sous-traitants fabriquant un train sur mesure. C’est la raison pour laquelle les ICE de la Deutsche Bahn sont de purs produits de l’industrie nationale allemande, à une époque où l’Europe sans frontières n’existait pas.

En France, en Italie et en Allemagne, l’histoire de la grande vitesse ferroviaire a d’abord été celle d’un soutien de l’État par le biais de programmes de recherche scientifique. En 1979, alors que l’Allemagne étudie son célèbre train à sustentation magnétique Transrapid, le ministère fédéral de la recherche et de la technologie commande le développement d’un concept de « véhicule d’essai et de démonstration roue/rail » pour la grande vitesse. On préférait alors repousser les limites de la technologie traditionnelle roue/rail plutôt que de s’engager dans des technologies trop disruptives à l’époque.

Great-British-Railways
(photo Deutsche Bahn pressroom)

La DB, avec l’industrie nationale, construisit alors l’InterCity Experimental (également appelé ICE/V pour Versuch = essai). Ce train conçu à partir de fin 1979 fut construit entre 1983 à 1985 et servit pour divers tests jusqu’à sa mise hors service le 1er janvier 2000. Il s’agissait d’une rame courte de deux motrices encadrant trois voitures. Sa vitesse maximale autorisée était de 350 km/h. Ce train fut aussi une vitrine de la filière industrielle allemande, comprenant notamment Krupp, Henschel, Krauss-Maffei, Siemens, AEG, BBC et Thyssen-Henschel.

En 1985, le premier trajet d’essai est effectué de Munich Freimarn à Ingolstadt et retour en septembre. Le 26 novembre, l’ICE/V établit un nouveau record ferroviaire allemand : sur la ligne Bielefeld-Hamm, elle dépasse pour la première fois les 300 km/h. En 1988, l’ICE/V établit un record mondial de 406,9 km/h sur la nouvelle ligne à grande vitesse Fulda-Würzburg. La conception du train montre une différence majeure avec le TGV français. Les Allemands, comme les Japonais et les Italiens, ont préféré conserver la solution classique de voitures à deux bogies conventionnels pouvant être éventuellement dételées (en atelier), permettant ainsi de jouer sur la longueur des trains. Cette architecture sera celle de tous les ICE produits ensuite par l’industrie allemande.

Le 2 juin 1991, le concept ICE était mis en service avec 19 rames ICE1 disponibles. Le premier ICE fut celui de 5h58 entre Hambourg et Munich. La seule portion à grande vitesse se situait entre Hanovre et Wurtzbourg, une ligne de 327 kilomètres avec 63 tunnels et plus de 34 ponts, construite à partir de 1973 et mise en service par étapes entre 1988 et 1991. Une autre ligne de 99km était mise en service à la même date, entre Mannheim et Stuttgart, comprenant 12 tunnels et 6 ponts.

Deutsche-Bahn-ICE
(photo Deutsche Bahn pressroom)

Nous trouvons ici une autre différence avec la France. En Allemagne, les lignes nouvelles accueillent aussi des trains classiques ainsi que des trains de marchandises la nuit. Il a alors fallu concevoir une infrastructure avec un minimum de pentes, ce qui impliquait beaucoup d’ouvrages d’art. La ligne nouvelle de 177 kilomètres entre Cologne et Francfort, mise en service en 2002, est la seule à être spécifiquement conçue uniquement pour le train à grande vitesse, avec des pentes allant jusqu’à 40 pour mille.

Le matériel roulant utilisé en 1991 comportait 58 rames appelées ICE 1, composées de 12 voitures encadrées par deux motrices, soit 365m au total pour une capacité de 649 places. Elles furent construites entre 1988 et 1993 par Siemens, KM, Henschel, AEG, Krupp, Düwag, WU, BBC, LHB, MAN et MBB. Le 27 septembre 1992, un ICE arrivait pour la première fois en gare de Zürich. La Suisse devient ainsi le premier pays à compter sur son réseau ferroviaire deux types de train à grande vitesse : l’ICE et le TGV-PSE. 

Deutsche-Bahn-ICE
(photo Deutsche Bahn pressroom)

L’une des demandes des clients allemands était le maintien à bord du nouvel Intercity d’un « vrai » restaurant. La voiture-restaurant, également appelée Bordrestaurant, compte au total 40 places assises. La voiture-restaurant est facilement reconnaissable à son toit surélevé, qui est 450 mm plus haut que le reste du train. Cela était nécessaire pour que tous les équipements de cuisine puissent entrer dans la voiture. Contrairement à toutes les autres voitures intermédiaires, la voiture-restaurant n’a pas de portes latérales permettant aux passagers d’entrer ou de sortir de la voiture depuis le quai. Il y a cependant une porte dans la zone de la cuisine qui ne peut être ouverte que de l’intérieur.

Au niveau du service des trains, les ICE étaient intégrés dans l’horaire cadencé longue distance qui faisait la réputation de la Deutsche Bahn depuis 1979. C’est d’ailleurs pour cette raison – et c’est encore une différence avec la SNCF -, que la DB continua d’exploiter de nombreux Intercity en rames tractées classiques, les deux types de trains cohabitant dans un vaste service national.

Deutsche-Bahn-ICE
ICE BR401 à Francfort-Hauptbahnhof aux côtés de « l’ancien » InterCity tracté par la 103 132 (juillet 1992, photo K. Jähne via wikipedia)

Cinquième place mondiale
La suite, ce sont près de 1.571km de lignes construites au total et parcourues à au moins 250km/h, ce qui met l’Allemagne à la cinquième place mondiale. Entre 2005 et 2008, les rames ICE 1 ont fait l’objet d’une refonte ar l’installation de sièges plus minces, augmentant la capacité d’accueil d’environ 10%. Avec l’arrivée de l’ICE 2 entre 1995 et 1997, la DB voulut mieux coller à la demande sur certaines sections Intercity, où une rame de 7 voitures suffisait amplement. Le raccourcissement des rames ne nécessitait plus qu’une seule motrice, d’où l’apparition de la voiture-pilote à l’autre bout. Enfin, le fruit de l’expérience acquise avec l’exploitation des ICE 1 avait permis aux ICE 2 de bénéficier d’un certain nombre d’améliorations. Le poids des voitures bénéficia d’une réduction de 5 tonnes, grâce notamment aux sièges plus légers, par utilisation de l’aluminium, aux parois isolantes mais moins épaisses ainsi qu’aux bogies.

La fin des années 90-début 2000 coïncida aussi avec une très forte restructuration de l’industrie ferroviaire en Allemagne, avec le rachat de nombreuses entreprises moyennes par Siemens, Bombardier et Alstom. Il est alors devenu d’usage d’estampiller les ICE comme un « produit Siemens », tout comme les TGV français restent estampillés « Alstom ». Ce « marquage national » demeure encore de nos jours une barrière incontournable : il n’y a aucun TGV à la Deutsche Bahn ni d’ICE à la SNCF. Bombardier, qui concevait son propre train à grande vitesse en Chine sous le nom de Zefiro, n’aura jamais pu intégrer le marché allemand et a dû se contenter de Trenitalia.

Deutsche-Bahn-ICE
Bruxelles-Midi (photo Mediarail.be)

Dans une optique d’exportation, Siemens se lança dans l’étude d’un nouveau train différent des deux premières séries d’ICE. La caractéristique fondamentale de l’ICE 3, qui arriva sur le marché de la grande vitesse entre 2000 et 2006, est la motorisation répartie tout au long de la rame, ce qui en fait une véritable automotrice à grande vitesse. Siemens, à l’inverse d’Alstom, tournait ainsi le dos à la conception motrice + voitures, une option toujours défendue par Alstom. Ces rames de 8 voitures et d’une capacité de 454 places devenaient la plateforme « Velaro » de Siemens. 50 rames monocourant 15kV et 17 rames multicourant furent ainsi construites. Elles furent – et certaines le sont encore -, engagées sur les relations Francfort-Paris, Francfort-Bruxelles et Francfort-Amsterdam.

La Renfe en Espagne ainsi que la Russie optèrent pour l’achat d’ICE 3. Il y eut par la suite une version redessinée de l’ICE 3 sous forme du Velaro UK (Eurostar), Velaro-D (Allemagne) et même Velaro-TK (Turquie). Dans l’intervalle Siemens mettait en service l’ICE-T (tilting – caisse inclinable) et deux ans plus tard, l’ICE TD (inclinable mais en traction diesel), spécialement conçus pour être utilisés sur des itinéraires sinueux. Les trains s’inclinaient jusqu’à 8° dans les courbes mais ce matériel fut largement sujet aux pannes diverses.

Deutsche-Bahn-ICE
Le dernier né : l’ICE 4 (photo Siemens)

La version la plus récente est à présent l’ICE 4. Le contrat initial avec Siemens, signé en 2011, spécifiait une conception permettant une composition flexible des trains (entre 5 et 14 unités), avec 24 variantes différentes, chacune composée de voitures motrices et de voitures remorques. Le 26 septembre 2018, le conseil d’administration de la DB a approuvé l’achat de 18 rames supplémentaires de sept voitures et de 50 voitures à ajouter aux rames alors en commande. En 2020, il a été annoncé que jusqu’à 50 rames de 13 voitures seraient mises en service à partir de 2021. Ces trains plus longs feront 374 mètres de long et pourront transporter jusqu’à 918 passagers. Leur vitesse de pointe sera également plus élevée que les autres modèles, à 265 km/h.

Et maintenant ?
Hors pandémie, environ 100 millions de voyageurs étaient comptabilisés chaque année sur les ICE, sur un total de 140 millions de voyageurs grande ligne. Près de 200 gares sont touchées par un service ICE en Allemagne, ainsi qu’une cinquantaine dans les pays voisins. 330 rames sont disponibles pour le service quotidien. En trente années, l’ICE a maintenu la Deutsche Bahn – et l’Allemagne -, au coeur du système ferroviaire à grande vitesse, aux côtés de la France, de l’Italie, de l’Espagne, du Benelux et bientôt, de la Grande-Bretagne. Bon anniversaire !

Deutsche-Bahn-ICE
(photo Deutsche Bahn pressroom)

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Bade-Wurtemberg : péripéties et défis de l’appel d’offre régional

Les nouvelles rames Stadler Flirt ont eu du mal au démarrage, mais cela s’est arrangé

Un des Land les plus offensifs en matière de concessions ferroviaires régionales a eu plusieurs problèmes de qualité ces deux dernières années. Des trains supprimés, un manque de conducteurs, des retards de livraisons du matériel roulant, certains prestataires ont failli. Des failles dans le modèle allemand ? A voir. Dernièrement, c’est DB Regio qui se fait sortir pour d’important manquements sur une de ses concessions.

Le ministre régional des Transports du Bade-Wurtemberg, Winfried Hermann (Ecolo), peut souffler. Les concessions ont enfin atteint un niveau de service acceptable. Annulations de trains, blocage de portes, absences du personnel et manque de place assises ont rendu les années 2019 et début 2020 catastrophiques. À tel point qu’un questionnement plus général faisait jour à propos du modèle allemand de concession des services régionaux.

L’investissement ferroviaire du Land est colossal et les résultats prometteurs : en 2011, il y avait 65 millions de trains-kilomètres, en 2021, le Land en gère désormais près de 80 millions, dont 46% sont exploités par des prestataires privés. Les trois principaux acteurs sur les concessions régionales sont DB Regio, Abellio et le britannique Go Ahead. Contrairement à d’autres Lander, le Bade-Wurtemberg préfère acheter lui-même ses trains pour les louer ensuite aux opérateurs. Une option dictée pour l’expérience du passé quand, selon le ministre vert, « le Bade-Wurtemberg était le dépotoir du matériel roulant de la Deutsche Bahn » (sic). Propos probablement surdimensionnés pour justifier la politique du Land. Exit donc « les vieilles carrosseries » (entre-temps la DB a aligné tout de même du bon matériel), et place à 355 rames toutes neuves, dont 300 seraient actuellement livrées… et exploitables. Ce ne fut pas de tout repos, loin s’en faut. Stadler et Bombardier ont accumulé de gros retards dans les livraisons et le matériel livré ne fut pas toujours exempt de défauts. Pour une commande globale qui atteint les deux milliards d’euros, il y avait de quoi se taper la tête contre le mur. Et pour pallier au manque de conducteurs, le ministère des Transports du Land a riposté avec un «pool de conducteurs de train» de 50 personnes qui sera opérationnel jusqu’en 2025 au moins. Au final, le Bade-Württemberg ne va-t-il pas finir par créer son propre chemin de fer, pour faire plus simple ?

Mais au-delà du matériel roulant, il y a le service des trains. C’est ce qui touche bien-sûr le plus les… voyageurs/électeurs du Land. Un service qui peut coûter cher en compensations : de juin 2019 à janvier 2020, près 17.500 personnes avaient reçu une compensation, coûtant au Land près de 17,5 millions d’euros. Mais ce 1er mars 2021, Winfried Hermann déclarait « que nous sommes sur la bonne voie. » Il faut dire qu’en cette année d’élections en Allemagne, l’heure est au bilan. Le taux de ponctualité, entaché par des travaux d’infrastructure de DB Netz pas toujours en lien avec les demandes du Land, semble avoir rebondit pour atteindre 94%. Mais n’est-ce pas du aussi au Covid19 et à moins de monde sur les quais ?

Mais quand le service n’est pas bon, il faut en tirer des conclusions et on annule le contrat ! C’est ce qui vient d’arriver à… DB Regio, sur la liaison transfrontalière entre Singen et Schaffhouse, en Suisse. Ce n’est pas un gros trafic, mais tout de même, cela fait tâche. La concession devait se terminer en 2023, elle s’arrête cette année. En cause : une performance du service ferroviaire fortement critiquée en raison de l’annulation des services et du manque de places assises. La DB n’alignait qu’un nombre minimal d’automotrices BR426 à deux caisses et les faisait entretenir… à 150 kilomètres de Singen, autrement dit à Stuttgart, ajoutant ainsi de très longs trajets à vides. Certains jours, ces mini-trains pour écoliers n’arrivaient pas au rendez-vous du matin. Insoutenable pour un ministre écolo qui vante le transport public et la distanciation sociale dès le plus jeune âge…

De la théorie à la pratique. Ou comment rendre les jeunes futurs électeurs confiants dans les transports publics… (photo Sabine Tesche / Südkurier)

Un nouvel appel d’offres sera lancé par le Bade-Wurtemberg en coopération avec l’autorité des transports du canton suisse de Schaffhouse. « Ce n’est pas une décision contre la Deutsche Bahn (DB) et certainement pas contre le personnel d’exploitation, mais c’est contre le concept d’exploitation et de maintenance. Dans le nouvel appel d’offres, ce ne sera pas seulement le soumissionnaire le moins cher, mais aussi le soumissionnaire avec le meilleur concept global qui l’emportera », déclare Winfried Hermann. « Nous aimerions nous concentrer spécifiquement sur chaque aspect du concept opérationnel. La ligne Singen – Schaffhausen en sera le pilote. L’expérience a montré que des ajustements supposés mineurs peuvent avoir un impact important sur la qualité globale. » Ce qui suppose une bonne expertise ferroviaire au sein de l’administration du Land.

DB Regio va maintenant être scanné sous toutes les coutures. En décembre de 2020, elle a lancé ses Mireo Siemens sur sa nouvelle concession du S-Bahn Rhein-Neckar. On va voir ce qu’on va voir, dit-on à Stuttgart. Comme il se doit, ce n’est plus la DB mais la Landesanstalt Eisenbahnfahrzeuge Baden-Württemberg (SFBW) qui est propriétaire des 57 rames BR463 (un investissement de 270 millions d’euros) et qui les loue à DB Regio pour les 14 ans du contrat qui porte sur six millions de trains-kilomètres annuels. 

Les nouvelles rames Mireo, propriété du Bade-Wurtemberg (photo Siemens)

Ces trains roulent sur le S-Bahn S5 / S51 Heidelberg – Eppingen / Aglasterhausen S-Bahn, sur le nouveau S9 Groß – Rohrheim – Mannheim – Schwetzingen – Karlsruhe, et à partir de décembre 2021, ils rouleront également sur l’ensemble de la S6 Bensheim – Weinheim – Mannheim – Mayence.

Bon bulletin ? On verra la suite des événements et surtout l’après-élections. Mais cette petite chronique permet de donner un petit aperçu de toutes les facettes du service ferroviaire régional « à contrat », ou libéralisé c’est comme on veut. Du moment que cette politique puisse aider le train à trouver sa place dans le quotidien des citoyens, c’est toujours cela de gagné…

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Comment Alstom veut forcer la concurrence grande ligne en Allemagne

Un TGV Duplex Paris-Francfort sur le réseau allemand (photo hpgruesen via Pixabay)

22/02/2021 – Par Frédéric de Kemmeter – Signalisation ferroviaire
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Un numéro récent du Wirtschafts Woche, affectueusement surnommé « Wiwo » en Allemagne, analysait un phénomène très intéressant à propos de la concurrence à grande vitesse.

Comme on le sait, l’Allemagne n’a pas vraiment suivi la chronologie des paquets ferroviaires pour instaurer la concurrence ferroviaire sur son territoire. Le fret ferroviaire a été ouvert à la concurrence très tôt, dès 1994, mais les allemands n’ont pas eu une concurrence intense du secteur grande ligne, prévue depuis 2010 par les textes de la Commission européenne. En revanche, le secteur régional et local, qui sont de pures missions de service public, fut graduellement mis en appel d’offre alors que cette obligation n’arrive que maintenant avec le quatrième paquet législatif de l’UE. Qu’est ce qui aurait motivé un tel calendrier ? Difficile à dire mais on peut lancer quelques hypothèses. Un argument serait que, consciente que le trafic local n’est pas ce qui est le plus rémunérateur ni de plus prestigieux, la DB aurait préféré laisser « les déficits et les batailles politiques locales » aux Länder pour se concentrer sur la « crème du rail » que sont les grandes lignes et la grande vitesse. A une certaine époque, il était question de faire entrer le groupe DBAG en bourse, ce qui pourrait expliquer cette vision. Une autre analyse voudrait démontrer que la DB s’est servie des appels d’offre régionaux pour revoir totalement sa manière de gérer ce secteur très déficitaire et gourmand en main d’oeuvre, mettant les représentants du personnel devant le fait accomplis : « soit on fait moins cher, soit on se retire ».

Aujourd’hui, hors coronavirus, DB Fernverkehr AG gère près de 1250 liaisons quotidiennes, dont 250 vers les pays étrangers. Un pactole de 151 millions de clients annuels que l’opérateur historique compte bien choyer et qui lui rapporte bien plus d’argent et de perspectives que les autres secteurs. Dans ce contexte, s’attaquer à DB Fernverkehr comme l’ont fait Locomore (durant 6 mois), puis Flixtrain, relève du combat quasi héroïque. D’une part à cause de la taille écrasante de l’opérateur public et du monopole de son application mobile, qui est devenue un « automatisme » chez les allemands. Et d’autre part parce que le groupe DB semble jouir d’un support inconditionnel à Berlin, au point que le gouvernement parle de train au singulier, ignorant les autres opérateurs. C’est un sujet de forte controverse en ce moment en Allemagne, car il y aurait deux poids deux mesures…

C’est ici que l’analyse de Wiwo est intéressante. Faute de concurrents, ce serait… le constructeur Alstom qui pourrait changer la donne. Comment ? En offrant à la concurrence son propre TGV Duplex, qui s’appelle aujourd’hui « Avelia », et attaquer le monopole de Siemens qui est l’unique fournisseur à grande vitesse de la Deutsche Bahn. Le constructeur français sait que la Deutsche Bahn n’achètera jamais le « TGV, qui est l’image de la SNCF. C’est donc vers de nouveaux horizons qu’il faut se tourner. « Nous sommes en pourparlers concrets avec des entreprises clientes qui souhaitent entrer sur le marché allemand du transport longue distance », a déclaré au Wiwo Müslüm Yakisan, responsable d’Alstom Allemagne, Autriche et Suisse (DACH). Alstom profiterait donc de la « nouveauté » que représenterait un TGV double étage en Allemagne, pour détourner les allemands du binôme DB/Siemens. Le TGV EuroDuplex est déjà présent en Allemagne sur Francfort, Stuttgart et Munich dans le cadre de la coopération Alleo. Reste à voir si, parmi les concurrents évoqués par Müslüm Yakisan, ne figure pas la… SNCF ! Dans ce cas, l’opérateur français mettrait fin de facto à la coopération qu’elle privilégiait tant avec ses voisins…

(photo Urmelbeauftragter via wikipedia)

Cependant, le TGV Avelia double étage devrait être un train bien plus moderne que l’actuel Duplex, dont les fondamentaux datent tout de même de 1996. Alstom, qui sait que l’Europe centrale est son plus grand marché, tente aussi de se défaire de l’image de « TGV SNCF » qui lui colle encore trop à la peau. Car les concurrents ne veulent pas d’une copie conforme SNCF, mais d’un train adapté à la culture allemande et à leur marketing. D’autre part, par cette offensive, Alstom se prépare aussi à affronter les Zefiro de Hitachi Rail, qui vont se répandre en Espagne et très probablement bientôt en France. Hitachi/Bombardier ont pu montrer ce qu’ils pouvaient produire quand les Frecciarossa de Trenitalia ont débarqué en 2015 : un des meilleurs trains à grande vitesse d’Europe. Hitachi ne cache pas sa volonté de le vendre à qui veut sur le Continent. Or l’Italie offre justement la meilleure scène compétitive du monde, avec sur le ring Hitachi et… Alstom. Chacun sait ce que l’autre peut offrir en termes de compétence, de contrat et de maintenance.

La grande question est de savoir comment les nouveaux compétiteurs allemands vont trouver une place au sein du concept Deutschland Takt, un vaste horaire cadencé à la demi-heure à travers toute l’Allemagne. Bien que conçu au niveau de l’État, beaucoup voient dans cet outil prévu pour 2030, un objet conçu avant tout par et pour la seule Deutsche Bahn, qui vient d’ailleurs d’obtenir des commandes géantes d’ICE… chez Siemens.

Nous nous acheminons donc vers une période passionnante où chacun place ses pions pour une nouvel âge de la grande vitesse post-Covid. On est impatient de voir la suite du feuilleton…

(photo Peter Stehlik via wikipedia)


>>> À lire : Wiwo – Frankreichs Doppelstockzug soll ICE verdrängen (en allemand)

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La 103, retour sur une grande dame de la traction


20/02/2021 – Par Frédéric de Kemmeter – Signalisation ferroviaire et rédacteur freelance
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De notre série « Aah, les trains d’hier… »

À l’instar des CC6500 SNCF à leur époque, les E103 de la Deutsche Bundesbahn furent les engins les plus puissants du réseau allemand dans les années 70. Elles sont indissociables de la traction des TEE auxquels elles empruntèrent d’ailleurs la livrée, avant d’assurer toute la panoplie d’InterCity dès 1979.

Au milieu des années 60, alors que les CC40100 SNCF arrivent sur les TEE Paris-Bruxelles-Amsterdam , la DB est confrontée à la nécessité d’augmenter les vitesses commerciales sur son réseau pour pouvoir faire face à la concurrence grandissante des avions de la Lufthansa en trafic intérieur. Le réseau Trans-Europ-Express s’étend et les trains s’allongent, ce qui renforcent les tonnages à tracter.

Critères techniques

En 1961, La remorque d’un train de 300 tonnes à 200km/h, une accélération rapide ainsi que la nécessité de freiner sur une distance de bloc réduite fixait une demande de puissance de 6000kW. Avec les technologies d’époque, ces valeurs militèrent pour l’adoption d’une locomotive à 6 essieux moteurs avec l’avantage de limiter la charge par essieux à 18,7 tonnes (rappelons que le TGV Alstom fait 17 tonnes à l’essieu). Entre 1963 et 1964, des essais de vitesse furent entreprit d’abord avec la locomotive E10 1270 jusqu’à 180km/h, puis à l’aide des E10 299 et 300 sur la section Forcheim-Bamberg. Parmi les changements techniques, de nouveaux bogies avec un rapport de démultiplication différent des séries en service, soit 1,584 au lieu de 1,915 pour les E10 autorisées à 160km/h ou 2,111 pour les autres engins de la série. Les essais Forcheim-Bamberg allaient de pair avec ceux concernant la caténaire, les pantographes et le dispositif de répétition des signaux. 16 types de suspension caténaire et 12 modèles de pantographes furent testés ! L’essai d’un bogie à 3 essieux fut également entreprit avec une locomotive diesel-hydraulique V320 001, qui atteignit 180km/h, ce qui pouvait être un record avec une machine de ce type. Tout mis l’un dans l’autre, la DB pouvait alors sortir un engin tout neuf qui allait devenir l’une des grandes icones de la traction allemande.

Présentation de la E03 004 (carte postale, hauteur inconnu)

Avec les constructeurs Siemens et Henschel, la DB sortit la E03 002 le 11 février 1965, première d’une série de quatre machines de présérie. Elle avait dans le ventre 6 moteurs 12 pôles WB 368/17 entièrement suspendus de 3,6 tonnes chacun. Pour des raisons de commutation et de vitesse du collecteur, la vitesse était bien limitée à 200km/h. Le réglage de la tension aux bornes des moteurs comportait 39 crans, ce qui accroissait la finesse de conduite. Une particularité fut l’installation, pour la première fois en Allemagne, d’un freinage électrique indépendant de la tension de la ligne qui fournissait sur la locomotive un effort de retenue supérieur à celui que fournirait le frein à air comprimé. Cela permettait d’avoir une puissance continue de 4800kW correspondant à un effort de retenue moyen de 16,5 T de 200 à 100km/h. Côté mécanique, les E 03 se distinguait aussi par l’adoption de la « traction basse » mais côté transmission, la DB essaya celle à anneau dansant Alsthom-Henschel sur les E03 001 et 004, et celle à cardan et anneau de caoutchouc avec engrenage unilatéraux sur les E03 002 et 003. Au final, on obtient des machines de 110 tonnes.

Ce qui frappa bien évidemment le quidam fut la forme particulièrement réussie de la caisse, inédite à cette époque. Les deux fronts sont de forme ovoïde spécialement étudié en soufflerie pour une bonne pénétration dans l’air mais surtout amortir le choc à 200 km/h avec un train croiseur. Les parois latérales ont aussi une forme inclinée dans la partie haute.

La 103 001 lors d’un défilé de locomotives à Nuremberg , en mai 2006. On a remis le logo noir et l’ancienne numérotation de 1965 (photo Urmelbeauftragter via wikipedia)

Vitesse et signalisation

Comme en France, les ingénieurs de la DB avaient bien compris que des vitesses s’approchant des 200km/h nécessitaient un complément d’information à bord. Pour transmettre cette information, la DB installa sur la section Munich-Ausbourg, en Bavière, un câble non-blindé ordinaire le long des deux rails, qui se croisaient tous les 100m pour former un point de repérage du train. Tous les 10 kilomètres, ces câbles étaient bouclés et l’émetteur se situait grosso-modo en leur point milieu. Pour recevoir l’information, les E03 étaient munies de deux bobines réceptrices qui faisaient que, tous les 100m, la locomotive reçoive une impulsion. Cette impulsion enregistrée sur la machine localisait le train par rapport à l’émetteur d’une boucle de 10 km. A bord, le conducteur disposait notamment de la distance voie libre devant le train, de la position des barrières de passages à niveau et d’un système d’ordre de mouvement (accélération, freinage). En clair, on inventa là les prémisses de l’ETCS. Nous n’étions qu’en 1965…

La E03 003 en 1965 à l’IVA de Munich, à côté d’un van Volkswagen du plus bel effet… (photo Anm256 via wikipedia)

(photo Sebastian Terfloth via wikipedia)

La E03 fut présenté lors de la fameuse exposition IVA de Munich en 1965, une Exposition internationale des transports. La Deustche Bundesbahn tenait à faire la démonstration européenne d’un service à 200 km/h ouvert au service commercial sur une voie non spécialisée. Un arrêt temporaire destiné aux trains de démonstration avait été construit le long des voies. Un an auparavant, le Japon avait inauguré son célèbre Shinkansen…

Des documents techniques de l’époque montrent que le démarrage effectif du train s’effectuait souvent aux crans 8 ou 9, au lieu du premier cran sur d’autres machines monophasées antérieures. L’accélération de 120 à 150 km/h demandait une puissance de 10.000 à 12.000 kW (autorisé durant 10 minutes) puis encore 7000kW pour atteindre les 200km/h lors des essais en présence du public à bord. Sur la courte section de Munich-Expo à Augsbourg-Hbf, soit 62 km, seuls 45 km étaient autorisés à 200 km/h et cette vitesse n’était finalement pratiquée que sur 28,5 km, soit 46% du trajet, ceci à cause de nombreux points singuliers imposant des baisses de vitesse.

Après d’autres tests, les quatre E03 sont affectées au dépôt de Munich-Hbf et engagées à l’été 1966 sur les TEE prestigieux de la DB, qui peuvent ainsi goûter aux 200 km/h, mais uniquement entre Munich et Augsbourg, Düsseldorf et Cologne ainsi qu’entre Celle et Hanovre. En rampe de 5%, elles peuvent tracter des trains de 500 T à 200 km/h, ce qui fait saliver la direction commerciale qui peut ainsi allonger les trains. À cette date, la E03 se classe en performances juste derrière la Re 6/6 des CFF.

Heureuse préservation de la 103 184, de passage ici à Ostermünchen en 2011, en tête d’une rame TEE elle aussi préservée (photo Steffs88 via wikipedia)

Les excellents résultats obtenus avec les quatre première machines militent pour une commande massive. Mais entretemps, la direction de la voie s’inquiétait déjà d’une usure prématurée des rails et imposa rapidement de redescendre à 160km/h l’ensemble des trains prestés avec les E03. Mais comme cette vitesse n’était pas non plus pratiquée partout, la direction de la traction considéra déjà les 160 km/h comme un pas en avant et conserva intacte l’ambition d’acquérir de toute manière une grande série. Partout en Allemagne, des relèvements de vitesse étaient de toute manière au programme et la traction des « grands trains » requérait un parc de locomotive renouvelé.

Ainsi arriva une commande de 145 machines qui, entretemps, pris la nouvelle numérotation de 1967 pour une série qui s’appela désormais « 103 », le « 1 » désignant les machines électriques. La commande se fit en plusieurs lots. La partie mécanique fut confiée au groupement Henschel, Krauss-Maffei et Krupp, tandis que les appareillages électriques provenaient de Siemens, AEG et Brown Boveri. La 103.109, première « de série », fut réceptionnée en mai 1970. Les 103.101 à 215 qui suivent sont toutes identiques aux quatre premières machines, à l’exception de quelques détails d’aérateurs. Mais à partir de la 103.216, la caisse s’allonge de 70cm pour répondre aux critiques d’exiguïté des cabines de conduite. Les 103.216 à 245, ainsi que la 103 173 livrée plus tard, sont du coup appelées « longues », soit des machines de 20,20m et la numérotation s’adapte alors en créant deux sous-séries : 103.0 pour les 101 à 215, 103.1 pour les 216 à 245 + 173. On notera aussi conversion progressive, dans les années 70 à 75, des pantographes à ciseaux Scheren DBS 54 avec des DBS 67 unijambistes plus adaptés à 200km/h et aux paramètres autrichiens, pays où les 103 pouvaient apparaître du fait de la grande proximité technique entre les deux réseaux.

En 1971, la 103.118 servit directement à diverses recherches. Elle était équipée d’un rapport de démultiplication modifié, ce qui permettait de faire monter la vitesse maximale de la locomotive à 250 km/h sans augmenter le régime maximal des moteurs. Avec cette locomotive, la plage de vitesse entre 200 et 250 km / h a été systématiquement étudiée à partir de 1971 sous tous ses aspects afin de rechercher les fondamentaux pour une nouvelle augmentation des vitesses de croisière générales à long terme. Elle abattit le record de 253km/h en 1973.

>>> À lire : une journée d’essais avec cette 103 118 (en allemand)

Le service des trains

Les 103 sont très rapidement incorporées dans les trains nobles de la DB, dont les TEE qui touchent Munich via Augsbourg. Il en sera ainsi du TEE 55/56 Blauer Anzian Hambourg-Munich, par la suite prolongé sur Salzbourg et Klagenfurt en Autriche. La traction d’autres TEE fit que les 103 vont conserver une grande partie de leur vie la très belle robe beige/pourpre adoptée pour les Trans-Europ-Express allemands. Leur affectation aux trains FD et TEE au début des années 70 font grimper les kilométrages mensuels à une moyenne de 30.000 km, le record étant juillet 1972 avec 50.251 km parcourus. Certaines journées, elles abattent entre 1200 et 1800 km. Au milieu des années 70, les quatre prototypes avaient tous rejoint le dépôt de Hambourg pour des utilisations spéciales de service, notamment des trains de mesure.

Les 103 pouvaient être affectées à d’autres tâches quand arrivèrent les 120. La 103 188 est ici en tête à un train de nuit à Munich en juillet 1985, dont on remarque la voiture-lits juste derrière, aux couleurs TEN rouges (photo Phil Richard via wikipedia)

En 1979, la DB introduit son fameux service Intercity grande ligne cadencé à l’heure sur plusieurs grandes radiales allemandes nord-sud à l’époque, car l’Allemagne s’appelant RFA, Berlin était en dehors du système TEE et Intercity. Toutes les 103 sont de facto désignées titulaires des 152 trains Intercity quotidiens, d’une masse de 550 tonnes, et dont il fallait respecter l’horaire au millimètre vu certaines correspondances quai à quai de parfois à peine 3 minutes, comme à Mannheim. À partir de 1985, le nombre d’Intercity monte à 183 circulations quotidiennes et certains d’entre eux roulent à 200 km/h. Ce sont forcément les 103 qui sont à la tâche qui se voient dotées de la LZB (Linienzugbeeinflussung), un système de signalisation de cabine et de protection des trains que l’on peut traduire par « contrôle continu des trains ».

La 103.003, un des prototypes, établit en juillet 1985 un nouveau record en atteignant 283 km/h. En 1989, deux prototypes entrèrent dans la catégorie 750 (750.001 et 002) ainsi que la machine de la série 103.222 qui pris le numéro 750.003 jusqu’en 2005. La série «7» identifie son caractère de véhicule de service.

Un grand Classique de la DB des années 70-80 : une 103 au crochet d’un intercity en gare de Hanovre en août 1987 (photo Phil Richards via license flickr)

Une seule 103 aura durant deux années une mission particulière. Dans le cadre d’une première tentative de remplacer environ 3000 vols court-courriers annuels par le train, Lufthansa décidait d’opérer un trafic voyageur longue distance entre l’aéroport de Francfort-sur-le-Main et Düsseldorf et Stuttgart. Initié en 1982 avec des automotrices E 403 sur Francfort-Düsseldorf, la liaison avec Stuttgart n’eut lieu qu’en 1988 avec une rame tractée de 3 voitures Avmz 207, offrant au total 126 places assises. En 1991, la liaison avec Stuttgart pouvait utiliser la toute nouvelle ligne à grande vitesse fraîchement inaugurée, mais avec du matériel apte à résister aux pressions en tunnel. Pour atteindre les 200 km/h permis par cette nouvelle ligne, la DB opta sur la seule 103 101, laquelle arbora la livrée du Lufthansa Airport Express.

Lufthansa-airport-expressLa 103 101 très légèrement chargée sur la ligne à grande vitesse Stuttgart-Mannheim

À l’été 1992, le temps de trajet de l’aéroport de Francfort à Stuttgart fut ramené de 90 à 85 minutes. Mais le mariage air/fer pris brutalement fin en mai 1993, malgré des coûts d’exploitation inférieurs par rapport à l’avion et un nombre élevé de passagers. Il est aussi vrai que la DB s’apprêtait à offrir son offre Rail & Fly introduite plus tard, laquelle permet des ICE à l’aéroport quasiment toutes les heures…

D’ailleurs la Deutsche Bahn s’apprêtait à changer complètement le paysage ferroviaire de l’Allemagne.

Les années 90-2000

Baureihe-401-ICELe paysage de la DB est appelé à radicalement changer. L’ICE de série 401 à quai à Francfort-Hauptbahnhof avec en face « un ancien » InterCity tracté par la 103 132 (juillet 1992, photo K. Jähne via wikipedia)

L’arrivée de la grande vitesse en mai 1991 sonna doucement la retraite pour certaines 103, car entretemps les 120 avaient pris de beaux parcours. De plus, la nouvelle ligne à grande vitesse Hanovre – Würzburg inaugurée est interdite aux 103 car les tunnels ne sont agréés qu’aux véhicules pressurisés. De plus, constat était fait en 1988 à l’inventaire que 30% des engins 103 étaient endommagés, l’équipement LZB des véhicules étant particulièrement sujet aux pannes. Mais l’intense service à 200 km/h ne ménageait pas non plus les bogies C dont la maintenance devenait de plus en plus onéreuse. L’effectif de 1997 montrait que 77 machines étaient affectées à Francfort et les 68 restantes à Hambourg-Eidelstedt.

>>> À lire : La série 120 de la DB tire définitivement sa révérence

Cependant, la DB tente de « moderniser » l’image des 103 en les affublant de la livrée ‘Verkehrsrot‘ rouge-orient qui devenait la nouvelle image de la traction allemande, suite à la réunification. Dès 1988 la 103.115 sortait sous ces nouvelles couleurs qui, petit à petit, fut attribuée à environ 45% du parc complet des 103. En 1993, la 103 101 Lufthansa Airport Express recevait elle aussi la livrée ‘Verkehrsrot‘ suite à l’arrêt de ce service comme expliqué plus haut. On voit alors certaines 103 se charger des nouveaux trains Interregio, une sorte de couche intermédiaire entre l’Intercity grande ligne et l’express régional, créée en 1988.

Baureihe-401-ICEUne 103 223 « longue » au crochet d’un Interegio. Elle arbore la livrée Verkehrsrot avec des bandes frontales blanches (photo Phil Richards via license flickr)

En 1994, la réunification des chemins de fer des « deux » Allemagnes en une seule DB AG permit aux 103 de voyager là où elles n’eurent jamais l’occasion d’aller : dans la partie Est d’un pays enfin réunifié ! Les 103 s’élancèrent alors jusqu’à Berlin et Leipzig, avec aux commandes des conducteurs ex-DR (Deustche Reichbahn) qui ne les avaient jamais connues.

En 1995, la DB fait encore une tentative sur le segment touristique en créant des ‘Urlaub Express‘, des trains de vacances. À cette fin, la 103 220 se voit dotée de la plus folle livrée jamais entreprise, mélangeant diverses couleurs bleu saphir, vert feuille, jaune signalisation, bleu ciel et blanc, pour symboliser les éléments de l’eau, de la terre et de l’air. Surnommée ‘Paradiesvogel‘ (Oiseau du Paradis), la 103.220 fera le bonheur des photographes. Pour peu de temps ! Encore une fois, l’offre n’a pas collé avec les desiderata du monde de l’industrie touristique et l’essai se termina en 1997. Cependant, la 103.220 ne revînt pas à sa livrée d’origine ni à la ‘Verkehrsrot‘ rouge-orient, et resta en l’état jusqu’à son retrait de service.

Malgré la poussée grandissante des services ICE, les 130 abattaient en 1997 des kilométrages toujours aussi impressionnants, de l’ordre de 1420km par 24 heures. On les voit sur des Bâle-Berlin via Cologne et même effectuant l’intégralité du parcours des trains de nuit EN 491/490 Hambourg-Vienne, soit 1131km et une mobilisation de plus de 12 heures, avec un trajet qu’elles refirent le soir même au retour.

2002 : la fin officielle

Voyant ses services se réduire de plus en plus, les 103 ont tout doucement quitté la scène ferroviaire au début du XXIème siècle, quasiment sur la pointe des pieds. Officiellement, la série 103 perdait la totalité des services de trains au diagramme horaire de décembre 2002 (horaire 2003). Cependant, la DB maintenait encore en service une flotte réduite de 103 pour quelques ultimes services. Ostensiblement retenues pour les mettre en tête de trains spéciaux, les planificateurs de la DB contribuèrent à maintenir des 103 en bon état en les inscrivant dans des services réguliers réguliers comprenant des EuroCity internationaux, des trains de nuit, quelques InterCity ainsi que des remplacements d’ICE. C’est ainsi qu’on pouvait encore en voir dans la vallée du Rhin

La 103.245 en tête d’un train de nuit de la DB, à Munich en juin 2007 (photo Sebastian Terfloth via wikipedia)

En 2015, la 103.222, qui dispose des bogies de la 118 dont on parlait plus haut, était vendue pour 551.000 € à la société RailAdventure, une société basée à Munich-Neuhausen et qui s’occupe des transferts de matériels roulants non-homologués et, depuis quelques années, de l’événementiel au travers de Luxon, dont nous avons déjà parlé à cette page. En 2015, la 103.222 a fait l’objet d’une nouvelle inspection générale à Dessau avec la livrée d’entreprise ‘RailAdventure’.

La 103.222 en tête d’un transfert de Vectron destinées à la Finlande. L’écartement russe du réseau finlandais a imposé ce transfert sur trolleys spéciaux jusqu’à Kiel, au bord de la Baltique (photo RailAdventure)

Depuis décembre 2016, soit 51 ans après la sortie des quatre prototypes, plus aucune 103 n’était au programme. Néanmoins, 17 exemplaires, incluant la 222 de RailAdventure, sont pieusement conservés dans divers musées d’associations et certaines continuent de parcourir le réseau en tête de trains spéciaux, dont des Trans-Europ-Express historiques. Est-ce cela qui a donné l’idée à l’automne 2020 au ministre allemand Schreur de présenter un concept de « TEE 4.0 » ? L’avenir nous le dira, mais ce sera sans les 103…

Trois 103 à Bremen-Hemelingen. Ou comment terminer en beauté… (1984, photo Benedikt Dohmen via wikipedia)

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L’ERA devient la seule autorité de certification de l’Union européenne

12/11/2020 – Par Frédéric de Kemmeter – Signalisation ferroviaire
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(Zie ook versie in het nederlands op website Duurzaam-Mobiel)

L’Agence pour les chemins de fer (ERA), sise à Valenciennes, est devenue la seule autorité chargée de la certification et de l’autorisation du matériel roulant dans toute l’Union européenne depuis le 1er novembre.

C’est une étape importante du quatrième paquet ferroviaire, du moins pour ce qui concerne son pilier technique. Le 31 octobre était en effet la date limite formelle pour les États membres de l’UE pour transposer dans leur législation nationale les directives sur la sécurité et l’interopérabilité ferroviaires qui constituent ce pilier technique, adopté par le Parlement européen et le Conseil en 2016. Ce pilier technique accorde ainsi à l’ERA les pouvoirs nécessaires pour devenir l’organisme de certification unique en Europe pour les véhicules ferroviaires et les opérateurs de trafic ferroviaire.

Rappelons que depuis une vingtaine d’années, l’industrie a pris le lead en créant et concevant elle-même le matériel roulant, alors que jadis c’était les compagnies étatiques et leur bureau Matériel qui s’en occupait. Jusqu’aux années 90, la totalité des plans étaient dressés par les entreprises historiques qui les transmettaient, parfois sous appel d’offre, à un constructeur. L’industriel sortait alors un prototype pour essais, avant d’entamer la fabrication en série. Une administration ferroviaire opérant uniquement en territoire national, le matériel roulant était très rarement interopérable avec les réseaux voisins.

Depuis l’obligation de l’appel d’offre européen et le libre choix du matériel roulant, la certification est devenue d’une importance cruciale pour qu’un opérateur puisse exploiter ses trains. Or il y a des pays où circulent des matériels et pas d’autres. Exemple avec les automotrices Stadler, totalement absentes de Belgique et de France (hors Leman-Express). Le problème rencontré est une superposition des règles nationales techniques et de sécurité (en particulier régissant les procédures d’exploitation ferroviaire) avec les STI de l’UE, complexifiant le processus d’homologation, et ce n’est pas faute des entités nationales. Les procédures d’autorisation des nouveaux véhicules ferroviaires sont parfois longues et peuvent coûter plusieurs millions d’euros, mais cela dépendait évidemment des nombreux paramètres à certifier pour tel ou tel véhicule, et des modifications à y apporter par les demandeurs. D’après les auditions de la Commission européenne en 2012, les coûts d’autorisation de procédure représentaient jusqu’à 10% des coûts des locomotives par pays. Lorsqu’elles doivent être utilisées dans trois États membres, les coûts globaux triplaient tout simplement pour atteindre environ 30%. D’après un rapport de l’ERA, un nettoyage important a déjà eu lieu en ce qui concerne les règles nationales pour l’autorisation des véhicules, passant d’environ 14.000 en janvier 2016 à 1.050 à la fin de 2019.

Pour accélérer les choses, le quatrième paquet ferroviaire institua donc que l’ERA soit l’unique autorité en charge de la certification. «Nous franchissons maintenant la ligne d’arrivée», déclare aux médias le directeur exécutif de l’ERA, Josef Doppelbauer. «Avec l’extension de nos compétences à l’ensemble de l’UE, nous franchissons une nouvelle étape sur la voie de l’espace ferroviaire unique européen».

Dans le cadre de son nouveau rôle, l’Agence assume dorénavant la responsabilité de l’autorisation des véhicules, de la certification de sécurité et de l’approbation au sol du système européen de gestion du trafic ferroviaire (ERTMS) dans tous les États membres. Avec la transposition du quatrième paquet ferroviaire le 31 octobre, ces nouvelles procédures harmonisées sont désormais applicables sur l’ensemble des 25 réseaux ferroviaires européens, ainsi que ceux de Suisse, de Norvège et… d’Eurotunnel. Le changement principal vise à simplifier les processus et à réduire les coûts administratifs en permettant de demander l’approbation dans chaque État membre simultanément, plutôt que sur un pays par pays. Dorénavant, une seule demande peut être déposée auprès du guichet unique de l’agence. 

L’ERA avait délivré sa toute première autorisation en juillet 2019, couvrant la conformité au type de 30 wagons pour l’exploitation dans plusieurs pays. En septembre dernier, l’ERA atteignait sa 1000e autorisation de véhicule et avait déjà délivré 14 certificats de sécurité uniques. «Les tâches du 4RP (ndlr : 4ème paquet) et les processus étant nouveaux, nous identifions constamment les besoins de clarification ou d’amélioration, mais grâce à l’engagement exceptionnel de tous les experts des différentes unités de l’Agence affectés aux demandes, les processus se déroulent sans problème et les décisions sont prises en temps utile», explique Josef Doppelbauer dans une récente newsletter.

Mais qu’en est-il dès lors des agences nationales, comme la puissante EBA en Allemagne ? Elles restent toujours en action. Ainsi, le constructeur doit toujours envoyer une demande aux agences nationales pour obtenir des informations sur les exigences nationales applicables à l’autorisation, même si cela passe par l’ERA. En cas de modernisation ou de renouvellement, l’agence décide des seules fonctions à évaluer pour la nouvelle autorisation. Car il y a derrière l’application des fameuses STI, des points ouverts ou spécifiques à chaque pays. Ainsi par exemple pour la Suède, où les véhicules doivent être conçus pour fonctionner dans les conditions hivernales nordiques afin d’obtenir une autorisation sans restrictions opérationnelles. Cela signifie dans cet exemple que l’Agence suédoise des transports a besoin d’un essai d’exploitation pour délivrer une autorisation «permanente» sans restrictions opérationnelles. En Suisse, le matériel roulant utilisé sur le réseau ferroviaire doit rester conforme au règlement suisse d’exploitation des trains, conformément à l’article 11a de l’OFT. Certains pays peuvent avoir plus d’exigences que d’autres, songeons à l’Italie et ses règles anti-feu très exigeantes pour rouler dans ses tunnels ferroviaires, qui a motivé les ÖBB de renouveler notamment les Nightjets.

«Un pool d’experts permettra de créer à moyen terme un véritable esprit européen parmi les professionnels du secteur ferroviaire impliqués dans l’autorisation et la certification et de stimuler l’harmonisation des nouveaux processus. Afin d’impliquer encore plus d’agences dans ce pool d’experts, nous continuerons à travailler avec les 9 agences qui n’ont pas encore signé la partie volontaire de l’accord de coopération consacrée au pool d’experts.», explique Josef Doppelbauer.

L’approche unique de l’autorisation des véhicules réduira également le délai de mise sur le marché des technologies émergentes. On songe notamment aux trains à hydrogène qui essaiment pour le moment partout en Europe, ainsi qu’à l’attelage automatique pour wagons de fret. Nul doute que l’industrie va maintenant enclencher le turbo avec cette facilité offerte par l’Europe. Il est crucial pour elle d’opérer des sauts technologiques majeurs, dans un secteur ferroviaire trop habituer aux cycles longs, alors que ses principaux concurrents évoluent dans des cycles courts, que ce soit en véhicule, en logistique ou en digital.

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La Corée réussit un test de train autonome avec la 5G


08/10/2020 – Par Frédéric de Kemmeter – Signalisation ferroviaire et rédacteur freelance
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Le Korea Railroad Research Institute a annoncé le succès des tests de la technologie de contrôle autonome des trains basée sur la 5G sur sa piste d’essai dédiée à Osong.

Le KRRI a été créé en 1996 en tant qu’organisme de recherche ferroviaire en Corée du Sud, dans le but de développer le transport ferroviaire et d’améliorer la compétitivité de l’industrie en déployant des activités stratégiques de R&D. Une piste d’essai sur sa nouvelle technopole de Osong fut achevée en 2019 et les tests avec deux véhicules de taille réduite ont commencé en avril dernier. Le 24 septembre dernier, KRRI a annoncé le succès d’un tout premier test de conduite autonome de train basé sur la 5G. De quoi s’agit-il au juste ?

Il est d’abord crucial de comprendre que, si la photo – la seule disponible -, montre des petits modules, ce n’est pas du tout le retour de idées des années 70, mais un concept destiné, plus tard, à être intégré sur trains lourds. Le système coréen s’écarte de la « méthode de contrôle centralisée » actuelle dans laquelle c’est le sol qui contrôle le train, pour mettre plutôt en œuvre la « méthode de contrôle distribuée », c’est à dire que le train contrôle lui-même sa propre sécurité. Chaque train détermine son propre profil de performance basé sur une communication directe de train à train qui rapporte les positions exactes de chaque convois. Une telle intégrité requiert dès lors la 5G pour absorber en temps réel la masse importante de données et réduire drastiquement le temps de latence. KRRI estime que cela pourrait réduire la quantité d’équipements de signalisation au sol jusqu’à 30%. 

Le délai de communication de la 5G est raccourci et la fiabilité de la transmission et la capacité de transmission des données sont améliorées jusqu’à 20 fois par rapport au système de signalisation existant. La technologie contrôle ainsi l’intervalle précis entre deux trains et peut de la sorte améliorer le débit en ligne.

Mais il y a encore mieux. Le système de conduite autonome permettra aux trains de partager des informations telles que l’itinéraire, les missions d’arrêt et les vitesses de circulation, et de reconnaître, d’évaluer et de répondre à des situations inhabituelles en temps réel. Des tests ont également été menés à l’aide d’une autre technologie qui permettra aux trains de définir leurs propres itinéraires dans les nœuds ferroviaires.

Ces essais sont donc d’un niveau assez poussé, car il n’y a ici de sol que les rails et quelques appareillages. Bien évidemment, ces premiers tests concernent des véhicules très légers, probablement à faible vitesse, et dont les distances de freinages doivent être risibles en regard à l’exploitation du « grand chemin de fer ». Il n’empêche ! Un train qui contrôle sa propre sécurité sans le besoin de circuits de voie – du moins en permanence -, est véritablement disruptif. Les coréens visent probablement à ce qu’un train choisisse lui-même à quelle voie il va stopper dans une grande gare, en fonction de l’occupation en temps réel, en fonction d’un planning-horaire continuellement mis à jour.

Science-fiction ? À voir. La question de l’hétérogénéité du réseau ne semble pas abordée dans cet exemple-ci, alors qu’il s’agit d’une question cruciale pour tous les opérateurs du monde, la (très) lente et douloureuse application de l’ETCS sur nos trains est là pour nous le rappeler.

Reste qu’en Asie, on avance. Il n’y a pas, là-bas, les tergiversations culturelles sur la 5G ni sur les technologies de demain. Les coréens avancent, reculerons peut-être un peu, mais un jour y arriveront.

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La 5G, une technologie clé pour l’avenir de nos chemins de fer

Par Frédéric de Kemmeter – Signalisation ferroviaire et rédacteur freelance – Inscrivez-vous au blog
21/09/2020 –

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Il faut bien-sûr toujours s’interroger sur la finalité d’une nouvelle technologie. Or ce n’est pas le cas en ce moment, où beaucoup de personnes semblent vouloir remettre en cause notre monde moderne sous prétexte qu’on est arrivé « au bout des choses ». Le dossier 5G a migré dans le champ de l’irrationalité, grâce notamment aux réseaux sociaux où apparaissent soudainement des experts auto-proclamés. Pourtant, la 5G n’est pas un gadget « pour regarder des films dans l’ascenseur », mais notamment pour accélérer la modernisation, la fiabilité et la sécurité des trains. Remettons les choses à leur place…

La poussée technologique, qui accélère le développement numérique actuel, est motivée par le développement rapide de micro-puces toujours plus petites et plus puissantes. Celles-ci ouvrent constamment de nouvelles possibilités en matière de développement et d’optimisation des produits. Les principaux produits issus du développement technique sont les smartphones, les tablettes ainsi que les montres intelligentes, les lunettes de données et autres gadgets. L’objectif principal de la 5G est globalement le contrôle et la régulation sécurisés de la communication dans l’Internet des objets, en temps réel. Alors que la 2G, la 3G et la 4G étaient des systèmes de communication purement cellulaires dans lesquels les terminaux ne communiquent toujours qu’avec la station de base, la 5G sera fortement caractérisée par des architectures maillées dans lesquelles chaque nœud de réseau est relié à plusieurs (à tous) autres nœuds de réseau. Ces architectures maillées seront complétées par des concepts cellulaires.

La 5G est beaucoup plus rapide que les générations précédentes de technologie sans fil. Mais ce n’est pas seulement une question de vitesse. La 5G offre également une plus grande capacité, permettant de connecter en même temps des milliers d’appareils dans une petite zone, ce qui n’est pas possible actuellement avec la technologie 4G. La densité d’appareils connectés pourrait être ainsi dix fois supérieure : la 5G permettrait ainsi de gérer jusqu’à 2,5 millions d’appareils au km2, contre 250.000 pour la 4G. De quoi assurer l’essor de l’Internet des objets. La réduction de la latence (le temps entre le moment où l’on ordonne à un dispositif sans fil d’effectuer une action et celui où cette action est terminée) signifie que la 5G est également plus réactive, ce qui peut être intéressant pour les systèmes de sécurité, ce qui peut intéresser les systèmes de sécurité, qui demandent une réaction rapide à la milliseconde. Mais la plus grande différence est que la connectivité et la capacité offertes par la 5G ouvrent le potentiel de nouveaux services innovants. Et cela intéresse hautement l’industrie : la 5G, c’est en réalité un nouvel espace de vente, où on peut lancer des produits qui n’existent pas encore de nos jours. C’est aussi un nouvel espace de travail, avec des possibilités de surveillance et d’exploitation des objets et des actifs, comme les trains ou le comportement de la végétation le long des voies ferrées.

Au-delà de ces aspects industriels, il y a aussi l’aspect marketing. La 5G est considérée comme un formidable argument pour faire du train « un espace de vie comme à la maison ». Le défi : le streaming en continu à tout moment et en tout lieu pour les voyageurs. Faire des activités dans les transports publics qui ne peuvent pas être faites en conduisant une voiture. Offrir du « temps utile » en voyageant est quelque chose d’une grande importance, parce que cet argument permet de contrer le transport individuel, y compris d’ailleurs le vélo. Certains estiment alors que « ce temps utile » serait surtout « du temps inutilement gaspillé et contraire à la décroissance », car on risque « de passer du temps chez Amazon et d’accélérer la consommation ». Pour ces personnes, le trajet doit être « un temps de repos et de sobriété, pas un temps de consommation supplémentaire ». On s’immisce ici dans la vie privée des voyageurs et la 5G « grand public » est considérée comme un gadget de luxe. On entre alors dans le champs politique et social, où les détracteurs dénoncent des dépenses inconsidérées juste pour regarder un morceau de film durant les 20 minutes que vous passez dans le métro. Chacun jugera…

En s’opposant à la 5G « grand public », on s’oppose en réalité à la 5G industrielle, donc à l’avenir du rail, entre autres. Car il n’y a pas deux réseaux séparés. La 5G est pour tout le monde… ou pour personne. Mais il ne faut pas sous-estimer l’impact sur les entreprises. Paul Cuatrecasas, un banquier d’investissement qui conseille les entreprises technologiques, a écrit un livre dans lequel il dit « pour les opérateurs traditionnels, la technologie est soit un virus, soit une vitamine. Le digital est une épée à double tranchant – vous pouvez l’utiliser pour tuer vos concurrents, ou il peut être utilisé pour vous tuer. » C’est ce qui pourrait arriver aux chemins de fer…

À quoi sert la 5G ?
La 5G dans le secteur ferroviaire recouvre beaucoup de domaines. Cela va de l’occupation des trains en temps réel à la surveillance des talus le long de la voie, en passant par la maintenance prédictive, la sécurité des trains et les conduites semi-automatisées de type ATO. Nous avons déjà montrer de nombreuses applications de la 5G sur ce site. Il faut évidemment faire la part des choses entre ce qui sera rapidement possible à faire et des concepts qui ne deviendront réalité qu’à moyen terme.

>>> Voir notre section consacrée au rail digital

Il ne faut cependant pas sous-estimer les coûts de la 5G le long du réseau ferroviaire. La réalité montre qu’une expansion de 3,5 GHz le long des lignes ferroviaires, où la 5G est actuellement principalement utilisée, nécessiterait de nombreux nouveaux sites d’émission qui n’existent pas encore ou dont l’expansion serait très coûteuse. Le coût extrêmement élevé des licences est un argument massue qui a sensiblement freiné l' »appétit » des opérateurs de réseau. Selon le cabinet de conseil MM1 de Stuttgart, personne ne sait actuellement quand les débits de pointe de 10 GBit/s visés en champ libre seront effectivement atteints et comment cette largeur de bande pourra être introduite dans les trains. Grâce à de nouveaux types de vitres qui présentent moins d’atténuation ? Par de nouveaux répéteurs intérieurs à haute performance ? Par le WLAN embarqué, qui est déjà bien surchargé aujourd’hui ? Ces conclusions ne font pas l’unanimité et la bataille des experts fait rage. Il est aussi probable que les opérateurs ferroviaires préféreront d’abord se concentrer sur des domaines prioritaires, liés aux aspects industriels du chemin de fer.

Il y a pourtant des domaines où la 5G demeure essentielle dans le secteur ferroviaire. C’est le cas de l’exploitation des trains. Le risque d’obsolescence des systèmes 2G et 3G est réel, bien que l’industrie du GSM-R garantisse un cycle de vie allant jusqu’à environ 2030. Après cela, le manque de composants et de savoir-faire rendra la poursuite des opérations de plus en plus difficile et plus coûteuse. Ce problème concerne actuellement principalement le système ferroviaire ETCS, qui fonctionne toujours avec la 2G parce que ce format était suffisant pour la transmission voie-machine. La recherche d’un système à l’épreuve du temps implique le choix de la 5G, puisque les spécifications de la 4G sont désormais gelées et qu’elle est déjà dans la seconde moitié de son cycle de vie dans le secteur des réseaux mobiles publics. Cela pose un problème de spectre, mais ce n’est pas l’objet du présent document. Retenons simplement que la 5G est ici essentielle pour l’avenir de l’exploitation des trains, notamment en ce qui concerne l’ATO.

>>> À lire : Allemagne – Rail numérique, ERTMS et ATO pour les trains régionaux

Un autre facteur de progrès est la maintenance prédictive. Sébastien Kaiser, directeur Connectivité & Réseaux au sein de SNCF, nous explique que la SNCF a identifié 28 cas d’usages. « À Lyon, nous testons avec Bouygues Telecom, Ericsson et Samsung, la capacité à remonter les informations techniques des trains dès leur arrivée en gare. Transmettre rapidement ces données aux centres de maintenance afin de gagner en réactivité sur l’identification des pannes et la préparation des actes de maintenance est un enjeu de productivité et in fine de qualité de service.»

La DB vient d’inaugurer un nouvel atelier à Cottbus, à l’Est du pays, près de la frontière polonaise. Sabina Jeschke, membre du conseil d’administration de la DB pour la numérisation et la technologie : « nous saisissons l’opportunité de construire l’atelier de maintenance des trains le plus moderne d’Europe. Cet atelier sera plus automatisé et contrôlé numériquement que tout autre et constitue également une vitrine pour l’ingénierie allemande. Les robots, le ‘learning machine’ [ndlr : l’auto-apprentissage] et l’intelligence artificielle réduiront radicalement le temps que les trains ICE passent dans l’atelier. Les véhicules pourront retourner sur le réseau beaucoup plus rapidement – ce qui renforce la ponctualité. Avec ce nouvel atelier et deux fois plus d’emplois, nous augmentons considérablement nos capacités. Cela est indispensable car la flotte ICE passera à plus de 420 véhicules d’ici 2026. » Siemens, de son côté, a également construit sa vitrine technologique à Dortmund, pour en apprendre au maximum sur la disponibilité des trains régionaux du Nord-Westphalie.

L’exploitation des trains à distance et via le cloud est encore un autre défi qui nécessite la 5G. C’est ce Siemens a testé en Suisse en 2017, mais sur une petite ligne fermée. Le système Iltis de Siemens (utilisé par les CFF depuis plus de 20 ans), et les applications au sol et l’infrastructure informatique sont dorénavant exploitées à distance dans le cloud, depuis le centre Siemens de Wallisellen, à 170 km de la cabine de signalisation de Zermatt. Un des grands avantages du cloud computing est de pouvoir exploiter toutes les fonctions du système de télégestion ferroviaire par acquisition d’une licence, sans devoir se procurer les très lourds systèmes matériels et logiciels nécessaires. Cela évite bien évidemment des options coûteuses. Les ÖBB ont fait un test identique cet été, sur une distance de 55km.

>>> À lire : Dortmund – Siemens construit son propre atelier d’entretien à l’ère des datas

Un dernier exemple est la disponibilité des infrastructures. C’est crucial à la fois pour la circulation des trains, mais aussi parce que désormais, les opérateurs roulent sur le réseau sur une base contractuelle, ce qui suppose la résolution des litiges. Combien de fois n’avons-nous pas eu une ligne fermée plusieurs jours suite à accident, comme en ce moment entre Edimbourg et Aberdeen ? Mesurer le comportement de la voie, des ponts et des talus passe par les données, beaucoup de données. « Les données satellitaires pourraient nous être d’une aide énorme, même en cas de panne. Cette année (2020), nous prévoyons de tester si la technologie peut nous donner un aperçu plus rapide de la situation sur les lignes en cas de perturbation que ce qui est possible actuellement. L’objectif est de maintenir la phase d’incertitude pour les clients aussi courte que possible et de publier une prévision le plus tôt possible, » explique Sabina Jeschke. Les satellites permettent en effet de surveiller l’évolution de la végétation, par comparaison d’images, et retirer des arbres malades ou de consolider un sol qui aurait tendance à bouger. Autrement dit, avec des tonnes de données croisées.

>>> À lire : Comment les satellites et l’intelligence artificielle surveillent la végétation

Tout cela démontre que la 5G est une technologie importante pour l’avenir du chemin de fer et qu’il faut la prendre sur son côté « progrès ». La même remarque peut d’ailleurs être faite pour de nombreux autres secteurs, comme la surveillance des forêts, des glaciers ou encore dans le domaine de la santé, qui sont des éléments cruciaux pour notre propre avenir. Si, en plus, on peut regarder des films en streaming, c’est bien, mais ce n’est pas la priorité des chemins de fer…

Sources:

2016 – Eurailpress.de – 5G ermöglicht Bahn 4.0

2019 – Sabina Jeschke, Vorstand Digitalisierung und Technik Deutsche Bahn – 5G für die Schiene

2019 – Bahn und Fahrgast Kommunikation – Von 2G/GSM-R zu 5G/FRMCS aus SBB-Perspektive

2020 – L’Usine Nouvelle – 5G, mythes et réalités

2020 – Ofcom – What is 5G?

2020 – Christophe Leroy – Le Vif/L’Express – La 5G est-elle dangereuse pour la santé?

21/09/2020 – Par Frédéric de Kemmeter – Signalisation ferroviaire et rédacteur freelance
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Pour approfondir :

Télécharger la mise à jour de l’ETCS ou l’interface nationale comme une application ?
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FRMCS-GSM-RFRMCS, une clé pour l’ERTMS et la numérisation du rail
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Numérisation : ÖBB veut entrer dans le cloud

La numérisation de l’infrastructure fait partie des progrès importants pour le gestion du trafic. Les autrichiens ont débuté cette transformation dès cette année.

Des réseaux comme le belge Infrabel savent ce que cela veut dire : la gestion du trafic passe en Belgique de 200 à 30 cabines de signalisation, déjà en service, pour 3.600 kilomètres de lignes. La recette : des « loges » de la taille d’un conteneur gèrent un ensemble variable de plusieurs signaux et aiguillages. Elles sont installées le long de la voie tout proche des équipements mais, et c’est là que joue la numérisation, ces loges sont reliées entre elles par un réseau de fibres optiques, jusqu’à la cabine de signalisation qui la gère. Le rayon d’action peut aller loin, 40, 60 voire 100 kilomètres, puisque les ordres donnés passent à la vitesse de la lumière dans les fibres de verre. L’autre avantage de la fibre optique est que la cabine de signalisation reçoit en retour, de manière tout aussi rapide, une confirmation que l’équipement a reçu l’ordre et que, par exemple, les aiguillages sont bien verrouillés comme demandés. Ce contrôle sécurise fortement la gestion du trafic, et tout est enregistré sur serveur, au cas où on voudrait analyser un incident ou faire des statistiques.

Le verrouillage de différents aiguillages dans une position donnée est un traçage d’itinéraire. Dans les gares moyennes et grandes, des dizaines de combinaisons, dépendantes du nombre d’aiguillages, sont ainsi possibles pour orienter les trains et veiller à leur sécurité. Le verrouillage momentané des aiguillages (quelques minutes à peine), est ce qu’on appelle un enclenchement (interlocking en anglais). Une fois « enclenché », l’itinéraire n’est plus modifiable jusqu’à ce qu’un train « l’emprunte » et, après son passage, le « libère ». Cette libération fait appel à des compteurs d’essieux ou parfois des circuits de voie qui sont des éléments de détection des trains. Une fois « libérés », les aiguillages déverrouillés sont mis à disposition pour former un nouvel itinéraire décidé par l’opérateur en cabine de signalisation. Dans certaines gares aux heures de pointe, les aiguillages peuvent ainsi changer de position tous les 3-4 minutes. C’est un peu scolaire, mais cela permet à tout le monde de comprendre…

Du 9 au 19 août, la gare autrichienne de Linz est devenue « numérique » au sens de son exploitation. En dix jours, tous les éléments ont été intégrés dans le nouveau système d’enclenchements, en 16 sous-phases et par plusieurs équipes. D’une durée totale de deux ans, le projet consistait à « basculer » comme on dit, près de 232 aiguillages et 507 signaux lumineux, sur un rayon d’action dépassant largement la gare elle-même. Le système d’enclenchement a ici été réalisé avec la technologie Elektra fournie par Thales, également exploitée en Hongrie, en Bulgarie et en Suisse. Elektra est homologuée selon les normes CENELEC avec un niveau d’intégrité de sécurité 4 (SIL 4).

Cet exemple concret permet de mesurer la quantité de données que fournissent chaque jour, chaque heure et chaque minute le trafic ÖBB :  ponctualité des trains, mouvements des lames d’aiguillages, consommation d’énergie, comportement des signaux et des équipements de détection, etc… Une quantité qu’il convient d’ingurgiter !

(photo Thales)

L’objet de ÖBB Infrastruktur est de se débarrasser des 660 cabines de signalisation et migrer vers un cloud centralisé ! Les cabines de signalisation ne disparaîtraient pas pour autant mais seraient en nombre très réduit. Chez ÖBB, un vaste programme de numérisation a été introduit dès 2010. L’accent avait d’abord été mis sur l’utilisation de solutions standardisées à l’échelle de l’entreprise, assurée par une planification et une hiérarchisation communes à tous départements de la holding. Les objectifs de cette stratégie informatique ont pu être atteints grâce à une coopération constructive entre les départements et « à un mélange « sain » de prestations de services informatiques tant internes qu’externes, » explique-t-on dans l’entreprise. L’informatiques du groupe a été regroupée dans un centre de services partagés et placée sous la dénomination de « Business-IT » au sein de la ÖBB Holding AG dès la fin de 2012, de manière neutre sur le plan organisationnel. 

Vers une utilisation du cloud
Le cloud est un ensemble de matériel, de réseaux, de stockage, de services et d’interfaces qui permettent la fourniture de solutions informatiques en tant que service. Pour la gestion des actifs du système de signalisation, le cloud pourrait être une solution, étant donné les grandes quantités de données dispersées dans différents référentiels. L’utilisateur final (service de maintenance ou opérateurs) n’a pas vraiment besoin de connaître la technologie sous-jacente. Les applications de collecte et de distribution des données peuvent être dispersées dans tout le réseau et les données peuvent être collectées en plusieurs endroits sur divers appareils (tablettes, PC,…). De plus, un des grands avantages du cloud computing est de pouvoir exploiter toutes les fonctions du système de télégestion ferroviaire par acquisition d’une licence, sans devoir se procurer les très lourds systèmes matériels et logiciels nécessaires. Cela évite bien évidemment des options coûteuses.

Peter Lenz, l’ancien CIO du groupe ÖBB, expliquait que le cloud computing peut être rajouté à un portefeuille de services informatiques déjà existants. « En même temps, nous nous rendons compte que certaines solutions ne peuvent être proposées que sous forme de services de cloud computing à l’avenir. Nous nous préparons donc à leur utilisation. » Mais lesquelles ? Les ÖBB ont établi une catégorisation qui définit des règles d’utilisation claires pour les services du cloud. « Elle définit ce que nous voulons et sommes autorisés à faire dans le cloud et ce que nous ne pouvons pas faire. Nous testons actuellement [ndlr en 2016] ce projet de politique en matière de cloud computing et son applicabilité sur des cas concrets d’utilisation, » détaillait Peter Lenz. Un de ces cas concerne précisément les enclenchements dont nous parlions plus haut.

Le cloud computing a déjà été testé en Suisse. En 2017, la société privée Gornergratbahn (Zermatt) et Siemens ont célébré le premier système de contrôle ferroviaire fourni en tant que service. Le système Iltis de Siemens (utilisé par les CFF depuis plus de 20 ans), et les applications au sol et l’infrastructure informatique sont exploitées à distance dans le cloud, depuis Siemens à Wallisellen, à 170 km du centre de contrôle de Zermatt. Il s’agit du premier système de télégestion ferroviaire mondial pouvant être exploité dans cloud. En cas de besoin, le chef de sécurité du trafic ferroviaire peut en option activer un ordinateur auxiliaire sur site, permettant de gérer à nouveau les postes d’aiguillage du GGB de manière autonome depuis Zermatt. Bien évidemment, on est dans un environnement homogène, en circuit fermé. Ce n’est évidemment pas représentatif d’un réseau ferroviaire à l’échelle nationale. N’empêche…

Cette année, les ÖBB s’y sont mis aussi. Dans une démonstration en direct, il a été montré comment un enclenchement peut fonctionner dans le cloud. Le contrôle de la cabine de signalisation de la gare de Wöllersdorf a été pris en charge par un ordinateur cloud afin de régler les signaux et les détections, et ce depuis le siège de Thales à Vienne, à 55 kilomètres de là. La démonstration a montré que cela fonctionnait, bien évidemment à petite échelle. Elle avait pour but de vérifier les possibilités de décentralisation des opérations d’enclenchements. La tâche est maintenant de rendre l’innovation utilisable dans les opérations quotidiennes le plus rapidement possible et à l’échelle de tout le réseau autrichien.

La gestion des enclenchements par le biais du cloud suscite encore des débats, et les autrichiens en ont tout autant que d’autres réseaux. Dans un environnement physique contraint par l’urbanisation et les subsides publiques, l’option de multiplier les voies à l’envi n’est plus la politique des gestionnaires d’infrastructure. Il va falloir faire avec ce qu’on a ! Peut-on dès lors augmenter la capacité de la signalisation ferroviaire en la mettant dans le cloud ? C’est ce que tentent les ÖBB. Mais le défi dans un environnement ferroviaire est de rendre les technologies telles que le cloud computing, la communication sans fil ou les solutions IoT industrielles utilisables selon les exigences de sécurité les plus élevées et garantir ainsi la disponibilité optimale du système ferroviaire. Par ailleurs, on l’a vu plus haut, qu’il y ait un cloud ou pas, la quantité d’équipements reste importante sur les voies et dans les gares.

Thales, qui est surtout un fournisseur de solutions dans les secteurs de la sécurité et de la défense de nombreux gouvernements, veut répondre aux défis de niveau SIL 4 exigé par le ferroviaire à grande échelle. Il n’est pas clair pour l’instant jusqu’où les ÖBB comptent aller dans la direction du cloud computing, mais l’entreprise publique cherche et teste. Se pose tout de même la question du gestionnaire du cloud : que se passerait-il si celui-ci était amené à faire défaut à l’avenir, et de manière imprévisible ? Quid de la cybersécurité, dont on peut raisonnablement pensé qu’elle est au cœur du système ?

 

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Allemagne : rail numérique, ERTMS et ATO pour les trains régionaux

Le Land du Bade-Würtemberg – encore lui -, a publié un appel d’offres pour 120 à 130 rames électriques régionales. Fait nouveau : elles doivent contenir un certain degré d’ATO. Et Hambourg se dote aussi de rames avec ATO.

Comme nous l’avions présenté dans un autre article, le Land du Bade-Würtemberg est propriétaire de sa propre société de crédit-bail publique, la Landesanstalt Schienenfahrzeuge Baden-Württemberg (SFBW). L’idée est que le Land, financièrement sain, peut contracter des prêts à des conditions nettement plus avantageuses pour financer de nouveaux véhicules que ce qui serait possible pour des entreprises qui arrivent sur le marché des transports locaux. Le but est d’éviter que la Deutsche Bahn – qui peut bien-sûr toujours se porter candidate -, n’impose son matériel roulant aux Länder, éliminant de facto la concurrence. On rappellera que le Bade-Würtemberg a un « ministre » des Transports écologiste, favorable à ce système…

>>> À lire : La régionalisation du rail, garante du service public

C’est donc le SFBW qui vient de publier un appel d’offres pour 120 à 130 rames électriques régionales, mais obligatoirement dotées d’un degré d’ATO. Il est assez remarquable qu’une autorité régionale mette ce point technique en avant, alors qu’en général c’est le contractant qui l propose. L’ATO se superpose au système ETCS de niveau européen. Le gouvernement du Land prend d’ailleurs la peine d’expliquer ce qu’est l’ETCS de manière générale, comme on peut le voir à cette page.

Côté technique, le SFBW a inscrit dans son cahier des charges des trains qui doivent avoir une accélération de départ d’au moins 1,2 m/s² lorsqu’ils circulent à la fois individuellement ou en unités multiples accouplées. Le freinage ne doit pas descendre en dessous de 0,75 m/s² à des vitesses de 200 km/h à 0 km/h et 0,9 m/s² à des vitesses de 160 km/h à 0 km/h. Le SFBW compte en effet faire circuler des trains à 200km/h, ce qui n’est le cas aujourd’hui que sur la ligne nouvelle NBS reliant Stuttgart à Mannheim.

Série 463 « Mireo » de Siemens, exploité par DB Regio, qui a gagné quelques lignes du réseau du Bade-Würtemberg (photo SWEG).

Rappelons brièvement que l’ATO – Automatic Train Operation – est un fonctionnement dans lequel le contrôle du train est partiellement ou entièrement pris en charge par un ordinateur à bord. L’ATO est déjà fonctionnel dans le monde mais généralement sur des missions répétitives tout au long de la journée, comme certains métros ou transports publics suburbains. Il comporte quatre niveaux :

  • GoA1 – conduite classique avec gestion des portes et des urgences d’exploitation;
  • GoA2 – conduite automatique avec conducteur à bord pour reprendre le contrôle du train en cas de besoin;
  • GoA3 – conduite automatique sans conducteur, mais avec un autre personnel présent dans le train pour reprendre le contrôle;
  • GoA4 – conduite automatique sans personnel dans le train.

L’ATO a déjà eu un test en 2018 sur le Thameslink de Londres. Le conducteur a vérifié les quais, fermé les portes, puis a sélectionné l’ATO d’un simple bouton jaune. le train avec sa signalisation en cabine a ensuite continué sous contrôle automatique à travers Farringdon, City Thameslink et London Blackfriars. Il a finalement arrêté l’ATO à sa sortie de London Blackfriars (bouton rouge) pour reprendre la conduite normale.

L’ATO britannique sur le Thameslink (photo GTR)

>>> À lire : Le train autonome : où en est-on réellement ? (2018)

Richard Plokhaar, analyste principal des opérations ferroviaires à la société d’ingénierie canadienne Gannett Fleming, détaillait tout de même dans Railtech.com que « l’ATO n’est en principe pas aussi compliqué qu’il y paraît. » La question la plus importante n’est pas non plus de savoir comment détecter les obstacles sur la voie et éviter les collisions de train. « C’est juste une question de caméras et de systèmes LIDAR appropriés. Le train détecte un obstacle et s’arrête automatiquement. » Mais, ajoute-t-il : « le plus important est de trouver la bonne solution pour maintenir un train immobilisé qui a effectué un arrêt d’urgence. » Et de faire en sorte qu’il ne reparte pas inopinément, par exemple avec des portes encore ouvertes…

Dans le cas du Bade-Würtemberg, tous les véhicules doivent être équipés d’unités ETCS avec Baseline 3 Release 2 (SRS 3.6.0) et ATO de niveau GoA 2. Ils doivent également être compatibles avec le développement du FRMCS – Future Railway Mobile Communication System -, qui doit remplacer le GSM-R actuel, technologie en fin de vie. Il s’agit du futur système de télécommunication mondial conçu par l’UIC, en étroite collaboration avec les différents acteurs du secteur ferroviaire, en tant que successeur du GSM-R mais aussi en tant que catalyseur clé de la numérisation du transport ferroviaire.

Ce projet est un écho au lancement, la semaine dernière, par le ministre fédéral des Transports Andreas Scheuer (CSU), d’un projet de « vitrine pour le rail numérique » :  la région métropolitaine de Stuttgart, capitale du Bade-Würtemberg, serait le premier hub ferroviaire numérisé en Allemagne. Des investissements totalisant 462,5 millions d’euros sont prévus pour cela jusqu’en 2025. À cette date, les trains longue distance, régionaux et S-Bahn circuleront dans le nœud de Stuttgart sur un réseau équipé des dernières technologies numériques. En plus de la nouvelle gare principale (projet Stuttgart 21) et des autres gares, plus de 100 kilomètres de lignes régionales seront initialement équipées d’enclenchements numériques, du système de contrôle des trains ETCS et d’opérations de conduite de type ATO. Compte tenu des bugs récurrents de l’ETCS, on sera curieux de voir la suite des événements.

Quatre rames doivent être homologués pour l’exploitation d’ici juin 2024, suivis par jusqu’à 20 véhicules avant le troisième trimestre de 2024. Entre 70 et 80 rames doivent être approuvés pour l’exploitation des passagers en novembre 2025, et les véhicules restants doivent l’être avant juin 2026.

Par cette politique, le Bade-Würtemberg cherche à rassurer les opérateurs pour qui l’ETCS est avant tout un surcoût sans – disent-ils -, de gain sur les capacités du réseau. Ce programme de numérisation du rail permettrait de démentir cette conviction et il est temps : l’ETCS est un projet qui a maintenant 25 ans !

À Hambourg aussi
Tout au nord de l’Allemagne, la ville de Hambourg dispose aussi d’un remarquable et historique S-Bahn, le RER allemand. Ce réseau mis en service en 1934 totalise maintenant 144 km de lignes et 68 gares. «Digital S-Bahn» est le nom d’un projet sur lequel 300 techniciens et ingénieurs ont travaillé ces deux dernières années, principalement de Siemens. Et on se prépare là aussi pour une autre vitrine.

>>> À lire : Le S-Bahn en Allemagne, chiffres et conception

Contrairement au Bade-Würtemberg, il s’agit ici de quatre rames existantes ET 474 – et modifiées -, qui doivent démontrer le fonctionnement hautement automatisé juste à temps pour le Congrès mondial des systèmes de transport intelligents ITS, qui se tiendra à Hambourg en 2021, si le corona l’autorise ! La première rame vient d’être présentée à la presse et commencera ses tests à l’automne. Les essais se dérouleront pour la première fois sur le tronçon de 23 kilomètres entre Berliner Tor et Bergedorf/Aumühle. Le patron du S-Bahn de Hambourg, Kay Uwe Arnecke, a expliqué:  « Le conducteur du train reste à bord. Il est très important de le mentionner. Il surveille l’itinéraire et peut également intervenir en cas de perturbations. ». Il s’agit donc ici aussi d’un ATO de niveau GoA 2. À l’avenir, la technologie ATO sera également installée sur les rames de série 490.

 

La ville de Hambourg, la Deutsche Bahn et Siemens se partagent les coûts du projet d’environ 60 millions d’euros, et la ville y participe à hauteur d’1,5 million d’euros. Les estimations du projet pilote montrent des gains de capacité de 20 à 30 % sur le réseau S-Bahn, permettant d’introduire davantage de trains et surtout d’accroître la stabilité des opérations. La technologie permettrait une circulation, en théorie, toutes les 60 secondes, contre toutes les trois minutes actuellement. Mais il faudra probablement tabler sur des écarts de 90 à 100 secondes dans un premier temps. Des profils de trafics « optimisés » garantiraient un déplacement économe en énergie et il sera fait usage, comme à Stuttgart, d’une technologie de signalisation et d’enclenchement uniforme permettant une maintenance plus simple.

Moins de coûts d’entretien et pas d’infrastructures coûteuses supplémentaires, ce sont les principaux défis auxquels devra répondre «Digital S-Bahn». Commentaire d’un autre écologiste, le sénateur Anjes Tjarks : « La technologie est une solution pour permettre la croissance du réseau S-Bahn et donc aussi l’avenir de Hambourg ». On peine à retrouver le même enthousiasme en nos contrées latines…

Ces deux exemples montrent d’une part que la digitalisation du rail prend maintenant de l’ampleur : il est grand temps, quand d’autres secteurs des transports sont déjà plus loin. Contrairement aux systèmes déjà existants (pour la plupart en circuit fermé), la particularité de ces projets est que les systèmes mis en œuvre pour le contrôle des trains (ETCS) et la conduite automatique (ATO GoA2) sont basés sur des spécifications européennes harmonisées, ce qui est nouveau, du moins en Allemagne. Et d’autre part, on voit que de plus petites entités comme à l’échelle des Länder ou d’une ville sont plus réactives que de grands mastodontes nationaux qui peinent à se mettre à jour.

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Le S-Bahn de Hambourg n’a pas de caténaire et fonctionne – comme à Berlin -, par troisième rail latéral (photo Metro Centric via license flickr)

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Alstom va tester des locomotives de manœuvre automatiques aux Pays-Bas

(photo Lineas)

Alstom a signé un accord avec le gestionnaire néerlandais ProRail pour procéder à des essais de conduite automatique de type ATO sur des locomotives de manœuvre diesel-hydraulique appartenant à Lineas, opérateur privé belge.

Alstom a signé un accord avec ProRail, l’opérateur d’infrastructures néerlandais, pour procéder à des essais de conduite automatique ATO sur des locomotives de manœuvre en 2021. Les essais seront réalisés au plus haut degré d’automatisation (GoA4) dans une gare de triage. L’objectif est de montrer comment l’utilisation de trains entièrement automatisés peut optimiser l’exploitation ferroviaire et ainsi garantir une mobilité rentable et pérenne face à une hausse de la demande d’opérations de manœuvre.

Alstom équipera pour cela une locomotive de manœuvre diesel-hydraulique appartenant à l’opérateur belge Lineas, avec une technologie de contrôle automatique et d’un système intelligent de reconnaissance et détection des obstacles. Il devrait s’agir d’une HLD77/78 mais ce n’est pas encore précisé. Les tâches ordinaires, telles que le démarrage et l’arrêt, le couplage des wagons, le contrôle de la traction et des freins ainsi que la gestion des urgences, seront entièrement automatisées sans personnel actif à bord du train, sauf pour celles liées au protocole de sécurité des essais.

L’ATO, pour Automatic Train Operation, est un dispositif d’amélioration de la sécurité opérationnelle basé sur un degré d’automatisation par grade allant du niveau GoA 0 (en anglais Grade of Automation), en passant au GoA 2 où démarrages et arrêts sont automatisés, et pouvant aller jusqu’au niveau GoA 4, où le train roule automatiquement sans personnel de conduite à bord. À ce jour, ce sont plutôt les métros en circuit fermé tels la ligne 14 à Paris ou le VAL de Lille qui peuvent prétendre au niveau GoA 4, avec différentes configurations et systèmes de contrôles selon les cas.

Alstom a démontré les avantages de l’ATO, en particulier sur des systèmes de métro à travers le monde. L’expérience montre que l’automatisation entraîne une augmentation de la capacité, une réduction des coûts, des économies d’énergie et  une flexibilité opérationnelle. Les trains automatisés peuvent circuler de façon plus rapprochée, les temps de réaction humains n’étant plus un problème, ce qui permet d’augmenter efficacement la capacité du réseau. Les trains fonctionnent également de façon plus uniforme, ce qui permet une utilisation plus efficace de l’énergie.

L’ATO sur « grand chemin de fer » existe déjà mais n’est pas encore la règle. Il peut être superposé  sur le système de sécurité ETCS de niveau 2 et tous les grands fournisseurs fournissent leur solution. Un test d’ATO de niveau GoA 2 Siemens a par exemple été entrepris avec succès, en mars 2018 au Royaume-Uni, sur la ligne RER Thameslink traversant Londres. Fin 2018, Alstom avait procédé avec succès à l’essai du système ATO à un degré GoA de niveau 2 avec ProRail et une locomotive de fret de Rotterdam Rail Feeding (RRF) sur la Betuweroute, une ligne de fret dédiée reliant Rotterdam à l’Allemagne. Le grade GoA 2 signifie que le train se déplace automatiquement et s’arrête précisément à quai, sans intervention du conducteur, en fonction du profil de trajet fourni par ATO trackside.

L’équipe suisse Auto-Ferrivia a aussi réalisé une forme originale d’ATO sur un train ancien, là aussi avec succès, sur une échelle GoA 2. Son concept d’ATO est largement indépendant sur le plan technologique du véhicule et de l’infrastructure et convient plus particulièrement aux chemins de fer aux conditions d’exploitation simples, sur n’importe quel train, ce qui pourrait intéresser les petites lignes. En février 2020, West Japan Railway a testé avec succès le fonctionnement automatisé des trains sur une section de la ligne de boucle d’Osaka, en vue de l’introduction de l’ATO sur ses itinéraires les plus fréquentés de la région d’Osaka.

En février 2020, Stadler, en collaboration une fois encore avec ProRail, la Province de Groningue et Arriva Netherlands, a mis en service un train d’essai doté de l’ATO avec cette fois un groupe de VIP à bord. C’était la première fois que des voyageurs aux Pays-Bas montaient à bord d’un train qui peut accélérer et freiner automatiquement. Pour garantir la sécurité du train, celui-ci fonctionnait sous un système de protection des trains et sous la surveillance obligatoire d’un conducteur. On le voit, un peu partout, des projets prennent forme.

L’expérience d’Alstom aux Pays-Bas va encore plus loin puisqu’il s’agirait d’une toute première automatisation GoA niveau 4 avec des trains de manœuvre aux Pays-Bas. « Ce projet ouvre la voie à un réseau ferroviaire entièrement digitalisé. Ces essais permettront au système ferroviaire européen de bénéficier d’une plus grande capacité, d’une diminution de la consommation d’énergie et des coûts tout en offrant une plus grande flexibilité opérationnelle et une meilleure ponctualité. Ce test s’inscrit pleinement dans la stratégie d’Alstom, visant à apporter une valeur ajoutée à nos clients pour une mobilité verte et intelligente » commente Bernard Belvaux, Directeur général Alstom Benelux.

En procédant à ces essais aux Pays-Bas, Prorail et Lineas affichent leur volonté d’introduire des trains automatisés et de contribuer au développement de systèmes ferroviaires modernes dans le pays. Alstom entend être un leader en matière d’ATO et participe notamment à Shift2Rail.

(photo Enno)

Un autre projet d’essais d’Alstom vise à mettre en œuvre le système de conduite automatique (ATO) pour des trains de voyageurs régionaux en Allemagne. Ce projet débutera en 2021 avec la collaboration de l’Association régionale de la ville de Braunschweig, du Centre aérospatial allemand (DLR) et de l’Université technique de Berlin (TU Berlin). Après évaluation des voies sélectionnées et de l’équipement nécessaire à la conduite automatique, les essais seront effectués avec deux trains régionaux Coradia Continental appartenant à Regionalbahnfahrzeuge Großraum Braunschweig GmbH.

Pour ce projet, deux trains basés sur la fameuse plateforme Coradia Continental d’Alstom seront dotés du système européen de contrôle des trains (ETCS) et d’un équipement de conduite automatique (ATO) qui permettra aux trains de fonctionner de manière automatique, en testant différents niveaux d’automatisation GoA3 en service voyageurs normal et GoA4 pendant les manœuvres. « La conduite automatique des trains est l’un des défis les plus passionnants de l’industrie ferroviaire. Elle nous offre la possibilité de modeler et de modifier radicalement la gestion opérationnelle de demain. Mais de nombreuses recherches sont encore nécessaires avant d’y parvenir et je suis très heureuse de travailler avec Alstom sur ce projet » a déclaré Birgit Milius, Chef/Professeur du Département des opérations et infrastructures ferroviaires de l’Université TU Berlin et responsable scientifique du projet.

Les résultats de cet important projet contribueront de façon décisive à une meilleure définition du cadre juridique et réglementaire de la conduite automatique des trains. La Basse-Saxe, qui a annoncé son intention d’exploiter des trains régionaux au niveau d’automatisation GoA3, sera à la pointe de la technologie dès que le projet aura fait ses preuves.

(basé sur communiqué de presse Alstom)

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La série 120 de la DB tire définitivement sa révérence


06/07/2020 – Par Frédéric de Kemmeter – Signalisation ferroviaire et rédacteur freelance
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De notre série « Aah, les trains d’hier… »

La série 120, première locomotive à moteurs triphasés des débuts des années 80, tire définitivement sa révérence après plus de trente années de service.

La série 120 de la Deutsche Bahn a officiellement pris sa retraite ce dimanche 5 juillet 2020 en tête d’un dernier Intercity grande ligne, le 2161 Stuttgart – Munich. Fin de parcours pour une série en avance sur son temps. Il s’agissait  à l’époque de la première locomotive au monde à moteurs asynchrones produite en série, avec un convertisseur par semi-conducteurs. Leurs technologies étaient basés sur des expériences faites dans les années 1970 sur des engins d’essais diesel-électriques, notamment les Mark DE 2500 / DB Mark 202. La Deutsche Bahn souhaitait à l’époque une locomotive vraiment universelle, capable de tirer des trains de voyageurs rapides ainsi que des trains de marchandises lourds, histoire d’uniformiser le parc.

Tout a commencé avec cinq machines de présérie, construites par Henschel, Krupp, AEG, BBC et SSW. Le premier prototype fut livré à la DB en mai 1979, au moment même où la grande maison lançait ses Intercity grande ligne chaque heure toute la journée sur les grandes radiales allemandes. Ce prototype arborait la livrée rouge/crème des Trans-Europ-Express.

Un des cinq prototypes au dépôt de Wurzbourg, lors d’une portes ouvertes en 1984 (photo Benedikt Dohmen via wikipedia)

Le 13 août 1980, un second prototype, la 120 002, établissait un nouveau record du monde pour véhicules triphasés en atteignant 231 km/h entre Celle et Uelzen, sur la ligne Hanovre-Hambourg. Enfin le 17 octobre 1984, la 120 001-3 montait jusqu’à 265 km/h avec un train spécial d’une charge de 250 tonnes, cette fois entre Augsbourg et Donauwörth. Au cours de ces quatre années de tests divers, les cinq locomotives ont parcouru un total d’environ quatre millions de kilomètres.

Avec ses 84 tonnes et 5.600 kW de puissance, la série 120 fut approuvée pour une vitesse de pointe de 200 km/h, mais les précédents records ont montré que la machine pouvait en faire plus. Après les essais, un total de 60 locomotives désigné série 120.1 fut commandé et les livraisons s’échelonnèrent de 1984 à 1988. Les modifications techniques par rapport aux prototypes étaient mineures. Les prototypes 120 001 à 004, intégrés dans le parc, furent en revanche les seules machines limitées à 160 km/h. Les locomotives 120 137 à 120 160 ont été livrées avec un rapport de transmission modifié afin d’obtenir une traction plus élevée à grande vitesse. Le lot complet intégra le dépôt de Nuremberg. De nuit, certaines BR120.1 se mettaient en tête de trains de marchandises.

Si l’équipement électrique a dépassé toutes les attentes, la partie mécanique a en revanche souffert de sa construction légère rendue nécessaire par le poids important de l’électronique. D’importants travaux de confortement durent être entrepris aux ateliers de Cottbus dès le début des années 90.

Dès 1991, perdant les Intercity Hambourg-Munich transformés en ICE, elles se retrouvent en tête des rames Intercity classiques Francfort-Cologne-Hambourg. Mais c’est sur des Interregio qu’elles ont pu exceller à 200km/h, notamment entre Hanovre et Göttingen ou Karlsruhe et Stuttgart, via les lignes nouvelles récemment créées.

Incongru pour certains, le choix de faire circuler des Intercity classiques sur lignes nouvelles étaient logique en Allemagne. La 120 031 en tête d’un de ces classiques intercity en livrée crème et bleu au premier jour d’inauguration de la ligne nouvelle Wurzbourg-Fulda, en mai 1988 (photo Klaus Trencsik via wikipedia)

La réunification des deux Allemagnes étendirent leur aire de mission et fin des années 90, elles pouvaient avaler jusqu’à 1.365 kilomètres par jour, ou 30.000 par mois, toujours en tête d’Intercity grande ligne. Dans l’intervalle, la DB adoptait la réversibilité des rames Interregio avec des BR120 en pousse ou en traction. Elles vont très largement profiter du retrait des séries 103, icônes majeures du rail allemand, pour s’imposer sur de nombreux trains grande ligne.

ABB Henschel utilisa par la suite deux prototypes de locomotives de classe 120, les 120 004 et 005, qui furent reconverties par ABB en 1992 afin de tester de nouvelles technologies devant inspirer la future 101 d’ADtranz. La 120 005 reçut de nouveaux convertisseurs de puissance électrique basés sur des thyristors GTO , ainsi que de nouveaux composants électroniques embarqués. La 120 004 recevaient en outre de nouveaux bogies moins agressifs pour la voie.

L’arrivée progressive des ICE1, puis 2 puis 3, et l’extension généralisée de la grande vitesse, va peu à peu réduire leur mission, bien qu’elles soient largement utilisées malgré l’arrivée d’une autre grande série allemande de locomotives : les 101. Petit à petit, les missions se font moindre.

En 2005, les 120 153 et 160 furent transférées en tant que 120 501 et 502 chez DB Systemtechnik comme engins de mesures. Vers 2007, huit machines reçurent en outre un « pack trafic local » (affichage de destination, système de sécurité,…). En janvier 2011, 49 locomotives étaient toujours en service et au 1er juillet 2016, il en restait encore 41.

En ces derniers tristes mois de Covid-19, les 120 ont effectué quelques remplacements quand une 101 était défaillante, mais leur service devenait une quasi exception. Ce dimanche, les 120 102 et 120 105 effectuaient leur dernier voyage grande ligne. Rideau sur une belle série…

La 120 138-3 de DB Fernverkehr en gare de Magdeburg Hbf, en septembre 2015. Désormais plus qu’un souvenir… (photo Paul Smith via flickr)

Vidéo de Bahnblogstelle :

Autres locomotives de la Deutsche Bahn :

La_Poste-trainLa 103, retour sur une grande dame de la traction
20/02/2021 – Il y a peu, en 2018, les grandes dames E103 prenaient une retraite bien méritée, après 6-7 millions de km au compteur et des journées de 1400km. Retour sur un moment fort du rail allemand et de la grande traction.


Quand une région achète elle-même ses propres trains

SWEG en gare d’Ottenhöfen im Schwarzwald (photo Kevin.B via wikipedia)

La Loi allemande sur la régionalisation du rail permet beaucoup de choses. Notamment la possibilité qu’un Land achète lui-même ses trains auprès du constructeur de son choix, qu’il loue ensuite aux opérateurs dédiés. Une bonne idée qui permet au Land d’avoir la main sur la politique ferroviaire.

Avec la réforme ferroviaire des années 90, l’organisation du transport ferroviaire local de voyageurs (appelé SPNV en Allemagne) a été transférée aux seize Länder (1). Le Land de Bade-Wurtemberg, en tant qu’organe responsable, reçoit à cet effet des ressources financières (fonds de régionalisation) du gouvernement fédéral. Outre les recettes tirées des billets, les fonds de régionalisation constituent le principal élément de financement du transport ferroviaire local de voyageurs. La responsabilité des dépenses incombe au Land qui commande et paie les services de transport ferroviaire local de passagers, par contrat sous délégation de service public.

>>> À lire : La régionalisation du rail, garante du service public

En 1995, au tout début de la libéralisation, le ministère des transports du Bade-Wurtemberg créait déjà la Nahverkehrsgesellschaft Baden-Württemberg (NVBW). Cette entité publique est l’interlocutrice unique pour toutes les questions concernant le transport ferroviaire local de voyageurs. La NVBW est responsable de la planification et de la coordination des transports publics locaux du Land. Elle soutient et conseille le ministère pour toutes les questions relatives aux transports publics locaux et s’occupe notamment de la préparation des horaires à l’échelle du Land, des appels d’offres et du service d’information téléphonique, et est également responsable du marketing et du contrôle. Il s’agit d’une véritable autorité qui supervise les transports publics du Land en entier. C’est la NVBW qui attribue les contrats aux différents opérateurs ferroviaires, selon la règle de la délégation de service public.

C’est dans ce contexte que le Land de Bade-Wurtemberg a préféré aller plus loin que d’autres Länder en acquérant lui-même ses propres rames régionales, alors qu’habituellement c’est l’opérateur qui apporte le matériel de son choix. L’idée est que l’État, financièrement sain, peut contracter des prêts à des conditions nettement plus avantageuses pour financer de nouveaux véhicules que ce qui serait possible pour des entreprises qui arrivent sur le marché des transports locaux. Cela pourrait désavantager ces entreprises par rapport à la puissance de feu de la Deutsche Bahn, lorsqu’elles soumettent des offres. Les flottes ainsi achetées sont la propriété de la société de crédit-bail publique Landesanstalt Schienenfahrzeuge Baden-Württemberg (SFBW). En Allemagne, ce modèle est appelé « model BW » et une formule similaire est utilisée par le Land de Rhénanie-du-Nord-Westphalie. La britannique Go-Ahead et le néerlandais Abellio ont obtenu en 2015 des contrats du NVBW alors que Deutsche Bahn Regio reste de toute manière le transporteur régional dominant. Ces entreprises bénéficient donc du matériel roulant acheté par le SFBW, mais doivent alors former elles-mêmes leurs conducteurs. Le matériel roulant a de plus en plus la livrée exclusive du Land.

Go-Ahead, créée en 2014, a remporté l’exploitation de deux réseaux 1b “Rems-Fils” et 1c “Franken-Enz”, cette dernière reliant Stuttgart à Würzburg. Ce contrat de 13 ans, qui porte sur 8,1 millions de trains/kilomètres par an, a débuté avec un certain nombre de problèmes liés au manque de conducteurs, mais aussi à la surcharge de l’infrastructure ferroviaire qui est une responsabilité, non pas du Land, mais de DB Netz, l’entreprise publique nationale. Or on sait que l’infrastructure ferroviaire allemande souffre d’un manque d’investissements qui a fait les gros titres de la presse ces dernières années.

Deux autres opérateurs, Abellio ainsi que SWEG, sont victimes de gros retards de livraisons de Bombardier, dont les nouvelles rames Talent 2 (pour Abellio) et Talent 3 (pour SWEG) ne devraient pas rouler avant le milieu 2020, voire même début 2021 ! Cela a provoqué des remous jusqu’au Parlement régional de Stuttgart. Sans compter la crise du Covid-19 qui a fait plonger les trafics à son plus bas niveau.

Mais tout cela ne semble pas entamer l’optimisme du Bade-Wurtemberg, géré depuis mars 2016 par une coalition entre les écologistes de l’Alliance 90 / Les Verts (Grünen) et les conservateurs de la CDU, le tout dirigé par le ministre-président écologiste Winfried Kretschmann. Le ministre régional des transports ne compte pas dévier une seconde du « model BW », en dépit des problèmes. Le ministère des transports veut faire face à l’augmentation prévue du nombre de passagers du Land au cours des prochaines années. Il veut acheter jusqu’à 130 rames électriques à deux étages pour environ 1,6 milliard d’euros, selon le journal Südwest Presse de la semaine dernière. En outre, le ministre des transports Winfried Hermann, également écologiste, cherche à obtenir une option d’achat pour 100 autres rames. Le SFBW doit donc assumer des coûts d’investissements jusqu’à 2,76 milliards d’euros, malgré un endettement déjà élevé pour les rames précédentes.

Les nouveaux trains devraient être en mesure de faire face au doublement prévu de la demande de transport ferroviaire local de passagers d’ici 2030 par rapport à 2010. On peut cependant s’interroger sur l’optimisme des Verts concernant des prévisions que le « monde d’après » ne semble plus confirmer. Le transport public semble en effet la grande victime de la crise sanitaire et tant les finances que les taux d’utilisation des opérateurs deviennent insoutenables.

Mais ce qui est intéressant dans le cas du Bade-Wurtemberg, c’est la capacité du Land à acquérir ses trains lui-même. Cela donne plusieurs avantages :

  • des conditions d’emprunt plus favorables;
  • une pression plus marquée sur les constructeurs en concurrence pour faire baisser les prix;
  • d’éviter que la Deutsche Bahn impose ses tarifs et son matériel roulant sans que le Land ait son mot à dire;
  • enfin, cela permet surtout de mettre les politiciens devant leurs responsabilités quant a choix de tel ou tel constructeur, alors qu’auparavant, les élus ne connaissaient rien du secteur ferroviaire et avaient la critique facile. Les élus régionaux du Land font maintenant face directement à leurs électeurs, ce qui arrange Berlin…

Les problèmes rencontrés avec les conducteurs ne mettent pas en péril ce modèle de régionalisation, et des centres de formation sont maintenant créés au niveau régional.

L’autre grand problème concerne le réseau, qui dépend toujours du niveau national et qui provoque continuellement des tensions politiques entre les 16 Länder et Berlin. Faut-il dorénavant régionaliser les réseaux et certaines gares ? Cette question n’est pas encore posée…

Source :

(1) Mediarail.be – La régionalisation des trains de proximité en Allemagne

2019 – Stuttgarter Zeitung – Christian Milankovic – Warum das Land Millionen für Züge ausgibt

2019 – International Railway Jounal – Go-Ahead and Abellio launch Baden-Württemberg services

(photo Giftzwerg 88 via wikipedia)

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Maintenance du matériel roulant

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Incontournables : les ateliers de maintenance soignent nos trains
17/09/2023 – La mauvaise blague que Trenitalia-France a eu récemment concernant la maintenance de ses trains – résolue depuis -, est l’occasion de jeter un oeil sur un monde peu connu. On ne peut opérer de trains sans qu’il y ait les inspection d’usage. La multiplicité des opérateurs a forcément multiplié les formules, entre l’atelier d’un constructeur, celui d’un gestionnaire d’infrastructure ou…


Transmashholding, le russe qui se lance dans la maintenance en Europe
24/01/2022 – Transmashholding, principal fournisseur ferroviaire en Russie, s’étend en Europe et a comme ambition de développer le marché de la maintenance des automotrices et autorails exploités par les opérateurs dans toute l’Europe. Quelque soit le constructeur…

SNCB_siege_2Voith remporte un contrat de quatre ans de maintenance auprès de Lineas
23/06/2020 – Comme chacun d’entre nous, la loco va maintenant au garage de son choix. La maintenance du matériel roulant n’est plus le monopole des entreprises historiques mais un business des constructeurs ou d’entreprises spécialisées.


OBB_WorkshopVienne : un atelier pour plusieurs opérateurs
10/05/2020 – Privés et public main dans la main. En Autriche, les ÖBB vont construire un atelier d’entretien avec 2 privés : l’opérateur fret LTE et le loueur EEL. Un atelier entièrement dédié au matériel Siemens.


Corona_3Coronavirus : un personnel dévoué pour assurer le service ferroviaire
19/04/2020 – En dépit des circonstances désastreuses, le chemin de fer continue ses services de trains avec un personnel courageux et dévoué. Même si le service est réduit. Merci à eux !


3D_2_DBDes pièces lourdes désormais imprimées en 3D chez Deutsche Bahn
29/01/2020 – L’impression 3D n’est pas nouvelle pour la Deutsche Bahn. La compagnie publique ferroviaire allemande a en effet commencé à utiliser une imprimante 3D en 2015. Depuis, elle a imprimé près de 7.000 pièces détachées.


Tram_2L’Allemagne teste un dépôt de tram automatisé  – 10/10/2019 – Un dépôt de tram appartenant au Verkehrsbetrieb Potsdam, près de Berlin, sera entièrement automatisé pour étudier, par exemple, l’automatisation de certaines opérations d’entretien. Mais pas seulement…


Chiltern Railways : des pièces en 3D pour moins d’immobilisation du matériel
04/10/2019 – Chiltern Railways deviant le premier opérateur ferroviaire britannique à tester des pièces imprimées en 3D sur des trains de voyageurs en service.<


Siemens nimmt RRX-Instandhaltungswerk offiziell in Betrieb / Siemens officially opens RRX maintenance depotDortmund : Siemens construit son propre atelier d’entretien à l’ère des datas
06/09/2018 – après un an et demi de construction, Siemens Mobility inaugurait officiellement le nouveau dépôt de maintenance du Rhin-Ruhr Express (RRX). Cet atelier assurera la maintenance des 82 Desiro HC du RRX pour une période de 32 ans. L’atelier fait surtout entrer le rail dans l’ère numérique, avec sa maintenance prédictive, ses bons de travail numériques et son imprimante 3D pour les pièces plastiques urgentes.


MRCE bestellt 20 weitere Vectron-Loks / MRCE orders 20 additional Vectron locomotivesQuand industriels et loueurs font eux-mêmes l’entretien des locomotives
29/03/2018 – Siemens et la société de leasing Mitsui Rail Capital Europe (MRCE) ont convenu de créer une coentreprise pour l’entretien des locomotives. Le site devrait s’ouvrir à l’été 2019 à Rotterdam.


Voith remporte un contrat de quatre ans de maintenance auprès de Lineas

Comme chacun d’entre nous, la loco va maintenant au garage de son choix. La maintenance du matériel roulant n’est plus le monopole des entreprises historiques mais un business des constructeurs ou d’entreprises spécialisées.

Le principal objectif des opérateurs ferroviaires est d’accroître de manière rentable la disponibilité et la fiabilité des flottes. Étant donné que le matériel roulant est exploité jusqu’à 30 voire 50 ans, la maintenance peut parfois représenter environ 50 % du coût global d’exploitation, ce qui est considérable. Les limites d’une flotte composée principalement d’équipements anciens déterminent le régime de maintenance actuel : pour les composants de sécurité très réglementés ou incontournables (climatisation…), une maintenance préventive planifiée en fonction du temps ou de l’utilisation est effectuée. Pour tous les autres composants, la stratégie de maintenance consiste en une réparation réactive non planifiée, c’est-à-dire uniquement en cas de défaillance. Or, le matériel roulant acheté il y a 20 ou 25 ans peut voir de nombreux composants devenus obsolètes technologiquement, voire parfois plus fabriqués du tout !

Voïth remporte un grand contrat de maintenance

Les 170 locomotives diesel belges de série 77 et 78 furent livrées entre 1999 et 2005 à la SNCB, époque où Lineas n’existait pas puisqu’il s’agissait encore de B-Cargo. Il s’agissait du modèle MaK G1206 construit par Vossloh à Kiel dans le nord de l’Allemagne, un modèle qui eut un énorme succès en Europe, grâce à la ténacité d’une belle équipe d’ingénieurs qui a pu proposé un produit de qualité. C’est cette firme qui vient d’être rachetée par CRRC, et qui permet aux chinois d’entrer sur les terres convoitées de la traction européenne.

Plusieurs des machines série 77/78 de la SNCB sont passées en avril 2017 chez Lineas, nouveau nom que porte dorénavant l’ancien B-Cargo devenu entreprise privée de fret ferrovaire, la plus grande de Belgique.

>>> À lire : De SNCB Cargo à Lineas

Les MaK G1206 (MaK provient de Maschinenbau Kiel), appartiennent à la troisième génération de locomotives sorties par Vossloh, quand aujourd’hui la firme en est à la cinquième génération, avec notamment le successeur du modèle G1206, la locomotive DE 18. C’est donc une technologie ancienne qu’exploite Lineas, même si c’est encore « moderne ». 30 locomotives belges de série 77, pleinement propriété de Lineas, vont bénéficier d’un contrat de maintenance qui comprend une révision principale dans un périmètre de base défini et d’autres options pour les composants spécifiques ainsi que pour la transmission turbo L4r4.

Les travaux seront réalisés sur une durée de quatre ans et demi. Les fondements de cette collaboration reposent sur l’amélioration de la fiabilité, la réduction des coûts et l’optimisation des durées de maintenance. En plus d’analyser l’état technique des véhicules, Voith effectuera plusieurs mises à niveau dans le cadre de la révision. Mais qui est Voith, entreprise fondée en 1867, alors que les locomotives viennent de Vossloh ?

Voith, siège social dans le Bade-Würtemberg, compte aujourd’hui plus de 19 000 employés, un chiffre d’affaires de 4,3 milliards d’euros et des sites dans plus de 60 pays à travers le monde et est ainsi l’une des plus grandes entreprises familiales en Europe. Ces activités s’étendent aux machines industrielles, à l’industrie automobile et au génie mécanique. Les locomotives de Lineas iront dans la division Voith Turbo, spécialisée dans les systèmes d’entraînement mécaniques, hydrodynamiques, électriques et électroniques. En plus de l’analyse de l’état technique, Voith réalisera également diverses mesures de modernisation des véhicules dans le cadre de la révision. « En maintenant les composants existants, nous évitons de produire des coûts supplémentaires à nos clients », explique-t-on chez Voith.

« Il s’agit de la première étape d’un partenariat à long terme entre Voith et Lineas », explique Vincent Delfosse, Asset Maintenance Manager chez Lineas. « Grâce à Voith, nous avons le soutien d’un partenaire de service solide et fiable avec une vaste expérience dans la technologie des locomotives diesel qui peut nous fournir des services d’entretien qualitatifs adaptés à nos besoins. » Voïth est, il est vrai, un fournisseur de longue date de ses transmissions hydrauliques Voith L4r4. La firme retrouve donc une technologie qu’elle maîtrise parfaitement, installée sur les machines belges Vossloh (aujourd’hui CRRC).

(photo Voith)

Cette maintenance n’aurait pas pu être externalisée si on n’en était resté aux carcans nationaux, époque où les entreprises historiques se chargeaient elles-mêmes de l’entretien, dans de multiples dépôts qu’il fallait faire tourner au gré de « divers équilibres ». Aujourd’hui, les frontières ouvertes ont permis l’éclosion d’un nouvel écosystème ferroviaire où peuvent s’exprimer les meilleurs savoir-faire.

L’avantage pour Lineas est d’être en dehors des plannings de maintenance des dépôts de la SNCB et de pouvoir elle-même gérer l’utilisation de la flotte. C’est une preuve supplémentaire que la sectorisation du rail était la bonne politique pour rehausser les services offerts aux industriels.

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