La 103, retour sur une grande dame de la traction


20/02/2021 – Par Frédéric de Kemmeter – Signalisation ferroviaire et rédacteur freelance
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De notre série « Aah, les trains d’hier… »

À l’instar des CC6500 SNCF à leur époque, les E103 de la Deutsche Bundesbahn furent les engins les plus puissants du réseau allemand dans les années 70. Elles sont indissociables de la traction des TEE auxquels elles empruntèrent d’ailleurs la livrée, avant d’assurer toute la panoplie d’InterCity dès 1979.

Au milieu des années 60, alors que les CC40100 SNCF arrivent sur les TEE Paris-Bruxelles-Amsterdam , la DB est confrontée à la nécessité d’augmenter les vitesses commerciales sur son réseau pour pouvoir faire face à la concurrence grandissante des avions de la Lufthansa en trafic intérieur. Le réseau Trans-Europ-Express s’étend et les trains s’allongent, ce qui renforcent les tonnages à tracter.

Critères techniques

En 1961, La remorque d’un train de 300 tonnes à 200km/h, une accélération rapide ainsi que la nécessité de freiner sur une distance de bloc réduite fixait une demande de puissance de 6000kW. Avec les technologies d’époque, ces valeurs militèrent pour l’adoption d’une locomotive à 6 essieux moteurs avec l’avantage de limiter la charge par essieux à 18,7 tonnes (rappelons que le TGV Alstom fait 17 tonnes à l’essieu). Entre 1963 et 1964, des essais de vitesse furent entreprit d’abord avec la locomotive E10 1270 jusqu’à 180km/h, puis à l’aide des E10 299 et 300 sur la section Forcheim-Bamberg. Parmi les changements techniques, de nouveaux bogies avec un rapport de démultiplication différent des séries en service, soit 1,584 au lieu de 1,915 pour les E10 autorisées à 160km/h ou 2,111 pour les autres engins de la série. Les essais Forcheim-Bamberg allaient de pair avec ceux concernant la caténaire, les pantographes et le dispositif de répétition des signaux. 16 types de suspension caténaire et 12 modèles de pantographes furent testés ! L’essai d’un bogie à 3 essieux fut également entreprit avec une locomotive diesel-hydraulique V320 001, qui atteignit 180km/h, ce qui pouvait être un record avec une machine de ce type. Tout mis l’un dans l’autre, la DB pouvait alors sortir un engin tout neuf qui allait devenir l’une des grandes icones de la traction allemande.

Présentation de la E03 004 (carte postale, hauteur inconnu)

Avec les constructeurs Siemens et Henschel, la DB sortit la E03 002 le 11 février 1965, première d’une série de quatre machines de présérie. Elle avait dans le ventre 6 moteurs 12 pôles WB 368/17 entièrement suspendus de 3,6 tonnes chacun. Pour des raisons de commutation et de vitesse du collecteur, la vitesse était bien limitée à 200km/h. Le réglage de la tension aux bornes des moteurs comportait 39 crans, ce qui accroissait la finesse de conduite. Une particularité fut l’installation, pour la première fois en Allemagne, d’un freinage électrique indépendant de la tension de la ligne qui fournissait sur la locomotive un effort de retenue supérieur à celui que fournirait le frein à air comprimé. Cela permettait d’avoir une puissance continue de 4800kW correspondant à un effort de retenue moyen de 16,5 T de 200 à 100km/h. Côté mécanique, les E 03 se distinguait aussi par l’adoption de la « traction basse » mais côté transmission, la DB essaya celle à anneau dansant Alsthom-Henschel sur les E03 001 et 004, et celle à cardan et anneau de caoutchouc avec engrenage unilatéraux sur les E03 002 et 003. Au final, on obtient des machines de 110 tonnes.

Ce qui frappa bien évidemment le quidam fut la forme particulièrement réussie de la caisse, inédite à cette époque. Les deux fronts sont de forme ovoïde spécialement étudié en soufflerie pour une bonne pénétration dans l’air mais surtout amortir le choc à 200 km/h avec un train croiseur. Les parois latérales ont aussi une forme inclinée dans la partie haute.

La 103 001 lors d’un défilé de locomotives à Nuremberg , en mai 2006. On a remis le logo noir et l’ancienne numérotation de 1965 (photo Urmelbeauftragter via wikipedia)

Vitesse et signalisation

Comme en France, les ingénieurs de la DB avaient bien compris que des vitesses s’approchant des 200km/h nécessitaient un complément d’information à bord. Pour transmettre cette information, la DB installa sur la section Munich-Ausbourg, en Bavière, un câble non-blindé ordinaire le long des deux rails, qui se croisaient tous les 100m pour former un point de repérage du train. Tous les 10 kilomètres, ces câbles étaient bouclés et l’émetteur se situait grosso-modo en leur point milieu. Pour recevoir l’information, les E03 étaient munies de deux bobines réceptrices qui faisaient que, tous les 100m, la locomotive reçoive une impulsion. Cette impulsion enregistrée sur la machine localisait le train par rapport à l’émetteur d’une boucle de 10 km. A bord, le conducteur disposait notamment de la distance voie libre devant le train, de la position des barrières de passages à niveau et d’un système d’ordre de mouvement (accélération, freinage). En clair, on inventa là les prémisses de l’ETCS. Nous n’étions qu’en 1965…

La E03 003 en 1965 à l’IVA de Munich, à côté d’un van Volkswagen du plus bel effet… (photo Anm256 via wikipedia)

(photo Sebastian Terfloth via wikipedia)

La E03 fut présenté lors de la fameuse exposition IVA de Munich en 1965, une Exposition internationale des transports. La Deustche Bundesbahn tenait à faire la démonstration européenne d’un service à 200 km/h ouvert au service commercial sur une voie non spécialisée. Un arrêt temporaire destiné aux trains de démonstration avait été construit le long des voies. Un an auparavant, le Japon avait inauguré son célèbre Shinkansen…

Des documents techniques de l’époque montrent que le démarrage effectif du train s’effectuait souvent aux crans 8 ou 9, au lieu du premier cran sur d’autres machines monophasées antérieures. L’accélération de 120 à 150 km/h demandait une puissance de 10.000 à 12.000 kW (autorisé durant 10 minutes) puis encore 7000kW pour atteindre les 200km/h lors des essais en présence du public à bord. Sur la courte section de Munich-Expo à Augsbourg-Hbf, soit 62 km, seuls 45 km étaient autorisés à 200 km/h et cette vitesse n’était finalement pratiquée que sur 28,5 km, soit 46% du trajet, ceci à cause de nombreux points singuliers imposant des baisses de vitesse.

Après d’autres tests, les quatre E03 sont affectées au dépôt de Munich-Hbf et engagées à l’été 1966 sur les TEE prestigieux de la DB, qui peuvent ainsi goûter aux 200 km/h, mais uniquement entre Munich et Augsbourg, Düsseldorf et Cologne ainsi qu’entre Celle et Hanovre. En rampe de 5%, elles peuvent tracter des trains de 500 T à 200 km/h, ce qui fait saliver la direction commerciale qui peut ainsi allonger les trains. À cette date, la E03 se classe en performances juste derrière la Re 6/6 des CFF.

Heureuse préservation de la 103 184, de passage ici à Ostermünchen en 2011, en tête d’une rame TEE elle aussi préservée (photo Steffs88 via wikipedia)

Les excellents résultats obtenus avec les quatre première machines militent pour une commande massive. Mais entretemps, la direction de la voie s’inquiétait déjà d’une usure prématurée des rails et imposa rapidement de redescendre à 160km/h l’ensemble des trains prestés avec les E03. Mais comme cette vitesse n’était pas non plus pratiquée partout, la direction de la traction considéra déjà les 160 km/h comme un pas en avant et conserva intacte l’ambition d’acquérir de toute manière une grande série. Partout en Allemagne, des relèvements de vitesse étaient de toute manière au programme et la traction des « grands trains » requérait un parc de locomotive renouvelé.

Ainsi arriva une commande de 145 machines qui, entretemps, pris la nouvelle numérotation de 1967 pour une série qui s’appela désormais « 103 », le « 1 » désignant les machines électriques. La commande se fit en plusieurs lots. La partie mécanique fut confiée au groupement Henschel, Krauss-Maffei et Krupp, tandis que les appareillages électriques provenaient de Siemens, AEG et Brown Boveri. La 103.109, première « de série », fut réceptionnée en mai 1970. Les 103.101 à 215 qui suivent sont toutes identiques aux quatre premières machines, à l’exception de quelques détails d’aérateurs. Mais à partir de la 103.216, la caisse s’allonge de 70cm pour répondre aux critiques d’exiguïté des cabines de conduite. Les 103.216 à 245, ainsi que la 103 173 livrée plus tard, sont du coup appelées « longues », soit des machines de 20,20m et la numérotation s’adapte alors en créant deux sous-séries : 103.0 pour les 101 à 215, 103.1 pour les 216 à 245 + 173. On notera aussi conversion progressive, dans les années 70 à 75, des pantographes à ciseaux Scheren DBS 54 avec des DBS 67 unijambistes plus adaptés à 200km/h et aux paramètres autrichiens, pays où les 103 pouvaient apparaître du fait de la grande proximité technique entre les deux réseaux.

En 1971, la 103.118 servit directement à diverses recherches. Elle était équipée d’un rapport de démultiplication modifié, ce qui permettait de faire monter la vitesse maximale de la locomotive à 250 km/h sans augmenter le régime maximal des moteurs. Avec cette locomotive, la plage de vitesse entre 200 et 250 km / h a été systématiquement étudiée à partir de 1971 sous tous ses aspects afin de rechercher les fondamentaux pour une nouvelle augmentation des vitesses de croisière générales à long terme. Elle abattit le record de 253km/h en 1973.

>>> À lire : une journée d’essais avec cette 103 118 (en allemand)

Le service des trains

Les 103 sont très rapidement incorporées dans les trains nobles de la DB, dont les TEE qui touchent Munich via Augsbourg. Il en sera ainsi du TEE 55/56 Blauer Anzian Hambourg-Munich, par la suite prolongé sur Salzbourg et Klagenfurt en Autriche. La traction d’autres TEE fit que les 103 vont conserver une grande partie de leur vie la très belle robe beige/pourpre adoptée pour les Trans-Europ-Express allemands. Leur affectation aux trains FD et TEE au début des années 70 font grimper les kilométrages mensuels à une moyenne de 30.000 km, le record étant juillet 1972 avec 50.251 km parcourus. Certaines journées, elles abattent entre 1200 et 1800 km. Au milieu des années 70, les quatre prototypes avaient tous rejoint le dépôt de Hambourg pour des utilisations spéciales de service, notamment des trains de mesure.

Les 103 pouvaient être affectées à d’autres tâches quand arrivèrent les 120. La 103 188 est ici en tête à un train de nuit à Munich en juillet 1985, dont on remarque la voiture-lits juste derrière, aux couleurs TEN rouges (photo Phil Richard via wikipedia)

En 1979, la DB introduit son fameux service Intercity grande ligne cadencé à l’heure sur plusieurs grandes radiales allemandes nord-sud à l’époque, car l’Allemagne s’appelant RFA, Berlin était en dehors du système TEE et Intercity. Toutes les 103 sont de facto désignées titulaires des 152 trains Intercity quotidiens, d’une masse de 550 tonnes, et dont il fallait respecter l’horaire au millimètre vu certaines correspondances quai à quai de parfois à peine 3 minutes, comme à Mannheim. À partir de 1985, le nombre d’Intercity monte à 183 circulations quotidiennes et certains d’entre eux roulent à 200 km/h. Ce sont forcément les 103 qui sont à la tâche qui se voient dotées de la LZB (Linienzugbeeinflussung), un système de signalisation de cabine et de protection des trains que l’on peut traduire par « contrôle continu des trains ».

La 103.003, un des prototypes, établit en juillet 1985 un nouveau record en atteignant 283 km/h. En 1989, deux prototypes entrèrent dans la catégorie 750 (750.001 et 002) ainsi que la machine de la série 103.222 qui pris le numéro 750.003 jusqu’en 2005. La série «7» identifie son caractère de véhicule de service.

Un grand Classique de la DB des années 70-80 : une 103 au crochet d’un intercity en gare de Hanovre en août 1987 (photo Phil Richards via license flickr)

Une seule 103 aura durant deux années une mission particulière. Dans le cadre d’une première tentative de remplacer environ 3000 vols court-courriers annuels par le train, Lufthansa décidait d’opérer un trafic voyageur longue distance entre l’aéroport de Francfort-sur-le-Main et Düsseldorf et Stuttgart. Initié en 1982 avec des automotrices E 403 sur Francfort-Düsseldorf, la liaison avec Stuttgart n’eut lieu qu’en 1988 avec une rame tractée de 3 voitures Avmz 207, offrant au total 126 places assises. En 1991, la liaison avec Stuttgart pouvait utiliser la toute nouvelle ligne à grande vitesse fraîchement inaugurée, mais avec du matériel apte à résister aux pressions en tunnel. Pour atteindre les 200 km/h permis par cette nouvelle ligne, la DB opta sur la seule 103 101, laquelle arbora la livrée du Lufthansa Airport Express.

Lufthansa-airport-expressLa 103 101 très légèrement chargée sur la ligne à grande vitesse Stuttgart-Mannheim

À l’été 1992, le temps de trajet de l’aéroport de Francfort à Stuttgart fut ramené de 90 à 85 minutes. Mais le mariage air/fer pris brutalement fin en mai 1993, malgré des coûts d’exploitation inférieurs par rapport à l’avion et un nombre élevé de passagers. Il est aussi vrai que la DB s’apprêtait à offrir son offre Rail & Fly introduite plus tard, laquelle permet des ICE à l’aéroport quasiment toutes les heures…

D’ailleurs la Deutsche Bahn s’apprêtait à changer complètement le paysage ferroviaire de l’Allemagne.

Les années 90-2000

Baureihe-401-ICELe paysage de la DB est appelé à radicalement changer. L’ICE de série 401 à quai à Francfort-Hauptbahnhof avec en face « un ancien » InterCity tracté par la 103 132 (juillet 1992, photo K. Jähne via wikipedia)

L’arrivée de la grande vitesse en mai 1991 sonna doucement la retraite pour certaines 103, car entretemps les 120 avaient pris de beaux parcours. De plus, la nouvelle ligne à grande vitesse Hanovre – Würzburg inaugurée est interdite aux 103 car les tunnels ne sont agréés qu’aux véhicules pressurisés. De plus, constat était fait en 1988 à l’inventaire que 30% des engins 103 étaient endommagés, l’équipement LZB des véhicules étant particulièrement sujet aux pannes. Mais l’intense service à 200 km/h ne ménageait pas non plus les bogies C dont la maintenance devenait de plus en plus onéreuse. L’effectif de 1997 montrait que 77 machines étaient affectées à Francfort et les 68 restantes à Hambourg-Eidelstedt.

>>> À lire : La série 120 de la DB tire définitivement sa révérence

Cependant, la DB tente de « moderniser » l’image des 103 en les affublant de la livrée ‘Verkehrsrot‘ rouge-orient qui devenait la nouvelle image de la traction allemande, suite à la réunification. Dès 1988 la 103.115 sortait sous ces nouvelles couleurs qui, petit à petit, fut attribuée à environ 45% du parc complet des 103. En 1993, la 103 101 Lufthansa Airport Express recevait elle aussi la livrée ‘Verkehrsrot‘ suite à l’arrêt de ce service comme expliqué plus haut. On voit alors certaines 103 se charger des nouveaux trains Interregio, une sorte de couche intermédiaire entre l’Intercity grande ligne et l’express régional, créée en 1988.

Baureihe-401-ICEUne 103 223 « longue » au crochet d’un Interegio. Elle arbore la livrée Verkehrsrot avec des bandes frontales blanches (photo Phil Richards via license flickr)

En 1994, la réunification des chemins de fer des « deux » Allemagnes en une seule DB AG permit aux 103 de voyager là où elles n’eurent jamais l’occasion d’aller : dans la partie Est d’un pays enfin réunifié ! Les 103 s’élancèrent alors jusqu’à Berlin et Leipzig, avec aux commandes des conducteurs ex-DR (Deustche Reichbahn) qui ne les avaient jamais connues.

En 1995, la DB fait encore une tentative sur le segment touristique en créant des ‘Urlaub Express‘, des trains de vacances. À cette fin, la 103 220 se voit dotée de la plus folle livrée jamais entreprise, mélangeant diverses couleurs bleu saphir, vert feuille, jaune signalisation, bleu ciel et blanc, pour symboliser les éléments de l’eau, de la terre et de l’air. Surnommée ‘Paradiesvogel‘ (Oiseau du Paradis), la 103.220 fera le bonheur des photographes. Pour peu de temps ! Encore une fois, l’offre n’a pas collé avec les desiderata du monde de l’industrie touristique et l’essai se termina en 1997. Cependant, la 103.220 ne revînt pas à sa livrée d’origine ni à la ‘Verkehrsrot‘ rouge-orient, et resta en l’état jusqu’à son retrait de service.

Malgré la poussée grandissante des services ICE, les 130 abattaient en 1997 des kilométrages toujours aussi impressionnants, de l’ordre de 1420km par 24 heures. On les voit sur des Bâle-Berlin via Cologne et même effectuant l’intégralité du parcours des trains de nuit EN 491/490 Hambourg-Vienne, soit 1131km et une mobilisation de plus de 12 heures, avec un trajet qu’elles refirent le soir même au retour.

2002 : la fin officielle

Voyant ses services se réduire de plus en plus, les 103 ont tout doucement quitté la scène ferroviaire au début du XXIème siècle, quasiment sur la pointe des pieds. Officiellement, la série 103 perdait la totalité des services de trains au diagramme horaire de décembre 2002 (horaire 2003). Cependant, la DB maintenait encore en service une flotte réduite de 103 pour quelques ultimes services. Ostensiblement retenues pour les mettre en tête de trains spéciaux, les planificateurs de la DB contribuèrent à maintenir des 103 en bon état en les inscrivant dans des services réguliers réguliers comprenant des EuroCity internationaux, des trains de nuit, quelques InterCity ainsi que des remplacements d’ICE. C’est ainsi qu’on pouvait encore en voir dans la vallée du Rhin

La 103.245 en tête d’un train de nuit de la DB, à Munich en juin 2007 (photo Sebastian Terfloth via wikipedia)

En 2015, la 103.222, qui dispose des bogies de la 118 dont on parlait plus haut, était vendue pour 551.000 € à la société RailAdventure, une société basée à Munich-Neuhausen et qui s’occupe des transferts de matériels roulants non-homologués et, depuis quelques années, de l’événementiel au travers de Luxon, dont nous avons déjà parlé à cette page. En 2015, la 103.222 a fait l’objet d’une nouvelle inspection générale à Dessau avec la livrée d’entreprise ‘RailAdventure’.

La 103.222 en tête d’un transfert de Vectron destinées à la Finlande. L’écartement russe du réseau finlandais a imposé ce transfert sur trolleys spéciaux jusqu’à Kiel, au bord de la Baltique (photo RailAdventure)

Depuis décembre 2016, soit 51 ans après la sortie des quatre prototypes, plus aucune 103 n’était au programme. Néanmoins, 17 exemplaires, incluant la 222 de RailAdventure, sont pieusement conservés dans divers musées d’associations et certaines continuent de parcourir le réseau en tête de trains spéciaux, dont des Trans-Europ-Express historiques. Est-ce cela qui a donné l’idée à l’automne 2020 au ministre allemand Schreur de présenter un concept de « TEE 4.0 » ? L’avenir nous le dira, mais ce sera sans les 103…

Trois 103 à Bremen-Hemelingen. Ou comment terminer en beauté… (1984, photo Benedikt Dohmen via wikipedia)

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La semaine de Rail Europe News – Newsletter 020

Du 03 au 09 février 2021

L’actualité ferroviaire de ces 7 derniers jours.

>>> Voir nos anciennes livraisons

L’édito de la semaine

Le transport public dans l’ère du Covid
Le président de l’UITP, Mohammed Mezgahni, rapportait dans le dernier International Railway Journal qu’ « alors qu’ils étaient largement préparés aux situations de crise causées par des incidents terroristes, les transports publics ne l’ont pas été pour une crise sanitaire ». Dans un numéro de l’excellente revue Modern Railways, James Abbott rappelait que pour le chemin de fer de voyageurs « c’est du Covid dont nous devons nous inquiéter : si les voyageurs ne reviennent pas lorsque la pandémie reculera, l’industrie sera en grave difficulté ». On peut philosopher tant qu’on veut, mais une réalité s’impose : cette crise est probablement une mise en pratique d’une sorte de darwinisme de l’économie de marché. Elle renforce certaines économies et en affaiblit d’autres. Et clairement, les « autres », ce sont les transports publics et le transport ferroviaire des personnes. Cette espèce de sélection naturelle qui met à mal nos transports publics se traduit tous les jours par de nouveaux comportements sociétaux. « Une partie des passagers qui ont déserté le métro, le tramway ou le bus n’y reviendront pas », estimait en janvier Thierry Mallet, PDG de Transdev. Lequel fait preuve d’un cruel réalisme : « Ceux qui ont pris goût au télétravail continueront à le pratiquer un à deux jours par semaine. Et la grande majorité des nouveaux adeptes du vélo, de la marche ou de la voiture ne remonteront pas dans les transports du quotidien ». Une réalité avec laquelle les organismes de transport doivent désormais composer. Est-il alors encore nécessaire de maintenir autant de véhicules et de personnel en service ? Cette question fait peur et provoque de nombreuses divergences. En Allemagne, l’idée de mettre d’avantage de trains à grande vitesse en service pour respecter la distanciation sociale, mais avec moins de voyageurs embarqués, fait grincer des dents. Ce gaspillage des deniers publics passe mal dans la traditionnelle orthodoxie allemande. La pandémie a clairement montré aussi que l’heure du changement pouvait avoir sonné dans les habitudes de travail au sein du transport public. Flexibilité accrue de l’organisation du travail et «polycompétence» des équipes pourraient être la nouvelle donne, alors qu’une partie du personnel de terrain est confronté tous les jours au risque d’attraper ce fameux virus. Il va falloir composer, rassurer, donner des gages. Cela dit, si le monde des transport va devoir faire sa mue, on se dit tout de même que c’est pour un futur meilleur. Croisons les doigts…
Frédéric de Kemmeter – webmaster

Trafic grande ligne

ERA_Europe_RailwaysAllemagne – Encore un nouveau train de nuit privé prévu cet été – Urlaub-Express : une entreprise que les observateurs ferroviaires connaissent bien. Niko Maedge est l’un des rares challengers privés de la Deutsche Bahn, du moins sur le créneau des trains de nuit. Niko Maedge exploite des trains-autos (trains-autos-couchettes dans l’ancien language…), et des trains de nuit sous le label Train4you depuis 2017, sous la marque «Urlaubs-Express», qui descendent en été jusque Villach en Autriche et Vérone en Italie. Succès complet, mais il s’agit de charters, ce qui implique que la traction est louée auprès de différents opérateurs, dont Trenitalia. Pour Maedge, qui organise depuis 20 ans des trains charters et des trains de vacances, ce fut même l’impulsion d’acheter des trains lui-même. Il a repris la flotte de véhicules de la société néerlandaise EETC. Aujourd’hui, il possède près de 70 voitures : des couchettes, des voitures-lits, des wagons porte-autos ainsi que des voitures voyageurs de jour de 1ère et 2ème classe. Cela lui a coûté « une petite somme à sept chiffres », explique l’entrepreneur. Cet été, il compte mettre en service un train de nuit Bâle-Binz, sur l’île de Rugen, haut lieu du tourisme de la mer Baltique.
>>> Handelsblatt – Mit dem Urlaubs-Express aus dem Lockdown: Privater Bahnbetreiber erwartet gute Reisesaison
>>> À voir : les trains-autos de EETC en vidéo. Déjà une archive !

ERA_Europe_RailwaysFrance – La coopérative Railcoop en passe d’avoir son 1,5 million d’euros – Basé à Cambes près de Figeac, Railcoop, première coopérative ferroviaire de France, va pouvoir concrétiser ses projets de trains entre Bordeaux et Lyon, en passant par Roanne, Guéret et Limoges. Ce mois-ci, la barre de 1,5 million d’euros, en termes de capital souscrit et libéré, aura été atteinte grâce à l’apport de 5.392 sociétaires. Une récente diffusion des projets de la coopérative au sein d’Envoyé spécial, une émission de France 2, n’est peut-être pas étrangère à un effet rebond. Cette somme est le minimum obligatoire qu’il faut présenter pour obtenir une licence ferroviaire et un certificat de sécurité afin de lancer sa propre compagnie. Mais pour faire circuler des trains de passagers dès l’été 2022, RailCoop devra encore dépenser, au total, 5 millions d’euros pour lancer ses trois allers-retours quotidiens entre Bordeaux et Lyon, dont un voyage de nuit. La concrétisation et le modus operandi exact n’est pas encore connu, car l’important est d’avoir du matériel roulant. Mais lequel ? Le projet Railcoop rappelle aux observateurs l’aventure de l’allemand Locomore, qui avait brûlé 600.000 euros de cash en six mois sur Stuttgart-Berlin, mettant rapidement fin au rêve du « train autrement ». Mais ne soyons pas pessimiste et croisons les doigts…
>>> BFMTV – RailCoop concrétise son projet de liaison ferroviaire entre Lyon et Bordeaux en 2022
>>> À lire : Locomore déclarée en faillite après six mois !

Trafic régional

Occitanie-TERFrance – L’Occitanie teste les trains gratuits pour les jeunes – La Région d’Occitanie (Montpellier-Perpignan), ancrée à gauche, a toujours voulu rendre le train accessible à tous. Depuis cinq ans, Carole Delga s’échine à trouver les meilleures formules, faisant économiser du pouvoir d’achat aux occitans. Depuis la rentrée 2020, les parents d’enfants scolarisés ont ainsi vu la facture annuelle de leur abonnement passer de 350 € à 45 € et ce sera « zéro à la rentrée de septembre 2021 ». Dans un autre registre, à partir du 1er avril et jusqu’au 31 août, quelque 2.000 jeunes âgés de 18 à 26 ans pourront tester la gratuité du TER. Cette gratuité du train sera progressive. Tout passe par une application. Une fois inscrit, le jeune y enregistre ses trajets. Les cinq premiers allers-retours (ou 10 trajets) sont à – 50 %. Du 6e au 10e aller-retour, c’est gratuit. Les suivants sont crédités sur un compte mobilité. Si l’on fait de nouveau 15 allers-retours dans le mois, la gratuité est prolongée. La mesure coûtera 1,5 millions d’euros à la région Occitanie. La gratuité bénéficiera à terme à 5.000 jeunes. «C’est à cette tranche d’âge qu’il faut redonner l’envie de prendre le train», ajoute la présidente de région.
>>> Dis-leur.fr – Inédit : L’Occitanie teste les trains gratuits pour les jeunes

Trafic fret

HydrogèneEurope/Chine – L’offre de fret sur la nouvelle route de la soie monte en flèche – Le transport de marchandises sur la nouvelle route de la soie entre la Chine et l’UE a augmenté de près de 44% pour atteindre 2,3 millions de tonnes l’année dernière. C’est ce que montrent les chiffres des transports d’Eurostat pour les onze premiers mois de 2020. En termes de EVP (Equivalent Vingt Pieds, pour calculer les conteneurs), le volume sur la nouvelle route de la soie est désormais de 500.000 EVP (soit 250.000 « grands conteneurs), à mi-chemin de l’objectif à moyen terme de l’UTLC-ERA, qui vise 1 million d’EVP d’ici cinq ans. L’ERFA, le groupe de lobbying des intérêts des opérateurs de fret ferroviaire, attribue cette forte augmentation principalement aux pénuries de capacité dans le transport de conteneurs sur les routes maritimes de l’Extrême-Orient vers l’Europe. « Cela a conduit les parties à rechercher des alternatives », déclare l’ERFA. Cette route de la Soie ferroviaire n’a pas fini de faire parler d’elle.
>>> Nieuwsblad – Northern branch of Betuwe route essential for Dutch rail freight
>>> À lire : la Route de la Soie, dans les détails

Infrastructure

HydrogènePays-Bas – La Betuwelijn devrait obtenir un morceau complémentaire – En octobre dernier, lors de consultations, le secteur néerlandais du fret ferroviaire avait énuméré les investissements ferroviaires qu’il estimait nécessaires pour disposer d’un réseau ferroviaire fluide d’ici 2040. Parmi ceux-ci, figure en haut de la pile une nouvelle branche de la ligne Betuwelijn (ligne exclusivement fret), vers Hengelo et Bad Bentheim, pour rejoindre l’Allemagne (page 33 de ce document). Le secteur ferroviaire néerlandais voit cette branche nord comme un «must-have» et lui préfère la plus haute importance, par rapport au « Rhin d’acier » qui privilégie plutôt Anvers, via Roermond. Ce projet de branche nord de la Betuwelijn est espéré avoir l’aval de la Haye. L’Allemagne, sur l’actuel tracé « sud » via Emmerich, devrait prévoir une troisième voie ferrée entre Zevenaar et Oberhausen, en plus des deux voies existantes. DB Netz prévoyait de recevoir les douze permis de bâtir d’ici 2020/2021, certains étant déjà octroyés. Le gestionnaire allemand prévoit une période de construction de six à huit ans, soit à l’horizon 2026. Le projet néerlandais vise à se connecter à celui de l’Allemagne, certes moins ambitieux. Chaque année, environ 43.000 trains de marchandises traverses les 3 points frontières de Bad Bentheim, Emmerich et Venlo.
>>> Railfreight.com – Northern branch of Betuwe route essential for Dutch rail freight

Technologie

HydrogèneBelgique – La SNCB complète l’installation de l’ETCS sur les automotrices AM80 – Icône de la SNCB des années 80, les automotrices AM80 dites « Break » sont toujours bien présentes et entament (déjà) leur quatrième décennie de vie. Les mises à niveau font partie du Masterplan ETCS du gestionnaire d’infra Infrabel, qui vise à équiper l’ETCS sur toutes les grandes lignes belges d’ici la fin de 2022. Le matériel roulant devait forcément suivre ce rythme. La SNCB indique que les mises à niveau ont coûté environ 21,5 millions d’euros et ont été soutenues par une subvention de 10,8 millions d’euros octroyée par l’Union européenne (UE) en 2015 via son mécanisme pour l’interconnexion en Europe. 62,8% de sa flotte serait désormais équipée de systèmes ETCS opérationnels. L’ETCS est maintenant la référence des nouvelles signalisations de toutes l’Europe mais demande des installations à bord qui peuvent paraître onéreuses, tout particulièrement dans les anciens matériels roulants. Actuellement, tout matériel roulant vendu comporte au minimum un pré-câblage pour l’ETCS, qui n’est plus, tant en Belgique qu’au Luxembourg, une option, mais une obligation. En Belgique cependant, le système national TBL1+ demeure toujours d’application, en superposition.
>>> International Railway Journal – SNCB completes ETCS upgrades on AM80 EMU fleet

HydrogèneEurope – Quel avenir pour les trains à hydrogène ? – Depuis plusieurs années, l’hydrogène semble être devenu le carburant miracle pour contrer la pollution générée par la propulsion diesel. Si au départ on en parlait pour l’automobile, l’hydrogène est maintenant utilisée dans le secteur ferroviaire. L’hydrogène est avant tout une source d’énergie à fort potentiel pour ce que l’on appelle l’industrie lourde, ce qui vise plutôt les bus, les poids lourds et finalement les trains. Une application ferroviaire était donc tout à fait appropriée. Flairant le bon filon, Alstom en Allemagne fut le premier constructeur à se lancer dans cette aventure avec son autorail à hydrogène Coradia i-Lint… et les indispensables subventions du gouvernement allemand. Alstom l’a fait alors que les deux autres concurrents, Bombardier et Siemens, s’engageaient plutôt dans une course aux autorails à batteries électriques. Depuis lors, on voit des trains à hydrogène en essais dans toute l’Europe, et pas seulement chez Alstom. C’est ce que présente cet article.
>>> Mediarail.be – Quel avenir pour les trains à hydrogène ?

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Luxembourg

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Articles / Analyses

LuxembourgDu déclin sidérurgique au futur vert : la reconversion de Belval
28/05/2023 – Comment reconvertir des chancres industriels ? La réponse semble si difficile dans certaines régions d’Europe alors qu’un petit pays, le Grand Duché du Luxembourg, aurait de son côté trouvé une solution assez inspirante et bien dans l’air du temps. Et le tout sans voitures…


TRAXX_RegiojetComment quatre acteurs disparates créent un flux intermodal
21/12/2020 – Stena Line, LKW Walter, le port de Rostock et CFL Multimodal ont conclu un accord de partenariat pour élargir leur offre de services respective. Cette nouvelle connexion intermodale fonctionnera en 3 allers-retours par semaine, transportant des semi-remorques ainsi que des conteneurs. L’occasion de…


LEX_05_Le fret ferroviaire luxembourgeois : un petit poucet qui voit grand
20/03/2020 – Les marques CFL Cargo et CFL multimodal ne diront rien à grand monde. Seuls les initiés auront noté qu’il s’agit du chemin de fer luxembourgeois. Le groupe grand-ducal 100% public est particulier, puisqu’il dispose d’actionnaires étatiques étrangers, ce qui est rare : outre les 92 % l’État luxembourgeois, on y trouve les 6 % de l’État belge et les 2 % de l’État français. Ce réseau lilliputien…


Le wagon modulaire est-il l’avenir du fret ferroviaire ?

Les wagons de marchandises ont comme particularité de répondre à un secteur industriel précis, comme la chimie ou le blé. Mais le côté négatif de cette spécialisation est que cela entraîne une mono-utilisation qui provoque des retours à vide. Le wagon modulaire permet d’éviter cela.

Quand on veut atteindre des objectifs climatiques, il est essentiel d’éviter toutes les formes de gaspillages. En théorie, la quantité déclarée de marchandises transportées par wagon isolé est d’environ 30%. Il s’agit d’une technologie d’expédition de marchandises dans un wagon de chemin de fer ou dans un groupe de wagons avec le même type de marchandises, accompagnés d’un connaissement. Or, les wagons de marchandises, avec leur spécialisation, causent de nombreux trajets à vide, ce qui non seulement est anti-économique mais ce qui diminue aussi les capacités réelles d’emport de marchandises par rail. Ainsi, combien de trains de marchandises sont-ils réellement pleins quand certaines lignes ferroviaires déclarent être saturées ?

Il y a bien-sûr des cas où un wagon multi-usage est tout simplement interdit. Par exemple la chimie, un secteur très dangereux où chaque wagon a sa spécificité (transport de gaz ou d’huile, température ambiante de transport, pression des citernes). Il est évident qu’un wagon citerne se rendant au pôle chimique de Lyon avec du détergent ne peut pas revenir avec un chargement de Côte du Rhône ou de Beaujolais. En chimie, les parcours à vide sont inévitables. Mais qu’en est-il pour d’autres secteurs industriels ?

C’est ce qu’a étudié l’entreprise autrichienne Innofreight, dès 2002. Le système Innofreight se concentre sur des solutions innovantes et brevetées pour le transport de marchandises et les technologies logistiques. A l’origine, cette société a recherché à améliorer le transport de bois, un secteur essentiel en Europe Centrale, une région bien plus boisée que le Benelux ou le Nord de la France. Avec le système WoodTainer, le premier déchargement rotatif a fait ses débuts en 2004. Depuis, 15 ans se sont écoulés, au cours desquels Innofreight a pu contribuer à des innovations continues dans l’amélioration de la logistique ferroviaire en utilisant des conteneurs spéciaux. Les activités d’Innofreight ont officiellement commencé en 2005 – avec un premier groupe de wagons alimentant la papeterie Sappi à Gratkorn en copeaux de bois. Peu de temps après, d’autres wagons – et enfin – des trains entiers suivirent. Le WoodTainer XXL, présenté en juin 2005 à Ostrava, s’est avéré être le bon produit au bon moment. À l’été 2005, le nouveau système était déjà pleinement opérationnel. Au printemps 2006, 250 WoodTainers étaient déjà en service.

La particularité des conteneurs Innofreight est qu’ils sont manipulés par le dessous, via une fourche, et peuvent ainsi être entièrement tournés. Un nouveau reachstacker de 42 tonnes permet de fournir un pivotement permettant un déchargement très rapide. À la fin de 2006, six autres grands chariots élévateurs de la société suédoise Kalmar avaient élargi la flotte de chariots élévateurs Innofreight. Le reachstacker est équipé d’une balance étalonnable, ce qui élimine le besoin de peser des wagons qui prend du temps.

Le nombre de clients des industries du bois, du papier et de la pâte a augmenté rapidement. Innofreight a fourni, entre autres, l’usine de panneaux de particules de la société Egger à Unterradlberg au nord de St. Pölten, la société Mondi à Frantschach et M-Real à Hallein. En décembre 2006, Innofreight a pu livrer le 1 000e WoodTainer XXL à Papierholz Autriche. Le WoodTainer a également fait ses preuves dans le froid glacial des hivers polaires en Scandinavie en 2007: le WoodTainer XXL se transforme en WoodTainer XXXL – le profil ferroviaire suédois avec sa largeur maximale de 3,4 mètres permet une augmentation de volume jusqu’à 58 mètres cubes . Innofreight exploite donc pleinement le volume de chargement maximal et continue d’utiliser les conteneurs XXL en Europe centrale. De nombreux nouveaux clients ont été ajoutés en 2007 et en 2008, une filiale Innofreight a été créée en Suisse.

Aujourd’hui, l’entreprise, en coopération avec les transporteurs, réalise un million de mouvements de conteneurs par an avec près de 12.000 conteneurs en circulation, 1.200 wagons à plancher bas appelés InnoWaggon et 150 trains complets circulant sur le réseau ferroviaire. Le système est utilisé dans 14 pays et est exploité par 90 employés internationaux et 58 reachstacker avec un bras télescopique muni d’une fourche. La modularité et les combinaisons de la solution Innofreight System garantissent un haut niveau d’utilisation des capacités des outils de transport et d’expédition, ainsi que la flexibilité et l’efficacité. Le concept a été étendu à d’autres secteurs industriels et les conteneurs sont actuellement utilisés pour le transport de produits agricoles, de matériaux de construction, d’acier et d’autres produits métallurgiques, de produits énergétiques et de liquides.

L’atout essentiel du système est que l’on peut utiliser un même chassis de wagon pour des utilisations multiples. Innofreight ne se contente pas d’y installer des conteneurs, mais aussi des trémies amovibles, des citernes ou des caissons de transports de coils, comme le montre les photos ci-dessous. Un autre atout important des conteneurs Innofreight est que la firme a conservé les cotes ISO et les coins de prises par spreader normalisés, conçus pour le secteur maritime. Ces coins sont parfaitement visibles et intégrés sur tous les types de conteneurs.

Containers pour vracs solides (photo GT 1976 via wikipedia)

L’efficacité du système Innofreight peut être présentée, non seulement par sa modularité, mais aussi par sa capacité de chargement. Les wagons de type Fals (à bords hauts avec un plancher en forme de w pour le chargement rapide) ont un poids de chargement de 55 tonnes, tandis que l’unité à double-wagons Innofreight a un poids de chargement de 126,9 tonnes. La différence de poids de chargement avec deux wagons de type Fals est donc de 16,9 tonnes en faveur du concept Innofreight. Cela signifie qu’un train composé de 40 wagons de classe Fals aura 340 tonnes de moins qu’un train Innofreight. Le bois brut destiné à l’industrie du papier est transporté par des wagons à bogies Eas (wagons à bords hauts) d’un poids de 57 tonnes. En utilisant le système Innofreight, une unité de wagons peut être chargée de 4 conteneurs de 20′ d’un poids de 127 t, ce qui signifie un poids transporté supérieur de 13 tonnes par rapport aux wagons standard.

Il est important de distinguer ce système Innofreight d’un autre concept développé en Suisse : l’ACTS. Bien que l’ATCS utilise aussi un wagon plat modifié à peu de frais, il s’agit surtout d’un concept développé pour le secteur des déchets. Ces conteneurs ont moins de volume et pivotent à 45° pour être directement déchargé à l’aide d’un camion muni d’un bras à crochet. Ces conteneurs sont très utilisés pour les chantiers de construction et les parcs à déchets destinés au public. Le concept ACTS est bien utilisé dans les alpes mais ne semble pas avoir eu un grand succès ferroviaire dans d’autres pays.

>>> Voir le concept ATCS en vidéo

Ces dernières années, l’accent a été mis sur les wagons plutôt que sur les conteneurs. En Autriche également, le fabricant d’acier Voestalpine et l’opérateur public ÖBB produisent un wagon plus léger. Une entreprise commune a été signée en septembre dernier entre le client et son transporteur. Cette initiative ouvre la voie au développement de TransANT – le wagon à plate-forme léger et innovant, créé par les deux sociétés, qui établit de nouvelles normes de flexibilité et de modularité sur le marché de la logistique du fret.

Lancé à l’automne 2018, le TransANT est un châssis de wagon qui offre un avantage de charge utile allant jusqu’à quatre tonnes par wagon, grâce notamment à un châssis 20 % plus léger. Fabriqués en acier à haute résistance Alform de Voestalpine, les wagons à plate-forme sont proposés dans une variété de longueurs allant de 11 à 23 m. L’innovation réside ici dans la modularité de la construction du wagon. Quatre pièces essentielles sont standardisées et s’assemblent selon les besoins du client. Hormis la version la plus courte conçue pour fonctionner en paire, les wagons sont formés d’ensembles identiques optimisés pour une fabrication semi-automatique et configurés pour l’installation future d’un attelage automatique.

On obtient alors la longueur souhaitée et les frais d’étude sont très largement diminués, quelque soit la finalité du wagon. La question du crash test et des nombreuses normes qui encadrent la construction de ces wagons en kit est précisément ce qui fait la nouveauté technologique de ces véhicules autrichiens. Voestalpine a joué ici un rôle essentiel sur de nombreuses innovations, notamment en matière de soudure de carrosserie.

Si on regarde les derniers développements, il semblerait que la bataille pour le meilleur wagon soit lancée. DB Cargo, allié avec le loueur VTG, présentait aussi un wagon modulaire similaire en septembre dernier. Baptisé « m² », ce wagon est destiné à offrir une conception multifonctionnelle qui peut être personnalisée pour répondre aux besoins des clients. Selon ses promoteurs, l’objectif du « m² » est d’optimiser les paramètres du wagon tels que le poids, le kilométrage et le coût. On retrouvera ici quelques options du wagon autrichien TransANT. Les composants tels que les bogies, les essieux et les freins (freins à bloc ou à disque) peuvent également être adaptés à chaque utilisation donnée. 

VTG et DB Cargo ont travaillé en étroite collaboration dans le cadre du projet «Innovative Freight Car» du ministère fédéral des Transports, qui s’est achevé début 2019.

Ces exemples montrent toute l’importance de l’État d’investir dans la R&D nationale en se reposant sur l’ensemble de la filière, industrie privée y compris, plutôt que sur des projets menés en solo par une entreprise en monopole. Heiko Fischer, Président du Directoire de VTG AG, l’explique : «le passé l’a montré : ce n’est qu’ensemble que nous pourrons faire progresser le transport ferroviaire de marchandises et le renforcer face à la route. Avec les wagons modulaires que nous développons dans le cadre du projet, nous continuerons à améliorer l’offre pour nos clients et à accroître l’attractivité des chemins de fer.» Il reste maintenant à rajouter sur ces wagons innovants toute une série d’autres innovations technologiques, comme l’attelage automatique, ainsi que les innovations digitales en cours d’essais. On obtiendra alors des wagons qui, enfin, ne ressembleront plus à ceux que l’on construisait il y a 200 ans…

Sources :

2010 – Transport Research Market Uptake (Market-up) – Deliverable: D 3.1 – Selected case studies on transport innovation: R&D initiatives and market uptake of results
2016 – European Commission – Design features for support programmes for investments in last-mile infrastructure
2019 – Innofreight, annual review
2019 – Cordis Europa – Une technologie innovante pour des wagons modulaires devrait stimuler le développement du transport de marchandises par rail
2020 – Researchgate – Multimodal Transport as a Substitution for Standard Wagons

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Kiel et son étoile ferroviaire

Kiel est l’une des 30 plus grandes villes d’Allemagne, au nord de Hambourg, avec 247.000 habitants, grosso modo l’équivalent de Pau ou Besançon. Elle se situe en bordure de la mer Baltique, à l’entrée nord du fameux canal du même nom. La mer Baltique en fait une porte vers la Scandinavie et les ferries y sont présents en nombre.

Comme certaines villes de cette taille, Kiel dispose en Allemagne d’un réseau ferré autour de la ville et dans la zone métropolitaine. On compte aujourd’hui cinq lignes locales et régionales où plusieurs arrêts ont été créés ou rouvert ces vingt dernières années.

Des essais en 2007… (photo Christophe Müller)

La question s’est posée un moment s’il n’était pas préférable d’exploiter ces lignes à l’aide de Regiotram ou tram-train. Dans le cadre d’un projet appelé Stadtregionalbahn Kiel (SRB), des trajets de démonstration eurent lieu en 2007 à l’aide d’un Regiotram de Cassel. La mise en oeuvre de ce réseau aurait coûté environ 380 millions d’euros, dont au moins 60% auraient pu être financés par des subventions fédérales. 14,6 millions d’euros de frais de fonctionnement étaient à charge de la ville de Kiel mais le Land promettait d’en prendre 40% à sa charge, soit plus de 6,1 millions d’euros. Mais en 2015, plusieurs communes de l’aire métropolitaine, qui auraient participé au financement, se retiraient et n’étaient plus en faveur du SRB. La « masse critique » nécessaire diminuant, le maire SPD Ulf Kämpfer enterra le projet, bien que la question d’un éventuel retour du tram à Kiel soit toujours ouverte, à travers l’association Tram für Kiel eV

>>> À lire : Avantages et limites du tram-train

C’est donc plutôt la solution ferroviaire qui reste de mise. Au niveau du Land complet, c’est l’Association des transports locaux Schleswig-Holstein, NAH.SH, qui gère les transports locaux du Schleswig-Holstein en tant qu’AOT, soit 1.179 kilomètres de réseau ferroviaire et 173 gares. Six compagnies ferroviaires et une cinquantaine  de compagnies de bus transportent environ 324 millions de passagers par an. L’opérateur principal – mais pas exclusif, nous sommes en Allemagne -, est DB Regionalbahn Schleswig-Holstein

Autour de Kiel et d’Husum, certains itinéraires furent exploités jusqu’en 2016 par le Nord-Ostsee-Bahn (NOB), une filiale de Transdev Deutschland. Depuis la fin de cette concession, c’est DB Regio qui couvre l’ensemble des itinéraires, où l’opérateur exploite essentiellement des autorails Coradia Alstom classés BR648. Sur le grand axe Kiel-Hambourg, DB Regio aligne des Twindexx Bombardier. Même des petites villes comme Neumunster disposent parfois de petites gares de banlieues.

Twindexx DB classe 445 de passage à l’arrêt Neumünster-Einfeld (photo Train régional 77 via wikipedia)

Le réseau autour de Kiel est principalement non-électrifié, à l’exception de l’axe vers Hambourg. Ces dernières années, le nombre de gares et arrêts dans l’aire métropolitaine est passé de 5 en 1995 à 16 en 2020, ce qui démontre la vitalité du transport de proximité, un segment jadis abandonné par la Deutsche Bahn. Il est prévu d’arriver à 26 gares en 2023 et peut-être même 30… en 2030.

Evolution du réseau (source Jochen Schulz sur LinkedIn pulse)

La gare de Melsdorf (source Jochen Schulz sur LinkedIn pulse)

Sur une ligne comme Kiel-Husum, tout de même 101km, on compte en semaine, 21 aller-retour de bout en bout, tous cadencés, le premier partant à 3h48 quand le dernier part de la ville à 23h03. Entre ces trains directs, viennent s’insérer un omnibus également cadencé à l’heure mais limité à mi-chemin, à Rendsburg, gare qui a donc un train toutes les demi-heure, toute la journée, sans « trous horaires » après 9h00… Il en est de même sur d’autres lignes, qui comportent beaucoup de sections à voie unique.

La zone tarifaire de la région de Verkehrsverbund Kiel (VRK) est tarifée intégrée dans le tarif SH à l’échelle du Land. Cette zone comprend bien évidemment les bus et les trains. Le KVG, service de bus de la ville, compte 36 lignes, dont 5 de nuit desservant les environs 24h/24, et offre près de 9,8 millions de voyages annuels pour le bonheur 33 millions d’usagers. Les passionnés de bus pourront admirer la flotte à ce lien.

Kiel_09

Un train pour la plage
Les plus belles plages se trouvent un peu plus au nord, du côté de Schönberger Strand, à 26 kilomètres de Kiel. Une ligne avait été ouverte en 1910 mais son exploitation fut arrêtée en 1981… par la DB, qui n’en voulait plus. Une voie ferrée que le Land du Schleswig-Holstein veut maintenant réactiver, étendant encore un peu plus le réseau autour de la ville. Le projet a été inclus dans le premier plan national de transport local LNVP en 1997 (appelé «Perspective 2010»). Comme en Bavière avec la ligne de 25km Viechtach – Gotteszell, les coûts sont cependant importants pour un trafic peut-être pas énorme. Pour réhabiliter ce tronçon fort abîmé, il faudrait en effet investir près de 50 millions d’euros et octroyer des subventions annuelles de l’ordre de 2 millions d’euros. L’itinéraire devrait en principe être parcouru à une vitesse de 80 km/h, mais descend à 70 ou 60 km/h dans certaines courbes. Les municipalités ne supportent que des coûts pour les abords de la gare – c’est-à-dire les vélos-relais, les parkings de bus et les parking autos. Le Land peut dans certain cas aider les communes jusqu’à 75% de ces coûts.

On ne sait pas encore à ce stade qui va exploiter cette ligne, ni avec quel type de matériel, d’autant qu’entre-temps le Covid-19 est venu s’insérer dans le dossier, avec la question de la réalité des 1.500 passagers par jour prévus ou espérés. Les autorails à hydrogène sont mentionnés, mais il n’y aucune certitude. Cela reste néanmoins un bel exemple d’intégration de différents acteurs autour d’un projet de réhabilitation ferroviaire.

Améliorer Kiel-Hambourg
3.500 voyageurs se rendent à Hambourg chaque jour pour le travail, quand inversément 2.000 viennent à Kiel depuis la ville hanséatique. C’est la plus grosse ligne aboutissant à Kiel. Elle est exploitée avec des Twindexx Bombardier, aux couleurs de NAH SH. Mais la ligne est coupée en  deux parties, avec comme frontière Neumünster. Deux zones tarifaires s’y rejoignent.

L’entreprise DB Regio a clairement raté l’objectif de ponctualité de 93% convenu contractuellement avec le Land. « Les principales causes sont la séquence dense de trains sur l’itinéraire à proximité immédiate de la gare centrale de Hambourg et les perturbations sur l’itinéraire, » expliquait en octobre dernier Angelika Theidig, de DB Regio à Hambourg. Un comble quand on sait que la ligne et les installations de Hambourg sont gérées par DB Netz, de la même holding DB. Fin 2019, la ponctualité avait chuté à 85%. C’est tellement mieux, le rail intégré ?

(photo Dirk Upnmoor via license flickr)

Malgré cela, l’exemple de ce réseau « S-Bahn » autour d’une ville moyenne démontre que le train de proximité n’est pas un fardeau mais une chance. Reste à Kiel à régler son tarif de parking auto, jugé trop bon marché, et qui fait encore la part trop belle au mode routier. Surtout quand on estime de 100.000 personnes entrent et sortent de cette petite ville chaque jour…

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13/04/2020 – Transdev, qui exploite des service de trains régionaux en Allemagne, va réunir trois de ses filiales sous une marque unique en Bavière, pour davantage de cohérence


Les voitures-dôme des TEE allemands


29/08/2020 – Par Frédéric de Kemmeter – Signalisation ferroviaire et rédacteur freelance
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De notre série « Aah, les trains d’hier… »

En 1957, sept réseaux ferroviaires dans une Europe apaisée mettaient en service le concept de « Trans Europ Express », année de la signature du Traité de Rome. L’objectif était – déjà -, de tenter de ramener les hommes d’affaires vers le train en leurs proposant un confort hors du commun. À l’origine, il était prévu un matériel roulant unifié mais le chemin de fer étant « une chose nationale », les réseaux préférèrent une formule d’association non juridique, permettant d’évoluer chacun chez soi.

Dans l’intervalle, des design audacieux naissaient sur certains réseaux du monde. Outre un soudain attrait pour les carrosseries en aluminium, on assistait à « une autre façon d’admirer le paysage ».

Ainsi en 1947 déjà aux États-Unis, le Burlington Railroad introduisait sur son Twin Cities Zephyr cinq voitures Vista-Dome tandis qu’en France, la SNCF lançait en 1959 un autorail classé X 4200 sur les lignes touristiques. Point commun de ces véhicules : une vue dégagée sur des itinéraires d’exception.

Au début des années 60, l’Allemagne était déjà dotée de nombreux grands express nord-sud, dans la gamme des « F » (Fernzug – train express). Parmi eux, plusieurs de ces F s’avérèrent éligibles au rang des Trans Europ Express qui, rappelons-le, sont des trains uniquement de première classe auquel il fallait encore ajouter « le supplément TEE ». À cette époque, la Deutsche Bahn engageait la livraison de nouvelles voitures UIC X, d’une longueur maximale de 26,40m hors tampons, permettant de prendre toutes les courbes d’aiguillages sans engager le gabarit. Afin de retrouver une place privilégiée pour deux trains phares de l’époque, le Rheingold et le Rheinpfeil, une nouvelle série de véhicules fut créée en 1962 :

  • voiture à compartiments Av4üm-62/63;
  • voiture à couloir central « coach » Ap4üm-62/63,
  • voiture-restaurant « à bosse » WR4üm-62/63 et,
  • voiture-dôme AD4üm -62/63

Cette série fut relativement en avance sur son temps, puisque nombre d’innovations furent intégrées comme le verrouillage pneumatique et automatique des portes d’intercommunication, la climatisation et les bogies équipés de freins électromagnétiques pour circuler – on est en 1962 -, à 160km/h, alors que les trains vapeur et non électriques sont encore nombreux. On le sait peut, mais jusqu’à l’introduction du règlement sur la construction et l’exploitation des chemins de fer en 1967, les vitesses allant jusqu’à 160 km/h nécessitaient une autorisation exceptionnelle du ministre fédéral des transports pour pouvoir dépasser la vitesse maximale générale de 140 km/h stipulée dans les règlements d’exploitation en vigueur.

Comme les deux trains sont à long parcours (Hoek van Holland – Bâle – Genève pour le Rheingold), et que la vallée du Rhin fait aussi partie des itinéraires d’exception, surtout entre Coblence et Mayence, la Deutsche Bahn retînt l’idée d’une voiture-panoramique, mais déclinée au sein du format UIC X de 26,40m.

La construction des « vista-dômes », confiée à Wegmann, se déroula en deux temps :

  • Trois voitures bleu cobalt/beige construites en 1963 pour le Rheingold, et portant l’inscription « Rheingold »;
  • Deux autres voitures destinées au Rheinpfeld  construites en 1965 mais qui reprirent l’inscription « Deutsche Bundesbahn » sur leur flanc.
L’une des ADüm en livrée bleu/beige, quand les trains étaient encore sous label Fernzug…

En 1965, la requalification des deux trains F 9/10 Rheingold et la F 21/22 Rheinpfeld  en « Trans Europ Express » demanda alors de les repeindre en rouge/beige, ce qui n’intervînt qu’en 1967. C’est cette image que l’on retient volontiers des cinq voiture-dôme AD4üm, 10551 à 10555, objet de cette fiche d’histoire.

Dans un TEE spécial historique, en 2012, de passage à Selzthal en Autriche (photo unci_narynin via license flickr)

La construction de ces véhicules particuliers nécessita un renforcement du chassis. Le dôme panoramique représente en effet un affaiblissement de la construction tubulaire de la caisse. Pour donner l’impression d’un dôme vitré très épuré, les montants furent aussi élancés que possible en ayant recours à des profilés en acier. Il a fallu aussi tenir compte de la hauteur limite de 4,50m au dessus du niveau des rails, tant en Allemagne, qu’aux Pays-Bas et en Suisse. On savait donc déjà que les « vista » n’iraient jamais ailleurs, en France ou en Belgique.

La voiture en elle-même était divisée en trois partie :

  • d’un côté au niveau normal du plancher, deux compartiments classiques à six places et un local secrétariat muni d’un téléphone (rappelons l’absence de wifi et de téléphones portables…);
  • de l’autre côté au niveau normal du plancher, un bar avec 12 places assises et 3 chaises hautes;
  • enfin au centre, la constitution de deux niveaux : au-dessus, le dôme en lui-même avec 22 sièges, dont 18 pivotants. Et à l’étage inférieur, un ensemble composite comprenant le local technique de climatisation, ainsi qu’un local bagage et un second éventuel pouvant servir pour la poste.

La zone de transition entre les deux parties à un étage et la partie centrale à deux étages, avec des efforts de compression de 200 tonnes, avait l’objet d’études poussés. Le plancher du dôme est une construction combinée de fer et de bois autoportante de très faible encombrement (60mm). Elle donne au véhicule la rigidité de torsion nécessaire.

TEE-Dome

Le dôme en lui-même a posé des défis en terme de climatisation : c’est la raison du local technique situé à l’étage inférieur. Long de 8,40m, il contient 22 sièges en disposition classique de première classe, 2+1, dont 18 sont pivotants pour pouvoir être orientés dans le sens de la marche du train, comme le montre les deux clichés. 48 glaces de dimensions identiques, en verre trempé réfléchissant ou absorbant la chaleur. Il n’y avait pas de pare-soleil. Les croisillons en acier sont recouverts intérieurement de moulures en aluminium anodisé et de bandes en matière plastique.

Tous les sièges dans le sens de marche

Une courte vie…
Ces voitures furent donc incorporées dans les TEE 9/10 Rheingold et TEE 21/22 Rheinpfeld dès 1965, selon un schéma d’exploitation d’une grande complexité, puisque les deux TEE s’échangeaient des voitures dans deux gares pivot, Duisbourg et Bâle. En simplifiant, nous les trouvions de 1965 à juin 1971 sur :

  • Dortmund – Duisbourg (Train F321) – Cologne – Mannheim – Bâle – Genève et retour (TEE 9/10 Rheingold);
  • Dortmund – Duisbourg – Cologne – Francfort – Nuremberg – Munich et retour (TEE 21/22 Rheinpfeld)

Soit 4 voitures utilisées en additionnant les deux sens. Cela signifie que les deux TEE se suivaient de 5-6 minutes sur le tronçon commun entre Duisbourg et Mayence. En septembre 1971, le Rheinpfeld perdait déjà son label TEE pour s’intégrer dans le nouveau concept d’Inter City cadencé aux deux heures que la Deutsche Bahn mettait en place. Le Rheingold devenait TEE 6/7 et le schéma de 1972 était le suivant :

  • Hanovre – Dortmund – Duisbourg (IC 107) – Cologne – Mannheim – Bâle – Genève et retour (TEE 6/7 Rheingold);
  • Dortmund – Duisbourg – Cologne – Francfort – Nuremberg – Munich et retour (IC 107)

En 1973, changement d’exploitation – encore – avec la création du TEE 24/25 Érasmus. Ce sera la seule période où les « vista » entrent aux Pays-Bas, pour un court moment. Elles sont engagées sur le parcours Den Haag – Munich (4 voitures seulement, photos ci-dessous) complété en Allemagne de plusieurs autres voitures TEE dès Emmerich, pour la suite du parcours vers Cologne, Mayence, Francfort, Nuremberg et Munich.

Au final, en Suisse, les « vista » n’auront circulé que sur Genève, alors qu’elles auraient pu offrir le spectacle grandiose de la ligne du Gothard par le biais du TEE Roland, destiné à Milan et en correspondance avec le Rheingold à Bâle. Idem en Autriche : les « vista » n’ont pas intégré le TEE Blauer Enzian quand celui-ci fut prolongé un moment de Munich à Klagenfurt, à travers la magnifique ligne montagneuse du Tauern.

De toute manière le monde évoluait déjà ! Dans les bureaux d’étude de la Deutsche Bahn, on prépare déjà le matériel roulant du futur : il prévoit des voitures seconde classe munies du confort des voitures TEE, comme la climatisation, les portes automatiques et des vitesse de pointe à 200 km/h. La DB ne veut plus non plus de ces trains comportant des tranches multiples de 2 ou 4 voitures comme sur le Rheingold. L’avion ne cessait de progresser, de même que le kilométrage d’autoroutes. L’heure est au transport industriels, aux grands volumes…

La forte spécialisation des voitures-dôme, entretenues à Munich, entraînait des frais qui dépassaient les gains escomptés à l’origine. En mai 1976, elles furent toutes retirées des TEE sur lesquels elles officiaient, remplacées par de simples voitures-bar ou restaurant. On le sentait, les TEE partaient tout doucement vers le déclin et un autre monde se préparait.

De nombreuses nouvelles vies…
Les « AD vista-dôme », hors service à la DB dès décembre 1976, furent vendues au voyagiste Apfelpfeil. Après la faillite de ce dernier, elles furent reprises par l’agence de voyage suisse Mittelthurgau de 1981 à 1999, qui faisait des charters spéciaux vers les pays méditerranéens et la Scandinavie, ainsi que les pays d’Europe de l’Est. Pour l’occasion, l’atelier voitures de Raststatt a remplacé les dômes d’observation par un nouveau dôme de conception plus basse, de sorte que les voitures puissent être autorisées à travers les tunnels des Alpes et sur les ferries vers la Scandinavie.

Une longue errance reprend quand Mittelthurgau fait à son tour faillite. Les cinq voitures se retrouvent bien au nord, en 1999, chez le suédois Tåg-kompaniet (TKAB). Les voitures sont alors utilisées dans le train Stockholm-Luleå de Tågkompaniet et sur Malmbanan jusqu’en 2003, date à laquelle Connex/Veolia reprit le trafic.

>>> Photos de la « période suédoise » à ce lien

Ces services furent arrêtés rapidement et en 2005, Tågkompaniet revendait quatre des cinq voitures à diverses associations et musées en Allemagne. La cinquième voiture était quant à elle vendue à un autre suédois, TGOJ Trafik, puis NetRail qui la loua à Veolia, devenu Transdev, sur son service en open access Malmö-Stockholm. Au printemps 2013, Netrail revendait la cinquième « vista » à un acheteur néerlandais, mettant fin à cette période suédoise.

Où sont-elles de nos jours ?
Contrairement à d’autres réseaux d’Europe qui se débarrassent très (trop) vite de leur vieux matériel roulant, aucune « vista » ne fut mise à la casse, et c’est heureux. En Allemagne, l’une d’entre elles est dorénavant utilisée sur le nouveau train charter Touristik TEE Rheingold, dont la traction est confiée à une locomotive mythique, elle aussi préservée, la E 103 :

Une autre voiture, la 10552, appartient à l’association Freundeskreis Eisenbahn Köln (FEK) qui propose des charters dans un Rheingold bleu/beige, période courte précédent la livrée TEE.

L’AD4üm-62 en livrée originale, reprise par le FEK, vue ici en 2011 à Königswinter (photo Tohma (talk) via wikipedia)

Un autre exemplaire semble avoir trouver une nouvelle vie de luxe, auprès de Luxon, un projet commun entre Rail Adventure (Siemens) et Geisel Privathotels, né en mars 2019. Un train ultra-court qui ne comporte que la « vista » et une E 103 de Rail Adventure. Jusqu’à 22 passagers peuvent louer le train de luxe pour voyager dans toute l’Europe – partout où le réseau ferroviaire le permet. Vous pouvez le réserver « simplement » pour votre famille (photos). Menu gastronomique à bord : le chef du Werneckhof, Tohru Nakamura, récompensé de deux étoiles au Guide Michelin, est responsable de la gastronomie du Luxon. Jusqu’à sept menus sont encore possibles dans le train de luxe, ainsi que toutes sortes d’autres commodités.


Il vous faudra cependant débourser au minimum 11.000 euros si vous voulez avoir votre train privé deux étoiles Michelin pour aller à Venise, Nice ou Prague. C’est le retour du Trans Europ Express, mais dans une version de luxe XXL et sans horaire « commerciaux ». Ce train peut aussi convenir pour un gentil team building

On se réjouit : contrairement aux voitures-lits T2 ou bar-dancing SNCB dont il ne reste hélas rien, les voitures « vista-dôme » sont toujours en vie dans des formes diverses et continueront de parcourir les voies.


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29/08/2020 – Par Frédéric de Kemmeter – Signalisation ferroviaire et rédacteur freelance
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Alstom va tester des locomotives de manœuvre automatiques aux Pays-Bas

(photo Lineas)

Alstom a signé un accord avec le gestionnaire néerlandais ProRail pour procéder à des essais de conduite automatique de type ATO sur des locomotives de manœuvre diesel-hydraulique appartenant à Lineas, opérateur privé belge.

Alstom a signé un accord avec ProRail, l’opérateur d’infrastructures néerlandais, pour procéder à des essais de conduite automatique ATO sur des locomotives de manœuvre en 2021. Les essais seront réalisés au plus haut degré d’automatisation (GoA4) dans une gare de triage. L’objectif est de montrer comment l’utilisation de trains entièrement automatisés peut optimiser l’exploitation ferroviaire et ainsi garantir une mobilité rentable et pérenne face à une hausse de la demande d’opérations de manœuvre.

Alstom équipera pour cela une locomotive de manœuvre diesel-hydraulique appartenant à l’opérateur belge Lineas, avec une technologie de contrôle automatique et d’un système intelligent de reconnaissance et détection des obstacles. Il devrait s’agir d’une HLD77/78 mais ce n’est pas encore précisé. Les tâches ordinaires, telles que le démarrage et l’arrêt, le couplage des wagons, le contrôle de la traction et des freins ainsi que la gestion des urgences, seront entièrement automatisées sans personnel actif à bord du train, sauf pour celles liées au protocole de sécurité des essais.

L’ATO, pour Automatic Train Operation, est un dispositif d’amélioration de la sécurité opérationnelle basé sur un degré d’automatisation par grade allant du niveau GoA 0 (en anglais Grade of Automation), en passant au GoA 2 où démarrages et arrêts sont automatisés, et pouvant aller jusqu’au niveau GoA 4, où le train roule automatiquement sans personnel de conduite à bord. À ce jour, ce sont plutôt les métros en circuit fermé tels la ligne 14 à Paris ou le VAL de Lille qui peuvent prétendre au niveau GoA 4, avec différentes configurations et systèmes de contrôles selon les cas.

Alstom a démontré les avantages de l’ATO, en particulier sur des systèmes de métro à travers le monde. L’expérience montre que l’automatisation entraîne une augmentation de la capacité, une réduction des coûts, des économies d’énergie et  une flexibilité opérationnelle. Les trains automatisés peuvent circuler de façon plus rapprochée, les temps de réaction humains n’étant plus un problème, ce qui permet d’augmenter efficacement la capacité du réseau. Les trains fonctionnent également de façon plus uniforme, ce qui permet une utilisation plus efficace de l’énergie.

L’ATO sur « grand chemin de fer » existe déjà mais n’est pas encore la règle. Il peut être superposé  sur le système de sécurité ETCS de niveau 2 et tous les grands fournisseurs fournissent leur solution. Un test d’ATO de niveau GoA 2 Siemens a par exemple été entrepris avec succès, en mars 2018 au Royaume-Uni, sur la ligne RER Thameslink traversant Londres. Fin 2018, Alstom avait procédé avec succès à l’essai du système ATO à un degré GoA de niveau 2 avec ProRail et une locomotive de fret de Rotterdam Rail Feeding (RRF) sur la Betuweroute, une ligne de fret dédiée reliant Rotterdam à l’Allemagne. Le grade GoA 2 signifie que le train se déplace automatiquement et s’arrête précisément à quai, sans intervention du conducteur, en fonction du profil de trajet fourni par ATO trackside.

L’équipe suisse Auto-Ferrivia a aussi réalisé une forme originale d’ATO sur un train ancien, là aussi avec succès, sur une échelle GoA 2. Son concept d’ATO est largement indépendant sur le plan technologique du véhicule et de l’infrastructure et convient plus particulièrement aux chemins de fer aux conditions d’exploitation simples, sur n’importe quel train, ce qui pourrait intéresser les petites lignes. En février 2020, West Japan Railway a testé avec succès le fonctionnement automatisé des trains sur une section de la ligne de boucle d’Osaka, en vue de l’introduction de l’ATO sur ses itinéraires les plus fréquentés de la région d’Osaka.

En février 2020, Stadler, en collaboration une fois encore avec ProRail, la Province de Groningue et Arriva Netherlands, a mis en service un train d’essai doté de l’ATO avec cette fois un groupe de VIP à bord. C’était la première fois que des voyageurs aux Pays-Bas montaient à bord d’un train qui peut accélérer et freiner automatiquement. Pour garantir la sécurité du train, celui-ci fonctionnait sous un système de protection des trains et sous la surveillance obligatoire d’un conducteur. On le voit, un peu partout, des projets prennent forme.

L’expérience d’Alstom aux Pays-Bas va encore plus loin puisqu’il s’agirait d’une toute première automatisation GoA niveau 4 avec des trains de manœuvre aux Pays-Bas. « Ce projet ouvre la voie à un réseau ferroviaire entièrement digitalisé. Ces essais permettront au système ferroviaire européen de bénéficier d’une plus grande capacité, d’une diminution de la consommation d’énergie et des coûts tout en offrant une plus grande flexibilité opérationnelle et une meilleure ponctualité. Ce test s’inscrit pleinement dans la stratégie d’Alstom, visant à apporter une valeur ajoutée à nos clients pour une mobilité verte et intelligente » commente Bernard Belvaux, Directeur général Alstom Benelux.

En procédant à ces essais aux Pays-Bas, Prorail et Lineas affichent leur volonté d’introduire des trains automatisés et de contribuer au développement de systèmes ferroviaires modernes dans le pays. Alstom entend être un leader en matière d’ATO et participe notamment à Shift2Rail.

(photo Enno)

Un autre projet d’essais d’Alstom vise à mettre en œuvre le système de conduite automatique (ATO) pour des trains de voyageurs régionaux en Allemagne. Ce projet débutera en 2021 avec la collaboration de l’Association régionale de la ville de Braunschweig, du Centre aérospatial allemand (DLR) et de l’Université technique de Berlin (TU Berlin). Après évaluation des voies sélectionnées et de l’équipement nécessaire à la conduite automatique, les essais seront effectués avec deux trains régionaux Coradia Continental appartenant à Regionalbahnfahrzeuge Großraum Braunschweig GmbH.

Pour ce projet, deux trains basés sur la fameuse plateforme Coradia Continental d’Alstom seront dotés du système européen de contrôle des trains (ETCS) et d’un équipement de conduite automatique (ATO) qui permettra aux trains de fonctionner de manière automatique, en testant différents niveaux d’automatisation GoA3 en service voyageurs normal et GoA4 pendant les manœuvres. « La conduite automatique des trains est l’un des défis les plus passionnants de l’industrie ferroviaire. Elle nous offre la possibilité de modeler et de modifier radicalement la gestion opérationnelle de demain. Mais de nombreuses recherches sont encore nécessaires avant d’y parvenir et je suis très heureuse de travailler avec Alstom sur ce projet » a déclaré Birgit Milius, Chef/Professeur du Département des opérations et infrastructures ferroviaires de l’Université TU Berlin et responsable scientifique du projet.

Les résultats de cet important projet contribueront de façon décisive à une meilleure définition du cadre juridique et réglementaire de la conduite automatique des trains. La Basse-Saxe, qui a annoncé son intention d’exploiter des trains régionaux au niveau d’automatisation GoA3, sera à la pointe de la technologie dès que le projet aura fait ses preuves.

(basé sur communiqué de presse Alstom)

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Germany – Deutschland – Allemagne

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ATBECHCZDEFRITNL

  • Electric locomotives / Locomotives électriques : BR101 BR143 BR146
  • Electric multiple unit / Automotrices électriques : BR406BR423BR460
  • Diesel multiple unit / Autorails diesel : BR442
  • High speed train / Rames à grande vitesse : ICE 3
  • Private operators / Opérateurs privés : Transdev Deutschland

BR442 « Talent 2 » Bombardier

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The Talent 2 Emu is a multiple unit railcar manufactured by Bombardier. The train began production in 2008 and first entered service with Deutsche Bahn in 2011. Some trainsets Class BR442 for the train service along Mosel have only two cars, as we can see here in Coblence, August 2014.

Les rames Talent 2 sont des automotrices fabriquées par Bombardier. La production a démarré en 2008 et ce parc est entré en service à la Deutsche Bahn en 2011. Certaines rames BR442 pour le service ferroviaire le long de la Moselle ne comportent que deux voitures, comme on peut le voir ici à Coblence, en août 2014.

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BR406 ICE 3

ICE-3_Brussels

An ICE 3M trainset leaves Brussels-Midi towards Liège, Cologne and Frankfurt. These trains have little in common with the previous ICE 1 and ICE 2 series. In 1994, the new DB launched a design competition, and it was the Munich-based firm Neumeister that came up with a new design within a very short time. The fundamental feature of the ICE 3 compared to the two previous versions is the distributed electrical traction chain along the trainset, making it a true high-speed self-propelled vehicle. It meets the increased requirements for interoperability promoted by the European Commission. 

Une rame ICE 3M quitte Bruxelles-Midi en direction de Liège et Francfort. Ces rames n’ont plus grand chose de commun avec les séries précédents ICE_1 et ICE 2. En 1994, la nouvelle DB lança un concours de design et c’est le cabinet Neumeister de Munich qui réinventa une nouvelle conception dans des délais très courts. La caractéristique fondamentale de l’ICE 3 par rapport aux deux versions précédentes est la motorisation répartie, ce qui en fait une véritable automotrice à grande vitesse. Il répond aux exigences accrues de l’interopérabilité promue par la Commission Européenne.  Infos techniques à ce lien.

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BR460 Desiro Siemens / Transdev Deutschland

The Mittelrheinbahn is a private company 100% owned by Transdev Deutschland. It operates a contract for local trains to Cologne-Coblenz-Mayence. It has leased Siemens Desiro Main Line tri-bodyshell railcars from Alpha Trains, which are classified as BR460 in Germany. One of this is waiting his departure at station Coblence in august 2014.

Le Mittelrheinbahn est une compagnie privée appartenant à 100% à Transdev Deutschland. Elle opère un contrat de trains omnibus sur Cologne-Coblence-Mayence. Elle a loué chez Alpha Trains des automotrices tri-caisses Siemens Desiro Main Line, qui sont classée BR460 en Allemagne. Attente de départ à Coblence en août 2014.

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BR101 ADtranz

The German Class 101 locomotives prefigures what will later become the BR145/146, and then the TRAXX, whose cabin’s fronts can already be recognized. The 145 Bombardier locomotives of this series were put into service between 1996 and 1999 and mainly carry out missions for mainline trains, exclusively under 15kV. Station Coblence in August 2014. 

La série allemande BR101 préfigure de ce qui deviendra par la suite la BR145/146, et in fine la TRAXX, dont on peut déjà reconnaître le fronton avant. Les 145 locomotives Bombardier de cette série ont été mises en service entre 1996 et 1999 et effectuent principalement des missions pour trains grandes lignes, exclusivement sous 15kV.

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BR423 S-Bahn

BR423

The Deutsche Bahn Class 423 EMU is a light-weight articulated electric railcar for S-Bahn commuter networks. The train has similar dimensions to its predecessor, the Emu Class 420, but is significantly lighter and has one large passenger compartment, while that of the 420 is divided into three parts. The 423 additionally has three entrances doors in each carriage, which is down from four on the 420. They are numbered from 423 001 to 423 962.

L’automotrice BR423 de la Deutsche Bahn est une rame électrique articulée légère destinée aux réseaux S-Bahn. Cette rame a des dimensions similaires au modèle précéden BR420, mais elle est nettement plus légère et possède une seule grande salle, alors que la BR420 est divisée en trois parties. La BR423 dispose en outre de trois portes d’entrée dans chaque voiture, contre quatre sur le 420. Elles sont numérotés de 423 001 à 423 962.

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BR143

BR143

The Class 143 was orignally a universal electric locomotive of the Deutsche Reichsbahn (East Germany) numbered Class 243, which is used for general rail service. These machines were built by LEW Hennigsdorf (Berlin) between 1984 and 1989 in about 600 units. Deutsche Bahn renumbered it to class 143 at the time of reunification. In 2020, there were still around 197 machines in operation, all dedicated to DB Regio.

La BR143 était à l’origine une locomotive électrique universelle de la Deutsche Reichsbahn (Allemagne de l’Est) numérotée 243, et utilisée pour le service ferroviaire général. Elles furent construites par LEW Hennigsdorf (Berlin) entre 1984 et 1989 à près de 600 exemplaires. La Deutsche Bahn l’a renumérotée en BR143 lors de la réunification. En 2020, il y avait encore environ 197 machines en service, toutes dédiées à la DB Regio.

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BR146

BR146

DBAG Class 146 are Bo′Bo′ mainline electric locomotives built by Adtranz primarily for the Deutsche Bahn at the end of the 1990s. This is a version of the Class 145 freight locomotive for DB Regio passenger services. The Class 145 and 146 of locomotives are predecessors of the Bombardier TRAXX locomotives. The Class 146s numbered 201 to 282 and 551 to 577 are part of Bombardier’s TRAXX 2 range. They were delivered from 2004 onwards.

Les BR146 sont des locomotives électriques construites par Adtranz principalement pour la Deutsche Bahn à la fin des années 1990. Il s’agit d’une version de la locomotive de fret BR145 destinée aux services voyageurs de la DB Regio. Les locomotives BR145 et BR146 sont les prédécesseuses des locomotives Bombardier TRAXX. Les BR146 numérotées de 201 à 282 et de 551 à 577 font partie de la gamme TRAXX 2 de Bombardier. Elles ont été livrées à partir de 2004.

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West Midlands : première gare au monde à obtenir un label durable

Vue d’artiste de l’Interchange Station (photo HS2 LtD)

La future gare des West Midlands, en cours de construction pour la ligne nouvelle à grande vitesse HS2, est devenue la première au monde à se voir attribuer le plus haut rang par un système d’évaluation de la durabilité.

Le BREEAM, qui est l’acronyme de Building Research Establishment Environmental Assessment Method, est une méthode d’évaluation du comportement environnemental des bâtiments développée par le Building Research Establishment (BRE), un organisme privé britannique de recherche en bâtiment. Le BRE entend établir la norme de la meilleure méthode pour la conception, la construction et le fonctionnement de bâtiments écologiques et déclare sur son site s’être imposé comme l’une des méthodes de calcul les plus complètes et les plus reconnues du comportement environnemental des bâtiments. Plus de 550.000 bâtiments ont été certifiés BREEAM et plus de 2 millions sont enregistrés pour la certification – dans plus de 50 pays à travers le monde.

En 2018, l’ensemble du projet HS2 était déjà devenu le premier projet d’infrastructure du Royaume-Uni à obtenir un certificat BREEAM pour son ambitieuse stratégie de durabilité lors du développement de la phase 1. La future gare des West Midlands fait partie de ce projet, et c’est la première gare au monde à obtenir cette prestigieuse certification.

La future gare est en construction à l’Est de Birmingham sur une zone du centre de Solihull, également appelée West Midlands, près de l’autoroute M42, et positionnée sur la portion de la HS2 qui contourne Birmingham, en direction de Manchester.

Cette zone comprend l’aéroport de Birmingham, la gare internationale de Birmingham, le centre national des expositions, la Jaguar Land Rover et le parc d’affaires de Birmingham.

Le label BREEAM reconnaît ses caractéristiques écologiques notamment au travers de l’optimisation de la lumière du jour et de la ventilation, de la conception du toit qui peut capter et réutiliser l’eau de pluie, et des caractéristiques permettant d’obtenir zéro émissions nettes de carbone pour la consommation quotidienne d’énergie.

La société Arup, qui a été désignée en 2009 pour les études d’ingénierie de la HS2, a également entrepris la conception de la gare de Curzon Street à Birmingham et de « l’échangeur » des West Midlands dont il est question ici. Il ne s’agit pas ici d’une gare au centre d’une ville , mais en périphérie de Solihull, au cœur d’un environnement bâti à proximité de nombreuses voies de communication. L’Interchange Station sera l’endroit le mieux relié du Royaume-Uni par le rail, la route et l’air, les clients pouvant rejoindre Londres Euston en 38 minutes seulement. Elle permettra des liaisons rapides aux centres-villes de Birmingham, Leeds, Liverpool et Manchester. La gare sera aussi reliée au National Exhibition Center (NEC), à la gare internationale de Birmingham et à l’aéroport de Birmingham par un système de navettes automatisé pouvant transporter jusqu’à 2.100 passagers par heure dans chaque direction. En plus de l’APM, la gare sera entièrement intégrée à d’autres bus locaux, taxis et véhicules privés.

Le fait de pouvoir aussi relier des équipements importants en périphérie, comme le NEC, montre que de vastes zones peuvent ainsi être reliées sans avoir besoin d’une voiture ou de taxi. Cela augmente la durabilité du projet. Cette gare diffère fondamentalement des projets concoctés en France comme TGV Haute-Picardie et Meuse-TGV, ou celle de Reggio Emilia perdue entre Milan et Bologne.

La gare d’échange elle-même sera composée de deux îlots de 415 mètres de long, offrant 4 façades de quai, ainsi que 2 voies centrales de passage à grande vitesse pour les services sans arrêt. La conception étudiée par Arup permet de diminuer le carbone incorporé grâce à une évaluation minutieuse du cycle de vie des principaux matériaux de construction et de leurs déchets fournis à la source, par le biais d’une analyse de l’efficacité des matériaux. Des technologies à haut rendement énergétique seront incorporées dans les éléments de la gare, telles que les pompes à chaleur et de l’éclairage LED. En outre, la gare et le centre de maintenance des navettes automatisées, également conçus par Arup, disposent de plus de 2.000 m2 de panneaux solaires produisant de l’électricité verte.

Le fait de diriger l’eau de pluie du bâtiment principal de la gare vers un réservoir de collecte des eaux de pluie permettra de couvrir une partie des besoins du bâtiment, ce qui réduira la demande. L’aménagement paysager prévoit de réduire la charge de drainage des eaux de surface par le biais de systèmes durables tout en irriguant de manière naturelle des zones plantées. De nouveaux habitats naturels seront créés autour de la station, ce qui favorisera la biodiversité.

Il y aura 222 points de recharge pour les véhicules électriques sur le parking, et un espace de rangement pour seulement 176 vélos, ce qui semble très peu, mais nous ne sommes pas à Utrecht ! Toutefois, un accès piétonnier réservé à la gare depuis l’est de la voie ferrée et de multiples pistes cyclables réservées permettront aux passagers de rejoindre la gare en toute sécurité et directement.

« Alors que la durabilité et la résilience deviennent de plus en plus cruciales dans les infrastructures de transport, ce prix BREEAM représente une étape importante pour la conception des gares et un pas en avant dans notre quête d’un chemin de fer plus écologique » explique Kim Quazi, lead Architect chez Arup.

Le site de la gare est aussi l’occasion, aux alentours, d’engager le projet urbanistique d’Arden Cross, qui est un plan directeur visant à permettre la livraison de 552.750 m2 d’espace commercial adapté aux occupants nationaux et internationaux, ainsi que 1.600 nouveaux logements, des commerces de détail et des équipements de loisirs complémentaires, un domaine public de haute qualité et un campus d’enseignement.

A notre avis, nous aurions souhaité que les parkings soient souterrains et qu’on bâtisse au-dessus des logements durables comme il y en a dans de nombreux éco-quartiers d’Europe, où les voitures n’apparaissent plus dans le paysage, mais sans les bannir.

Bien entendu, BREEAM ne reflète pas tout ce que nous pouvons faire sur un projet, car il s’agit d’une méthodologie environnementale. Il ne tient donc pas compte des améliorations apportées à l’emploi, à la richesse, au domaine public et à la société en général. Ajoutons que BREEAM est un élément tellement ancré dans la certification des bâtiments au Royaume-Uni qu’il est largement intégré dans les règlements de construction. Mais BREEAM est un instrument intéressant et très utile pour intégrer la durabilité dans les bâtiments dès le départ et pousser les promoteurs à réfléchir aux facteurs environnementaux.

On peut parier qu’ailleurs en Europe, d’autres gares récemment construites ou reconstruites pourraient aussi obtenir le label BREEAM.

Ces développements sont nécessaires en cette période dramatique de Coronavirus et d’arrêt de notre économie. Mais ce projet britannique nous montre aussi que de nombreux éléments durables peuvent aujourd’hui être compatibles avec la création de grandes infrastructures, contrairement aux adeptes de la décroissance qui proposent l’extinction de la créativité.

Le futur décarboné passe par une association du meilleur de l’écologie et des techniques de construction.

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Un nouveau job pour Westbahn : tractionnaire

Westbahn
(photo Michael Coghlan via flickr)

RegioJet et Westbahn, deux grandes compagnies privées en open access en Europe centrale, vont collaborer pour la traction des trains RegioJet qui relient Vienne, Brno et Prague quatre fois par jour. Westbahn sera responsable de l’exploitation de ces trains sur la section autrichienne située entre la gare centrale de Vienne et la gare frontière de Břeclav, en Tchéquie. Cela est dû à l’expiration du contrat en décembre prochain, entre Regiojet et le Graz-Köflacher Bahn, qui officiait jusque-là avec ses conducteurs. La poursuite du partenariat entre le GKB, qui était une société publique, et Regiojet, aurait échoué en raison de la structure des coûts. RegioJet a tout de même tenu a souligné que, « la coopération avec GKB a été extrêmement professionnelle et a contribué au succès général de ces trains ». En coulisses cependant, on faisait état de divergences concernant le futur de la coopération et des conditions d’exploitation ainsi que sur l’orientation stratégique, menant Regiojet à rechercher un autre tractionnaire qualifié sur le sol autrichien. À compter du 15 décembre 2019, Westbahn reprendra donc l’exploitation des trains RegioJet, et tant ses conducteurs que ses agents de bord seront responsables de toutes les tâches opérationnelles en vigueur sur le territoire autrichien.

Rappelons que Westbahn a prévu de restreindre ses services à un train par heure sur Vienne-Salzbourg au lieu de deux, et avait donc du personnel disponible. La société, qui revend son matériel KISS récent pour… en racheter du nouveau à de meilleures conditions financières, fait donc un peu ce qui se pratique en aviation : le prêt de personnel « naviguant ».

>>> Lire aussi : Westbahn vend ses KISS et …rachète des KISS !

Le privé autrichien et RegioJet coopèrent déjà en partageant un point de vente commun à la gare principale de Vienne. Par le biais de ses propres canaux de vente, RegioJet vend également des billets pour les trains Westbahn, qui servent de services de trains complémentaires de et vers d’autres villes autrichiennes, comme Linz ou Salzbourg.

Regiojet poursuit ainsi sa dynamique de croissance. Sur une base commerciale entièrement, RegioJet exploite des trains longue distance reliant Prague à Vienne, Bratislava, Košice, Brno, Ostrava et d’autres villes. Le privé tchèque opère quatre aller-retour par jour et propose des services dans quatre classes dans des rames de l’ex-ÖBB, dont les voitures sont restées immatriculée en Autriche. Contrairement aux CD Railjet de l’entreprise publique CD,  RegioJet exploite ses trains sans aucune subvention et ni subsides. L’occupation moyenne des trains est de plus de 80%. La société s’attend pour 2019 à une nouvelle croissance des bénéfices ainsi qu’une croissance de 10-15% du nombre de passagers.

 

Trains with no staff on board: an infinite debate …


22/14/2019 – By Frédéric de Kemmeter – Railway signalling and freelance copywriter – Suscribe my blog
(Version en français)
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It is commonplace these days to play the ‘safety card’ to go to an emotional appeal that could well sway the public to a particular point of view, regardless of the true situation. The unaccompanied train is an emotional theme because it is social, cultural and therefore political. Widespread comment has appeared in the national and local press, rail magazines, radio and TV programmes and indeed questions have been bandied on the political level about it. Let’s put things back in order.

It is thus necessary from the outset to distinguish the « unaccompanied » train from the driverless train. Those are two different things. The first refers to a train driven by driver alone, where there is no train guards on board for the service. While the second is a train without driver, like some automatic metros. We had already mentioned the subject of the autonomous train some time ago.

The question of the train guards is of a more social nature, and therefore more political. This is where the debate heats up. In addition to answering passenger queries, checking tickets and assisting passengers with mobility issues embark and disembark the train safely, train guards are trained in operational safety and route knowledge, including being able to secure the doors safely, protecting the train as well as taking actions in case of disturbances. This means that two people must necessary to run a train.

It has been a long time since the question arose as to whether two people are still needed on the local and low-traffic lines. But we also note that on lines with very large flows, where stops are frequent, as on suburban network, the staff on board becomes of little use. What must be deduced from all this?

Various reasons…

Unions have stated that independent enquiries following train crashes have highlighted the importance of on-board staff trained in evacuation procedures and protection. Safety is therefore the most important reason for keeping staff on board.

But there is of course a social aspect behind all this, which is not negligible. The presence of staff on board reassures, especially at the end of the evening with the last trains, especially in the suburbs of cities, where the female customers are never very comfortable to back sole at home.

But there is also, for the users, the fact of being in order. Often, there is the queue at the ticket office or the vending machine, and sometimes the machine is out of order. Customers arrive very often at the last minute. And when they do not have a ticket, they are happy to find someone on board to buy one.

The second point concerns employment: becoming a train guard does not require a major university degree or an MBA. The job is reaching by anybody, especially for those who do not have the ability to study extensively and who can benefit, at the same time, of a job more « social » by contact with people. This social aspect of the railroad must not be neglected, even if the first role of the railway companies is not to compensate for the inadequacies of the social policy of the State.

There are nevertheless motivations to no longer place train guards on board. Spit, insults, rebellion, some train guards no longer want to work on the sensitive lines or at certain hours of the evening, when the gangs of young people rage or that the violent drunkards finish the evening without knowing where they go. This phenomenon of society is obviously widespread in all public transport, whether in buses, trams and subways, whose stations are, in the evening, without staff. This sensitive issue gives us a double equation: how to protect both staff and users on evening trains?

Train without staff

Many networks are thinking of operating some trains with only the driver.

In Austria, in ÖBB at the long-term, local and regional trains should only have the driver on board, it was said in 2010 already. Brigades would go “randomly” on trains and check tickets. This is a bit of the meaning that we find in other countries. This is not the case yet.

In 2016, SNCB in Belgium had intended to provide unaccompanied trains on board. The project was definitively rejected this spring by the company. The train crew, however, had already noted with bitterness that there was no more personnel compartment on the Emus Siemens Desiro, that confirm a project that had already matured much earlier in the 90s and 2000s.

There are debates in continental Europe on the subject of rail concessions. Some transport authorities do not oblige operators to systematically place a train guard on board. Trade unions in several countries argue that there is a distortion of competition, because on-board staff is mandatory in state-owned companies, that makes the tenders given to the transport organizing authorities more expensive than private operators. It is interesting to note that bidders who make rail concession offers without staff on board are called Keolis, Abellio or Arriva. In other words, subsidiaries of public enterprises. Doing elsewhere what you can not do at home …

Yet the train with driver alone already exists. Mainly on small local lines that do not have large flows. On the other hand, German S-Bahn and some suburban rail networks in Europe do not have staff on board either. On these networks, stations often have access gates, which control tickets or access passes. The train with driver alone is far from novelty.

 

At Deutsche Bahn, announces made directly by the driver on some local trains (photo OPNV report 2017)

In Denmark, the state-owned railway company DSB started implementing one-man operation on the commuter rail service S-train in Copenhague, in 1975. However, it is a railway network similar to a metro, where some stations have access gates.

At the start of 2013 DSB also used one-man operated trains on the two small regional rail lines Svendborgbanen and Aarhus nærbane. Trains operated by the private company Arriva on Jutland’s single-track rural network have also been operated by a single agent since 2003. The small railway company Nordjyske Jernbaner, which runs in most of the sparsely populated areas of northern Denmark, uses also the ‘driver only operation’ system.

In France, in 2014, nearly 6,500 of the 15,000 trains were operating without train guards on board. It was the result of an organization that appeared in the 1980s in Ile-de-France. The people of Ile-de-France are already accustomed to random checks on the validity of tickets made in the trains or on the platforms by brigades of three or four controllers. SNCF had set up the EAS system, which means in french « équipement avec agent seul », only on TER, the french local trains, which obviously created a intense controversy.

On the ODEG, a private company around Berlin

In UK, DOO was negotiated in the 1980s. It is a Driver Only Operation. The driver is in sole charge of the train and is responsible for train movement control as well as door operation and the departure. It was first introduced on the Bedford – St Pancras route in 1982. It has been extended to other inner suburban routes around London and Glasgow and is now used on London Overground and Thameslink. On London Underground, DOO (known as OPO – One Person Operation) was introduced on the Circle and Hammersmith & City Lines in 1984 and was subsequently extended to all other lines by 2000 as a precursor to ATO on the lines referred to above. But concerning the subway, we do not really talk about the same thing, since the stations have access gates, so a real ticket control.

In the Netherlands, some local lines were granted in the 2000s to private operators. Arriva, Connexxion, Breng, Syntus and Veolia do not have a train guard, but an inspection brigade that travels occasionally. The NS public company, however, has kept its train guards, including on local trains.

A steward is however present on the Merwede-Lingelijn and the Vechtdallijnen of Arriva, for the verification of the tickets and the service. But recently, Qbuzz, who took over a local line at Arriva last December, can put fewer staff on board on his local trains. « We meet the requirements of the province », said spokeswoman Susan Zethof. « Train guards must be present on two-thirds of the trains, ie during rush hours or other peak periods. » There is no longer train guards during off-peak hours. It is interesting to note here that it was the provincial transportation authority, and not the mandated company, that take this decision.

On the future CEVA, the regional network of Geneva with its route in France, the driving since the french station Annemasse to Switzerland will be with driver alone, while on the French side the region will be free to choose and to negotiate with the unions, without consequences with Swiss practice. A beautiful demonstration of cultural differences. But that certainly suits the Swiss, who do not want to be held hostage by the French strikes as we saw in the spring of 2018. Each one with his social culture …

SNCB : curved perron at the station Bruxelles-Luxembourg. The train guard can’t see the whole train.

The fear of the accident

This thema comes up often. In a parliamentary session, the English union RMT recalled the « complexity of the old Victorian railway stations », with its beautiful and very aesthetic supports, but which prevents to see properly the whole length of a train. It is generally accepted that driver-only operation is possible on trains of limited length, or on networks where stations have closed access, as on some German S-Bahn.

But in both cases, as recalls a French union, nothing prevents someone from falling between the platform and the train. If the argument is legitimate, it seems curious. This fall problem also applies to … metros, in which there is never accompanying staff.

However, it must be remembered that metros are classified in light trains, and that they therefore obey less restrictive rules. The railroad is subject to much stricter rules, as « heavy railroad », and the evolution still increases the safety rules and societal change has further increased the safety rules, for fear of complaints and the strong consumer protection that is mostly the case in modern countries.

The technologies should make it possible, for example, to ensure that all the doors are closed before the train leaves. For example, using a single centralized screen. This is not the case on most rolling stock, where human visualization is still necessary. This induces the presence of a second person on board. Moreover, it is accepted by everyone that no system as sophisticated as possible can be 100% sure without failures. Many people forget that the human is also part of failures.

Evolution

Will technology change the job? Broad issue and varied answers. Ticketing on long-distance trains already has an application.

In 2017, Deutsche Bahn was conducting a ticketless inspection experience called « Komfort Check-in« . You simply must to confirme by mobile phone that you took his place and thus validated the ticket – without human control. The technology was tested on two routes Dortmund-Stuttgart and Stuttgart-Essen. These tests were run on long-distance train services, and did not undertake on regional and local trains.

By 2018, this service was available on all mainline trains. But this is primarily a digitization operation. By loading an app, which is required to obtain the service, Deutsche Bahn obtains valuable information about its customers and can « retain them ». The staff is always present on long-distance trains in Germany and fulfill other commitments.

Paradoxes and confusion

Globally, the disappearance of the crew on long distance trains is not on the agenda. But the question remains with regard to regional trains, whose networks have « open » stations, without access gates, ie most of stations and stops in Europe.

As told Chris Jackson from Railway Gazette, throughout the history of the railway, staff roles have evolved in the face of technical innovation and economic necessity, and management, unions and regulators must recognise the inevitability of change. George Bearfield, director of system safety at the UK’s Rail Safety and Standards Board (RSSB), believes that “some of the debate around the safety of DOO has really become confused and politicised”, which has not helped with “having a rational, objective view of risk”.

We have already seen trains canceled only because there was no staff on board, despite that the driver was effectively present to drive. These trains must then run empty to reach their original destination and return the train in the daily work schedule. A very big waste of public money and a disastrous picture of the railroad to the public.

On the other hand, citizens also have paradoxical ideas: they want staff everywhere, in trains, in train stations, at ticket offices, but they do not want this staff to be paid for just watching the trains go by or nothing to do because there is no customers to serve. So what ?…

More people pass through train stations and take the train. This certainly requires a lot more supervision in some of the busiest stations. The over-riding objective must be to ensure sufficient flexibility to deploy enough of the right people in the right places at the right time. It’s not easy…

 

References :

2009 – Zeit Online – Die armen, bösen Schaffner

2010 – Die Presse – ÖBB-Züge sollen wie U-Bahnen werden

2016 – Transportrail – Exploitation de CEVA : la confiance règne !

2016 – Rail Future/Jerry Alderson – Train staff duties

2017 – Railstaff – DOO – Analysed & Explained

2017 – Railway Technology – Driver-only trains and safety: what’s the big issue?

2018 – Spiegel Online – Komfort Check-in in allen ICE-Zügen verfügbar

2018 – The Independent – Train guards: what do they do and why are unions fighting to keep them?

2018 – AD.nl / Chantal Blommers – Conducteur verdwijnt buiten de spits op MerwedeLingelijn

2019 – Deutsche Bahn – Travel without ticket checks

 

 

Nightjet, la renaissance du train de nuit

24/03/2019 – Par Frédéric de Kemmeter – Signalisation ferroviaire et rédacteur freelance
(English version)
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Environ 100 millions d’euros, soit 17% du chiffre d’affaires de ÖBB Personenverkher, sont générés par les trains de nuit, lesquels arrivent même à réaliser ainsi un bénéfice. Voilà l’argument souvent avancé par les ÖBB quand ils doivent justifier leur politique des trains de nuit.

Étonnant mais bien réel. « Nous sommes convaincus que deux ans après la reprise du trafic des trains de nuit, nous avons pris la bonne décision. Nous avons donc été en mesure d’étendre les liaisons vers l’Allemagne deux fois de suite », rapporte le porte-parole des ÖBB, Bernhard Rieder. Voyons cela en détail.

Nightjet n’est pas une compagnie privée mais gère l’intégralité de son business, avec néanmoins une subvention de base, au prix du marché et sans obligation de service public. C’est donc une politique très différente de la France, bien en phase avec la culture alpine. En Autriche, point de ministre ni de chancelier qui se mêle des affaires ferroviaires ou de territoires, les ÖBB gèrent eux-mêmes leurs grandes lignes. Les trains de nuit autrichiens avaient déjà une bonne réputation avant le nouveau branding, la nouvelle marque. Laquelle s’inscrit dans la lignée des Railjets, l’autre branding qui rassemble tous les intercity de jour depuis 2005. Nightjet est ainsi une marque déposée appartenant à ÖBB Personenverkher, la filiale voyageurs du holding ÖBB. Munie de ses « Jet », et en l’absence de grande vitesse, l’entreprise publique autrichienne propose ainsi une offre unifiée et clairement identifiable, pour les Intercity de jour et les trains de nuit. Bien qu’apparent, les mot « ÖBB » est mis en retrait : on voyage en « Railjet » ou en « Nightjet ». Opération de charme réussie…

L’Europe n’y croit plus
En 2015, la Deutsche Bahn décidait d’abandonner ses City Night Line, trains équipés de voitures-lits et de voitures-couchettes. Représentant à peine 4% des trafics, avec 90 millions de ventes annuelles, le groupe allemand disait enregistrer une perte de 30 millions d’euros. Une polémique enflât plus tard sur la véracité de ces chiffres : les voyageurs de nuit en places assises étaient comptabilisés en « interurbains de jour », ce qui faussait la fréquentation. Toujours est-il que la politique de la Deutsche Bahn opta pour un recentrage stratégique vers son vaste réseau ICE et Intercity, malmené depuis la libéralisation des bus longues distances en 2013. Alors que l’Italie maintien encore quelques liaisons intérieures vers la Sicile, et opère sur Paris avec la filiale Thello, la Suisse ne semblait pas plus s’émouvoir : ses Zurich-Dortmund/Amsterdam et Zurich-Rome étaient déjà passés à la trappe. Le Chur-Zurich-Bruxelles-Ostende était un lointain souvenir de 2002. La préhistoire, va-t-on dire…

Nightjet prend aussi les autos dans 8 gares du réseau. Ici à Hambourg (photo Mediarail.be)

Reconstruire l’offre
« Wisst ihr eigentlich, was ihr da tut? – Savez-vous vraiment où vous allez ? ». C’est la question 1000 fois entendue par Kurt Bauer, le responsable du transport longue distance ÖBB. Ce jeune directeur ambitieux souligne immédiatement qu’il n’est pas nostalgique du train de nuit : « Je suis un économiste pur et dur », expliquait-t-il à Die Zeit en décembre 2017. « L’échec des allemands est une opportunité pour les ÖBB ». Comment se fait-il qu’une entreprise ruineuse pour la Deutsche Bahn devienne rentable pour les Autrichiens ? « En tant que chemin de fer de petite taille, nous devons également adopter des méthodes non conventionnelles » répond sobrement Kurt Bauer. Tout un symbole…

Face au géant Deutsche Bahn, la petite ÖBB bombe le torse à travers toute l’Europe centrale et alpine, et s’invite dans la cour des grands. Et comme Vienne, Zurich, Venise ou Budapest se trouvent un peu à l’écart de l’Europe de la grande vitesse et des flux intensifs façon Paris-Bruxelles, le train de nuit devient automatiquement une alternative dans une vaste région où il n’y aura probablement jamais de TGV.

Dans le reportage de la RTS (voir tout en bas), Kurt Bauer explique que sur 34 millions de voyageurs grande distance, 1,4 millions le sont seulement par train de nuit, mais ils fournissent 15 à 20% du chiffre d’affaire. « On ne peut dès lors tout simplement pas parler de marché de niche avec de tels résultats financiers » poursuit l’économiste de formation.

La flotte allemande des trains de nuit ne resta pas longtemps au chômage. Kurt Bauer récupéra ce qu’il restait de mieux des CityNightLine allemands et l’intégra dans la flotte destinée à ce qui s’appelait encore le réseau EuroNight. L’entrée des autrichiens sur ce marché fut cependant une action assez précipitée. Un test avait eu lieu sur l’EN 471 Hambourg-Zurich, concernant le service, le catering, etc. Concluant. Mais il fallu tout mettre sur pied en seulement quelques mois, ce qui représente la vitesse du son dans un monde ferroviaire habitué à la lenteur des décisions. Il a fallu mettre au point une nouvelle marque dynamique, une stratégie marketing décapante et de nombreuses nouvelles idées pour satisfaire les goûts du XXIe siècle. Un défi qui demande des gens d’expérience.

Les ÖBB ont donc investis 40 millions d’euros sous leur nouvelle marque ÖBB Nightjet en rachetant 15 voitures-couchettes et 42 voitures-lits allemandes, qu’ils rajoutèrent à leur propre parc roulant. Au total : 74 voitures-couchettes, 52 voitures-lits et environ 63 voitures places assises, soit 189 véhicules à repeindre dans la nouvelle livrée du concept Nightjet.

 

La maîtrise des coûts, clé de la réussite
C’est la base même en économie d’entreprise : la maîtrise des coûts quel que soit le service rendu. Bernhard Rieder, du service de presse ÖBB, raconte pourquoi les chemins de fer fédéraux autrichiens peuvent exploiter le train de nuit de manière très efficace : « Pourquoi nous pouvons offrir le produit Nightjet ? Nous travaillons nos Nightjet ‘à nos frais’. Et c’est aussi parce que nous pouvons le produire à un prix relativement bas. Notre concept est de regrouper des liaisons par coupons spécifiques (ndlr : groupe de voitures), puis de les réassembler. Nous pouvons donc créer beaucoup de liaisons à moindre coût. Bien sûr, ce sont les circuits les plus rentables qui sont choisis. »

Qu’on ne s’y trompe pas : 10 à 20% des coûts totaux d’un train de nuit, selon ÖBB, concerne les coûts d’infrastructure et d’accès aux gares. Contrairement à l’aviation, le rail paie la taxe sur l’énergie, la TVA de 19% sur les billets pour les liaisons internationales et est inclus dans le fameux droit d’échange d’émission CO2 !

Il fallu en plus régler un tas de problèmes, comme par exemple avec le chargement d’automobiles à Hambourg, qui causa trop de retards et des problèmes techniques avec certains wagons DDm. Pour « maîtriser le produit », l’entièreté de la flotte en entretenue à Vienne, au gré des roulements. Les services marketing travaillent à la maximisation du rendement, ce qui signifie que les prix varient en fonction de la demande, avec des prix plus élevés en été et à d’autres moins élevés hors saison.

Le service
Il débuta à l’horaire de la mi-décembre 2016. Les ÖBB devaient prendre en charge les trains de nuit allemands qui avaient été retenus. Certaines liaisons ne se sont donc jamais arrêtées comme on a pu l’entendre, comme entre Hambourg, Berlin et Zurich. « Le soir de la prise de contrôle, nous avons rapidement collé notre sticker ÖBB sur les voitures », explique Kurt Bauer,« puis nous avons tout de suite commencé. » D’autres liaisons, comme celles de et vers Amsterdam, disparaissaient du réseau de nuit…

Les ÖBB offrent pour chaque liaison un coupon minimum de trois voitures en trois conforts : voiture-lit, voiture-couchette et voiture à places assises. « Avec les itinéraires que nous abordons maintenant, nous pouvons même réduire nos coûts de production et, parallèlement, grâce à notre connaissance du marché, soutenir le produit en termes de publicité et de vente », expliquait Michael Braun en 2016. Nightjet répond ainsi à tous les segments de clientèle – et non « d’usager » -, depuis l’offre lowcost en place assise (39 euros sur un Hambourg-Vienne), jusqu’à la chambre individuelle avec douche et petit déjeuner inclus (189 euros pour un Zurich-Berlin). L’entreprise publique souhaitait également marquer des points grâce à l’amélioration de son service du petit-déjeuner, du transport des autos et des motos sur 8 des 15 liaisons, ainsi que des offres spéciales à bas prix sur les places assises. Manifestement réussi, dans la plus pure tradition Mitteleuropa.

Les voitures à places assises sont celles qui composaient les Intercity des ÖBB, dérivées du modèle VSE UIC Z avec ses compartiments à 6 places :

Si, si, il s’agit bien de la seconde classe, version autrichienne des fameuses voitures VSE et suite (photo wikipedia)

Les voitures-couchettes proposent des compartiments à six couchettes. Il est possible d’obtenir un compartiment entier à partir de 4 couchettes, pour une famille ou un groupe :

(photo wikipedia)

Les voitures-lits sont essentiellement du modèle Comfortline, un modèle décliné en Allemagne et dans tous les pays d’Europe centrale. Compartiments jusqu’à 3 lits, avec lavabo privatif. 4 compartiments sur 12 disposent en plus d’une douche et d’un WC privatifs, en catégorie dite Deluxe :

La traditionnelle voiture-lits avec ses cabines jusqu’à 3 lits. En ôtant la cloison, on peut obtenir une double cabine. 4 cabines sur les douze disposent d’une douche et d’un WC privatif (composition photos Mediarail.be/Nightjet)

On notera avec délices que l’une des toilettes en bout de voiture-lits contient… une douche. Mais chuuuut, ne le dites à personnes, c’est ouvert à tout le monde, y compris « ceux » des autres voitures adjacentes !

Dix voitures-lits double étage composent les trains Zurich-Vienne et Zurich-Berlin. Il s’agit des voitures qui firent la gloire de CNL au temps de la coopération – avortée rapidement -, entre les suisses, allemands et autrichiens. Reprises par la DB, elles sont maintenant aux couleurs de Nighjtet. Le clou est bien entendu ses cabines supérieures de luxe, avec douche et WC privatifs, ainsi que carrément un mini salon et une penderie :

La fameuse voiture-lits double étage de l’ancien CNL. Le must est la cabine de luxe supérieure, avec douche et WC privatifs ainsi qu’un petit salon (photos Mediarail.be)

 

Une autre vue de la cabine de luxe (photo Tycho via wikipedia)

Il faut le savoir, mais les voyageurs en voitures-lits ont accès aux huit lounge des ÖBB en Autriche, dont bien-sûr celui de la gare centrale de Vienne. Une fois embarqué à bord, en guise de ‘bonus de bienvenue / bonne nuit’, les voyageurs en voiture-lits ont droit à un véritable service hôtelier. Il y a d’abord une bouteille de Piccolo Più frizzante Corte delle Calli, « un vin pétillant blanc frais et acidulé, avec les notes fruitées, idéal pour accorder le voyage ou le laisser disparaître » dit la pub. Il y a ensuite le petit sac à ‘goodies’ délicatement posé sur la tablette ou sur le lit déjà fait selon l’heure de départ, et contenant pantoufles, bouteille d’eau, boisson aux fruits, stylo Nightjet,… et un menu !

Les incontournables goodies, uniquement en voiture-lits (photos Mediarail.be)

Le petit-déjeuner est un des musts de la compagnie : le catering coûte cher mais il semble apprécié. Un petit-déjeuner sans gluten est également proposé sur réservation préalable. Le petit-déjeuner est inclus dans le prix des places en voiture-lits. Il est constitué d’un menu d’une trentaine de choix dans lequel il faut cocher 6 préférences, qui vont du thé vert, du yaourt aux fruits et aux céréales, aux petits pains et au fromage bio des monts de Salzbourg. La carte dûment cochée est remise la veille à l’accompagnateur avec le billet, et lendemain vous recevez votre plateau garni… Selon un ancien accompagnateur de voiture-lits, ce système met fin à l’interminable interview qui prenait des heures dans les City Night Line de jadis. On le comprend…

Le petit-déjeuner en voiture-lits, le réveil du matin (photos Mediarail.be/Nightjet)

Le petit déjeuner en voiture-couchettes est aussi disponible mais il est plus simple : une boisson chaude et deux pistolets avec confiture.

Du personnel privé
Dans les Nightjet, entreprise publique ne signifie pas personnel cheminot. C’est Newrest Wagons-Lits qui officie à bord, avec des accompagnateurs dotés d’un uniforme appellé curieusement « sound-of-music », allez savoir pourquoi… La majorité des 350 personnes qui officiaient jusqu’en 2016 chez European Rail Service (ERS), sur les trains de la Deutsche Bahn, n’ont pas fait le choix d’aller chez Newrest Wagons-Lits Austria. Le salaire serait plus bas et les conditions de travail revues selon une nouvelle législation autrichienne, en vigueur depuis juillet 2017. Selon les sources, pas toujours faciles à dénicher, le salaire de départ chez ERS avoisinait les 2.400 euros bruts pour le personnel de bord (source Stern), contre 1.900 euros chez Newrest (source AMS). Mais c’est diffcile à confirmer. Toujours est-il que la structure de salaire ne fonctionne qu’avec le système d’assurance sociale autrichien, où il n’y a pas de cotisations d’assurance maladie et où, pour les travailleurs peu rémunérés, la pension correspond à 90% du dernier salaire net.

Newrest a racheté Wagons Lits en 2010 et est certifiée ISO 9001 et 14001. La société est responsable de l’approvisionnement des trains, de la préparation, de la gestion et du stockage de tous les produits nécessaires au bon fonctionnement des services à bord et au confort des passagers. Newrest Wagons-Lits offre ainsi aux opérateurs ferroviaires une chaîne de services complète et cohérente : achats et gestion des stocks, chargements et déchargements synchronisés des produits, contenants et matériels, service de diagnostic et de contrôle avant le départ des trains.

Dans les Nightjet, Newrest déploie ce qu’il appelle son personnel mobile, qui comprend :

  • le zugführer qui effectue l’inspection des billets, la vente des billets, la répartition du train, ainsi que des tâches techniques ferroviaires (test des freins, manœuvre, attelage des trains, mise sous tension 15kV, service catering, le remplissage de formulaires, le contrôle et enregistrement de l’équipe de train, …etc.)
  • les housekeeper sont véritablement ceux qui font le service en voiture-lits et voiture-couchettes. Ils sont responsables de la préparation des compartiments, du nettoyage intérieur des trains, du service petit-déjeuner, de la vente de nourriture et boissons, du réaménagement des lits et de la sécurisation des autos et motos là où le service auto existe, etc.

Ce personnel est généralement en pause de 23h00 à 5h00 et loge dans un compartiment de voiture-couchettes qui sert de local de service. Remarqué par votre serviteur, l’ensemble du personnel vient donner un coup de main en voiture-lits pour le service petit-déjeuner.

Un réseau centré sur l’Autriche
Serait-ce le retour de l’ancien Empire ? On ne s’appelle pas ÖBB pour rien ! Vienne redevient le centre de la Mitteleuropa ferroviaire, croisement majeur entre l’ensemble Pologne/Tchéquie/Hongrie et le « bloc Adriatique » Croatie/Italie, sans oublier l’arc Alpin avec la Suisse. Avec ces flux convergents, on observe ainsi chaque soir à la gare centrale de Vienne, la toute nouvelle Hauptbahnhof, pas moins de sept départs Nightjet :

  • 19h23 : NJ 233/232 Vienne-Rome et Vienne-Milan via Villach (dégroupé à Tarvisio)
  • 19h40 : NJ 468 Vienne-Strasbourg-Paris Est, un train de nuit très attendu ne circulanr cependant que trois fois par semaine en attendant davantage de matériel roulant;
  • 20h13 : NJ 40490/50490 Vienne-Amsterdam et Vienne-Bruxelles (horaire de décembre 2021, ces 2 trains étant en fait nés séparément en 2020)
  • 20h41 : NJ 490/40490 Vienne-Düsseldorf et Vienne-Hambourg (dégroupé à Nuremberg)
  • 21h27 : NJ 466 Vienne-Zurich et Vienne-Venise (dégroupé à Salzbourg avec apport des voitures venant de Budapest et Prague !)
  • 22h10 : NJ 456 (l’ancien ‘Chopin’), Vienne-Berlin et Vienne-Varsovie via Breclav (dégroupage à Bohumin)
  • 22h55 : NJ 446, l’unique train intérieur, Vienne-Bregenz (au bord du lac de Constance)

S’y ajoute les vendredis d’été à 20h01, l’ARZ (TAA avec autos) NJ 1237/1239 Vienne-Livourne. Concernant l’Autriche, les seuls coupons qui évitent la grande capitale sont :

Enfin, à l’origine, Nightjet exploitait l’unique paire qui ne concerne pas l’Autriche est le NJ 470 Zurich-Berlin/Hambourg, l’un des plus rémunérateurs de toute la liste. Depuis décembre 2021, un autre train non-concerné par l’Autriche est le NJ 402 couplé avec un IC de nuit 60402 géré par la Deutsche Bahn.

Expansion en Europe
Nightjet n’a pas abandonné pour autant ses voisins. Un réseau de partenaires complète encore l’encrage de la Mitteleuropa, en menant ses voitures-lits jusqu’à Varsovie, Budapest, Rijeka et même Zagreb. C’est ainsi que Zurich, seule ville Nightjet de Suisse avec Bâle, obtient par le jeu des « coupons », des voitures directes vers Zagreb, Graz, Vienne, Budapest et même Prague, qui « se baladent » de trains en trains dans des horaires acceptables.

La liste complète des Nightjets de la « saison 2021/2022 » ainsi que leur composition est disponible sur cet excellent site tchèque.

Le système des coupons de voitures est une pratique de longue date aux chemins de fer. Les ÖBB y font abondamment appel. Un des grands lieux d’échange est Salzbourg, où s’opère du groupage/dégroupage des trains Munich-Italie/Croatie avec ceux de et vers Budapest (hors concept Nightjet). Les voitures Budapest-Munich ou Vienne-Zurich stationnent ainsi deux bonnes heures à Salzbourg. Mais comme c’est la nuit… En Allemagne, le Zurich-Berlin/Hambourg est dégroupé dans une ‘rangierbahnhof’, une gare de triage, celle d’Hildelsheim, au sud d’Hannovre. Tous ces horaires détendus permettent des rattrapages confortables en cas de pépins mais aussi d’éviter de débarquer à destination à 4h du matin sur les trajets courts…

Dans les trains Vienne – Zurich et Zurich – Berlin, Nightjet utilise les 10 fameuses voitures-lits à deux étages, qui ont été livrées à City Night Line CNL AG en 1995 par SGP et Talbot. C’est d’ailleurs la même rame qui fait les deux trains selon un roulement de 4 jours :

  • Vienne – Zurich
  • Zurich – Berlin
  • Berlin – Zurich
  • Zurich – Vienne

Après quoi la rame retourne en atelier pour entretien.

Des résultats
Six mois après sont lancement en décembre 2016, près de 600.000 billets avaient déjà vendus, dont ceux de votre serviteur. Andreas Matthä déclarait alors en avril 2017 que les trains de nuit à destination de l’Italie et de la Croatie avaient déjà très bien réservés pour l’été 2017 et « qu’il fallait se dépêcher » pour obtenir encore des billets. Finalement, l’année 2017 se termina avec près de 1,4 million de passagers. En cette première année pleine d’exploitation, les ÖBB avaient augmenté la part du chiffre d’affaires généré par les trains de nuit de 17 à 20% et parlait d’une activité rentable. En février 2017, Kurt Bauer, un responsable du transport longue distance des ÖBB, déclarait lors d’une audition parlementaire allemande qu’il était possible de gagner de l’argent avec les trains de nuit.

« Les liaisons entre Munich et Vienne à destination de Rome, mais aussi la liaison Zurich-Hambourg sont particulièrement bien réussies » rapporte Bernhard Rieder, du service de presse ÖBB. Forts discrets sur les trafics liaisons par liaisons, « pour cause de concurrence » -, on sait néanmoins que la liaisons Zurich-Berlin (couplée avec Hambourg) est la plus remplie : 200.000 voyageurs par an. Ce train est même complet certains jours de fin d’année… L’année 2018 voyait 1,6 million de clients fréquenter trains bleus de la compagnie autrichienne. 

Et pour la suite ?
Kurt Bauer aime les anglicismes comme ‘efficacité’. Il parle de ‘maquettes’ et de dessins pour l’intérieur d’une voiture-couchette nouveau style que le studio de design londonien Priestmanngoode a conçu pour ÖBB, où on aime montrer qu’on a de l’ambition, avec la diffusion en 2016 d’un mockup au siège social de l’entreprise à Vienne, avant même l’apparition des Nightjets. Préparer l’avenir pour faire face à quelques critiques d’aujourd’hui. « Le train de nuit n’est ni le moyen de transport le plus rapide ni le moins cher, mais certainement le plus sophistiqué », rappelle Bauer. Constamment rechercher un business model économique, qui tienne la route, au contraire de certains groupes politiques qui recherchent les prix bas à travers le service public.

Un mockup au siège social des ÖBB (photo ÖBB, facebook)

En août 2018, les ÖBB signaient avec Siemens Mobility un accord-cadre global portant sur plus de 1,5 milliard d’euros, et les premières commandes des ÖBB concernent 21 rames d’une valeur d’environ 375 millions d’euros, dont rames 13 Nightjets. Au passage, les ÖBB font œuvre de patriotisme industriel (involontaire ?), puisque la seule usine Siemens produisant les voitures de gamme Viaggio en Europe se trouve… à Graz. Si on s’en tient aux images 3D, on y voit des trains totalement redessinés, comme ces astucieuses couchettes individuelles et ces lits placés longitudinalement.

Ce que devrait être une cabine en voiture-lit d’ici 2022 (photo ÖBB, facebook)

Côté réseau, cela bouge d’année en année. Depuis décembre 2018, un nouveau coupon transite de train en train entre Berlin et Vienne via… la Pologne et la Tchéquie. En 2021, tous les véhicules destinés à l’Italie devront avoir des systèmes d’extinction incendie supplémentaires dans les véhicules, ce que n’ont pas les Nightjets actuels. En 2022, les premières rames de Siemens Mobility devraient être mises en service. Avec 100 véhicules, Nightjet couvre 7 liaisons, ce qui signifie des jeux de chaise musicale au sein de la flotte, avec une priorité des nouveaux véhicules sur l’Italie, vu les contraintes incendie.

Côté réseau futur ? On « parle » de Copenhague, mais surtout d’Amsterdam, autre pôle touristique majeur d’Europe. Mais Kurt Bauer veut d’abord s’assurer de l’économie des liaisons actuelles. Pas question de faire à perte. Les ÖBB ont d’ailleurs déclaré que les projets vers la France ne faisaient pas partie de leurs priorités en raison de la situation délicate des horaires, des gares parisiennes et des redevances SNCF Réseau dissuasives.

Côté allemand, les coupons vers Hambourg, Dusseldorf et Berlin sont complets, ne permettant plus d’en rajouter un autre, vers Amsterdam. Les néerlandais des NS auraient plusieurs fois demandé de créer une liaison depuis les Pays-Bas. « Cela implique de carrément créer un nouveau train avec de nouveaux coupons », explique Bauer, qui rappelle les prix élevés en Allemagne qui dissuadent pour le moment de créer un Danemark-Munich combiné à un Danemark-Bâle. « On veut aussi que le partenaire de destination soit solide », argumente-t-il. Enfin, côté tarification, Bauer rappelle benoîtement que tous les réseaux n’ont pas la même définition de ce qu’est un enfant, ce qui rend problématique la création d’une politique sociale homogène !

Enfonçons le clou : sur le site Back-on-Track, Kurt Bauer pense que vendeurs indépendants comme Trainline seront plus importants à l’avenir (comme ils le sont pour les compagnies aériennes). « Les entreprises nationales devront à l’avenir s’en tenir aux tickets nationaux. » développe-t-il. Quand on vous parlait de culture Mitteleuropa

>>> Voir notre page avec ses nombreuses vidéos de trains de nuit

Articles similaires :

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Quel avenir pour nos trains de nuit ? L’Europe a enquêté

Références

RTS Suisse – Le retour du train de nuit pour limiter le réchauffement climatique ?

2016 – VCO Magazin 2016-14 – Österreich braucht mehr Öffentlichen Verkehr

2016 – Mediarail.be – Couchettes du futur grâce aux ÖBB ?

2016 – Der schienenradler/Daniel Kortschak – ÖBB-„nightjet“ – der Nachtzug der Zukunft

2016 – ÖBB – Facebook page

2017 – Pieter Neumann/Berliner Zeitung (traduction Vincent Doumayrou) – Train de nuit : l’opérateur envisage de nouvelles liaisons

2017 – Kununu.com – Newrest Wagons-Lits Austria GmbH Erfahrungsbericht

2017 – Die Zeit/Stefan Schirmer – « Wisst ihr eigentlich, was ihr da tut?

2017 – Joachim Holstein – Die Nachtzüge wieder auf die Schiene bringen

2017 – Eisenbahn blog – Warum der Nachtzug als Konkurrent zum Tagverkehr gesehen wird?

2018 – Travel News.ch – Die marke nightjet soll zum synonym für nachtreisen werden

2018 – Mediarail.be – Oui au train de nuit : les ÖBB signent pour 91 voitures…

2019 – Manager-magazin.de – Der neue Boom der Nachtzüge

2019 – Rail guide Europe – Nightjet: 17 Lines of Night Train Awesomeness

Photos : https://commons.wikimedia.org/wiki/Category:Nightjet?uselang=de

From everywhere to everywhere. The future clock-face schedule in Germany

Every hour, at the same time, all over Germany! People travel more often by train if the service is correct. Key elements are intelligent and coordinated trains connections in train stations.

Half of the long-distance travelers in Germany use local transport on their journey to reach their destination. This means that one should not focus solely on the main lines traffic. What is the point of a trip from Buxtehude to Cottbus, with an ICE between Hamburg and Berlin at 230 km/h, if the traveler must to wait more than three quarters of an hour on the platform for connection? So there would be no clock-face schedule in Germany?

Not the same requirements

In reality, the clock-face schedule is operated on two separate commercial segments. The first concerns long-distance traffic entirely managed by Deutsche Bahn and its many ICEs. Since 1979, Deutsche Bahn has been offering connections every hour between the big German cities, with the success we all know. So far, the idea was that few long-distance travelers would take a local train to continue their journey. This is the principle of air travel.

Long distance customers do not have the same needs as regional commuters (april 2018, Berlin-Hbf, photo Mediarail.be)

The second segment is the local traffic: it is not the same customers. Deutsche Bahn managed – and still manages – this traffic separately, without paying too much attention to long-distance segment travelers. The main argument that is often defended is that local customers have other expectations compared to long-distance customers. It is therefore necessary to construct timetables adapted to school hours, offices, etc.

The networks that have adopted the clock-face schedule have shown that it favors connections and that it increases traffic, as in the Benelux countries or in Switzerland. The Lander have also built a clock time schedule on the regional segment, adapted to the requests of their customers. What is problematic is the coincidence between the arrival of the long-distance Intercity and the immediate connections with the local trains. In some cases, there is a gap of 20 to 40 minutes, which is dissuasive for the long-distance traveler.

All regional or local lines do not necessarily have one train per hour (photo Schnitzel_bank via license flickr)

From everywhere to everywhere

Associations have taken up this problem of connections between long-distance trains and local traffic. In 2008, the VCD (Verkehrsclub Deutschland), an environmental association, as well as other German associations, founded the « Deutschland-Takt » initiative (literally the « German clock »). The future of transport in Germany is becoming clearer every day: more inhabitants tomorrow means more trips and a carbon footprint that must absolutely be controlled. For this growth of travel to be sustainable, we must move the population as much as possible towards trains services. But the rail network is not able today to absorb this growth.

The concept: adding long-distance traffic (fernverkehr), various regional Lander traffic (nahverkehr) and freight flows (Güterverkehr)

In 2015, the project is taken seriously. A study by the Federal Ministry of Transport concludes that a clock-face schedule in Germany is possible. The report states that this concept will increase the number of connections and reduce the total duration of journeys. The German clock time schedule is to make the railway system more attractive for a large number of people by means of tailor-made synchronization of the network in passenger rail transport. The trains must be running at regular intervals, for example every 30 or 60 minutes, and go to each hub stations in Germany. They leave after a short time to avoid waiting and transfer time too long. This connected network multiplies the connections and therefore the attractiveness of the railways. In rail freight transport, the introduction of an clock time schedule should allow for greater train path availability. Enak Ferlemann, Secretary of State at the Ministry of Transport, conveys the vision of the federal government for the year 2030 and told Die Welt: ‘The railway will have state-of-the-art trains, be on time, will no longer produce greenhouse gas emissions and will offer much better supply than today, especially in metropolitan areas.’ In theory…

 

Le concept d’horaire cadensé, en graphique…

To take the realities into account

The clock-face schedule is not a miracle pill. Current realities of the infrastructure and the reliability of the trains also count for a lot. At the moment, the German rail network can count on nearly 1000 worksites per day. Punctuality is catastrophic: less than 70% of trains arrive on time while Deutsche Bahn has already set a rate of 85% for years. Only one on six ICE initially works without technical problems (toilets or air conditioning down, no restaurant, missing car, bad maintenance, faulty reservation system, etc.). It is the CEO of the DB, Richard Lutz, who says it. Added to this is a growing number of « non-railway » incidents, such as theft of cables or people along the tracks. Whereas rail traffic is paralyzed, highways do not have these problems. And the citizen knows it: with the Waze app, the citizen is able to bypass incidents and traffic jams…

These negative elements strongly degrade the clock-face schedule, since the schedule is no longer respected. Except in one case: when the local traffic is composed of a train every 15 minutes, the delay of an ICE is « less serious ». But such local traffic only exists on regional high-traffic lines, around big cities like Düsseldorf, Frankfurt, Berlin or Munich. For lower traffic lines, the Lander build generally schedules with one train per hour. In this case, the delay of an ICE is much more problematic. In the best case, the local train is waiting for the latecomer. But it irritates the local commuters who suffer a delay that does not concern them!

In large cities, the amount of S-Bahn does not pose a problem of connections (Berlin-Hbf, photo Mediarail.be)

At the political level, the Lander are responsible – and pay – for local train traffic. They are very attentive to the quality of the service and the punctuality provided by their operators. They do not intend to « pay » for the setbacks of the national DB by delaying « the trains of their own voters », as recalled by a fiery regional minister.

Moreover, the question arises of which compensation that should be paid when local operators, ready to leave and perfectly on time, are ordered to wait for an Intercity late. These details are not regulated everywhere in the same manner. It is true that the question also arises in the opposite direction. Should an Intercity wait for a local train late? On another scale, we know that buses often wait for trains, but that trains never wait for buses late because they paralyze the tracks …

Upcoming improvements

Improvements for a clock-face schedule involve infrastructure solutions and the adoption of digital tools. This is what Enak Ferlemann recalls: ‘The construction of new tracks is expensive, the approval process is long and faces fierce resistance from the inhabitants.’ Putting more trains on existing tracks ‘means that current control and safety technology of signalization needs to be replaced by electronic systems, which means that trains can travel at shorter intervals, allowing for more dense traffics. Therefore, the railways must be digitized section per section. It is expected that it will increase rail capacity by 20%. I think it’s too optimistic. If we reach 10%, it would be good.’ says the Secretary of State.

The other part is the reliability of the trains, denounced by the CEO of the DB. Digital tools can help. But they cannot solve all problems encountering either. Team management in the workshops will have to be adapted, which is often a problem at the social level.

The clock-face schedule can obviously extend to urban transport and local buses. That becomes a large public transport organized and connected. But how to deal with incidents of only one operator of the chain? That’s the whole question. The concept of Mobility As A Service (MaaS) should be an help. But the MaaS presents in real time only what is actually operational and available. This is not a problem around the big cities, where service offers are plentiful. In case of incident, we can fall back on other choices. This is not the case in less urbanized areas, where the offers would remain weaker, MaaS or not.

The clock-face schedule is in any case part of the BVWP 2030 government plan. 41.3% of the projects are for rail transport and alone represent around € 109.3 billion. Which is considerable. It is no longer a question of engaging in sumptuary spending, but to upgrade the rail network.

The rail part of the BVWP 2030 plan. In red, urgent needs in infrastructure rehabilitation… (photo BMVI)

Deutsche Bahn, meanwhile, must put pressure on quality and operating costs. It has lost 27% of regional traffic over the last decade, to other companies that can make the train cheaper and more efficient. The DB faces a vast shortage of train drivers. The job maybe have to be upgraded but without creating billionaire employees, which would have an impact on the ticket prices. Digital tools will also be able to evolve the whole sector, such as semi-automated driving, predictive maintenance, traveler orientation and mobile service offerings.

Regarding the latter theme, Secretary of State Enak Ferlemann wonders: ‘Of course, passengers want a door-to-door service, so a complete chain of transport. The question is whether Deutsche Bahn has to offer a complete offer, from the train to the bike and the rental car. Or if the company should focus only on its core business and if other operators could take over the last few miles.’ The federal government’s job will be to ensure that the interfaces work perfectly when changing means of transport. A huge challenge …

 

References

Die Welt : Jetzt soll der „Deutschland-Takt“ die Bahn retten

The BVWP 2030 plan

Deutschland-Takt – Immer gut verbunden

Infrastruktur für einen Deutschland-Takt im Schienenverkehr

https://deutschland-takt.de/

VVO online

 

Berlin/Brandenburg : six railway enterprises and many projects

(Version en français)

More space, more comfortable trains, faster and better connections, for passengers, Berlin-Brandenburg’s new transport plan includes many projects that will improve passenger rail transport in the years to come.

On 4 October 2017, the Lander of Berlin and Brandenburg signed with Deutsche Bahn AG the framework agreement « i 2030 » for the development of rail transport in Berlin and Brandenburg. This step becomes concrete because the national parliament deliberates on the supplementary budget and thus on the financing of the first measures.

The time for cancellations is over. The 2018 rail traffic plan provides for an additional 10 million train kilometers in the next ten years. In other words, we will make more connections, put more trains on the rails, develop infrastructure and improve the quality of service. We do not just want to make a bigger but better offer, with a better bus and train service, a wireless LAN on trains and more accessibility. To achieve all this, we need to invest in the infrastructure that we have already developed. The new plan is an important step to the implementation of the 2030 mobility strategy.’

Rail transport in the Berlin region.

The greater Berlin area consists of two Lander: Berlin and Brandenburg. The VVB is the transport organizing authority (AOT) covering the two Lander.. It is a private limited company owned jointly by the states of Berlin and Brandenburg (with one third each) and the 18 counties and cities of Brandenburg with 1.85% each. It was founded on 30 December 1996. VBB is one of the largest transport associations in Europe based on the area covered of 30,367 km² with nearly 6 million inhabitants. Common ticketing was launched on 1 April 1999 on a 27.561 km network including :

– 499 km of tram

– 146 km of underground

– 557 km of S-Bahn and

– 3.461 km of regional trains

This network, which also includes 906 bus lines, transported in 2017 nearly 1.47 billion, or 4 million passengers per day.

One the 16 KISS trainsets from ODEG at Berlin-Schönefeld (photo Frank Paukstat via licence flickr)

Like in London, the entire network is shared by many railway companies, including the legendary S-Bahn:

– Deutsche Bahn (DB)

– S-Bahn Berlin (DB subsidiary)

– MRB

– Hanseatische Eisenbahn (HANS)

– NEB

– ODEG

The i2030 project

So far, the Lander development plan, the public transport plan and the draft mobility strategy have not been sufficient and, above all, insufficiently ambitious targets for the quality of regional rail transport between Berlin and the Brandenburg cities. However, the Berlin-Brandenburg Capital Region is developing very dynamically.The number of commuters is increasing. The additional rail service orders have repeatedly exceeded the limits of the infrastructure. In the Berlin-Brandenburg region, several extension projects have been launched, such as the extension of Karower Kreuz or Dresdner Bahn. But more needs to be done.

In order to launch the necessary planning processes, the Land of Berlin and Brandenburg have signed a framework agreement with Deutsche Bahn AG in October 2017 for an infrastructure development concept called i2030. This agreement plans to study and develop eight lines:

  • Berlin-Spandau-Nauen
  • Tramway de Potsdam
  • Prignitz Express / Velten
  • Nordbahn / Heidekrautbahn
  • RE1
  • Berlin-Dresde / Rangsdorf
  • Berlin-Cottbus / station Königs Wusterhausen
  • Élimination des goulots d’étranglement et développement du réseau S-Bahn (par exemple, Wannsee-Griebnitzsee).

The Brandenburg Ministry of Transport has drawn up a list of 80 projects for which the Land wants to invest 36 million in the current 2018 budget. This shows the importance of regional power in German transport.

Most of the measures are aimed primarily at implementing accessibility and expanding cycling and hiking options as well as parking options. At peak times, the capacity must also be increased on several lines. The measures provided for the new 2018 transport plan are adapted accordingly. The share of the alone Land of Brandenburg in regional and suburban railway traffic in 2017 achieves 35 million train-kilometers. Traffic will be increased by 10 million train-kilometers over the next 10 years.

Dmu Talent Bombardier VT 565 from NEB, another rail operator of the VBB (Berlin-Wannsee, photo Frank Paukstat via licence flickr)

Other improvements of the transport offer are still under study. The implementation of these measures will increase the performance of approximately 2 million train kilometers from 35 to 37 million over the next two years. From December 2022, additional offers and decreases of travel times are planned.

Beyond project i2030

Beyond the Berlin suburban network, extension by new tracks is necessary. The Federal Government and Deutsche Bahn AG are involved in projects that improve traffic conditions in the rural areas of the capital region.

Funding

Various instruments are available to finance the projects. The use of public funds should be increased gradually. With the reorganization of regionalization funds decided in 2016, the Lander have financial security until 2031. From the mid-2020s, spending will increasingly exceed the available regionalization funds. Therefore, others funds for public transport will have to be used.

The same goes for investments in infrastructure, such as the extension of railway stations or the construction of P + R car parks. Since 2013, the State has used a considerable part of what is called unbundled funds for that investments. The Public Transportation Act was revised in 2017, and unbundled funds will no longer be provided directly by the federal government from 2019. The new policy contains provisions and adaptations necessary to help counties and cities become « municipal » public transport authorities.

The objective of transport policy is to continue to promote investment in public transport from 2020. In 2018, 36 million euros will be spent on 80 projects. For example, the reconstruction of Cottbus station, two new bus stops in Brandenburg on the Havel and a new Park and Ride car park in Tuckow. Additional funds will be made available to the transport authorities for the implementation of accessibility in trams, buses and transit stops. This helps to facilitate entry and exit in vehicles for people with reduced mobility.

Reconfiguration de la place de la garede Cottbus (press photo)

Other measures are added to this panel. Berlin is crossing the border and extending its services to Poland. The expansion of cross-border rail traffic beyond the Oder River is also part of the projects. But it does not end only in the transport sector.

Living near train stations

The development of new towns and neighborhoods along the railway lines is also planned, which is new. Finally, housing is associated with transportation. It also supports an affordable urban development and housing strategy, the development of city centers and station environments. The surroundings of Berlin have developed dynamically. The Falkensee / Brieselang region is one of the most promising areas. The particularly fast connection to regional traffic in Berlin’s city center, which has been built since the mid-1990s, has clearly played the role of growth driver for the city and the entire region.

The clear majority of citizens of Brandenburg live – unlike many Berliners – not in villages, but in small or medium-sized cities, ie in urban and peri-urban structures 20 or 40 minutes from the capital. More than 2.45 million people in the state of Brandenburg live in this type of urbanization, which represents 80% of the population. This is why urbanization is part of a larger plan that combines the i2030 public transport project.

With its projects, Berlin is trying to upgrade face to major German cities such as Frankfurt or Munich. We will have the opportunity later to see in detail the promising development of this region.

The legendary S-Bahn of Berlin, today a subsidiary of DB, at Berlin-Ostbahnhof (photo Schnitzel Bank via license flickr)

 

Suisse : vers une révision de la politique ferroviaire ?

Le 12 juin 2018, l’Office fédéral des transports (OFT) a rendu sa décision de concession relative à l’exploitation du trafic grandes lignes (TGL) ferroviaire dès fin 2019. Les CFF obtiennent la majeure partie des lignes et l’intégralité du réseau Intercity tandis que le BLS se voit octroyer une concession pour deux lignes Interregio. Cela fait des vagues, mais il y a des raisons à tout cela. Analyse.

Qui gère quoi ?

Pour rappel, la Confédération détient, par l’intermédiaire de l’Office fédéral des transports (OFT), le droit exclusif d’accorder des concessions pour des grandes lignes voyageurs, il revient donc à l’OFT de trancher. Les CFF n’ont pas de « concession à vie » pour l’exploitation du rail, comme on le croit à tort. Des renouvellements de concessions devaient avoir lieu pour le nouvel horaire 2018, pour 10 ans, avec des changements de statut de certaines lignes. Car il y a de l’argent là derrière, beaucoup d’argent.

La Suisse octroie en effet des subventions sur des lignes dites « régionales et locales », mais pas pour ce qu’on appelle les « grandes lignes » Intercity, qui sont donc non-subventionnées et « auto-financées », comme on dit là-bas. Depuis toujours, ce réseau grandes lignes est exploité en monopole par les seuls CFF, avec la qualité qu’on leur connait. Or, le fait de verser certaines lignes régionales vers le statut « grande ligne » signifie de facto la fin des subventions pour les tronçons concernés. Premières crispations, car il s’agit d’un report des charges de l’État vers le rail dans le cadre d’une politique de baisse des investissements.

Second problème : début 2017, le réseau privé BLS a « été encouragé » à pouvoir exploiter dès 2018 lui-même cinq lignes Intercity. Pourquoi ? Parce que le BLS veut développer son réseau RegioExpress, sorte de RER autour de Berne. Or, pour le financer, le BLS a besoin en échange de lignes Intercity rentables. C’est là toute la colère des CFF car l’OFT, indépendant du pouvoir politique, n’a pas dit non à cette ouverture, ce qui « ouvre la boîte de pandore » selon ses détracteurs. Les CFF ont tenté de négocier avec le BLS pour conserver leur monopole. Ces négociations ont capotés l’été 2017. Litige consommé. L’OFT avait alors renoncé à trancher l’année dernière, estimant qu’il avait besoin d’analyses supplémentaires. Dans la foulée, la concession expirante des CFF était prolongée de deux années, jusqu’à fin 2019, afin d’assurer la continuité du système.

La décision

C’est donc cette fameuse décision définitive qui a été prise ce mardi 12 juin, l’OFT confirmant que deux lignes – somme toute mineures – passaient en concession au BLS, et non plus aux CFF, provoquant une agitation peu ordinaire dans la très calme Confédération. Les CFF avaient entretemps tentés de monter les cantons contre l’OFT, en contactant des responsables politiques et en menaçant les cantons de divers report d’investissements, de suppressions possibles d’emplois, de fermeture d’atelier ou de non extension de l’horaire cadencé en soirée. En bref, des pressions qui n’ont pas été du goût de tout le monde.  Selon la Tribune de Genève (1), les CFF font également pression par le biais des services. Ils ont annoncé en septembre dernier qu’ils refuseraient d’améliorer les lignes régionales déficitaires si des lignes rentables Intercity leur étaient retirées. Ambiance…

Côté politique, contrairement à la France ou la Belgique, il n’est pas dans les habitudes là-bas d’interpeller directement le ou la ministre des transports. Au niveau fédéral, « on » n’a ainsi pas voulu commenter davantage ce litige CFF/BLS, en insistant que c’est du ressort exclusif de l’OFT, un organe indépendant et seul responsable de l’octroi de concession aux chemins de fer. La décision serait donc une procédure purement juridique. Pour quelle nécessité ?

Revitalisation

Un rapporteur du parlement fédéral constate que le simple fait d’être à peine confronté à la concurrence a déjà provoqué un changement de cap des CFF. «  Pour la première fois depuis des années, ils promettent une véritable réduction tarifaire [ndlr : les billets dégriffés…]. Ils veulent être plus puissants – comme le Wi-Fi gratuit dans les trains, qu’ils avaient catégoriquement refusé auparavant (2). Ils utilisent le SOB [ndlr : une autre compagnie privée], comme partenaire sur la ligne de faîte du Gothard, qu’ils avaient auparavant négligés pendant des années (3). Et ils réduisent leur appareil administratif au siège pour devenir plus efficace (4) », rapporte le ‘Bundeshausredaktor’ Andreas Valda (5). Concernant l’attitude des CFF, l’auteur n’est pas tendre : « En ce moment, ils se comportent comme un petit enfant, qui devrait être mené avec une sucette. Ils défient, ils menacent et ils trompent. Les CFF font de leur cause une affaire pour tous les cantons. (…) La décision ne concerne que 2% du réseau longue distance (…) Mais les chemins de fer fédéraux suisses en font un grand drame. Ils menacent de poursuites judiciaires et entravent les lignes directrices de la politique. » Un autre observateur pointu de la scène politico-ferroviaire note un changement de cap fédéral : « Fini le régime d’exception, les CFF sont désormais logés à la même enseigne que les autres entreprises. » Du coup, les CFF mettent les bouchées doubles pour « sécuriser » tout ce qui peut l’être, comme le trafic avec l’Italie (6), craignant que la souris BLS ne devienne à terme – avec la SNCF comme actionnaire – un éléphant dans le juteux magasin des lignes Intercity et internationales.

Ce changement de paradigme provoque bien entendu de la fièvre côté syndical, sans pour autant bloquer les trains et ni sombrer dans l’idéologie comme c’est la coutume dans d’autres pays que nous ne citerons pas. « La proposition de l’OFT n’est satisfaisante pour aucune des entreprises ferroviaires concernées », écrit le SEV dans une lettre parvenue à la rédaction de La Tribune de Genève. « Au nom de nos membres, nous vous prions instamment et urgemment de quitter le registre judiciaire et celui des menaces et de revenir à la table des négociations.», peut-on y lire (7). Du côté de Transfair, un syndicat du personnel des secteurs publics, on « demande aux acteurs d’accorder la plus haute importance aux risques pour le personnel éventuellement concerné par des transferts et de préparer les mesures qui s’imposent. » (8) Diable ! Le tableau idyllique souvent évoqué à l’étranger prend soudainement d’autres couleurs. D’autant qu’il s’accompagne là-bas d’un combat inédit de hautes personnalités qui s’affronteraient sur le fond de la politique ferroviaire (9).

Du côté de l’OFT, les arguments avancés visent avant tout les contribuables, lesquels « économiseront des dizaines de millions de francs, avec le transfert de certaines lignes du trafic régional subventionné au trafic grandes lignes non-subventionné. Des économies de la Confédération et des cantons estimées à 75 millions de CHF par an », selon le communiqué de l’Office.

Mais pourquoi tout cela ?

Ce tohu-bohu plutôt inédit en Suisse vient de haut. La politique souhaite en effet comprimer les subventions allouées aux transports publics et faire « participer de façon accrue » les utilisateurs au financement desdits transports. Des politiques qui en rappellent d’autres en Europe. La fin du « fleuve d’argent ininterrompu » a donc aussi atteint le royaume du rail et montre ainsi que la petite Suisse n’est pas une île à l’écart des grands questionnements. À cause du « cancer libéral » comme le dénonce un peu vite certains ? Pas vraiment…

C’est que depuis 1995, et jusqu’en 2011, l’entretien du réseau ferré aurait été insuffisant pour des raisons de priorité donnée au célèbre projet Rail 2000, issu d’une votation populaire. Mais votation ou pas, il fallait faire payer cette politique audacieuse. En 2015, le quotidien Le Matin titrait «Trop de pannes: les CFF ont manqué dix objectifs sur quinze en 2014 ». L’article détaillait que « Les CFF ont notamment échoué dans les domaines de la qualité, de la disponibilité du réseau et de la productivité, (selon) le rapport sur la convention de prestation entre les CFF et la Confédération. ». (10) En clair : la priorité Rail 2000 et ses coûteuses infrastructures est remise en cause. Dans le même temps, la pression politique s’est accentuée pour rétablir la situation, ce qui rappelle les critiques similaires en France sur la politique du tout TGV « oubliant » le réseau classique.

Reste que c’est paradoxal. Le peuple demande – par votation – de grands travaux d’extension de capacités pour Rail 2000, puis se rend compte que ça ne suit pas au niveau de l’entretien du réseau existant. Alors quoi ? La Suisse a peut-être vu trop grand. Rail 2000, deux grands tunnels à milliards, du matériel roulant en masse à renouveler, et maintenant une mise à niveau du réseau ferré, l’argent ne tombe pas du ciel et les limites auraient été atteintes pour la petite Confédération, malgré tous les artifices financiers, les votations populaires et… un secteur bancaire florissant. Avec un constat : les petits villages se vident malgré tout, les camions encombrent toujours le Gothard, les embouteillages de Zürich sont endémiques et les transports publics, de qualité, restent néanmoins trop coûteux pour le citoyen lambda.

La Suisse est confrontée à plusieurs défis : protéger les Alpes, maintenir un semblant de vie dans les villages de montagne, accéder aux plus hauts critères climatiques et… absorber la croissance démographique, qui impacte sur la quantité des déplacements. Tout cela demande peut-être une politique différenciée de ce qui se faisait jusqu’ici, avec une nouvelle répartition des subsides et du poids à faire supporter par le citoyen. « L’affaire CFF/BLS » n’est donc qu’une partie de ce puzzle. Côté financement, l’association des transports publics UTP/VOEV écrit qu’il n’est pas certain que les pouvoirs publics puissent continuer à financer la moitié environ des coûts des transports publics. Le budget fédéral devrait certes être plus ou moins équilibré les années à venir: selon le plan financier actuel, la Confédération pourra augmenter les fonds pour le trafic régional de 1,5 % par an jusqu’en 2016. Cette hausse ne suffira cependant pas à couvrir les besoins croissants en matière de mobilité. Par ailleurs, les prévisions sont particulièrement peu optimistes en ce qui concerne les budgets cantonaux. En effet, alors que certains cantons peinent aujourd’hui déjà à indemniser toutes les offres commandées, ils vont être toujours plus nombreux à devoir réaliser des économies.(11)

En attendant, au nouvel horaire de mi-décembre 2019, le nouveau paysage ferroviaire grande ligne sera d’application…

(1) La Tribune de Genève – 07/06/2018 : Face à la concurrence, les CFF menacent les cantons

(2) Ndlr : la volte-face des CFF sur ce sujet est l’objet de critiques et de quolibets en Suisse, où d’aucuns voient un manque de visibilité et des décisions prises en urgence pour appâter les politiciens…

(3) Les CFF sont entièrement orientés sur la gestion du nouveau tunnel du Gothard, et ne se préoccuperaient plus vraiment de la gestion de l’ancienne ligne et du premier tunnel

(4) Suisse/CFF : RailFit20/30, un plan qui réduit les coûts mais aussi le personnel, mais aussi : Suisse / CFF : rattraper le retard en faisant mieux avec moins

(5) Tages Anzeiger – 06/06/2018 : Die SBB sollten nicht tricksen, – Andreas Valda

(6) La Suisse veut sécuriser son trafic international

(7) La Tribune de Genève – 21/05/2018 : «Les CFF et BLS doivent s’asseoir à la table des négociations»

(8) Transfair  – 07/07/2017 : Pas de concurrence artificielle au détriment du personnel

(9) Le Matin Dimanche : Trois mâles dominants s’affrontent dans la bataille du rail

(10) Suisse / CFF : rattraper le retard en faisant mieux avec moins

(11)Union des Transports Publics L’avenir du transport régional